Timmuzgha n°12

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  • Sommaire 1) Editorial 2) Laissons Si Mohand U Mhand son mythe Merahi Youcef 3) Le Legs oubli de Si Mohand U Mhand Achour Mouloud 4) La reprsentation de la fminit dans la posie de Si Mohand U Mhand Amhis 5) Lombre de Si Mohand Sur la Posie post-1871 Aziri Boudjema 6) Si Mohand U Mhand ou le serment dexil Bensadok Kaddour 7) Prsentation de louvrage de Younes Adli Si Mohand U Mhand : Errance et rvolte Alger 2000 Bilek Benlamara Cherifa 8) Isefra N Si Muhand Bilek Hamid 9) Si Muhand U Mhand enfant et pote dun naufrage Bitam Boukhalfa 10) Analyse smio rhtorique dun pome Bouamara Kamal 11)Azamul di tmedyazt n Si Mohand U Mhand Djelaoui Mohamed 12) Rencontre de Si Mohand U Mhand avec Ccix Mohand U Lhocine Ghobrini Mohamed 13) Esquisse dune bibliographie sur Si Mohand U Mhand Hadj-Said Abdenour 14) Si Mohand U Mhand, le pote de lexil, tmoin de son sicle Hachour Boudjema 15) Awal yef wawal $ur Si Muhand U Mhand Imahrazene Moussa 16) Culture traditionnelle berbre ou culture de tradition : une survivance au travers de lAsefru. Mouheb Fatma Flora 17) Si Mohand U Mhand Cet errant de la vie et de lamour Negrouche Samira 18) Lartiste, une blessure ternelle Une image de Si Mohand U Mhand ; Smail 19) Si Muhand d wid-is Zenia Salem 20) Tal$a n isefra n Si Mohand U Mhand Salhi Mohand Akli

  • Editorial Le hasard fait quau moment o nous nous prparons commmorer le

    centime anniversaire de la mort de Si Muhand U Mhand, nous commmorons le premier anniversaire de la mort de Da Idir Ait Amrane, Haut Commissaire lAmazighit.

    Deux hommes illustres, deux destins : le premier tait loin dimaginer le trsor culturel quil a lgu la Kabylie qui lavait reni un sicle durant, lAlgrie et peut tre, dans lavenir luniversalit.

    Idir Ait Amrane avait consacr sa vie son pays, son identit. Ds son jeune ge, face loccupant, il choisit la lutte pour lindpendance de lAlgrie tout en travaillant pour son identit amazighe.

    Il sest rapidement structur parmi les premiers nationalistes algriens. Il purgea plusieurs annes de prison pendant la guerre de libration .La souverainet nationale retrouve, il est au service de la Nation o il se consacra essentiellement lducation nationale.

    Alors quil tait en retraite, il revient soccuper de lidentit amazighe. Il parcourait le pays et distillait son savoir, sa sagesse et ses recherches dans le

    domaine de cette culture. Son travail est rcompens lorsquil est enfin rappel pour tre nomm la tte de la premire institution au monde charge de lAmazighit (HCA) le 06 juin 1995.

    Malgr une grave maladie qui le terrassait, il avait assum ses responsabilits jusquau jour de sa mort le 31 Octobre 2004.

    Il est enterr un 1er Novembre charg de tous les symboles. Bien avant dans le temps, Si Mohand a contribu, peut tre son insu,

    ldification et la construction dune identit, dune culture et dune civilisation. Lui, lobjecteur de conscience, le marginal, lerrant qui ne voulait pas rentrer

    dans le moule de son temps et de sa socit a port et a exprim dune voie haute les passions, les sentiments et les faiblesses, de ses semblables. Dans son combat potique Si Mohand a dnonc lordre sociopolitique impos son peuple.

    Appauvri, meurtri par tant dpreuves, un sort, dune rare frocit sacharnait sur lui ; Si Mohand a dcri toutes les misres et les maux venants des siens ou de ltranger. Les cris de rvoltes taient si forts quils se propagent au-del des limites du Temps. Ils sont aussi difiants et senss que des gnrations se les approprient et (se) les rclament comme si les besoins dil y a un sicle nont point volu.

    Nous sommes tent de dire que cest Si Mohand qui a t en avance sur son poque au point de transmettre ses prmonitions, les envoyer au travers des temps pour atterrir auprs de gnrations qui sauront les dcouvrir, les exploiter et, par l, rendre hommage leur auteur ; le porter encore plus haut pour quil repose en paix dans

    Aseqif n Tmana .

  • La reprsentation de la fminit dans la posie de Si Mohand U Mhand

    Mme Amhis

    Cest un truisme que de dire que Si Mohand U Mhand est une figure de rfrence de notre culture et, en mme temps un repre historique.

    En parler, cest se rapproprier, dans un premier temps notre patrimoine. Toutes les

    ides que vhicule sa posie sont dune brlante actualit. Dans la prface aux pomes de Si Mohand U Mhand, Mouloud Fraoun crit On

    peut se demander comment un pote profane a pu devenir lincarnation dun peuple . Certes, profane signifie qui nappartient pas la religion. Pourtant Si Mohand il serait

    intressant dapprofondir ses rapports avec le religieux fait constamment rfrence dans ses pomes Dieu. Le problme ne se situe pas ce niveau. En brisant les tabous, en sinscrivant contre les traditions et les dogmes, il a acquis une grande notorit. Linterrogation de Mouloud Fraoun nous amne nous demander quel est le rle du pote en gnral ?

    Le pote est dabord un homme de son temps. Grce sa sensibilit, grce au pouvoir du verbe, il a une vision trs nette des vnements. En ce qui concerne Si Mohand, sa posie sort des profondeurs de son tre et de sa terre. Il porte en lui une telle richesse quil parvient slever au-del des contingences. Le jugement des autres lui importait peu. Il sexprime dans une parole libre. Il tait lui et il sassumait totalement. Sa posie est chant.

    Il parvient exprimer tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Il apporte une rponse aux nombreuses frustrations dun peuple pris dans le carcan de la socit patriarcale et des idologies dominantes et sevr de lessentiel : la libert, le droit dexister, le droit dtre simplement un homme, un humain.

    En le replaant dans le contexte socio-historique de lpoque, on comprend le sens de la vie quil na pas choisie de mener. Dans nos socits closes pour des raisons de survie les codes taient trs contraignants. A un moment de lhistoire sopre la jonction entre la culture traditionnelle et lhistoire. Bien plus, le pote qui a le pouvoir du langage apporte la socit de tradition orale ptrie de posie, un plus. Ce nest pas un hasard si un peuple entier, spontanment, sest soulev pour revendiquer sa propre culture, lorsque la confrence de Mouloud Mammeri a t interdite.

    Nous devons Mouloud Mammeri et Mouloud Fraoun davoir rtabli le temps historique en publiant les pomes de Si Mohand.

    Le passage de loral la transcription a permis de sauvegarder ce patrimoine face aux dfaillances de la mmoire et un miettement constamment programm. Le pote est la voix dun peuple. Ce nest donc pas un hasard si tous les systmes totalitaires se sont acharns perscuter les potes. ; cest dire que leur parole est porteuse, donc perue comme un danger. Ce qui fait la grandeur de Si Mohand, cest son sens de la libert, sa rvolte et son universalit.

    La posie de Si Mohand aborde tous les thmes avec un terme rcurrent taluft . Ce terme revient souvent dans la table des matires propose par Mouloud Mammeri :

  • taluft tayeri, taluft l$erba, taluft n twenza, taluft n taggara, taluft imdukkal, taluft n zzman ( lamour, lexil, le destin, la mort, lamiti le sicle) Les femmes : Les femmes et lamour ont de tout temps t les thmes privilgis des chanteurs des crivains et notamment des potes. Si Mohand ne fait pas exception : de nombreux pomes sont consacrs la femme. Jai choisi de vous parler de la reprsentation de la femme dans la posie de Si Mohand. Tout un questionnement sest impos partir de la lecture de ses pomes. Quelle est la perception de la femme ? La femme est-elle aime, dsire, proche, lointaine inaccessible ?

    Ya-t-il des amours heureux, satisfaits ? Y a t-il une relle communication avec sentiments partags ? Y a-t-il des constantes dans lexpression de lamour en langue amazighe ?

    Autant de voix de recherche qui permettraient une rflexion approfondie. Demble, Si Mohand avoue sa passion pour les filles jaime passionnment les filles Les jeunes auditeurs ont une prfrence pour ce thme.

    Ds que je commence un pome On me dit non Chante nous les filles

    Le pote glorifie les femmes et blme les mariages sans amour. Que Dieu ruine son pre Qui la marie selon son plaisir Elle ferait piti mme un Roumi

    Il les nomme, et leur donne une existence rellement. Sa vision est panthiste. Il

    identifie Dieu dans toutes les crations naturelles : la nature, les femmes. Il passe sans transition de lallgorie, du symbole lvocation de la femme aime, et,

    en mme temps, il rve de se transformer afin de mieux accder au domaine interdit. Les pomes de Si Mohand rvlent limpossibilit du couple saccomplir, lincapacit du bonheur, faute damour vrai et partag. Dans lensemble deux constantes structurent le pome :

    - Eloignement : Messager (Dsir de rejoindre lautre.) Evocation dun jardin luxuriant objet de soins et damour, mais les efforts sont vains. Il y a toujours un prdateur qui convoite son bien et le dtruit.

    Jardin, donc protection, donc abondance, donc eau : panouissement puis destruction.

    Femme et beaut sont troitement lies. Les femmes exercent sur Si Mohand un terrible pouvoir et sa sensualit est toujours la recherche dun plaisir esthtique. Dun cot, il avoue sa passion pour les filles, de lautre il lance cette prire : Quelles aillent loin de moi, je nai plus un sou Pourquoi donc cet loignement ? Lamour ne lui a donc pas apport de satisfactions ? Apparemment, cest flagrant, dans beaucoup de pomes, elles ont t, malgr lui, source de tourments.

  • Quiconque me blme, quils soit sans pardon Ma blessure est infinie Et pour cela je madonne aux plaisirs par dfi La passion a gch ma volont Ce nest pas que je sois pervers Nul na le mrite de ses vertus Jai suivi ma raison Elle sest gare, sest enfonce dans les preuves Avant de finir dans le repentir

    Les femmes sont souvent nommes, grave transgression du code. Elles sappellent Chavha, Dahbia, Fadhma, Philadelphine, Yamina, El-Djoher Par jeu damoureux, il ple leur prnom, comme on ferait dune marguerite : Je taime un peu beaucoup passionnment Lfel iw idda $ef lfa Af terna lya S llam u llif ipkemmil D ddal ay d wis xemsa Irna d lam u lfa S lya u nnun ipjemmil Acmen vvafa Lqed ne$ ifa Anwa ur p nepemmil

    Mon pome prlude en F Suit I Puis L et A La cinquime lettre est D Puis vienne L et F I et N compltent son nom1 Que de grces Quelle taille et quelle beaut Qui ne laimerait pas ?

    Lef iw idda $ef lfa D a s lxifva S lmim a-gheooa yism is Fellas ul iw yepfafa wi$ tilufa Huba$ a madden amviq is Siwa neppat ay nufa Tzad g ifa Awi p ian d asfel is

    Mon pome prlude en F Puis viennent T suivi de I M clt son nom1 A cause delle mon cur est agit Repu dpreuves Je redoute hommes de me trouver sur son chemin Elle seule est mes yeux La beaut sans pareille Ah la boire comme une potion2 1. Parfait exemple de nom pel. Ici cela donne Philadelphie 2. Elle sappelle donc : Fatima

    3. Littralement : la manger comme un mdecine - Comment les peroit-il ? Comme un esthte, il saisit en la femme aime un dtail physique ou vestimentaire, une attitude suggestive, une voix chaude, et cela suffit provoquer en lui une passion dvastatrice jusqu la draison :

  • Je suis entr en guerre contre ma raison Mon cur, sois plus docile Nul nest matre de sa volont chacun, la passion qui le meut

    La taille, les yeux, les seins sont des dtails qui reviennent frquemment. On retrouve dans sa posie tous les thmes de la posie traditionnelle. Voici un message dun amoureux empch :

    Raconte la gazelle de la valle Grandie dans les sables Quand elle parat au rendez-vous Elle a la peau blanche Son visage est comme le soleil qui se lve Sur Lalla Khadidja, prcd de lumire Raconte celle aux sourcils peints la branche de palmier Dont le cou est dun blanc immacul Les dents comme des perles Et les pommette vermeilles

    - Il saisit des attitudes

    Maintenant tu dtournes la tte Et baisse les yeux Aujourdhui, elle vient de passer la fontaine La cruche sur son dos Les joues rouges comme du sang Je lai trouv entrain de cueillir des figues de barbarie

    - Il sattache des dtails vestimentaires : Si Mohand nest pas insensible aux dtails de la parure.

    Elle stait pare de ses plus beaux atouts Elle sen va lentement Je lai vue se couvrir la poitrine Jai failli, frre, en mourir Elle vient de passer la fontaine

    Il remarque la fouta, la ceinture de fils de laine colore, les tatouages aux bras, les bijoux, le brin de basilic au front, - Il est sensible la sduction de la voix

    Je lcoutais babiller Parmi les femmes Un savon la main La peau lisse comme toile.

    Cette vision de la femme est celle dun esthte, dun picurien, dun jouisseur.

  • - La vision est panthiste : Le thme le plus constant est celui du jardin. Les pomes commencent presque tous de la mme manire :

    Javais plant/ javais jardin princier/ javais jardin bien expos/jardin ombreux/Jardins de jeune plants/jardins exquis, stupfiant/jardin sans pareil/coquet et agrable/dune beaut extraordinaire. Les jardins sont objet de soins : Abondance de fruits, luxuriance ; des parfums les caractrisent ; pches, grenades, raisins rouges, orangers, abricots, pommes de bougie, figues, prunes : Je lui prodiguais mes soins , et les jardins sont protgs :

    Je lenfermais avec soin, derrire le voile dune clture Je lavais ceint de murailles Un jardin clos Avec porte close et jardin sans cesse veill

    Permanence de limage :

    Ses vergers sont pleins de promesses, de fruits, de fleurs et, au moment o on sy attend le moins, sont dtruits. Et par qui ? Qui sont les ennemis ? Tantt des bergers, des hommes vils, lpervier, un juif, grand bien lui fasse , une bcasse sen repat , Les sauterelles lont dvor ce fut pour le bonheur des chiens ; elle fut dtruite cause dun barrage rompu, dun jardin boul .

    Puis, le pote passe sans transition de la description de son jardin au sens propre sa transposition allgorique en la femme aime. Des symboles constants :

    On retrouve les strotypes de toute la posie et de la chanson kabyle, en gnral. Idjid : Le noble seigneur/lbaz : Le faucon qui est un messager hirondeau, noble/Itbir : Le pigeon, un oiseau tendre, le ramier, la femme est une colombe, une gazelle des dserts. Lui ne rve que de se transformer.

    Pour toi, je deviendrai faucon, clair, cavalier, chasseur, blier ; On voudrait devenir un faucon, tre le nid de laigle femelle, devenir un bb Ainsi, la femme est relgue aux sensations phmres. On a limpression dun jeu qui, pourtant a des consquences profondes sur la sensibilit de Si Mohand.

    Et pourtant, comme lcrit Mouloud Mammeri dans sa prface aux isefra de Si

    Mhand mais de tous les philtres, le plus passionnment recherch par Mohand, cest lamour. Lamour ou plutt un sentiment complexe o se mlent le plaisir esthtique, la volupt, la recherche dune thrapeutique et, sans doute, ce qui est convenu dappeler lamour

    Si Mohand apparat comme un picurien, aimant la vie, ne contrariant pas sa nature dhomme totalement libre et libr. Il est constamment partag entre U lis et ay -is, entre son instinct et sa raison.

    Jai suivi ma raison, lorsquil a du repentir /ma raison dvoye/ jai fait vu de chtier ma raison perdue

  • On ma surnomm lgar Nul na le mrite de ses vertus

    Il avoue constamment sa passion, ses faiblesses :

    Quelles aillent loin de moi , et au mme temps fait cette trange prire : Qui me blme, mon Dieu prouve-le. Prive le de filles Et que la douleur lui cuise le coeur

    Il avoue aussi dans un vers fameux : Ah ! Connatre la joie un seul jour ? Ayant connu tous les tourments, il apparat que lamour est une forme seulement de lexil , crira Mouloud Mammeri. Pas un seul pome damour heureux : Lamante est morte ; elle est marie un autre ; cest un rve . Aucune mention dun amour partag. Lextrme sensibilit apparat dans une srie de termes hyperboliques, de mtaphores, de comparaisons- il recherche le soutien, le rconfort de ses semblables quil prend tmoin.

    Mon cur pour toi brlait La sparation est amre comme la tombe Mon esprit est gar Ma raison assomme mes larmes coulent Montagnes croulez-vous sur moi La belle, objet de mes tourments La passion lacre mon cur

    Lomniprsence de la femme, lincapacit assumer une relation stable et heureuse

    font que la posie de si Mhand ou Mhand devient un instrument de rvlation Dans un pome, il crit : je madonne au plaisir par dfi.

    Que cherche-t-il prouver ? Souffrance vraie, femmes relles ou fantasmes; Mouloud Mammeri semble avoir peru lessentiel du comportement de Si Mohand Ou Mhand. Ces amours imaginaires ou relles ne sont si continuellement renaissantes que parce qu elles sont toujours insatisfaites et davouer.

    A chacun sa maladie Mon mal, moi, na point de pareil Ma misre, nul ne la sait Les adultes ni les jeunes gens Mis part quelques esprits perspicaces

    Si Mhand ou Mhand inspire de la compassion mais cest dans la posie quil puise

    lnergie, le dsir de vivre, une compensation sa terrible condition dhomme exil de tout, sans foyer, sans patrie, sans fortune,dlaiss des hommes, et voil que Dieu mme labandonne . Sa vie est un dsastre mais il russit la transcender grce la posie qui sest impose lui tettunefk -as d on forcerait peine en disant quen dfinitive les drogues, les alcools et les filles, la prire, laction de grce ou la rsignation, la colre, la rvolte ou le blasphme ne lui ont servi que de matriau ce qui toute sa vie la soutenu,cest la posie . M.Mammeri.

    Les femmes ont jou ce double rle dattraction / rpulsion.

  • Ds le premier pome, il crit guide-les dans la voie droite . On peut imaginer que les rencontres de cabarets, de tavernes, de milieu mal fams expliquent que, sans arrt, il parle dargent jy ai laiss tout mon argent .

    Pour Si Mhand ou Mhand, les femmes sont responsables de ses multiples maux. Elle sont dshumanises, renvoyes une autre nature : jardin, parfum, fleur, animal. Il les accuse de tratrise, dtre matrialistes, elles nen veulent qu son argent. La femme est dclasse. Une seule fois, il dira de lune delles : elle tait instruite, intelligente et sage . Dune autre, il dira : elle, ne mprise pas le pauvre hre . Dune manire gnrale, elles ont un rle ngatif Dis la plus belle des filles Au teint de grenade Quavant de la connatre, jtais dvt Pour elle, jai abandonn la prire Vin, absinthe Tabac et kif me sont chus La trs belle ma trahi Me laissant en un triste tat Elle a prfr aux dattes, les caroubes

    Ce qui frappe dans toutes ces posies, cest que lamour est source de dsordre et de malheur. Il ya l comme une sorte dincapacit communiquer, se rejoindre. Pourquoi lEden est il vou la destruction ? Il faut le prciser, ce nest pas le fait des femmes.

    Quelle explication donner ? Youcef Oulefki aurait confi Mouloud Feraoun, la dficience physique du pote : amour platonique, amours imaginaires, fantasmes dun infirme, incapacit raliser une union relle, image sublime de la femme Jai cont ma peine aux monts et ils ont trembl La plaie de mon cur sest rouverte Jaime le plaisir des filles avec passion

    Jai travaill sur le corpus recens par M.Mammeri. La traduction peut tre un support quand on ne matrise pas la langue, elle peut permettre den comprendre le contenu mais le ct potique chappe, ce qui dnature le sens profond du texte. Une dimension essentielle se perd.

    Nos chercheurs devraient rflchir sur une thorie globale sur loralit pour la raison essentielle que la littrature orale est troitement lie aux conditions sociales de production. Les chercheurs trangers qui se sont intresss la littrature orale ny ont vu quun moyen daccder la connaissance de lorganisation dune socit, ltude dun code des valeurs - ce que nous avons fait dans un premier temps.

    Pour nous berbrophones qui vivons dans cette socit, la littrature orale fait partie de notre vie, de notre quotidien, ainsi la traduction doralit a profondment influenc et conditionn lensemble des relations de la socit sa culture, au point den informer toutes les pratiques et tous les comportements .

    Sens en fonction du texte, en oralit Christiane Seydou

    colloque international sur loralit africaine 1989

  • Dans un premier temps, certes, la posie de Si Mhand ou Mhand peut nous apporter une srie dinformations, mais il faut dpasser cette tape pour apprcier la posie pour elle-mme et se livrer ltude du texte comme un texte littraire.

    Dans la distinction des genres, on peut noter que les socits orales ont peu de prose crite. On peut supposer que les textes en vers sont plus faciles mmoriser car le vers est reproductible.. Le passage de loral lcrit pose de nombreux problmes :

    Le premier : Comment concilier la perptuation dune littrature dite traditionnelle, fonctionnant uniquement en situation doralit avec lmergence dune littrature crite ou le texte pouvait prendre valeur et sens par lui-mme, indpendamment de son contexte dexpression et de rception et devient objet dune communication diffre, individuelle et intriorise, hors espace, hors temps

    Le second problme : mme en milieu doralit, la langue de la littrature nest pas la langue courante . Cela pose le problme de registre des langues. Cette distinction nest pas vraiment apparente dans certaines communauts protges des interfrences dautres langues.

    Le troisime problme : la production des textes est tellement imbriqu dans lhistoire et la culture de chaque socit, quil devient peu prs impossible doprer une simple transposition (un public diffrent, des ractions diffrentes ) Do, Il y a incommunicabilit surtout lorsquil sagit de posie.

    Cest une banalit de dire que toute traduction est trahison. Pour un texte en prose cela ne se pose pas de la mme faon que la posie. Dans un texte en prose, il est possible dapprhender le texte dune manire aussi fidle que possible condition de possder parfaitement les deux langues, celle du texte traduire et celle de la traduction, non seulement les deux langues mais lancrage culturel indispensable la fidlit du texte. Mais pour la posie, il en est autrement. Il est quasiment impossible de restituer fidlement dans une traduction un texte potique. La posie ne se traduit pas. Cela tient au genre mme et la fonction de la posie. Elle fait appel la sensibilit, procure un plaisir esthtique. La posie est avant tout, expression personnelle. Si vous rcitez un pome de Si Mhand U Mhand, il peut branler un berbrophone et laisser indiffrents des auditeurs dune culture diffrente.

    En ce qui concerne la posie de Si Mohand U Mhand, elle est profondment ancre

    dans la culture traditionnelle orale ; elle ne peut avoir la rigueur et lvidence que lui confre le livre. Cest pour cela, mon sens avant de fixer les oeuvres de Si Mohand pour la postrit, il faut sassurer de lauthenticit dfaut de la mconnaissance des conditions de lnonciation. Cette dernire difficult est accentue par le fait que le pote avait fait le serment de ne jamais rpter un pome .les conditions de lnonciation auraient pu apporter un plus, souvent les dfaillances de la mmoire ont pu tre combles dune manire personnelle car part quelques exceptions, la mmoire a ses limites.

    Labsence de date est prjudiciable ltablissement dune chronologie qui aurait

    permis de suivre lvolution de la posie de Si Mhand U Mhand. Ce qui a t sauv de loubli est recens mais on ne sait pas ce qui est irrmdiablement perdu. Cest Mouloud Mammeri qui a traduit en restant le plus proche du sens.

  • Tout passage lcrit dnature le pome dabord parce quon le sort de son cadre ; toute une dimension se perd : la musicalit, la rime en particulier, les scansions, les effets sonores et, ce qui fait lme dun berbre, la saveur de sa langue. Le mot mot qui colle au plus prs ne rendra jamais cette saveur.

    Au plan pratique, il vaut mieux enregistrer que traduire, pour conserver tout ce qui fait la posie : la voix.

    * Il faut dvelopper lcole le got de la posie, car il arrivera bien un moment o les enfants instruits en langue amazighe nauront nul besoin de traduction.

    * Il vaut mieux parler de littrature orale plutt que doralit, terme rducteur et connot dans le contexte de domination.

    * Ne pas survaloriser lcrit : certes lcrit fixe mais la littrature en situation doralit est une parole vive

    * ne pas opposer lcrit loral Nous devons imprativement enregistrer, viter les traductions rductrices faire

    comme les hommes du palolithique qui gravaient et peignaient leurs mythes et leur imaginaire et la connaissance deux mme sur les roches.

    * La posie de Si Mhand U Mhand contient lme et la mmoire collective dun peuple, le gnie et lesprit de la langue mais elle est fragilise face aux pratiques modernes.

    Conclusion : Si Mhand U Mhand ? Lgende ? Mythe ? Un humaniste avant tout.

    Une personnalit remarquable en qute damour, damiti, de justice. Elle a su rpondre aux hommes et aux femmes de son temps pris dans le carcan de la socit patriarcale et fortement code. Sa posie est rvolution.

  • 1

    Lombre de Si Mohand sur La posie post 1871

    B. AZIRI

    Depuis sa rvlation, aprs la rpression dramatique de la rvolte de 1871, le nom

    de Si Mohand Oumhand n At Hmadouche, pote de gnie, devient indissociablement li la posie kabyle. De nos jours encore, un sicle aprs sa mort en 1905, il demeure le pote kabyle le plus populaire : ses pomes sont dclams par des profanes dans tous les coins de la kabylie.

    En plus du talent sr, lengouement des kabyles lgard de la posie de si

    Mohand sexplique par la libration de lexpression amoureuse, brisant ainsi le carcan des traditions. Parler damour tait tabou, indigne dun argaz notamment quant il est amusnaw savant et sage . Evidemment, imeddahen et imeksawen bergers disaient bien des posies rotiques. Par son gnie, Si Mohand a su sattirer lestime au lieu de lopprobre. Lui le clerc qui dclamait une posie amoureuse des plus crues de son poque ntait pas pour autant dshonor. Au contraire, la socit, dsempar par le nouvel ordre colonial, trouvait une bouff doxygne dans ses pomes damour, une catharsis dans son drame personnel et des repres srs dans ses pomes qui traitaient de lactualit de lpoque et des problmes de toute la socit algrienne, menace dans son mode de vie, son existence mme.

    Son errance est symbole de la libert confisque aux siens et sa douleur un

    apaisement de leurs peines insondable. Cest donc lgitime que Si Mohand soit peru comme le matre du verbe, le pote adul. Il est naturel aussi que toutes personnes visites par les muses sessaie limitation du matre ; do lincommensurable influence quexerce loeuvre de Si Mohand sur les potes ultrieurs.

    Cette influence, est-elle stimulante et positives ou au contraire, figeante et

    acceptisante par les moules formels et clichs thmatiques quelle met gnreusement la disposition des potes post- 1871 ?

    Les aspects positifs sont nombreux : la libert du ton, inhabituelle, et la nouveaut

    de la forme et de la thmatique. Cependant, les retombes ngatives sont aussi videntes sur les potes de sa gnration telle enseigne que lors de la publication du Recueil de posies kabyles de Boulifa (1904), les kabyles navaient dattention que pour les pomes de si Mohand. Selon Mouloud Fraoun sur les trois cents isfra collationns par Boulifa une centaine seulement viendrait de Si Mohand, les autres seraient dus des disciples, des imitateurs anonymes plus ou moins heureux du matre. Mais tout le monde ignore ces pomes secondaires, cest le livre de Si Mohand (1960 :10)

    Bismilleh ar nebd asefru Ar Lleh ad yelhu Ar d inadi deg lewvyat Win s islan ar d a-t-yaru Ur as-iberru

  • 2

    Willan d lfahem ye-at A nell bb atenihdu rs a la ndau Ad badent adrim nekfa-t Cest par ce neuvain de forme finement cisele, dexpression fortement connot

    que souvre le rpertoire de Si Mohand, estim des milliers de pomes sems au gr de son inspiration sur le chemin de sa vie. Le neuvain est la matrice modle de tous ses pomes, lexception de quelques uns qui comportent 4, 5, 6, 7 et 8 strophes (Mammeri 1982 : 85) une strophe de trois vers, tercet rim AAB, et rythm 7/5/7 constitue lunit du neuvain.

    Dune utilisation rarissime du dbut du 19me sicle, inexistant dans les pomes

    connus du 17me et 18me sicle, le neuvain serait une invention de Si Mohand puisquil se rpand considrablement, suite son uvre (ibidem).

    Il va sans dire que les potes contemporains de Si Mohand appliquent

    scrupuleusement la recette. Plus encore, ils rabachent les thmes traits dans ses pomes, senfermant ainsi dans cet espace formel et thmatique mohandien, balis avec une rigueur mathmatique. A titre dexemple, la posie de son ami et compagnon Youcef Oulefki, considrait comme son mule, parait comme une ple photocopie des pomes de Si Mohand Ou Mhand et son audience ntait pas alle plus loin que ses contemporains.

    Il faudra attendre la gnration du pote chanteur moderne pour que le gnie

    Mohandien soit peru avec distanciation, compris et exploit bon escient sans trop tomber sous lenvotement alinant de son charme.

    Ainsi lintertextualit fconde avec luvre de Si Mohand apparat avec vidence

    dans les pomes chants de Slimane Azem : il a mis profit lexprience du matre pour plus affiner le clich et le motif et les adapter son style et au nouveau contexte.

    A yafrux iferlles o ! Hirondelle est lune des plus belles chansons de Slimane.

    Lauteur, en exil, envoie cet oiseau pour survoler le pays, il lui recommande pour ses haltes et ses nuites les lieux qui lui sont chers (son village sa maison). Voici le refrain de la chanson :

    A yafrux iferlles Ak-cega$ awi d ttbut elli di tegnaw $ewwes Awi-yi d lexba n tmurt O! Hirondelle, je tenvoie Prends ton lan haut dans les cieux Rapporte-moi avec certitude Les nouvelles du pays

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    Slimane intime loiseau migrateur lordre de partir ak cega Je tenvoie ; alors que Si Mohand, avant lui, en voulant charger loiseau qui fait le printemps dune mission quasi-similaire, a marqu une hsitation : waqila abrid ak-cega peut tre cette fois-ci je te dpcherai :

    Ay afrux ifirelles Di tegnaw ewwes Waqil' abrid ak- cega u-Lehbib rzu ures ku yas wedes Leomi n ssaddat zue$ Inas aqla$ nexnunes Di leber ne$mes Dut-iy' ad ifrire$.

    Hirondeau, fonds dans le ciel Cette fois, sans doute, vas-tu emporter mon message Va chez Lahbib, compte-lui seul seul Tous les saints que j'ai visits Dis-lui, je suis terre souill Ou en mer, perdu. Priez que je ne sombre pas. Slimane a-t-il lu ce pome et sy est directement inspir ? Ou bien ce sont les bons

    esprits qui se rencontrent pour la continuit du gnie. Ce qui est sr, cest que Slimane na pas repris maladroitement Si Mohand, il en a juste fait sa source dinspiration, qui lui a ouvert plus le champ de limagination et stimul davantage son esprit crateur. Une lecture approfondie pourra bien mettre en valeur la complmentarit des deux textes dgal gnie.

    Et Slimane de revenir sur un thme inpuisable, trait par Si Mohand : il sagit de

    ceux qui peinent pour que dautres, les russ sans scrupules, viennent profiter du fruit de leur labeur. les deux potes ont utilis le mme motifs du fellah qui laboure, sme, fauche jusquau jour du battage les profiteurs se pointent pour rcuprer le grain, ne laissant sur laire battre que livraie.

    A yakken xedme$ esle$ Kellexn-i ab lirfa Bbwin leb d srewte$ Ooani-yi d akwerfa Quoique je fasse, Cest limpasse Les professionnels de la ruse mont eu Ils se sont accapars le grain Et ne mont laiss que livraie Extrait du pome de Slimane Azem

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    A rray iw a bu tlufa texva k Imrifa Iteddun d wur teriv Tkecmev lyab' i lefa Fellasen i d nenfa Ekksed leblad ur nebbwiv Megrey jema$-t t-taffa Cce$wl-is yekfa Srewte$ abban wiyyiv

    Mon me aux mille peines. Tu es insense D'aller avec qui tu connais mal. C'est entrer pieds nus dans la fort A cause deux tu t'es bannie. En quel pays n'as-tu point abord J'avais achev la moisson dress les meules Fait tous les travaux Dpiqu... Un autre a emport le grain. Pome de Si Mohand

    Encore une fois, les deux passages de Si Mohand et de Azem, sinterfrent mais

    chacun dans son style particulier. Le thme de la frustration en amour des femmes est abondamment trait dans la

    posie kabyle. Cheikh El Hasnaoui est revenu sa faon sur un motif et un procd rhtorique utiliss par Si Mohand pour exprimer, avec grande loquence et beaut potique, lenvie de sintroduire dans des lieux intimes exclusifs aux femmes, au prix mme de se mtamorphoser en objet inerte et pitin.

    Si Mohand se prosterne devant Dieu qui a cre la pierre quon a taille pour servir

    de seuil la fontaine et envie son sort :

    Seban Rebb ik-iubben Ay ad$a$ nejen Rran-k d-amna i tala Ay teiv deg mecacen Widak mellulen Tidayin sut uba Wellah a lukan d bnadem Ur k-xdimen akken Ar d ak-nfun si tmurt a. Par Dieu qui t'a choye, Pierre taille Qui sert de seuil la fontaine, Que de cuisses tu as vu dfiler, Toutes blanches, De ces filles en robes ! Je jure que si homme tu tais, Au lieu d'tre aussi choye,

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    De ce pays on t'aurait chass. Pome de Si Mohand collationn par Younes Adli Et Cheikh El Hassnaoui souhaite tout simplement de se faire mtamorphoser en

    dalle qui pave lintrieure de la fontaine pour que les belles filles lui passent dessus longueur de journe :

    A wi yirran d tabla yebbwas Ad addint fellas Tidayin tiden iwulmen Extrait de la chanson dEl Hasnaoui A rray-iw yetthibbin tullas On simagine fort bien le spectacle qui soffre ces tres de roc si le bon Dieu les

    avait pourvus dyeux ! Une scne symbolique, fortement rotique, o voyeurisme et masochisme font bon mnage. Une lecture psychanalytique de loeuvre de Si Mohand serait intressante.

    Il est vrai que les frustrations amoureuses demeurent au mme degr dans les

    deux poques, de Si Mohand et dEl Hassnaoui. Cependant, chacun des deux potes a su utiliser les mmes motifs rehoriques dans son style propre. Bien que trs vidente, lintertextualit des deux passages nest en aucun cas la reproduction identique du premier dans le second. Elle est, tout comme chez Slimane Azem, la continuit de lme potique de la socit Kabyle.

    Plus proche de nous Cherif Kheddam cris son envie face au bel destin du miroir,

    encore un objet qui accde lintimit des femmes, quil considre mieux que le sien :

    A lemri tifv-iyi lmektub A ql am umeslub A wi qwlen d keini Kul essaa ixedm-ik lub Tuzyint m ara d ubb Zdat-k att-qqen lenni (...) Zhu yides a gma aa S ssxab d rria Nek zi$ tifv-iyi zzhe

    Miroir, ton destin est plus beau que le mien Je suis tel un dment. Ah ! Te ressembler

    Toi qui ctoie lamour chaque instant Quand la belle descend, prs de toi, elle sapplique le henni () Pour ton bonheur tu jouirais avec elle Avec ses colliers parfums de girofle Tu as plus de chance je le vois

    Le phnomne dintertextualit se manifeste plusieurs niveaux du discours et

    divers degrs dinfluence subie par lauteur du second texte ainsi que la distance quil marque vis--vis de son crateur ( auteur du premier texte). On constate que lobjet

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    ftiche, dont le pote envie le bon sort, tait chez Si Mohand une pierre taille et transforme en seuil de la fontaine, lieu fort symbolique ; il devient une dalle qui pave linterieur de la fontaine et un miroir dans le texte de Chrif Kheddam. La distanciation peut tre rduite zro et le second texte nest autre que le plagiat du premier.

    Ainsi, des vers et parfois des strophes entires de Si Mohand sont repris tels quels

    par des chanteurs kabyles, commencer par Smail azikiw, contemporain du pote, qui reproduit dans son clbre pome sur la rvolte de 1871 alqen isegras yegwyal (cf M Mammeri 1982, pome n 52).

    Quelques exemple de phrases strotypes figurant dans les pomes de Si

    Mohand et reproduites intgralement par les chanteurs contemporains : 9 Taleb Rabeh : felooal-im qeble$ kulci, emde$ irregma sli$-

    as ; pome de Si Mohand, n 174 emde$ irregma sli$-as 9 Bahia Fareh: A lwexda iaren, yeqwel uqelmun s ivarren;

    S.M. n50 yeqwel uqelmun s ivarren, a lwexda iaren 9 Chrifa : win yewten degne$ lasma, ad yu$al d amja ; S.M.

    win yewten degne$ lasma, deg ul ay nejre, n146 et 226

    La plupart des potes kabyles ultrieurs Si Mohand qui ont dcrit la femme ont,

    un moment ou un autre, recouru ses expressions mohandiennes, devenues des clichs :

    9 Tusbi$t l-lecfa, n108 9 taksumt-is d afilali, n106 et 258 9 a m timmi takef am leqwas, amzur ar ammas, n 122 9 m layun n tti, n130 9 m yirgel ye$man, n256, etc

    Autres clichs, trs nombreux, quon retrouve dans la posie et dans le discours ordinaire que Si Mohand avait crs ou tout simplement appris et investis dans ses pomes : 9 di ddiq ig ttban warfiq, S.M. n25 9 amcum at-id-yas wass-is, n33 9 iziw ye$leb lewense, n80 9 yettru wul tejre tasa, n93 et 237 9 vi$ d a$rib di tmurt-iw, n99 9 am yiv am ass d ttexmam, n101 9 si lmena cabe$, yak rebbi lexbar $ures n112 9 $erreb neg ceeq, afwad-iw fellam yeeq, n123 9 ig u$en irgazen ur ttrun, n183 9 dut ad hubben lerya, neya degw nadi t-tmura, n223 9 leyub t-trajun tewser, a nevleb rebb ad $a-yeer, n233 9 yir tagmatt am kalitus... n268 9 roi$ am gujil taburt, n275 et 283 9 tedum ar tifrir tagut, n283, etc...

    Lon se demande comment sest form la performance potique de Si Mohand ?

    En dehors du Coran quil a appris par cur rien na t dit sur dventuelles lectures qui auraient forg lart potique mohandien. Il est regrettable quaucune trace crite ne

    Commentaire:

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    soit reste de lentretien (ou des entretiens) entre Boulifa et Si Mohand qui aurait clair cet aspect.

    Si Mohand a t-il lu des manuscrits de potes anciens de la trempe de Youcef Ou

    Kaci quil aurait eu par le biais de ses cheiks de la zaouia et qui se seraient sombrs dans loubli total?

    A travers ses prgrinations Alger, Anaba et Tunis, na t-il pas eu loccasion de

    lire des potes arabes ? Les sept Moalaquat, chef douvre antislamiques, par exemple? Son instruction en langue arabe, ses frquents voyages, son ouverture desprit, sa curiosit et sans doute son sens de lesthtique potique seraient autant de facteurs prdisposant si Mohand une influence littraire extrieure.

    Cependant, Mammeri ne voyait pas que Si Mohand ait fait un quelconque

    apprentissage de son art : il ne me semble pas que si Mohand ait fait le lent, le long apprentissage du mtier comme stait pratique courante en son temps (1982 :14). On na pas dexemple de pomes ni mme de genre que Mohand eut pu imiter, et, sil y eut influence, disons quelle ft confuse et pour ainsi dire de climat . (Ibidem)

    De mme quil rduit au strict minimum la part dune ventuelle influence extrieure en ce qui concerne la forme de ses pomes. Il apparat travers lanalyse de Mammeri que la posie de Si Mohand soit un produit du terroir. Cest un instrument de rvlation (Ibidem)

    Si Mohand serait donc le catalyseur du patrimoine potique populaire quil aurait

    modernis, formalis et harmonis sous forme dune uvre personnalise, dune originalit ingalable.

    Il tait le seul de son poque stre dmarqu du statut de pote porte parole de

    sa tribu ou de son arch o les autres potes senfermaient jusqu ltouffement. La lgende de lange qui devait rimer et potiser ce que Si Mohand dirait

    (rapport par Mammeri (1982 :12) confre la posie de Si Mohand une aura quasi-divine.

    Original et novatrice cette ouvre constitue un point de repre dans lhistoire littraire amazighe. Son ancrage historique est dautant plus fort que la rvolte de 1871 soit llment dclencheur de lveil potique Mohandien.

    Si Mohand nest donc pas seulement larbre qui cache la fort mais aussi et

    surtout celui qui a fait de lombre, beaucoup dombre, dabord aux potes de sa gnration, et, son influence continue encore de nos jours ; stimulante et fconde pour les esprits perspicaces comme Slima Azem, Matoub, Ait Menguellet, Idir, et bien dautres encore, et strilisante pour les esprits engourdis que la lumire de son gnie blouie tels des papillons autour dune flamme fatale. Ils se perdent dans leffort vain dimiter le matre.

    Si Mohand ouvre grandes les portes de la modernit.

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    Bibliographie : Mouloud Mammeri : Les isfra de Si Mohand (1969), dition 1982 Pomes kabyles anciens, Editions Laphonic Younes Adli Si Mohand U Mhand, Errance et rvolte Edition Edif 2000 Mouloud Fraoun Les pomes de Si Mohand Editions de minuit, 1960 Si Ammar Ben Said Boulifa Recuil de posies Kabyles (1904) Editions Awal, 1990.

  • Lartiste, une blessure ternelle.. - Une image de Si Mohand U Mhand -

    Par : S. BEN KACI

    Il est des passionns de lart, frus de littrature et trs frotts de la posie kabyle, parmi les citoyens anonymes. Smal, ami du HCA, est un cas. Musicien, ou enseignant de musique comme aime-t-il se dfinir professionnellement, il ne parle pas sans citer, entre deux syllabes, un vers, voire un pome complet ou un couplet dune chanson du terroir.

    Interrog sur le pote Si Mohand U Mhand, il dplore, nerveux, la marginalisation de lartiste par le discrdit quasi total de tout ce qui pouvait se nommer Art dans la socit de Si Mohand U Mhand de lpoque.

    Il est trs intressant de lcouter parler, avec une sensibilit fleur de peau, du grand pote kabyle.

    Ici, il le fait avec bonheur pour la revue Timmuzgha. Ecoutons le : Les kabyles rassasis ne voyaient en lui, parlant de Si Mohand, que

    lhomme, celui quon qualifiait -ignorance oblige- dun modle de ratage. A tel enseigne quon entend toujours prononcer lexpression suivante par certains vieux dans certains villages, ds la vue dun quidam titubant, saoul, sous leffet de lalcool : Ssekra n Si Mhand ou livresse dfinitive.

    Si Mohand U Mhand tait exactement comme Hector Berdioz (musicien classique franais) qui disais : Je ne fais rien pour plaire, je ne fais rien pour dplaire, je suis tel que Dieu a voulu que je sois. . Si Mohand avait cette tare dtre n pote : il a vcu ternellement dans la tourmente.

    Si Mohand U Mhand a vcu en se conformant cet adage : Mieux vaut tre que paratre. Il tait un homme dune grande simplicit. Dbonnaire, il ltait aussi.

    Il ne sencombrait pas de matriel. Il navait pas, comme ses pairs, une vache espagnole, une paire de bufs, deux femmes concubines ( Takniwin ), une grande maison en pierre ( Tazeqa) et beaucoup denfants, beaucoup de garons plutt. Toute sa posie, tout son art, na pu le placer au dessus de cette formule, bien ancre en son milieu, notre milieu : Itchor d akkam d irgazen . Mais le pote navait aucune maison remplir dhommes. Il navait pas de carte de visite comme on le voulait. Il avait sa propre carte de visite : artiste et philosophe. Il donne un sens sa vie, tel quil la voulut : anticonformiste, quil a toujours assum.

    Il est tout fait normal que Si Mohand U Mhand neut jamais su se consacrer et se complaire dans le cumul dune richesse matrielle, en sinvestissant dans le travail de la terre, partir du moment o il eut ce don prcieux de posie dans une socit qui avait mal.

    Lartiste est une blessure ternelle et cela le simple paysan ou le kabyle ais de lpoque ne pouvait le comprendre. Ce nest pas faire injure que de vous dire ceci : La grenouille des marrais ne peut connatre la profondeur des ocans .

    Si Mohand U Mhand tait trs en avance sur son temps. Toute sa douleur, toute la douleur du pote rside cet endroit. Ce quil vcut comme bouleversement, ntait quun prtexte, un dclic qui a fait exploser le don de lartiste.

    Il ntait pas n pour travailler la terre ou pour mener une vie de bourgeois . il tait n pour errer dans les rues de la vie comme tout nvros de son espce. Il tait fait pour tre dans son carma de pote. Une vocation incontournable : chasse le naturel, il revient en galop.

  • Beaucoup de gens considrent une partie de luvre de Si Mohand U Mhand comme une posie rotique. Est il juste de porter un tel jugement sur des vers o le pote dcrit la beaut de la femme en ne se limitant pas la couleur de ses yeux ? Si Mohand a pu peindre la femme magistralement, sans tabou, par sa pure imagination cratrice ; cest dire artistique. Ce nest pas tout le monde qui peut le faire. Nest pas artiste qui veut.

    Dans sa superbe chanson Tulawin , Chrif Kheddam, sachant quil a encore touch un tabou, disait win zrigh illum felli arnigh dnub i yiriw

    Le pote Si Mohand U Mhand a survcu aprs sa mort dans une socit de tradition orale, grce la mmoire collective incarne par nos vieilles et nos vieux des montagnes, mais surtout grce trois crivains kabyles : Boulifa, Feraoun et Mammeri, dont les mrites sont inestimables, qui ont sauv (ce nest pas chose aise) ce qui restait encore en mmoire.

    On dit que Dieu a fait don de Wolfgang Amadeus Mozart la terre. Dans le film Amadeus du ralisateur allemand Forman, le commentateur conclut brivement : A ce jour, on ne sait pas encore si la terre mrite ce don . cest exactement ce que je veux dire, en conclusion au sujet de Si Mohand U Mhand. Lun des prfaciers de Mouloud Feraoun ne disait- il pas que : Si Mohand vivait au milieu des aveugles ?

    Propos recueillis par : Mohand Bensadok

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    Si Mohand U Mhand Ou le serment dexil

    Par : M. BENSADOK

    Ma montagne est ainsi :

    Attachement au sol et aspiration au dpart. Lieu de refuge, lieu de passage. Terre du lait et du miel et du sang. Ni paradis ni enfer. Purgatoire.

    In SAMARCANDE DAmin Maalouf

    Un ange se dressa devant lui, alors quil tait au bord dune source pour faire ses

    ablutions, et rveilla en lui un don endormi : la posie, o il dira les autres en disant lui-mme (M. Mammeri) par des vers taills dune pointe dinsolence et dexcentricit, mais aussi travers un long cri de douleur caus par trente ans de solitude et derrements rptition.

    Si Mohand U Mhand tait encore pieux avant lapparition de cet tre mystique qui, depuis, a fait son nid dans son esprit pour lui chuchoter des vers. Autrement dit, Si Mohand dcouvrit par l, sans avoir voulu le chercher, le vrai chemin de sa route -pour paraphraser un autre pote (dcriture franaise) de son pays daujourdhui -, un labyrinthe certain, mais incontournable et ternel, lequel tait en droite parallle avec cette voix conventionnelle commune, dont il dvia sciemment : ssne$ abrid xvi$as, je sais la voie et je la fuis. Le pote se rebella, il va sans dire.

    Ce moment marqua la fin dune vie chez Si Mohand U Mhand , celle dun clerc, et le dbut dune autre plutt houleuse, intensment mouvemente, o la pit cda place aux griseries du vin et autre exaltation du kif, mais aussi langoisse tnbreuse dune interminable errance.

    Un moment, une date, bouleversa sa vie : 1871. Fin dune vie pour le clerc, fin dune poque pour la Kabylie montagneuse, son pays. Les franais taient dj l depuis 14 ans (1857) et le village natal de Si Mohand U Mhand (Ichariwen) devint Fort Napolon, aprs que larme franaise leut quasiment ras. Ses habitants dont les At Hamadouche (la famille de Si Mohand U Mhand) furent chasss de leurs terres, le nom de leur village avec. La rpression froce engage par loccupant suite linsurrection de 1871 engendra un renversement quasi total de lordre social des valeurs tabli.

    Indomptable, Si Mohand U Mhand nchappa pas la dgringolade et se retrouva vite sans rien ni personne. Seul, il mdita le pass, o il fut ais au milieu dune famille de grands propritaires terriens. Mais il ny eut pas que a. Une image violente hanta sa mmoire, o elle demeura grave comme symbole dun cataclysme, pendant une ternit : les soldats trangers turent son pre dans son propre pays et dportrent son oncle dans un no mans land quelque part dans linconnu, dans linfini. Et sa mre en furie, partie en se sauvant afin de ne pas subir lhumiliation de trop et se cacher pour attendre de rejoindre son mari dans le commun des mortels. Cet vnement meurtrier martyrisa et marqua dune manire indlbile Si Mohand. Cependant, ce nest pas envers ltranger que le pote eut plus

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    de haine. Cest aux siens quil en voulut du compromis auquel ils consentirent pour sriger en nouveaux chefs, en cads.

    Lultime barrire de rsistance rige stoquement par les berbres de ces montagnes fut-elle dfinitivement brise, linstallation du colonisateur devenue certaine, le politique franais bouleversa le mode socio politique ancien de la Kabylie ax sur Tajmat, sauvegarde de lhistoire millnaire de ces hommes libres des montagnes kabyles, o lidal du gouvernement libre est une ralit depuis des sicles . (A. Hanoteau).

    Du, appauvri, meurtri et incompris, comme sil tombait dans un abme sans fond, le pote rcalcitrant se livra une longue mditation sur son sort cruel. Dans ces terribles moments de dtresse morale, de souffrance et dangoisse quotidiennes, Si Mohand U Mhand se marginalisa. Pour chapper ses souffrances, il a cru pouvoir se rfugier dans lexil et dcida de partir. Celui qui quitte son pays nest pas heureux. Lexil lui apparut ainsi comme un avenir. Sur la piste du temps, il simagina une ligne au-del de laquelle son mal allait sestomper.

    Il jura ainsi de se bannir:

    Wellah ard annenfu par Dieu jaime mieux lexil Wala laquba er yilfe Que la loi des pourceaux

    La loi des pourceaux dans les champs de bl et les jardins (Ledjnen) parfums dun

    pote sans armes ! Elle nest jamais dite, la loi des pourceaux. Elle sapplique naturellement sans verdict, de la mme sorte dans les vergers que sur un fumier.

    Ainsi, dans un solipsisme latent, le pote fit jaillir une rvolte muette, et comme pour faire sien le proverbe chinois, disant que il est immoral de se laisser gouverner par celui qui est pire que toi , le pote insurg grommela un serment libertaire :

    Je jure que pas un deux ne me commandera

    Depuis, il ne connut point de rpit ni de stabilit. Toujours seul dans un priple ternel,

    errant dune ville une autre. De la kabylie Bne, dAlger Blida, sabandonnant partout aux dlices des griseries de lalcool, voile phmre des ralits dchirantes de lexil, mais aussi moment dextase, o le pote gris senvolait pour se perdre dans les nuages la fois troublants et merveilleux de linspiration. Si Mohand se dpeignit entre deux vers et fit, malgr lui, le portrait parfait de tous les ouvriers kabyles exils de lpoque et de tous les temps.

    Les kabyles taient lgion Bne, Blida et partout o Si Mohand U Mhand passait. Comme lui, ils avaient fui le pays (Tammurt). Le soir, tout le monde se mettait au verre dans lequel on noyait un chagrin collectif. Mais ainsi brlrent-ils la bougie par les deux bouts :

    Les enfants de lexil Ils boivent dans les tavernes

    Mangent table Avec des filles tout parmi eux

    Ils sont venus par le chemin de Djema Lexil nest pas un havre de paix. Si Mohand U Mhand le nota si bien : elerba isb el

    alis - de lexil rude est la condition.

    Par son dpart, il espra un apaisement de ses souffrances : Nek ile ad tifrir tagut - je comptais voir se dissiper la brume. A cette attente se substitua pourtant une ralit autrement

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    plus difficile, dchirante. Ainsi descendit-il jusquau niveau le plus bas des conditions sociales dexistence de ltre. On ne peut mieux rsumer sa situation que telle quil la dcrivit lui-mme : Cbi sidna ayub me voici comme Jakob..

    Pis, lexil se compara une ribaude et se considra au dessous du statut de la prostitue.

    uyna zzehr-iw dirit Tifit t beldit Yellan deg Sidi-Remvan

    Difficile dimaginer quel degr de lchelle sociale la dchance humaine peut-elle

    descendre un homme. Mais mditons en revanche ce sursaut extraordinaire, sublime, du pote accabl, qui, de sous la condition de la prostitue, sleva, en valeur, au dessus de ces nouveaux matres qui rgnaient sur son pays, quil qualifia de tratres et pour lesquels il exprima un violent mpris :

    Lmana s-tfenazit Zzel nennum-it Wala neddu d lxuyyan

    Younes Adli le traduit ainsi vers la langue franaise :

    Je porte ma peine avec cette fiert

    Habitu la misre Plutt que de mallier aux maraudeurs

    Layant dpasse depuis longtemps et force daller plus loin, cette ligne virtuelle quil avait imagine tait loin derrire lui. Il se retourna. Seul, le regard fix en arrire comme pour chercher une consolation, le pote parfait la vision manichenne dun monde bris par la dfaite de 1871 en deux moitis exactement antithtiques : zik, jadis entendez avant 1871- et tura, maintenant entendez depuis la dfaite. (M. Mammeri) : Zikenni mi nesaa ttrika ; Zikenni nek d aleb ; Zik asmi lli$ d lfares ; Puis par contraste : Turaaamda$ lwesxa ; Turalmena iqde a p kemmel ; Turaslif uma cceb ; Jadis ctait le privilge et le bonheur, maintenant cest la damnation et le malheur. Deux ples de lexistence humaine dont la marge est si troite.

    Noy dans ses souvenirs denfant prodige, Si Mohand neut gure son regard devant pour lutter contre le mauvais vouloir . La lutte ? Il ne la suggra pas dans sa posie. En tre extrmement sensible, il rla pendant toute sa vie de bohmien. De lamour impossible aux tourments de lexil et de lerrance, le dsespoir et la maldiction de soi jalonnrent toute sa vie de pote. Toute sa posie est une longue plainte (M. Mammeri). Tout se rsume dans ce vers :

    Ccah aayiw, ccah ! Bien fait, mon me bien fait ! Impnitent, le damn mit toute la responsabilit de son sort malheureux, de ses checs, sur le compte de la fatalit, autrement dit le destin quil maudit. Quelque fois il chercha un coupable. Coupable, tout le monde ltait pour Si Mohand : le frre, lami absentet Dieu qui il imputa lchec de sa vie. Ce cri de rvolte sarcastique lexplique sans aucune nuance :

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    Wi fen Qessam d agawa A t yeo i lehwa A t issens ger isafen Ifka lehdu xilla Ur icu ara Ma ppin i p-pajmilt ixdem Tafsut ur tejuoeg ara Ur sadda ara Ussan iw eddan uen

    Ce ras-le-bol, ce dgot de ce quil percevait comme Injustice sexplique encore

    davantage dans ce trs beau pome, bien que triste et dsespr :

    Aw irun ard idder$el Mi p jema$ tenn$el

    Wehme$ ans iy id aakes

    Qessam agi d azzamel Kulyum d aellel

    Dayem nepnaji $ures

    Ifka i w-ur-nelli d lefel Issager qwrenfel

    Nekuni di lkur ay nees

    Youcef Nacib neut-il pas raison de lavoir compar Verlaine.

    Aussi, des fois chercha-t-il un confident, un tmoin. Un seul tre pouvait comprendre sa douleur, cette douleur qui treint le pote, qui refuse obstinment de le quitter : lfahem, le sage ou, par extension, lAmusnaw. On comprend tout dans ces vers :

    Ad awen ku$ a lfehham

    Ye$li d felli lam t-tidep mai d lekdeb

    Comme lui, lfahem est dans labme, bris et souffrant :

    Lfahem ahat di ttehyir

    Am i$lin di lbir Iswa qevan d lentit

    Mais cest aussi lui le sage ou lhomme desprit , il est clair:

    Lfahem yeuqelleq Iggumm ad yeneq Ul ukud iku sser

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    Emmitoufl dans les oripeaux noirs de lerrance, le regard toujours tourn vers le pass et mesure que les annes passaient, le pote, gagn naturellement par le regret mlancolique du pays natal, implorait, entre deux blasphmes, les saints de laider pour regagner ses montagnes, tel un naufrag qui, dans une noyade certaine, essaye dsesprment de saccrocher lcume blanche mousseline des vagues avant de submerger, avec le rve dune boue de sauvetage ou dun secouriste introuvables. Il caressa lespoir :

    Siwelt a d neba n-as (rappelez moi je veux revenir).

    Lexil va de pair avec la nostalgie. La terre natale rappelle constamment lexil. Elle le somme de rpondre. Mais o aller sinon ? On ne peut mieux le dire que Lounis At Menguellet :

    Ar t amurt ar anejbu Asm ar itaq erruh

    Daya inasa d ayla-nne Sani tabam anu

    Si Mohand retourna son village pour redcouvrir les sentiers o sont rests gravs les pas perdus dune enfance paisible et aise. Il faisait vieux et il avait les cheveux gris. Il partit par un serment. Il revint en implorant les saints. Il ne pu supporter le nouvel ordre impos sa socit, o rien avait aucun sens. Il eut prfr la maldiction que de subir la loi des maquereaux ou lindignit collective :

    Axir daussu

    Anda qawiden ccifen

    Sa maldiction tait lexil, o il na connu que de maux, mais qui lui tait une source trs fertile dinspiration. Jacques Prvert avait raison : Il a des mots, des maux plein la tte le pote .

    Si Mohand vcut pour dire, nous dire avec et dans lArt : lart potique. Ses Isefra sont un rle, un soupire ou une plainte lyrique, propag dans son milieu pour devenir collectif, un cri dun peuple pouss par un homme (Y. Nacib).

    Ce cri est entendu aujourdhui encore par ses petits frres de Kabylie, son pays. Il retentit toujours et il est le leur.

    A un sicle de distance, si lon projette ce long cri de rvolte de Si Mohand U Mhand sur notre poque, on pourra affirmer que le pote grivois est plus que jamais vivant. De linsurrection touffe de 1871 la rvolte estudiantine rprime davril 1980 ; De loffensive sur Djurdjura de juin 1857 aux balles assassines de la marchausse davril 2001, le serment de Si Mohand U Mhand est plus que jamais dactualit.

    Anae wala neknu (plutt rompre que plier). Ce vers est devenu un mot dordre, un slogan de libert cri lunisson face larbitraire. Mais tout parait perdu, tout est remis en cause encore de nos jours. Les valeurs sont toujours perverties. La corruption est rige constamment en mode demploi. On doit toujours se comporter de manire tre bien not pour spanouir. Les aptitudes construire les belles choses ne comptent pas. Il est toujours question dune seule chose : ce que le citoyen dit, ce quil pense, sil participe aux marches des printemps ... Il est encore dactualit de vouloir soumettre la terre du pote et on est toujours victime dy tre n, tout comme on y meurt tu perptuellement, comme si cette terre na jamais t suffisamment viole. Alors que tous les Si Mohand daujourdhui produisent des merveilles ailleursen exil.

  • 6

    Le rle du pote a atteint chaque individu. On le pousse quotidiennement. Et une seule porte se dessine : fuir ces montagnes. Lexil intrieur dfaut de lautreou en attendant.

    La Kabylie est un grand dpart. Un sicle aprs la mort de Si Mohand U Mhand, on est toujours une seule aspiration : Le dpartPuis le retour N.B. Les extraits des pomes de Si Mohand U Mhand ainsi que leur traduction sont puiss dans : 1. M. Mammeri, Les isefra de Si Mohand , publi aux ditions Frnois Maspero, Paris, 1982. 2. Y. Nacib, Anthologie de la posie Kabyle, dition Andalouses, Alger, 1993. 3. Younes Adli, Si Mohand Ou Mhand, Errance et rvolte ; Edit compte de tauteur ; Alger, 2000.

  • 7

    Bibliographie

    - Mouloud Feraoun, Les Pomes de Si Mohand, Editions de Minuit, 1960 - Mouloud Mammeri, Les isefra de Si Mohand, Franois Maspero, Paris, 1982 - Youcef Nacib, Anthologie de la posie Kabyle, Editions Andalouses, Alger 1993 - Si Ammar Ben Sad Boulifa, recueil de posies kabyles, AWAL, Paris, Alger, 1990. - Younes Adli, Si Mohand Ou Mhand, Errance et rvolte, dit compte dauteur,

    Alger 2000. - Pierre Bourdieu, Sociologie de lAlgrie, Editions Dahlab, Alger 1985. - A. Hanoteau et A. Letourneux , La Kabylie et les coutumes kabyles, Editions

    Bouchne, Paris, 2003.

  • Prsentation de louvrage de Younes ADLI :

    Si Mohand U Mhand Errance et rvolte. Alger 2000

    Par : C. BILEK BENLAMARA

    Luvre potique de Si Mohand U Mhand ne cesse dintresser profanes et initis de ce genre littraire ; lhomme aussi nest pas en reste.

    Aprs Boulifa, Mammeri, Feraoun. Younes Adli, crivain et chercheur dans le domaine de lhistoire amazighe nous livre un autre ouvrage sur le grand pote qui, dj, est entr dans la lgende de son vivant mme 1. Cet ouvrage paru en 2000, est intitul : Si Mohand Ou Mhand, Errance et rvolte .

    Quapporte ce travail qui se greffe aux travaux antrieurs sur le personnage de Si Mohand Ou Mahand et sur sa posie ?

    Dans son avertissement, lauteur annonce dj quil a rassembl et traduit pour la premire fois une centaine de pomes indits2, cest cet apport qui justifie, dores et dj, lintrt qui doit tre manifest ce travail.

    Comment donc est prsent ce livre ? Sur le plan de la forme, cet ouvrage est divis, en 02 parties : lune est introductive

    divise en sous parties; qui ne droge pas la rgle classique de prsentation dlments biographiques dans un contexte socio-historique, conomique et politique du sujet tudi, tout en traitant de la spcificit du mme sujet, psychologique entre autres, et lapport de son uvre la littrature orale du XIXe sicle. Cette partie est agrmente dune iconographie de la Kabylie du mme sicle.

    La seconde partie, plus large (environ les 2/3 de louvrage), constitue essentiellement le corpus des pomes transcrits en tamazight et traduits vers le franais. Les deux parties sont prcdes dun tableau de transcription, dune tazwart prsente par Abdesselam Abdennour, dun avertissement o lauteur rsume lessentiel de sa dmarche : dcouvrir le talent potique de Si Mohand, sa grandeur et la force de sa rsistance travers les pomes indits notamment, de vers du pote consacrs en maximes et expressions populaires, ainsi que dune bibliographie concise.

    Le nombre de pomes est de 116 rpartis en thmes varis : posie sur la femme, lamour, la rsistance, les msaventures, lexploitation des enfants, Cheikh Mohand Ou Lhoucine etc. ( voir table des matires).

    Du point de vue du fond, en revanche, il est difficile dy apporter une apprciation objective pourquoi ?

    Il va de soi quoffrir notre poque des pomes indits du pote tous les frus de posie, notamment de la posie Mohandienne est un acte qui mrite considration et gratitude, mais un sicle de la mort de Si Mohand, daucuns savent la difficile tche de collecter encore des pomes authentiquement appartenant Si Mohand, Quest ce dire ?

    Mammeri a assez dvelopp dans ses Isefra 3 le problme de ltablissement dun recueil de pomes de Si Mohand. Il a en effet trait de la difficult dattribution des pomes un pote particulier, de labondance des variantes, du problme des pomes apocryphesetc.

    1 MAMMERI les Isefra de si Mohand. P 11. FM / Fondations 1982. 2 ADLI Younes : Si Mohand ou Mhand, Errance et rvolte. p 14 3 Mammeri Idem de p 90 99 sous le titre les sources et leurs alas

  • En effet, dterminer avec certitude lauteur dun pome demande une investigation trs pousse et un travail de recoupement trs mticuleux. Mammeri, crit que cette difficult, dans le cas de Si Mohand, se prsentait dj de son vivant mme1

    Cest dire que lessai de fixation de la tradition orale base sur la mmoire collective ou individuelle nest pas tche aise quand on mesure laltration de celle-ci travers le temps.

    Cependant Si Mohand, de lavis des anciens auteurs, na probablement jamais cess de crer et de dclamer des pomes durant 30 annes de sa vie derrant. On ne peut quadmettre que son rpertoire ne se contenterait pas de quelques centaines de pomes qui ont pu jusque la tre sauvegards et limpratif de faire de la collecte durgence pour sauvegarder ce patrimoine se pose aujourdhui plus que jamais.

    Prsentation du contenu de louvrage. Aprs une moisson qui aura t possible grce aux informateurs dont les noms sont cits

    en page des remerciements et au travail de recoupement quaurait fait lauteur ; celui-ci nous prsente une centaine de pomes indits rassembls et traduits pour la premire fois, et (r) appropri Si Mohand, grce ses informateurs et informatrices, un ensemble de 06 pices2 qui sont des variantes de pomes recueillis par Mammeri dans son ouvrage cheikh Mohand a dit et 10 autres pices3, variantes de pomes recueillis par Boulifa et classs dans la 2me partie de son ouvrage intitule Divers auteurs4.

    Nous nous permettrons, cependant, une remarque ou plutt une question en rapport ce dernier point. Boulifa, contemporain du pote, a pu, selon Mammeri5 consulter lui-mme le pote en composant son recueil et authentifier quelques unes des pices, naurait-il pu le faire pour les pomes classs dans cette partie Divers auteurs ?

    Sur un autre registre, il aurait t intressant de voir sil ya une thmatique particulire dans la posie de Si Mohand qui a t recueillie auprs des sources fminines cites par lauteur et comment cette posie est-elle arrive jusqu' louie de celles-ci. Cela aurait pu, peut tre, nous rvler une dimension sociologique sur cet aspect l en cette poque.

    En effet, les diffrents genres potiques ne sadressent pas tous au mme public, dautant que pour la socit kabyle du XIXe Sicle, la posie tait transmise de faon clandestine et/ou selon la dichotomie espace fminin / espace masculin , des moments prcis et dans des espaces tout aussi prcis.

    Dans la premire partie de louvrage de (Y) Adli, 04 sous parties sarticulent autour de :

    1- lhistoire, lhomme et le pote. 2- Lerrance sociale et spatiale. 3- Le patriote rvolt. 4- Et enfin lapport de si Mohand la littrature du XIX S.

    1)- Lhistoire, lhomme et le pote Si Mohand est malgr lui pris dans le tourbillon de lhistoire puisque sa famille, aprs dj

    un premier exil li une histoire de vendetta, subira de plein fouet un autre exil, celui l impos par un lment exogne sa socit, le colonialisme franais.

    1 Mammeri Idem p 91. 2 Adli- pomes N 52, 74,78, 8 1,82 et 108 3 Adli Idem pomes N 11,16, 17,26, 35,41, 57,89 et 93. 4 Adli Idem note N1 p 14 5 Mammeri Idem P 92.

  • Entre 1857 et 1871, dans une atmosphre pleine de contradictions, lauteur, fait ressortir au moins 4 moments forts de la vie de Si Mohand dont les stigmates le caractriseront vie. En effet lhomme se forgea et le pote mergea ; voluant dans le paradoxe du confort familial et de lducation religieuse, de lhumiliation et de la rvolte ressenties face la menace de destruction sociale que faisait peser limminence dun ordre nouveau, des nouvelles convictions non conformes aux conventions sociales (Adli crit, p23 que lveil potique du jeune Mohand sest manifest avec lamour des femmes ) et enfin de la rpression qui achvera de le priver de tout attache familiale et sociale, puisque toute sa famille est prise en plein cur du drame. Le pote saura tirer parti de toutes ces contradictions pour accomplir son uvre.

    Lerrance sera son destin, et Si Mohand ne cessera 30 annes durant de trimer les monts et plaines allant du village Tizi Ouzou, Bejaia, Alger et Blida, Bne etc, poussant jusquen Tunisie. Partout il dclamera sa posie.

    2)- Lerrance sociale et spatiale. Lauteur abordera en seconde partie lerrance sociale et spatiale, soulignant cette

    particulire aptitude, singulire sans doute dans lhistoire des productions locales ou universelles, de Si Mohand produire une uvre dans des conditions dinstabilit extrme sans poser lancre nulle part, et le dtachement du pote par la diversification de ses horizons du lot des potes tribaux dits organiques qui lont prcd.

    3)- Le patriote rvolt : Dans cette partie lauteur met en exergue le sentiment de rvolte et lesprit contestataire

    qui animaient le pote contre lordre colonial mais aussi contre ses coreligionnaires : Caids, frileux dvots et tous les auxiliaires de ladministration qui ont pactis avec cet ordre l, reniant leurs valeurs ancestrales.

    4)- Lapport la littrature orale du XIX Sicle : Adli crit que Si Mohand avait fortement marqu la posie du XIX me Sicle, aussi

    bien par lenvergure de sa posie que par lintroduction de la dimension nationale qui dans son uvre, trouve une expression littraire.

    Son uvre, fait partie, un sicle plus tard de lhritage littraire le plus prcieux de notre pays, si bien que daucuns voulant donner du poids leurs dires sappuient sur des expressions laisses par Si Mohand. (Voir les maximes)

    A La fin de louvrage, on retrouve, justement, 52 vers de Si Mohand U Mhand consacrs en maximes et expressions populaires qui sont en effet utiliss de nos jours, tmoignant doublement de lenvergure des dires de Si Mohand et de la reconnaissance populaire au gnie de ce pote.

    Une bibliographie nous est prsente dans cet ouvrage, ainsi quune iconographie du pays Kabyle du XIX sicle de Martial Remond (collection personnelle). Des photos agrmentent cet ouvrage et nous ressuscitent des paysages de Kabylie qui ont disparus et donc inconnus des nouvelles gnrations, la photo tant un instrument non ngligeable dans la reconstruction de lhistoire.

    Si Mohand U Mhand, errance et rvolte est un ouvrage crit dans un style simple et claire, le contexte historique dans lequel a baign le pote et droul succinctement, maill de commentaires chaleureux. Cet ouvrage est enfin agrable lire.

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    Isefra n Si Muend** Tazmilt n t$uri

    S$ur : Hamid Bilek, Anemhal adday HCA

    I tikelt nniven a-d nu$al di tes$unt n wesqamu unnig n timmuz$a i wakken awen-d nawi kra n wawal afessas ar a-d yezzin $ef yiwen wedlis yesan atas n lqima deg usefrek n tutlayt, amezruy d yedles amazi$. Adlis-agi d win yura Lmulud at Mammar, lsas d tigejdit n leqdic $ef tmazi$t. Lmulud at Mammar i$-d yessawven agerruj-agi, iga-yas leqar i wakken ad yili ger iffassen nne$, yea d akken rruh n ta$erma tamazi$t d win yebnan $ef wawal u d win yebnan $ef timawit. Yeza belli i wakken agdud amazi$ ad yeddu $er zdat, illaq ad ie ansi i-d-yekka d acu yella d wamek i-d iedda iwakken a-d yawev $er wass-a. Lmulud at Mammar d azamul n tmaz$a, d a$erbaz i yal yiwen i iqedcen deg wehric n tmazi$t. Dda lmulud yenoer-d abrid, d abrid yessufu$en ara yettwavefren s$ur yal yiwen i wakken azekka n tmazi$t ad yif ass-a, i wakken Lmulud at Mammar xas akken ulac-it yella u leqdic-ines a-d yeqqim i lebda. Isefra n Si Muend d yiwen wedlis seg wid yura Lmulud at Mammar deg isseggasen n 60. Adlis-agi s timmad-is yenoer abrid n tasekla timawit taqbaylit. Deg-s Lmulud at Mammar isqucev-d azal n 280 n isefra n Si Muend. Iawec-iten-id s$ur wid yuran, wid i-d yecfan, wid iwumi i-d-kan, wid yessnen Si Muend d wid iacen di tallit ines. Wid yuran am Bulifa d Ferun, wid i wumi i-d-kan am Waab usin (yeka-yas-d Yusef u Lefqi), win yessnen Si Muend am Muqni ao Muend u Midin i yemugger Lmulud at Mammar s timad-isDda lmulud yenna-d da$en d akken si Muhend mai mual yettaru kra seg isefra-ines. Adlis yura Lmulud at Mammar ifeq-it d iricen. Amur ameqan deg-s d win i-d iaen tamedyazt. Isefra id- yessuqel Lmulud at Mammar yebva-ten d tiwsatin ne$ lenaf : Isefra n zzman, isefra n uminig, isefra n tayri, n yemdukal d wid n tagara ne$ n tewser. Deg wedlis-agi, Lmulud at Mammar yebbi-d awal $ef wamek i$-d-ihawec isefra n Si Muend, amek ittwabnan isefra-yagi, yefka-d ula d yiwet n tezwart s tmazi$t u yesfehm-d amek id-tella tira nnsen s walugen n tira tamazi$t.

    * Mouloud MAMMERI ;Les Isefra de Si Mohand. Librairie Franois Maspero ; Paris 1969.

  • 2

    Ayen deg yesse$zef Lmulud at Mammar awal deg wedlis-agi d wayen iwumi yefka amur meqqren d aric yeqdec $ef umedyaz d tmedyazt-is. Lmulud at Mammar yea d akken iwakken a nessiwev a nefhem akken iwata a-d nejbed inzi d yeswi n tmedyazt n Si Muend ilaq anzer amek iac umedyaz nne$ ,amek d-yettueba, d acu n teswit, amek tettidir tmeti, d acu id amezruy-is D tigi yakk i d timsal u$ur yerza Dda lmulud deg uric-agi. Di tezwart id- yefka wemyaru s tmazi$t yenna-d d akken ilaq an areb $ef isefra i-d ooan imedyazen n zik, acku tamedyazt d tamusni wessien, mkul yiwen ara yvillen fellas ad yaf ayen yeb$a. ef Tmedyazt n Si Mund yenna-d Settin n sna ne$ lqern mbad mi-d yewwi isefra-s mazal loil ittak-iten i loil, mkul wa yettaf degsen lmana leqqayen. Llan issefra n teswit kan, mi iedda lweqt nni deg iten id-yewwi bab nsen ad eddin yides. Wid n si Muend ufraren nnig lewqat di mukan , d isefra n yivelli d wid n wassa, d isefra n leqbayel d wid n libad mea ara sen islen. ef wamek yebna usefru n Si Muend, Lmulud at Mammar yerna-d kan $er wayen i-d yenna uqbel-is Mulud Ferun. Yenna-d dakken Si Muend seg usefru ines amezwaru ur ibeddel di tal$a n isefra-ines alarmi d tagara. D asefru yesan tlata n tseddarin (strophes) Mkul tasseddart tesa tlata n tafirin (vers) Lmulud at Mammar yenna-d d akken asefru yettwabnan akka, mei, illaq bab-is ad yili yessexdam imeslayen yettawven srid $er yiswi u yesan izen ioehden. Si Muend yufrar-d di cc$el agi imi d netta id amsiwev n tmetti s umata (le porte parole de toute une socit). Adlis n isefra n Si Muend ideg llan azal n 280 isefra yessuqel-iten-id Lmulud at Mammar ar tefansist, nebla ccek i wakken ad yefk azal meqqren i wergaz-agi, amedyaz ixulfen wiyiv, i wakken as yefek amekkan di tigemi n umaval s umata. Dda lmulud di tsuqilt-ines yenna-d d akken d cc$el iaben aas imi akken teb$u tilli tessenqas cwi di u n tmedyazt ideg llant kra n temsal ur s tettusuv ala s tmeslayt tayematt. Nenna-d dakken aric iwumi yefka azal meqren deg wedlis-agi d tamedurt n umedyaz d tmedyazt-is. Ula d nekkni d wagi i$ur nsened s waas deg wawal agi ar a-d nawi . Amedyaz d tamedyazt-is Ulamma Si Muend di tallit-ines yekker-d yufa-d llan aas n imedyazen maca ixulef-iten, imi wiyav akk u$alen d imedyazen n zik s umata ; ur-d-ggrin ara yismawen nsen, Si Muend wedes id-yufraren imi ar ass-a mazal-it d azamul di tmetti taqbaylit.

  • 3

    Akken i$-d yenna Lmulud at Mammar, Si Muend ur t-id-ussi ara kan akka tmedyazt, u yerna, ur tt-yessexdem ara d asafar n temict-is. Tettunefk-as, d lmektub-is, d nettat i-d iqelben fellas , ur yezmir as iwexxe. Seg wasmi is tettunefk, Si Muend yedda deg webrid-is. Abrid it yebbin $er lkif, cab, tilawin d wayen akk yellan yeffe$ si lqaleb n tmetti taqbaylit n tallit nni. Lmulud at Mammar yenna-d d akken Si Muend yevfe abrid yettwali ad yili deg-s d ilelli. Abrid agi i yenoer Si Muend yebda seg wasmi i-d-ibedd $er-s lmelk mi yella yetta$ luvu-ines $er rrif n yiwen wemdun. Lmelk is-d-ibedden yessexta-it. Inna-yas : Hde nekk ad ssefru$, ne$ ssefru nekk ad hedre$ Si Muend yerra-yas : Ssefru nekk ad hedre$ . D$a seg wassen ayen yakk is wayes ar ad-yeneq ad yu$al d asefru. Lmulud at Mammar yenna-d d akken Si Muend ur yewao ara a-d-yesnulfu tadyant agi, ad tili d ayen yevan yides imi Si Muend ur d-iedda yara seg webrid n imedyazen n tallit nni, anda amedyaz ilemed lirfa-s , u d lweqt it yettaran ad yawev d amedyaz mucaen. Si Muend deg yiwen wass yu$al d amedyaz u d win i-d yufraren. Asefru ines amezwaru akken it-id-yenna Lmulud at Mammar d win i deg is-yeqqar :

    Bismilleh ar nebdu asefru Ar lleh ad yelhu

    Ar d inadi deg lwevyat

    Wi s islan ar d at-yaru Ur as iberu

    W illan d lfahem yera-t

    An hellel ebbi atent ihdu $ers a la n dau

    ad badent adrim nekfat. Seg ussefru agi amezwaru, Si Muend yenoer abrid n wamek ara yexdem tamedyazt-is imi di tal$a n isefa-ines ur ibedel kra alarmi d asefru aneggaru. Tamedyazt di tallit n Si Muend tebva $ef sin lenaf. Tella tamedyazt n tayri akk d tamedyazt n ddin i wumi qaren tiqsidin. Tamedyazt n tayri qaren asen isefra n imeksawen, imi tamedyazt id-ttawin yelmeyen yellan di tallit nni sumata d imeksawen ; Isefra yagi d wid ur zmiren ad-innin ger lama. San lweqt-nsen, san imveqan ideg iten-id-ttawin. D ilmeyen garassen u bea n taddart ; di lexlawi d isaffen. Tamedyazt agi yettaratt bab-is di rrif akken kan

  • 4

    ara tfat temi-s. Ma tamedyazt n ddin d tin yettezin s unamer n uhaba, n yemabven d lawliya. Tamedyazt agi tesa aric meqqren di timetti u d imdanen meqqqren itt-imedden. Lmulud at Mammar yenna-d deg wedlis -ines d akken iwakken anefhem wad as-nefk amekkan iwatan i Si Muend d tmedyazt-is ilaq fella$ aner amek id-tedda tudert-is. Si Muend at amaduc illul deg usseggas n 1845 deg Iceiwen, di teqbilt Nat Iraten. Talalit is tussad di yiwet n tallit iaben aas, imi amnekcam aumi yella yeef timnavin n ugafa n tmurt n lezzayer. Alla tamna n leqbayel is-d-mazal. Ur yessawev att yesseknu , att yer seddaw n uzaglu-ines alarmi d 1857. Asseggas i deg bnan lbaj n NAPOLEON Di taddart n iceriwen. Imezda$ n taddart gerassen tawacult n Si Muend nfan-ten, fkan-assen akal n zzawiya tacaait di Tizi aced. Tawacult n Si Muend ur teb$i ara ad tic deg wakal n zzawiya, tekker tenfa yiman-is $er taddart n Sidi Xlifa. Dda Lmulud yennaya$-d dakken ula deg Iceriwen, tawacult nat maduc ur telli yara di lael imi si taddart n ugemmun i-d-ttwanfan. Iceriwen tellayassen d taddart n lanaya u$alen tnelen deg-s. Qaren-d da$en Si Mund illul di ti$ilt el ao, anida id-yufa lal yemmas terwel $ef cwal id yettilin deg iceriwen. Dda lmulud yenna-d $ef wayagi dakken mkul taddart teb$a ad tesu kra ne$ ad tcud lmektub n Si Muend $er umezruy-is. Akken yeb$u yili laal, iban belli Si Muend d iminig seg wasmi yella mei . Deg Sidi Xlifa, anda sersen iman-nsen at amaduc llan tticin di talwit d lisser. emmi-s n Si Muend, ccix Aezki, yeselmad leqran. Deg u$arbaz ideg yes$aay emmis i yebda SiMuend ilemmed leqran mi mei. Ayen i kemmel di zawiya n Sidi Abderamane illulen. Tanekra n 1871 thudd si lsas tawacult n Si Muend ; win yemuten yemut, win yenfan yenfa. Cci-nsen d wakal nsen yettwakes-assen. Ci id-yegran iewit gmas, iu yesali di Tunes. Si Muend yufa-d iman-is la dda la duwa yettmenga ger iberdan di elt d lmiziriya. Cfawat nat zzik qaren-d dakken di teswit agi i-d-yers $ers lmelk. Seg yimiren-nni, Si Muend yerra-tt iw cali, amekkan yettak-it iwayev, it yettawin $er Lezzayer, enaba d Tunes, i t-id-ittaran $er tmurt n Leqbayel. Deg webrid-is yettemlili-d l$aci yemxalafen. Yenfel $er yal tilufa, tissit, tilawin, lkif, i$eblan Akka i tedda yakk tuddert n Si Muend alarmi d tamettant-is. Tudert-is tussa-d s ddaw umnekcam aumi iean iuran-is di tmurt nne$ d wayen yakk s wayes id-yegla i wegdud azzayri. Di tmedyazt-ines nettaf isefra

  • 5

    $ef tameqranit, tugdi, lif, l$iv, lmizirya d lehlak ur nesi ddwa. Amek akk tenneqlab yis ddunit :

    ef wasmi lli$ d acawa Zzin iw yufrar

    Ixeddem-d baba felli

    Nekseb ti$ezza n Camlal Nerna idurar

    udda$ d aba irkulli

    Tura mi senda$ s uffal Zzehe-iw imal

    Yaetta $ef zik-nni

    ef temsalt n unigi ines, Si Muend yeoa-d azal n 38 isefra i-d-yettawin $ef temdinin akk ideg id-iedda. Lmulud at Mammar yezzi-d awal $ef wa n Si Muend aneggaru ar tunes $ef uvar. Maca uqbel ad iu yerza $er taqa anda id-izu ccix Muend Ulusin. Timlilit i-d-yebbi umeda di teqsi :

    A Ccix Muend Ulusin Nussa-d a k-nissin

    Nevma si loiha-k cwi

    A lbaz ized$en lein Iub-ik wenin

    Amkan-ik eed ur tiwiv

    er sfe heggi awin Ul-iw d amuvin

    Tamurt ad tebedel wiyiv

    Timlilit-is akk d ccix Muend tussa-d $er tagara n tudert-nsen imi ccix ur yerni ara aas yebbev lafu n rebi deg usseggas n 1901, ma d Si Muend yerna kra isseggassen yemmut di tazwara n 1906 u yenel deg usseqif n mana aken i timmena wul-is. Akka i$ yebbi wemyaru, awal $ef tudert n Si Muend. Tudert i ycud aas $er umezruy n tmurt n leqbayel di lqern wis19 ; anda tamurt n leqbayel tbeddel ama di lawayed ines ama di lukkam ines ; axemmas yu$al d bu cci, amekanti yu$al d axemmas, aklan u$alen d lukkam, udayen u$alen d imelmenLaul kulec yetti,

  • 6

    yu$al uqelmun s ivaren. Leqbayel yellan tticin di lama d lehna di tmurt-nsen xedmen akal-nsen , ufan-d iman-nsen ttinigen $ef ixedim, znuzun tifucal n i$allen nsen di yal timnavin n tmurt. Zik d tamusni d tirrugza i d lqima n wemdan ma di tallit n si Muend seddaw n uzaglu aumi yu$al kulec s adrim. Si Muend yenfel ula s annar n tasartit, yesefra acal $ef wamek Lquyad ur nesi la lefhama la tirugza, la tamusni, xedmen lmenkke di tudrin n leqbayel. sawven hudden akk lawayed n tugdut d tilelli di tmurt.

    Anna$ a ebi nuven Leful tewtev en Armi $lin di lqaa

    D imeksawen n t$een

    Ig zed$en lewen La sewsaen di trika

    Yak a yul-iw tesnev-en

    Ur teddu yidsen Dina ulac lmenfaa

    Ayaggi yakk yejre Si Muend, iuzat di tawit-is , di tawacult-is, d wayen yakk is-d-yezzin. Ayen yefen aric meqqren di tamedyazt n Si Muend d isefra n wenfay d wanag, Si Muend yettaf iman-is ger yebiben-is wala d imawlan-is. Yettmektaye-d akk lexa-is, i$eblan-is di lawaca d lawayed maca ur yettaav ara ad yaf ixef d tifrat i lemayen-ines. Din id tittara i cab d lkif yettkemil i lmektub-is. Tikwal kan akka mara-d yejma laqel-is yealab talwit, idau i ebbi, lecyax d lawliya i wakken as-ddafen ddwa.

    Lefraq i$leb ayen illan A yul ay-k-yuroan

    Wissen alebab manemlil

    L$iba tvul ur nuksan Ur telli d ussan

    Ma ru$ a medden akk alil

    I$eblan lxiq d wurfan

  • 7

    F lxate-iw zgan ur ebbi neroa ttawil

    Tayri di tamedyazt n Si Muend teef taqacuct. ur yeqbil ara tudert nni anda tayri d lib. Yesefra $ef wacal n tedayin, icekritent s yal ifa, vrafa d lefhama. Yal tin id-imenna wul-is yeb$a-tt lxaer-is yessalay di ccan-is yettawitt-id deg isefra. Ayen yessewhamen ula di tmedyazt agi n tayri d akken d tin n beu, n lfiraq d layas i yeuqten.

    ecda$-k a lfahem eqaq Iab lfiaq

    Di layat qbel lmut-is

    Tuzyint $ef nettuewaq S vrafa tedeq

    Dehce$ mi-d beggen iman-is

    Win ttisan lleh at ieq Fiel ma isewweq

    Di lerba izga umur-is

    Aric nniven yesan amekkan $er umedyaz d win n ay, yir ay, ay uwij Si Muend yesbabba-s akk i ay-is timsal id as yevan.

    Yussa-d ay d anawaj ebbi d afaao

    Tamurt mai day ttnekrah

    Si elkutra n beni sufao Degmi akka inhao

    Mkul wa anida yetwellah

    Sellem-iyi $ef widen nedao Yennumen lbilao

    D a$rib an yas abrid-a

    Si Muend yessexdam atas tigedlin ger zik d tura, taddart d lbilao, asirem d layas, anama d win yexlan, tamurt d l$erba. Yessexdem annecta ula ger-as d win it-id ixelqen. Tikwal yettamen yis idau $ures,yealab-as talwit ma d tiswiin niven ikufe iregem deg-s.

  • 8

    Tella yiwet n t$awsa yumen yis Si Muend, tagi d lmutt, tettu$al-d aas deg isefra-s. yessawala-s mkul mi ara-d-yaf iman-is di yir taswit. Lehlak d tewsar mjamalent-as.

    Layub ttrajun tewser A lfahem ak nendde

    Wi meiyen ad ifaes

    Ilha winn iteddun s nnve Ddunit tewe

    Win itt-iteben ad as tames

    An leb ebbi ad a$ yeer Ieffu i$effe

    ema deg ufus-ines

    Tamedyazt n si Muend tefka nnuba i yal tallit di tuder-is n yal ass d wayen yak is-d yezzin. Ulac ayen yerra di rrif, yesefra $ef tayri, $ef imawlan, $ef lebab, $ef tmurt, $ef lmizirya, $ef lehlak, $ef tirugza d imesaf ; yesefra $ef leqbayel $ef waraben, $ef waklan, $ef wudayen ma d iumyen ur ten-id yebbi umedda di teqsi. Aken i$-d-yenna Lmulud at Mammar, di tawact n wazal n 280 d asefu i-d yejma, yiwen ideg iten-id yebder s yisem n yilfan. Dda Lmulud yenna-d d akken si Muend ye$ba isem nsen di tamedyazt-is am akken yeb$a a ten imu si tmurt-is. Ulama, akken i$-d yenna Dda Lmulud, Tamedyazt n Si Muend tu akk am akken tcudd mea $er layas, maca amdan ilaq ad yeev ad yefhem s telqey tameddurt-is d izen i-d-yettak di tmedyazt ines i wakken ad yessaki, ad iebbi, w ad-yer asirem i wiyiv, ulama netta yeooat ; imi akken i$-d-yessefhem Dda lmulud awal asefru di teqbaylit yesa azal meqren u lmana-s d win iy oaooan amdan a-d yessufe$ ayen itized$en u d win id yettafen tissura i yal ugur, yis ttwalin medden ibardan imi amedyaz sumata yettunesab d lemri n timetti. Yenna-d Lmulud at Mammar d akken ci kan ig xussen Si Muend ad yu$al d lwali, ne$ d nnbi, imi timetti tessawev-it ar tseddat ideg qqaren ceylelleh mara t-id bedren.

    Si Muhd hareb felli Caylellah a lewli

    D lecyax i-k yese$en

    Bu leklam iden am wudi

  • 9

    Kulec at yessefsi D ddwa $ef wulawen

    At tedduv d uzawali

    Iwan lemani Irefed yesrussu s walen.

    Tameddurt d tmedyazt n Si Muend deg ass n wass agi mucaet deg umaval mea tu$al d a$erbaz anda nezmar anelmed aas n temsal i-d icudden ar umezruy d tmetti taqbaylit di lqern wis 19. Wid yessawven as- fken amekkan agi di tmusni uqten maca ayen yeqdec Dda Lmulud ama deg wedlis-agi ama deg saragen yettak di temnavin yemxallafen ssulint aas di lqima-s u suf$ent si tlisa n tmurt alarmi yu$al d agerruj n tgemmi tame$radant.

  • Si Mohand U Mhand

    Enfant et pote dun naufrage

    Par : B. BITAM

    Je commencerai bien, avant den arriver au personnage de Si Mohand lui-mme, par

    quelques considrations dordre sociologique gnral, qui sont pour moi des lments inducteurs, sans lesquels il semble malais de comprendre quoi que ce soit au vcu historique dune socit.

    Jnoncerai de faon lapidaire ces considrations en me rfrant : - dabord ce quil est convenu communment dappeler la sagesse des nations,

    condense en des formules lapidaires dites proverbes ou dictons, - ensuite lide dun historien franais de renon : Marc Bloch, cit par Amin

    Maalouf dans un de ses ouvrages Les Identits meurtrires . - La premire de ces rfrences, un dicton en arabe algrien dit : - eckwer lawam la teckwer labad Vante les temps, ne vante pas les hommes. Celle de Marc Bloch, qui porte la mme charge smantique que la prcdente,

    sexprime autrement, en langue franaise, langue de la prcision, comme suit : Les hommes, dit Marc Bloch sont plus les fils de leur temps, que de leurs pres. A quoi veux-je en venir ? A ceci pour me rpter : On ne peut pas saisir les tenants et aboutissants dun vnement historique, ou ceux

    dun humain quil est convenu dappeler grand homme (savant, politique philosopheetc), et mme dune bonne partie des textes sacrs, si on ignore le contexte socio-historique o ils sont ns (voir, par exemple, en ce qui concerne lIslam, limmense bibliographie donne sous le thme gnral de Asbab Nuzul les motivations dune rvlation

    Il sagit bien sr, ici, de motivations socio-historiques, donc humaines. Quant aux motivations divines, elles nous restent, et resteront, probablement toujours, inconnues.

    Ceci dit, et sous lclairage socio-historique voqu prcdemment, revenons au personnage de Si Mohand U Mhand, et posons la question de savoir quelle tait la situation de la socit kabyle du Djurdjura au temps de la jeunesse et de lge mr du pote.

    Voyons dabord quelle est, notre connaissance, la dure de sa vie (nous savons, quelques jours prs, la date du dcs de Si Mohand U Mhand fin de lanne 1905, ou 1er janvier 1906, cela na pas grande importance pour la suite de notre propos mais nous ne connaissons, par contre, que trs approximativement la date de sa naissance, de faon tout fait conjecturale. Si nous admettons que son dcs est survenu vers la soixantaine ctait grosso- modo lesprance de vie de lpoque. Si Mohand U Mhand serait n vers 1845. Cest dailleurs ce que suppose aussi Mammeri dans lintroduction son ouvrage Isefra de Si Muhand U Mhand .

    Je rappelle toutefois que cette date -1845- na rien de prcis, mais elle offre satisfaction, telle quelle, largumentaire que jutilise ici pour une approche des fondements de la personnalit du pote et, par la suite, des sources de son inspiration.

    A ce point, force nous est de revenir lhistoire de la rgion, cest dire de retracer dans ses aspects les plus tragiques surtout, car ce sont ceux-l, prcisment qui ont marqu profondment Si Mohand. Les bouleversements que cette rgion a connus deux reprises en lespace dune quinzaine dannes.

  • Il y eut dabord la campagne de 1857 et le dsastre dIcherriden, qui vint conclure le 28 juin 1857, la faveur de larme coloniale, une srie doprations militaires infructueuses - dites escarmouches dans le langage des historiens franais de la colonisation qui duraient depuis dj une dizaine dannes.

    A lissue de la dfaite dIcherriden, dfaite mortelle pour la kabylie du Djurdjura, le village dIchraywen, celui de la famille de Si Mohand, sis lemplacement actuel de Larbaa Nath Iraten, fut ras, ses habitants dplacs dautorit vers un autre lieu qui, dit Mammeri, leur avait t assign en guise de ddommagement la confis