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7S100 Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 7S100-7S102 Comportement tabagique Chatkin et coll. ont rapporté une étude réalisée sur 4 969 adolescents de 69 écoles de la ville de Paso Fundo (Brésil). L’âge moyen était de 14,4 ± 2,4 ans. 51 % étaient des filles. La pro- portion de fumeurs était de 36 %, avec un âge d’initiation moyen à 13,6 ans. Les facteurs de risque du tabagisme étaient l’âge, le sexe masculin, une école située en périphérie de la ville, une mauvaise relation avec les parents, une autorité parentale libérale et une relation inverse avec le fait d’avoir échoué aux examens [1]. En France, l’usage quotidien de tabac était de 15 % chez les garçons et 20 % chez les filles, à l’âge de 15 ans [2]. Mandhane et coll. ont développé à Toronto un question- naire afin d’identifier chez des enfants de 10-11 ans le risque de fumer à l’âge de 14-15 ans. 130 596 enfants de 10-11 ans sont suivis prospectivement pendant 4 ans. Quatre questions ont été identifiées comme des facteurs de risque indépendants pour chacun des deux sexes : – initiation à la cigarette à 10-11 ans (déclaratif par l’enfant), – tabagisme des parents (déclaratif par les parents), – détester l’école, – tabagisme des amis (pour les filles, déclaratif par l’enfant), – initiation à l’alcool (pour les garçons, déclaratif par l’enfant). Une réponse positive porte le risque de fumer à 14-15 ans à 1,99 pour les garçons et 2,65 pour les filles. Trois réponses positives portent le risque à 5,29 pour les garçons et 64,5 pour les filles. Les auteurs avancent des pistes pour la prévention du tabagisme chez les adolescents [3]. Feinson et coll. ont cherché à déterminer le comporte- ment tabagique des parents fumeurs d’une population d’en- fants fréquentant une consultation réservée aux personnes à bas revenus. 86 % des parents enquêtés étaient des femmes, 27 % étaient d’origine noire et 32 % d’origine hispanique, 19 % avaient un niveau universitaire, 40 % étaient fumeurs. 41 % avaient un score faible de dépendance (Fagerström 1-3), 11 % avaient un score de dépendance élevé (7-10). Bien que les fumeurs fussent conscients des effets néfastes de leur tabagisme Épidémiologie - Environnement Tabac L.-T. Nguyen CHU Gabriel-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand, France.

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7S100 Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 7S100-7S102

Comportement tabagique

Chatkin et coll. ont rapporté une étude réalisée sur 4 969adolescents de 69 écoles de la ville de Paso Fundo (Brésil). L’âgemoyen était de 14,4 ± 2,4 ans. 51 % étaient des filles. La pro-portion de fumeurs était de 36 %, avec un âge d’initiationmoyen à 13,6 ans. Les facteurs de risque du tabagisme étaientl’âge, le sexe masculin, une école située en périphérie de la ville,une mauvaise relation avec les parents, une autorité parentalelibérale et une relation inverse avec le fait d’avoir échoué auxexamens [1]. En France, l’usage quotidien de tabac était de15 % chez les garçons et 20 % chez les filles, à l’âge de 15 ans [2].

Mandhane et coll. ont développé à Toronto un question-naire afin d’identifier chez des enfants de 10-11 ans le risque defumer à l’âge de 14-15 ans. 130 596 enfants de 10-11 ans sontsuivis prospectivement pendant 4 ans. Quatre questions ontété identifiées comme des facteurs de risque indépendants pourchacun des deux sexes :– initiation à la cigarette à 10-11 ans (déclaratif par l’enfant),– tabagisme des parents (déclaratif par les parents),– détester l’école,– tabagisme des amis (pour les filles, déclaratif par l’enfant),– initiation à l’alcool (pour les garçons, déclaratif par l’enfant).

Une réponse positive porte le risque de fumer à 14-15 ansà 1,99 pour les garçons et 2,65 pour les filles. Trois réponsespositives portent le risque à 5,29 pour les garçons et 64,5 pourles filles. Les auteurs avancent des pistes pour la prévention dutabagisme chez les adolescents [3].

Feinson et coll. ont cherché à déterminer le comporte-ment tabagique des parents fumeurs d’une population d’en-fants fréquentant une consultation réservée aux personnes à basrevenus. 86 % des parents enquêtés étaient des femmes, 27 %étaient d’origine noire et 32 % d’origine hispanique, 19 %avaient un niveau universitaire, 40 % étaient fumeurs. 41 %avaient un score faible de dépendance (Fagerström 1-3), 11 %avaient un score de dépendance élevé (7-10). Bien que lesfumeurs fussent conscients des effets néfastes de leur tabagisme

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L.-T. Nguyen

CHU Gabriel-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand, France.

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sur l’état de santé de leur enfant et du leur, seuls 43 % fumaienttoujours à l’extérieur du domicile et seuls 47 % ne fumaientjamais dans la voiture en présence de leur enfant [4].

Au Japon, 60 % des hommes et 18 % des femmesfument. Hasegawa et coll. ont réalisé une enquête par auto-questionnaire auprès de 5 922 sujets, avec 4 683 réponses(2 968 hommes et 1 655 femmes). L’âge moyen était de 41ans. 42 % étaient fumeurs (55 % chez les hommes et 18 %chez les femmes). Les ex-fumeurs et les non-fumeurs avaientune meilleure connaissance des effets néfastes de la cigaretteque les fumeurs qui avaient en revanche, une perception pluspositive de la cigarette (« comportement à la mode ») [5].

Roche et coll. ont rapporté sur un échantillon de 8 155sujets âgés de 45 ans et plus, une proportion de 7,5 % de sujetsasthmatiques. La répartition du statut tabagique était compa-rable entre asthmatiques et non asthmatiques (18 % defumeurs actifs et 30 % d’ex-fumeurs). Les asthmatiquesfumeurs fumaient plus que les non asthmatiques fumeurs.L’asthme et le tabagisme avaient un effet cumulatif sur lessymptômes de bronchite chronique et d’aggravation de la fonc-tion respiratoire, mais pas sur la dyspnée [6].

Sevrage tabagique

Bien que la substitution nicotinique (SN) ait démontréson efficacité dans l’aide au sevrage tabagique, elle reste encoresous utilisée chez des fumeurs à risque cardio-vasculaire (CV)par crainte d’accidents aigus. Hubbard et coll. rapportent uneétude rétrospective chez 10 311 sujets, sur 4 périodes de14 jours avant et après la prescription de SN. 347 patients onteu un infarctus du myocarde (IDM) et 176 ont eu un accidentvasculaire cérébral (AVC) [7]. L’incidence d’IDM était supé-rieure dans les 56 jours précédant la SN comparée à l’incidence56 j après SN. L’incidence d’AVC était comparable dans les56 jours avant et après SN. L’analyse en sous-groupe despatients ayant une maladie CV préexistante montrait des résul-tats similaires. Les auteurs concluent à l’absence de risque dela SN vis-à-vis des accidents CV aigus.

La même équipe anglaise a présenté les résultats de leurenquête rétrospective à propos des complications du bupro-pion chez 11 909 sujets (âge moyen 45 ans, 47 % d’hommes).La médiane de suivi était de 9 ans. L’incidence relative (inci-dence observée/incidence attendue) dans les 42 jours après laprescription du bupropion était de 1,81/2,2 pour les crisesconvulsives et de 0,57 pour le décès. Ces résultats devraientrassurer sur la prescription (dans la limite du respect des contre-indications) de bupropion, incriminé dans le risque de convul-sion et de mort subite [8].

Reichert et coll. ont réalisé une enquête auprès de 298médecins généralistes new yorkais, afin de déterminer leurconnaissance sur le sevrage tabagique. 78 % des médecinsconseillent l’arrêt du tabac à chaque consultation, 45 %connaissaient la proportion de fumeurs aux EU, seuls 5 %

étaient informés des recommandations concernant le sevragetabagique, 96 % avaient reçu moins d’une heure de formationpour traiter la dépendance tabagique. 0,7 % savaient identifierles signes de sevrage à la nicotine, 0 % connaissaient tous lesdosages des patches à la nicotine, 22 % en connaissaient aumoins un, et seuls 2,5 % connaissaient les interactions médi-camenteuses de la nicotine [9]. Au-delà du conseil minimal,les auteurs concluent à la nécessité d’une meilleure formationdes médecins généralistes à l’aide au sevrage tabagique.

Cigarette et effets physiopathologiques

Sato et coll. ont montré par IRM chez 5 fumeurs « sains »,une accentuation dès les premières minutes qui suivent unecigarette fumée, de l’hétérogénéité de perfusion pulmonaire.La récupération de la perfusion de base s’était faite dans les30 minutes qui suivaient [10].

Verbanck et coll. ont étudié prospectivement la fonctiondes petites voies aériennes de 56 sujets qui arrêtent de fumeret 20 fumeurs actifs témoins. Dès la première semaine d’arrêt,les fumeurs sevrés ont montré une amélioration de 27 % (p =0,009) de leur hétérogénéité de ventilation acinaire. Cet effetétait maintenu à 6 mois [11].

Stowell et coll. ont étudié des cultures cellulaires de mono-cytes THP-1 en milieu exposé à de la fumée de cigarette (CSE).Comparés aux cellules témoins, ils ont observé une augmenta-tion de libération de TNF-alpha, IL-8, MCP-1, de façon dosedépendante et de MMP-2. Les pics de TNF-α, IL-8 et MCP-1survenaient respectivement à 2 h, 4 h et 12 h. La stimulationpar LPS en milieu CSE, augmentait la libération de IL-1, IL-6 etMMP-9. En présence d’anti-TNF-α, les production d’IL-8, deMCP-1, mais pas de MMP-2 étaient inhibées à 6 h et 12 h. Lesauteurs suggèrent que la libération précoce de TNF-alpha régulela synthèse ultérieure de IL-8 et MCP-1 [12].

Barreiro et coll. ont exposé des cultures de fibroblastespulmonaires d’origine humaine à de la fumée de cigarettes pen-dant une durée maximale de 7 jours. Chez certaines lignées,mais pas toutes, la fumée de cigarettes induisait la productiond’IL-8 et de PGE-2. L’expression du marqueur alpha-SMA,montrée par immunohistochimie, témoignait de la différen-tiation des fibroblastes en myofibroblastes. Il pourrait s’agird’un mécanisme physiopathologique de remodelage tissulaireobservé dans la BPCO chez certains fumeurs, comme le sug-gèrent les auteurs [13], mais également pourquoi pas, dans lafibrose pulmonaire idiopathique.

Gualano et coll. ont exposé des souris Balb/c à 9 ciga-rettes/jour de J-4 à J-1. Elles ont ensuite été infectées par levirus influenzae A à J-1. Elles étaient sacrifiées à J3 et J10.Comparées aux souris témoins non exposées à la fumée, maisinfectées, et aux souris exposées à la fumée, mais non infectées,les souris exposées et infectées présentaient dans le LBA uneaugmentation des macrophages à J3 et J10, des lymphocytes àJ3, une diminution de gélatinase et une augmentation de

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TIMP-1, une diminution de MCP-1 et MIP-2. Ces sourisavaient une augmentation du taux de CD8+ spécifique à lagrippe et une charge virale dans le tissu pulmonaire 10 fois plusélevée que les souris infectées non exposées à la fumée de ciga-rettes. Ces résultats suggèrent que la fumée de cigarettedéprime la clairance virale et augmentent l’inflammation pardes mécanismes qui restent à déterminer [14].

Références1 Chatkin J, Migott AM, Pasqualotti A : Smoking among school students

in Southern Brazil. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A30.2 Perriot J, Llorca P, Boussiron D, Schwan R : Tabacologie et sevrage taba-

gique. Paris: John Libbey Eurotext ; 2003.3 Mandhane P, Cao H, To T, Dell S : Developing a questionnaire to iden-

tify 10-11 year old children at risk for smoking experimentation by age14-15. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A31.

4 Feinson J, Raughley E, Chang C, Alouf B, Chidekel A : Characteristicsof smoking parents in low-income pediatric clinics throughout Dela-ware. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A32.

5 Hasegawa T, Kobayashi K, Kamadura M, Uwagi M, Ohnuma T, Yone-zawa H, Tsukida K, Uehara Y, Takeda C, Tsuji C, Sakata S, Ishizaki T :A descriptive study on smoking knowledge and attitudes among smo-kers, non-smokers and ex-smokers in Japan. Am J Respir Crit Care Med2004 ; 169 : A32.

6 Roche N, Vergnenègre A, Kuntz C, Giordanella J, Brami G, HuchonG : Asthma, tobacco smoking, respiratory symptoms and lung functionin the French adult population. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 :A356.

7 Hubbard R, Sewis S, Farrington C, Godfrey C, Britton J, Smith C,Smeet L : Use of nicotine replacement therapy and the risk of acutemyocardial infarction ans stroke. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 :A370.

8 Hubbard R, Lewis S, Smith C, Godfrey C, Smeeth L, Farrington C,Briton J : A study of the safety of bupropion in 11,909 first time users.Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A370.

9 Reichert V, Villano L, Folan P, Kohn N, Fein A, Arunabh N : Physicianknowledge of nicotine withdrawal and treatment options for tobaccodependence. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 : A31.

10 Sato Y, Suzuki H, Shindo H, Endo S, Hasegawa G, Otani S, Saito N,Sohara Y : Immediate effects of cigarette smoking on distribution ofpulmonary perfusion: magnetic resonance imaging study. Am J RespirCrit Care Med 2004 ; 169 : A370.

11 Verbanck S, Schuermans D, Meysman M, Paiva M, Vincken W : Par-tial and sustained improvement of small airways ventilatory heteroge-neity in smokers after only one week of smoking cessation. Am J RespirCrit Care Med 2004 ; 169 : A369.

12 Stowell N, Seideman J, Griswild D, Das A : The effect of an anti-TNFmonoclonal antibody on the release of cytokines from THP-1 cells sti-mulated with cigarette smoke. Am J Respir Crit Care Med 2004 ; 169 :A553.

13 Barreiro T, Baglole C, Phipps R : Exposure to cigarette smoke and rele-vance to COPD: induction of inflammatory cytokines and myofibro-blast differenciation in human lung fibroblasts. Am J Respir Crit CareMed 2004 ; 169 : A555.

14 Gualano R, Bozinovski S, Jones J, Vlahos R, Park R, Anderson G :Cigarette smoke increases inflammation and lung virus titres caused byinfluenza infection in a mouse model of COPD exacerbation. Am J Res-pir Crit Care Med 2004 ; 169 : A207.