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Université de Lyon Université Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Transparence, Légitimité et Confiance dans la gouvernance européenne EICHHOLTZER Marie Mémoire de séminaire : La croisée des chemins dans la construction européenne. Quelles orientations entre approfondissement et élargissement ? 2009-2010 Sous la direction de Laurent GUIHERY Soutenu le :2 septembre 2010 Membres du jury : Laurent GUIHERY et Stéphanie SOUCHE

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Université de LyonUniversité Lyon 2

Institut d'Études Politiques de Lyon

Transparence, Légitimité et Confiancedans la gouvernance européenne

EICHHOLTZER MarieMémoire de séminaire : La croisée des chemins dans la construction

européenne. Quelles orientations entre approfondissement et élargissement ?2009-2010

Sous la direction de Laurent GUIHERY Soutenu le :2 septembre 2010

Membres du jury : Laurent GUIHERY et Stéphanie SOUCHE

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Partie 1 : Légitimité et confiance au cœur du processus de gouvernance européenne . . 10

1. Les sources de légitimation européenne . . 10a. Les typologies . . 10b. Comment l'Europe aborde la légitimité ? Une stratégie controversée . . 12

2. Le rôle de la confiance institutionnelle . . 13a. Peut-on faire confiance aux institutions ? . . 14b. Les dispositifs de confiance . . 19

3. Quand la transparence apparaît comme une stratégie de l'Union européenne. . . 21a. Définition et historique . . 21b. Quand la transparence devient un mythe . . 22

Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ?49 . . 251. La transparence au service de l'Europe . . 26

a. Transparence et légitimité . . 26b. Transparence et confiance . . 28

2. Le côté obscur de la transparence . . 31a. La nouvelle culture d'accountability est-elle la panacée aux problèmes delégitimité ? . . 32b. La confiance peut-elle émerger dans un monde transparent ? . . 34

Partie 3 : Rendre visible, l'invisible . . 371. Des mutations à l'œuvre dans nos sociétés . . 37

a. L'impact du libéralisme sur nos sociétés . . 37b. La fin de la médiatisation par les médias . . 39

2. Vers une meilleure gouvernance européenne . . 42a. Institutionnaliser la méfiance . . 42b. Repenser le fonctionnement de la gouvernance européenne . . 44

Conclusion . . 48Bibliographie . . 50

Ouvrages . . 50Périodiques . . 51Webographie . . 52

Discours . . 54Émissions radiophoniques . . 55Traités . . 55

Annexes . . 56Annexe 1 : Extraits Eurobaromètre 72 . . 56

Annexe 1.1 : . . 56Annexe 1.2 : . . 56Annexe 1.3 : . . 57

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Annexe 1.4 : . . 58Annexe 2 : Extraits Étude CEVIPOF . . 58

Annexe 2.1 : . . 59Annexe 2.2 : . . 59Annexe 2.3 : . . 59Annexe 2.4 : . . 60Annexe 2.5 : . . 60

Résumé . . 62

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Remerciements

EICHHOLTZER Marie_2010 5

RemerciementsUn grand merci à M. Guihéry. Il m'a aidée à cerner ma problématique. Je le remercie pour sonenthousiasme communicatif.

Je remercie également M. Rosanvallon, qui malgré un emploi du temps très chargé a bienvoulu m'accorder quelques conseils très utiles à l'élaboration de mon travail.

Enfin, je remercie mes parents pour leurs précieux conseils et leur soutien tout au long del'élaboration de mon travail.

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6 EICHHOLTZER Marie_2010

Introduction

En chaque début d'année, la Lake Superior State University dans le Michigan sélectionneune « liste de mots à bannir de la langue anglaise car galvaudés, employés à tort et à traversou inutiles »1. Le nom « transparence » et l'adjectif « transparent » ont eu l'honneur defigurer dans la collection 2010. En effet, il semblerait qu'à l'heure actuelle notre société soitirrésistiblement attirée par cette envie de pureté que sous-tend la transparence. La lumièredevrait être faite sur toute chose, sans qu'aucune place ne soit laissée à l'ombre, au secret.Les rayons du soleil seraient ainsi le meilleur désinfectant disponible pour guérir les mauxde notre société.

L'Union européenne n'échappe pas à ce phénomène. En quête d'identité en raison deson caractère sui generis, elle a du mal aujourd'hui à se faire reconnaître des populationseuropéennes. La question classique de son « déficit démocratique » a été remplacée parla problématique du « déficit de légitimité ». Ainsi, depuis les années 2000, une idée s'estdéveloppée au sein de l'administration européenne : l'accès à la transparence pourrait êtrela clef qui permettrait de restaurer la confiance des citoyens dans l'Union et retrouver unelégitimité.

On retrouve cette volonté dans les discours émis par la Commission européennesur la question de la confiance et de la légitimité dans la gouvernance européenne. Lastratégie recommandée pour restaurer le lien entre les citoyens et l'Union est principalementorientée vers des politiques de transparence. Au moment du lancement de l'initiativeeuropéenne en matière de transparence, c'est notamment le commissaire chargé desaffaires administratives, d'audit et de la lutte anti-fraude en 2005, Siim Kallas qui a développéofficiellement ce slogan. Dans un discours du 20 octobre 2005 prononcé devant le CEPS(Centre for European Policy Studies) à Bruxelles, on peut relever les extraits suivants :

« L'Union européenne est confrontée à une crise de légitimité politique àun moment de changement planétaire majeur. [...] Selon le dernier sondageEurobaromètre, la confiance des citoyens dans les institutions européennesa baissé de manière significative durant la première moitié de 2005, à l'un desplus bas niveaux enregistrés depuis 2001. [...] Comment faire pour restaurer laconfiance dans l'Union européenne? Ma réponse est simple: augmenter le niveaude transparence. [...] La transparence doit faire la lumière et permettre aux gensde voir ce qui se passe »2

Ce discours montre que l'instauration de la transparence dans les mécanismes de décisionet de fonctionnement de l'Union européenne est vue par l'administration européenne commela réponse simple et efficace à la crise de confiance et de légitimité.

Par la suite, Siim Kallas énumère les trois objectifs que vise l'instauration de latransparence :

1 Lake Superior State University 2010 Banished Words List. [page consultée le 13 juin 2010]. <http://www.lssu.edu/banished/current.php>2 KALLAS, Siim, (2005). Transparency restores confidence in Europe. Speech to the European Policy Institutes Network,

at the Centre of European Policy Studies, prononcé le 20 octobre 2005, p. 1-2

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Introduction

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« 1. La transparence est nécessaire pour assurer un bon fonctionnement duprocessus décisionnel. [...] 2. La transparence est nécessaire pour gagnerla confiance du public. [...] La légitimité n'est assurée que si les institutionspolitiques sont exposées à la transparence, quand les gens savent que ce qu'ilsvoient est ce qu'ils obtiennent. 3. La transparence protège les décideurs contreeux-mêmes »3.

Non seulement la transparence serait à même de restaurer la confiance des citoyens dansl'Union, mais également d'améliorer le fonctionnement du processus de décision et de lutterefficacement contre la fraude et la corruption. Enfin, le but ultime de la mise en place desmécanismes de transparence, est de couper l'herbe sous les pieds des détracteurs del'Union européenne, qui accusent l'organisation supranationale d'opacité et de corruption.Renforcer la crédibilité des institutions européennes accélérerait le rapprochement entre lescitoyens européens et l'Union : « La transparence peut "estomper le brouillard" et supprimerles mythes qui peuvent exister, et réduire la distance entre le public et l'administration àson service. [...] La transparence renforce donc l'intégration européenne en améliorant lacrédibilité des institutions européennes »4.

Les traités et leurs modifications, ont peu à peu intégré l'idée que la transparencedoit faire partie intégrante des processus de délibération et de prise de décision au niveaueuropéen. La parution du Livre Blanc sur la gouvernance européenne de 2001 a accéléréle processus. Ce Livre Blanc fait office de plan de réforme pour les dix prochaines années.Ainsi en novembre 2005, la commission européenne lance l'initiative sur la transparencepour permettre un meilleur accès aux documents concernant les bénéficiaires des fondscommunautaires, pour lutter contre la fraude, renforcer l'éthique et la responsabilité dupersonnel européen et améliorer la transparence du lobbying. Depuis cette année, lespremiers rapports d'évaluation sur ces mécanismes mis en place commencent à paraître,notamment ceux concernant le registre des lobbies.

Pourquoi le débat européen se focalise-t-il aujourd'hui sur la question de la confianceet de la légitimité ? Car certains constats sont devenus alarmants. Tout d'abord le rejetréférendaire du projet de Constitution européenne par la France et les Pays-Bas a été unvéritable choc, mettant en "pause" pour un certain temps le projet européen. En outre,les sondages ont révélé que le nombre de personnes qui ne font pas confiance à l'Unioneuropéenne est plus important que ceux qui font confiance. Néanmoins, en comparant cesdonnées avec celles recueillies auprès des États membres, l'on s'aperçoit que la supposéecrise de confiance ne serait pas une exclusivité des institutions européennes. En effetcomme l'indiquent les résultats du sondage TNS Sofres réalisé pour le CEVIPOF5, ce sontles institutions décentralisées et locales qui jouissent du plus fort taux de confiance. Al'inverse, la part de la population qui fait confiance à l'Union européenne et aux institutionscentrales est inférieure à 50%.

Toutes les institutions étatiques centrales souffrent aujourd'hui d'une perte de confiancede la part des citoyens. Le désenchantement vis à vis du politique semble chronique etgénéralisé dans toutes les sociétés modernes. Pourquoi alors reprocher exclusivement àl'Union européenne des maux, dont tous les États membres souffrent également ? Comme

3 Ibid., p. 24 WALLSTRÖM, KALLAS, HÜBNER et al. Proposing the launch of a European transparency initiative. Memorandum to thecommission, 9 novembre 2005, p. 4

5 Voir Annexe 2.1 et Annexe 2.2

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le souligne Yves Meny, « les États ne méritent pas cet excès d'honneur et l'Europe cetexcès d'indignité »6. Toutes les démocraties sont imparfaites, les États-nations ne sontpas en position de donner des leçons à l'Europe. En effet, loin d'être le point d'orgue desdysfonctionnements de la démocratie, il faudrait plutôt voir les problèmes auxquels doit faireface l'Europe comme un aperçu des défis que devront relever nos États nations. Le fait estque la question des mécanismes de confiance ne se pose que depuis qu'il paraît évidentque la confiance est en profond déclin. Il en est de même pour la question de la légitimité.Un moment historique paraît être néanmoins le point de départ de cette "rupture" : la chutedu mur de Berlin et l'effondrement du régime soviétique. En effet, jusqu'alors la constructioneuropéenne se justifiait principalement de manière téléologique : être uni contre l'empirecommuniste. La peur de devenir un satellite du géant russe était réelle et l'instauration de lapaix sur le territoire européen était donc un gage suffisant pour fonder la légitimité du projeteuropéen. Cette raison d'être ayant disparu, l'adhésion des citoyens à l'Union doit se fairepar d'autres moyens, d'où le besoin à présent existentiel de refonder l'Union sur la confiancedes citoyens et sur une légitimité non remise en doute. La question se pose d'autant plusaujourd'hui que certains États membres aimeraient voir évoluer l'Union européenne versune Union dont les considérations seraient plus politiques qu'économiques.

Problématique :Le but de ce mémoire est de mieux appréhender un aspect de la stratégie européenne

actuelle. Cette stratégie de transparence est-elle efficace pour réinstaurer la confiancedans les institutions européennes et relégitimer l'Union européenne ? Est-elle la seule voiepossible aujourd'hui ?

Présentation du plan :L'analyse des discours émis par la Commission européenne m'a interpellée. La

transparence est aujourd'hui vue comme la panacée de l'Union européenne, une vertusuprême qui par sa pureté permettrait de résoudre tous les maux et dysfonctionnementsactuels de la démocratie européenne.

Dans un premier temps, les concepts de confiance et de légitimité seront analysés.Lors de mes recherches, ces principes se sont révélés difficiles à cerner et à définir. Ce sontdes concepts "fourre-tout" souvent utilisés de manière simplificatrice.

Dans un deuxième temps, j'analyserai les effets positifs et négatifs de la transparencesur les questions de la confiance et de la légitimité. La transparence est-elle toujoursun instrument vertueux, au service des démocraties ou peut-elle revêtir un côté plusobscur, plus incertain ? La transparence a été d'une grande importance dans l'histoiredes démocraties. C'est un principe fondamental qui a permis à nos sociétés de sortirde l'obscurantisme. Elle favorise notamment la participation des citoyens, la meilleurecompréhension entre gouvernants et gouvernés et permet d'éloigner le spectre du secret,de la corruption et de la manipulation. Néanmoins, j'apporterai des nuances à ce tableau : latransparence peut être à l'origine de dysfonctionnements, mais également de manipulation.Elle peut même être l'un des moteurs de la perte de confiance des citoyens dans l'Unioneuropéenne.

Enfin, dans un troisième temps, le débat sera élargi. La stratégie européenne detransparence semble être trop réductrice. Il est surprenant que les dirigeants européens sesoient montrés naïfs au point de croire qu'améliorer la transparence serait suffisante pourfaire face aux problèmes structurels de l'Union européenne. La confiance et la légitimitésont des concepts à géométrie variables. Il est donc évident qu'une réponse aussi simple

6 MENY, Y. (2002). Constituer l'Europe. Le Monde, 2002/02/28

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ne peut être efficace à l'égard de sujets aussi compliqués. Ces dernières années, desévolutions ont transformé notre société : l'individualisme a progressé, le rôle des médias etde la communication politique en ont été affectés. Mais surtout la méfiance à l'égard de nosinstitutions est devenue chronique. Ces changements obligent notre société à s'adapter etrepenser notamment les questions de la participation, de la responsabilité et du contrôle.La transparence a toute sa place dans cette réflexion.

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Partie 1 : Légitimité et confiance aucœur du processus de gouvernanceeuropéenne

La légitimité et la confiance sont deux « institutions invisibles » dans le sens que leur donneKenneth Arrow7. Elles permettent de nouer des liens solides entre les citoyens européenset leurs institutions. « Si la légitimité est au sens général du terme un simple économiseurde coercition, sa variante démocratique a pour fonction plus exigeante de tisser des liensconstructifs entre le pouvoir et la société »8. La confiance quant à elle agit comme un« réducteur de la complexité sociale » selon Niklas Luhmann9. Elle facilite l'échange, laparticipation, et l'engagement citoyen.

Pour pouvoir comprendre l'impact de la stratégie visant à tout miser sur la transparencepour mettre un terme aux problèmes de confiance et de légitimité auxquels l'Unioneuropéenne doit faire face, il est primordial de comprendre l'importance que peut revêtir cesdeux notions dans la gouvernance européenne.

1. Les sources de légitimation européenneEn raison de son caractère propre, l'Union européenne a toujours été à la recherche de sonidentité. Trop longtemps, on a voulu appliquer des grilles de lecture traditionnelles à cettenouvelle organisation qui était inédite à tout point de vue.

Quelle est cette/ces légitimité(s) perdue(s) que visent les discours de M. Kallas ? C'estun terme qui est souvent, à tort, confondu, superposé, assimilé à la notion de confiance.Deirdre Curtin et Albert Jacob Meijer estiment que « dans le débat contemporain, la légitimitéest plus souvent invoquée que décrite, et plus souvent décrite que définie »10.

a. Les typologiesLa légitimité n'est pas un concept simple. Il y a différentes manières de l'aborder. Elle estdéfinie par le Petit Larousse comme « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ouen équité ». Ainsi, la légitimité revêt plusieurs facettes, et pas uniquement l'aspect juridiquequi est incarné par le droit. Il est aussi question de justice, et notamment de justice sociale.Un régime ne peut être totalement légitime s'il est fondamentalement inégalitaire. Ainsi, il nefaut pas se représenter la question de la légitimité de manière manichéenne, soit le régime

7 ARROW, K. J. (1974). The Limits of Organization. New York : Norton. 86 p.8 ROSANVALLON, P. (2008). La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité. Paris : Seuil. p. 219 LUHMANN, N. (2006). La confiance : un mécanisme de réduction de la complexité sociale. Paris : Economica, 123 p.

10 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?. Information polity, IOS Press, 2006/11, p. 111

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est légitime soit il ne l'est pas, mais plutôt visualiser la légitimité comme un axe allant d'unsoutien inconditionnel à un rejet total du régime politique. A l'inverse d'un régime se basantsur la coercition, un régime démocratique doit se baser sur le consentement libre de sapopulation.

Au départ, la légitimité européenne était d'origine indirecte, le mode de légitimations'apparentait en effet à celui des politiques étrangères. C'était les États membres quibénéficiaient d'une légitimité à agir au niveau international. Il n'y avait pas de légitimitépropre à l'Union européenne. Depuis qu'elle est devenue une organisation supranationale,elle a donc du construire sa légitimité à partir de ses prestations, mais également de lamanière dont elle permet aux citoyens de participer à la prise de décision. Comme l'expliquePaul Magnette, « la légitimité fonctionnelle de la technocratie devait prendre le relais de lalégitimité diplomatique »11.

Une première typologie, la plus courante, fait une distinction entre la légitimité formelleet la légitimité sociale. Comme son nom l'indique, la légitimité formelle est celle qui découledu bon respect des règles et des procédures. C'est l'aspect légal de la légitimité d'uneorganisation politique. Dans le cas de l'Union européenne, jamais la validité de ses traitésconstitutifs n'a été remise en cause. La légitimité sociale est plus complexe. En effet, il nesuffit pas de donner des compétences légales à une institution pour voir émerger un soutieninconditionnel de la population au nouveau système. La légitimité sociale se présentecomme le lien affectif, la loyauté qui relient les citoyens à leurs institutions sur la base d'uneidentité collective forte et d'intérêts communs. C'est sur ce versant de la légitimité que l'Unioneuropéenne a le plus à travailler.

Une autre typologie, spécialement conçue pour le cas européen par Fritz Scharpf,propose de différencier la légitimité par les procédures (input legitimacy) et la légitimitépar les résultats ou prestations (output legitimacy)12. Pour reprendre la célèbre maxime deLincoln, la première se réfère à la notion de gouvernement par les peuples, la seconde àcelle de gouvernement pour les peuples.

Dans la légitimité par les procédures, l'accent est mis à l'entrée du système.L'acceptation sociale se réalise lorsque les citoyens peuvent influer sur les prises dedécision. Scharpf indique que « les arguments liés aux inputs reposent souvent de manièresimultanée sur la rhétorique de la " participation " et du "consensus" »13. Les mécanismesmis en œuvre permettent de faire en sorte que chaque personne concernée puisse prendrepart à la procédure de délibération : le but est de trouver une solution où tous se sententgagnants, et où l'approbation de tous soit acquise.

A l'inverse, la légitimité par les résultats part du constat que si les citoyens acceptentl'intervention de telle ou telle institution, c'est en raison des bénéfices qu'ils peuvent entirer. L'adhésion est donc dénuée de tout lien affectif, et se concentre sur la théorie d'unagent rationnel qui maximiserait ses intérêts. C'est la question de la compétence qui estau fondement de cette légitimité. En outre, une distinction supplémentaire dans la manièred'aborder cette légitimité peut être faite. Elle recouvre en effet des éléments objectifsqui rejoignent la notion d'efficacité : est ce que les résultats sont effectifs ? Ont-ils régléle problème du départ ? Mais il y a également des éléments subjectifs, reposant sur

11 MAGNETTE, P. (2000). L'Europe, l'État et la démocratie. Bruxelles : Complexe. p. 17612 SCHARPF, F. (2000). Chapitre 1 : Démocratie et capitalisme. In : Gouverner l'Europe. Paris : Presses de sciences-po, 238 p.13 SCHARPF, F. (2000). Gouverner l'Europe. Paris : Presses de sciences-po, p. 16

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l'efficience : est ce que les citoyens sont satisfaits du résultat et de la manière dont il a étéobtenu ?

Selon Scharpf, ces deux légitimités peuvent être dissociées, c'est à dire que l'une peutexister en l'absence de l'autre. En effet, pour lui cette dissociation est nécessaire, la légitimitépar les procédures ne pouvant être réellement efficace que dans des communautés de taillerestreinte. La loi de la majorité dans nos démocraties actuelles annihile en effet la rhétoriqueconsensuelle. Le gouvernement par le peuple se réfère selon lui à des individus, et non àune collectivité.

b. Comment l'Europe aborde la légitimité ? Une stratégiecontroversée

Depuis le départ, à l'instant même où les européens décidaient de réduire le projet européenà une communauté économique et de laisser le politique à des évolutions futures en sebasant sur la théorie fonctionnaliste prônée par Jean Monnet, la légitimité par les procéduresa été délaissée au profit de la légitimité par les résultats.

La légitimité par les procédures nécessite une forte identité collective. Au sortir dela dernière guerre, cette identité n'était pas une évidence pour les européens. L'histoireconflictuelle du continent européen n'était pas compatible avec l'émergence d'intérêtscommuns qui fondent la légitimité par les procédures. A cette difficulté s'ajoutait cellesde la diversité des langues, des cultures, et des pratiques politiques. Très vite, tous lesefforts se sont donc portés sur les résultats, les avantages que l'Union européenne pouvaitapporter à ses citoyens. Durant les premières années de la construction européenne, leclimat économique étant extrêmement favorable, les retombées bénéficiaient directementaux européens. La communauté était donc vue comme un progrès indéniable, assurantainsi sa légitimité.

Les principales raisons avancées pour expliquer les limites d'une politique fondée sur lalégitimité par les procédures sont de trois ordres comme l'explique Vernon Bogdanor dansson rapport sur la légitimité, la responsabilité et la démocratie dans l'Union européenne14.La première, la critique maximaliste (maximalist critic) met en avant que l'amélioration desprocessus en Europe est vouée à l'échec car l'Union ne jouit pas d'un peuple homogènepossédant une identité collective forte. Il n'y a pas de demos européen. La seconde, appeléecritique du « chaînon manquant » (missing link critic) met en avant le fait qu'il n'y a pasde réelle compétition pour le pouvoir. L'absence de réelle confrontation partisane au niveaueuropéen et d'un discours politique commun seraient un obstacle trop difficile à surmonterpour améliorer la légitimité par les procédures. Enfin, la critique du lien indirect (indirect linkcritic) avance que les institutions européennes sont trop technocratiques, trop éloignéesdes citoyens européens pour leur rendre des comptes et permettre un véritable contrôledémocratique. Selon Scharpf, la marge de manœuvre étant limitée du côté des inputs,l'intérêt de l'Union Européenne est de se concentrer sur l'amélioration des outputs. En effet,il est peu probable qu'une identité collective forte se développe.

D'autres auteurs comme François Foret15, mettent en garde contre le fait de tout misersur la légitimité par les résultats. « Tout régime qui prétend fonder sa légitimité sur sa

14 BOGDANOR, V. (2007). Legitimacy, accountability and democracy in the European union. A federal trust report, janvier2007, 20 p.

15 FORET, F. (2008). Chapitre 1 : Fonctionnalisme et constitution. Le mariage raté. In : Légitimer l'Europe : Pouvoir et symboliqueà l'ère de la gouvernance. Paris : Presses de Sciences Po. p. 31-53

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seule action est condamné à la précarité »16 souligne également Paul Magnette. Pour êtredémocratique, l'Union européenne doit fournir des moyens aux citoyens de vérifier qu'elleagit bien dans leur intérêt et pour le bien commun. Assurer la paix et la prospérité nesuffit pas à asseoir la légitimité démocratique de l'Europe. En effet, au moindre revers dela situation économique, c'est l'adhésion de toute la population qui peut être ébranlée. Lasituation serait d'autant plus grave, qu'une perte de soutien à un régime durant une périodede crise ne ferait que l'empirer.

En outre, des mesures principalement orientées vers la réussite économique del'Union peuvent faire naître un sentiment de crainte chez les citoyens européens. En effet,elles pourraient remettre en cause l'existence de l'État providence qui est une valeurprofondément ancrée dans les démocraties européennes. Il ne faut pas privilégier lesoutputs économiques au détriment des outputs sociaux.

De surcroît, l'indépendance des deux notions, légitimité par les inputs et légitimité parles outputs est également remise en cause par Sverker Gustavsson17. Penser que l'on peutcompenser le manque de légitimité par les processus en concentrant tous ses efforts pourdévelopper la légitimité par les résultats relève de l'utopie. La substance ne peut remplacerla procédure, un gouvernement pour le peuple ne peut se substituer à un gouvernementpar le peuple. En effet, le résultat d'une politique publique ne peut être efficient que si lesattentes des citoyens ont été satisfaites. Or, si la légitimité par les procédures n'est pasaméliorée, il y a peu de chance que l'Union européenne puisse déterminer ces attentes dela meilleure manière qu'il soit. La légitimité par les outputs et la légitimité par les inputs sontinterdépendantes.

Obtenir le soutien de la population est donc primordial pour l'Union européenne.Ce besoin de légitimation est vital pour son avenir. Toute évolution sera bloquée sil'adhésion des citoyens n'est pas au rendez-vous, s'ils rejettent l'idée même qu'une instancesupranationale puisse faire autorité. Mais ce souci de légitimité n'est pas le seul auqueldoit faire face l'Union. Le problème de la confiance que lui accordent les citoyens estaussi important. La confiance est un élément fondamental à l'origine de l'adhésion de lapopulation à ses institutions. Une défiance généralisée serait un frein à l'évolution de l'Unioneuropéenne et mettrait à mal la réalisation de toutes ses politiques. Lorsque légitimitéet confiance sont couplées, on parle d'état de grâce : la légitimité offerte par une largevictoire électorale et un bon bilan, sont associés à un fort sentiment de confiance dans lefonctionnement des institutions.

2. Le rôle de la confiance institutionnelleComme souvent, c'est quand elle vient à manquer, que l'on s'intéresse à elle. La confianceest aussi une notion complexe, paradoxalement étudiée depuis peu de temps alors qu'ellerevêt une importance primordiale pour le bon fonctionnement de nos sociétés. Selon le petitLarousse, la confiance serait un « s entiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'und'autre, à quelque chose ». Mais pour ce qui concerne la question de la confiance dans

16 MAGNETTE, P. (2006). Contrôler l'Europe, Pouvoirs et Responsabilité dans l'Union européenne. Paris : L'Harmattan. p. 817 GUSTAVSSON, S. (2009). 4. Putting limits on accountability avoidance. In : The Illusion of Accountability in the European

Union. London : Routledge. p. 35-50

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les institutions, nous verrons que la confiance n'est pas seulement un sentiment mais aussiune question d'engagement.

Légitimité et confiance sont deux notions intimement liées et pourtant bien distinctes.Un régime peut être légitime malgré un manque total de confiance de la part de la populationen ses institutions. Mais pour des raisons pratiques, il est vrai que la recherche de confianceparmi la population a toujours été une priorité pour les gouvernements démocratiques. Unepopulation confiante est plus à même d'accepter les changements et les réformes, sansdemander beaucoup de justifications. Traditionnellement, c'est la légitimité par les résultatsqui a été considérée la plus à même d'influer sur la confiance que les citoyens peuventporter à leurs institutions. Mais est-ce vraiment le cas ? Comment la confiance se crée-t-elle ? Comment la restaurer lorsqu'elle a été perdue ? Nous ne pouvons être sûrs que d'unechose, « la confiance (trust) ne peut être exigée, elle ne peut qu'être offerte et acceptée »18.

La confiance est actuellement au cœur d'un débat pour définir sa nature. Eneffet, sociologues, économistes et psychologues apportent différentes contributions à sacompréhension. La confiance est abordée dans des champs différents. De ce fait laconception de la confiance est souvent parcellaire. Généralement, c'est la nature cognitivede la confiance qui est le plus souvent abordée. Mais selon Louis Quéré19, aucune deces descriptions n'est réellement satisfaisante et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord,l'approche purement cognitiviste ne prend pas bien en compte la distinction établie parRom Harré entre les « discours de la confiance » et les « pratiques de la confiance »20.Souvent, on entend des personnes affirmer qu'elles n'ont pas confiance dans la police pourreprendre l'exemple de Louis Quéré, mais en réalité lorsque ces mêmes personnes sefont agresser dans la rue, leur premier réflexe sera de composer le numéro de la police.Il y a donc une différence entre le discours et la pratique de la confiance. Deuxièmement,la confiance institutionnelle est souvent interprétée comme une simple extrapolation duconcept de confiance interpersonnelle, ce qui serait réducteur. La confiance interpersonnelleintervient lorsqu'une relation s'établit entre deux personnes. Généralement, ce type derelation suppose une connaissance des qualités et du comportement d'autrui, ce qui n'estcertainement pas le cas du rapport entre gouvernés et gouvernants. Enfin, cette visionlaisse trop de place à la rationalité, les dimensions qui ne font pas partie de la dualitéconnaissance/ignorance seraient ainsi injustement écartées. L'analyse suivante a donc pourbut d'expliquer les aspects de la question de la confiance dans les institutions.

a. Peut-on faire confiance aux institutions ?Nos sociétés modernes reposent sur des systèmes démocratiques. Selon l'EncyclopaediaUniversalis,

« la spécificité d'un système démocratique est que les gouvernés sont censésêtre en même temps des gouvernants, associés aux principales décisionsengageant la vie de la cité. Et c'est parce que le peuple est à la fois sujet (c'est-à-

18 LUHMANN, N. (1979). Trust and Power. New York : John Wiley and Sons. p. 42-4319 QUERE, L. (2001). La structure cognitive et normative de la confiance. Réseaux, 2001/4, no. 108, p. 12720 HARRE, R. (1999). Trust and its surrogates : psychological foundations of political process. In Warren M. (éd.), Democracy

and Trust. Cambridge : Cambridge University Press. p. 249-272.

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dire soumis au pouvoir politique) et souverain (détenteur de ce pouvoir) que lessystèmes démocratiques sont supposés agir dans l'intérêt du peuple. »21

Il paraît humainement difficile de créer une véritable démocratie aujourd'hui. Chaque citoyenne peut concrètement être associé à toutes les prises de décision de façon systématique :il s'agirait d'une entreprise titanesque. La participation citoyenne a des limites. Il est dèslors nécessaire que les citoyens délèguent leurs devoirs de contrôle et de participationdémocratique à une personne tierce : là réside toute l'importance de la confiance. Déléguerun tel pouvoir ne peut se faire que dans un lien de confiance. Il s'agit d'accepter de sesoumettre à l'autorité d'une institution que l'on juge compétente pour faire des choix à notreplace.

Avant le développement des démocraties modernes, la question de la confiance nese posait pas. L'autorité inspirée par le despote ou le souverain était suffisante pour quela population se soumette. Les sujets lui faisaient ainsi une confiance aveugle, absoluepour qu'il mène à bien les projets d'intérêt général. Mais aujourd'hui, l'éveil citoyen dela population a transformé ce lien de confiance qui peut exister entre gouvernés etgouvernants. Louis Quéré explique que les contrôles, les vérifications et la participationexercés par de tierces personnes fonctionnent comme des « dispositifs de confiance »,c'est à dire qu'ils réduisent « l'incertitude sur les comportements des institutions et de leursagents, et en dissolvant l'opacité de l'exercice des pouvoirs, ils créent les conditions d'unerelative confiance dans les institutions sociales et politiques »22. Il convient de préciser ceque recouvre cette notion de confiance dans les institutions. Tous les théoriciens ne sontpas d'accord. Deux aspects seront étudiés dans cette partie : la nature de la confiance dansles institutions, ainsi que les origines de la formation de la confiance dans les institutions.

La nature de la confiance dans les institutions :Beaucoup d'économistes, de psychologues et de sociologues abordent la question de laconfiance sous l'angle cognitiviste, la confiance étant considérée comme engagement. C'estnotamment le cas du politologue Russell Hardin qui a écrit de nombreux ouvrages encollaboration avec la Russell Sage Foundation sur la question de la confiance. Selon lui,le principe de confiance dans des institutions n'est pas une évidence. Il est dubitatif quantau fait que le lien qui relie les gouvernés aux gouvernants soit d'une nature spéciale, d'unenature différente de ce que l'on nomme couramment la confiance interpersonnelle. Il seplace ainsi dans le courant théorique du Choix Rationnel pour examiner la question de laconfiance dans les institutions. La confiance se base ici sur une connaissance : c'est unraisonnement fondé sur un savoir, une observation. Hardin explique cela à travers le conceptd'« intérêts encapsulés », c'est-à-dire que les personnes font confiance aux gouvernementscar elles savent que les intérêts des gouvernants rejoignent les leurs. Il n'y a donc pas dedimension morale de la confiance, mais uniquement un choix rationnel. Ainsi, il n'y auraitpas de lien de confiance spécifique aux institutions. Ce que l'on nomme confiance dans lesinstitutions ne serait qu'un aspect de la confiance interpersonnelle. C'est la connaissancedes motivations et des intérêts des gouvernants qui porte les personnes à accepter unerelation de confiance. Ils choisissent donc d'agir en fonction du niveau de confiance qu'ilsaccordent à l'institution, la confiance n'étant en elle-même pas un choix. Le choix se porteen effet sur l'action d'agir ou non en fonction des informations recueillies. En outre, dans lathéorie d'Hardin, la question du manque de confiance n'est pas primordiale, ce n'est pas ce

21 GAXIE, D. « Démocratie », dans Encyclopaedia Universalis en ligne22 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public. Réseaux, 2005/4, no. 132, p. 188

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problème qui peut entraver l'action de l'État. Pour lui, c'est plutôt la méfiance ou la défianceactive qui pourrait être à l'origine de dysfonctionnements.

Toujours d'un point de vue cognitiviste, la question de la confiance dans les institutionspeut aussi être abordée comme une croyance : la croyance dans la fiabilité de l'institution.C'est Claus Offe qui considère que « la confiance est la croyance concernant l'action qui està attendre des autres »23. C'est la plausibilité que l'institution agisse d'une certaine manièreet non d'une autre. Comme toute croyance, cette dernière peut être erronée. C'est là quel'on retrouve une caractéristique principale de la confiance : la possibilité du risque. Laconfiance se crée en somme, lorsque toutes les autres raisons de la remettre en doute ontété écartées.

Enfin, la question de la confiance peut être traitée à travers la notion assez prochede la précédente qui est celle de l'hypothèse. C'est notamment George Simmel quidéfend cette vision. Lorsque l'on fait confiance, l'on fait une hypothèse sur le futur. Lemanque d'information sur le futur devrait pousser une personne complètement rationnelleà s'abstenir d'agir. Mais en réalité ce n'est pas ce que l'on observe, car pour parer à cedéfaut de renseignement, on va faire confiance. C'est-à-dire, que l'on suppose que le peud'informations dont on dispose est suffisant pour que l'on agisse tout de même.

Tous les auteurs cités considèrent donc la confiance comme un engagement, c'està dire qu'ils se placent dans un rapport à la confiance qui s'assimile à la confianceinterpersonnelle. Dans ce cadre, le sujet de la fiabilité entre en œuvre : les gouvernésjugent les gouvernants dignes de confiance ou non. Pour Hardin, la question de la fiabilité(trustworthiness) est capitale dans la question de la confiance dans les institutions. Lafiabilité se mesure en fonction du fait que les gouvernants honorent ou non leurs promesses.Les citoyens ne font pas « confiance » aux institutions au sens strict du terme, c'estdavantage une appréciation de leurs qualités, une « quasi-confiance » selon Hardin. Onjuge les gouvernants dignes de confiance en fonction de critères fondés sur l'expérience,définis par la loi, en fonction de l'existence ou non d'incitations à la performance, et enfin enfonction de l'intérêt de l'institution à se montrer digne de confiance. De ce fait, lorsque l'onparle de confiance dans les institutions, c'est plutôt une « généralisation inductive ». On jugeles institutions fiables d'accomplir le travail qu'on leur a délégué. Pourtant, il apparaît évidentque dans la vie de tous les jours, nous n'engageons pas de rapport de confiance personnelleavec les dirigeants de l'Union européenne. Nous, citoyens lambdas, ne possédons pas eneffet les moyens de déterminer leur fiabilité. Cela veut-il pour autant dire que la confiancedans les institutions n'existe pas ? A partir du moment, où l'on parle de crise ou de pertede confiance, et que ce sujet devient un véritable débat de société, cela veut dire qu'il doitbien y avoir une spécificité dans la notion de confiance en ce qui concerne le rapport quenous entretenons avec ces institutions.

Louis Quéré comme nous l'avons déjà indiqué propose d'étudier la confiance dansles institutions sous un autre angle et de la considérer comme une attitude, plutôt qu'unengagement. En effet, les explications des auteurs précédents ne sont pas convaincantespour expliquer le cas spécifique de la confiance dans les institutions.

« Certes, l'attitude comporte aussi une part d'engagement, dont est corrélativeune forme de vulnérabilité : l'idée de relâcher sa volonté de savoir, son besoin

23 OFFE, C. (1999). How can we trust our fellow citizens ? In : Warren M. (éd.), Democracy and Trust. Cambridge : CambridgeUniversity Press. p. 47

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d'information ou son désir de certitude et de contrôle, est inhérente au sens del'expression " se fier à " »24.

A travers cette vision, Louis Quéré ôte la composante de la délégation de pouvoir à autruiqu'implique la notion d'engagement. Avec cette définition plus large, on obtient donc bienun concept de confiance spécifique aux institutions. En effet, lorsque je me rends dans unbureau de vote, je n'accorde pas spécifiquement ma confiance aux personnes qui tiennentle bureau de vote pour que ma voix soit effectivement comptabilisée. J'agis dans uneattitude de confiance générale considérant qu'a priori chaque bulletin de vote mis dansl'urne sera dé-comptabilisé. Je n'ai aucune raison de croire le contraire, au moins dans despays démocratiques comme les Etats-membres européens. Plus précisément, Louis Quérénomme ce concept « une attitude générale d'adhésion »25.

Cette vision de la confiance rejoint le concept de confiance assurée (confidence)développé par Niklas Luhmann qui s'oppose à la confiance décidée (trust)26. La confiancepour Luhmann agit comme un réducteur de la complexité sociale en permettant de ne pasprendre en compte intentionnellement un certain nombre d'éventualités pour le futur. Cesdeux formes comportent donc le risque d'être déçu. Leurs particularités résident dans ledegré de risque que chacune comporte. La confiance assurée est la plus répandue : desattentes qui risquent peu d'être déçues sont formulées vis-à-vis du futur. Par exemple, jepeux être confiant dans le fait que l'Allemagne ne quittera pas l'Union européenne du jour aulendemain. Si les citoyens ne possèdent pas un tel type de confiance assurée, ils seraientrongés par l'incertitude de sorte que cela les empêcherait d'agir. Dans la confiance assurée,les personnes font confiance car elles n'ont pas vraiment d'autre choix et la probabilitéd'être déçu est rare. La confiance décidée (trust) rejoint la vision de la confiance commeengagement. Il y a présence d'un réel risque mais également l'existence d'avantages nonnégligeables si il y a engagement. C'est donc un choix risques/avantages. Mais, ici ce n'estpas une question de choix rationnel puisque le risque peut être largement supérieur auxavantages. La différence réside donc dans la question de l'alternative : si je ne conçois pasd'alternative, je suis dans un cas de confiance assurée. A l'inverse, si j'ai des possibilitésautres, je suis dans un cas de confiance décidée. « La distinction ne fait pas référence àdes questions de probabilité ou d'improbabilité. Le problème est de savoir si oui ou non lapossibilité de déception dépend de notre propre conduite préalable »27.

Appliqué au domaine de la confiance dans les institutions, le rapport entre confianceassurée et confiance décidée peut devenir plus complexe. Une relation de confianceassurée peut ainsi muter et se transformer en cas de relation de confiance décidée s'ildevient possible de se soustraire à cette relation.

« Ainsi, des élections peuvent-elles dans une certaine mesure transformer uneconfiance politique du premier type en confiance politique du second type, toutau moins si votre parti gagne. A l'inverse, la confiance décidée peut revenir à unesimple confiance assurée quand l'opinion se répand que vous ne pouvez pasinfluencer réellement le comportement politique à travers le vote »28.

24 QUERE, L. (2001). La structure cognitive et normative de la confiance, op. cit., p. 14125 Ibid., p. 142

26 LUHMANN, N. (1979). Trust and Power, op. cit.27 LUHMANN, N. (2001). Confiance et familiarité. Problèmes et alternatives. Réseaux, 2001/4, no. 108, p. 22

28 Ibid., p.23

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Faire cette distinction est extrêmement important puisqu'elle permet de comprendre lesévolutions récentes liées au libéralisme. Les institutions et notamment l'Union européenneont besoin de ces deux types de confiance. Si la confiance assurée venait à manquer,ce serait un sentiment de désaffection qui s'emparerait des citoyens européens. Si c'estla confiance décidée qui venait à diminuer, il y aurait modification de la manière dont lescitoyens prennent des décisions qui comportent un risque. Comme l'explique Luhmann, unmanque de confiance assurée doublé d'une insatisfaction de confiance décidée peut fairetomber le système dans un cercle vicieux :

« Un système, qu'il soit économique, légal ou politique, requiert la confiancedécidée comme condition input. Sans cette confiance, il ne peut pas stimulerdes activités de soutien (supportive activities) dans des situations d'incertitudeou de risque. En même temps, les propriétés structurales et opérationnellesd'un tel système peuvent éroder la confiance assurée et par là détruire une desconditions essentielles de la confiance décidée »29.

En résumé, dans un système politique, le manque de confiance assurée amène à un rejetdu système, et le besoin non satisfait de confiance décidée pousse les citoyens à s'abstenird'agir. Il va s'en dire qu'il serait problématique pour un système démocratique d'en arriverà de telles extrémités.

Les origines de la formation de la confiance dans les institutionsAprès avoir abordé la nature de la confiance dans les institutions, ce sont les sources decette confiance qui vont être analysées. Claus Offe décrit le phénomène de la manièresuivante : chaque institution aurait à l'origine une « idée normative » constitutrice. Cetteidée normative est composée de valeurs, de normes, de règles, de significations partagées.C'est l'adhésion et l'obéissance à cette idée normative qui va engendrer la confiance à lafois dans l'institution et entre les citoyens. Faire confiance dans une institution c'est accepteret considérer comme valides ses normes et ses valeurs directrices.

Louis Quéré va plus loin, en dépassant le concept de confiance dans les institutionscomme une émanation de la confiance interpersonnelle. En effet, c'est parce que nouspartageons des significations communes, des valeurs identiques que nous pouvons nousfaire confiance. La confiance dans l'institution s'installe lorsque les normes communesétablies sont respectées. L'idée même de confiance interpersonnelle n'a pas de sens dansce contexte: nous ne connaissons pas personnellement les gouvernants, nous ne pouvonsles juger dignes de confiance ou non en fonction de leurs qualités propres. L'engagementrepose donc bien sur d'autres critères, notamment celui de la fiabilité des institutions. Cettedernière s'établit lorsque l'institution respecte l'idée normative, les valeurs et les symbolesqui la constituent et qui sont partagés par ses citoyens.

« A quoi s'en remet-on dans le cas de la confiance dans une institution ? Asa volonté et à sa capacité de parler et d'agir au nom d'une idée normative etde standards impersonnels, qui revendiquent notre allégeance et à l'autoritédesquels nous acceptons de nous soumettre. Elle n'est pas elle-même l'agentqui crée et définit cette idée et ces standards (ceux du vrai et du faux, du justeet de l'injuste, du correct et de l'incorrect, de ce qui est conforme ou pas au

29 Ibid., p.30

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bien public, etc.). Ceux-ci sont posés comme existant indépendamment d'elle etcomme s'imposant à elle »30.

Aujourd'hui, l'on peut dire que les deux concepts qui font le plus largement sens en tantqu'idées normatives sont ceux de la vérité et de la justice. Les politiques mises en placepour restaurer la confiance dans les institutions vont donc tout naturellement se portervers l'amélioration de ces deux notions. Cela est particulièrement observable au niveaueuropéen, où les politiques de transparence visent aussi à faire émerger la vérité etcombattre la dissimulation.

En l'absence d'idée normative et de standards indépendants, la confiance n'est paspossible dans une institution, c'est la crise. Ainsi pour Mark Warren, « faire confiance àune institution signifie que celui qui fait confiance connaît l'idée normative de l'institution, etse repose sur la fiabilité des sanctions qui fournissent une motivation supplémentaire auxagents à se conduire conformément à cette idée »31.

b. Les dispositifs de confiancePour que la confiance s'établisse, nous venons de voir qu'il est nécessaire que les citoyensbénéficient de moyens efficaces pour déterminer la fiabilité des informations et la crédibilitédes engagements des institutions, ainsi que la conformité des comportements de ses agentsà son idée normative. En effet, il est impossible que chaque citoyen exerce un contrôledirecte sur l'institution, en l'occurrence l'Union européenne. Il faut donc s'en remettre à desinstitutions ou organisations tierces. Mais pour que ces dernières puissent être à mêmed'effectuer le travail qu'on leur a délégué, c'est à dire contrôler, surveiller et participer, il fautque les institutions se rendent observables. Nous aborderons ici trois points : la nature desdispositifs de confiance, l'importance du principe de publicité, et enfin ses modalités de miseen œuvre.

La nature des dispositifs de confianceDans une démocratie, il est nécessaire de faire appel à des institutions qui agissent entant que « dispositifs de confiance ». Ces dispositifs veillent au respect des principesdémocratiques dans notre société. Ils réduisent « l'incertitude sur les comportements desinstitutions et de leurs agents, et en dissolvant l'opacité de l'exercice des pouvoirs, ils créent

les conditions d'une relative confiance dans les institutions sociales et politiques » 32 . Ilssont le moyen d'institutionnaliser la méfiance afin d'assurer la crédibilité des engagementsdes dirigeants. En effet, une société n'est véritablement démocratique que si la limitation despouvoirs et la possibilité de surveiller le pouvoir sont assurées. Ce contrôle a pour missionde vérifier la conformité des actes et des comportements au sein de l'institution par rapportà son idée normative. Le but des dispositifs de confiance est de lutter contre les abus, lamanipulation et les mensonges.

Paradoxalement, il n'y a pas d' incompatibilité entre la notion de confiance et decontrôle. La confiance constitue en effet un renoncement au jugement en même temps quel'on accepte de se soumettre à une autorité sur les bases de sa compétence. Louis Quéréexplique ce phénomène déroutant par le fait qu'une « sorte d'équilibre [...] doit être atteint,

30 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public, op. cit., p. 20431 WARREN, M. (1999). Conclusion. In : Democracy and Trust. Cambridge : Cambridge University Press. p. 349

32 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public, op. cit., p. 188

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dans la confiance, entre la délégation et le renoncement à interférer, d'un côté, le contrôle

et la vigilance, de l'autre » 33 .Selon Lucien Karpik, on peut distinguer deux types de dispositifs de confiance : les

dispositifs de jugements et les dispositifs de promesses 34 . Les premiers serventà réduire l'incertitude sur la qualité des outputs de l'institution, par le biais par exemplede rapports rédigés par des agences indépendantes, par l'établissement de standardsde qualité, etc. Les seconds servent à prévenir contre l'opportunisme des agents afinde garantir leur fiabilité. On obtient ce second résultat grâce à des mécanismes d'auto-régulation ou par des exigences morales. Le code de bonne conduite administrative est parexemple un de ces mécanismes utilisé au niveau européen.

Néanmoins, ces dispositifs de confiance ne peuvent fonctionner efficacement que s'ilsjouissent eux-mêmes d'une relative confiance de la part de la population.

L'importance du principe de publicitéKant a été le premier grand auteur à aborder la question de la publicité et de son rôlepour les institutions. Il déclare ainsi dans que la publicité « écarte toute méfiance à l'égarddes maximes »35 de la politique. La publicité est la base même d'une société juste et d'unÉtat de droit. Kant ajoutait que toute action qui ne pourrait être « avouée publiquement[...] n'est pas de droit »36. Le principe de publicité a pour but de rendre contestables lesdécisions publiques, et donne ainsi la possibilité aux citoyens de s'opposer à des projetsjugés dangereux pour la protection de la démocratie et des droits de chacun.

Néanmoins, il convient de bien différencier le principe de publicité de celui detransparence. En effet, là où il y a transparence totale, la confiance est accessoire commele rappelle George Simmel : « Celui qui sait tout n'a pas besoin de faire confiance, celui quine sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance »37. La confiance est ainsi« un état intermédiaire entre le savoir et le non-savoir »38.

Les modalités de mise en œuvreLouis Quéré explique enfin qu'il y a « dans la confiance une dimension irréductible dedélégation et de déférence, qui est antinomique de l'interférence et du contrôle continu »39 . En effet, si l'on fait confiance, c'est que l'on a accepté volontairement de se soumettreà une autorité (délégation) que l'on a jugé compétente et fiable (déférence). Néanmoins,la déférence n'empêche pas que l'on puisse instaurer des mécanismes d'accountability,c'est à dire demander des comptes aux institutions sur leurs actions et comportements.Pour pouvoir procéder à cette accountability, il est nécessaire pour l'institution de se rendre

33 Ibid., p. 19034 KARPIK, L. (1996). Dispositifs de confiance et engagements crédibles. Sociologie du travail, no. 4/96, p. 527-550.

35 KANT, E. (1991). Vers la paix perpétuelle et autres textes. Paris : GF-Flammarion. p. 12536 KANT, E. (1991). Vers la paix perpétuelle et autres textes. Paris : GF-Flammarion. p. 125

37 SIMMEL, G. (1999).Sociologie. Études sur les formes de la socialisation. Paris : PUF. p. 35538 Ibid., p. 356

39 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public, op. cit., p. 205

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observable à travers des mécanismes de publicité. Ainsi, son fonctionnement et ses actionspourront être évalués objectivement.

« Le but de cette publicité n'est pas l'efficacité, la rationalité, la pression àl'exercice de responsabilités propres, la prévention de la corruption ou lasatisfaction des usagers ; il est de rendre possible une opposition du public etpar là de permettre à celui-ci de se prémunir contre une exploitation opportuniste

de la délégation qu'il a consentie » 40 .Toujours en suivant l'analyse de Louis Quéré, la déférence comporte deux éléments. Toutd'abord, dans un mécanisme de déférence, le citoyen porte crédit à l'autorité, c'est à direqu'il la juge compétente. Deuxièmement, il doit respecter le travail et la façon de fairede l'institution, de même que l'institution doit respecter ses standards impersonnels quirépondent à son idée normative. La publicité ici ne va pas être mise en œuvre comme uncontrôle technocratique tatillon, au contraire, elle intervient « comme un garant de l'équité

de sa décision » 41 .En outre, le principe de publicité intègre un principe de non-interférence pour que

son utilité soit pleine et entière. En effet, en reconnaissant l'autorité et la compétence d'uneinstitution, on s'en remet également à son sens inné de la responsabilité. Une exigencede publicité ne signifie pas que l'on va remettre en cause de manière répétée le travailde l'institution. Si la méfiance est telle qu'elle entrave le fonctionnement de l'institution, laconfiance ne peut se créer. Pour autant, « renoncer à interférer ne signifie pas renoncer às'informer, à évaluer et à exercer une certaine vigilance – sinon la confiance est aveugle »42 . Pour conclure, la publicité a donc comme principale fonction de prévenir tout abus deposition de la part de l'institution sous contrôle. Son objectif n'est pas de définir la marche àsuivre des institutions. Ces dernières pour être entièrement efficaces et efficientes doiventrester indépendantes de tout standard et objectif imposés de l'extérieur.

3. Quand la transparence apparaît comme unestratégie de l'Union européenne.

La question de la légitimité en Europe se pose de plus en plus depuis que l'ère de laprospérité économique est révolue et que la menace soviétique est éliminée. L'adhésionapportée par les fruits de la croissance ou basée sur la peur ne fonctionne plus. L'Unioneuropéenne doit donc trouver de nouveaux moyens pour justifier son action et solliciter lesoutien de sa population. La transparence est une des solutions qui a été mise en avantces dernières années.

a. Définition et historique

40 Ibid., p. 20541 Ibid., p. 205

42 Ibid., p. 206

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La transparence est réapparue sur le devant de la scène, en raison notamment dudéveloppement du concept d'accountability arrivant tout droit des pays anglo-saxons. Leterme étant difficile à traduire en français de manière concise et dans la totalité de sonsens, il sera utilisé en anglais par la suite. L'accountability se traduit couramment par lanotion de responsabilité politique des dirigeants. Mais le mot « responsabilité » revêt deuxaspects : le premier fait référence au terme anglais de responsibility (c'est-à-dire rendre descomptes vis-à-vis de ces actions), le deuxième renvoie à celui de responsiveness (c'est-à-dire répondre aux attentes des électeurs). La transparence serait un des moyens pourpromouvoir l'accountability en permettant aux citoyens d'accéder à des informations sur lesactivités des institutions. C'est dans ces termes que Siim Kallas, commissaire chargé del'administration analyse la nécessité de transparence :

« J'éprouvais et éprouve toujours que le respect des normes les plus élevéesen matière de transparence est une condition essentielle de la légitimité detoute administration moderne. Le public européen est en droit d'attendre desinstitutions publiques efficaces, responsables [accountable] et dévouées auservice. C'est aussi un moyen de rétablir la confiance dans l'institution de l'UE »43

Cette idée de permettre un contrôle civique des institutions n'est pas neuve. Déjà laDéclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 disposait dans son article 15 que« la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Pour Deirdre Curtin et Albert Jacob Meijer, il y a eu une évolution de la perception duprincipe de transparence au niveau européen. Une première période a été dominée par laloi, et fortement influencée par les juristes et les bureaucrates. Elle se concentrait sur lesprincipes d'accès à l'information qui était une extension des principes de droits tels que ledroit d'être entendu, de connaître les motivations des décisions et d'accéder aux dossiers.Bien entendu, la CJCE a joué un rôle important dans l'évolution de ces droits : l'accent étaitmis sur la prise de responsabilité des trois grands organes européens dans ce domaine, àsavoir la Commission, le Conseil et le Parlement européen.

Depuis les années 2000, une nouvelle approche a vu le jour, plus politique, insuffléepar les bureaucrates et les responsables politiques. Désormais, la transparence devientun objectif à lui tout seul, en plus d'être un outil au service de l'amélioration de la qualitédémocratique de l'Union. La transparence est devenue le fer de lance de la Commission, quia lancé le mouvement en 2001 avec le Livre Blanc sur la gouvernance européenne. La miseen transparence de l'Union se concentre notamment sur les lobbies, les comités et autresconseillers qui gravitent autour de la Commission et qui l'assistent dans son travail. L'objectifest en effet de mettre fin à la fameuse « boîte noire » de Bruxelles. En effet, la Commissionconsidère que l'on « ne pourra faire naître un sentiment d'appartenance à l'Europe qu'eninformant et en communiquant mieux et davantage »44. C'est cette seconde approche despolitiques de transparence qui met l'accent sur le rôle que peut avoir la transparence pourrenforcer la légitimité de l'Union et restaurer la confiance dans ses institutions. C'est lapossibilité donnée aux citoyens européens de pouvoir contrôler les institutions européennesqui sera à même de renforcer les liens entre gouvernants et gouvernés.

b. Quand la transparence devient un mythe43 KALLAS, S. (2005). Transparency to restore confidence in Europe [en ligne]. Discours prononcé le 4 novembre 2005.

44 COMMISSION EUROPENNE (2001). Gouvernance européenne. Un Livre Blanc. COM(2001) 428 final, à Bruxelles, le 25juillet 2001, p. 14

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Partie 1 : Légitimité et confiance au cœur du processus de gouvernance européenne

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La transparence répond donc bien au besoin démocratique européen de checks andbalances (équilibrage des pouvoirs). Thierry Libaert45 décrit trois fondements de latransparence sur lesquels se basent les partisans de la stratégie européenne. Cette dernièrerepose sur la théorie de la sunshine regulation, qui affirme que la surveillance par latransparence permet de réguler les organisations à moindre coût. Ces trois fondementserronés mais pourtant largement partagés au sein du public aujourd'hui sont les suivants :la transparence est la vérité, la transparence est une fin, et la transparence est un progrès.

La transparence est la véritéAlain Eichegoyen constate judicieusement que « notre société est en train de mélanger deuxnotions très différentes dont les contenus et usages doivent absolument être distingués :la recherche de la vérité et le principe de transparence »46. Cette conception se base surquatre postulats qui sont :

∙ Un monde transparent est forcément intelligible, la réalité du monde et sareprésentation ne font qu'un.

∙ La transparence serait l'information. Or normalement la transparence devraitêtre considérée comme un processus, un gage de bonne foi, une stratégie decommunication.

∙ L'érudition serait la culture, or la transparence n'est pas porteuse de sens, maisuniquement d'informations. « L'accès à l'information ne doit pas être confondu avecl'assimilation de connaissances »47.

∙ Enfin, l'information serait la vérité. Mais une information transparente n'est pasforcément dénuée de tromperie, de mensonge, et rien ne garantie sa crédibilité.

La transparence est une finAujourd'hui, la question de la transparence n'est plus considérée comme un simple moyen,mais comme une fin à atteindre. Le jour où toute la société serait transparente, tous sesmaux disparaitraient. Cette conception a pour origine une opinion erronée qui est de penserque le problème actuel de nos démocraties est un problème de communication et non pas desens. En outre, la transparence n'offre aucune information quant à l'objectif à atteindre, c'estuniquement un processus. Enfin, la communication n'est pas la transparence : n'oublionspas que les secrets d'État se communiquent sans être totalement dévoilés. Le jour où toutsera transparent, la communication sera-t-elle encore possible ?

La transparence est un progrèsEnfin, il est largement admis aujourd'hui que la transparence serait un progrès pour nossociétés. La transparence serait ainsi l'ultime remède de notre société malade. A l'instarde la mondialisation, le concept de transparence a souvent été considéré comme neutre. Ilne pourrait donc en rien être préjudiciable à notre société. N'oublions pas cependant que« soigneusement encadrée, la transparence est un outil de progrès incontestable. Dévoyée,elle peut-être l'instrument de toutes les manipulations, incontrôlée, elle peut être le préludedes dérives totalitaires »48.

45 LIBAERT, T. (2003). Les fondements de la transparence. In : La transparence en trompe-l'œil. Paris : Descartes & Cie. p. 135-157.46 ETCHEGOYEN, A. (2001). Vérité ou liberté. Paris : Fayard. p. 22948 LIBAERT, T. (2003). La transparence en trompe-l'oeil. Paris : Descartes & Cie. p. 154

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Il convient donc de conserver une certaine réserve vis-à-vis du principe detransparence. Le terme peut très bien être employé dans le sens d'un outil parmi d'autresau service de l'amélioration de l'accountability, mais très vite, il peut aussi prendre uneconnotation idéologique. Il convient donc de bien faire la différence entre le principe detransparence et les mythes qu'il peut susciter.

Conclusion :Il est important de bien différencier le concept de légitimité et de confiance. Bien

souvent, c'est la confiance dans les institutions qui est remise en cause et rarement lecaractère légitime du régime démocratique. En effet, le mécontentement à l'égard d'uneinstitution ne remet pas forcément en question sa légitimité formelle. En revanche, il estcertain que dans le cas de l'Union européenne, la légitimité sociale peut parfois se retrouveraffaiblie, notamment du fait que la stratégie de légitimation adoptée porte principalement surles résultats. La difficulté de cette stratégie est qu'à chaque variation du climat économique,c'est l'adhésion des citoyens, justement si précieuse en temps de crise, qui risque de sedétériorer rapidement. Un processus de légitimation par les processus seraient beaucoupplus stable qu'une légitimation par les résultats qui est largement dépendante des aléaséconomiques. Confiance et légitimité sont donc intimement liées : il est impératif que lesidées normatives de l'institution soit protégées par des lois. Si la conformation à la loi estefficace, alors la confiance peut s'établir.

La transparence apparaît donc comme la stratégie de l'Union européenne pour faireface à ces problèmes. Néanmoins, on observe que cette notion de transparence aévolué, passant d'un simple principe juridique, à une justification téléologique de l'actioneuropéenne. Nous allons voir par la suite, les effets positifs et négatifs que cette stratégiepeut avoir sur la gouvernance européenne.

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

(éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p.11-18

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertudes démocraties ?49

Dans les discours, la transparence apparaît donc comme la solution pour reconquérirconfiance et légitimité. Mais qu'en est-il vraiment ?

L'objet de cette étude n'est absolument pas de remettre en question la nécessité pourune démocratie d'avoir des règles de publicité étendue. Là n'est pas la question. D'ailleursdans un premier temps, les progrès que la transparence a permis de réaliser au niveaueuropéen seront exposés. Il s'agit plutôt de sortir de la notion de concept miracle et de porterun regard critique sur les effets d'une politique de transparence.

L'une des premières définitions du principe de transparence en 1998 apparaît dans undiscours du médiateur européen de l'époque, Jacob Söderman. Pour lui, la transparences'exprime par le fait que « le processus au travers duquel les pouvoirs publics prennentdes décisions doit être compréhensible et ouvert ; les décisions elles-mêmes doivent êtremotivées ; autant que possible, les informations sur lesquelles les décisions sont fondéesdoivent être rendues publiques »50. C'est dans cet esprit que l'initiative européenne enmatière de transparence a été présentée par la Commission au printemps 2006 aprèsavoir été annoncée par Siim Kallas au mois de novembre 2005. L'introduction du Livre Vertrésume les intentions recherchées par la Commission :

« La Commission estime que des normes élevées en matière de transparenceparticipent de la légitimité de toute administration moderne. Les citoyenseuropéens sont en droit de compter sur des institutions publiques efficaces,responsables et axées sur le service; ils sont également en droit d’attendre queles pouvoirs et les ressources qu’ils ont confiés aux organes politiques et publicssoient utilisés avec circonspection et ne soient jamais détournés à des finspersonnelles »51.

Cette initiative s'inscrit dans le travail déjà amorcé avec le Livre blanc sur la gouvernanceeuropéenne de 2001. Les principales mesures visent ainsi à :

∙ améliorer les législations relatives au droit d'accès aux documents, développer lesregistres fournissant des données sur les groupes d'intérêts, d'experts et autresorganismes de conseil présents à Bruxelles,

49 Titre emprunté à Christian Lequesne dans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?.

In : Rideau, J. (éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p. 11-18

50 SÖDERMAN, J. (1998). The Citizen, the Administration and Community Law [en ligne]. Discours du médiateur européen àl'occasion du XVIIIème Congrès FIDE (Fédération internationale de droit européen), Stockholm, du 3 au 6 juin 1998.51 COMMISSION EUROPENNE (2006). Livre Vert. Initiative européenne en matière de transparence. COM(2006) 194 final, à

Bruxelles, le 3 mai 2006, p. 2

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∙ renforcer les études d'impact qui prennent en compte les préoccupations des citoyensintéressés par le projet,

∙ et enfin continuer d'appliquer avec le plus grand soin le « code de bonne conduiteadministrative » qui garantit que chaque étape administrative soit réaliséedéontologiquement. Ces règles s'appliquent principalement aux fonctionnaires, maisles traités garantissent que le personnel politique se soumet aux mêmes standards.

1. La transparence au service de l'EuropeCe n'est pas par hasard que l'Union européenne a choisi de miser sur la transparencepour résoudre les problèmes auxquels elle doit faire face au niveau de la confiance etde la légitimité dans ses institutions. De tout temps, la transparence a été invoquée pour

réduire l'obscurantisme, la corruption, le secret. Dénommer le XVIIIème siècle, le « siècledes lumières » n'est-il pas le meilleur exemple de la manière dont on a voulu symboliserle passage d'un monde archaïque, celui du Moyen-Age, à un monde moderne, celui desconnaissances et des libertés ? Plus récemment encore, c'est au travers du conceptde Glasnost(Гласность : publicité des débats en russe, souvent traduit par le terme detransparence) que Gorbatchev avait misé sur la réforme moderniste de l'empire soviétique.Les exemples historiques ne manquent pas, ceux philosophiques non plus. Aujourd'hui,ce désir de transparence se retrouve aussi dans les gratte-ciels tout de verre vêtus, dansles open-space, sur les blogs d'internet. Ce désir semble d'autant plus prégnant que lesidéologies traditionnelles et les religions perdent du terrain dans notre monde moderne. Latransparence, vertu suprême, devient le nouvel idéal à atteindre.

Même si l'initiative pour la transparence date déjà de 2006, tous les hauts-responsableseuropéens continuent de marteler ce slogan assurant que la transparence est le moyen derestaurer la confiance et de garantir la légitimité de l'Union européenne. Cette volonté aencore été réaffirmée par le médiateur européen, M. Nikiforos Diamandouros,à la veille desélections européennes de 2009. Il affirme que la transparence est « susceptible de revêtirune importance et une signification croissantes au niveau de l'élaboration des politiques del'UE dans les années à venir »52. En outre, de juin à décembre 2009, c'est la Suède qui aprésidé l'Union. Sachant que ce pays a été l'un des premiers au monde à mettre en placedes mécanismes de transparence, il semble évident que le mouvement va être amplifié.

a. Transparence et légitimitéLa transparence n'est pas une solution nouvelle en ce qui concerne les problèmes delégitimité. La démocratie n'est effective qu'à partir du moment où les citoyens ont réellementaccès à des informations.

Pour officialiser cette approche, l'Union européenne s'est efforcée d'inscrire le principede transparence et d'accès aux documents dans ses traités. Une première évolutionapparaît dans la déclaration n°17 de l'acte final du traité de Maastricht en 1992 qui dispose :« La conférence estime que la transparence du processus décisionnel renforce le caractère

52 CESE, (2009). La transparence va gagner en importance au niveau européen, explique le Médiateur européen au CESE.Communiqué de presse, n°65/2009, 2009/05/14

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

(éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p.11-18

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démocratique des institutions, ainsi que la confiance du public envers l'administration »53.Cette volonté est confirmée par la déclaration n°23-6 de l'acte final du traité de Nice en 2001qui dispose que l'Union européenne « reconnaît la nécessité d'améliorer et d'assurer enpermanence la légitimité démocratique et la transparence de l'Union et de ses institutions,afin de les rapprocher des citoyens des États membres »54. En rendant la vie politique plustransparente, l'intention est donc bien de renforcer la qualité démocratique de l'Union.

D'après les théories politiques d'hier et d'aujourd'hui, donner aux citoyens la possibilitéde contrôler les processus de décision et avoir la capacité d'en vérifier les résultatspermettrait d'accroître la légitimité des institutions. Nous allons dès lors aborder troispoints dans cette sous-partie : l'apport du principe de transparence à la légitimité par lesprocédures, l'apport du principe de transparence à la légitimité par les résultats, et enfinl'apport du principe de transparence à la légitimité sociale.

La question de l'apport de la transparence à la légitimé formelle n'étant pasproblématique, elle ne sera pas traitée dans ce travail.

Apport du principe de transparence à la légitimité par les procéduresLe principe de transparence dans le cadre de la question de la légitimité par les inputsva se traduire dans la publication d'informations à propos des processus de prise dedécision. Aujourd'hui, elle se fait principalement à travers la mise à disposition de donnéessur des sites Internet spécialisés. Nous avons vu dans la première partie que ce typede légitimité est celle pour qui les évolutions positives sont les plus limitées en raisondu manque d'identité collective et d'intérêts communs des citoyens européens. DeirdreCurtin et Albert Jacob Meijer ont étudié la question et mis en évidence la stratégiede l'Union européenne55 : la transparence du processus de prise de décision devrait,selon la Commission européenne, provoquer l'acceptation sociale du système de prisede décision et ainsi renforcer la légitimité par les procédures. On comprend mieux dèslors, la volonté affirmée de la Commission de règlementer les activités des lobbies et descomités dont la présence est souvent décriée par l'opinion publique. En effet, le processusde prise de décision de l'Union européenne et notamment le mode de fonctionnement dela Commission apparaissent comme étant très opaques. La transparence aurait donc icipour objectif de faire la lumière sur les processus de consultation au niveau européen,et de permettre aux citoyens européens lambdas de mieux connaître les acteurs qui yinterviennent. Une meilleure compréhension des mécanismes amènerait forcément à uneapprobation des propositions faite par la Commission. Des processus dominés par latransparence permettraient d'augmenter la légitimité par les inputs de l'Union européenne.L'opinion publique cesserait donc de soupçonner la Commission de vouloir légiférer dansdes domaines toujours plus larges qui échapperaient à sa compétence formelle. En effet,les propositions de législation seraient mieux acceptées à partir du moment où les citoyenscomprennent les bases sur lesquelles elles se fondent.

Apport du principe de transparence à la légitimité par les résultatsEn ce qui concerne la légitimité par les outputs, la stratégie de l'Union européenne part del'hypothèse que plus il y aura de publications de données détaillant les résultats apportés

53 JOCE, (1992). Traité sur l'Union européenne. Journal officiel, n° C 191 du 29 juillet 1992.54 JOCE, (2001). Traité de Nice. Journal officiel, n° C 80/86 du 10 mars 2001.

55 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?. Information polity, IOS Press, 2006/11, p. 109-122.

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par les politiques européennes, plus les citoyens seront à même de constater les bénéficesqu'ils peuvent en retirer. La transparence permet en effet de se rendre compte à la foisde l'efficacité des politiques mais également de leur efficience. Un tel constat s'il est positifdevrait sans aucun doute participer à l'amélioration de la légitimité européenne. Là encoreCurtin et Meijer résument la stratégie de l'Union européenne : la transparence des résultatsdes politiques mises en œuvre par l'Union européenne devrait faire émerger la confiancedes citoyens dans les prestations que l'Europe leur apporte, ce qui entraînera l'augmentationde la légitimité par les résultats.

« Il est admis que quand les gens peuvent obtenir des informations à propos desrésultats d'une politique, les politiciens sont censés prendre la responsabilitéquant aux effets de la politique et rendre compte des résultats de ces mêmepolitiques. La responsabilisation est l'un des principes de bonne gouvernanceque la Commission a formulé dans son Livre blanc sur la gouvernance »56

La transparence permet donc d'entrer dans un cercle vertueux : à la fois elle permetd'améliorer la légitimité de l'Union européenne, mais elle permet également de rendrepossible le contrôle civique des politiques européennes. Les agents et hommes politiqueseuropéens sont alors encouragés à fournir encore plus d'efforts pour la réussite despolitiques mises en place d'autant plus que les rapports d'évaluation et les résultats serontsoumis au jugement des citoyens.

Apport du principe de transparence à la légitimité socialeLa légitimité sociale se rapporte à la loyauté des citoyens à leurs institutions. Cette adhésionse crée lorsque les citoyens ont le sentiment d'appartenir tous ensemble à une mêmefamille, en l'occurrence la famille européenne. Or, il apparaît de manière évidente qu'unfossé existe entre les institutions européennes et les citoyens européens. Un fort niveaud'incompréhension est partagé par la population européenne. La transparence peut icijouer un rôle primordial en théorie : augmenter la confiance des citoyens dans l'Union, etainsi renforcer sur le long terme sa légitimité sociale. La confiance peut en effet améliorerle sentiment d'identité collective qui fait défaut aujourd'hui parmi les citoyens européens.Comme le montre les derniers sondages, seulement un peu plus de la moitié des européensconsidèrent que l'appartenance de leur pays à l'Union européenne est une bonne chose57.L'impact de la transparence sur la confiance sera détaillée dans la prochaine sous-partiemais l'on peut d'ores et déjà affirmer que la transparence peut apporter un sentimentde proximité : la transparence pourra par exemple permettre un débat plus informé etfavoriser l'implication des citoyens dans les processus de prise de décision. En effet, unemeilleure connaissance générale des affaires européennes ne peut qu'aboutir à augmenterle sentiment d'appartenance de la population à un même peuple européen.

b. Transparence et confianceDepuis ces 20 dernières années, l'Union européenne souffre d'un manque chronique deconfiance de la part de ses citoyens. Ce constat n'est pas juste un ressenti mais se base surune série de sondages effectués à la fois dans les États membres et au niveau européen.Généralement, moins de la moitié de la population accorde sa confiance aux institutionseuropéennes. Lors du lancement de l'initiative sur la transparence en 2005, Siim Kallas cite

56 Ibid., p. 117.57 Voir Annexe 1.4

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

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des études qui notent que les plus faibles taux de confiance ont été enregistrés parmi lapopulation. Que faire pour remédier à ce problème ? Kenneth Arrow décrit la confiancecomme un lubrifiant des relations sociales58 : gouverner dans la confiance est dès lors bienplus aisé que dans un climat de défiance. Cette facilité est recherchée, car de nombreuseséconomies tant financières, que sociales peuvent être réalisées grâce à une organisationfonctionnant sur le principe de confiance. Ainsi, nous allons d'abord analyser : ce que lanotion de transparence peut apporter à la confiance dans les institutions européennes, puissi des évolutions sont détectables au niveau des eurobaromètres.

Apport de la transparence à la confiance dans les institutions européennesLa transparence est connue pour être une arme efficace au niveau de la communicationpolitique. Plusieurs avantages sont à énumérer : tout d'abord, la transparence permet defavoriser l'émergence d'un capital sympathie parmi la population. La volonté d'ouverture estvue comme un signe positif au niveau de l'opinion publique. Une organisation transparenteparaît plus honnête. Le partage de données est une étape primordiale dans l'élaboration dela relation de confiance. C'est d'ailleurs sur le droit d'accès aux documents que la stratégiede transparence s'est concentrée à ses débuts. En outre, une plus grande ouverture etpublicité permettra de mettre fin aux accusations portées par les eurosceptiques. Avant, lemanque de transparence ne permettait pas à l'Union européenne de se défendre contreces attaques car elle ne disposait pas de "preuves" pour les démentir. Aujourd'hui, avecla publication de la plupart des informations concernant les procédures de décisions et lesrésultats des politiques menées, les détracteurs de l'Union auront plus de mal à remettreen cause les dirigeants européens ou leur politique. Moins de mauvaise presse concernantl'Union européenne ne peut avoir que des conséquences positives sur la confiance descitoyens.

La transparence permettant d'ouvrir cette "boîte noire", les citoyens pourront se rendrecompte par eux-mêmes que les décisions sont prises en toute légitimité. Une fois les raisonsde se méfier écartées grâce aux mécanismes de transparence mis à sa disposition, lecitoyen européen sera amené à réévaluer sa confiance dans le bon fonctionnement desinstitutions européennes.

Deuxièmement, la transparence est un concept qui permet également de jouer surla notion de proximité. Plus visible, l'organisation est reconsidérée par la population :on la sent plus proche, et cela a pour effet de favoriser la confiance de l'opinionpublique et d'améliorer le dialogue. L'Union européenne souffre tout particulièrement de cetéloignement comme le rappelle Siim Kallas :

« La distance physique et mentale entre les citoyens européens et les institutionspolitiques de l'Union européenne tendent à créer un écart, tant en matière depolitique et de perception. Bruxelles est considérée comme une pluvieusecontrée lointaine, comme une boîte noire politique inaccessible où toutes sortesde mesures obscures sont prises. »59

La proximité est un élément fondamental de la confiance car elle permet une surveillanceà moindre coût. En effet, il est plus facile pour un petit village où tout le monde se connait,de mettre en place un mécanisme d'auto-régulation que pour une grande ville. L'étude du

58 ARROW, K. J. (1974). The Limits of Organization. New York : Norton. p. 2359 KALLAS, S. (2005). The need for a European transparency initiative. Speech at the European Foundation for

Management, Nottingham Business School Nottingham, SPEECH/05/130, prononcé à Nottingham le 3 mars 2005. p. 2

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CEVIPOF met en exergue le fait que la proximité est la troisième qualité requise par unresponsable politique pour qu'il inspire confiance60.

Enfin, la transparence permet une meilleure accountability, c'est-à-dire accroit laresponsabilité des dirigeants vis-à-vis de la population. Un meilleur contrôle de l'adéquationentre les promesses et les actions des gouvernants permet aux citoyens de mesurer leurfiabilité et la crédibilité de leurs engagements. La fiabilité pour les partisans de la conceptionde la confiance comme engagement, est fondamentale. C'est elle qui va permettre dejuger une institution digne de confiance ou non. Améliorer la transparence sur les résultatsobtenus et les actions menées, s'ils sont positifs, permettront sans aucun doute de restaurerla confiance de la population en l'Union européenne.

La crise de confiance intervient lorsqu'il n'y a plus adéquation entre les croyances descitoyens et l'idée normative de l'institution. Ses intérêts et ses valeurs évoluent. Si l'institutionne veut pas voir apparaître un décalage entre la demande des citoyens et les réponsesqu'elle peut leur apporter, elle a besoin de s'adapter en permanence. Ceci est d'autant plusvrai depuis que l'empire soviétique s'est effondré. La justification téléologique de l'Unioneuropéenne ne suffit plus à unir les peuples. L'ouverture et la proximité apportées par lespolitiques de transparence sont donc censées rapprocher les attentes des citoyens desréponses apportées par l'Union européenne. Une meilleure connaissance de chacun, estsupposée améliorer la compréhension mutuelle.

Évolutions au niveau des eurobaromètresLes eurobaromètres permettent notamment de mesurer le niveau de confiance que lescitoyens portent aux institutions européennes et à ses représentants. Les études commecelle du CEVIPOF démontrent qu'une majorité de personnes ne fait pas confiance à l'Unioneuropéenne61. Ainsi, 51% des interrogés déclarent ne pas faire, voire ne pas du tout faireconfiance aux députés européens. Mais ces résultats ne sont pas surprenants : en effet, auniveau national, ce sont les élus locaux qui récoltent des résultats favorables. Le PremierMinistre et le Président nationaux obtiennent des résultats encore plus mauvais que l'Unioneuropéenne en terme de confiance. Au niveau des institutions en général, ce sont 55%des interrogés qui ne font pas, voire pas du tout confiance à l'Union Européenne. Mais cesdonnées en absolu ne renseignent pas sur les évolutions qui ont pu se produire depuis ledébut des années 2000. Il semble intéressant d'analyser ces statistiques par rapport à desdonnées d'années antérieures.

Ainsi, d'après l'euro baromètre de l'automne 200962, on peut observer que la satisfactiongénérale des européens par rapport à la manière dont la démocratie fonctionne en Europeaugmente : le taux de satisfaction passe de 52% à l'automne 2007 à 55% à l'automne 2009.Ces progrès sont d'autant plus importants qu'il apparaît que ce sentiment de satisfaction àl'égard de la démocratie tend à diminuer lorsqu'on les interroge sur le taux de satisfactiondans leur propre État membre : 58% de taux de satisfaction en 2007 contre 54% aujourd'hui.La stratégie de transparence, beaucoup plus poussée au niveau européen que dans lessystèmes étatiques nationaux, explique peut être cette différence. Néanmoins, il est à noterqu'un nombre non négligeable de personnes n'a pas d'avis sur la question européenne.

60 Voir Annexe 2.561 Voir Annexe 2.1 et Annexe 2.2

62 Voir Annexe 1.1 et Annexe 1.3

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

(éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p.11-18

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Par ailleurs, en ce qui concerne l'évolution des taux de confiance dans les principalesinstitutions européennes, là encore la tendance est à la hausse. Le pourcentage de citoyensqui accordent leur confiance au Parlement européen a ainsi progressé de 48% à 50% entrele printemps et l'automne 2009. De même, ce taux a progressé de 44% à 46% durant lamême période en ce qui concerne la confiance accordée à la Commission européenne.

Enfin, l'étude réalisée par le CEVIPOF met en valeur que les principales qualitésrequises pour qu'un dirigeant suscite la confiance des citoyens seraient en premièreposition l'honnêteté, puis sa fiabilité (savoir tenir ses promesse) et enfin la proximitéavec son électorat63. Comme nous l'avons vu, la transparence vise bien à améliorer laperception de ces qualités à la fois chez les fonctionnaires et les responsables politiqueseuropéens par les citoyens européens. Il y a donc de fortes chances que les tendancesobservées dernièrement en ce qui concerne l'évolution de la confiance dans les institutionseuropéennes se confirment si l'on considère que toutes les hypothèses que nous venons defaire sur l'apport de la transparence aux principes de confiance et de légitimité soient justes.

Beaucoup de spécialistes partagent donc l'idée que la transparence serait une vertupour nos démocraties. C'est l'avis de Christian Lequesne64 qui considère qu'il en est ainsi carsa finalité est d'éviter les détournements, l'abus de confiance, et de prévenir les gens contreles possibilités d'opportunisme. Alors, quand le juriste américain, Lawrence Lessig osecritiquer ouvertement les politiques de transparence dans The New Republic à l'automne2009, il provoque tellement de réactions passionnées que le journal est contraint de faireun dossier spécial sur le débat dans le numéro suivant. Cette polémique vient du fait queLessig affirme que :

« Nous ne nous demandons pas assez dans quelles circonstances latransparence est une bonne chose et dans quelles circonstances elle peutau contraire être source de confusion, voire pire. Et je crains que l'inévitablesuccès de ce mouvement – s'il ne s'accompagne pas d'une prise en comptede la complexité de l'enjeu – finira par provoquer non pas des réformes, maisdu dégoût. Le "mouvement de la transparence nue", comme je l'appellerai ici,n'incitera pas au changement. Il finira de saper la confiance dans notre systèmepolitique »65.

2. Le côté obscur de la transparenceIl ne s'agit pas de remettre en question l'importance que la transparence a pu revêtir ence qui concerne la démocratisation de nos sociétés, ni de défendre le secret face à latransparence, mais d'interroger les limites à la transparence qui serait devenue un droitabsolu. N'oublions pas que la « surveillance généralisée, [est la] pierre angulaire de la

63 Voir Annexe 2.564 LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J., La Transparence dans l'Union

Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p. 11-1865 LESSIG, L. (2009). Against Transparency : The perils of openness in government. The New Republic, october 9, 2009, p.

1.

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démocratie mais ferment du totalitarisme »66. Il ne faut pas se tromper de débat. Ce qui estremis en cause ici n'est pas la transparence mais son utilisation idéologique, « l'idée qu'ilsuffirait que " tout soit transparent " pour que le bonheur s'installe durablement »67.

a. La nouvelle culture d'accountability est-elle la panacée auxproblèmes de légitimité ?

Comme nous l'avons vu, le principe d'accountability est l'une des stratégies majeuresen vogue pour améliorer les mécanismes de légitimation par les outputs et les inputs.Cependant, ses effets peuvent être remis en cause. Plusieurs points seront ainsi abordés :à quel niveau de la procédure de décision la transparence doit-elle être introduite ? Quellessont les limites au niveau de l'efficacité et de l'efficience d'une politique de transparence ?Quels sont les effets pervers de l'accountability ? Et enfin, quels en sont les effets sur lepublic visé.

A quel niveau de la procédure de décision, la transparence doit-elle êtreintroduite ?A un niveau international de gouvernance, ce qui est le cas de l'Union européenne, il estfréquent que la stratégie de transparence se trompe d'objectif. En effet, très longtemps, laquestion de la publicité n'a été abordée que pour confirmer des décisions qui avaient déjàété prises. Or, quel est le véritable intérêt de rendre publique et accessible le rapport d'uneréunion où toutes les négociations, et tractations ont eu lieu dans les couloirs ? L'intérêtde la transparence, et la volonté de la stratégie européenne n'est-elle pas d'impliquerplus les citoyens dans la prise de décision ? Si oui, la transparence doit être étendueaux négociations et aux réunions de préparation, avant la prise de décision pour quela participation ne soit pas que de nature contestataire (s'opposer à la décision) maisconstructive. Il est vrai que progressivement de nouvelles mesures prennent en compte cetaspect. Trop longtemps la transparence a servi de simulacre d'ouverture et de publicité.Les processus de décision s'ouvrent de plus en plus au public. Mais trop souvent encore,« la transparence fonctionne comme si elle n'avait pas besoin d'être pratiquée pour exister,comme si la communication sur la transparence tenait lieu de transparence »68.

Quelles limites à une politique de transparence ? Efficacité et efficienceIl convient aussi de s'interroger sur les conséquences possibles engendrées par un surplusde transparence dans une organisation. Au sein de l'Union européenne, il a pour effet decompliquer les mécanismes. Non seulement, la mise en place de la publicité a un coûtfinancier non négligeable, mais elle peut aussi être à l'origine de dysfonctionnements etmême de perte d'efficience. La transparence peut donc avoir les effets inverses de ceuxdésirés à l'origine. Accroître la transparence dans une organisation majore le poids ducontrôle sur les fonctionnaires. Ces derniers auront le sentiment d'être sous surveillancepermanente. En effet, l'un des avantages de la transparence est de provoquer unestandardisation des comportements. Mais rapportés à l'échelle d'une administration, parexemple, les rapports, les expertises de fonctionnement vont perdre en qualité. En effet,

66 LIBAERT, T. (2003). La transparence en trompe-l'oeil. Paris : Descartes & Cie. p. 1367 Ibid., p. 4768 Ibid., p. 87

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

(éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p.11-18

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pour éviter tout problème ou remise en cause de leur travail, les fonctionnaires vont avoirtendance à lisser les aspérités des dossiers qui sont destinés à être rendus publics. Certes,selon les rapports, l'administration rencontre en général moins de difficultés qu'auparavantgrâce à la stratégie de transparence. Néanmoins, cette diminution du nombre de difficultésrencontrées est peut être due au fait qu'elles ont été occultées dans les rapports officiels. Enréalité, elles existent toujours, et c'est bien ici que la transparence devient un problème : aulieu d'être explicités pour être traités, les problèmes ont été minimisés dans les rapports quiont perdu toute substance. Tout semble donc aller pour le mieux mais il ne s'agit que d'unfaux semblant. Une politique de transparence trop poussée a donc pour effet de produire desrapports d'activités nombreux, coûteux, mais absolument inutiles puisqu'ils évitent d'exposerles difficultés que le personnel et les usagers peuvent rencontrer. Aujourd'hui, il semble quetout fonctionne comme s'il n'existait que deux possibilités, "cacher" ou"ne pas cacher". Cettenouvelle division est superposée à tort à la séparation entre innocent et coupable. Commele note Thierry Libaert, « l'opacité dissimule, donc elle est au mieux suspecte, généralementcoupable. Si l'on n'accepte pas de se dévoiler, c'est donc qu'on a quelque chose à cacher »69.

Par ailleurs, la perte de substance des rapports d'évaluation peut ne pas proveniruniquement de l'action des agents, mais être la conséquence pure et simple des processusstandardisés mis en place par les programmes d'accountability. En effet, « les indicateursde qualité des performances sont choisis pour leur facilité de mesure plutôt que pour leurcapacité à évaluer réellement la qualité des prestations »70. Par exemple, on va mesurer larentabilité du service en fonction du nombre de problèmes réglés en un certain temps, maispas en fonction de la réelle satisfaction des citoyens. D'un point de vue formel, les problèmespeuvent être considérés comme réglés, mais en réalité, l'évaluation de la politique n'est pasdu tout positive du point de vue de la population. Le procéduralisme est l'ennemie d'uneEurope efficace et efficiente.

Les effets pervers de la nouvelle culture d'accountabilityA la place d'améliorer la légitimité des institutions européennes, en garantissant unemeilleure fiabilité, l'excès de transparence a pu être à l'origine de la diffusion de la suspicionparmi la population européenne. Ce phénomène est assez pernicieux car comme l'expliqueOnora O'Neil lors de ses interventions radiophoniques sur la BBC en 2002, de plus enplus de gens se méfient, sans qu'il n'y ait pour autant des actes qui apportent des preuvesà une érosion de la fiabilité dans notre société71. Elle en est arrivée à penser que lanouvelle culture d'accountability qui met la fiabilité au cœur de son raisonnement est entrain de nous mener vers la mauvaise direction. La culture d'accountability n'a pas réduitles attitudes de méfiance mais a, au contraire, renforcé une culture de la suspicion. Au lieude créer un nouveau mode de gouvernance fondée sur l'indépendance, sur des inspectionsresponsables et sur des comptes-rendus, c'est une planification centrale basée sur desindicateurs de performance, appliqués à la lettre jusqu'à enlever tout sens au principe mêmede contrôle qui a été mis en place. Il n'y a pas de preuve que les institutions soient moinsfiables aujourd'hui, si ce n'est que l'on rapporte plus les faits qui remettent en cause cettefiabilité. L'Union européenne ferait ainsi fausse route. L'accountability, la responsabilité desdirigeants, sont des exigences qui peuvent être intéressantes mais il faut veiller à ce quecela ne débouche pas sur des contrôles bureaucratiques tatillons.

69 Ibid., p. 1070 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public. Réseaux, 2005/4, no. 132, p. 214.

71 O'NEILL, O. (2002). A question of Trust [mp3 en ligne]. Reith Lectures. Londres : BBC.

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Ainsi selon Onora O'Neil, « nous ne disposons pas de preuve qu'il existe une crise deconfiance, cependant nous avons des preuves nombreuses de l'existence d'une culture desuspicion »72. Cette culture de suspicion a pour effet désastreux de développer le cynismedans les institutions touchées. Les fonctionnaires devraient être libres de pouvoir servir lepublic avant tout, et ne pas avoir à se conformer à une culture d'audit venant des domainesde la finance.

Curtin et Meijer73 remettent également en question le rôle que peuvent avoir les médiasdans ce développement de la suspicion. En effet, ce sont les médias qui vont le plus utiliserles informations publiées. Hélas, ils sont plus intéressés par les échecs que les succès :

« La transparence ne garantit pas une bonne presse : chaque imperfection,chaque transgression des règles et des règlements, malgré le fait qu'ils peuventêtre sans importance, chaque différend à propos d'une décision, peut être révélécomme un signe d'irrationalité ou de déviance. Les médias peuvent abuser desinformations pour leur intérêt commercial : les échecs vendent mieux que lessuccès »74.

Cette mauvaise presse, peut donc contribuer à la remise en cause actuelle de la légitimitéau sein de la population européenne, si cette dernière pense que l'Union européenne n'estpas fiable et n'apporte finalement rien de bon.

Les effets sur la population européenneDe fait, la population européenne a peu accès aux informations malgré la politique detransparence. De plus, celles dont elle dispose le plus sont celles qui passent par le filtredéformant des médias. Curtin et Meijer expliquent également que la participation politiquepeut être comparée à l'image d'une pyramide : une majorité ne participe pas du tout auxprocessus démocratiques alors qu'une petite minorité participe énormément. En réalité,c'est donc un nombre réduit de personnes qui va s'intéresser aux mécanismes permettantd'obtenir des informations sur les processus de décisions ou sur les résultats des politiqueseuropéennes. Une grande majorité des citoyens européens ne va donc pas utiliser lesbénéfices et les outils mis à disposition par les politiques de transparence pour se mettredans une démarche participative. La transparence ne va donc pas permettre de contre-balancer la mauvaise presse faite par les médias. Si une personne souhaite tout de mêmes'informer, il apparaît que la plupart de ces données sont à la fois trop complexes (languejuridique, d'expert) et trop nombreuses pour qu'un novice puisse les appréhender et en fairebon usage.

b. La confiance peut-elle émerger dans un monde transparent ?Sans aucun doute, l'amélioration de la publicité au niveau européen permettra une meilleurecompréhension du système. Il convient à présent d'élargir le débat. En effet, il sembleque les réformistes européens ait été attirés par l'idée de pureté véhiculée par le conceptde transparence. Nous l'avons vu, la transparence peut avoir des effets négatifs sur laconfiance. Il est donc important que ces phénomènes soient explicités et pris en compte pourles réformes futures. Effectivement, si ces mécanismes insidieux ne sont pas considérés, la

72 O'NEILL, O. (2002). « Spreading Suspicion ». In. A question of Trust [mp3 en ligne]. Reith Lectures. Londres : BBC.73 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?, op. cit., p. 109-122.

74 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?, op. cit., p. 118

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Partie 2 : La transparence, vice ou vertu des démocraties ? Titre emprunté à Christian Lequesnedans : LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J.

(éd.), La Transparence dans l'Union Européenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p.11-18

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stratégie sur la transparence mise en place au niveau de l'Union connaitra de réels déboires.L'intérêt est donc d'expliquer ces phénomènes pour mieux appréhender les difficultés quipeuvent en découler.

Plusieurs phénomènes seront analysés dans cette partie, notamment la contradictionentre le concept de transparence et celui de confiance, et la méfiance des citoyens suscitéepar le "trop" d'information.

Concept de transparence, concept de confiance : contradictoires ?La confiance peut-elle émerger dans un monde transparent, un monde ou l'information estcomplète et totale ? La réponse est sans aucun doute non. Le principe même de confianceest fondé sur l'incertitude, sur l'absence d'information totale, sur le non-savoir, voir mêmesur un certain mystère. Pour reprendre les mots de George Simmel, « celui qui sait tout n'apas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut même raisonnablement pas faireconfiance »75. Avant de faire confiance à une institution, le citoyen analyse des informationsminimales sur sa crédibilité et sa fiabilité. Matias Landau résume bien le phénomène : « pluson connait sur un sujet, moins on fait confiance à l'autre »76. Il n'y a pas de corrélation entreplus d'explication et plus de confiance, et c'est bien sur ce point que ce travail remet encause la stratégie de l'Union européenne. Il est même contraire au principe de confianceque de fournir des informations détaillées. A long terme, comme nous allons le voir dansle dernier point de cette partie, cela peut entrainer une remise en question de l'autoritépublique. Comme il a été expliqué dans la première partie, la confiance peut émergerlorsqu'il y a partage de valeurs, d'une même culture. L'erreur de l'Union européenne a peutêtre été de croire que la transparence était synonyme de culture. La transparence n'est qu'unsimple échange de données, mais cela ne peut être qualifié d'échange culturel au sensde mise en relation des informations et des connaissances. L'échange doit être signifiant,porteur de sens. Or lorsque l'on rend un objet transparent, on le vide également de toute sasubstance. Il semblerait donc bien que les deux concepts de transparence et de confiancesoient contradictoires.

Quand trop d'information entraînent le méfianceLes politiques de mise en transparence des systèmes provoquent une réaction assezparadoxale chez leurs destinataires. L'afflux d'information en provenance des institutionseuropéennes peut apparaître comme suspect. En effet, un mécanisme psychologiquesimple se met en place : pourquoi rendre public tant d'informations ? Chercherait-on àcacher quelque chose ? Assurément, le fait pour un fonctionnaire d'expliquer chacune deses tâches, de justifier ses actions, accroît la méfiance des citoyens. Pour Hardin, une telleréaction n'a rien de plus normale :

« On est plus disposé à se méfier d'un gouvernement qu'à lui faire confiance. Lestypes de compréhension nécessaires pour avoir confiance dans le gouvernementsont presque logiquement exclus pour les citoyens ordinaires, tandis que lestypes nécessaires pour s'en méfier sont banaux et consonent avec l'expériencede la vie ordinaire »77.

75 SIMMEL, G. (1999).Sociologie. Études sur les formes de la socialisation. Paris : PUF. p.35676 LANDAU, M. (2008). Participation institutionnalisée et confiance : un lien conflictuel. Raisons politiques, 2008/01, no. 29, p. 10377 HARDIN, R. (2002). Trust and Trustworthiness. New York : Russell Sage Foundation. p. 167

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Les citoyens ont bien compris que l'abondance d'informations n'est pas une garantie contrela duperie, le mensonge et la manipulation. Les nouvelles technologies ont permis unemasse d'échanges d'informations inédits jusqu'alors. Deux phénomènes liés au surplusd'information sont à noter : soit les individus rejettent l'Union européenne car les informationssi nombreuses, donnent le sentiment que l'on essaye de « noyer le poisson », soit lesinformations (et c'est une critique qui revient régulièrement au niveau européen) sont sitechniques, détaillées, que leur compréhension par un citoyen lambda est impossible s'iln'est pas lui même un spécialiste. Lorsque que l'on délivre des informations, il ne faut pasconfondre l'exactitude des données transmises et la vérité. Le mensonge par omissionn'est pas couvert par la transparence. Au contraire, c'est la transparence qui donne un alibiau mensonge. Le propos ici n'est pas de remettre en question l'honnêteté des institutionseuropéennes, mais bien de mettre en évidence les mécanismes psychologiques qui peuventêtre à l'œuvre au sein de l'opinion publique. Il faut prendre en compte qu'une partie del'électorat appréhendera les stratégies de transparence de manière bienveillante, mais uneautre avec méfiance.

Conclusion :La transparence absolue n'est donc ni réalisable, et encore moins souhaitable. C'est

en fait une illusion qui nous fait croire que tout le réel est visible, mais aussi que toutce que l'on voit est réel. Il est important de comprendre que la transparence ne garantitpas contre la tromperie. Les citoyens l'ont bien compris et c'est pour cette raison qu'ils seméfient aujourd'hui. Il paraît surprenant que les décideurs européens aient pu se montreraussi naïfs quant aux implications que pouvait avoir la transparence sur les questions dela confiance et de la légitimité. Ainsi, Edward Best déduit que la transparence et l'ouverture« ne sont pas une panacée aux problèmes de légitimité de l'Union européenne et nepeuvent être seulement un point de départ dans la construction de la compréhension, laparticipation et l'implication du public »78. En ce qui concerne l'apport de la transparenceà la notion de confiance, il apparaît même qu'elle peut être à l'origine ou tout du moinsun vecteur de l'actuelle crise de confiance dans les institutions européennes. Comme leconclut Thierry Libaert en parlant de la transparence, « force est de constater qu'elle seprête à une rhétorique abusive qui risque d'en fragiliser les fondements et d'en décrédibiliserles applications »79. L'opacité n'est pas souhaitable, cependant il faut bien avouer qu'ellepeut être le dernier rempart pour protéger notre liberté dans ce monde hypervisible. Tropde transparence, tue la transparence.

78 BEST, E. (2002). Transparency and the European Governance : Clearly Not a Simple Matter. IN Deckmyn, V. . Increasingtransparency in the European Union ?. Maastricht : European Institute of Public Administration. p. 116

79 LIBAERT, T. (2003). La transparence en trompe-l'œil, op. cit., p. 79

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Partie 3 : Rendre visible, l'invisible

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Partie 3 : Rendre visible, l'invisible

Après avoir analysé les avantages et les inconvénients de la stratégie de transparence del'Union européenne en ce qui concerne ses problèmes de légitimité et de confiance, cettedernière partie a pour objectifs de reposer les termes du débat. Ces questions sont aussià mettre en lien avec les mutations à l'œuvre dans nos sociétés aujourd'hui. Il est doncparticulièrement intéressant de les mettre à jour et de les comprendre. Un autre aspectmérite d'être exploré : plutôt que de rendre toute la société transparente, ne faudrait-il pasrendre ses mécanismes plus visibles ? Rendre visible, l'invisible, permettrait notammentd'institutionnaliser la méfiance qui semble être une donnée avec laquelle nos sociétésmodernes seront obligées de composer. Loin de détruire la confiance, la méfiance, sielle est contenue et maitrisée, peut être une des meilleures armes pour l'épanouissementdémocratique de nos sociétés et la transparence un outil efficace pour y parvenir. Enfin,pour que l'Union européenne adhère entièrement au concept de bonne gouvernance, il fautégalement que des progrès soient faits au niveau de la participation et de la responsabilitédes dirigeants, la transparence étant un élément important mais non suffisant des réformessur la gouvernance.

1. Des mutations à l'œuvre dans nos sociétésLa démocratie n'est pas un régime politique figé. Il arrive que les évolutions en coursdans la société changent le rapport que nous entretenons avec elle. Trop souvent, nousnégligeons ces changements qui pourtant sont d'une importance capitale pour comprendreles problèmes auxquels nous devons faire face aujourd'hui. Perte de légitimité, manque deconfiance, ne devrions nous pas plutôt chercher la cause de ces maux plutôt que de toujoursmettre en place d'autres mécanismes provisoires pour y remédier ? Ces évolutions sont-elles vraiment préjudiciables au bon fonctionnement de la démocratie ? Ces transformationsne traduisent-elle pas un nouvel épanouissement de notre régime politique ?

C'est notamment à travers l'étude de l'impact du libéralisme sur nos sociétés aujourd'huique nous analyserons les mutations à l'œuvre dans les concepts de confiance et delégitimité. En effet, l'individualisme croissant a modifié notre manière d'accorder notreconfiance et la façon dont nous définissons un régime légitime ou non. Puis, les évolutionsdans le secteur des médias et de la communication seront étudiées.

a. L'impact du libéralisme sur nos sociétésLe libéralisme a eu un impact important sur les évolutions observées dans les rapportsde confiance entre les États et leurs citoyens. En effet, le libéralisme a une tendance àinsister sur la liberté des Hommes, sur leur capacité à faire des choix individuellement etpar conséquence sur la responsabilité personnelle de chacun. En conséquence, on observeune individualisation croissante au sein des démocraties modernes. L'Europe n'échappepas à ce mouvement.

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L'individualisme pousse irrémédiablement les citoyens à modifier leur manière de faireconfiance à une institution. On passe d'une relation principalement fondée sur la confianceassurée, à une relation basée avant tout sur la confiance décidée pour reprendre lesconcepts de Luhmann80 définis dans la première partie de ce travail. Mettre l'accent sur laconfiance décidée, c'est choisir d'accroître le degré de participation directe des citoyens etles mobiliser sur des projets.

En outre, en raison de la globalisation, l'être humain n'a jamais été aussi isolé.Notre monde est incertain. Le risque est omniprésent alors que nos interactions avec desétrangers ont explosées. Grâce à Internet, il est à présent courant d'être en relation avec despersonnes situées à l'autre bout du monde, sans connaissance aucune de leurs motivationsou intérêts. Là encore, la demande en confiance décidée est amplifiée.

C'est cette explosion du besoin de confiance décidée qui a encouragé le mouvement dela transparence. En effet, la transparence, la connaissance d'autrui permet de se prémunircontre les risques, et de réduire la distance immatérielle entre les protagonistes.

Mais tout miser sur la confiance décidée peut avoir des conséquences désastreuses.C'est en effet négliger l'importance que peut avoir la confiance assurée dans le bonfonctionnement du système démocratique. Un manque de confiance assurée dans lesystème peut provoquer une désaffection du public qui considérera que sa voix n'a plus devaleur lors d'une élection. La conséquence sera donc un fort taux d'abstention. On voit déjàcette tendance se renforcer dans nos démocraties, tant au niveau national qu'européen. Desurcroît, les personnes qui sont particulièrement sensibles au manque de confiance assuréevont développer des mécanismes de protection qui vont les entrainer à se tourner vers desmodes de fonctionnement alternatif, notamment vers les mouvements fondamentalistes et/ou totalitarisants.

Tout est une question d'équilibre car à partir du moment où la confiance assurée vientà être altérée, la confiance décidée va naturellement en souffrir. La confiance assurée nelaisse pas aux gens l'alternative de participer ou non. Dans une société où la confianceassurée va de soi, participer aux élections, aux obligations collectives apparaît commenaturel. La participation n'est pas l'apanage de la confiance décidée. En effet, si la croyanceprofonde que l'on a dans le fonctionnement du système est remise en doute, ce sont lesdeux types de confiance qui viendraient à diminuer, à disparaître peu à peu, ce qui seraitdésastreux pour la société. A quoi bon participer et engager une relation de confiancedécidée si l'on n'est pas confiant dans le bon fonctionnement du système ?

Ainsi, si la confiance assurée venait à disparaître, deux scénarios seraient possibleselon Matias Landau : « ou bien nous décidons de ne pas participer ou bien nous participonsde toute façon, mais avec un plus grand contrôle sur autrui »81. Il semblerait que ces deuxscénarios se confirment. La participation aux élections est de moins en moins grande, mais« la société civile » semble étendre son champ d'action dans des domaines de participationalternative. Au niveau européen, cela se reflète notamment au niveau de l'action des lobbies,mais également à travers la multiplication d'agences indépendantes de régulation. Cettequestion du contrôle sera abordée de manière plus approfondie dans la seconde moitié decette dernière partie. Il devient l'un des éléments majeurs de nos sociétés, d'où l'importanced'en connaître les tenants et les aboutissants afin de mieux l'orienter pour qu'il ne soit passource de dysfonctionnements mais au contraire d'amélioration de la qualité démocratiquede nos sociétés.

80 LUHMANN, N. (2006). La confiance : un mécanisme de réduction de la complexité sociale. Paris : Economica, 123 p.81 LANDAU, M. (2008). Participation institutionnalisée et confiance : un lien conflictuel. Raisons politiques, 2008/01, no. 29, p. 98

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b. La fin de la médiatisation par les médiasDepuis les années 90 et l'avènement de l'informatique, le rôle des médias s'est transformé.Les nouvelles technologies offrent des possibilités de communication sans limite. Latransparence n'est pas une idée neuve, mais les modalités de sa mise en œuvre ont étéconsidérablement facilitées grâce aux NTIC (nouvelles technologies de l'information et dela communication). De telles avancées ont sans aucun doute modifié en profondeur ledomaine de la communication et de l'information.

De profonds changements ont notamment affecté les « dispositifs de confiance »classiques, ces institutions qui ont pour rôle de surveiller et de participer démocratiquementen notre nom aux processus de décision, dans le but de crédibiliser les institutions et d'engarantir la fiabilité. C'est le cas des médias.

Les médias ont toujours joué un rôle primordial en tant que « dispositifs de confiance »pour faire émerger la confiance et maintenir la légitimité des institutions européennes.Leur rôle est celui de médiateur comme leur nom l'indique. Ils décryptent les informationsbrutes émises par les institutions, et les exposent de manière simple, concise et critiqueaux citoyens. Cette médiation se doit d'être neutre, elle a uniquement pour but de rendreles informations accessibles (physiquement mais également intellectuellement) au citoyenlambda pour qu'il puisse se forger sa propre opinion sur les débats de société. Ce rôleest capital, car comme Daniela Floss l'indique « D'une manière générale, les recherchesindiquent que la façon dont les événements et les questions sont formulées dans les médiaspeut fondamentalement affecter la manière dont les lecteurs et les téléspectateurs vontcomprendre ces événements et ces enjeux »82. Or il s'avère que les médias utilisent lesnouvelles possibilités offertes par la transparence sous le diktat de l'audimat. On observeégalement une perte de substance de l'information transmise. Enfin, l'on assiste à une pertede la crédibilité des médias. Notre société se retrouve souvent submergée d'informationsbrutes, non traitées, impossibles à comprendre. La perte de la fonction de médiation laisseles citoyens désemparés, et sujets à toutes les formes de manipulation.

Les médias, la transparence et l'audimatAujourd'hui, en raison de la libéralisation de l'économie, les médias doivent s'adapter aumarché. Pour leur survie, ils doivent faire du profit. Ce dernier est tributaire de l'audimatlui-même alimenté par les scandales. Le risque alors est la création de scandales à partirde rien.

La stratégie de transparence menée par l'Union européenne avait certes commeobjectif de permettre une meilleure communication. Néanmoins, les réformateurs n'avaientpas pensé que les informations délivrées pourraient être utilisées à mauvais escient. Eneffet, on s'aperçoit aujourd'hui que les seules informations qui sont relayées par les médiassont celles remettant en cause la crédibilité des institutions. Les informations transmises parles médias ne sont donc plus un panorama objectif de ce qui se passe dans les institutionseuropéennes.

Les médias abordent peu le sujet des progrès et des avancés qui ont été renduespossibles grâce à l'Europe. Les efforts qui sont actuellement faits pour améliorer lagouvernance européenne sont peu relayés. Les seuls sujets intéressant les médias sontceux qui occasionnent de l'audimat. Il est bien sûr essentiel que les médias relayent

82 FLOSS, D. (2008). Mass Media's Impact on Confidence in Political Institutions : The Moderating rôle of Political Preferences.National Centre of Competence in Research, Working Paper no. 26, p. 7

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les véritables affaires, mais pas les scandales crées à partir d'informations fausses outronquées.

Aujourd'hui, aucune statistique ne met en évidence que les dirigeants européensseraient moins fiables qu'avant, au contraire, les dernières études semblent indiquerl'inverse. Mais cette réalité ne se reflète pas du tout dans l'opinion car la lumière n'estfaite que sur les zones d'ombre, les quelques éventuels faux pas. Les médias ont uneresponsabilité importante dans la manière dont les citoyens perçoivent leurs institutions etleur crédibilité. La médiatisation non éthique a donc entrainé une forte méfiance de l'opinionvis-à-vis de la parole publique.

Une perte de substance de l'information transmiseOn a peut être trop souvent oublié que la question de la transparence doit résider dansla qualité et non dans la quantité. « La surabondance d'informations tue l'information, noietout dans l'équivalence et contribue à l'insignifiance [...]. Les événements et les acteursperdent leur consistance au profit d'un magma d'images, de phrases toutes faites et decommentaires qui se font écho les uns aux autres à l'infini »83. L'absence de médiation rendl'information inutile. Les citoyens sont perdus dans cette masse d'informations et cela lesempêche de pouvoir faire des choix judicieux. Le rôle fondamental des médias qui est dedire la vérité a ainsi disparu. « De vertu pour la démocratie, la transparence peut dès lors setransformer en un principe contestable. Moins parce qu'il contraint à la levée des secrets queparce qu'il accrédite la thèse qu'informer et communiquer seraient devenus des conditionssuffisantes de l'éveil de la conscience démocratique »84.

La vérité ce n'est pas la transparence. La vérité se trouve lorsqu'il y a objectivationdes informations mises à disposition du public. La rhétorique abusive de la transparence avoulu nous faire croire que l'information était la vérité mais il n'en est rien. La transparencene protège pas contre le mensonge. Au contraire, avec l'absence de médiation de la partdes médias, l'illusion de transparence peut permettre à des personnes malintentionnéesde dissimuler, manipuler. La transparence est un dispositif de contrôle démocratique directmais qui a nécessairement besoin d'être médiatisé. Seul les médias et les lobbies font lesdemandes d'accès aux documents administratifs. Les médias sont censés faire réfléchirles gens pour leur donner envie de participer à la démocratie et non pas les noyer dansune masse d'informations insipides. La dernière fois que j'ai entendu parler du parlementeuropéen aux informations de 20h sur France 2, le journaliste se scandalisait du faitqu'un député (sur 754 actuellement) eut proposé de fournir un ipad à chaque députéeuropéen. Depuis quand les propositions malencontreuses d'une personne isolée, sont-ellereprésentatives du travail effectué quotidiennement par le parlement européen ?

Avec une telle présentation des faits, nul doute que les citoyens perdent confiancedans les institutions européennes : ils ne sont pas conscients du travail que ces institutionsfournissent, et les seules informations qui parviennent à leurs oreilles sont souvent descontre-informations.

Les mécanismes de transparence mis en place par l'Union européenne ne peuventêtre efficaces que médiatisés. Le citoyen lambda, comme nous l'avons vu, ne fait pas ladémarche d'aller chercher l'information puis de l'analyser. Ce n'est pas par une stratégie detransparence simple que l'Union européenne sera à même de restaurer la confiance et la

83 LE GOFF, J.-P. (2002). La Démocratie post-totalitaire. Paris : La Découverte. p.17684 LEQUESNE, C. (1998). La transparence : vice ou vertu des démocraties ?. In : Rideau, J., La Transparence dans l'UnionEuropéenne : Mythe ou principe juridique ?. Paris : LGDJ, p. 18

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légitimité dans ses institutions. Curtin et Meijer rappellent bien que « renforcer la légitimitéest un peu plus compliqué que de créer des sites Web fashion »85.

La perte de la crédibilité des médiasCette recherche du sensationnel a eu des effets plus larges que de provoquer la défiancedes citoyens européens vis à vis des institutions.

Avec ces approximations, ces erreurs, et autres bévues, les médias ont eux mêmeperdu tout crédit vis-à-vis de l'opinion publique. L'étude réalisée pour le CEVIPOF surla question de la confiance en France fin 2009 indique que 72% des interrogés avouentne pas faire, voir pas du tout faire confiance aux médias86. La capacité des médias àinformer, éduquer et amuser tout en gagnant de l'argent est remise en doute. La perted'exigence personnelle et d'une véritable éthique professionnelle de recherche de la vérité,en toute objectivité, est regrettable pour une institution considérée comme un « dispositif deconfiance ». On est dans un cas où c'est l'institution désignée pour veiller à la conformitédes institutions politiques, à leurs valeurs et à leurs engagements, qui a bafoué sa propreidée normative. Si les citoyens ne font plus confiance aux journalistes, pourquoi feraient-ilsconfiance aux institutions politiques ?

Louis Quéré déplore à juste titre ce phénomène. La situation est telle qu'il faudrait selonlui inventer de nouveaux dispositifs de confiance pour recrédibiliser les anciens dispositifsde confiance tels que les média. « Il est possible aussi que soit tout simplement révolue l'èrede l'organisation verticale de la confiance, fondée sur le mécanisme de la déférence »87.L'individualisation de la société entrainée par le libéralisme politique et économique aeffectivement eu pour effet d'inciter les gens à réinvestir le domaine de l'information. L'étuderéalisée pour le CEVIPOF indique que plus de 70% des français considèrent qu'ils nesont jamais mieux servis que par eux-mêmes lorsqu'il s'agit de défendre leurs intérêts88.Les médias n'étant plus à la hauteur de leur tâche, les citoyens européens se sont toutsimplement réappropriés leur fonction. La révolution des nouvelles technologies aidant, lesblogs politiques, les journaux Web, les réseaux sociaux se sont développés de manièreexponentielle ces dernières années.

Aujourd'hui, les informations circulent à la vitesse de la lumière grâce aux fibresoptiques : quoi de plus beau pour un monde qui se veut transparent que de voir la lumièretransporter l'information ? On est ainsi entré dans un monde de journalisme horizontal, deréseaux. Mais cette évolution n'est pas forcément la plus pertinente pour recréer la confiancedans nos sociétés. En effet, l'individualisme est tout sauf un vecteur de confiance. C'est unvéritable choix de société qui se présente à présent devant nous.

De réelles évolutions ont affecté nos sociétés, et par là même nos démocraties. Auvu de ces changements, une réflexion semble intéressante à mener sur les pistes pouraméliorer la gouvernance européenne.

85 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?. Information polity, IOS Press, 2006/11, p. 10986 Voir Annexe 2.387 QUERE, L. (2005). Les « dispositifs de confiance » dans l'espace public. Réseaux, 2005/4, no. 132, p. 215.88 Voir Annexe 2.4

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2. Vers une meilleure gouvernance européenneL'Union européenne se base aujourd'hui sur les principes de bonne gouvernance pourmener son action démocratique. Le programme des Nations Unies pour le développementdéfinit le principe de bonne gouvernance comme « un sous-ensemble de la gouvernance,où les ressources publiques et les problèmes sont gérés de façon efficace, efficiente eten réponse aux besoins essentiels de la société. Les formes efficaces de gouvernancedémocratique reposent sur la participation du public, la responsabilité et la transparence »89.L'Union européenne a peut être eu tort de tout miser sur la transparence. Certes, c'est lemoyen le plus facile à mettre en œuvre, mais les questions de la légitimité et de la confiancesont complexes. Elles nécessitent qu'on y réponde de manière complète.

Premièrement, nous verrons qu'institutionnaliser les mécanismes de méfiance n'estpas forcément contraire au fait de restaurer la confiance dans les institutions. Au contraire,un contrôle démocratique mené de manière responsable et utilisant la transparence poury parvenir est tout à fait à même de crédibiliser les institutions européennes. Puis, lesquestions de la participation et de la responsabilité politique seront abordées, le débat sur latransparence ayant un peu masqué l'importance que ces deux principes peuvent égalementrevêtir.

a. Institutionnaliser la méfianceLa méfiance contrairement à la confiance est donc plus aisée à institutionnaliser. Laconfiance se définit en quelque sorte en négatif : elle n'est possible que lorsque lesprincipales raisons de se méfier ont été écartées. Il ne faut donc pas considérer la méfiancecomme un problème, au contraire c'est son existence qui donne toute sa valeur à laconfiance. De même, on ne saurait apprécier l'importance de la paix sans connaître lesaffres de la guerre.

La « contre-démocratie »

Pour reprendre les termes de Kenneth Arrow, la confiance est une « institution invisible »90,c'est-à-dire qu'elle codifie et régule les relations entre les individus. Nous l'avons vu, laconfiance permet tout d'abord de renforcer la légitimité sociale des institutions européennesmais permet également d'économiser des mécanismes de vérification et d'évaluation. HervéSerieyx rapporte l'exemple de l'après 11 septembre : les processus de vérification dans lesaéroports ont augmenté entrainant à la fois une attente plus longue pour les passagers etune augmentation du coût salarial91. Tout ces frais ont été engendrés pour une questionde confiance.

Le concept de contre-démocratie, comme l'explique Pierre Rosanvallon, n'est pasl'opposé de la démocratie : « c'est plutôt la forme de démocratie qui contrarie l'autre, ladémocratie des pouvoirs indirects disséminés dans le corps social, la démocratie de la

89 UNDP, (1997). « Reconceptualising Governance », Discussion paper 2, Management Development and Governance Division,UNPD. New York, 1997, p.990 ARROW, K. J. (1974). The Limits of Organization. New York : Norton. 86 p.91 SERIEYX, H. (2009). Confiance mode d'emploi. Paris : Maxima. p. 45

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défiance organisée face à la démocratie de la légitimité électorale »92. C'est en fait uneorganisation cohérente des « dispositifs de confiance ».

Organiser cette contre-démocratie est aujourd'hui essentiel pour conserver le lien socialentre les citoyens. La défiance n'est pas le contraire de la confiance. Pierre Rosanvallonpropose justement d'institutionnaliser cette défiance pour la transformer en méfiance active,attitude visant à veiller au bon fonctionnement des institutions. Une surveillance active etreconnue des institutions européennes, permettrait de les recrédibiliser, de prouver auxcitoyens qu'elles sont fiables. La transparence peut bien entendu jouer un rôle important : latransmission d'informations permettra de faciliter les enquêtes publiques. C'est ce contrôlepar des dispositifs de confiance qui permet de vérifier que les institutions respectent bienleurs idées normatives. En effet, « u ne discussion critique non contrainte dans l'espacepublic (garantie par des droits) est la forme de " méfiance " institutionnalisée qui estcruciale pour maintenir la confiance, la croyance dans la légitimité, dans les démocratiesconstitutionnelles »93. Dennis Thompson ajoute même que « nous ne devrions faireconfiance à nos institutions que si quelqu'un, à l'intérieur de ces institutions, se méfie de leursdirigeants »94. Des citoyens qui savent que leurs institutions sont soumises régulièrement àla critique, vont avoir plus confiance en elle, et cela même si de temps en temps, certainsscandales éclatent. Cela prouverait que les contre-pouvoirs fonctionnent correctement.

Braithwaite dit ainsi que l'institutionnalisation de la méfiance nourrit la confiance :« Institutionnaliser la méfiance ne signifie pas cultiver la méfiance vis à vis des institutions ;cela veut dire mettre en œuvre des principes solides dans le design des institutionspermettant à certaines de contrôler le pouvoir des autres »95. Ainsi la méfiance demeure enarrière plan et la confiance émerge sur le devant de la scène. « Une façon d'institutionnaliserla méfiance est de faire contrôler le pouvoir d'une institution forte par d'autres institutionsfortes »96

Pour la responsabilité du contrôleLa culture de suspicion est un phénomène qui s'auto-entretient. A partir du momentoù quelqu'un commence à se méfier, le doute se propage à toute la société. Sil'Union européenne et les démocraties européennes en général ne peuvent empêcher cecomportement méfiant vis-à-vis des institutions, il est nécessaire de mettre en place desmécanismes qui empêchent que la méfiance ne prenne le dessus.

Il est essentiel que les dispositifs de confiance soient recrédibilisés. La transparenceseule ne peut restaurer la confiance. Ce n'est pas parce que nous croulons sous une massed'informations que nous faisons confiance, mais bien parce que nous pouvons relier uneinformation spécifique à une source spécifique dont la crédibilité et la fiabilité peuvent êtrevérifiées. Cette recrédibilisation des dispositifs passe par une responsabilité du contrôle.

92 ROSANVALLON, P. (2006). La contre-démocratie. La politique à l'âge de la défiance. Paris : Seuil. p. 1693 COHEN, J.,(1999). Trust, volontary association and workable democracy. IN Warren, M. (ed.), Democracy and trust,

Cambridge : Cambridge University Press, p. 208-24894 THOMPSON, D. (2008). A la recherche d'une responsabilité du contrôle. Revue française de science politique, 2008/6,

vol. 58, p. 93795 BRAITHWAITE, J., (1998). Institutionalizing Distrut, Enculturating Trust. In Braitwaite V, Levi, M., (ed.), T rust and

Governance. New York : Russell Sage Foundation. p. 14396 Ibid., p. 358

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Le grand problème de la contre-démocratie, c'est qu'à force de remettre en causel'action des gouvernants, elle finit par détériorer cette dernière. En effet, un cercle vicieuxse met en place : moins les hommes politiques sont soutenus par la population, plus ilsvont diminuer l'ampleur de leur action pour éviter tout rejet futur des mesures prises. Maisà ce moment là, une nouvelle vague de contestation de la part des citoyens va arriver enraison du manque de résultats de la part des politiques engagées. Perdant une fois de plusle soutien de ses électeurs, l'homme politique va encore plus standardiser son action etainsi de suite. Dans une société de défiance, le risque est dans la perte de substance desmesures. Il est donc primordial d'exercer les contrôles démocratiques avec responsabilité.

D'autre part, Onora O'Neil rappelle qu'il est aussi nécessaire de renforcer le pouvoirde sanction à l'égard du dispositif de confiance qui abuse de la confiance des citoyens,comme dans le cas des médias, par exemple : « Nous aurons également besoin dedévelopper une culture civique plus forte, dans laquelle la publication d'information fausse,la désinformation, ainsi que le fait d'écrire sans que l'on puisse vérifier les sources, soitlimités et sanctionnés »97. Une presse libre ne peut être et ne devrait être qu'une presseresponsable.

Renforcer l'institutionnalisation de la méfiance est tout sauf un frein à l'instauration dela confiance. Si les procédures de contrôle prennent en compte la potentialité des acteursà faire des erreurs, c'est au contraire pour mieux prévenir les travers de la nature humaine.En prévenant les problèmes par une vigilance active, on évite le scandale et ménage laconfiance des citoyens. Rester méfiant vis à vis des acteurs ne signifie pas accuser lesacteurs et les considérer comme fautifs a priori. « Le contrôle est destiné à empêcher quela confiance ne soit trahie »98. Mais pour cela il faut que les dispositifs de confiance soitcrédibles, ils doivent donc eux aussi se soumettre au standard d'accountability. N'oublionspas que le contraire de la confiance n'est pas la défiance ou la méfiance, c'est l'absencede confiance.

b. Repenser le fonctionnement de la gouvernance européenneLa transparence n'est pas le seul principe de bonne gouvernance. La question de laparticipation doit également être abordée ainsi que celle de la responsabilité politique.

Reconsidérer la participationLa méfiance activée par les mécanismes de transparence peut comme il a été vu dans laseconde partie de ce travail, se transformer en défiance, lorsque l'autorité des institutions estremise en question. En effet, la confiance dans les institutions est une soumission volontaireà une autorité qui est considérée comme compétente et œuvrant pour le bien commun.

Mais, la défiance n'a pas provoqué une dépolitisation des citoyens. Les formes departicipation dites non conventionnelles sont en pleine expansion, ce qui tranche avec lephénomène de délaissement des urnes. On assiste non pas à un déclin mais à une mutationde la citoyenneté. Il semblerait que l'on soit dans une véritable attente de l'amélioration dela légitimité par les procédures.

Il faut néanmoins veiller à ce que la participation non maitrisée favorisée par latransparence ne dérape pas. La transparence a pour objectif de favoriser la participation.

97 O'NEILL, O. (2002). « Licence to Deceive ». In. A question of Trust [mp3 en ligne]. Reith Lectures. Londres : BBC.98 THOMPSON, D. (2008). A la recherche d'une responsabilité du contrôle, op. cit., p 947

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Cependant influencé par l'individualisme croissant, c'est la confiance décidée qui estfavorisée: une partie des citoyens va s'auto-proclamer défenseur du bien commun au niveaulocal, alors qu'en réalité ils ne représentent que leurs intérêts particuliers. Cette situationva aboutir à une tension entre gouvernants et gouvernés, liée à une incompréhension. Lesfonctionnaires représentent et défendent l'intérêt général avant les intérêts particuliers. Dece fait leurs décisions ne sont pas toujours acceptées par la population. Les mécanismes detransparence mis en place pour restaurer la confiance, et les mécanismes de participationlocale mis en place pour améliorer la légitimité de l'Union européenne, font passer laquestion d'un monde objectivé (au service de l'intérêt général) à un monde désobjectivé etpersonnalisé.

Ainsi, il faut être vigilant car associer participation locale et mécanisme de transparencea pour effet de modifier le rapport entre gouvernants et gouvernés. On ne sera plus dansun contexte de confiance dans des institutions, mais de confiance interpersonnelle si lelien entre les participants et les fonctionnaires est personnifié. La démocratie-participativeest donc un moyen de rapprocher les citoyens des autorités, mais à quel risque ? Il estnécessaire que les dispositifs de confiance continuent de jouer leur rôle, sinon ce sont lesprincipes de déférence et de non-interférence qui seront remis en cause par la population.Si on désobjectivise le travail des fonctionnaires et des gouvernants, on remet en questionleur compétence et leur intérêt à travailler pour le bien commun. Il en résulterait alors uneparalysie du système.

Si les médias ne font rien pour redevenir des dispositifs de confiance crédibles, ilapparaîtrait au contraire que la société civile se montrerait de plus en plus active dansles domaines de participation non-conventionnelle. On ressent une véritable volonté des'associer aux prises de décision.

L'Union européenne a bien compris cette volonté. Les lobbies, ONG et autres thinktanks sont de plus en plus associés aux procédures de décision dans les politiqueseuropéennes. Ces nouveaux acteurs pourraient endosser le rôle de médiation abandonnépar les médias. Néanmoins, un véritable travail doit encore être fait, pour que cesorganisations se fassent connaître du grand public, qu'elles gagnent sa confiance afind'être totalement légitimes dans leur action. La transparence peut y aider. Dans ce type desystème pluraliste, l'intérêt général découle de l'agrégation des intérêts particuliers. Dansdes systèmes démocratiques larges, une vraie démocratie participative au sens où chaquecitoyen peut participer paraît peu réalisable. Le risque de tomber dans du populisme estprésent. En effet, la suppression de tous les modes de médiation et la quête d'un contactdirect, d'une proximité et d'une transparence parfaite est typique du populisme. Le dangerest d'autant plus grand, que ce genre d'idéologie s'installe aisément lors d'une crise delégitimité. La société civile se révèle être la meilleure solution aujourd'hui pour faire remonterde manière organisée les attentes des citoyens auprès des institutions européennes.

La responsabilité politique des dirigeants : resymboliser l'EuropeAujourd'hui, beaucoup de personnes ont le sentiment d'être dans une société sans projet.Petit à petit, notre société s'atomise. La crise de confiance vient de la perte des idéesnormatives qui sont le ciment social de notre société.

Or le respect de ces idées normatives est fondamental pour que la confiance règnedans un système. Le schéma suivant le montre :

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Si les institutions faillent à transmettre leur idée normative, elles cessent de faire senspour les citoyens. Comme on peut l'observer ce n'est pas tant l'évaluation positive ounégative de la performance politique qui compte dans l'émergence de la confiance que laconformité des institutions à ses idées normatives. Dans le cas d'institutions qui respectentleurs valeurs, une évaluation négative de l'action publique aura pour conséquence la critiquede la population, la méfiance ne se développera pas. Toutefois, pour une institution qui nerespecte pas ses idées normatives, même si l'évaluation de son action est jugée positivepar la population, la défiance institutionnelle s'installera. Le projet européen, de tout misersur la transparence afin d'améliorer la légitimité par les résultats n'a donc pas de sens. Uneévaluation positive des résultats des politiques mises en œuvre n'est pas suffisante pourinstaurer la confiance.

En Europe, le problème vient peut-être du fait que l'on a construit un espacedémocratique, un espace de régulation, mais pas un véritable espace politique. Sans doute,une ambition plus modeste aurait évité les frustrations en raison des promesses qui n'ontpas été tenues. C'est une crise de responsabilité politique à laquelle l'Union européennefait face aujourd'hui.

« La perspective de la transparence se substitue dorénavant à un exercice de laresponsabilité que l'on a désespéré de pouvoir organiser ; elle accompagne unesorte d'abandon des objectifs proprement politiques au profit de la valorisationde qualités physiques et morales. Les questions de la transparence et de la luttecontre ce qui y fait obstacle commandent désormais une attention citoyennedésabusée. Une véritable idéologie de la transparence s'est ainsi peu à peuérigée en lieu et place de l'idéal démocratique de production d'un mondecommun »100.

Cette perte de sens, cette absence de valeurs fédératrices est aujourd'hui le véritableproblème auquel l'Union européenne devrait faire face. Sa quête de transparence a peu àpeu remplacé cette recherche de sens politique. Cela a été un moyen de reconstruire uneidée normative de substitution, qui a été à même d'unir les citoyens derrière un nouveaumot d'ordre. Curtin et Meijer expliquent que ces dernières années, « la rhétorique de latransparence dans l'Union européenne a été importante pour mobiliser les gens et faire queles choses changent »101. Ces dernières années, la transparence a donc fait office d'idéenormative pour l'Union européenne, elle s'est transformée en mythe, au risque de vider lepolitique de toute sa substance.

« La transparence ne deviendrait-elle pas la vertu suprême, sinon l'unique vertud'une société qui n'en porterait plus d'autres ? Le déclin des religions, despassions nationales, des idéologies et des vertus qu'elles prétendaient porter,n'aurait-il pas finalement servi la vérité, devenue comme la bouée de sauvetaged'une morale dans de vieilles démocraties trop secouées par l'histoire ?102

99 BALME, R., MARIE, J-L., ROZENBERG, O. (2003). Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique. Revue internationale

de politique comparée, vol. 10, no. 3, p. 433-461.100 ROSANVALLON, P. (2006). La contre-démocratie. La politique à l'âge de la défiance, op. cit., p. 262101 CURTIN, D., MEIJER, A.J. (2006). Does transparency strengthen legitimacy ?, op. cit., p. 120102 BREDIN, J-D. (2001). Secret, transparence et démocratie. Pouvoirs, 2001/2, no. 97, p. 11

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Paul Magnette explique ce problème par le fait que l'Union européenne est un systèmepolitique hybride et relativement récent qui n'a pas encore pu dégager un modèle deresponsabilité adapté à ses spécificités. Pour lui, « les principes de transparence et demotivation, les recours ouverts aux particuliers, peuvent compléter les formes classiquesde responsabilité politique et en intensifier la portée, ils ne peuvent s'y substituer »103. Ilest nécessaire à présent de clarifier le partage des responsabilités au sein de l'Union, etde resymboliser son action. Un traité constitutionnel aurait pu être d'une grande aide danscette réforme.

Il n'existe pas de remède miracle : seul le temps, les habitudes, les pratiques et le vivreensemble pourront à terme renforcer cette identité collective et ainsi restaurer la confiancedans les institutions européennes et renforcer la légitimité de l'Union européenne. « Lapolitique doit retrouver du sens. Elle doit renoncer à l'apparence »104

103 MAGNETTE, P. (2006). Contrôler l'Europe, Pouvoirs et Responsabilité dans l'Union européenne. Paris : L'Harmattan. p. 158104 SEGUIN, P. (2002). La politique a-t-elle encore un sens ? In : Treffel, F., La confiance en questions. Paris : Chiron. p. 130

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Conclusion

Ce mémoire s'est attaché à faire le bilan de la stratégie de transparence dansla gouvernance européenne. Les conséquences de cette politique ont de multiplesrépercussions. La recherche de la transparence participe à un mouvement dedémocratisation des sociétés, mais peut aussi se révéler sournoise : en effet, certains excèspeuvent provoquer une détérioration de l'efficacité et de l'efficience des institutions, maisaussi engendrer un sentiment de défiance de la population vis-à-vis des institutions. Ensomme, une politique de transparence peut se révéler contraire aux objectifs définis a priori :à savoir, restaurer le lien de confiance entre la population européenne et les institutionsainsi qu'améliorer la légitimité du système. Le principe de transparence est donc moins clairqu'il n'y paraît. « La transparence n'est pas si limpide »105 dirait Pascale Weil. Comprendreles tenants et les aboutissants de ce principe permet de mieux aborder les problèmes quipeuvent en résulter.

Les notions de confiance et de légitimité sont également complexes. Les responsableseuropéens ont succombé à l'illusion de croire que la transparence serait la solution simpleet idéale. Par ailleurs, de nombreuses évolutions ont modifié en profondeur notre rapportà la démocratie. Sous l'effet du libéralisme, nous assistons à un individualisme croissantet à un changement dans le rôle médiateur des médias. La manière dont nous accordonsnotre confiance aux gouvernants et aux institutions s'en est trouvée modifiée. Restaurerla confiance et la légitimité de l'Union européenne n'est pas qu'une simple questiond'informations à rendre publiques. Pour une meilleur gouvernance se posent également lesquestions de la participation et d'une véritable responsabilité politique.

L'Union européenne ne doit pas confondre la recherche de transparence avec unelutte contre le secret. La transparence des procédures, des débats est une bonne chose,lorsque les principes de déférence et de non-interférence en matière de contrôle sontrespectés. Une institution qui n'autoriserait pas la publication d'un document, ne devrait pasautomatiquement être jugée coupable par défaut. Hannah Arendt disait à juste titre « où lesecret commence, commence le pouvoir réel »106. Si la stratégie de l'Union européenne avraiment comme finalité d'accroitre l'efficacité et l'efficience de ses services, il ne faudraitpas négliger l'importance que le secret peut revêtir, sans pour autant instaurer des pratiquesnon démocratiques. Tout ne peut pas être dit, au risque de voir notre capacité à vivre ensociété compromise. Imaginer un monde, où tout le monde pourrait savoir avec précisiontout ce que les autres pensent ne rendrait plus aucun lien de confiance possible. Le secretpeut donc être protecteur des libertés. La justice avec le secret de l'instruction est un trèsbon exemple. Il faut donc ouvrir nos sociétés à la transparence, mais également garder uneplace pour le secret.

A l'avenir, l'Union européenne aura à se concentrer sur le fait de redonner du sensà l'Europe et à l'intérêt général qu'elle défend. Les théories pluralistes anglo-saxonesmettent en avant que l'intérêt général découle de l'accumulation des intérêts particuliers.Malheureusement, force est de constater que seule une minorité de la population participe

105 WEIL, P. (1994). La mythologie de la transparence. Humanisme et Entreprise, n° 56, p. 118106 ARENDT, H. (1972). Le Système totalitaire. Paris : Seuil, p. 134

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Conclusion

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aux procédures mises en place pour influer sur les prises de décision. La société civile exclutde fait toutes les personnes qui ne s'impliquent pas et ne sont donc pas politisées. L'intérêtgénéral ne peut donc exclusivement découler de l'accumulation des intérêts particuliers,si une partie non négligeable des intérêts particuliers n'est pas relayée au niveau desinstitutions européennes. C'est là aussi le rôle des responsables politiques de prendreen compte les intérêts de la globalité de la population. Il ne s'agit pas de tenir compteuniquement de ceux qui sont le mieux organisés, qui manifestent le plus fort, ou qui ontle plus de moyens financiers pour défendre leurs intérêts auprès de la Commission. Unemeilleure appréhension du principe d'intérêt général au niveau européen contribuera àl'amélioration de l'image de l'Union. N'oublions pas que la légitimité des institutions se fondeà la fois sur le droit, mais également sur l'équité et la justice.

Enfin, le rôle des responsables politiques est également de mettre en perspective lesactions de l'Union européenne. La transparence ne véhicule pas le sens, simplement del'information. C'est le rôle des hommes politiques que de recontextualiser leur action, desituer les enjeux et de les prioriser. L'Union européenne doit éviter de tomber dans une"démocratie de l'immédiateté" comme la nomme Condorcet. Aujourd'hui l'Union européenneest surtout vue comme un espace de régulation. Or la régulation n'intègre pas dans sesobjectifs la construction d'une identité commune, le développement d'un sens à l'actioncollective.

Pierre Rosanvallon appelle à sortir de la "myopie démocratique" de nos sociétés. Ilfaut réhabiliter la notion de long terme dans le fonctionnement de nos sociétés. L'Unioneuropéenne doit mettre en place des espaces d'expression des intérêts sur le long terme,réinscrire dans la durée ses politiques, et redonner du sens à son action.

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Annexes

Annexe 1 : Extraits Eurobaromètre 72Étude réalisée par la Commission européenne à l'automne 2009. Disponible sur :

<http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb72/eb72_fr.htm>

Annexe 1.1 :

Annexe 1.2 :

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Annexes

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Annexe 1.3 :

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Annexe 1.4 :

Annexe 2 : Extraits Étude CEVIPOFÉtude réalisée par TNS Sofres pour le CEVIPOF Sciences-Po Paris, publiée le 15 janvier2010. Disponible sur : <http://www.tns-sofres.com/_assets/files/2010.01.15-confiance-politique.pdf>

Annexes 2.1, 2.2, 2.3, 2.4 issues du "rapport de résultat", annexe 2.5 issue des"résultats principaux"

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Annexes

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Annexe 2.1 :

Annexe 2.2 :

Annexe 2.3 :

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Annexe 2.4 :

Annexe 2.5 :

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Résumé

Ce mémoire a pour but d'analyser l'efficacité de la stratégie de transparence mise en placepar l'Union européenne pour réinstaurer la confiance en ses institutions et relégitimer sonaction.

Dans un premier temps, seront analysés les concepts de confiance et de légitimité.Puis, seront discutés, les effets positifs et négatifs que peut avoir la politique de transparencesur les questions de la confiance et de la légitimité. Enfin, d'autres voies possibles serontétudiées et mises en relation avec le concept de transparence.

Mots-clefs :Transparence, Confiance, Légitimité, Union européenne, Gouvernance