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Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques Technique of laparoscopic pelvic lymphadenectomy E. Leblanc a, *, D. Querleu b , F. Narducci a , G. Cartron b a Département de cancérologie gynécologique, Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric-Combemale, BP 307, 59020 Lille cedex, France b Centre Claudius Regaud, 20-24, rue du Pont-Saint-Pierre, 31052 Toulouse cedex, France MOTS CLÉS Lymphadénectomie pelvienne ; Laparoscopie ; Col ; Endomètre ; Annexe ; Vessie ; Prostate (cancer de) KEYWORDS Pelvic lymphadenectomy; Laparoscopy; Cervix; Ovary; Endometrium; Bladder; Prostate (carcinoma of) Résumé La lymphadénectomie pelvienne laparoscopique est un geste diagnostique im- portant pour la plupart des carcinomes pelviens, en particulier urogynécologiques. La technique exposée est celle de l’approche transpéritonéale qui vise à prélever l’ensemble des ganglions de la région dite interiliaque, zone cible d’extension de ces cancers. Les extensions possibles de ce geste, ses variantes ainsi que les complications immédiates courantes sont également développées. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Laparoscopic pelvic lymphadenectomy is an important diagnostic procedure for most pelvic uro-gynaecologic carcinomas. We describe the transperitoneal approach which is designed to remove interiliac nodes, the target area of the lymphatic spread of these carcinomas. Potential extents of the procedure, its variants as well as the management of usual intraoperative complications are addressed. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction Malgré le perfectionnement sans cesse croissant des méthodes d’imagerie, la lymphadénectomie reste encore à ce jour le meilleur moyen d’obtenir une information ganglionnaire fiable. La lymphadé- nectomie pelvienne est particulièrement impor- tante car elle constitue le premier relais ou au moins un des relais de dissémination de tous les carcinomes gynécologiques pelviens (mais égale- ment urologiques : vessie, prostate). C’est Daniel Dargent qui a réalisé, par voie extrapéritonéale, la première lymphadénectomie pelvienne laparosco- pique. 1 Denis Querleu, en 1991, 2 a popularisé une approche transpéritonéale, transombilicale qui, par sa simplicité et sa fiabilité, est devenue un standard pour cette procédure que nous nous pro- posons de décrire. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Leblanc). EMC-Gynécologie Obstétrique 2 (2005) 401–408 www.elsevier.com/locate/emcgo 1762-6145/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcgo.2005.07.008

Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

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Page 1: Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

Technique des lymphadénectomiespelviennes laparoscopiques

Technique of laparoscopicpelvic lymphadenectomyE. Leblanc a,*, D. Querleu b, F. Narducci a, G. Cartron b

a Département de cancérologie gynécologique, Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric-Combemale,BP 307, 59020 Lille cedex, Franceb Centre Claudius Regaud, 20-24, rue du Pont-Saint-Pierre, 31052 Toulouse cedex, France

MOTS CLÉSLymphadénectomiepelvienne ;Laparoscopie ;Col ;Endomètre ;Annexe ;Vessie ;Prostate (cancer de)

KEYWORDSPelvic lymphadenectomy;Laparoscopy;Cervix;Ovary;Endometrium;Bladder;Prostate (carcinoma of)

Résumé La lymphadénectomie pelvienne laparoscopique est un geste diagnostique im-portant pour la plupart des carcinomes pelviens, en particulier urogynécologiques. Latechnique exposée est celle de l’approche transpéritonéale qui vise à prélever l’ensembledes ganglions de la région dite interiliaque, zone cible d’extension de ces cancers. Lesextensions possibles de ce geste, ses variantes ainsi que les complications immédiatescourantes sont également développées.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Laparoscopic pelvic lymphadenectomy is an important diagnostic procedure formost pelvic uro-gynaecologic carcinomas. We describe the transperitoneal approachwhich is designed to remove interiliac nodes, the target area of the lymphatic spread ofthese carcinomas. Potential extents of the procedure, its variants as well as themanagement of usual intraoperative complications are addressed.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Malgré le perfectionnement sans cesse croissantdes méthodes d’imagerie, la lymphadénectomiereste encore à ce jour le meilleur moyen d’obtenirune information ganglionnaire fiable. La lymphadé-nectomie pelvienne est particulièrement impor-

tante car elle constitue le premier relais ou aumoins un des relais de dissémination de tous lescarcinomes gynécologiques pelviens (mais égale-ment urologiques : vessie, prostate). C’est DanielDargent qui a réalisé, par voie extrapéritonéale, lapremière lymphadénectomie pelvienne laparosco-pique.1 Denis Querleu, en 1991,2 a popularisé uneapproche transpéritonéale, transombilicale qui,par sa simplicité et sa fiabilité, est devenue unstandard pour cette procédure que nous nous pro-posons de décrire.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (E. Leblanc).

EMC-Gynécologie Obstétrique 2 (2005) 401–408

www.elsevier.com/locate/emcgo

1762-6145/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcgo.2005.07.008

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Anatomie chirurgicale

L’anatomie lymphatique pelvienne est constituéede trois lymphocentres iliaques externe, interne etprimitif eux-mêmes constitués à partir de réseauxde ganglions encore appelés lymphonœuds (Fig. 1).Au plan fonctionnel, le plus important pour le

chirurgien, tous les ganglions situés dans l’espacepyramidal réalisé par les vaisseaux iliaques interneset externes et la paroi pelvienne jusqu’au plan dunerf obturateur constituent le groupe des ganglionsinteriliaques. Ils correspondent anatomiquementaux groupes moyens et internes du lymphocentreiliaque externe et sont les premiers relais des car-cinomes pelviens et en particulier gynécologiques.3

D’autres groupes ganglionnaires sont des secondsrelais de drainage. Ainsi, le groupe externe (oulatéroartériel) des ganglions situés entre l’artèreiliaque externe et le muscle psoas participe égale-ment au drainage du membre inférieur. Le lympho-centre iliaque commun, dernier relais avant l’at-teinte para-aortique, est constitué de trois groupesganglionnaires : externe ou latéroartériel, internesous la bifurcation aortique et moyen devant lesarticulations sacro-iliaques (fossette de Cunéo etMarcille).Une lymphadénectomie pelvienne standard s’at-

tache en premier lieu à prélever les ganglions inter-iliaques. Cette dissection, à but diagnostique, estsuffisante pour les tumeurs du col de petit volumeet la plupart des tumeurs endométriales. Elle est

volontiers étendue en iliaque externe latéroarté-riel. Elle ne sera prolongée en iliaque commun et enpara-aortique qu’en cas de positivité interiliaque,ou d’emblée pour les tumeurs cervicales de grosvolume ou en cas de tumeur annexielle.4

Le lymphocentre iliaque interne regroupe lesganglions profonds situés entre les branches dedivision des vaisseaux hypogastriques et divisés engroupes fessiers supérieur, inférieur et présacré. Sadissection plus délicate appartient au concept dechirurgie élargie des cols utérins.5

Préparation à l’intervention

Aucun régime alimentaire ni préparation digestiven’est utile. Une antibiothérapie à large spectre,unique, est réalisée au cours de l’anesthésie géné-rale. L’injection d’héparine de bas poids molécu-laire à dose isocoagulable est débutée le jour del’intervention et est poursuivie quotidiennementpendant une dizaine de jours.

Technique opératoire

Instrumentation

Elle consiste en une optique de 10 mm d’angle de0°, deux pinces fenêtrées atraumatiques de 5 mm,une paire de ciseaux monopolaires, à lames cour-tes, une pince à coagulation bipolaire de 3 mm oude 5 mm fenêtrée (préhensile), et un systèmed’irrigation-lavage. La pince à clips est optionnelle.Quatre trocarts sont nécessaires : un trocart de

10 mm pour l’optique ombilicale, deux trocarts de5 mm pour les instruments et un trocart de 10-12 mm avec réducteur pour un instrument et l’ex-traction des ganglions.

Installation (Fig. 2)

La patiente, le matériel et les intervenants sontdisposés comme sur la Figure 2. Comme le Trende-lenburg excède rarement 10-15°, le blocage desépaules est inutile, voire nocif (étirement du plexusbrachial). L’insufflation est réalisée à l’aide d’uneaiguille de Veress introduite dans l’hypocondregauche sous le rebord costal, de préférence à l’om-bilic. La pression maximale de l’insufflation estréglée à 10-12 mm de mercure. Le positionnementà vue des trocarts opérateurs a la disposition habi-tuelle de la chirurgie gynécologique : optique ombi-licale, trocarts de 5 mm en dedans des épinesiliaques, trocart de 10-12 mm sus-pubien médian.

Figure 1 Anatomie lymphatique pelvienne. 1. Artère iliaqueexterne ; 2. veine iliaque externe ; 3. nerf obturateur ; 4. artèreombilicale (vésicale supérieure) ; 5. artère iliaque interne (troncantérieur) ; 6. veine iliaque interne ; 7. artère obturateurantérieur ; 8. veine obturatrice antérieure ; 9. branche iliopu-bienne et ligament de Cooper ; 10. veine circonflexe antérieure.a. extension latéroartérielle.

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Un prélèvement de liquide péritonéal pour cyto-logie est réalisé au tout début de l’intervention.L’exploration complète de la cavité abdominopel-vienne à la recherche d’une atteinte métastatiqueviscérale ou péritonéale et d’éventuelles adénomé-galies fixées évite parfois une dissection ganglion-naire inutile ou dangereuse. L’exposition complètedu pelvis nécessite, après avoir éloigné l’épiploon,de repousser dans la cavité abdominale, avec despinces fermées, les anses grêles distales et le sig-moïde, en les rangeant au-dessus du promontoire.

Intervention standard

Comme pour toute chirurgie vasculaire, l’abordpéritonéal est large. La recherche des limites de ladissection ganglionnaire précède toujours la dissec-tion ganglionnaire.6 La résection ganglionnaire estréalisée si possible en bloc : en évitant tout morcel-lement, on réduit les suintements lymphohémati-ques ainsi que le risque de dissémination tumoralesi les ganglions sont envahis.L’intervention décrite du côté droit est symétri-

que à gauche. Elle peut se décomposer en plusieurstemps.

Ouverture péritonéaleElle est globalement de forme trapézoïdale (Fig. 3).À l’aide d’une pince fenêtrée insérée dans le tro-cart iliaque droit, l’assistant saisit et soulève leligament rond au niveau de son croisement avecl’axe iliaque externe, ce qui détermine un replipéritonéal vertical. L’opérateur incise ce repli auplus près du ligament rond à l’aide des ciseauxintroduits par le trocart sus-pubien. Cette mouche-ture initiale est prolongée en dehors le long duligament rond. Puis l’opérateur saisit l’annexe dansune pince fenêtrée insérée par le trocart iliaquegauche et l’écarte de l’axe vasculaire. L’ouverturepéritonéale longe ensuite les vaisseaux iliaques ex-ternes et se recourbe en dehors et en haut le longdu ligament infundibulopelvien pour se terminer auniveau de la base cæcale. Plus l’incision remontehaut, plus facile est la dissection postérieure. Lespetits vaisseaux sous-péritonéaux sont soigneuse-ment coagulés au fur et à mesure à la pince bipo-laire.

Recherche des limites de la dissectioninteriliaque : fosse paravésicale

LatéralesVaisseaux iliaques externes et artère ombilicale.L’assistant maintient le ligament rond soulevé :l’artère iliaque externe et sa veine située justeau-dessous sont rapidement visualisées dès l’ouver-ture péritonéale. Elles sont dégagées en balayantdélicatement à l’aide d’une pince fermée d’avanten arrière le tissu celluloadipeux qui les recouvre,ainsi que le psoas plus latéralement. L’artère ombi-

Figure 2 Installation de la patiente, position de l’équipe et destrocarts.

Figure 3 Incision péritonéale.

403Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

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licale se trouve en dedans des vaisseaux iliaquesexternes. Parfois spontanément visible dans le tissucelluleux de l’espace, elle est toujours plus externequ’on ne le pense. En cas de découverte difficile,on la repère en mobilisant son relief antérieur sousle péritoine pariétal.

AntérieureBranche iliopubienne du pubis et ligament de Coo-per. En séparant, en avant, la lame ganglionnairede la veine iliaque externe, on palpe rapidement ladureté osseuse et on découvre la blancheur fi-breuse du ligament de Cooper qui couvre la partieantérieure de la branche iliopubienne.

ProfondeNerf obturateur et son pédicule satellite. L’assis-tant, à l’aide de sa pince fermée, repousse l’artèreombilicale vers le dedans, ce qui a pour effetd’ouvrir largement la fosse paravésicale. Le nerfobturateur est reconnaissable à sa forme de cordonde 1-2 mm de diamètre, tendu, et de couleurspécifique blanc nacré. Plusieurs méthodes peu-vent être employées pour le mettre à nu : on peutsuivre vers le dehors et la profondeur le plan avas-culaire qui fait suite à l’artère ombilicale. Le nerfest découvert après 2-3 cm de dissection. On peutaussi, en longeant la paroi pelvienne antérieuresous la veine iliaque, découvrir, juste sous la bran-che iliopubienne, le nerf lorsqu’il rejoint le fora-men obturateur. Enfin, on peut suivre vers la pro-fondeur une veine obturatrice antérieure dontl’origine est satellite du nerf. Il peut être utile à cestade d’approfondir l’ouverture du tissu celluleuxsous le nerf afin d’éviter que le suintement lympho-hématique de la dissection ganglionnaire ne noieles repères anatomiques.

PostérieuresBifurcation iliaque commune, pédicule hypogastri-que et uretère. L’assistant, avec une pince atrau-matique fermée, remonte le long de l’artère ilia-que externe pour repousser vers l’arrière et lededans l’ensemble du pédicule infundibulopelvienen le soulevant légèrement de l’axe iliaque. Cettemanœuvre a pour effet de remonter le rideau péri-tonéal postérieur et d’exposer, à sa croisée avec labifurcation iliaque commune, l’uretère, repéréaussi par son péristaltisme. La découverte de labifurcation artérielle est alors souvent évidente parcette exposition, l’origine de l’artère iliaque in-terne se situant entre l’uretère et l’iliaque ex-terne. En cas de difficulté, il est également possi-ble de découvrir cette bifurcation en remontantvers le haut le long de l’ombilicale.

Dissection ganglionnaire interiliaque

Dissection sous-veineuse iliaque externe,dite encore « obturatrice »On commence habituellement par les temps anté-rieurs (Fig. 4). L’aide ouvre l’espace paravésical enrefoulant l’artère ombilicale vers le dedans. L’opé-rateur saisit le paquet celluloganglionnaire à lapartie moyenne de la veine iliaque externe, per-pendiculairement à celle-ci. Ce paquet est séparéde l’adventice veineuse en la refoulant doucementvers le dehors par une pince atraumatique ou lesciseaux. On dégage ce premier paquet d’avant enarrière le long de la veine puis vers la profondeur enlongeant la paroi pelvienne jusqu’au nerf obtura-teur. En présence d’une veine obturatrice anté-rieure, on peut, soit diviser la chaîne ganglionnaireà son niveau, soit coaguler et sectionner la veine.En profondeur, la coagulation de petits vaisseauxpariétaux est souvent nécessaire. En dedans, lesganglions sont déjà séparés de l’ombilicale autemps de l’exposition. La chaîne est interrompueen avant au niveau du ligament de Cooper parcoagulation-section juste en aval du ganglion rétro-crural interne. La lame ganglionnaire saisie à cetteextrémité antérieure est attirée vers le haut et lededans, ce qui facilite sa séparation en douceur dunerf obturateur. L’utilisation du courant électriqueau contact du nerf sera évitée car source de mou-vements parasites et de possibles dysesthésies pos-topératoires.Les temps postérieurs (Fig. 5) sont plus délicats,

l’aide refoule le ligament infundibulopelvien et

Figure 4 Dissection sous-veineuse antérieure. 1, 2. Artère etveine iliaques externes ; 3. nerf obturateur. Flèche : axe depoussée de la pince de l’aide.

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l’uretère vers l’arrière et le haut. En suivant le bordinférieur de la veine iliaque externe, on dégagel’aisselle de la bifurcation veineuse et l’origine dela veine iliaque commune. La chaîne élevée àpleine pince est attirée vers le dedans et l’avant.Elle va être progressivement libérée des vaisseauxiliaques internes et leurs branches externes (vais-seaux obturateurs) en alternant tractions douces etcoagulations bipolaires-sections. La chaîne est in-terrompue au point où le nerf obturateur croisecette aisselle veineuse. Ces premiers ganglions sontstockés dans l’espace de dissection.

Dissection interartérioveineuse iliaque externe(Fig. 6)L’aide refoule doucement l’artère iliaque externevers le dehors. L’interstice interartérioveineux vaêtre agrandi par la pince atraumatique de l’opéra-teur. Le tissu cellulolymphatique est saisi à la par-tie moyenne, séparé de l’artère en dehors, du psoaset de la veine en bas (on rejoint la dissectionsous-veineuse). On remonte ainsi jusqu’à la bifur-cation iliaque commune et on enlève en dehors lesderniers ganglions interiliaques externes à l’originede la veine hypogastrique. Cette dernière manœu-vre est facilitée par la mobilisation en bloc et endedans de tout le pédicule iliaque externe.

La dissection interiliaque est alors terminée.Toutes les structures vasculaires principales et lenerf obturateur sont parfaitement isolés. Les gan-glions réséqués sont réunis dans la fosse paravési-cale avant extraction.

Dissection latéroartérielle iliaque externeElle ne présente pas de difficultés majeures. Onsaisit la chaîne au niveau de la partie moyenne del’artère, dont elle est détachée de l’adventice se-lon les principes déjà décrits. On s’attache à pré-server les deux branches du nerf génitofémoral quicourent sur le psoas et longent l’artère iliaqueexterne. En aval, la chaîne est interrompue après leganglion rétrocrural externe qui recouvre souventune veine circonflexe antérieure, source poten-tielle d’hémorragie. En amont, on s’arrête au ni-veau de la bifurcation artérielle iliaque commune.

Dissection pelvienne gaucheLes positions opérateur-aide peuvent être inter-changées. Il est souvent nécessaire de sectionnerdes adhérences sigmoïdopariétales et/ou sigmoïdo-tubaires avant d’aborder la fosse paravésicale.Cette séparation est menée aux ciseaux froids. Lecôlon est mis en tension par une pince saisissant sonméso ou une frange épiploïque afin de ne pas lésersa paroi fragile. Le reste de la procédure est en-suite superposable à celle décrite à droite.

Extraction des spécimens et fermetureElle s’effectue au travers du trocart sus-pubientransparent dont on ouvre la valve pour faciliter

Figure 5 Dissection sous-veineuse postérieure. 1. Artère iliaqueexterne ; 2. veine iliaque externe ; 3. nerf obturateur ; 4. artèreombilicale (vésicale supérieure) ; 5. artère iliaque interne.Flèche : axe de poussée de la pince de l’aide.

Figure 6 Dissection interartérioveineuse. 1. Artère iliaque ex-terne ; 2. veine iliaque externe ; 3. nerf obturateur. Flèche : axede poussée de la pince de l’aide.

405Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

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l’ablation en bloc. L’utilisation d’un sac endoscopi-que est recommandée en cas de ganglion suspect oude paquet volumineux. Un examen extemporanéest parfois nécessaire pour guider la suite du geste.En fin d’intervention, les sites de dissection pel-vienne sont irrigués et l’hémostase est vérifiée. Lepéritoine de chaque côté est laissé largementouvert, seule manœuvre utile afin d’éviter aumaximum la constitution d’une lymphocèle posto-pératoire. Après exsufflation par le trocart ombili-cal, les orifices du trocart, irrigués à la Bétadine®,sont refermés (en deux plans pour les orifices de10 mm).

L’étendue du prélèvement peut êtremodifiée

Dissection iliaque communeBien que généralement liée à la dissection para-aortique, son approche élective peut être néces-saire en cas de ganglion suspect. Si l’approche d’unganglion iliaque commun proche de la bifurcationartérielle ne nécessite pour son exposition que derepousser un peu plus haut le ligament infundibulo-pelvien, il est nécessaire pour des ganglions plushauts situés, proches de la bifurcation, de changerla disposition opératoire. L’opérateur se place en-tre les jambes de la patiente avec un aide à gau-che ; un moniteur vidéo est installé à la tête de lamalade. L’approche ganglionnaire s’effectue parincision du péritoine postérieur (Fig. 3) couvrant labifurcation aorticocave. Elle débute au niveau ilia-que commun droit au-dessus de l’uretère et re-monte sur l’aorte terminale. Les ganglions externeset internes sont alors aisément exposés. En revan-che, l’abord des ganglions iliaques communsmoyens situés dans la fossette de Cunéo et Marcilleoblige à une mobilisation prudente des vaisseauxiliaques.

Dissection hypogastrique profondeElle consiste à réséquer les ganglions situés entreles branches terminales des vaisseaux iliaques in-ternes. En pratique, on prélève en dedans le tissucelluloganglionnaire sous le nerf obturateurjusqu’au releveur de l’anus de part et d’autre del’axe hypogastrique. En dehors, les vaisseaux ilia-ques sont refoulés en dedans et le tissu cellulogan-glionnaire est prélevé jusqu’à la partie haute de lafosse ischiatique repérée sous l’épine ischiatiquepar la cinquième racine nerveuse du plexus lombo-sacré. Cette dissection est menée avec grande pru-dence en raison du risque hémorragique difficile àcontrôler dans cette région.

Recherche du ganglion sentinelle (col utérin,endomètre)D’apparition récente, cette méthode est encore eninvestigation en gynécologie pelvienne et, à cejour, elle ne dispense pas d’une lymphadénectomiecomplète. Elle consiste en l’ablation ciblée d’un ouquelques ganglions pelviens repérés par une injec-tion cervicale préalable d’un traceur radioactifet/ou coloré (bleu). L’abord direct est préféré cha-que fois que possible en suivant les canaux lympha-tiques injectés de bleu. À défaut, il faut ouvrir lepéritoine de la fosse paravésicale pour une dissec-tion profonde. Ce geste apparemment facile peutêtre dangereux car, afin de préserver les voieslymphatiques, la recherche systématique des repè-res n’est pas faite. Un apprentissage est indispen-sable.

L’abord extrapéritonéal peut être préféré

Plus difficile techniquement en raison d’un espacede dissection réduit et mal drainé (risque de lym-phocèle), cette approche offre l’avantage de l’ab-sence de pénétration péritonéale. Moins adhésio-gène, elle est donc intéressante lorsque la fertilitéest à préserver ou si l’on craint un abdomen adhé-rentiel. Deux approches peuvent être distinguées :l’une imaginée par Dargent qui consiste, à partird’un abord suprapubien médian, à aborder aprèsdécollement péritonéal chacune des deux fossesparavésicales.1 Une autre approche, plus « urologi-que »,7 consiste à aborder l’espace extrapéritonéalet les deux fosses paravésicales d’emblée à partirde la région sous-ombilicale. Le décollement péri-tonéal médian initié au doigt est complété par lesinstruments et le gaz. L’usage de ballons n’est pasabsolument nécessaire. La vessie étant décollée,on repère latéralement les vaisseaux iliaques exter-nes et épigastriques, ce qui permet de placer sansdanger les trocarts opérateurs latéraux. L’exposi-tion de la partie haute des vaisseaux iliaques exter-nes et hypogastriques oblige à reconnaître et sec-tionner les ligaments ronds, clé du décollementpéritonéal latéral. La dissection ganglionnaire estalors similaire à celle de la voie transpéritonéale.

Difficultés-complications possibles

État de la malade

L’obésité modérée8 (indice de masse corporelle[IMC] < 35) ou l’âge supérieur à 75 ans9 constituentdes indications de choix de la voie laparoscopique.Des aménagements techniques sont toutefois né-cessaires : installation haute des trocarts opéra-

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teurs et de l’optique (sus-ombilicale) chez l’obèse,la dissection prudente (artères sinueuses et tissusfragiles) sous un pneumopéritoine chez la patienteâgée.

État de l’abdomen

La carcinomatose péritonéale ou l’existence demétastases hépatiques de surface, prouvées en ex-temporané, rendent le geste de lymphadénectomiesuperflu.L’existence de cicatrices abdominales peut faire

modifier l’installation de la laparoscopie en utili-sant la technique d’opencœlioscopy, et en favori-sant l’utilisation de trocarts spécialement étudiés(Endotip [Storz], Visiport [Tyco]). La notion de pla-que prothétique propéritonéale pour hernie, dechirurgie vasculaire, est une difficulté majeure quipeut faire renoncer à l’usage de la laparoscopie. Encas d’hystérectomie récente, l’abord des fossesparavésicales est plus difficile. La section des liga-ments ronds, s’ils ont été préservés, aide à trouverle plan vasculaire. Sinon, il faut réaliser une dissec-tion centripète à partir du psoas.

Hémorragie

Le contrôle premier d’un saignement s’effectue parle tamponnement en utilisant les tissus de voisinageou une compresse passée par le trocart de 12 mm.Après quelques minutes, la pression est relâchée etla zone nettoyée des caillots. Souvent, le saigne-ment a stoppé ou s’est au moins réduit et sonorigine est plus facilement localisée. L’hémostaseest alors obtenue par coagulation bipolaire élec-tive, clip ou ligature. Toutefois, en cas de lésionvasculaire majeure, une laparotomie rapide doitêtre entreprise tout en maintenant si possible untamponnement sur la plaie. D’où la nécessité dedisposer, en salle, d’une instrumentation pour la-parotomie et d’un set de chirurgie vasculaire debase.

Ganglion volumineux ou fixé

Sa dissection expose à une double complication : laplaie vasculaire majeure et la rupture tumoraleavec dissémination. La dissection dans le plan del’adventice vasculaire permet souvent la sépara-tion du ganglion sans dommage particulier. On uti-lise de préférence les pinces atraumatiques ma-niées en dissecteur. L’irrigation-lavage et lacoagulation bipolaire aideront à trouver le bonplan. L’extraction se fait toujours dans un sac en-doscopique au travers de l’orifice du trocart sus-pubien en veillant au besoin à l’élargir. Toutefois,

lorsque le diamètre de l’adénopathie excède 3 cm,en cas de fixation par envahissement ou de couléenéoplasique, il est préférable de ne pas s’obstiner.Une ponction cytologique confirme le diagnostic etdes clips autour du ganglion pathologique permet-tront de centrer l’irradiation.

Lésions nerveuses, urétérales, digestives

Rares, elles surviennent surtout en cas de dissec-tion de ganglions fixés. Seules les lésions urologi-ques et digestives sont réparées, idéalement souslaparoscopie. Le problème essentiel est de les re-connaître.

Morbidité

L’intervention est largement pratiquée dans lemonde. Bien que le recueil des données ne soit pasexhaustif, la mortalité est exceptionnelle (un casrapporté dans la littérature gynécologique).10 Lesrésultats de notre expérience pionnière portant sur608 lymphadénectomies pelviennes laparoscopi-ques de décembre 1988 à septembre 2004 ont ré-vélé 11 échecs (obésité majeure : trois, ganglionfixé : six, trouble du rythme cardiaque : un, adhé-rences : une), huit plaies vasculaires toutes traitéespar laparoscopie, six complications viscérales (troisdysesthésies obturatrices, une plaie du nerf génito-fémoral, un uretère, une hernie sur orifice),38 lymphocèles symptomatiques, dix lymphœdè-mes durables, quatre récidives sur orifice du tro-cart ombilical (un endomètre, un col, un vagin, unetrompe) toutes de survenue tardive et synchronesd’une évolution carcinomateuse péritonéale.11

Conclusion

La lymphadénectomie pelvienne laparoscopiqueest un geste désormais standardisé dont les résul-tats en termes de fiabilité et de sécurité supportenttout à fait la comparaison avec la laparotomie. Elleoffre l’avantage d’un geste peu adhésiogène, àcoût équivalent à la laparotomie, mais dont lessuites opératoires sont significativement plus sim-ples. Elle peut être réalisée à titre isolé dans lecadre d’une stadification préthérapeutique ou êtrele temps préalable à une exérèse utérine (élargieou non). Dans ce dernier cas, la dissection complètede l’espace paravésical facilite considérablementles gestes d’hémostase et de dissection ultérieurs.

407Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

Page 8: Technique des lymphadénectomies pelviennes laparoscopiques

Références

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2. Querleu D, Leblanc E, Castelain B. Laparoscopic pelviclymphadenectomy in the staging of early carcinoma of thecervix. Am J Obstet Gynecol 1991;164:579–81.

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