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Douleurs, 2005, 6, 1 35 VOTRE PRATIQUE Traitement de la névralgie essentielle du glosso-pharyngien par thermocoagulation ou blocage anesthésique du ganglion d’Andersch Antoine Dinichert (1) (photo), Alain Serrie (2) , Claude Thurel (2,3) , La première description de névralgie du glosso-pharyngien est faite en 1910 par Weisenberg, dont l’étiologie retrouvée était une tumeur de l’angle ponto-cérébelleux. En 1920, Sicard et Robineau rapportent les premiers une névralgie du glosso-pharyngien de type essentielle et en proposent un traitement chirurgical. Par la suite, de nombreuses techniques de destructions de ce nerf ou de son faisceau sensoriel ascendant ont été décrites : soit par une approche intra crânienne permettant une section du nerf glosso-pharyngien et des 2 à 3 radicelles supérieures du nerf vague ou une tractotomie bulbaire sélective, soit par une approche extra crânienne qu’elle soit cervicale ou pha- ryngée en lésant le nerf par section, avulsion ou injection de substances neurotoxiques, à cela s’ajoute une technique non-destructive par micro-décompression vasculaire (en cas de conflit vasculo-nerveux par l’artère cérébelleuse postéro- inférieure, l’artère vertébrale ou une veine à la zone d’entrée de la racine) décrite en 1977 par Jannetta. La pre- mière description d’une approche percutanée au niveau du foramen jugulaire est rapportée par Sweet en 1976 [1]. Depuis, plusieurs équipes ont décrit leur expérience en uti- lisant cette technique [2]. La névralgie du glosso-pharyngien reste rare et représente entre 0,2 % et 1,3 % des névralgies de la face [3]. Ses étiolo- gies principales sont les tumeurs au voisinage du nerf, qu’elles soient intra ou extra crâniennes, les conflits vasculai- res intra crâniens, les compressions secondaires à une élon- gation du processus styloïde et les calcifications du ligament stylo-hyoïdien, la sclérose en plaque, les traumatismes, les abcès para pharyngés et les complications d’extractions den- taires ; rarement, il s’agit de névralgies essentielles et ce sont ces dernières et leurs traitements que nous envisagerons ici. Le diagnostique initial est clinique, puis son étiologie est recherchée par les examens para cliniques. À partir de l’orientation obtenue par l’examen clinique, on peut être amené à réaliser divers examens d’imagerie, comme une radiographie du crâne (recherche d’un processus styloïde allongé, d’un foramen élargi sur une incidence de demi- Hirtz, d’une tumeur osseuse ou d’une altération osseuse secondaire), un orthopantonomogramme (dans le cadre d’affections dentaires), une tomodensitométrie (recherche d’une lésion tumorale ou abcédée et examen osseux fin), une artériographie cérébrale (recherche d’une boucle ou d’une malformation vasculaire) et enfin une imagerie par résonance magnétique avec séquences angiographiques (caractérisation de toute lésion décelée par d’autres exa- mens, analyse détaillée d’un conflit neuro-vasculaire, princi- palement avec les nouvelles machines travaillant à 3 tesla). Cliniquement, la névralgie débute de façon brutale et paroxystique, et reste transitoire. La description de cette douleur par les patients est multiple, elle est relatée comme spasmodique, électrique, lancinante, coupante, brûlante… Sa localisation est également variable, pouvant intéresser la base de la langue, la région pharyngienne ou tonsillaire et irradiant dans le conduit auditif et la région pré auriculaire, le cou et jusqu’à l’épaule. Elle peut être déclenchée par la déglutition, la mastication, la toux, la parole ou un contact cutané facial. La déglutition est la trigger zone la plus fré- quente, utilisée comme test diagnostique par cocaïnisation de la région tonsillaire ou/et stimulation mécanique. Son association avec une névralgie du V est également décrite. Rarement la névralgie s’accompagne de syncope, d’aryth- mie et d’arrêt cardiaque ou de crise épileptique [4], qui sont par ailleurs plus fréquents dans les cas de névralgies essentielles. Le traitement des névralgies essentielles du nerf glosso- pharyngien est toujours médical en première intention, avec introduction de carbamazépine, phénytoïne, baclofène, gabapentine ou lamotrigine ; c’est seulement en cas de résis- tance à ce traitement aux doses optimales ou en cas d’into- lérance à ces médications que l’on peut envisager un traitement plus invasif. PATIENTS Entre 1992 et 2004, 10 patients ont consulté dans le centre de traitement de la douleur de l’hôpital Lariboisière pour 1. Service de Neurochirurgie, Hôpital Lariboisière, Paris. 2. Fédération d’Évaluation de Traitement de la Douleur, Hôpital Lariboisière, Paris. 3. Service de Neurochirurgie, Hôpital Lariboisière, Paris.

Traitement de la névralgie essentielle du glosso-pharyngien par thermocoagulation ou blocage anesthésique du ganglion d’Andersch

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Douleurs, 2005, 6, 1

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V O T R E P R A T I Q U E

Traitement de la névralgie essentielledu glosso-pharyngien par thermocoagulationou blocage anesthésique du ganglion d’Andersch

Antoine Dinichert

(1)

(photo)

,

Alain Serrie

(2)

,

Claude Thurel

(2,3)

,

La première description de névralgiedu glosso-pharyngien est faite en 1910par Weisenberg, dont l’étiologieretrouvée était une tumeur de l’angleponto-cérébelleux. En 1920, Sicard etRobineau rapportent les premiers unenévralgie du glosso-pharyngien detype essentielle et en proposent untraitement chirurgical. Par la suite, de

nombreuses techniques de destructions de ce nerf ou deson faisceau sensoriel ascendant ont été décrites : soit parune approche intra crânienne permettant une section dunerf glosso-pharyngien et des 2 à 3 radicelles supérieures dunerf vague ou une tractotomie bulbaire sélective, soit parune approche extra crânienne qu’elle soit cervicale ou pha-ryngée en lésant le nerf par section, avulsion ou injectionde substances neurotoxiques, à cela s’ajoute une techniquenon-destructive par micro-décompression vasculaire (en casde conflit vasculo-nerveux par l’artère cérébelleuse postéro-inférieure, l’artère vertébrale ou une veine à la zoned’entrée de la racine) décrite en 1977 par Jannetta. La pre-mière description d’une approche percutanée au niveau duforamen jugulaire est rapportée par Sweet en 1976 [1].Depuis, plusieurs équipes ont décrit leur expérience en uti-lisant cette technique [2].La névralgie du glosso-pharyngien reste rare et représenteentre 0,2 % et 1,3 % des névralgies de la face [3]. Ses étiolo-gies principales sont les tumeurs au voisinage du nerf,qu’elles soient intra ou extra crâniennes, les conflits vasculai-res intra crâniens, les compressions secondaires à une élon-gation du processus styloïde et les calcifications du ligamentstylo-hyoïdien, la sclérose en plaque, les traumatismes, lesabcès para pharyngés et les complications d’extractions den-taires ; rarement, il s’agit de névralgies essentielles et ce sontces dernières et leurs traitements que nous envisagerons ici.Le diagnostique initial est clinique, puis son étiologie estrecherchée par les examens para cliniques. À partir del’orientation obtenue par l’examen clinique, on peut être

amené à réaliser divers examens d’imagerie, comme uneradiographie du crâne (recherche d’un processus styloïdeallongé, d’un foramen élargi sur une incidence de demi-Hirtz, d’une tumeur osseuse ou d’une altération osseusesecondaire), un orthopantonomogramme (dans le cadred’affections dentaires), une tomodensitométrie (recherched’une lésion tumorale ou abcédée et examen osseux fin),une artériographie cérébrale (recherche d’une boucle oud’une malformation vasculaire) et enfin une imagerie parrésonance magnétique avec séquences angiographiques(caractérisation de toute lésion décelée par d’autres exa-mens, analyse détaillée d’un conflit neuro-vasculaire, princi-palement avec les nouvelles machines travaillant à 3 tesla).

Cliniquement, la névralgie débute de façon brutale etparoxystique, et reste transitoire. La description de cettedouleur par les patients est multiple, elle est relatée commespasmodique, électrique, lancinante, coupante, brûlante…Sa localisation est également variable, pouvant intéresser labase de la langue, la région pharyngienne ou tonsillaire etirradiant dans le conduit auditif et la région pré auriculaire,le cou et jusqu’à l’épaule. Elle peut être déclenchée par ladéglutition, la mastication, la toux, la parole ou un contactcutané facial. La déglutition est la trigger zone la plus fré-quente, utilisée comme test diagnostique par cocaïnisationde la région tonsillaire ou/et stimulation mécanique. Sonassociation avec une névralgie du V est également décrite.Rarement la névralgie s’accompagne de syncope, d’aryth-mie et d’arrêt cardiaque ou de crise épileptique [4], quisont par ailleurs plus fréquents dans les cas de névralgiesessentielles.

Le traitement des névralgies essentielles du nerf glosso-pharyngien est toujours médical en première intention,avec introduction de carbamazépine, phénytoïne, baclofène,gabapentine ou lamotrigine ; c’est seulement en cas de résis-tance à ce traitement aux doses optimales ou en cas d’into-lérance à ces médications que l’on peut envisager untraitement plus invasif.

PATIENTS

Entre 1992 et 2004, 10 patients ont consulté dans le centrede traitement de la douleur de l’hôpital Lariboisière pour

1. Service de Neurochirurgie, Hôpital Lariboisière, Paris.2. Fédération d’Évaluation de Traitement de la Douleur,Hôpital Lariboisière, Paris.3. Service de Neurochirurgie, Hôpital Lariboisière, Paris.

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lesquels un diagnostic de névralgie essentielle du glosso-pharyngien est posé. Il s’agit d’une prédominance de fem-mes (6/4) avec un âge moyen de 64 ans et 11 mois (de42 ans à 92 ans). La symptomatologie est présente depuis7 ans et 9,3 mois (de 4 mois à 19 ans). Dans la majorité descas (8/10), la douleur est pharyngienne et unilatérale, dansles autres cas, elle intéresse la cavité buccale ou la partiepostérieure de la langue. Le côté de la symptomatologie estprédominant à gauche (8 cas contre 2 à droite). Une irradia-tion de la douleur dans l’oreille est observée dans 4 cas,dans la région cervicale dans 2 cas et dans la région de lamandibule ou du maxillaire dans 2 cas. Par ailleurs 3 cas nedécrivent aucune irradiation. Cette douleur est déclenchéepar la parole ou la déglutition dans 7 cas et par un attouche-ment de la région amygdalienne dans un cas ; aucun facteurdéclenchant n’est retrouvé dans 2 cas. Tous ont un biland’imagerie éliminant les étiologies les plus fréquentes denévralgie du glosso-pharyngien avant que ne soit posé lediagnostique de névralgie essentielle. Après échec confirmédu traitement médical, une prise en charge par thermocoa-gulation ou blocage est proposé à chaque patient. En rai-son du caractère douloureux de la procédure, elle esteffectuée sous anesthésie générale avec des agents hypno-tiques-sédatifs de courte durée d’action (Propofol

®

), ceciafin de pouvoir rapidement réveiller le patient et d’effectuerdes examens cliniques et neurophysiologiques. Le patientconserve une ventilation spontanée et les paramètres vitauxsont scrupuleusement enregistrés lors du geste. Le patientest en décubitus dorsal strict, tête droite en position neutre,fixée à la table, avec contrôle radiologique (C-Arm). L’opé-rateur se place à la droite et en face du malade. La viséetridimensionnelle du foramen jugulaire est une technique

en deux temps de par sa localisation profonde et la pré-sence de structures neuro-vasculaires vitales à son voisinagedevant être impérativement évitées.

Dans un premier temps, il s’agit de ponctionner le foramenovale par une voie antérieure percutanée selon Hartel, telleque décrite en 1912. Le point d’entrée cutané se situe entre10 et 15 mm de la commissure buccale du côté symptoma-tique. La cible de la visée se situe dans un plan frontal endirection de la pupille et dans un plan sagittal vers un pointsitué 30 mm en avant du conduit auditif externe : l’intersec-tion de ces deux plans donne la position du foramen ovale.Ce geste s’effectue sous contrôle radiologique par fluoros-copie, au moyen de clichés de profil strict (superpositiondu toit des deux orbites) ; le foramen ovale se retrouvealors projeté à la jonction du clivus et du rocher. La profon-deur où ce foramen est atteint dépend des tissus graisseuxet musculaires du patient, mais se situe approximativemententre 70 et 80 mm du point d’entrée cutané. Pour qui en al’habitude, la pénétration de la dure-mère au moyen del’aiguille est aisément perçue. Le retrait du mandrin en lais-sant en place l’aiguille confirme la position correcte parl’issue de liquide céphalo-rachidien. Le second contrôle estneurophysiologique avec stimulation au moyen de la ther-mode dénudée en place et interrogatoire du patientréveillé, qui décrit la localisation faciale cutanée de la stimu-lation dans une des branches du V.

Dans un second temps, l’aiguille est retirée de 2 à 3 mm et,tout en conservant l’axe médian de visée initiale, on inclinel’aiguille de 15 degrés vers le bas puis on pénètre 20 mmsupplémentaires. Le contrôle radiologique ne permet pasd’apprécier la situation exacte du foramen jugulaire sur unevue de profil, celui-ci étant masqué par les deux rocherssuperposés. Cependant, le foramen jugulaire se projette à10 mm en dessous du conduit auditif externe, lui-mêmeidentifiable parfaitement

(fig. 1)

. C’est une limite posté-rieure au delà de laquelle la pointe de l’aiguille ne doit paspénétrer.

Le risque de cet abord percutané est la ponction des struc-tures neuro-vasculaires adjacentes. L’artère carotide appro-chant le canal carotidien et le golfe de la veine jugulairedans le foramen jugulaire, séparé des structures nerveusespar le ligament jugulaire, se situent latéralement au trajetparcouru par l’aiguille. Quant aux structures nerveuses(nerfs vague et accessoire), elles se situent en arrière del’émergence du nerf glosso-pharyngien lors d’un abordantérieur

(fig. 2, 3)

. Il faut donc bien maintenir l’axe devisée initial du foramen ovale sans dévier latéralement etstopper la ponction en tous les cas dès les premiers signesd’une réponse vagale éventuelle.

Deux techniques lésionnelles sont utilisées dans cette série,il s’agit de la thermocoagulation et du blocage anesthési-que. Lors d’une thermocoagulation, la thermode utilisée est

Figure 1. Radiographie de profil montrant la position de l’aiguilledans le foramen jugulaire ; sa portion distale se situe un centimètreen dessous du conduit auditif externe, sans le dépasser.

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une aiguille OTOP SMK-C10 de 22G, mesurant 100 mmavec une pointe active de 5 mm. L’appareil utilisé pour lastimulation puis la lésion nerveuse est un Radionics RFG-3CPlus, permettant de paramétrer la durée et l’intensité de lalésion thermique. Initialement, le nerf est lésé à 65° Celsiuspour une durée de 60 secondes, et cela peut être répétéjusqu’à 3 fois en augmentant de 5° Celsius à chaque lésionthermique si l’on n’obtient pas d’analgésie de la zone dou-loureuse. Lors d’un blocage, le résultat est obtenu par injec-tion au moyen d’une aiguille d’un millilitre maximum delidocaïne 1 % ou de marcaïne 0,25 % (non adrénalinée). Ladécision d’effectuer en première intention une ponctionpercutanée du ganglion d’Andersch en vue d’une thermo-coagulation ou d’un blocage est prise chez 7 patients. Les3 autres patients sont pris en charge dans un premier tempspar infiltration du nerf laryngé supérieur, par section dunerf de Jacobson permettant d’éliminer l’irradiation otique(dans un contexte de perforation tympanique) et par ther-mocoagulation du ganglion de Gasser dans un cas où lasymptomatologie n’est pas typique et où le diagnostique denévralgie glosso-pharyngienne essentielle est posé secon-dairement

(tableau I)

.

RÉSULTATS

Parmi les 4 patients traités initialement par blocage, le résul-tat est dans 2 cas un échec et dans 2 cas une réussite, c’est-à-dire une disparition de la symptomatologie douloureusetransitoire avec une durée d’action de 7 mois et 9 ans res-pectivement. Parmi les 2 échecs au blocage, un traitementchirurgical par section du IX et des premiers filets du X(voie rétro sigmoïde) est effectué, avec un résultat satisfai-

sant. Lors de la récidive après blocage, l’un est traité par unnouveau blocage dont le résultat reste médiocre et immé-diatement complété par une thermocoagulation avec cettefois-ci une réussite thérapeutique. Le second est traité parune thermocoagulation qui est également une réussite thé-rapeutique.Parmi les 3 patients traités par thermocoagulation en pre-mière intention, le résultat immédiat est satisfaisant. Un casne présente qu’une amélioration partielle, mais le patientdécède un peu plus d’un mois après d’un infarctus du myo-carde avant qu’un autre traitement ne lui soit proposé. Lesdeux autres cas ne seront soulagés que transitoirement etlors de la récidive, un cas peut être contrôlé par réintroduc-tion d’un traitement médicamenteux, l’autre refuse uneseconde thermocoagulation.Parmi les 3 cas restants, celui ayant eu des infiltrations dunerf laryngé supérieur à 2 reprises est finalement traité parthermocoagulation, qui est malheureusement un échec.Celui ayant eu un traitement par section du nerf de Jacob-son est soulagé de l’irradiation otique, mais la persistancedes douleurs pharyngées indiquent une thermocoagulation,qui est une réussite. Dans le cas du patient ayant eu unethermocoagulation du nerf trijumeau, par ailleurs techni-quement réussie puisqu’une hypoesthésie de la branchemandibulaire est objectivée, et dont les douleurs persistentavec un diagnostique de névralgie essentielle du glosso-pha-ryngien posé secondairement, les douleurs sont actuelle-ment contrôlées par un traitement médicamenteux

(tableau II)

.Hormis le patient décédé et celui ayant refusé un secondtraitement, les 4 patients ayant reçu comme dernier traite-ment une thermocoagulation sont suivis régulièrement enconsultation de la douleur sans récidive de la symptomato-

Figure 2. Schémas des structures principales contenues dans le fora-men jugulaire, celles figurant en haut de l’image étant les plus anté-rieures selon cet abord.

Figure 3. Base du crâne, vue externe, montrant la situation des diffé-rents foramen. En pointillé, l’axe de visée en partant du foramenovale et la limite postérieure au niveau du conduit auditif externe.

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logie douloureuse. Le suivi moyen est de 39 mois (entre 3et 96 mois).

DISCUSSION

Cette série présente une moyenne d’âge à 64 ans et11 mois, ce qui correspond à la valeur supérieure des sériespubliées ; celles comprenant uniquement des décompres-sions micro vasculaires retrouvent une moyenne d’environ56 ans [5, 6]. De même que dans la série de Ferrante [4]mais à l’inverse des autres séries, nous retrouvons une majo-rité féminine. Le côté prédominant est largement à gauchedans toutes les séries. Plusieurs cas rapportés de thermo-coagulation percutanée font état de complications neuro-logiques avec déficits sensitivo-moteurs du territoire duIX provoquant des troubles de la déglutition et/ou de laphonation transitoires ; nous n’avons heureusement pas

eu à déplorer de telles suites dans notre série. Par ailleurs,contrairement à la névralgie du nerf trijumeau, il n’y ajamais de douleur de déafférentation post opératoire (allo-dynie, dysesthésies).

Les résultats obtenus par ponction percutanée à l’aiguilleavec blocage ou thermocoagulation du ganglion d’Anderschen vue du traitement de la névralgie essentielle du glosso-pharyngien sont satisfaisants dans 9 cas et insuffisants dans4 cas pour le contrôle de la douleur, soit un taux de réussitede 69 %. Une revue faite par Rushton en 1981 incluant129 patients opérés retrouve 85 % de réussite, résultat cer-tes supérieur mais avec toutefois une mortalité à 5 % [7],identique à la mortalité publiée en 1995 par Resnik, avec40 patients opérés dont 2 décèdent [8].

L’action antalgique par thermocoagulation et surtout parblocage reste transitoire, mais il existe également des cas derécidive douloureuse avec le traitement micro chirurgical

Tableau IPrésentation clinique des 10 patients pris en charge entre 1992 et 2004 avec un diagnostique de névralgie essentielle du glosso-pharyngien.

Cas Sexe, Âge Début Côté Symptômes Irradiation Déclenchement

1 F, 27.12.1946

déc. 1991 G Douleur pharygienne oreille parole et déglutition

2 F, 17.05.1919

1984 G Douleur pharyngienne non boissons fraîches, puis parole

3 H, 08.08.1953

1987 G Douleur pharyngienne non déglutition, ouverture bouche, parole, mastication

4 F, 19.12.1906

juin 1998 G Douleur pharyngienne cervicale parole

5 F, 20.01.1949

1987 G Douleur face interne de la joueet dysesthésies de la partie postérieure de la langue

oreille et mandibule

déglutition

6 H, 17.01.1923

1993 G Douleur pharyngienne oreille déglutition

7 F, 02.09.1916

1980 D Douleur pharyngienneet de la partie postérieure de la langue

maxillaire déglutition

8 H, 05.08.1957

1994 G Douleur de la partie postérieure de la langue

cervicale aucun

9 H, 01.05.1922

déc. 1999 G Douleur pharyngienne non attouchement région amygdalienne

10 F, 19.05.1927

1994 G Douleur pharyngienne oreille aucun

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de décompression ou de section nerveuse intra crânienne( ?), comme le démontrent les séries avec un suivi de plu-sieurs années [5] ; par contre, la récidive reste plus fré-quente et plus précoce en cas de thermocoagulation. Ils’agit cependant d’une procédure nettement moins inva-sive, à moindre risque anesthésique et ayant un taux demorbidité existant mais sans mortalité décrite.Quelques rares cas de complications majeures lors de ther-mocoagulation percutanée du ganglion d’Andersch ont étérapportées ; il s’agit d’une réponse vagale conduisant à unarrêt cardiaque et convulsions généralisées. Néanmoins, lepatient fut réanimé et aucun cas de mortalité n’est rap-porté dans la littérature suite à ce type de procédure. Ilsemble donc primordial d’effectuer un monitoring cardia-

que et tensionnel permanent lors de l’intervention. En casde réponse vagale à type de bradycardie ou d’hypotension,plusieurs hypothèses s’imposent : soit un problème lié à latechnique et aux instruments, par malposition de la ther-mode (trop latérale) ou par dissémination calorique, soitpar réponse neurophysiologique et activation de l’arcréflexe vagoglossopharyngé en cas d’intense névralgie [9].Il convient alors d’arrêter la procédure, éventuellementd’essayer à nouveau après avoir repositionné l’aiguille.Nous n’avons pas observé d’événements de ce type lors denos procédures.Il semble que si l’aiguille est positionnée de façon correcteet que le processus lésionnel est appliqué de façon progres-sive, en débutant avec des températures faibles et des

Tableau IITraitements effectués chez nos 10 patients.

Cas Sexe, Âge 1er TTT Date Résultat Récidive TTT suivants Date Résultat

1 F,27.12.1946

blocage IX 13.12.1993 échec persistance section IX et 2 filets sup X

26.05.1994 réussite

2 F, 17.05.1919

blocage IX 15.02.1995 réussite 7 mois blocage IX 08.1995 réussite

échec, puis thermo IX :

24.10.1995

échec, puis thermo IX

02.11.1995

3 H, 08.08.1953

blocage IX 28.08.1995 réussite 1 mois section IX et premier filet X

25.09.1995 réussite

4 F, 19.12.1906

infiltrations nerf laryngé sup 2X

échec persistance thermo IX 09.11.1999 échec

5 F, 20.01.1949

thermo V 07.12.1999 échec persistance TTT médicamenteux suffisant

réussite

6 H, 17.01.1923

thermo IX 08.07.1997 réussite 3 ans 2e thermoproposée

perdu de vue

7 F,02.09.1916

thermo IX 23.03.1999 réussite quelques mois introduction morphiniques réussite

8 H,05.08.1957

blocage IX 1995 réussite 9 ans thermo IX 01.04.2004 réussite

9 H, 01.05.1922

thermo IX 14.03.2000 réussite partielle atténuation aucun dcd 22/04/2000

10 F, 19.05.1927

section nerf Jacobson

2000 réussite partielle atténuation thermo IX 10.12.2003 réussite

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durées courtes et avec l’appui d’un monitoring constant, detelles complications puissent être évitées.

Au total, la thermocoagulation ou le blocage percutané duganglion d’Andersch pour le traitement de la névralgieessentielle du glosso-pharyngien est une technique évitantune chirurgie intra crânienne. Cependant, une lésion appli-quée dans la portion nerveuse du foramen jugulaire, de parson contenu confiné dans un espace limité, a permisd’observer des complications pouvant être majeure ; toute-fois, aucune mortalité n’est rapportée et cette procédurepeut être indiquée sans limite d’âge, au contraire d’une chi-rurgie intra crânienne. Sans toutefois apporter des résultatsà long terme aussi satisfaisants que la chirurgie intra crâ-nienne, cette technique reste bien moins invasive, repro-ductible et sans risque dans des mains entraînées.

RÉFÉRENCES

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Résumé

Objectifs.

La névralgie du glosso-pharyngien représente entre0,2 % et 1,3 % en proportion des névralgies du nerf trijumeau. Onparle de névralgie essentielle lorsqu’un bilan para-clinique ne re-trouve aucune étiologie. De nombreuses techniques lésionnelles etnon-lésionnelles, par approche intra crânienne et extra crâniennesont décrites. Par voie percutanée, la cible est le ganglion d’An-dersch dans le foramen jugulaire. Une évaluation clinique, neuro-physiologique et fluoroscopique sont effectuées lors du gesteréalisé sous anesthésie générale en ventilation spontanée. Un mo-nitoring cardio-tensionnel permet d’éviter les complications par sti-mulation vagale. Le traitement est obtenu par thermocoagulationou dans quelques cas après un blocage anesthésique pratiqué à vi-sée diagnostique.

Patients.

Dix patients ont été traités pour une névralgie essentielledu glosso-pharyngien entre 1992 et 2004, d’âge moyen de 65 ans,de prédominance féminine et à localisation gauche préférentielle

depuis 7 ans et 9 mois en moyenne. 5 blocages et 8 thermocoagu-lations ont été effectués.

Résultats.

Parmi les 13 procédures, 4 n’apportent aucune amé-lioration, une n’est que partielle et 8 sont un succès. Le résultatest transitoire, avec une récidive dans 5 cas à 32 mois en moyen-ne. Actuellement, les patients traités sont asymptomatiques avecun suivi moyen de 39 mois, en excluant un décès et un perdu devue.

Conclusion.

Une lésion appliquée dans la portion nerveuse duforamen jugulaire a permis d’observer des complications majeu-res, toutefois, aucune mortalité n’est rapportée et cette procédu-re peut être indiquée sans limite d’âge, contrairement à unechirurgie intracrânienne. Sans apporter des résultats à long termeaussi satisfaisants que la chirurgie intracrânienne, elle reste bienmoins invasive, reproductible et sans risque dans des mains en-traînées.

Mots-clés :

névralgie essentielle du glosso-pharyngien, thermoco-agulation, blocage anesthésique, ganglion d’Andersch, foramenjugulaire.

Summary: Treatment of essential glossopharyngealneuralgia by thermocoagulation or anesthesic blockof Andersch’s ganglion

Objectives.

Glosspharyngeal neuralgia accounts for 0.2% to1.3% of trigeminal nerve neuralgias. The term essential neural-gia is used when no etiology can be demonstrated. Severallesional or non-lesional techniques for intra-cranial andextracranial approaches have been described. Andersch’s gan-glion in the jugular foramen is the target of the percutaneousapproach. Clinial, neurophysiological and fluoroscopic assess-ment is performed during the procedure conducted under gen-eral anesthesia with spontaneous respiration. Cardiac andblood pressure monitoring is required to avoid complicationsdue to vagal stimulation. Treatment is achieved with thermoco-agulation or in exceptional cases by anesthesic block for diag-nostic purposes.

Patients.

Ten patients were treated for essential glossopharyn-geal neuralgia between 1992 and 2004. Mean age was 65 yearsin this predominantly female population. Left-sided localizationpredominated for these neuralgias which had persisted for7 years 9 months on average. Five anesthesic blocks and 8 ther-mocoagulation procedures were performed.

Results.

Among the 13 procedures, 4 did not provide improve-ment. Improvement was partial in one patient and the opera-tion was successful in 8. The result was transient withrecurrence in 5 patients at 32 months on average. Currentlythe treated patients are asymptomatic with a mean follow-upof 39 months, excluding one death and one patient lost tofollow-up.

Conclusion.

A lesion observed in the nervous portion of thejugular foramen was associated with major complications al-though there were no deaths. Unlike intra-cranial surgery, thisprocedure can be proposed without limit on age. The long-termresults are not as satisfactory as those with intracranial

Douleurs, 2005, 6, 1

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surgery, but this procedure is less invasive, reproducible, andwithout risk in trained hands.

Key-words:

essential glossopharyngeal neuralgia, thermo-coagulation, anesthesic block, Andersch’s ganglion, jugularforamen.

Tirés à part : A. SERRIE,Centre de Traitement de la Douleur,

Hôpital Lariboisière,2, rue Ambroise Paré,

75475 Paris Cedex 10.e-mail : [email protected]

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