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n° 16 - printemps 2010 - gratuit François Robin Dossier : Financer un projet dans les musiques actuelles French Cowboy Nouvel R Zôl

TohuBohu16

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Tohu Bohu N°16

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FrançoisRobin

Dossier : Financer un projet dans les musiques actuelles

French Cowboy

Nouvel R

Zôl

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10Borderline

3 Thierry Lépicier4 brèves6 Zôl8 Nouvel R11 le streaming12 François Robin14 Financer un projet dans

les musiques actuelles20 livres22 French Cowboy25 disques 31

24Rock’in Laval

Le réseau Tohu Bohucoordination : Cécile Arnoux / T. 02 40 46 66 33 / [email protected]

CHABADA Jérôme [Kalcha] SimonneauChemin Cerclère, Route de Briollay, 49100 AngersT. 02 41 34 93 87 / [email protected] / www.lechabada.com

BEBOP Emmanuel Bois28 avenue Jean Jaurès, 72100 Le Mans T. 02 43 78 92 30 / [email protected] / www.oasislemans.fr

FUZZ’YON Benoit Devillers18 rue Sadi Carnot, 85005 La Roche-sur-Yon cedexT. 02 51 06 97 70 / [email protected] / www.fuzzyon.com

LES ONDINES Éric FagnotPlace d’Elva, 53810 ChangéT. 02 43 53 34 42 / [email protected] / www.lesondines.org

TREMPOLINO Lucie Brunet51 bd de l’Egalité, 44100 NantesT. 02 40 46 66 99 / [email protected] / www.trempo.com

VIP Julien NicolasBase sous-marine, bd Légion d’Honneur, 44600 Saint-Nazaire T. 02 40 22 66 89 / [email protected] / www.les-escales.com

Coup de griffe Le MagnétoPhoto couverture : Zôl (Nicolas Wirrmann)

Directeur de la publication : Vincent PriouRédactrice en chef : Cécile ArnouxOnt participé à ce numéro : Mickaël Auffray,Jean-Jacques Boidron, Emmanuel Bois, LucieBrunet, Benoît Devillers, Gilles Coucier, CyrilCoupé, Jonathan Duclaut, Eric Fagnot, GeorgesFischer, Maëlle Fleury, Patricia Guyon, MarieHérault, Cédric Huchet, Damien Le Berre, GillesLebreton, Pascal Massiot, Aurélien Moreau,Julien Nicolas, Benjamin Reverdy, JérômeSimmoneau.Conception graphique : Christine Esneault,Julien Brevet.Impression : Imprimerie ChiffoleauTirage : 13 000 exemplaires – Papier recycléDépôt légal : en coursSiret : 37992484800011Tohu Bohu est une publication de Trempolino,51 bd de l’Égalité, 44100 Nantes, et du réseauinfo-ressources musiques actuelles des Pays dela Loire : Tohu Bohu.Prochaine parution : juin 2010Bouclage : 3 mai 2010

21Les Martins

Pêcheurs

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Depuis une bonne quinzaine d’années, Thierry Lépicier multiplie les initiatives pour permettre aux Angevins dese rencontrer en musique. Aujourd’hui, derrière le zinc du T’es Rock Coco, son café-concert dans le quartier deLa Doutre, Thierry revient avec nous sur son parcours atypique, finalement guidé par la passion de la guitare.

“À la naissance de mon fils, en 1986, je me suis dit que je devais faire quelque chose d’importantpour moi, dont je serais fier. J’ai donc décidé d’essayer de jouer de la guitare de manière profession-nelle. Depuis l’âge de 14 ans, après avoir vu Lou Reed en concert pour sa tournée ‘Rock‘n’RollAnimal’, ma guitare me suivait partout et je mourrais d’envie de monter sur scène moi aussi.”

Thierry Lépicier ne commence pourtant pas sa carrière en rock star décadente. Abandonnant sa pro-fession d’artisan/commerçant, il décide d’étudier à fond le flamenco aux côtés du guitariste AndréCharbonneau et voyage en Espagne pour s’imprégner de la culture. Au bout de quelques années, ilsent qu’il aura du mal à évoluer dans ce style musical en Anjou, faute de combattants. En 1995, ilcroise alors un drôle d’oiseau peintre et accordéoniste du nom de Christophe Bell Œil. Humainementet artistiquement, la rencontre s’avère fructueuse. Le groupe Bell Œil bousculera la chanson française pendant dix ans, jouant sur toutes les grandes scènes hexagonales et recevant les louan-ges de ses pairs (Noir Désir, Têtes Raides, Mano Solo…). “Quand j’ai décidé de m’investir dans BellŒil, j’ai tout de suite imposé à Christophe des objectifs précis. Je ne voulais pas juste faire un trucqui resterait dans son coin. Je voulais jouer, essayer de pousser ce projet au plus loin, réaliser monrêve de gosse. On avait donc besoin d’un cadre administratif. J’ai alors décidé de réactiver l’associa-tion Musique Caméléon, qu’on avait créée trois ans plus tôt pour faire tourner un groupe dans lequeljouait André Charbonneau. Petit à petit, d’autres groupes d’Angers sont venus me voir pour savoirs’ils pouvaient utiliser la structure Musique Caméléon pour de l’administratif, du tour, du manage-ment… C’est devenu un outil dont chaque acteur pouvait se servir selon ses besoins. Je n’ai jamaiseu envie d’en faire un truc pro, avec une ambition commerciale. Je préfère que ça serve de marche-pied pour des groupes en développement, de proximité.”

Le mot est lâché. Proximité. Thierry est amoureux de son quartier, La Doutre, sur l’autre rive de laMaine. Il se démènera pour que les Angevins traversent le pont en proposant des concerts dans desendroits insolites (restaurant, boîte de nuit…), organisant une vraie Fête de la Musique qualitativedans le quartier (comprendre : sans reprises approximatives de Téléphone ou Nirvana…). “J’adoreLa Doutre, c’est vrai. C’est un petit village, collé au centre-ville. Tout le monde se connaît. J’habite à10 mètres du bar, et je ne peux pas faire le chemin sans m’arrêter plusieurs fois saluer quelqu’undans la rue.” En 2005, il décide carrément de monter un café-concert dans La Doutre : le T’es RockCoco est né. Quatre ans plus tard, l’endroit est devenu un rendez-vous incontournable et bigarré.Les gens du quartier y croisent les publics metal, chanson, punk, électro, jazz, blues venus pour lesconcerts. Et tout ce petit monde se mélange pour le bœuf blues hebdomadaire qui connaît un sur-prenant succès depuis deux ans. Thierry n’a d’ailleurs pas abandonné la guitare, puisqu’il a lancé ungroupe avec son fils, Father & Son, mélangeant blues vintage et hip hop. “En 1977, je vivais enAngleterre en pleine explosion punk. C’était énorme. Mais je me souviens que j’achetais déjà des dis-ques d’Albert Collins à cette époque car je le trouvais super punk à sa manière lui aussi. Finalement,j’adore les musiques expressionnistes, qui hurlent leur douleur, qui parlent des gens.”

PAR KALCHA

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LÉPICIER DU COIN

thierrylepicier

Infoswww.tesrockcoco.com

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Alors que s'ébauchait la chro-nique de son album pour ceTohu Bohu (cf. p.29),Mathilde nous quittait le 25janvier dernier. Via ces pre-mières lignes, nous rendonshommage à une artiste bril-lante, déterminée et comba-tive. Sa musique est bienvivante, déjà 1.000 exemplai-res du disque vendus, un dis-que magnifique que nousvous invitons à découvrir.Salut Mathilde !http://www.myspace.com/mathildeenjuilletLes bénéfices des ventes du disque

sont reversés à la Ligue contre le

Cancer.

Les Vendéens de Strolladtirent leur révérence ! Avec lasortie du DVD “Un dernierpour la route !” (qui contientun DVD live et un CD audiolive), ces rockeurs enflammésmettent un terme à dix ansde musique qu'ils considéraientcomme festive, énergique etcommunicative.

La Nuit Mandingue sedéroule le samedi 20 mars àla Maison de Quartier deDoulon (Nantes) avec une

programmation éclectique,chaleureuse et hautementmusicale. Direction l'Afriquede l'Ouest avec Bakh Yaye(Sénégal/Toulouse), DramaneDembélé et Nouza Band(Burkina/Paris), Wongaï(Guinée/Nantes) et Kodouma(Nantes/Mali). www.tambour-battant.org

Troisième festival du genre,Les Folies Tapping sera l'évènement Stick Chapmanet guitare tapping ces 13, 14 et 15 mai du côté deTrentemoult à Rezé (44).Porté par le collectif 4par2,concerts (parmi lesquels lesplus grands du genre : JimLampi, Ron Baggerman,Preston Reed...), master-class, expos, avec une mili-tance artistique, mais aussiécologique via des moyensde réduction des déchets.www.folies-tapping.com

Mathias Delplanque, connuaussi sous le nom de Lena,vient de créér un label dédiéaux musiques électroniqueset à l'art sonore. Son nom :

Bruit Clair. D'un coup d'unseul, trois disques (cf. chroniquesp.26) de Mathias et de Lena.D'autres noms figureront surle catalogue en cours d'année...www.bruitclair.com

High Command Records estun tout nouveau label associatifbasé à Cholet. Et la toutepremière référence, n'estautre que le dernier albumd'Ichabod Crane. Mais envinyle s'il vous plait. www.myspace.com/highcom-mandrec

L'AMMD, label d'ArtsEklektiks Libres, basé auMans, annonce la sortieimminente de SOMA, premieropus de Lemurya (Nantes),produit intégralement sousOS et logiciels libres.www.ammd.net

“Strange Things” ? Un desplus gros titres de John Holtet 1er riddim réadapté par lelabel Irie Ites Records en version instrumentale avec lacrème des musiciens jamaï-cains : Mafia & Fluxy, BongoHerman et Earl “Chinna”Smith. On y retrouve leschanteurs : Sizzla, Chezidek…Sena, Lorenzo… Les vétéransJohn Holt et Trinity… Et lesligériens Don Pako et Keefaz.Disponible en CD, 45 tours.www.irieites.net

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52 reprises de chanson française en 2010, voilà leconcept inventé par Françiset ses peintres avec PhilippeKaterine. Enregistrés au Life de Saint-Nazaire, 22morceaux (dont “Belle-Île enmer”, “La Boîte de Jazz”, “Le Loup, la Biche et leChevalier” et “C'est Lundi”)sont d'ores et déjà en écoutegratuite sur www.katerinefran-cisetsespeintres.com. Lestrente autres serons mis enboîte en avril prochain.

En attendant l'album, les sixAngevins de Sens of Luna(parmi lesquels un certain P. Ianigro...) délivrent un maxienvoûtant, aux croisées dutrip-hop, des musiques tribaleset de l'électronique. Projetpolyglotte sacrément bienficelé.www.myspace.com/sensofluna

Délivré par les universitésd'Angers et de Nantes enpartenariat avec Trempolino,un nouveau diplôme universitaire “Direction deprojets culturels : territoires,innovation et coopération”ouvrira en octobre 2010.Cette formation (demande deniveau 1 en cours) a pourobjectif l'élaboration de projets dans le contexted'une approche renouveléede la culture, mettant particu-

lièrement l'accent sur les stratégies liées au développe-ment durable et solidaire.Infos : 06 71 26 00 76 /[email protected]

L'association nazairienne LesMartins Pêcheurs développedepuis plusieurs années déjàle projet Ram Dam. Il s'agitd'une compilation de groupeslocaux, diffusée par la suiteaux programmateurs et professionnels des musiquesactuelles. Les groupes sélectionnés joueront au VIP(Saint-Nazaire) le 8 mai et auMagasin à Huile (Couëron) le26 mars. La sélection 2010 :Joke Hurts, Buffet Froid,Belles de jour, West Killer,Hoperckut, Atrocia et Manon.www.myspace.com/compil-saintnazairerd5

La Baraka Prod, label etorganisateur de concerts àAllonnes (72), présente la 2e

édition de son festival hip hopCrèv' La Dalle du 6 au 15 maisous l'angle d'un travail demémoire, d'une fête populaire,de concerts, d'un débat…Côté développement d'artiste,d'ici fin 2010 ils annoncent lasortie du 2nd album de Youkoff.

En attendant, découvrez finfévrier le titre “Le pire est àvenir”…www.myspace.com/labaraka-prod

(WE ARE WONDERFUL), triogarage/comédie nantais, vientde sortir son deuxième 45tenregistré par Lo'spider (feu3e Magnetix !). Lors de sonconcert à L'Olympic débutfévrier, le groupe a entaméune collaboration vidéo avecCharlie Mars. Le trio devraitsortir un album format vinylefin 2010. À surveiller de près !http://www.myspace.com/wawwearewonderful

Depuis plusieurs mois déjà,l'association Phonic Brousse,basée à Assérac (44), œuvreau développement artistiqueet culturel de projets locaux.Les activités de l'associationse scinde en deux parties :un label local de musiqueéquitable (Gurval, Belles dejour, Antifiasco) et l'organisa-tion de soirées, concerts,spectacles, accessibles àtous grâce au chapiteau ducollectif Chap&Libres.www.myspace.com/phonic-brousse

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Tu as préféré une sortie de trois maxis vinylesà une sortie de CD plus traditionnelle.Comment cette démarche est-elle née ?On a eu l'idée en parallèle avec le label Jarring Effects(JFX). On s'est dit qu'une sortie “album”, c'était uncoup d'épée dans l'eau vu l'état actuel du marché dudisque... Du coup, on a trouvé ce terrain d'entente,qui me paraissait bien plus pertinent. Avec des sorties de maxis échelonnées dans l'année, tu peuxtravailler à chaque fois une identité nouvelle, je trouvais ça plutôt marrant. Si j'ai le choix et surtout siles gens sont en demande, je pourrais éventuelle-ment sortir les trois EP sous forme d'album. Mais sice n'est pas le cas, je peux malgré tout continuer àsortir de la musique ; c'est ça que je trouve intéres-sant. Puis, ça offre également une actualité plus régu-lière, ce qui me permet de continuer le live.

Avec “Imposteur”, il y a vraiment une approcheludique, davantage “dancefloor”... Je savais que des choses allaient vraiment changer

quand j'ai commencé ce disque-là. Je me suisattelé ces dernières années à faire de la musiquequi danse. Mais j'ai toujours eu un propos ludiqueet sans cynisme. C'est vrai qu'on est vraimentdans une musique de “club”, mais t'as toujours untruc qui vient briser cet équilibre-là en perma-nence... Pas le temps s'installer dans un riff... Jecasse les cycles, ça déstabilise. Les danseurs, ilsont horreur de ça ! On est presque dans des formats punk ! Alors que dans la musique électronique, tous les formats se ressemblent, et ça c'est une vague plaisanteriedans laquelle je ne veux pas tomber.

Tes productions croisent souvent plusieurscouleurs : des teintes noise, hip-hop,abstract...La fusion m'a toujours intéressé. J'ai joué dansplusieurs groupes (funk, metal, etc.). Mais j'ai vraiment eu besoin de faire ce projet seul, pouraller au bout de la névrose ! Voir si j'avais quelque

SCHIZOPHRÉNIE ÉLECTRONIQUE

Dans le fourmillement des musiques électroniques, Zôl a trouvé un espace artistique singulier, à lamesure de sa démesure ! Après un premier album remarqué (“Zoly Ordinaire”, 2007), il revient avecune série de trois maxis vinyles à paraître en 2010, dont le premier : “Imposteur” annonce sans détourune électro-abstract-break-dancefloor assumée et terriblement stimulante !

PAR JULIEN NICOLASPHOTO : DR

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chose à dire... Sur ce disque, j'ai donné une placeimportante aux collaborations et aux rencontresartistiques. Par exemple, j'ai rencontré le groupeHoz ; ce sont des mecs du metal hyper violent, ondirait du Dillinger Escape Plan... Ils sont trois, c'esthyper carré, et ils envoient un foutoir monstrueux !Ils ont eu l'ouverture nécessaire qui nous a permis de travailler ensemble. Du coup, j'ai pris una cappella et j'ai fait un morceau avec. Mêmechose avec Foreign Beggars ; suite à une rencontreet une envie de bosser ensemble, le groupe m'aoffert un a cappella.

Comment envisages-tu la tonalité musicale desdeux prochains EP ? Dans la lignée du premier ?Je pense effectivement qu'il y en aura undeuxième un peu dans l'esprit, mais avec un sonqui diffère du premier et de ses vibrations hard-core. Je ne connais pas encore la direction exacte.J'aimerais pour le troisième EP partir sur des harmonies contemporaines, assez modernes,voire filmiques... Des passages à la limite de SteveReich ! Si JFX me suit sur un projet comme ça, unpeu ambiant, ça sera vraiment très classe ! Maisl'idée artistique du projet sera complète une foisles trois EP finis !

En parallèle de cette évolution musicale, est-ce que ta manière d'écrire, de composera évolué elle aussi ?Oui. Pour cet EP, il a fallu que j'arrange ce que jerecevais pour essayer d'en faire quelque chose.C'était la première fois que j'étais dans cettedémarche-là. Pendant longtemps, j'écrivais desharmonies que je retravaillais via les samples...Maintenant, c'est beaucoup plus instinctif ! Je mesuis rapproché de la synthèse électronique, mêmesi j'utilise encore beaucoup de samples, ça faitrespirer mon set ! Je pense que ma musique estfinalement suffisamment radicale pour qu'un mecpuisse dire : “T'as deux fois le même son de synthés, mais ça me pose pas de problème”. Unguitariste, on va même l'identifier par son son !Finalement, ça ressemble un peu à un album derock, avec son identité sonore...

Tu as commencé à tourner à l'étranger en 2008et 2009, avec notamment plusieurs dates auMexique au mois de novembre. Tu peux nousraconter en quelques mots cette expérience ?Finalement, je l'ai joué un peu comme ici. J'avaisune petite appréhension, car je me suis retrouvédans le réseau des alliances françaises. Il se trouveque là-bas, j'ai été très bien accueilli. J'ai pu jouer

dans des lieux underground à Mexico, des clubsoù j'ai pu réellement me lâcher ! C'est une zik qu'ilsn'ont pas franchement encore digérée ; le seul trucqu'ils connaissent de cette musique-là, c'estJustice! Mais t'es plutôt bien vu en tant qu'artisteélectro français. Quand je commençais à jouer, laréactivité était là. J'ai pu faire comme d'habitude :jouer longtemps et m'amuser !

Et ton prochain live en 2010 aura quelle forme ?J'ai déjà testé sur scène les morceaux qui sortentsur le maxi. Mais je vais les rejouer sous une nouvelle forme, maintenant qu'ils sont aboutis entermes de structures. Je suis en train de fabriquerun set où je les insère petit à petit. Je fais pas unnouveau set live, je le fais évoluer. Je vais peut-êtremême “chanter”, pour avoir justement une accessibilité un peu rock'n'roll avec les gens, maisce n’est pas encore fait. C'est en projet, et je medis que ça pourrait être marrant !

Après “Zoly Ordinaire”, son pre-mier opus sorti en 2007, Zôlrevient avec “Imposteur”, premiermaxi 45T d'une série de trois. Cetactiviste de la scène électro-breakconstruit depuis plusieurs annéesun discours ludique, parfois ironique, souvent richeet complexe. Le garçon ne laisse aucune place auxconcessions, chose rare dans les musiques électro-niques. Il a su garder son insolence, son recul, safolie et son radicalisme pour produire un son dérou-tant ; entre des beats sans ambiguïté d'une effica-cité redoutable et un dancefloor assumé, Zôls'amuse à déstructurer chacun de ses morceauxavec de furieux breaks, un son hardcore, des voixsurpitchées... Ajoutée à cela la qualité remarquablede la production de cet EP, “Imposteur” est unebombe au bord de l'explosion ! Un royaume pour lafolie, les addictions, les névroses en tout genre ; Zôlest tout sauf formaté, et c'est ça qu'on aime.

Julien Nicolas

ZôlImposteurJarring Effects/Discograph 2010

Infoswww.myspace.com/zolbox

www.jarringeffects.net

nouvel r THE NEW KINGS OF RAP CÉ-FRAN

Racontez-nous ce qui s'est passé depuis latournée “Hybride” [ndlr : du nom du premieralbum du groupe sorti en 2008] ?Guitz : À la fin de “Hybride”, on a enchaîné sur HipHop Kanou [voir Tohu Bohu N°14], l'enregistre-ment d'un 5 titres et une petite tournée en Francepour ce projet. Puis a débuté la composition de“Tout va bien”.Binzen : L'idée de repartir sur un album remonte àaoût 2008. On a commencé à écrire les morceaux pendant “Hybride”, puis à maquetter dès janvier.L'enregistrement de l'album a été fait en juin et lemixage pendant l'été. Les répètes pour l'adaptationscénique ont commencé, puis on a enchaîné septembre et octobre en résidence de création auFuzz'Yon et à la Vapeur à Dijon. Puis il y a eu la nomination au Fair qui nous a donné accès à pasmal de choses, comme des formations au studiodes Variétés, avec notamment Franco Manara(Spoke Orchestra), ce qui nous a permis de peaufiner encore le set. Ça nous a ouvert de nouveaux horizons techniques, administratifs mais aussi permis de rencontrer des professionnels…

Ça a donc été plus qu'un simple coup depromo alors ?Paï-Paï : L'aspect promotionnel c'est la cerise surle gâteau. Car d’un point de vue financier, le Fairnous a aidé. Du coup on a pu développer desidées autour de la création scénique qui auraientété difficiles à mettre en place autrement…

Le nouvel album est plus recentré, plus court que le précédent, et dégage uneconstance pas forcément flagrante auparavant.G : On avait envie, en effet, de sortir un album pluscohérent. Faire appel à Vincent Erdeven de Zenzileen tant que réalisateur du disque et arrangeur surcertains titres nous a apporté un avis extérieur quia permis cette cohérence.

Justement comment définiriez-vous “Tout vabien” ?PP : Je dirais homogène. “Hybride” était la photode 3 ans de scène avec la rencontre de plusieursunivers, plusieurs façons de travailler. Vu que l'objectif était de trancher, il y a plus d'homogénéité

Ca plane pour eux ! Avec un nouvel album, “Tout va bien”, petite pépite hip hop loin des clichés dugenre tant sonores que textuels, un clip déboitant signé Kourtrajmé, une nomination au Fair et unenouvelle création scénique, 2010 s'annonce sous le signe de Nouvel R.

PAR BEN DEVILLERSPHOTO : PHILIPPE BERTHEAU

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dans les musiques, grâce en effet au travail deVincent. Pour les textes, le parti pris était plutôtgrave mais avec une bonne dose d'ironie. B : Autant sur “Hybride” les contenus étaient unpeu généralistes, autant là on a voulu aborder leschoses de façon plus rentre-dedans, avec unetouche d'humour noir. On éprouve beaucoup deplaisir à écrire des morceaux corrosifs et mêmeplus de facilité dans cette approche de l'écriture.G : On a privilégié des couplets plus courts, parcequ'à quatre MC, on se retrouve vite avec des mor-ceaux très longs. Le message s'en retrouve d'autantplus efficace.

En ce qui concerne les thèmes de “Tout vabien”, j'imagine qu'on y parle du pays desBisounours…G : Oui voilà, l'euthanasie chez les Bisounours parexemple… (rires)B : Aujourd'hui on nous donne un packaging où toutva bien, tout est beau, tout est rose. Il suffit de grat-ter un peu pour voir que le décor n'est pas si roseque ça, que les problèmes de fond existent. Avec“Tout va bien”, on cherche à dépasser l'enrobagequ'on nous vend et l'esprit de “winner” qui va avec.

Tout ça donne l'impression qu'un cap a étéfranchi pour Nouvel R.B : Le gros truc, c'est d'avoir développé de nouvelles pistes de travail. On se cherchait mais ons'achemine vers une méthode, un autre kif de lacréation. Cet album nous a vraiment réconciliésavec le studio. PP : Nouvel R avait jusqu'à maintenant la réputationde groupe de scène. A présent on a approfondi laconnaissance du studio qui nous manquait. Cetteévolution a donné envie de dépasser le côté basique du concert pour se diriger vers une propo-sition plus séquencée, un show avec un filconducteur, des enchaînements précis, bref, unevraie histoire à raconter…

Justement la scène, qu'est-ce qui se présagedans les mois à venir ?PP : Une tournée de printemps qui se profile à par-tir de février, avec une douzaine de dates.B : Ca commence doucement, on attend plus. Onest un groupe qui, à l'échelle nationale et mêmerégionale, doit encore faire ses preuves. Avec cetalbum, on souhaite franchir un autre cap et obte-nir la reconnaissance du public.

Vous avez évoqué tout à l'heure le tournaged'un clip avec les fameux Kourtrajmé.Comment en êtes-vous venus à travaillerensemble ?B : Bizarrement, c'est grâce au Mali que la rencontrea eu lieu. Chanana, un des membres de Hip Hop

Kanou qui est aussi vidéaste, a monté KourtrajméAfrika, en compagnie d'un de ses amis d'enfance,Toumani Sangaré (ndlr : un des réalisateurs deKourtrajmé avec Romain Gavras et Kim Chapiron).On a rencontré Toumani sur une des dates de HipHop Kanou. On lui a proposé un skeud avec 5morceaux qu'on pensait exploitables pour un clip.Il a choisi Masta qui s'est trouvé être le titre sélec-tionné par le Fair pour la mise en avant du groupesur leur compil.

Des rumeurs font également état d'un featuring avec un groupe américain passé parla scène des Trans… ?G : Oui, avec Solillaquists of Sound ! Encore unesuper rencontre, tant du point de vue humainqu'artistique. Et en effet, on a enregistré un morceau, on espère qu'il sera diffusé. On a aussideux dates ensemble, dont une au Chabada pourla sortie de l'album, dans le cadre du festivalEmergences.

L'occasion d'entendre le titre sur scène ! Et lasortie de l'album ?G : Elle est prévue le 15 mars 2010. On a aussi undeuxième clip actuellement en préparation sur lemorceau “La Machine”, que l'on doit réaliser avecLes Films du Réel. Mais nous n'en dirons pas plus !

Quand pour Nouvel R “Tout vabien”, on se doute que le pied-de-nez n'est pas loin. Mais si l'analysesociétale est cinglante, que l'oncause des intolérances intégristes,des délocalisations, du voyeurismeoutrancier du web, du dérèglementclimatique et du rapport à la mort,le ton ne tombe ni dans le défaitisme ni dans l'écueildu discours moralisateur. Au contraire, l'angle d'attaque est celui du quidam certes sans concessions, mais qui ne renie ni ses défauts, ni sonhumour. Dans la forme, Nouvel R propose un hiphop décloisonné, aux références qui lorgnent horsdes frontières : le son développe l'aplomb d'un TheStreets des débuts, l'entrain des Puppetmastaz, lanoirceur et l'envoutement d'un groove synthétique àla Dizzee Rascal, semant ça et là infrabasses écrasantes et “poum-tchacks” cinglants.

Ben Devillers

Nouvel RTout va bienYotanka/Discograph 2010

Infoswww.nouvelr.fr

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borderlinePAR BEN DEVILLERSPHOTOS : DR

FAIRE BOUGER

LES LIGNES

Infos et contactwww.myspace.com/borderlineassociation

Avant la naissance, il y a l'union, c'est donc le rapprochement de deux structures en place qui a engen-dré l'association Borderline : 33 Tours productions, société portée par Julien Scius, spécialisée dans lebooking, le management ainsi que dans l'orga et la régie évènementielle d'un côté. De l'autre, SonarCommunication, SARL gérée par Mickaël Levy et Raphaëlle Templier qui édite le gratuit Le Sonar, mensueldevenu en 3 ans incontournable sur l'actualité musicale, culturelle et la valorisation des acteurs du “8-5”.Le but de l'asso n'est évidemment pas d'aller secourir Johnny au milieu de son désert affectif, il s'agit biende “soutenir les acteurs de musiques actuelles sous toutes leurs formes”. En l'occurrence, les acteurs sontici des crews vendéens, voire régionaux, voire même extra-régionaux. Au total, 11 projets artistiques sontactuellement défendus par la jeune asso.

Comment s'est faite votre rencontre et comment est née l'envie de travailler ensemble ?C'était fin novembre dans le cadre de la préparation du tremplin Sonarmix#1 où Julien (33 Tours produc-tions) s'était proposé pour donner des conseils au vainqueur... De notre côté (Le Sonar), nous avionsdepuis un moment, envie de nous investir dans l'accompagnement d'artistes puisque nous étions souventsollicités. Plutôt que de faire les choses chacun de notre côté, on a décidé d'unir nos compétences et nosréseaux pour créer cette nouvelle structure. Le Sonar continue son activité de magazine, les artistes de 33Tours basculent, pour la plupart, chez Borderline.

Quelle ambition avez-vous pour les groupes que vous accompagnez ? Notre activité première est le développement d'artistes : structurer le groupe, trouver des partenaires, orga-niser la vie du groupe et son projet, développer sa notoriété, sa com', sa diffusion... Le développementconcerne les artistes que l'on a choisis sur une base artistique et humaine. Le travail effectué ensemble sefait en respect de la charte des développeurs d'artistes du Pôle* dont nous sommes co-signataires. Notre ambition est d'amener les groupes à moyen et long terme vers la professionnalisation. L'idée est deposer les bases d'un développement et de diriger ensuite les groupes vers d'autres structures adéquatesen fonction du projet.

Pourquoi ce choix du statut associatif ? Le statut associatif est le plus approprié pour les activités que nous proposons dans une démarche économique et solidaire. Il nous permet de bénéficier de possibilités de subventions et d'emplois aidés afinde pouvoir pérenniser notre activité et la développer.

Actuellement, le roster de Borderline comprend : Cabadzi, Guerilla Fresca, Gentille Famille,Epsylon, Ozanamix, Sutcliffe, Outrage, La Shéké Groove Station, Goldfish Don't Bounce, WestIndies Desire et Soma (en accord avec Arachnée Production).

*Charte rédigée dans le cadre du chantier des développeurs d'artistes du Pôle de coopération des acteurs musiques actuelles en Pays de laLoire auquel l'asso Borderline est adhérente.

Une chose est sûre, en Vendée, ce ne sont pas les groupes qui manquent et si on fait l'abstraction (certes douloureuse) de la rareté des lieux de diffusion en général, on en vient à contempler le désertvaste et plutôt monotone du secteur des développeurs artistiques. Comme des chanteurs abandonnés… Mais bonne nouvelle, l'oasis est proche, Borderline est né.

Alors que les ventes de disque continuent invariablement leur chute et que la musique téléchargée légalement ne semble pas vouloir décoller, un nouveau “Messie” semble faire sonapparition à l'horizon du web : le streaming. Dans la jungle des plateformes de streaming unnouvel arrivant fait parler de lui : Spotify.

Petit rappel pour les novices de l'internet. Le streaming s'oppose à la notion de téléchargement. Il utilise un mode de diffusion en “direct” et permet à l'internaute de ne stocker provisoirement que lesdonnées sur son ordinateur. Cette différence majeure est à l'origine de nombreux sites offrant légale-ment un accès à la musique. Les plus connus de ces plateformes sont aujourd'hui Deezer ou Spotify(et la plus récente : Wormee), mais bien d'autres existent. L'exemple de Spotify est des plus éclairantsdans cette nouvelle marche que l'industrie musicale est en train de franchir sur la voie de la dématé-rialisation. Créée en 2006, cette plateforme rassemble légalement des millions d'albums et les renddisponibles aux utilisateurs via son logiciel. Elle génère doublement des bénéfices, grâce à la publicitédu service gratuit, mais aussi aux abonnements du service payant. Alors que la formule gratuite estsimple d'utilisation mais suppose d'être connectée en permanence et d'accepter la présence “envahissante” des pubs. La version payante offre de très nombreux avantages : disparition des pubsjustement, portabilité sur plusieurs marques de smartphone....

Spotify repose sur le principe de listes de lecture, construites par l'utilisateur au fur et à mesure de sesenvies et de ses découvertes musicales. La force du concept est de permettre l'exportation des listesde lecture pour les faire partager à ses amis ou au monde entier. Ceci permet la création de véritablesréseaux sociaux centrés exclusivement sur l'échange de ces mêmes listes. Parmi les plus actives dunet, on trouve Spotyshare ou encore Spotifylinks. Ces sites recensent des centaines de listes prêtes àl'emploi, parmi lesquelles on pourra retrouver aussi bien le top album 2009 qu'une compilation des100 meilleurs albums de funk... C'est une nouvelle façon révolutionnaire de partager et de découvrirla musique. Fini le collectionneur de CD ou de MP3. Place à l'instantanéité et à l'accès permanent àdes millions d'albums. Spotify va encore plus loin en permettant également de s'amuser à plusieursautour de l'élaboration de listes de lectures participatives. Chaque “invité” peut l'enrichir pour fairedécouvrir à ces amis le dernier tube incontournable.

La force de ces nouvelles propositions repose sur la richesse de l'offre et la diversité des utilisationspossibles. La plateforme Spotify propose un nouveau rapport entièrement dématérialisé à la musique.Elle offre également une source de revenus complémentaires pour les maisons de disques et les artistes. Si ce marché est pour le moment embryonnaire, il est appelé à se développer fortement dansles années à venir. Cependant, l'industrie musicale doit se poser les bonnes questions pour ne pasreproduire les erreurs du passé qui rendraient ce nouvel outil aussi peu attractif que le CD.

www.spotify.com www.deezer.com/frwww.wormee.com www.spotyshare.comwww.spotifylinks.com

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Spotify bouleverse le monde du streaming

PAR CYRIL COUPE

francois robin

Qu'est-ce qui t'intéresse dans la musiquetrad et dans l'idée de jouer de la veuze ?La façon de jouer de la veuze, et c'est bien le fondement des musiques traditionnelles, est unique-ment orale. L'accès à l'instrument est immédiat, il n'ya pas de solfège avant, pas de musique écrite. C'estvraiment cet aspect-là qui m'a fait choisir la veuze. Etpuis, il y a le fait d'avoir débuté avec des adultes etd'avoir, dès 13 ans, joué en public, sur des festivals,notamment Monterfil et Les Tombées de la Nuit. À cette époque, j'ai aussi enregistré un disquepour le Chasse-Marée Ar Men. Je pense avoirtrouvé ma voie, celle de jouer de la veuze différem-ment, et de ne pas seulement reprendre un réper-toire de musiques traditionnelles. Faire sonnerl'instrument à ma manière, l'exploiter autrement,explorer son univers sonore.

Qu'est-ce que l'instrument a de si particuliertechniquement ?La veuze est une des soixante cornemuses,

la cornemuse étant la famille des instruments àpoche. C'est un instrument puissant, lead, assezplaintif, qui n'a pas beaucoup de références. Laveuze est limitée, tu ne peux pas jouer de musiqueharmonique, liée à la tonalité et au chromatisme.Tout n'est pas bien dans le répertoire trad, maisj'aime le côté épuré, simple, efficace, que l'onretrouve souvent dans les mélodies anciennes, etaussi dans les musiques du monde.

Comment intègres-tu les machines dans tontravail et que cherches-tu à créer ?Trafic Sonore me permet d'utiliser les éléments del'instrument différemment : la poche, le bourdon, le chalumeau... J'utilise les machines mais jem'adjoins aussi les services d'autres musiciens. Jepars toujours d'un élément, et je viens rajouter desthèmes dessus. Je mets parfois un son en bouclesans retraiter le son, parfois je le retraite. J'ai un rapport matériel avec la veuze en tantqu'objet, car mon prof Thierry Bertrand fabrique

UN VEUZOU FOU

Fils de son père, qui en jouait déjà, François Robin sonne de la veuze, comme on dit, dès l'âge de 7 ans.Instrument disparu au début du XXe, la veuze réapparaît via Thierry Bertrand, musicien de La Garnache(Nord Vendée). En 1976, il fonde l'association Sonneurs de Veuze. François Robin en sera le salarié-enseignant pendant huit ans. Une création avec Trafic Sonore au Nouveau Pavillon (et son départ deSonneurs de Veuze qui n'a plus les aides pour le salarier) va l'amener à pratiquer davantage la musique.

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PAR CÉCILE ARNOUXPHOTO : G. BASSOMPIERRE

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aussi des veuzes. J'ai failli me lancer dans la fabri-cation à un moment. Et le travail avec des machi-nes est justement une façon de refabriquer laveuze. Mais le travail avec les machines n'est passystématique non plus. J'aime pouvoir travailler letimbre, mais pour le projet Les Allumés duChalumeau, je les délaisse un peu.

Comment vois-tu la musique trad via laveuze, et quelles sont ses possibles fusions ?J'ai profondément envie d'ancrer l'instrumentaujourd'hui. Je crois être plus attaché à la veuzequ'au répertoire de musiques traditionnelles. Je nesuis pas un militant du terroir, de l'histoire, de lalangue, des coutumes... Je préfère faire vivre l'instrument dans des répertoires actuels que dansdes répertoires d'il y a cent ans. Via le collectif quenous avons monté suite à Nantes au Zénith, nousjouons du répertoire de l'Est, de la musique algérienne, chose assez nouvelle pour la veuze. Jetravaille aussi avec Erwan Karavec, joueur de cornemuse écossaise, un répertoire de musiquesimprovisées. Alors, je ne me suis pas encore frottéau rock ou même au métal, alors que j'adore cesmusiques. C'est d'ailleurs Sepultura qui m'a faitréécouter du trad à 15 ans, car ils avaient invitédes indiens d'Amazonie à jouer sur deux morceaux de l'album “Roots”, et j'ai trouvé lemélange excellent. L'instrument doit avoir saplace, peu importe le style. Cela étant, il est plusfacile d'intégrer la veuze dans des musiquespêchues que dans des musiques cool.

Tu as moult projets : la Cie Atom, Le collectifJeu à la Nantaise, Trafic Sonore. Commentgères-tu tout çà ? Tu as une priorité artistiqueen ce moment ?Je joue beaucoup, j'ai le statut d'intermittent, maisje joue aussi dans des projets purement trad, demusique médiévale qui me permettent d'avoir cestatut. J'ai aussi des remplaçants sur ces projets,ce qui me permet d'expérimenter d'autres chosesà côté. Ma compagnie Atom me permet de monter des projets liés à ce que je veux faire artistiquement et de les faire vivre par moi-même.La priorité du moment : Les Allumés duChalumeau avec Ronan Le Gourierec joueur desaxo baryton et de bombarde. Nous travaillons lesmusiques improvisées et le jazz. Ce projet est néd'une commande du festival de Pleskop. On travaille le répertoire de fest-noz pour le festival,mais aussi un autre spectacle, plus décalé avec lacomplicité de Philippe Chasseloup qui nous aidesur la mise en scène. C'est un projet difficile à“vendre”, nous souffrons un peu de l'aspect trop

“fusion”. Les quelques lieux de musiques trad neseront peut-être pas séduits, les lieux plus amplifiés vont trouver çà peut-être trop trad, c'estcompliqué.

Ton disque Trafic Sonore est sorti il y a toutjuste un an. Quels retours en as-tu ?Le disque est très peu diffusé, il n'est pas distribué.On l'a fait simplement : un des musiciens venait demonter son label à l'époque où on a joué auNouveau Pavillon. De fait, le disque ne nous a riencoûté au niveau enregistrement, puisque c'est unlive. Mais, je n'ai pas le temps de m'en occuper,c'est dommage. Pour Trafic Sonore, qui devraitreprendre en 2011, je vais repartir de presquezéro. Pour l'heure, je réfléchis sans échéance àtravailler sur un disque, sur la production d'un trucsolo lié à la veuze, un disque sur la veuze actuelle,comment je la joue moi, un disque ni trad, ni jazz,un disque avec un beau son. Et en parallèle, avecquelques amis musiciens trad de ma génération,nous montons un collectif pour mutualiser deschoses, et pour que les musiques que nousjouons soient davantage connues et reconnues.

Si Sigur Ros est un des rares groupes de rock électro intéres-sants à utiliser la veuze, FrançoisRobin lui donne, d'une toute autremanière, une résonance extraordi-naire. Et les plus circonspects àl'idée même d'écouter de la veuzepeuvent bien craindre de se laisserenvoûter et surprendre par ce “Trafic Sonore”. C'estun bien beau trafic : fluide, fourni, savant, osé etsans doute unique. Veuze et machines, capteurs etbiniou, plaques métalliques et flûtes, micro-onde etbugle, programmeurs et tuba, pédales et guitare,ces sources sonores sont pensées, utilisées etarrangées par quatre brillants cerveaux. À la croiséedu rock, de l'électronique, des musiques un peu tribales, du jazz, de l'expérimental, des musiquescontemporaines, François Robin Expérience réinvente quelque chose, bouscule les genres, créédes pièces instrumentales profondes et vibrantes...Comme si Lee Ranaldo rencontrait Erik Marchant.Sublime !

Cécile Arnoux

François RobinExperienceTrafic SonoreL'Appentis Producteur / Cie Atom 2009

Infoshttp://traficsonore.free.fr

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PAR PASCAL MASSIOT

ILLUSTRATIONS :

TERREUR GRAPHIQUE

FINANCERUN PROJETDANS LESMUSIQUESACTUELLES

Disque, festival, tournée, résidence, équipementdédié à la musique sans oublier la formation…Autant de projets qui nécessitent des finance-ments pour se réaliser. Pour un artiste, un groupe, qu’il soit professionnelou non, pour une association souhaitant menerun projet, la recherche de fonds constitue souventun exercice peu commode à appréhender pourqui n’y est pas rompu. Si les subventions sontmonnaie courante, la relation entre les acteurs etles partenaires financiers et les modes de finance-ment (conventionnement, appels d'offre...) évo-luent. Le montage d’un budget devient une his-toire d’équilibre et de savant dosage entre l’auto-financement, le financement public ou privé, lareconnaissance des professionnels et la présencede partenariats.

Des structures pour vous accompagnerIl existe sur le territoire régional, plusieurs structu-res ou organismes pour s'y retrouver dans celabyrinthe, pour vous accompagner en vous expli-quant les critères d’attribution des financementsdes projets (d’autant qu’ils sont en permanenceen mouvement), en vous proposant des forma-tions pour mieux administrer vos projets tout enproposant de l’aide personnalisée pour monter lemeilleur des dossiers. Ainsi, une structure telle que Trempolino avec leréseau d'information Tohu Bohu, présent sur cha-

que département, constitue un véritable outil pourl’accompagnement, la structuration et le dévelop-pement de projets musiques actuelles, s’adres-sant tant à l’amateur qu’au professionnel. Le por-teur de projet pourra bénéficier d’informations etde conseils, de formations administratives courteset longues, d'expertise financière pour l'obtentionde crédit bancaire... Le Pôle de coopération desacteurs pour les musiques actuelles en Pays de laLoire, quant à lui, par les conseils, la méthodolo-gie en termes de stratégie de territoire dans larecherche de financements, de diagnostic initial etde mise en réseau sera en mesure de vousaccompagner. Au niveau départemental, lesstructures du type ADDM ou Musique et Dansepeuvent également être sollicitées en terme d'ac-compagnement de projets. En fonction desdépartements, certaines structures peuvent êtrepartenaires à l’exemple de Musique et Danse enLoire-Atlantique qui a financé plusieurs créationsdu festival « Soleils Bleus » (Tribeqa et MagicMalik, Médéric Collignon et BoNobo trio).

Les aides publiques : la logique des subventionsLes différentes collectivités (villes, départements,régions) contribuent pour plus de 70% des finance-ments publics de la Culture, l’État représentant unepart de moins en moins importante. Il existe plu-

sieurs modes de soutien. Dans le cadre du conven-tionnement, les financeurs et les porteurs du projetsignent un contrat qui définit les engagements réci-proques. Dans le cadre d’un appel d’offre, les finan-ceurs précisent les attendus quant au choix del’opérateur culturel ou artistique, il se fait en fonctionde critères (meilleur projet, meilleure référence,coût…). Dans le cadre des dispositifs proposés parces collectivités, il s’agit d’avoir un projet pertinentqui respecte les objectifs de l’aide.

Les villesLes villes sont les principaux contributeurs avecl’aide aux équipements et aux projets. Prenonsl’exemple nantais. Le soutien aux porteurs de pro-jets musiques actuelles se réalise via l’aide au fonc-tionnement que reçoivent les salles de concerts(L’Olympic, La Bouche d’Air, Le Pannonica, leTNT…). De même, la mise à disposition de locauxà usage administratif ou artistique est une aide pré-cieuse. Le subventionnement d’une associationtelle que « Culture Bar-Bars » qui réunit une centainede lieux et porte une réflexion autour des musiques,des musiciens et de ces lieux, est essentiel pour ladiversité artistique et l’émergence. Ils sont uneétape importante, voire décisive pour l’artiste qui s’yproduit et qui pourra y faire ses premières armes,donc se professionnaliser... Et être rémunéré.Autre exemple d'aide indirecte, du côté de Saint-Herblain (44), où la structure-ressource musiquesactuelles le Terminus 31, permet la mise à disposi-tion de locaux de répétition « à un niveau de prix telqu’il ne constitue en aucun cas un obstacle pourleurs utilisateurs », tient à souligner Jérôme Binet, encharge des musiques actuelles pour la commune.Outre l’accès à ces équipements « les musicienspourront bénéficier de façon tout autant accessible,d’accompagnement aux répétitions, d’initiation àl’enregistrement par un professionnel » poursuit-il.De façon parcimonieuse et à certaines conditions2,trois à quatre projets discographiques par an sontsoutenus à Saint-Herblain. Outre la possibilité derésidence ou de pré-production avec un ingénieurdu son (pas de production ni de post-production),une aide financière de 1 000 à 2 000€ peut mêmeêtre allouée.À Saint-Denis-de-Gastines (Mayenne) c’est la com-munauté de communes de L’Ernée qui a permis laréalisation d’un équipement dédié aux musiquesactuelles : Le Cube, comprenant deux studios derépétition. « À l’origine, c’est une initiative du « Foin

de la Rue » [festival à Saint-Denis-de-Gastines les 2et 3 juillet 2010, déclinaison hivernale « Les Foinsd’Hiver » les 12 et 13 mars – NDLR] se souvientJeremy Frère, salarié du Cube et administrateur dufestival. « À Saint-Denis, il y avait 6 groupes demusiques actuelles, il fallait un équipement dédié »,lequel a été pensé en fonction du territoire, situé à40 km de Laval, 25 km de Mayenne et deFougères. Deux studios qu’il est possible d’utiliseren même temps à un coût très modique pour sesutilisateurs. Le tout pour un budget de 250 000€(dont 78% externalisés : 10% Département ; 30%Région ; 23% État ; 15% Union Européenne). LaCommunauté de Communes prenant en charge les22% restants.

La RégionSi l’énumération exhaustive des aides et finance-ments, au niveau des communes en particulier, apeu de sens en raison notamment de leur multipli-cité, la dimension régionale peut-être plus aisémentappréhendée. Ainsi, pour ce qui est de la Régiondes Pays de la Loire3, on notera la création en 2009d’un soutien aux développeurs d’artistes « musi-ques actuelles » implantés dans la région. Une aide,sonnante et trébuchante, tournée en priorité versles petites structures dont les projets comportent aumoins un artiste émergent. Sous réserve de l’adé-quation entre moyens mis en œuvre et ambition affi-chée et du respect de la législation sociale ou fis-cale. Pour cette première année, ces aides ont étéde 3 000€ à 6 000€ pour leurs bénéficiaires4.

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1 Terminus 3 : 4 studios de répétitions et studios d’enregistrement gérés par la Direction des Affaires Culturelles de Saint-Herblain.2 L’artiste ou le groupe devra avoir en amont tissé du lien avec les publics sur la ville, avoir une histoire avec le territoire,

conditions sine qua non pour prétendre à ce soutien.3 www.paysdelaloire.fr/services-en-ligne/aides-regionales

4 Dans la foulée du Conseil Régional, le Conseil Général de Loire-Atlantique met en place, à partir de 2010, un fonds de soutien aux développeurs d’artistes

L’aide à la résidence de création du spectacle vivant(afin d’aider de nouveaux lieux culturels, nonconventionnés, situés en secteur rural ou en zoneurbaine sensible notamment) ainsi que l’Aide à lacréation du spectacle vivant font partie du dispositifmis en place par la Région et sont ouvertes aux pro-jets artistiques musiques actuelles. Par ailleurs,comme le constate Nicolas Crusson du Pôle decoopération des acteurs pour les musiques actuel-les en Pays de la Loire et membre du comité tech-nique chargé d'étudier les demandes : « Ce sontplutôt les acteurs du théâtre et de la danse qui s’ensont emparées ; le secteur musiques actuelles, lui,les utilise de manière encore marginale, ce n'est pascomplètement ancré dans la culture du secteur […]Trop souvent, les musiciens n'osent pas, oublientou ignorent qu’ils peuvent être payés pour lestemps de répétition ou ont du mal à savoir com-ment on procède pour l’être ». Des aides qui sesituent, selon les cas, dans une fourchette compriseentre 2 000€ et 15 000€.Considérés comme des éléments essentiels del’aménagement culturel du terri-toire et « participant forte-ment à son irrigationculturelle », la Régionsoutient égalementles festivals. L'aide s’adresseaux porteurs deprojets de festi-vals ou manifes-tations ded i m e n s i o nr é g i o n a l e ,nationale ouinternationale ;associationsou structuresde droit privédisposant d’unelicence d´entrepreneur despectacles. Parmi les conditionsd’attribution de cette aide : manifestation d’aumoins 2 jours, présence d’artistes ligériens, budgetartistique supérieur à 25 000€5, mobilisation du sec-teur associatif local, prise en compte de la préven-tion des conduites à risques et du respect de l’en-vironnement… Pour compléter ce panorama des aides régionales,citons l’Aide à la diffusion nationale du spectaclevivant. Créé en 2006, son objet est de permettre la

présence d’artistes régionaux dans des festivals oudes lieux de diffusion sur le territoire national horsrégion. Elle s’adresse aux associations ou auxstructures de droit privé, dont les producteurs. Unfonds d’acquisition de matériel (matériel scéniqueen lien avec l’activité artistique), plafonné à 30 000€par an, peut également être sollicité pour permettreaux structures culturelles de s’équiper. Peuvent enbénéficier les associations Loi 1901 et les autresstructures de droit privé dotées d’une licence d’en-trepreneurs de spectacles. A noter que ce fonds’adresse à des structures ayant un programmed’acquisition supérieur à 25 000€. Enfin, laConvention Culturesfrance-Région Pays de laLoire6, triennale et bipartite permet d’accompagnerdes associations ligériennes et des artistes porteursde projets de diffusion ou de création à l’étrangerdans lesquels au moins un partenaire étranger estimpliqué.

L’ÉtatAu niveau national, les financements institutionnelssont portés par différents ministères : celui de la cul-

ture et de la communication ; de laSanté, la Jeunesse et les

Sports et de la vie asso-ciative ; de l’Éduca-tion ; de la Délégationministérielle à la Ville).Ainsi, les DRAC, au-delà des lieuxconventionnés oufinancés dans lecadre de labelsnationaux (ScènesNationales, Smac…),prennent en compteles musiques actuelleset non plus exclusive-ment les musiquesdites savantes (classi-

que, lyrique, opéra…) ;option prise à la fin des

années 90. En Pays de laLoire, la DRAC soutient des festivals tels LesOrientales de Saint-Florent-le-Vieil (49), l’EuropaJazz au Mans (72) ou des ensembles musicaux dela région « porteurs de création et d’innovation » :Collectif Effervescence, le Jerez Le Cam Ensemble.Des aides qui se chiffrent chacune à plusieurs dizai-nes de milliers d’euros mais qui s’inscrivent dans uncontexte avéré et croissant de désengagement del’État.

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5 Ce qui exclut, de fait, de cette aide les festivals et manifestations de petite taille ne disposant pas d’une telle ligne budgétaire.6 Cf dossier « Tourner à l’étranger » Tohu-Bohu n°13 (automne 2008).

Notons encore, au titre des aides de l’État, un dis-positif créé en 1989 à l’initiative du Ministère de laCulture : le FAIR7. Aide à la tournée, à la promotion,à la formation, le FAIR aide une quinzaine d’artistesou de groupes en phase de démarrage et résidanten France et qui recevront chacun 6 000 €.Quant au Bureau Export de la Musique Française8,dispositif qui accom-pagne lafilière musi-cale fran-çaise à l’in-ternationalet s’articuleautour duconseil etdu soutienfinancier, ilp o u r r aallouer, vial’aide à lapromotion età la mobilitéune sommeplafonnée à10 000 €représentant50% maximum du budget total. Les tournées internationales seront également sou-tenues par Culturesfrance, émanation du Ministèredes affaires étrangères, qui valorise la culture fran-çaise en soutenant le rayonnement des artistesnationaux.Enfin, une aide spécifique de l'État (par l'intermé-diaire de la Direction Départementale Jeunesse &Sports) permet à un jeune porteur de projet de pré-tendre au programme d’aide « Envie d’Agir-DéfiJeunes ». Ce dispositif, réservé aux moins de 31ans, prévoit un financement plafonné à 8 500€(quoique dans les faits le montant alloué dépasserarement 4 000€). Sa particularité est qu’il est pos-sible d’y prétendre par simple demande individuelle,sans avoir à monter au préalable sa structure ouson association.Pour compléter le panel des financements publics :les financements européens. Ils reposent sur desprogrammes (Feder, Programme Culture…) et descritères particulièrement complexes qui en limitentl’accès. Il faut une organisation solide pour pouvoiry prétendre. Mais dans ces cas-là, les montantssont à la hauteur.

Les aides des sociétés civiles et organismesprofessionnels : une logique de filièresAu-delà des aides locales portées par les collecti-vités et de l’État, des aides professionnelles peu-vent être attribuées. Ce sont des sociétés, ditesciviles, qui pourront redistribuer une partie dessommes perçues (25%) au titre de la copie privée9

(loi du 3 juillet1985, Art.

L321-9). Ilest impor-tant desavoir queles aidesdes socié-tés civiless'adressentà des artis-tes déjàprofession-nels ou envoie del'être.La plusconnue deces socié-

tés privéesest assurément la SACEM. La SPEDIDAM,l’ADAMI, la SCPP, la SPPF, la SACD complétant laliste de ces sociétés civiles, lesquelles avec leFCM et le CNV (deux organismes professionnels)ont pour mission de percevoir et de répartir lesdroits des auteurs, des artistes et des produc-teurs. Chacune de ces entités défend d'abord sesmembres et développe sa propre politique tout enproposant une complémentarité des aides qu’el-les sont en mesure d’apporter. Autre trait com-mun entre toutes ces structures : être en règleavec la législation (sociale, fiscale), les dossierssont donc à constituer avec un soin tout particu-lier. Problématique commune : des sollicitationsde plus en plus nombreuses dans un contexte dediminution des rentrées pour ces sociétés.Pour un projet de disque, le Fonds d’Action de laSACEM pourra être sollicité. Il est envisageableuniquement pour les deux premiers disques auto-produits, et doté d’une aide de 3 000€. Côté cri-tères, il devra s’agir d’une création et le candidatdevra être membre de la SACEM. Beaucoup plusprésente qu’auparavant sur le terrain du specta-cle (la situation du marché du disque y est sans

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7 Fonds d’Action et d’Initiative Rock (artistes régionaux qui en ont bénéficié ces dernières années : Zenzile, La Phaze, Hocus Pocus, Mansfield. TYA, Gong Gong, Sexy Sushi, Nouvel R, Pony Pony Run Run…)

8 Cf dossier « Tourner à l’étranger » Tohu-Bohu n°13 (automne 2008).9 Pour chaque achat de supports vierges ( CD, DVD, baladeurs numériques...)

une partie du prix est prélevée afin de compenser les pertes qu’engendre la copie (gravage, téléchargement).

doute pour quelque chose) la SACEM peutapporter son soutien aux festivals de musiquesactuelles. Il devra s’agir d’un évènement favori-sant la création d’œuvres nouvelles ou récentesrelevant du répertoire protégé par elle. L’aide n’estenvisageable qu’à partir de la 2e année, l’éditionprécédente devant par ailleurs avoir bénéficié dusoutien d’une autre société civile ; et/ou du FCM,du CNV. La subvention étant plafonnée à 10%des dépenses artistiques engagées.Les aides proposées par l’ADAMI, société quigère les droits des artistes-interprètes, concerne-ront les projets de jeunes professionnels en débutde carrière ayant trait au disque, aux festivals, auxpremières parties, aux tournées en France ou àl’étranger... 344 projets ont été aidés en 2008.C’est la commission « Variétés » qui est compé-tente pour les musiques actuelles.La SPEDIDAM a pour mission de percevoir lesdroits des artistes-interprètes dont le nom n’estpas mentionné sur la pochette des disques ou augénérique des œuvres audiovisuelles (droits voi-sins). En 2006, elle a permis de soutenir les artis-tes-interprètes à hauteur de 6,9M€ : aides audéplacements, aides à la formation (stages, bour-ses…), aides au DVD promotionnel…La SCPP et la SPPF sont deux sociétés de pro-ducteurs qui proposent des aides liées aux dis-ques, au spectacle également mais dans unemoindre mesure. 596 projets ont été aidés par laSCPP en 2006 pour un montant de 10,5M€.L’aide alloué par la SPPF à ses adhérents produc-teurs de phonogrammes et vidéogrammes s’éle-vant quant à elle à 3M€ pour la même année. Le Fonds pour la musique de scène de la SACDpeut être également sollicité par les compositeursde musiques actuelles adhérents.Conjointement aux sociétés civiles, deux organis-mes professionnels proposent des aides : d’unepart le CNV, sous tutelle du Ministère de la Cultureet de la Communication qui accorde des aidesaux festivals (3 000 à 46 000€), aux concerts, auxtournées, à l’aménagement et à l’équipement desalles de spectacles. Le CNV propose par ailleursà ses affiliés de bénéficier à des prix très dégra-dés, des réseaux de promotion : réseaux d’affi-chage, insertion web et presse, etc.D’autre part, le FCM accorde des aides au spec-tacle vivant (tournées, concerts, premières par-ties) plafonnées à 12 200 € par projet et ne pou-vant excéder 15% du total de l’opération. Le FCMpourra aider des festivals ayant lieu en France ou

à l’étranger (s’ils programment des artistes fran-çais), des tournées à l’étranger, ainsi que desaides à la formation d’artistes non classiques. Onnotera également des aides à la production pho-nographique.

Le sponsoring et le mécénat : vers le modèleanglo-saxon ?Dans le domaine des musiques actuelles, le spon-soring (ou parrainage) est une pratique qui est plusancienne que le mécénat. Approche commercialepour l’un et philanthropique pour l’autre10. Le spon-soring permettra à un organisateur d’évènement debénéficier d’un soutien financier, technologique ouen nature de la part d’une entreprise privée dont lenom, le logo et divers éléments de communication,en contrepartie, seront visibles. À titre d’exemple,des brasseurs, marchands de cola ou d’équipe-ments audiovisuels sont de longue date devenuspartenaires de festivals et de salles de concerts. « Les organisateurs d’évènements, assos ouautres, vont être contraints d’aller vers le privé »,affirme Olivier Tura, administrateur en charge de larecherche de financements pour Trempolino. « Enraison du retrait des collectivités publiques ou d’unecertaine frilosité de leur part, mais aussi dû au faitque la jeune génération est moins réticente à cela ». Le recours au mécénat11, quant à lui, relève presquede l’exception pour ce qui concerne les musiquesactuelles, alors qu’il représente potentiellement uneopportunité tant pour le mécène que pour le projetsoutenu. La loi du 1er août 2003 permet pour lesstructures agréées d’intérêt général de recevoir desdons de particulier ou d’entreprise et d’émettre unreçu qui permet une défiscalisation.

Des mesures juridiques et fiscales très incitatives.Pour les entreprises, le mécénat ouvre droit à uneréduction d'impôt sur les sociétés égale à 60 % desmontants engagés, dans la limite de 0,5% du chif-fre d'affaires total hors taxe. Pour les individus celaouvre droit à une réduction d'impôt de 66% desmontants engagés dans la limite de 20% des reve-nus imposables. La montée en puissance des réseaux sociaux, laconstitution de « tribus » sur la toile favorise ce typede financement. La souscription, l’autre nom dumécénat des particuliers, étant par ailleurs unmoyen efficace de contourner, pour un projet lié audisque, la sempiternelle quête du label et donnerune assise économique fiable au projet. On peutainsi noter la création du réseau des AMACCA12 quicomme pour les Associations pour le Maintien

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10 Le sponsor impose une contrepartie (communication, pub…) à l’association sponsorisée, le mécénat n’impose aucune contrepartie. 11 2,5 milliards d’euros consacrés au mécénat d’entreprise en 2008 (enquête CSA-ADMICAL 2008).

12 AMACCA : Associations pour le Maintien des Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique.

d'une Agriculture Paysanne (Amap) permet à la pro-duction de trouver ses débouchés à l’avance ! Ces dispositions constituent un cas d’espèce auplan mondial ! Une disposition pour-tant trop méconnue des unset des autres… « On estloin de l’art contemporain[pour lequel le mécénatest une pratique quis’installe – NDLR] il y aencore beaucoup deréticences des assoscar ce n’est pas dansleur culture empreintede militantisme »,constate Olivier Tura. Pour être accompagnédans son approche dumécénat, deux structu-res peuvent être men-tionnées. D’abordl’ADMICAL, la plus ancienne.Elle conseille les entreprises mécènes, qui sont sesadhérentes. Créée en 1979, l’ADMICAL est unestructure de promotion du mécénat d’entreprise enFrance dans les domaines de la culture (dont lesmusiques actuelles), la solidarité, l’environnement etle sport. Elle ne délivre aucune aide financière etn’est pas non plus un intermédiaire mais dispose denombreux outils pédagogiques et propose des jour-nées de formation à la recherche de fonds. L’ADMI-CAL publie tous les 2 ans « Le Répertoire du mécé-nat d’entreprise » recensant plus de 1 000 entrepri-ses mécènes en France dont près de 200 dans ledomaine musical : soutiens aux festivals et aux lieuxde diffusion, à la production de disques, à la forma-tion des musiciens, aux actions musicales dans lesquartiers…Autre accompagnement possible dans sa démar-che sur le terrain du mécénat : L’AssociationFrançaise des Fundraisers (AFF). Alors quel’ADMICAL se situe du côté des entreprises, l’AFFs’adresse aux personnes, responsables d’associa-tions porteuses de projet à la recherche des mécè-nes. « On forme des gens à chercher des fonds et

on les aide à être autonomes dans cette recherche[…] Fundraisers ça signifie « récolteurs de fonds »,

un terme anglais pour signi-fier que la démarche esthéritée d’une pratiqueanglo-saxonne », tient àpréciser Aurélie Perreten,directrice adjointe del’association.

En conclusion, larecherche de finan-cement relèved’une stratégie àpart entière. Les

financeurs, enrègle générale,reconnaissent lesprojets qui appor-tent des référenceset des garanties. Il

faut les séduire, ledossier doit valoriser le territoire et rendre comptedu professionnalisme du porteur de projet.Pour autant, les financeurs sont de plus en plussollicités et de plus en plus sélectifs. Cette situa-tion conduit à imaginer de nouvelles démarchesindépendantes. Ainsi, pour les membres de l’as-sociation Cable# (Nantes), organisatrice du festi-val éponyme13, un montage budgétaire sobre etpoint d’énergie dépensée dans la recherche desubventions publiques pour monter l’évènement.Le festival joue à plein la carte du réseau et cellede la solidarité pour financer le festival14. « On par-tage les frais globaux avec d’autres structures etd’autres évènements », précise Will Guthrie.L’underground (Cable# en l’occurrence) ne serait-il pas en train de nous montrer, sinon la voie, maisen tout cas que l’argent public, l’argent tout court,n’est pas forcément l’alpha et l’oméga de touteprojet culturel ? Une question à laquelle les déci-sions politiques tant craintes et qui vont être pri-ses, apporteront leur réponse…

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pour aller plus loin...- Le « Guide des aides et subventions pour lamusique » de Catherine Dorval, édition Guide arts (enCD-ROM depuis l’édition 2008).- Le guide pratique de La Villette :http://www.villette.com/fr/parc-villette-ressources/guide-pratique/

Concernant le mécénat :- La mission mécénat de l'Etathttp://www.mecenat.culture.gouv.fr/Concernant les financements européens : - Le guide du programme culture édité par RelaisCulture Europe http://www.relais-culture-europe.org/culture.259.0.htmlPour les jeunes : http://www.enviedagir.fr/les-ressources-du-programme-envie-d-agir.html

13 L’édition 2010 s’est déroulée à Nantes du 18 au 20 février dernier.14 Moins de 10 000€ de budget pour 3 soirées.

Question passionnante que celle du devenir du monde des créateurs... Cet ouvrage propose une réflexion prospective à partir des réflexions, fantasmes, interprétations etcroyances de quinze contributeurs issus de champ d'exploration hétérogène (philosophes,élus, économiques, artistes, chercheurs...). Ces variations viennent titiller des questionsparfois sensibles : les espaces d'une création libre, la dématérialisation du sujet, le statutmême de l'artiste, les rémunérations versus la gratuité, les nouveaux espaces de diffusion,la problématique du “surnombre”, la place de l'artiste dans la société et sur les territoires...Autant de points de vue que d'interlocuteurs, même si des croisements s'opèrent et permettent une projection plus ou moins réelle. Mais l'enjeu de cet ouvrage, innovant danssa forme, réside davantage dans sa capacité à nous interroger que dans l'émergenced'éventuelles réponses, nécessairement fictives.

Julien Nicolas

GARAGELAND : MOD, FREAKBEAT, R & B ET POP 1964-1968Nicolas Ungemuth, Éditions Hoëbeke, 2009.

LONDON CALLING : 19 HISTOIRES ROCK ET NOIRESCollectif, sous la direction de Jean-Noël Levavasseur, Éditions Buchet-Chastel, 2009.

ARTISTES 2020, VARIATIONS PROSPECTIVESCollectif, Éditions IRMA, 2009.

20

“London Calling” est probablement l’album le plus connu des Clash mais aussi le plusaudacieux dans sa quête musicale puisqu’il entraînait le punk vers d’autres sphères musi-cales. Dix-neuf auteurs français rendent hommage à ce double album culte, sorti endécembre 1979. Pour célébrer ce trentième anniversaire, le rock et la littérature s’acoquinentle temps d’un livre “London Calling, dix-neuf histoires rock et noires” et nous proposentun recueil de nouvelles inédites dont les textes ont pour titre une chanson du disque.Tantôt nostalgique (“I'm not down”, “Revolution rock”), tantôt politique (“The RightProfile”), les nouvelles célèbrent en grande partie l’anti-héros récurrent de la working-class à travers des histoires noires et profondément rock. Fortement inspirées par lemythe des Clash, certaines se nourrissent de la légende pour jouer de la fausse interview(“Jimmy Jazz”), assister à un concert du groupe (“Kola Kola”, “Working for theClampdown”) ou mettre en scène Joe Strummer himself (“Spanish Bombs”, “Death ofGlory”…). Ce projet collectif n’échappe pas à son ambition, même si l’ouvrage peut paraître inégal dans sa longueur, il n’en demeure pas moins fidèle à l’esprit sauvage desClash qui a animé toute une génération. Noir et résolument clash.

Eric Fagnot

Garageland, ça sonne comme Graceland, un Paradis perdu, un univers d’avant le déluge(1968). Un pays où la pop music était fraîche, insouciante, ne ployait pas sous le poids des références. Un territoire vierge où tout était à inventer, à oser, sans aucune retenue, mais avecune grande candeur. Ils sont quatre potes, ils forment un groupe et répètent dans le garage desparents. Des carrières météoriques pour la plupart, une grande énergie qui fait long feu. Quatreannées (1964-1968) pour accoucher d’une myriade de tubes au son inimitable. À les écouteraujourd’hui (dans les compilations Nuggets chez Rhino, par exemple), on est sidéré par la forcepositive et optimiste de ces combos aux noms révélateurs : Action, Creation, Easybeats,Kaleidoscope, Move, Seeds, Sonics… Pour comprendre cet esprit, il faut s’attarder sur lesreproductions de pochettes (de 45 T) que l’auteur a choisi de mettre en face de chacune de ses80 chroniques. Car il s’agit avant tout d’un album (de famille). Un album coloré dont les textesne sont pas d’un spécialiste des sixties mais d’un amateur passionné. On pense bien sur, aufilm “Good morning England” de Richard Curtis - la pop, outil de transgression sociale - maisaussi au film iranien “Les Chats Persans” de Bahman Ghobadi, tant le rock interdit du Téhérand’aujourd’hui est aussi désinhibé que celui des anglo-saxons des 60’s.

Gilles Courcier

21Infos

www.lesmartinspecheurs.com

les martinspecheurs

DES OISEAUXRARES

Reconnu comme un acteur musiques actuelles à part entière, Les Martins Pêcheurs misent sur le développement de nouveaux talents. L’association nazairienne intervient principalement dans le soutien et la production de la création musicale. À quelques jours de la seconde édition du festival“Chansonique”, coup de projecteur sur cette association fortement impliquée sur son territoire.

Depuis sa création en 1998, l’association Les Martins Pêcheurs n’a cessé d’accroitre son volume d’activité en se positionnant à la fois comme un développeur d’artistes et organisateur événementiel. Àl’instar de l’événement “Chansonique” organisé par l’association en collaboration avec d’autres structureslocales qui se déroule en mars 2010 à Saint-Nazaire. Basée sur la rencontre entre les musiques actuelles et la musique classique, ce projet pédagogique et artistique regroupe 170 musiciens autour d’unspectacle mêlant chanson et orchestre symphonique.

Constituée de 6 permanents, la structure se définit aujourd’hui comme une plateforme de professionnali-sation dédiée aux artistes et porteurs de projets musiques actuelles. “Notre activité, raconte JérémyGabard, le directeur, se concentre autour des questions de structuration professionnelle, de développementde carrière, d’insertion économique, d’organisation de tournée,…” L’activité phare reste le développementd’artistes que la structure valorise à travers un catalogue comprenant une douzaine d’artistes (DelphineCoutant, Nyna:Valès, Savel, Holly Mushroom…). Plutôt estampillée “chanson”, l’asso ne se limite pas uniquement à cette esthétique et reste ouverte à d’autres univers artistiques. “C’est surtout le succès de Delphine Coutant qui nous a révélé comme ‘spécialiste’ sur cette esthétique, analyse Jérémy. En se spécialisant, nous avons été mieux repéré sur certains réseaux. Mais nous avons toujours aimé la diversité, à l’image de projets novateurs comme HellNiño ou Bassdrum que nous accueillons sur notre catalogue.”

Ce développement se retrouve dans les dispositifs mis à disposition des musiciens en voie de profession-nalisation. Sous la forme d’un coup de pouce ou d’un coup de projecteur, ce sont plus d’une quarantained’artistes qui ont bénéficié d’une aide financière (production d’un spectacle,…) ou d’une aide promotionnelle(compilation) pour lancer leurs projets musicaux. Les Martins Pêcheurs interviennent également dans laproduction de disques. Pour la sortie des albums de Savel et de Morro, ils ont réactivé leur label “Les Disquesen Chantier”, mis en sommeil depuis 3 ans. “Le disque reste un référent de carrière primordial, souligne Jérémy, sortir 120 titres sur Myspace ne pèse pas lourd face à 10 albums distribués nationalement.Nous ne savons pas développer un groupe ou un auteur-compositeur-interprète sans l’étape album…”Malgré une situation économique fragile, la structure mise sur la diversité de projets novateurs (festivals, échan-ges inter régionaux) pour continuer à avancer. Un critère indispensable pour dénicher les talents de demain.

PAR ÉRIC FAGNOTPHOTOS : DR

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frenchcowboy

COMME UNE PAIRE

DE CONVERSE

C'est quoi les French Cowboy en 2010 ?Eh bien, c'est surtout moi, car les gars (Eric, Gaëtanet Stéphane) vont pas mal tourner cette année avecJeanne Cheral. Les concerts se joueront donc àquatre French Cowboy, en solo ou en trio avecCaroline, une Nantaise, et Rubin Steiner. Je joue deplus en plus tout seul, surtout depuis leur tournéeavec Philippe Katerine ; c'est aussi pour des raisonsfinancières. Ça ne remet rien en question, je joueavec qui est disponible. Quand personne ne l'est, ehbien je joue tout seul, et j'y prends goût, cela réin-vente la musique, j'utilise des boucleurs, je rencontrede nouvelles personnes.

Et comment vois-tu cette évolution de groupe ?À la toute fin des Rabbits, j'ai commencé à pensersolo. L'expérience des Rabbits a été très longue, etdifficile sur la fin, on ne savait plus bien où on allait.Alors, j'ai décidé d'arrêter et de repartir vraiment àzéro. Je me suis demandé si j'avais encore envie defaire de la musique, laquelle, pourquoi, etc. J’ai fonc-tionné plus en solo, avec le désir de faire ce quej'avais envie, ce qui est pour moi la seule manière de

pouvoir continuer. La musique est amusante, il fautrester simple, partir du postulat qu'on a des instru-ments particuliers avec lesquels on doit aller au plussquelettique et direct. Pour moi, la musique estimmédiate, il ne faut pas trop réfléchir, jouer très viteaprès la sortie du disque, sortir un disque très viteaprès son mixage.

Un répertoire assez américain, des enregistre-ments là-bas. Qu'est-ce qui vous séduit dansl'approche américaine de la musique ?Je dirais plutôt “anglo-saxonne”, car je m'inspireautant de musique anglaise qu'américaine. Monintérêt pour la musique est venu lorsque j'aidécouvert des groupes anglo-saxons. J'écoutedes choses plus différentes maintenant, je joue ceque j'aime sans trop plagier, mais sans non plusm'empêcher de ressembler, car pour moi la musi-que est un truc qui se mord la queue depuis quela guitare électrique existe. C'est comme une pairede Converse, ça revient régulièrement. Mais je nesais pas trop ce que j'aime dans ces musiques,c'est assez inconscient. Je crois tout simplement

Federico Pellegrini, chanteur-guitariste des French Cowboy, avoue aimer répondre aux questions. Eton s'en rend compte, quand on passe plus d'une heure avec quelqu'un qui, très vite, semble se livrer,et se rendre imbattable au jeu du “ni oui ni non”. Petit point de situation à l'heure où sort un ovni musical et un manifeste de rock pour chambre à coucher !

PAR CÉCILE ARNOUX

PHOTO : DR

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Infoswww.myspace.com/thefrenchcowboy

www.havalinarecords.net

qu'on fait aussi la musique qui nous manque parfois.

Qu'est-ce qui fait que tu n'as pas poursuivi lalignée un peu folk des disques précédents ?Oh, je pense tout simplement que je ne suis pas unbon musicien, plutôt un mélodiste. De fait, je mebalade à travers les genres. Je ne fouille pas ungenre, je ne fouille pas la folk américaine, la pure folkm'ennuie, et je ne sais pas la jouer. Je préfèrem'amuser à écrire des airs qui me plaisent avec uneguitare ou un clavier, peu importe l'orchestration. Jene suis pas brillant dans un registre, j'essaie d'être lemillième dans plusieurs registres.

Le label Havalina a été monté par vous-même.Y vois-tu un rôle de prescripteur ?Disons que les huit personnes dans le label défen-dent une musique certes, mais aussi des gens. Onle fait peut-être sans le vouloir, mais ce n'est pasl'idée. Les Golden Boots sont des bons copains quenous avons rencontrés à Tucson. C'est un coup depouce qu'on leur donne, et qu'on aimerait avoir dansun pays ou un autre. Il n'y as pas d'étiquette musi-cale qui qualifierait le label.

Penses-tu pouvoir mettre à profit ton expé-rience aux musiciens nantais plus jeunes ? Etpourquoi n'y-a-t-il pas de Nantais sur Havalina ?Je crois qu'ils ont au moins autant de choses à nousapprendre. Un groupe comme Papier Tigre est lar-gement plus talentueux qu'on ne l'était à leur âge,plus structuré. J'apprécie vraiment chez tous cesgroupes le fait qu'ils ne nous dénigrent pas, nous quisommes un groupe de vieux. Et pour en revenir aulabel, il y a sur Nantes de très bons labels commeEffervescence qui défendent mieux les groupesqu'on ne pourrait le faire. Ces groupes sont beau-coup plus autonomes qu'on ne l'était. Pour nous quiavons passé des années chez Barclay, la démarcheindépendante est nouvelle. Eux l'ont adoptée dès ledébut, et ils n'ont absolument pas besoin de nous.

Tu participes beaucoup à la com’ autour dugroupe, à jouer un personnage sur internet viala vidéo. Quel est l’objectif ?Je fais çà pour m'amuser, car j'ai aussi besoin dene pas faire de musique. Et j'utilise la vidéo commeje compose de la musique. J'aime le rapport de lamusique avec les mots, et dans un montage vidéo,il y a de çà, il y a quelque chose de très rythmique,la façon subjective de couper, de monter un film...Et puis, j'aime inventer une histoire autour d'unnouveau disque. Il est clair que c'est bien de lapromo, mais cela donne une couleur autre quemusicale au projet et au disque.

Tu participes au projet Grosse Labo*, porté parHervé Guilloteau. Qu'est-ce que tu trouvesdans le théâtre qu'il n'y pas dans la musique etinversement ?C'est bien simple. Le théâtre me fait flipper, et lesacteurs de la pièce flippent quand il s'agit de chan-ter. On ne se propose pas aux gens de la mêmefaçon. Un acteur va se trouver gauche quand il s'agitde faire de la musique, et inversement, j'ai du maldans le théâtre à me sentir vrai, sincère. Pour moi,c'est une sacrée violence. La vidéo fait partie de lamême violence, celle de dire des choses. L'auto-fil-mage me permet de me voir dire des choses oujouer des émotions. Cela vient sans doute d'uneenvie d'avoir plus d'assurance, d'être moins timide,et l'envie de croire en moi-même et donc de penserque les gens puissent croire en moi.

Et pourquoi Hervé Guilloteau ?J'adore son travail, Hervé y va, il pose tout sur latable, il est décomplexé. Je pense qu'on a despoints communs, existentiels, je me retrouve dansbeaucoup de choses avec lui. J'aime comment ilmène sa barque, l'idée de participer à sa psychana-lyse parce qu'on est tous un peu dans sa tête, etc'est intéressant pour soi d'être dans la tête dequelqu'un, çà aide soi-même.

*http://grossetheatre.com

Plus bitumée que poussiéreuse, ladernière virée des French Cowboyest cadencée comme jamais. Plusrock, plus groove, plus électrique,plus disco, assurément protéiforme,“Isn't My Bedroom A Masterpiece”,sort des sentiers battus pour ne res-sembler à rien d'autre qu'à unemusique loyale, affranchie, au spectre sphérique. Lestempos si différents soient-ils servent toujours lamélodie, la voix ne vit toujours qu'au pluriel (quatreinvitéES aux choeurs), la grande famille des guitaresest réunie. Chacune des quinze chansons a sa cou-leur, mais la dominante est plus dans l'intention qu'onimagine être “fun” que dans le style musical. Et si lesombres de Jarvis Coker, de Jason Lytle, DavidGilmour, Wayne Coyne ou encore Feargal Sharkey sediscernent sur ce disque, c'est sans doute parce queFederico Pellegrini est devenu un compositeur érudit,un arrangeur fou et un interprète majeur !

Cécile Arnoux

French Cowboy(Isn't My Bedroom) A MasterpieceHavalina Records / Differ-Ant 2010

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Une histoire du rock à Laval ? On voit déjà les mines circonspectes doutant que cette ville moyenne à laréputation trop tranquille ait un jour pu prétendre au rang de place forte du rock en France. Des histoiresdu rock à Laval ? C'est en revanche une certitude, car si peu de groupes du cru local connurent un des-tin national et les honneurs des anthologies, Laval a vu naître suffisamment de trajectoires fulgurantes,de personnages hors norme et de folles anecdotes pour qu'on leur consacre une expo.

D'entrée, l'esthétique brute de la scénographie en impose : cette vaste palissade en bois qui se déploie

sur 700 m2, évite de figer le rock dans du marbre et de muséifier ce fringant quinquagénaire qui n'en

demandait pas tant. Elle permet de conjuguer la mise en valeur de l'héritage patrimonial sur quatre décen-

nies (guitares, synthés, magnétophones et autres amplis) et une interactivité bien vivante : témoignages

vidéos, coupures de presse, murs d'affiches, juke-box virtuel, etc.

Le néophyte comme le vieux briscard y trouveront leur compte puisqu'en parallèle de l'histoire locale, on

revient également sur les (r)évolutions marquantes du rock depuis Elvis, qu'elles soient technologiques

ou esthétiques. Mais surtout, on dépoussière ici le rock de ses oripeaux trop clinquants et folkloriques

pour revenir à l'essentiel : le rock, à la base, c'est une histoire de potes, pas forcément plus révoltés que

la moyenne, qui se réunissent pour composer ensemble leurs propres chansons. L'expo prend la pleine

mesure de cet instant décisif et de ces lieux symboliques, où l'on se frotte à la mythologie ordinaire du

rock'n'roll. A l'image de ces reconstitutions « plus vraies que nature » d'un local de répét' avec ses murs

tapissés de boîtes d'œufs, ou de cette chambre de fan dans les années 80, où l'ardeur adolescente pour

le rock transpire du papier peint.

L'expo replace le rock les pieds sur terre, avant les éventuelles paillettes de la gloire : dans la quotidien-

neté de ses usages, la ritualité banale et magique de ces répétitions dans une cave mal isolée ou de ces

tournées de caf'conc' au volant d'une estafette pourrie. Une excellente manière de faire entrer le rock au

musée sans risquer de lui faire perdre son âme.

Infoshttp://www.rockinlaval.com

PAR YOAN LE BLÉVEC

PHOTOS : DR

rock in lavalLA BANANE !

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AKEIKOI est le point de fusion entre Nantes etAbidjan. C’est aussi la rencontre en 2000, d’unrock speed-funk et d’une musique multi-ethniquetirant ses racines de la tradition mandingue :Caline Georgette et les Yelemba d’Abidjan. Aprèssept ans de réflexion, malheureusement due enpartie au conflit ivoirien, ils reviennent plus matu-res que jamais. Et c’est ce qu’on appelle soufflerpour mieux rebondir ! Leur deuxième opus“Senoufo” accomplit le pari difficile de sortir dessentiers battus des musiques du monde, tout enrestant fidèle à leur double personnalité. Équilibréet énergique, AKEIKOI y mélange la bonne dosede djembé, balafon, guitare, voix, basse, nuanceset vrais bons solos pour livrer un afrobeat aux tendances groove et rock vraiment abouti, avecun supplément d’âme. Les amoureux de cettemusique incantatoire, vibrante et cuivrée ne s’ytromperont pas.

Marie Hérault

Plutôt qu'une compil’ toutemoche présentant ses artistes,le label Prikosnovénie édite un objet d'une infiniedélicatesse. “Berceuses de fées” est un petit bouquinaccompagné d'un CD, féériquement bien illustré.Recueil de textes tendres de Régis Aubert, lesmélodies et les chants sont inspirés des folkloresmoldaves, russes, allemands, et de bien d'autrescontrées. Chantée, murmurée ou en yaourt, chaquecomptine s'accompagne d'un récit. Comme indiquésur la couverture, il s'agit de “14 recettes magiquespour s'endormir”. J'y ajouterais “Pour des oreillesfraîches et émerveillées”. On y entend la pluie, levent dans les arbres, le crépitement des étoiles oule souffle des dragons. Intemporelles, pas cul-cul,ni soporifiques, ces berceuses sont à mettre entretoutes les mains, et pas que celles des enfants.C'est apaisant, simple et beau. Bref, c'est rare.C'est aussi idéal au petit matin, pour un aprèsdancefloor et un avant dodo, au chaud sous lacouette vers le Pays des Songes.

Marie Hérault

L’être ou le néant ? Voilà, peut-être, un résumé dupropos de ce deuxième opus d'APPEL D’AIR. Dèsl'ouverture de l'opercule on est averti : le désordreici est à mettre sur le compte de “bouleverse-ments climatiques”, ce qui explique sûrement l’im-pression de capharnaüm ressentie en découvrantcette galette et son digipack. Être ou ne pasêtre ? Voilà la question, posée de plages en plagespour arriver nudiste sur le slogan : tout le mondeà poil ! Car dans ses atours musicaux où on necherchera pas la révolution, le groupe développeun propos, parfois bavard, sur la vie, l'amour, lamort et l'ameublement dans un pêle-mêle desons et d'émotions. Le son est plein, rempli d’une instrumentation prolixe et cultive un punch java-reggae-rock festif. Une préférence pour la dérision de “Coffret repas” ou pour ce très jolifinal : “Avec ou sans”.

Georges Fischer

Si chacun sait que lesoiseaux se cachent pourmourir, on se demandait ce

qu'ils foutent de leur vivant. La réponse : du rock !Plus précisément du blues rock garage - et du bon.En l'occurrence celui d'un one man band, le projetdu Nantais Romain Marsault, qui a parfaitementintégré le cahier des charges du genre : guitarepoisseuse accordée dans le Mississipi, batterierêche, huile de coude et une lampée de whiskypour faire carburer le tout. On pense bien sûr à laréférence incontournable du genre, le mythiqueguitariste casqué Bob Log III, sans pour autantavoir l'impression d'écouter un ersatz dénuéd'âme. Car BIRDS ARE ALIVE possède un talent évi-dent pour les mélodies accrocheuses et suintantes,ce qui permet d'éviter le piège de la monotonie surla durée de l'album. Il semble aussi doté d'un mau-vais goût très sûr : un oiseau qui annonce sur sonMyspace “de la grande musique pour malentendants”ne peut pas être de mauvais augure.

Damien Leberre

AkeikoiSenoufo

Hors-Normes Production 2010

Berceuses defées

Berceuses de féesPrikosnovénie / Anticraft 2010

Birds are alivePlucked & Fucked upKizmiaz Records 2010

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Appel d'airDans la boîte à lettresAP 2010

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Avec les Collections Chasseloup, on s'embarquetoujours pour des destinées surprises. “Automne2009” nous emmène carrément dans un videgrenier, là où les objets, si dérisoires soient-ils, sontposés sans ordre, sans logique apparente, maisprennent à nos yeux effarés une beauté toute simple. Et c'est comme ça avec PHILIPPE CHASSELOUP. Ses chansons semblent fraîche-ment déballées de leur papier journal et dévoilentcette poésie faite de dérision et de bouts de ficellesau même titre que la conception de la pochette etla réalisation du disque : une fabrication artisanalecontrastant avec un monde du disque “grossemachinerie technique”. Et sa plume est toujoursaussi acerbe mais non dénuée d'humour corrosifenvers notre société. Et une couche en plus avecChristophe Bell Œil en invité.

Gilles Lebreton

Un Artiste prolifique, audacieux, et certai-nement téméraire, MATHIAS DELPLANQUE, non découragé par la frilosité des labels, vient tout simplementde créer le sien. Le bien nommé “Bruit clair” est sous-titré “Musiques électroniques et arts sonores” et débutesa prometteuse destinée avec trois sorties personnelles de son fondateur, révélant les infinis champs d’expé-rimentation et de création du musicien. Sous l’identité Lena, “Circonstances / variations 1-4” est une série dequatre approches différentes d’un titre de “Lost Wax” sorti chez Plush en 2008, fruit d’une collaboration avecRob Mazurek, Charlie O, les Man, Black Sifichi, Steve Arguelles dans le fameux The Floating Roots Orchestra.Avec une grande liberté, Lena nous plonge ici dans de longues plages aux consonances dub, ciselées d’unemultitude de détails électroniques qui en font une musique à la fois sombre et rassurante. S’abandonnerensuite à l’écoute de “Parcelles 1-10”, c’est entrer dans un organisme vivant fait de pièces instrumentalesentre folk, ambiant, musique concrète. Enregistré en condition live, l’ordinateur y côtoie guitare, melodica,cithare et micro percussions. Ce premier volet d’une trilogie à suivre, illustre la règle d’or du label : se consa-crer à toutes les formes électroniques composées et jouées en utilisant les machines comme de véritablesinstruments. L’esprit désormais vagabond nous conduit enfin à “Passeports”, sublime assemblage de sonsenregistrés lors d’escales à Nantes, Lille ou Dieppe. Étirées en longs drones aériens, ces matières premièrescapturées dans les gares, aéroports, parking, sont l’unique composante de ces longues nappes abstraites oùle temps suspendu devient délicieusement oppressant. En CD, téléchargement et même vinyles, annonçantde très prochaines sorties avec d’autres artistes, ces trois premières auto-signatures ne délivrent encorequ’une facette de MATHIAS DELPLANQUE dont les collaborations et interventions artistiques protéiformessont à suivre de près dans les mois qui viennent, à Nantes et ailleurs…

Cédric Huchet

Le producteur manceau ne chôme pas. Sonalbum avec le guitariste de Powell sous le nom de[Drive In] Static Motion à peine sorti, le revoilàavec un nouveau “Meaningless” sous le bras.Enfin, dans le disque dur puisque l’album estseulement dispo en digital. Le label promet néanmoins une sortie physique. Ce joli contenumériterait en effet un joli contenant. Car l’abstracthip hop de CYESM a vraiment de la gueule. À mi-chemin entre les pontes du genre (DJ Shadow,DJ Krush…) et un post-rock cinématographique,les productions de CYESM cognent souvent dur,et s’envolent régulièrement vers des cimes enlames de rasoir. Le bonhomme a l’air du genrediscret, mais ne vous y trompez pas : CYESM faitpartie du haut du panier de l’electro hip hophexagonal, aux côtés de Lilea Narrative ouPsykick Lyrikah.

Kalcha

PhilippeChasseloup

Chasseloup inviteChristophe Bell ŒilMadame Suzie Productions 2009

CyesmMeaningless Good Citizen Factory 2010

Mathias DelplanqueParcelles 1-10

Circonstances / Variations 1-4Passeports

Bruit Clair Records 2010

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Parallèlement à ses projets Ourswamp, AbraxasProjekt, ses collaborations avec la danse ou lethéâtre, son label Oceanik Créations, JérômeParessant donne libre cours à son inépuisableinspiration en une double sortie d’album sur lemême support ! Le premier, intitulé Luz, contenudans les pistes 1 à 8, est d’un rock résolumentfree, aux voix murmurées ou scandées, aux textures presque jazz, aux reflets délibérémentélectro sur fonds de guitares blues ou éraillées.Puis les voix d’enfants répètent “la musique” surun drone inquiétant. Nous pénétrons dans l’antrede Land Music, qui en 12 tracks, nous trimballed’une électronica syncopée, vers des abstrac-tions atmosphériques ou des frénésies électrojazz. DOWNTAO est le nom avec lequel il signeses captivantes escapades en solo, disponible enCD ou téléchargement et accompagnées de sesincontournables créationsvidéos.

Cédric Huchet

Plus qu'une ESQUISSE,c'est bien un portrait qui amûri 10 ans durant...Lentement tissé de compositions et recomposi-tions jusqu'au sein du groupe, les aplats sontcolorés, chevauchants, chatoyants, ravissants...Au tableau, un mix de ce qui se danse de plusvarié dans les festoù-noz nantais : scottish, tour,ridée, Loudéac, circassien, valse, bourrée, avant-deux et galop... nantais ! Aux pinceaux 4 ambi-dextres pas manchots du diato, du sax, de laclar', et de la batterie itou. Le danseur à peinereposé en redemande, pour s'envoler encore etencore. Ça musarde, ça musette, ça tricote dumollet, ça swing, et ça jazze aussi... Ça n'a pas lecôté léché des sorties d'atelier, mais ça se teintedu souffle vivant du corps qui bouge et crie d'aisepour ponctuer les mouvements, ça laisse uneimpression de léger à l'oreille, à vous en faireoublier toute la sueur humaine qu'il a fallu pour enarriver là... et en repartir benaise !

Jean-Jacques Boidron

D'emblée, on reconnaît l'influence des grands frères :Muse, Keane et Placebo en tête. Mais EKHÔ ne faitpas dans le plagiat. Ce duo manceau détient sapropre identité musicale, la maturité et l’efficacitédes compositions sont impressionnantes. Maispourquoi diable est-ce aussi efficace ? Outre la voixhaut perchée du chanteur, le mariage de tous lesinstruments est heureux : guitares et piano semêlent pour créer de beaux accords pendant quedes lignes de basse ajoutent de la profondeur àl'ensemble. La rythmique se fait tour à tour effacéeou percussive, les samples sont subtiles et desserventtrès bien les compos. Ce “Twin sides” jouit de réellesmontées en puissance et d’une réelle émotion. Deuxpetits reproches toutefois : les ponts et les transi-tions parfois prévisibles, la voix pourrait lasser surla durée : plus d’instrumentaux seraient les bienvenus.“EKHÔ” est bel et bien un phénomène acoustique

qui va prochainement résonneraux esgourdes de beaucoupde gens.

Mickaël Auffray

Taillé dans un rock groovy etporté par une grosse pro-duction sonore, le nouvel

album de GUERILLA FRESCA s’apparente à unvrai passage de cap. Le carcan du ska festif étaitdécidément trop petit pour nos guérilleros, quinous entraînent désormais à travers une junglede styles, fidèle à leurs influences. Ne reniant pasleurs origines, on retrouve des titres comme “Çaira mieux demain” et autres reggaes comme“Baissez le rideau”, “Enfants ou soldats” ou“Mama Africa”, qui rappellent ce qui a fait la marque de fabrique du groupe. À noter quelquessurprises comme “Je positive”, petite bombefusion hip hop avec Kenot (Ozanamix), ou de l’en-gagé et sautillant “Le Terminal” avec en invitéprestigieux Gaston de Percubaba… Du swing, dugroove, du nerf, c’est pourtant pas compliqué !

Ben Devillers

DoWntaOLuz & Land Music

Oceanik Creations 2010

EkhôTwin sidesEdem Music 2010

EsquisseLive

AP 2009

Guerilla FrescaÇa ira mieux demainAP 2010

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À l’heure de la lutte pour la survie du support, lasortie d’un DVD live semble risquée, JarringEffects relève le défi avec HINT et EZ3KIEL, une rencontre inattendue sur le papier. Deux groupesaux horizons bien distincts, dans une collabora-tion qui porte bien son nom. Véritable “Collision”,le choc des deux entités fait des étincelles…C’est à l’occasion des 10 ans de RiddimCollection, festival organisé par le label lyonnais,que l’idée germe : HINT, absent de la scènedepuis 2000, et EZ3KIEL, dernièrement séduitspar les charmes électriques des guitares, conce-vront un set live. Résultat : douze titres charnus équitablement répartis. Sur scène, plusieursdizaines d’instruments, un bric à brac de drumsethniques, atypiques parfois, donnent vie à unpost-rock délabré, transcendant, aux énigmesnombreuses. Osmose exemplaire, beaucoupdevraient s’inspirer de cetexercice.

Jonathan Duclaut

Il y avait bien longtempsqu’on avait pas vu un aussibon titre d’album. Il faut dire que les p’tits gars de LA BRUME RO(Z)E n’ont peur de rien. Y a qu’àvoir : le disque est emballé dans une petite boîteà pizza faite main (!!!). Les restes de mon éduca-tion m’interdisent donc de vous dire ce que fontces Angevins du politiquement correct. Antoine (ex-Zetlaskars), Puk (ex-Zetlaskars, ex-TartarinD’Tarace) et Garcia (ex-Tartarin D’Tarace)envoient valser les règles de bienséance de lavénérable chanson française pour créer une sortede poésie punk, comme si Kwal se lâchait à mortaprès quelques bières. Autant dire que les oreillesles plus chastes risquent de grincer des dents (je sais, l’image est bizarre). Qu’elles se consolentau moins en écoutant la génialissime reprise deCab Calloway, “St James Infirmary”.

Kalcha

Avec un nom pareil, on voit arriver gros commeun 38 tonnes les jeux de mots à 2€, “KILO, c’estgras, c’est lourd, c’est gros”, etc. Et ça n’estfinalement pas si éloigné de la réalité ! Car l’opusdes Angevins fait une entrée fracassante dansune cour où l’on croise d’habitude les énervésd’Unsane, Sick of It All ou les plus mélos maisnon moins énervés American Head Charge, surun versant plus metal-emo-indus, voire mêmepower, clin d’œil à Pantera à l’appui (“Get out”)…On sent bien que ces 4-là n’en sont pas à leurcoup d’essai (on y compte des membres deSexypop, Kyu, Sweetback…) vues la maturité et l’efficacité des compos et la qualité de la production. D’une précision peut-être trop clinique, pas assez brute pour ce poids lourdnoise-hardcore, mais qui donne à ce premieralbum une dimension internationale.

Ben Devillers

Résolument ancré dans lavague cold-wave, LES

MODULES ÉTRANGES, trio nantais de fondusdu genre pousse encore un peu plus les murs del'antre de cette musique. Les rythmiques des boîtes à rythme sont inventives, elles lorgnentparfois même plus du côté de l'emocore que dela cold, le son de basse est bluffant, les guitaresbruitistes et parfois noise. Les machines et lesclaviers viennent étoffer un univers déjà fourni, etla voix lancinante prononcer encore davantagel'obscur des compositions. De “Dawn” transpi-rent des ambiances dark, mais des titres comme“Poison” parviennent à colorer le propos. Avecune parfaite alchimie des sons, une maturité etune maîtrise musicale, ce disque devrait conquérirles adeptes du genre et fait renaître ou perdurerun genre qui a marqué bien des esprits dans l'histoire de la musique.

Cécile Arnoux

Hint et Ez3kielCollision Tour

Jarring Effects / PIAS 2010

KiloLock the dogs outMaximum Douglas Records 2010

La BrumeRo(Z)e

Tu suces pour un poèmeLa Machine Folle 2010

Les ModulesEtrangesDawnAP 2010

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Pénurie de groupes de punk à Nantes depuis la findes Zabriskie Point et la disparition du si classieuxlabel Dialektik Records. Eh bien, il faudra compteravec LES MORUES maintenant ! La relève estprise, et c'est tant mieux. À la différence près queLES MORUES mêlent énergiquement punk et skaet que le chant est féminin ! Des nuances tout à fait louables. Le projet en place depuis 2003 voit enfinun premier disque sortir, un disque de punk, de ska,de rock alternatif, façon Ruda des débuts. Pas original certes, mais sacrément bien joué, et transpirant de plaisir, d'envie, surtout les morceauxles plus punk. Comme le veut la tradition musicale,la prose est engagée, les instruments tous devant.Une profonde croyance en la morue, et une désinvolture assumée, rien de bien sérieux danstout ça.

Cécile Arnoux

Dès l’ouverture, on estattrapé par la beauté du sonde cet album. Voilà une production exemplaire (bravo Benoît Gautier !)où le choix attentif des timbres, de la basse aucarillon en passant par violoncelle, percussionsou clarinette, forme l’écrin lumineux des mélodiessubtiles et de la voix de MATHILDE EN JUILLET.Une grâce émouvante se dégage de cette voix où l’ingénuité le dispute à un aplomb qui affirmesans asséner, et sa multiplication en chœursingénieux est un régal. L’univers poétique folkrock de la chanteuse, qui rappelle Mélanie ou lesRoches, révèle une intimité lucide, espiègle etsereine. Bilingues et écrits en collaboration, lestextes portent un regard mi-pudique mi-amusésur l’existence. Cet hiver, une pépite nous estofferte par Mathilde qui, désormais, est loin (dufroid) d’ici, éternellement en juillet.

Georges Fischer

Quand on lit caractères, on peut penser à laBruyère, ce moraliste classique qui en décrivittant au XVIIIe. Plus près de nous, Brassens faitréférence pour le moraliste actuel découvert chezMORRO. Ça semble venir naturellement chez cetautodidacte fier d’une approche sans calcul pourun disque produit “à l’ancienne”, sans manipula-tion numérique. Œuvre self-made où l’hommeorchestre MORRO écrit, dessine, joue et chanteavec un son compact et un groove électro-acoustique têtu. Les textes scrutent comporte-ments, attitudes et circonstances pour percer lesapparences et prendre vie au-delà des masques.MORRO attrape le taureau par les cornes,comme le “Cancre de Pennac”. “Zéro théorie,juste le contact”, écrit-il dans “Autodidacte”. Tout est dit !

Georges Fischer

Replonger dans le mondede la pop-rock est toujoursun plaisir renouvelé fait de

repères inamovibles comme le son des guitaresfolk et de surprises avec les petites touches detechnologies actuelles. Et LÉO SEEGER s'ybalade à merveille. Entre une batterie très toniqueet un tambourin omniprésent, il impose un couplede voix haut perché, toujours en harmonie, quiallège le propos et contraste avec la rythmiqueimposante. Et quand les duos de voix s'en mêlentet s'entremêlent, on n'est pas loin de nos mythi-ques duos des seventies. Comme dans la ballade“Come what may” qui vient contrebalancer un“March ballad” résolument rock. Malgré quelquesrépétitions dans les mélodies, l'ensemble de lagalette est un très beau voyage dans le genreavec des fins de morceaux toujours tirées au cordeau.

Gilles Lebreton

Les MoruesIn cods we trust

Vlad Prod 2010

MorroLe rythme des caractèresErrance Productions / Anticraft 2010

Mathilde en juilletBreak AP

Coop Breizh 2010

Léo Seeger Come what mayAP 2010

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On les savait architectes d’une électronica édifiéepar le sample lorgnant vers le jazz ou le space-rock des années 70. SMOOTH présente aujourd’huiun opus conçu avec expérience et science. Fruitde nombreuses années de studio et de scène.Album de la maturité ? Pas tout à fait. “TheParade” propose de nouveaux horizons, décom-plexés, une nouvelle formule, où l’art de la mélodieest de mise, à l’image de “Friendly Yours”, quiouvre le chemin avec l’énergie et la retenue carac-téristiques du groupe. Le presque morriconien“I’ll be your animal”, cuivré, épique, montre laroute empruntée. “Freedom is a Road”, “TheSmooth Parade”, “Heart Bea(s)t”, ou SMOOTHdans ce qu’il sait faire de mieux. Mais commentvous parler de cet album sans évoquer son socle,la pépite : “Another Life”, track délicieux, parfumé,frais, à la ligne de basse redoutable. Rappelonsque c’est avec ce genre delégèreté que Phoenix adécroché un grammy…

Jonathan Duclaut

Tout le monde sur les barri-cades ! Un air révolutionnairesouffle sur Angers. “Hostile”tire sur tout ce qui bouge. Les lyrics cognent fortsur la politique hexagonale, le laxisme écologiqueou les inégalités sociales et économiques. Autantde sujets où un flow rageur laisse exprimer desidées qui ne le sont pas moins : trouver un anti-dote à URBAN POIZON reviendrait à bâillonnerune partie de la jeunesse. La mutinerie s’organiseautour des MC Tomawok (Zetlaskars) et MisterFlow (ex Carc[H]arias), elle est orchestrée parKoni, Dj K-ass, Grud et Dj Achaiss. Oscillant entreéléctro-hip hop et raggamuffin, URBAN POIZONlivre ici 12 titres où la ligne directrice est d’être leplus percutant et le plus explicite possible. Pariréussi ! Malgré la performance du débit des paroles, l’album paraîtra pour certains un peuindigeste sur la longueur. Mais la volonté de serenouveler et d’expérimenter sans frontières estbel et bien là !

Mickaël Auffray

Après un premier album qui a créé la surprise auniveau national, le groupe nantais était attendu autournant. Pas de sortie de route à déplorer, ce“Qolors” confirme bien tous les espoirs que TRIBEQA avait suscités. Leur soul jazzy balafonégarde toute sa fraîcheur, accueillant même plusieurs vocalistes (dont Blake Worrel, MC chiffonné des Puppemastaz !) pour varier les plaisirs. Si l’on doit chipoter, on objectera quequelques samples auraient peut-être gagné à êtreplus discrets - ou en tout cas moins téléphonés(cf. Nina Simone, Cypress Hill, Funkdoobiest…) -mais avouons que ça ne pèse pas bien lourddans la balance finale. TRIBEQA devrait doncsans trop de mal asseoir sa bonne réputationavec ce nouvel album. Et tourner en consé-quence.

Kalcha

“Y en a qui abordent le trucen faisant des manières”comme diraient les VENTS

D’ALE. Alors comment expliquer l'agréable surprise que l'on peut ressentir en écoutant leurunivers ? Grâce à ces cinq musiciens, on selaisse surprendre à suivre l'ambiance rythmée deleurs chansons, qui mélangent le hip hop atypique, le rap tonique et les accompagnementsparfois à effets de salsa ou de blues. RomainOllive chante avec son cœur, ses idées révoltéessont réalistes et engagées. Même si l'on peutavoir l'impression que ses ambitions sont provocatrices, il nous montre que sa souffrance afait place à l'espoir. La musique des vandalesnous crie alors avec puissance : “Faut qu'on soitsolidaire, qu'ensemble on aille de l'avant”!

Maëlle Fleury, lycéenne à La Colinière (Nantes)

Smooth The Parade

Do you like Records / Discograph 2010

TribeqaQolorsUnderdog Records / La Baleine 2010

Urban poizonHostile

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Vents d'AleVents d'AleHa Ouais Productions 2010

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Coup de griffe !

Infos et contactwww.le-magneto.org / [email protected]

CONCERTATION MUSIQUES ACTUELLES EN SARTHE : VERS UN DIALOGUEPARTAGÉ ET CONSTRUCTIFDepuis un an, Le Magnéto (collectif fédérant des acteurs des musiques actuelles en Sarthe) s'est mobilisé à plusieurs reprises pour solliciter la mise en place d'une concertation territoriale. Les Villes duMans et d'Allonnes, le Département de la Sarthe, la Région Pays de la Loire et l'État (Drac) ont répondufavorablement à cette demande en approuvant en octobre dernier la création d'un espace de discussionset de propositions (Comité de pilotage) et le lancement d'une réflexion sur le département, avec l'appuidu Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire.

Le Magnéto est aujourd'hui reconnu comme l'interlocuteur privilégié des collectivités et des services de l'État,identifié comme réseau territorial à part entière (co-organisateur des récentes Rencontres nationalesPolitiques publiques et musiques actuelles). Il ne peut cependant à lui seul assumer la responsabilité deconduire et animer la concertation territoriale en Sarthe. Le Magnéto est certes à l'initiative de cette démar-che, mais celle-ci ne peut être efficace et durable qu'avec l'implication des différents partenaires publics etacteurs des musiques actuelles. Même si les relations restent empreintes de prudence (confortée l'attitudede certains acteurs rétifs au Magnéto ou soucieux de préserver des relations privilégiées avec leurs finan-ceurs), les collectivités locales avancent à leur rythme sur le chemin d'un dialogue apaisé et constructif,conscientes de la nécessité de cette mission d'intérêt général sur un territoire qui aligne les contradictions :vivier artistique, dynamisme des pratiques amateurs et des projets associatifs portés par des bénévoles…mais absence de lieu de création-diffusion (type SMAC), déficit de professionnalisation globale du secteur.

En Sarthe, comme ailleurs, la concertation est une nouveauté. À ce titre, elle est assez mal perçue car ellebouscule les cadres établis : elle implique donc pour chacun des partenaires de mettre de côté ses apriori, d'apprendre à discuter ensemble, de travailler autrement… Bref, de se mettre en danger ! Lesbénévoles du Magnéto ont accepté cette règle du jeu : ils ont mis de côté leurs propres intérêts pour agircollectivement au service du développement du secteur. La mise en réseau des acteurs a d'ailleurs déjàcontribué - de manière certes indirecte - à l'émergence de nouveaux projets communs, comme la parti-cipation au dispositif régional Artistes en Scène de Trempolino ou à la FEPPAL (Fédération des éditeurset producteurs phonographiques en Pays de la Loire). Même si elle n'offre pas de résultats immédiats, ladémarche de concertation va dans le même sens. Mais elle ne sera reconnue et solide qu'avec l'implicationde tous les acteurs : musiciens, techniciens, organisateurs de concerts ou de festivals, café-concerts,écoles de musique, producteurs, éditeurs, développeurs d'artistes, spectateurs ou simples amateurs…

La concertation territoriale est donc une opportunité à saisir pour faire entendre la voix des musiques actuellesen Sarthe et tenter de construire des “lendemains qui chantent” dans la morosité ambiante… Avanti !

LE MAGNÉTO

PAR AURÉLIEN MOREAU (LE MAGNÉTO)

PHOTO : ÉRIC FERNANDEZ

http://tohubohu.trempo.comréseau ressources musiques actuelles des Pays de la Loire

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