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ENQUÊTE H ôpitaux N°95 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2015 64 La logistique, un remède aux maux du secteur hospitalier Le secteur hospitalier est soumis à une forte pression budgétaire. Ce contexte freine l’émergence de grands projets mais incite les initiatives visant à réaliser des gains de productivité. Sans oublier les besoins accrus en matière de traçabilité. ©SPOTMATIKPHOTO-FOTOLIA

Supply Chain Magazine 95 - Enquête Hôpitaux

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ENQUÊTEHôpitaux

N°95 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 201564

La logistique,

un remèdeaux maux du secteur

hospitalierLe secteur hospitalier est soumis à une forte pression budgétaire. Cecontexte freine l’émergence de grands projets mais incite les initiativesvisant à réaliser des gains de productivité. Sans oublier les besoins accrusen matière de traçabilité.

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Sylvie Bourden,

Senior Manager chez VinciConsulting

L’hôpital est endetté. « Le déficit en2014 représente plus de 400 M€.Aucune amélioration n’est atten- due en 2015 », déclare GeorgesSalem, DG de Swisslog. Finie

l’ère où les projets menés dans le sec-teur hospitalier pouvaient dépasser lesbudgets préalablement définis. L’heureest à la rigueur budgétaire et l’atten-tion accordée aux R.O.I. est maximale.« Les restrictions budgétaires ont pourconséquence un ralentissement desprogrammes d’hôpitaux neufs. A l’in-verse, les établissements sont en quêted’économies et mènent des réflexionssur leurs organisations logistiques susceptibles de générer des gains enmatière de ressources humaines et destructure », révèle Thierry Prevot,Directeur de Prologue Conseil. Le planHôpital 2007-2012 a favorisé le déve-loppement de nombreuses plates-formes logistiques, la mise en œuvre desystèmes d’information hospitaliers etlogistiques (WMS). Désormais, l’atten-tion porte davantage sur le parcours desoin (informatisation du dossier médi-cal, etc.) ou sur les achats (voir encadrépage 68). Néanmoins grâce à la créa-tion des Groupements Hospitaliers deTerritoires (voir encadré GHT page 66),les professionnels du secteur anticipentl’émergence de projets de mutualisa-

tion, notamment des fonctions logis-tiques. En revanche, ces mutualisationsinter-établissements sont impensablespour les pharmacies en raison de laréglementation qui interdit leur éloi-gnement des unités de soin de plus dequelques centaines de mètres.

L’ère des robots : pour préparer…

Quoi de neuf ? « Le programme natio-nal Phare (Performance hospitalièrepour des achats responsables) a étélancé en octobre 2011 par la DGOS(Direction générale de l’offre de soins).Un plan d’action logistique s’y estgreffé l’année dernière. Celui-ci s’arti-cule autour de 4 thématiques : optimi-sation des stocks dans les services desoins et dans les magasins centraux,amélioration des approvisionnementsexternes (fournisseurs), actions trans-versales (formation, pilotage) », décritThierry Prevot. La sécurisation du cir-cuit du médicament étant un sujetd’actualité, les projets de robotisationpour la préparation des médicamentssont légion. Certains d’entre eux per-mettent de réaliser une dispensationnominative (voir interview page 74).« L’Allemagne, d’un niveau équivalentà celui de la France, a déclaré l’annéedernière plus de 19.000 morts dus àune mauvaise dispensation médica-menteuse. La dispensation nominativeest donc un enjeu extrêmementimportant et pourtant peu de circuitsmédicamenteux sont sécurisés. Hélas,compte tenu des restrictions budgé-taires, les projets ont du mal à voir lejour », regrette Georges Salem. Sécuri-sation totale du circuit rime avec tra-çabilité à la maille du médicament, cequi est encore loin d’être le cas (voirinterview page 70) en dehors des pro-duits pour lesquels ce suivi unitaire estobligatoire (dérivés du sang, dispositifsmédicaux implantables, etc.). « Lesrobots DJIN (dispensation journalièreindividuelle et nominative) coûtenttrès chers et les hôpitaux ne disposentpas toujours des budgets nécessaires.Néanmoins, ils réservent souvent uneplace pour eux dans la PUI (pharma-cie à usage intérieur) lors de la cons-truction d’une nouvelle plate-forme.Un calcul économique est très impor-tant pour vérifier que les gains de pro-

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Thierry Prevot, Directeur

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GeorgesSalem, DirecteurGénéral

de Swisslog

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ductivité générés lors de la préparationne sont pas perdus par le temps dechargement des robots et leur mainte-nance », avertit Sylvie Bourden,Senior Manager chez Vinci Consul-ting. En outre, les hôpitaux s’équipentde robots de préparation à la boite pourtraiter les demandes globales des ser-vices de soin.

… et pour transporterLe transport automatique a aussi le venten poupe. Les AGV (Automated GuidedVehicules) assurent le transport de l’en-semble des flux : médicaments, fourni-tures hôtelières, repas, linge, archives etdéchets. Très structurants pour l’orga-nisation des flux internes, ils sont unsujet incontournable lors de la cons-truction d’un nouvel établissement. LaFrance ayant été précurseur en matièred’équipement AGV, beaucoup d’établis-sements sont en cours de renouvelle-ment de ces systèmes (voir encadrépage 69). « Les nouvelles technologiesd’AGV sont plus souples en termes decircuit, d’autonomie et de périmètre detransport. Les AGV sont capables dedélivrer au plus près des unités de soinet à l’intérieur des locaux de destina-tion », indique Thierry Prevot. Les pro-jets de transport pneumatique, moinsonéreux, sont aussi en progression. Cemode de transport est particulièrementadapté aux petits objets comme les pré-lèvements. « Le laboratoire du CHU deLille, où nous avons installé 18 kmd’installation pneumatique, reçoit enune matinée environ 2.500 envois desdifférents services. L’hôpital peut ainsiobtenir en quelques minutes les résul-

tats d’une analyse sanguine », se féli-cite Georges Salem.

Pas une plate-forme, des plates-formes !

La quasi-totalité des CHU est dotéed’une plate-forme et d’un WMS (voirpage 71). Les périmètres sont enrevanche très variables. La pharmacien’y est en effet pas systématiquementincluse. Le magasin hôtelier (horsmédical) pilote fréquemment ce sujet.« Le nouveau Centre Hospitalier de Bel-fort-Montbéliard dispose d’une plate-forme logistique, située à proximité dunouvel hôpital, regroupant les activitésde blanchisserie, cuisine, pharmacie, lemagasin et les déchets. A Toulouse, laPUI et le magasin sont sur le mêmesite, permettant ainsi de regrouper lesflux pour distribuer les différents éta-blissements. La stérilisation et la cui-sine sont sur des sites différents »,illustre Sylvie Bourden. Les CH ne sontcependant pas tous équipés de plate-forme, la taille ne le justifiant pas tou-jours. Cela ne les empêche pas demanifester des signes d’intérêt crois-sants pour les WMS, a minima pourgérer le stock du magasin.

Les WMS élargissent leur périmètre

En raison du contexte financier et régle-mentaire, le WMS est le bienvenu pourbaisser les niveaux de stock, améliorerl’efficacité de la distribution et dévelop-per la traçabilité. L’environnement a sen-siblement évolué ces dernières années.« Le marché s’est mieux positionné etpropose désormais des solutions plusadaptées au contexte hospitalier à desprix en phase avec les budgets », estimeSylvie Bourden. A-Sis, KLS et Savart &Michel sont des éditeurs de référencepour ce marché de niche. « Nous avonscréé Pharmalog en 2011, une versionspécialisée d’Hospilog conçue pour lespharmacies, une réponse techniquementet financièrement très adaptée à des éta-blissements type CH. L’outil étant pré-paramétré, les délais d’installation sonttrès rapides », détaille Thomas Tschin-schang, Directeur Commercial de KLS.Même point de vue chez A-Sis, qui com-mercialise LM CH Pack depuis 2013, uneversion allégée et plus compétitive deson WMS LM. Pré-paramétrée, elle intè-

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ThomasTschinschang,

DirecteurCommercial

de KLS

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Grégory Lecaignard,

Product Manager chez A-Sis

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Les GHT, sourcede nouveaux projets logistiques ?

L’article 27 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, adoptépar l’Assemblée Nationale le 14 avril 2015, prévoit à compter du 1er janvier 2016la création des groupements hospitaliers de territoires (GHT) qui succéderontaux communautés hospitalières de territoire (CHT). Il mentionne que « Chaqueétablissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l’offre de soins régionale, est partie à une convention de groupement hospitalier de ter-ritoire […] Le GHT assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissement ». Les établissements « support » assureront un certain nombre de fonctions pour lecompte des établissements parties au groupement telles que les achats, les acti-vités administratives, logistiques, techniques et médicotechniques. Ces GHT pour-raient donc être à l’origine de projets logistiques… ■ BS

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gre en standard les fonctions spécifiquesà l’hôpital. Par ailleurs, les WMS éten-dent leur terrain de jeu au-delà desportes de l’entrepôt… et ce, jusqu’auxblocs opératoires. « Nous distinguonstrois niveaux : la plate-forme ; la PUIavec des problématiques différentes (dis-tribution à la boite ou nominative, rétro-cession, etc.), des moyens logistiquesplus restreints et des interfaces avec deslogiciels métiers plus nombreuses ; lesstocks tactiques c’est-à-dire les stocksdans les unités de soin (blocs). Nousavons récemment mis en place à Mont-

pital. Le brancardier reçoit sur sonsmartphone un ordre de transport, luiassocie le numéro du patient en scan-nant son bracelet ainsi que l’objet utilisépour le transporter (fauteuil roulant,etc.) », évoque Grégory Lecaignard.

La logistique gagne en popularité pas à pas

Malgré une légère évolution des men-talités, tout n’est pas rose. Les pharma-ciens manifestent davantage d’intérêtpour la logistique mais le phénomèneest encore loin de se généraliser. La

La mutualisation : levier de réduction des coûts d’achat

Le Resah-IDF (Réseau des acheteurs hospitaliers d’Ile-de-France) compte 149 adhérents. A l’occasion de sa dernière assemblée générale, il a déclaré 21,3 M€ de gains sur achat en 2014, soit une économie moyenne de 4,5 % duvolume achat mutualisé traité. Le Resah en a aussi profité pour annoncer la miseen œuvre d’une politique d’achat commune dans les GHT (voir encadré page 66) en 2015. C’est dans ce cadre qu’il a lancé, avec le soutien de l’ARS(Agence régionale de santé) Ile de France, le programme Perf’achat. « Celui-ci viseà accompagner le déploiement du volet « achats-logistique » des futurs GHT fran-ciliens et à aider les établissements de la région à atteindre la cible de gains surachat qui leur a été fixée par le plan Ondam 2017 (311 M€) ». Le Resah a récem-ment ouvert la participation à ses campagnes d’achats groupés aux établisse-ments non franciliens pour les segments d’achat non couverts par une offrerégionale. C’est ainsi qu’il a passé en octobre 2014 « le plus gros marché nationald’électricité à ce jour, réunissant plus de 500 établissements de santé et médico-sociaux pour un volume d’achat d’électricité de 1,2 TWh/an ». Ce marché devraitfaire gagner plus de 11 M€ aux établissements bénéficiaires. En outre, le Resahappartient au groupement d’achat européen Happi (Healthy Ageing Public Pro-curement of Innovations) constitué de 7 centrales d’achat (Royaume-Uni, Bel-gique, Italie, Luxembourg, Autriche, etc.). ■ BS

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pellier la première gestion des blocsautomatisés avec une dizaine destockeurs rotatifs », confie ThomasTschinschang. Lorsque les plates-formessont éloignées des unités de soin, desfonctions de type TMS sont aussi exi-gées par les établissements. Ceux-ci sou-haitent suivre la distribution au seinmême des unités fonctionnelles. Reste la difficulté d’associer les produits aupatient… « Nous proposons dans notreoffre des fonctions déportées au sein del’unité de soin permettant d’associer leDMI [ndlr Dispositif Médical Implanta-ble] à un numéro de patient. Par ailleurs,on nous demande de plus en plus degérer les stocks déportés dans les ser-vices », précise Grégory Lecaignard, Pro-duct Manager chez A-Sis. Des demandesplus atypiques sont aussi faites aux édi-teurs. « Un client nous a demandé d’in-tégrer au WMS une fonction pour gérerle transport des patients au sein de l’hô-

priorité est le patient et la fonctionlogistique reste secondaire dans lasphère hospitalière. Elle gagnera ses let-tres de noblesse en démontrant sonaction bénéfique « in fine » pour lepatient. Les établissements sont parexemple très friands de méthodes detravail visant à décharger le personnelsoignant des tâches logistiques (Kanban,etc.). Les gains de temps générés peu-vent ainsi être mis au profit des patients.Une page de l’histoire de la logistiquehospitalière reste à écrire ! ■

BRUNO SIGUICHE

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Cécile ParentIngénieure Logistique au CH René-Dubos à Pontoise et membre

de la Commission Logistique Hospitalière de l’Aslog

Vers une professionnalisation de la logistique« Profitant de l’ouverture d’un nouveaubâtiment en 2009, j’ai déplacé le magasinhôtelier du 3e sous-sol vers un local, situédans un bâtiment de soin, équipé avec dumatériel logistique approprié (palettiers,engins de manutention, etc.). La PUI(Pharmacie à Usage Intérieur) est situéejuste à côté et dispose du même matériel.Elle est par ailleurs dotée de deux robotsde stockage (Arx Rowa) de médicamentsen boite et utilise le logiciel Pharma. Notrelogiciel de gestion économique et finan-cière actuel dispose d’un module intranetde demande mais ses fonctionnalités degestion d’entreposage et de traçabilité sontextrêmement limitées. Je vais donc inclureun projet de WMS en parallèle de l’étudeplein vide souhaitée par la Direction etdont l’opportunité de démarrage sera vali-

dée en octobre. J’ai également repris l’in-tégralité du transport qui était auparavant

réparti entre différents services. Le CH dePontoise est doté d’un système de trans-port automatique lourd (AGV), le premierAGV date de 1978 et l’automatisationcomplète de 1998 (dix AGV à ce jour pour10.512 transports par mois). Deux sys-tèmes assurent le transport de l’ensembledes flux (pharmacie, magasin hôtelier, stérilisation, restauration, blanchisserie,déchets) et relient les unités de productionaux unités de soin de deux bâtiments. Jetravaille actuellement sur un projet derenouvellement du système le plus ancien.En outre, nous avons remplacé en 2006l’équipe de coursiers par une solution detransport pneumatique. A terme, je sou-haite que la logistique prenne en charge la« logistique d’étage » pour décharger lepersonnel des unités de soin. » ■ BS

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Frédérique FrémontIngénieure en organisation - Cadre administrative du Pôle Médico-Technique et Gestionnaire

des Consultations Externes du C.H.I Robert Ballanger (à Aulnay-sous-Bois)

« Nous avons gravé toute notre instrumentationdu bloc opératoire et des services de soins »

Le CHI Robert Ballanger nous avait déjà ouvert ses portes fin 2011. Plus de 4 ans plus tard, que s’est-il passé ? Le pro-jet de marquage individuel du matériel a tracé sa route et de nouveaux sujets ont vu le jour (WMS, plein vide, etc.).

Supply Chain Magazine : Vous vous êtesengagés depuis plusieurs années dans un projet de marquage individuel des instruments chirurgicaux. Où en êtes-vous aujourd’hui ?Frédérique Frémont : En 2011, nous noussommes heurtés à une difficulté logistique.Pour le gravage des instruments chirurgi-caux, nous envoyions à l’époque un lot quinous revenait une semaine après. Tant quenous étions sur des boites d’instrumenta-tion en nombre suffisant pour des inter-ventions courantes, tout se passait bien. Al’inverse, ce temps d’attente d’une semainedevenait problématique pour des instru-ments en quantités plus réduites. Mais unenouvelle entreprise (Mnext France) s’estimplantée en France. Des employés deladite société se sont installés directementdans nos locaux avec un laser et unemachine à micro-percussion permettant degraver des DataMatrix aux standards GS1.Le circuit est ainsi devenu beaucoup plusfluide. En 2013, nous avions gravé toutenotre instrumentation utilisée en bloc opé-ratoire et en service de soins. Dans nosappels d’offre, nous indiquons clairementque nous souhaitons acheter prioritaire-ment des instruments gravés.

SCMag : Qu’en est-il du marquage unitaire des DM (DMS, Dispositifs Médicaux Stériles et DMI, DispositifsMédicaux Implantables) ?F.F. : Compte-tenu de la multitude d’au-tres projets menés (mise en œuvre de notreWMS, plein vide, etc.), nous avons pris du retard sur le sujet. La mise en place dela traçabilité unitaire des DMI au bloc opératoire suppose une refonte de notrefichier article avec une ressaisie de tous lescodes-barres. Nous sommes encore enpériode d’expérimentation et prévoyons delancer cette année un pilote en grandeurréelle sur la cardiologie interventionnelle.

SCMag : Quand avez-vous mis en place

votre WMS et quel périmètre couvre-t-il ?F.F. : Nous disposions d’un nouveau maga-sin pour les DM avec des stockeurs rotatifs.Nous avons installé le WMS Gildas Hospi-log (de l’éditeur KLS) pour le magasin géné-ral et les DM. La partie DM est opération-nelle depuis septembre 2012. Ayant ren-contré de grandes difficultés d’interfaçagepour la partie magasin général, celle-cin’est véritablement opérationnelle quedepuis mars 2015. La partie médicament esttoujours gérée sous Pharma (notre ERP).Nous avons été le premier hôpital à êtreintégralement équipé d’armoires robotiséesde la marque Pyxis dans les services desoin. Le réapprovisionnement se fait sur labase des consommations réelles. A la phar-macie centrale, en revanche, la préparationest réalisée manuellement dans des rayon-nages anciens. Nous souhaitons doncl’équiper de stockeurs rotatifs et dyna-miques mais, étant donné le blocage actueldes investissements, ce projet ne verra pasle jour avant 2016. Tant que la logistiquedu médicament en interne ne sera pas plusindustrialisée, nous n’intègrerons pas lesmédicaments dans le WMS.

SCMag : Fin 2011, 45 % des prescriptionsétaient informatisées. Vous évoquiez à l’époque un projet visant à scanner les produits à l’unité délivrés par les infirmières aux patients. Qu’en est-il ?

F.F. : 100 % des prescriptions sont infor-matisées. S’agissant du deuxième sujet,l’association des pharmaciens européenstente de collaborer avec les fournisseurspour favoriser les conditionnements uni-taires. Mais le sujet n’est pas simple carcette initiative représente des investisse-ments colossaux pour les laboratoires phar-maceutiques, en particulier si l’on souhaitey introduire des données dynamiques(numéro de lot, etc.). Afin de réduire lesmontants d’investissements, je suis parti-sane dans un premier temps de lancer desessais en intégrant seulement des donnéesstatiques (identification du médicament etde la dose). Nous pourrions aussi nouscharger de reconstituer à l’unité les médi-caments mais il me semble que le recondi-tionnement en doses unitaires ne relève pasde la responsabilité des pharmaciens hos-pitaliers. Par ailleurs, ce report de chargefinancière serait difficilement supportablepour les hôpitaux dont les moyens restenttrès inférieurs à ceux des laboratoires phar-maceutiques.

SCMag : Quels sont vos autres projets ?F.F. : Nous installons un robot (Beldico),alimenté en vrac, qui constitue des doseshebdomadaires par patient. Ces prépara-tions seront utilisées par notre antenne àla maison d’arrêt de Villepinte, ainsi quepour les soins de suite [ndlr : moyenséjour]. Les traitements étant généralementlongs et peu variables dans les deux cas.L’objectif est de recentrer le personnel dela pharmacie sur des activités hospitalièresà plus forte valeur ajoutée. Dans le mêmeregistre, la logistique a repris la gestion descommandes des blocs opératoires, depuis6 mois environ, afin de dégager du tempspour les infirmières. Par ailleurs, nous met-tons actuellement en place le plein videpour les DM et le magasin général. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR

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Le CHU Amiens-Picardie soigne sa logistiqueUne plate-forme regroupant l’ensemble des flux y compris les médicaments. Un WMS pour orchestrer le tout. Unepharmacie équipée de robots de stockage et de préparation. Un arsenal d’AGV pour assurer le transport des flux.La logistique du CHU Amiens-Picardie s’est refait une santé !

Le projet du nouveau CHU Amiens-Picar-die d’une surface de 122.000 m2 a été

l’occasion de repenser intégralement lalogistique. « La plate-forme logistique, pre-mière étape de la construction du nouveauCHU, a été conçue dans le cadre d’un pro-jet mono-site », introduit Romain Thorel, encharge de la logistique de la plate-forme.Cette nouvelle construction réunit 4 sitesauparavant dispersés sur l’ensemble del’agglomération. L’essentiel des services adéjà été transféré. L’hôpital Nord est encoreen fonctionnement jusqu’en 2016 pour 9 services ; seul l’établissement de longséjour en ville est conservé. Chacun de cessites disposait de sa propre pharmacie et lesflux inter-pharmacies étaient nombreux.C’est dans ce contexte de recherche d’éco-nomies d’échelle qu’un projet logistiquemajeur a vu le jour. « Un logisticien en

charge du projet a été recruté fin 2010.Nous avons ensuite choisi un WMS. 2011et 2012 ont été consacrées à l’analyse fonc-tionnelle du logiciel, aux tests d’interfaçageset à l’achat d’équipements. Fin 2012, nousavons procédé au chargement de la plate-forme, qui a démarré en février 2013, avecles DMS (Dispositifs Médicaux Stériles) etsolutés massifs pour la pharmacie et lesproduits des magasins. La pharmacie de laplate-forme a pris en charge les médica-ments de l’ancienne pharmacie du site Suden octobre 2013, puis l’ensemble de l’ap-provisionnement en médicaments à l’au-tomne 2014, au moment de l’arrivée desservices de soins sur le nouveau CHU.Parallèlement, nous avons mis en place lesystème plein-vide pour les DMS et pro-duits du magasin dans les unités de soinspour optimiser la gestion de leur stock et la

Romain Thorel, en charge de la logistiquede la plate-forme du CHU Amiens-Picardie

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commande », détaille Christine Vantyghem,Pharmacienne chargée de Logistique Phar-maceutique.

L’ensemble des flux gérés sur la plate-forme

Cette plate-forme d’une superficie totalede 10.000 m2 regroupe les flux des pro-duits pharmaceutiques, du magasin cen-tral, de la lingerie, de la stérilisation et desdéchets. L’activité de blanchisserie est enrevanche sous-traitée à l’extérieur. Lapharmacie (2.500 m2) est un point d’an-crage dans la plate-forme logistique. Lacréation de cette dernière s’est accompa-gnée d’une révolution informatique. Lechoix du WMS s’est porté sur l’éditeur KLSpour des raisons économiques, d’adapta-tion aux besoins et d’accompagnement. « L’analyse fonctionnelle est la phase critique. Les choix faits à ce moment-làfigent les organisations futures. Nousavons défini chaque organisation et l’en-semble des interfaces avec nos nombreuxlogiciels métiers. L’implication du phar-macien est indispensable. Celui-ci doitparfaitement maîtriser les fonctionnalitésdes logiciels », met en garde Christine Van-tyghem. Et d’ajouter à propos des facteursclefs de succès : « Un fonctionnement entrio entre l’informatique, la logistique et lapharmacie est une clef du succès. Le sou-tien et l’implication de la direction ont étédes éléments moteurs dans la réussite denotre projet. Sans oublier l’humain : étantdonné l’importance du changement, nousavons organisé régulièrement des réunions

au cours desquelles nous expliquions aupersonnel les changements, répondions àleurs craintes, etc. Nous avons formé lepersonnel sur le terrain et continuons à lefaire ». Le CHU, en passant d’une organi-sation « papier » à une organisation infor-matisée, est entré dans une nouvelle ère…

Une pharmacie robotiséeLa pharmacie est équipée de 2 robots destockage à la boîte de marque Rowa, de lasociété ARX (capacité de 80.000 boîtes), et de 5 tours de stockage Kardex. « Unesolution en hauteur répondait bien à notreproblème de manque d’emplacement pic-king dans nos palettiers et de manque desurface. Nous y rangeons les DMS devolume moyen (plus petits que ceux rangésen palettier) et les médicaments qui nerentrent pas dans le robot Rowa », préciseChristine Vantyghem. Outre les gains de

place, ces robots fiabilisent les stocks etaugmentent les rendements de prépara-tion. Néanmoins les niveaux de producti-vité ont encore une marge de progression.Le rangement dans ces robots reste un fac-teur limitant car cette activité ne peut êtresimultanée à la préparation. Toujours enquête de modernité, la pharmacie envisageà horizon 2016/2017 de lancer un projetde dispensation au patient, autrement ditde s’équiper de robots DJIN (dispensationjournalière individuelle et nominative). Lesintéressés devront choisir entre centraliserces robots à la pharmacie ou les décentra-liser dans les services de soin.

Un ballet d’AGVLe transport interne a lui-même été auto-matisé. « Nous disposons de 25 tortues(AGV-Automated Guided Vehicule) quenous gérons en interne. Le démarrage a eulieu en septembre 2014. Les AGV sont encharge des flux de la pharmacie, du maga-sin, du linge, de la restauration et desdéchets. Nous prévoyons à terme d’y ajou-ter les flux de stérilisation et des archives.Une équipe à chaque étage assure le trans-port sur les derniers mètres de la gare auservice de soin », explique Romain Thorel.Aujourd’hui, ce cortège d’AGV réaliseenviron 800 prises par jour. Les flux sontprédéfinis et pré-paramétrés de façon opti-male. La pharmacie s’est mise au diapasonde l’automatisation des livraisons. « LeWMS, interfacé avec le logiciel du trans-porteur automatique, informe le systèmeAGV de la mise à disposition d’une prisedestinée à l’expédition. La traçabilité s’arrête à ce jour au niveau de la gare del’étage et nous réfléchissons à des solutionspour étendre cette traçabilité jusqu’à lalivraison dans le service de soins », projetteRomain Thorel. Outre le transport automa-tique, le CHU a mis en place un système detransport pneumatique. Il a été conçu essen-tiellement pour les prélèvements. Quid del’avenir ? « Notre organisation s’est consi-dérablement transfor- mée. Nous souhaitonsmaintenant la fiabiliser et l’optimiser. Notreaxe de progrès principal concerne la gestiondes stocks, la coordination et la sécurisationdes flux », confie Romain Thorel. Et Chris-tine Vantyghem de conclure : « Nous allonsmener un important travail de réajustementdes dotations et des demandes des servicespour le système plein vide de façon à dimi-nuer les urgences ». ■

BRUNO SIGUICHE

Chiffres Clés de la Pharmacie à usage intérieur■1.700 lits et places■115 UF cliniques■Médicaments : 2.100 références

stockées

■ DMS : 950 références stockées et5.000 hors stock

■ 1.920 lignes de demandes des UF / jour

Tapis de chargement du Rowa.

5 tours destockage de la

société Kardex.

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Christine Vantyghem, Pharmacien chargé de Logistique Pharmaceutique au CHU Amiens-Picardie

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François BischIngénieur logistique nouveau CHU au CHU Pointe à Pitre Abymes (Guadeloupe)

« Nous sommes soumis à une forte pression budgétaire »

Il y a quelques mois, François Bisch a posé ses bagages à Pointe à Pitre pour imaginer la logistique du futur CHU dela Guadeloupe. Il nous en dit quelques mots…

Supply Chain Magazine: Quelles sont vosresponsabilités au sein du CHU de Pointeà Pitre/Abymes ?François Bisch : J’ai rejoint l’équipe pro-jet de construction du nouveau CHU àlaquelle j’apporte mon expérience logis-tique. La mise en exploitation de ce nou-vel hôpital est prévue pour 2020. Noussommes actuellement dans la phase APD(avant-projet détaillé).

SCMag : Pourquoi un nouveau CHU ? F.B. : Le CHU actuel pourrait ne pas résis-ter à une grosse secousse sismique. Celuique nous reconstruisons sera antisismiqueet anticyclonique. Le CHU de la Guade-loupe étant, comme beaucoup d’établis-sements, en déficit chronique, ce projet est intégralement financé par l’Etat. LeCopermo (Comité interministériel de per-formance et de la modernisation de l’offrede soins) suit donc de très près l’avance-ment et l’usage fait des financements.

SCMag : Quelles sont les contraintesimposées par l’Etat ?F.B. : Nous sommes soumis à une fortepression budgétaire. Le budget ne peutimpérativement pas dépasser 590 M€. Par ailleurs, l’Etat nous impose de ne pasexcéder une surface de 80.000 m2. Nousveillons donc à faire tenir toutes les acti-vités dans des surfaces plus restreintes queles standards habituels. Les locaux dédiésà la logistique en pâtissent aussi.

SCMag : Comment seront organisés les espaces logistiques ?F.B. : La distribution interne est bienconçue grâce à une « rue logistique » ausous-sol qui relie les 7 bâtiments. La manu-tention ne sera pas automatisée en raisondu manque de place. La stérilisation et lapharmacie seront situées dans le nouveaubâtiment. En revanche, la cuisine centrale,la blanchisserie et le magasin de produitshôteliers se trouvent sur une plate-formelogistique, ouverte il y a 6 ans, située à

environ 5 km du nouveau CHU. Le linge,les repas et les produits hôteliers serontlivrés dans une cour logistique aménagéeavec des quais dont je m’assure de labonne conception.

SCMag : Et la pharmacie ?F.B. : La pharmacie, positionnée au niveaude la cour logistique, sera constituée d’unesurface dédiée au stockage palettes avecprès de 800 emplacements. Mais aussi d’unespace consacré au stockage des cartons etaux préparations à la boite ou à l’unité qui,par manque de place, sera automatisé. Noustravaillons actuellement sur la définitiondes robots de stockage et de préparation.Par ailleurs, la réglementation incite lespharmacies centrales à réaliser directementles dispensations journalières individuelleset nominatives (DJIN) au lieu des dispensa-tions globalisées, pour soulager les infir-mières de cette tâche. Les sachets ou lesboites individuelles arriveront dans les uni-tés de soin, prêts à être administrés. Pour cefaire, il faudrait en théorie augmenter lepersonnel dans les pharmacies. Les robots,plus performants qu’une préparationmanuelle, limiteront l’augmentation d’ef-fectif tout en garantissant une bonne qua-lité de préparation.

SCMag : Quels sont les critères de choix de ces robots ?F.B. : Les phases de chargement doiventêtre au maximum automatisées pour ne pasperdre les bénéfices liés aux gains de pro-ductivité obtenus au niveau de la prépara-

tion. L’équilibre entre l’investissement et lescoûts d’exploitation est fondamental.

SCMag : Pouvez-vous nous donnerquelques éléments sur l’organisationlogistique cible ?F.B. : Nous prévoyons de mettre en placeun mode d’approvisionnement de typedouble casiers [ndlr : Kanban appliqué auxunités de soin]. Pour l’heure, nous n’avonspas encore choisi le futur logiciel quigèrera les étiquettes (ERP, logiciel phar-maceutique, éventuel futur WMS…).Néanmoins, nous lançons un pilote cetteannée dans le nouveau service de réani-mation équipé en double casier avec lelogiciel spécialisé du fabricant de mobiliermodulaire (Practicima). Par ailleurs, l’hô-pital souhaite se recentrer sur son cœur demétier, en l’occurrence le soin. Il est doncnécessaire de décharger les soignants destâches logistiques. Au CHU actuel, les soi-gnants viennent chercher les médicamentsà la pharmacie. A la cible, ils ne sortirontplus des unités de soin. Des agents logis-tiques leur apporteront les médicaments.J’ai aussi commencé le processus de miseen place de la trame de traçabilité des opé-rations logistiques sur le nouveau CHU enprévoyant d’identifier l’ensemble deslocaux avec des codes de type GLN auxstandards GS1.

SCMag : Qu’en sera-t-il de la restauration ?F.B. : Les plateaux-repas des patients serontconstitués nominativement dans le nouveauCHU et non au départ de la cuisine centrale.Il s’agit d’une logique de différenciationretardée. Cela permettra de se rapprocherdavantage des patients et d’être en mesured’intégrer plus tardivement des modifica-tions. En outre, les chariots de transport et deréchauffage des plateaux n’auront plusbesoin d’être transportés par camion, ce quicontribuera à augmenter leur longévité. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR

BRUNO SIGUICHE

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JUIN 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°95 75

Thierry ChagnaudDirecteur Général Délégué du Pôle Santé Léonard de Vinci

Oser l’approche industrielle

Ala tête d’une clinique qui représente450 lits, Thierry Chagnaud a fait appel

à un « logisticien », Nicolas Picquerey ducabinet Igloo, pour l’aider à revoir les fluxde l’arsenal et du bloc opératoire, dans unedémarche pérennisée par la mise en placed’un outil d’ordonnancement des opéra-tions sur tablette et le recrutement d’unResponsable Logistique, chargé de fairerespecter le programme des opérations oud’informer toutes les parties prenantes encas de changement. Les enjeux : gagneren efficacité au bénéfice du patient et dupersonnel soignant, tout en réduisant lescoûts sans pénaliser la qualité des soins. C’est une vraie révolution qu’a entamée lePôle Santé Léonard de Vinci de Cham-bray-lès-Tours. « Nous devons repensertoutes nos méthodes de travail qui ont étéconçues pour des cliniques de 150 lits

mais ne conviennent plus à celles de plusde 400 lits », lance Thierry Chagnaud,DGD du Pôle Santé Léonard de Vinci. Issudu regroupement de 4 cliniques de 5.000 à7.000 m2, ce pôle santé a ouvert ses portesen 2008. Il s’étend sur 40.000 m2, dispose

d’un bloc opératoire de 5.000 m2 etcompte 450 lits. « En 1914, les Sœurs ontouvert des dispensaires, relate ThierryChagnaud. Puis, après la seconde guerremondiale, ces établissements, vendus auxchirurgiens, sont devenus des cliniques. De 50 à 100 lits, elles se sont agrandiesjusqu’à 150 lits. Aujourd’hui, elles dispa-raissent au profit de pôles de regroupe-ment de plus de 400 lits. » D’où lanécessité de mieux gérer les flux au seinde ces établissements de plus grande taille.D’autant que la pression sur les coûts sefait plus forte. « Les volumes et les prixsont fixés par l’Etat et nous avons perdu 2 % sur les tarifs en 2015, ajoute le DGD,d’où une marge de manœuvre des plusétroite. Et d’en déduire : Nous devons doncfaire des gains de productivité pourconserver le personnel soignant de qualité

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ENQUÊTEHôpitaux

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dont nous disposons et compenser desactivités déficitaires que nous nous devonsde pratiquer ».

Une approche par les flux« Pour l’hébergement, nous avons mis enplace dès le départ une cellule ordonnan-cement, véritable tour de contrôle car pilo-ter en mode visuel n’était plus possiblecompte-tenu des entres/sorties avec autantde lits. Je voulais donner la même organi-sation au bloc opératoire que pour l’hé-bergement, explique le DGD, qui pour-suit : A raison de 500 €/h et de 120 à150 passages par jour, la désorganisationdu bloc opératoire faisait perdre beaucoupd’argent ». En effet, de fréquents engorge-ments dans le sas d’accueil et à la sortie,après la salle de réveil, gênaient la bonnemarche du service. D’où l’idée de faireappel à un spécialiste de la gestion desflux, avec un œil neuf. « J’ai voulu faireintervenir quelqu’un de l’extérieur, sanscompétence ni connaissance médicale. Unpur logisticien qui ait une approche parles flux », résume Thierry Chagnaud. C’estainsi qu’il a fait appel en décembre 2013 àNicolas Picquerey, du cabinet Igloo.

3 chantiers d’amélioration« Un programme bloc, c’est : une salle, unepanseuse, un chirurgien et un chariotcomportant tout ce qui est nécessaire à

l’opération, liste le DGD. Ce dernier estune des conditions de bon fonctionnementde l’opération. Dans un environnement quin’avait pas été pensé pour, préparer ceschariots prenait 40 h par jour aux infir-mières. » Le 1er chantier a consisté à repen-ser l’espace de stockage de l’arsenal (zonesde rangement des produits et dispositifsmédicaux nécessaires à une opération),puis un 2nd à revoir le chemin de prépara-tion, sans oublier la constitution d’unebase de produits informatique plus stan-dard que « le produit ortho du Dr X », lan-gage abscond pour toute autre personneque les infirmières rompues aux habitudesde tel ou tel chirurgien. « En juillet, unstagiaire pourra aller en 12-B-45 et pren-dre une pince », illustre le DGD. Un 3e chantier a porté sur la refonte des fluxpatients dans le bloc opératoire, avec ladéfinition de circuits courts et longs, et dessas correspondant de part et d’autre du bloc. Un outil de suivi en temps réel sur tablette avec des codes couleur du programme des opérations (patient, salle, chirurgien, créneau horaire) a aussi été

développé avec Airweb. « Les deux orien-tatrices peuvent à présent coupler les fluxde montée et de descente des patients enfonction du planning effectif des opéra-tions et ainsi optimiser le travail des bran-cardiers en leur évitant des trajets « àvide » », indique Thierry Chagnaud. Ce quiévite aussi de préparer un patient (doucheBétadine, etc.) trop tôt pour le faire atten-dre en lui laissant le temps de s’énerver oude s’inquiéter.

Pérenniser la démarche« Deux mondes s’opposent : celui de larationalisation par des travaux de groupeet celui des médecins, très individualistes.Le terrain d’entente est celui de la sécuritédu patient et du bon fonctionnement dubloc pour tout le personnel. Ce qui évite depayer des aides opératoires pour rien, determiner en retard et de perdre des consul-tations, etc., analyse avec objectivité leDGD. A nous de mettre en place de nou-velles organisations de travail qui aillentdans ce sens. » Pour éviter de revenir au« papier crayon » une fois que NicolasPiquerey aura terminé sa mission, il envi-sage de recruter un Logisticien, qui à laplace d’un Chef de bloc (tenté par empa-thie de vouloir faire plaisir à chacun deschirurgiens et donc de faire beaucoup demodifications) sera chargé du respect duplan ou en cas de modification indispen-sable, de propager l’information via le sys-tème à tous les services concernés (ambu-latoire, brancardiers, infirmières rensei-gnant les patients et leurs familles…) afinqu’ils en tiennent compte. A terme, celapermettra aussi de revoir le nombre d’in-terventions par chirurgien si ce dernier estsystématiquement en retard, par exemple.« Nous devons appliquer les règles de l’in-dustrie à un milieu artisanal qui ne lesconnaît pas », relève Thierry Chagnaud.Cet adage a néanmoins été déjà appliquéaux méthodes d’interventions elles-mêmes. Ainsi, le processus complet d’in-tervention pour une cataracte qui prenaitautrefois 9 h, n’en requérait plus que 5 h 30 en 2008, et 3 h à présent. « Nousavons revu chaque étape du process pourréfléchir au moyen de réduire le temps glo-bal : arrêt de la prémédication du patient,protocoles d’anesthésie plus ajustés…détaille le DGD. Réfléchir ensemble porteses fruits. Mais pour convaincre tout le monde, il faut du temps… et de lapatience ! », conclut-il. ■ CATHY POLGE

Bloc opératoire Pôle Santé Léonard de Vinci

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