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UNIVERSITÉ LYON 2Année 2006/2007 Institut d'Etudes Politiques de Lyon La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006] Loréline GOUDARD Séminaire Histoire politique des XIXe et XXe siècles Sous la direction de Bruno BENOIT Soutenu le 5 septembre 2007 Jury : Bruno BENOIT et Franck SCHERRER

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UNIVERSITÉ LYON 2Année 2006/2007 Institut d'Etudes Politiques de Lyon

La fête du 8 décembre à Lyon : nouveaumarqueur d’enjeux d’une métropole[1999-2006]

Loréline GOUDARDSéminaire Histoire politique des XIXe et XXe siècles

Sous la direction de Bruno BENOITSoutenu le 5 septembre 2007

Jury : Bruno BENOIT et Franck SCHERRER

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Table des matièresRemerciements . . 4Introduction : aux origines du 8 décembre . . 5Première partie : Lumières sur le 8 décembre « nouvelle génération » . . 11

1. Du « Festival Lyon Lumière » à « Lyon 8 décembre - Fête des Lumières » . . 12a. Les années Barre ou la mise en place des lumineuses idées Noir . . 12b. Les années Collomb : pérennisation et avancées . . 14

2. Regards sur huit années lumières . . 18a. Ce que le discours institutionnel nous révèle . . 18b. Le temps du bilan . . 20

Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives . . 231. La fête des lumières entre questions d’urbanisme et soucis de rayonnement . . 23

a. Lyon l’allumée : de l’usage politique de la lumière . . 23b. Briller pour mieux rayonner . . 29

2. Que reste t-il du 8 décembre ? . . 30a. Quelle place pour l’église ? . . 30b. Le 8 décembre au cœur du débat politique local . . 32

Conclusion . . 35Bibliographie . . 37

Ouvrages . . 37Livres de photographies . . 37Articles de presse . . 37

Le Progrès . . 38Lyon Figaro . . 38Libération . . 38Divers . . 38

Magazines Municipaux de la Ville de Lyon . . 39ANNEXES . . 40

Annexe I : Chronologie du Culte marial à Lyon : Dates clés pour la dévotionlyonnaise . . 40Annexe II : Chronologie de la Lumière à Lyon . . 40Annexe III : L’armature du nouveau plan lumière . . 41Annexe IV : Les réflexions lumières . . 41Annexe V : Délibération du conseil municipal de Lyon . . 43TABLEAU . . 44GRAPHIQUES . . 44

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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RemerciementsMerci tout d’abord à celui qui éclaire ma vie, Thomas, pour son aide lors du traitement statistiquedes programmes des festivités, pour la mise en page des annexes et la relecture globale de cemémoire. Mais aussi et surtout pour son soutien dans les moments de décrépitude, pour sonempathie et son intelligence. Je lui dois beaucoup et ne l’oublierai pas.

Merci ensuite à Luciole, dont l’éclat et le pétillement ne résident pas que dans son nom, pourson aide lors de la correction orthographique.

Merci enfin à Bruno Benoît qui a dirigé ce mémoire et illuminé de sa bienveillance mesquatre années passées à l’IEP. Je tiens à lui témoigner aujourd’hui toute ma reconnaissance poursa gentillesse, sa patience et ses conseils éclairés.

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Introduction : aux origines du 8 décembre

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Introduction : aux origines du 8décembre

La célébration du 8 décembre à Lyon est unique par les conditions de son apparition et sanature à polariser les enjeux qui se sont tour à tour affirmés dans l’histoire locale et nationale.

Ainsi, l’évolution de la fête est intimement liée à celle des contextes religieux, politiqueset sociaux qu’elle a traversés, scandant le temps et se faisant chaque année depuis 1852,témoin des époques, des pouvoirs et des populations qui la perpétuent.

Les perspectives de recherches sont nombreuses quant à cette mutation considérablede l’appropriation de la fête par les Lyonnais. Chaque phase de cette évolution vient éclaircirun point précis de notre passé commun, nous livrant de précieuses indications sur une villequi a trouvé malgré elle un symbole : celui de milliers de lumignons éclairant son hiverdepuis maintenant 154 ans.

Comprendre le 8 décembre d’aujourd’hui nécessite que l’on s’intéresse à ce qui en faitl’essence même depuis ses origines. Il est frappant de remarquer qu’à chaque époque, lacélébration a fait l’objet de luttes pour sa défense ou sa mise en œuvre.

C’est pourquoi il est essentiel de se pencher sur l’histoire de cette fête et son contexted’apparition afin d’ouvrir quelques fenêtres sur les enjeux dont elle a pu être l’objet et surles inflexions qui ont conduit à ses contours actuels.

En juin 1850, suite à la décision de reconstruire le clocher de la chapelle de NotreDame de Fourvière, un concours est ouvert pour la création d’une statue monumentale dela Vierge qui viendrait coiffer le clocher restauré.

Le 10 juin 1851, ce concours est remporté par le sculpteur lyonnais Fabisch. Un an plustard, l’esquisse de la statue est achevée et la date du 8 septembre 1852 est choisie pourson inauguration. Cette date, dans le calendrier liturgique chrétien, est celle de la Nativité dela Vierge mais surtout, elle fait mémoire du 8 septembre 1643, date à laquelle les échevinsde Lyon ont voué leur cité à la Vierge Marie pour qu’elle les protège de la peste1.

Toutefois, ce programme ne pourra être respecté. En août 1852, la Saône sort de sonlit et envahit les chantiers où l’on travaille à la fonte de la statue. L’inauguration est doncreportée au 8 décembre.

Les journaux annoncent alors le programme de la soirée : la statue et l’église serontilluminées par des lampions tandis que des feux de Bengale seront allumés sur le clocherà partir de 19 heures. Ils signalent également qu’un grand nombre de personnes sepropose d’illuminer les façades de leurs habitations. Cependant, le mauvais temps va denouveau contrarier l’ordonnancement prévu. Le maître des cérémonies décide de reporterles réjouissances nocturnes au dimanche 12 décembre.

1 Le vœu des échevins est un élément primordial de l’histoire locale pouvant être vu comme un symbole de paix entre lesautorités politiques et religieuses, unies dans le but de sauver la ville d’un nouveau fléau.

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Or, au cours de la soirée, le ciel se dégage et malgré le contrordre officiel, lesilluminations commencent et ne cessent de s’amplifier. Les autorités religieuses suiventalors le mouvement et la chapelle de Fourvière apparaît dans la nuit.

La fête est née en ce 8 décembre 1852, marquée par l’enthousiasme populaire, endépit des circonstances climatiques défavorables.

Le 8 décembre est une fête populaire, porteuse d’une puissance symbolique mettanten perspective toute une sociologie ainsi que des systèmes de représentations alors reliésentre eux dans la force de l’événement. Afin de comprendre cet événement, il convient dese pencher sur les circonstances à l’origine de la mobilisation de toute une ville.

Une des raisons de ce succès tient dans le contexte religieux très favorable à l’époque.Le Concordat de Messidor du 15 juillet 1801 d’une part, où les intérêts de l’Eglise se lientdésormais à ceux de la patrie toute entière ; au niveau de l’éducation d’autre part, avecla loi Guizot de 1831 et la loi Falloux de 1850 qui renforcent la place de l’enseignementreligieux dans le pays.

A Lyon, cette religiosité est particulièrement présente. En effet, l’historiographiereligieuse du XIXe siècle considère le diocèse de Lyon comme l’un des plus importantdu pays dans le regain de piété que connaît alors la France post-révolutionnaire. Il fautajouter que le diocèse est très riche puisqu’il a su tirer profit des retombées économiquesde la soie. Cet aspect financier est pour beaucoup dans la forte implantation des ordresreligieux dans le tissu urbain et la valorisation toute particulière du patrimoine sacré. Lescongrégations lyonnaises, quant à elles, sont en pleine expansion, comme en témoignecelle de « La propagation de la foi » crée en 1822 par Pauline Jaricot.Il faut égalementrappeler que le culte marial est présent à Lyon depuis l’Antiquité, lorsque Saint Pothin y ainstauré cette dévotion. L’ornement de la chapelle de Fourvière d’une statue monumentaleest une traduction architecturale de cette logique de pérennisation de l’élan de la foi. Onpeut voir ici une nette volonté du clergé lyonnais de faire de la primatie des Gaules un centremondial de la dévotion mariale et de s’imposer ainsi, plus généralement, comme le relaisde Rome en France.

Dans un schéma de concurrence vis-à-vis de Paris, c’est aussi faire de Lyon la capitale

religieuse à défaut d’être la capitale politique. A la fin du XIXe siècle, l’Eglise a pour objectifde faire oublier les affres de la Révolution.

En 1852, année du premier 8 décembre, Lyon n’est pas sous la tutelle d’un maire maissous celle du Préfet du Rhône Claude-Marius Vaïsse. Cette même année, Napoléon IIIdevient Empereur des Français. Ce dernier s’illustre dans une conception pragmatique quiconsidère l’Eglise comme une alliée en sa qualité de régulatrice morale et de garante del’ordre social. En effet, il y a là un intérêt stratégique que d’entretenir de bonnes relationsavec l’Eglise afin de faire accepter l’Empire. Outre l’utilité sociale du clergé, Napoléoncherchait à rallier l’électorat légitimiste en tentant de réduire l’influence révolutionnaire ànéant.

C’est dans ce contexte national, où Lyon a acquise une réputation de ville agitée2, qu’ilfaut considérer l’histoire locale. Pour satisfaire ses partisans locaux et faire oublier la perted’autonomie municipale, le préfet Vaïsse décrète en 1852 que les trois faubourgs de Vaise,de la Guillotière et de la Croix Rousse, berceaux à la fois des violences collectives et dela production industrielle lyonnaise, seront rattachés à Lyon. A cette nouvelle géographie,

2 Notamment par sa défiance envers le pouvoir jacobin de la Convention en 1793 où est décrété que « Lyon n’est plus » ouencore à travers la révolte des canuts de 1831.

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Introduction : aux origines du 8 décembre

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s’ajoutent les grands travaux de rénovation des rues avec notamment la percée des grandesartères3 dont la Rue la République –à l’époque Rue Impériale- en est l’exemple le plusmanifeste.

Il est frappant de voir que le premier 8 décembre intervient dans un contexte de ruptureavec la Révolution, les violences collectives qui l’ont suivie et le retour à l’Empire. Mais c’estaussi l’année où Lyon change profondément de visage urbanistique et élargit ses limitesgéographiques. La construction et l'aménagement de l'espace public sont une fonctionmajeure du politique, puisqu'il s'agit de faire du territoire un espace symbolique, porteur desreprésentations de l'identité politique de la ville. En réaménageant et en reconstruisant, lepouvoir se donne à lire et à voir dans les formes d’un espace nouveau. Ainsi, en 1852 Lyonse donne une nouvelle identité par son aménagement urbain en même temps que naît unefête, qui dans le temps long, en deviendra le symbole.

Après avoir considéré le contexte religieux et politique de l’apparition de la fête, ilconvient maintenant de s’intéresser aux origines de la tradition des illuminations.

Sous l’ancien régime, les illuminations étaient pratiques courantes voire obligatoireslors des entrées royales4 dansT les villes ou lors des réjouissances. Elles servaient avanttout d’éclairage public et de moyen de sécurisation pour les habitants.

L’éclairage public par lanternes munies de chandelles débute à la fin du XVIIe siècle etc’est seulement en 1766 que des réverbères commencent à remplacer les lanternes.

Parce que l’éclairage est une affaire de sécurité publique, les lieutenants générauxde police pouvaient dresser des procès-verbaux aux contrevenants « Ce qui assuraitdu même coup un élan massif de la population à manifester sa joie » comme ledit ironiquement Maurice Chambost, dans son ouvrage Des coutumes populaires auxilluminations lyonnaises du 8 décembre .

L’éclairage public au gaz réduit progressivement ce type d’illumination et lui confèrealors un vrai rôle festif. Par leur ampleur, ou au contraire leur manque d’éclat, lesilluminations deviennent un reflet plus fidèle de l’opinion. On n’est alors plus contraintd’illuminer pour encenser le pouvoir, c’est désormais un choix libre et sans contrainte, leplus souvent pour exprimer sa joie.

C’est précisément dans ce contexte qu’interviennent des illuminations comme cellesdu 8 décembre. En une soirée, la petite flamme a perdu son caractère civil et a acquis soncaractère religieux, voire sa spécificité mariale. C’est aussi pour cela que le 8 décembrelyonnais est unique.

Après le premier 8 décembre, les journaux catholiques5 de l’époque ont contribuéà définir les contours identitaires de la fête en lui donnant quatre caractéristiques : laspontanéité, l’universalité, la magnificence et enfin la sacralité.

En ce qui concerne la spontanéité, la célébration est présentée comme un événementinattendu compte tenu du report officiel des illuminations. Ce trait est un véritable pilier du8 décembre, en ce qu’il légitime le caractère populaire de la fête, en opposition avec lescélébrations officielles. C’est un élément central qui contribue à définir la nature même du8 décembre : il s’agit incontestablement de la fête du peuple et non de celle des autorités.

3 Bruno BENOIT et Roland SAUSSAC Histoire de Lyon des origines à 20054 Alors que des dalmatiens annonçaient les carrosses5 D’après les travaux de Jérôme CAVIGLIA dans son ouvrage Histoire du 8 décembre des origines à la séparation de l’église

et de l’Etat s’appuyant sur le journal catholique de l’époque « La gazette de Lyon »

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Le peuple s’est véritablement approprié cette fête et a tellement intégré cette occasion decélébrer qu’il ne se sent pas l’instrument, mais bien l’origine du projet. L’Eglise ne perdra lecontrôle qu’un temps avant de se réapproprier par la suite cet élan populaire.

L’Eglise veut revendiquer l’universalité du sentiment religieux qui passe outre lesdivisions sociales, matérielles et surtout politiques. Les journaux décrivent la fête commeun moment d’osmose social qui joue en faveur de la religion qui veut s’affirmer commepolarisateur moral, garant de l’unité et de la cohésion populaire, transcendant ainsi lesclivages traditionnels.

Les imprévus climatiques et le contrordre officiel vont servir à renforcer la magnificencede la fête et la force du sentiment religieux. La thématique de la lumière, quant à elle,donne une impression particulière de magie de la foi. Ceci répond aux nouvelles tendancescléricales qui prônent une religion plus festive et qui parle aux sens, notamment par l’émotionvisuelle, considérée comme vecteur de la beauté catholique.

Le caractère sacré et divin du 8 décembre est ainsi mis en exergue, le dégagement duciel étant vu comme une intervention de Marie. Cette idée apparaît dans le prolongementde la tradition mariale de la ville et de l’habitude prise par les Lyonnais de s’en remettre àla Vierge en cas de danger.6

Ces quatre piliers ont contribué à définir, à lancer et à perpétuer la tradition. Chaqueannée, le foisonnement se fera plus grand autour des festivités nocturnes et commedans toutes les fêtes populaires de l’époque, la dimension dominante, ici religieuse, estdédoublée par une manifestation sociale.

Dès 1853, la célébration touche des villes alentour comme Vienne, ou St Etienne ettémoigne de l’influence de la ville de Lyon et de la diffusion active de sa tradition marialedans son diocèse. Les années suivantes, dans les journaux catholiques, la fête porte le nomd’ « anniversaire du 8 décembre », ce qui prouve que l’on fête tout autant la significationdogmatique que l’élan de foi de 1852 et sa réalisation étonnante.

La fête apparaît alors comme une consécration après les tumultes post-révolutionnairesdont a souffert l’Eglise. Dès son origine, avec la commande de la statue, le 8 décembreest une politique culturelle orchestrée, dans le sens où elle rassure l’Eglise et lui donneune visibilité. L’initiative de l’Archevêque de Bonald de surplomber le clocher de Fourvièred’une statue monumentale de la Vierge, s’inscrit dans le désir du clergé de l’époque, dematérialiser la religiosité locale et de la pérenniser dans l’espace et le temps. L’ensemblede la ville étant tourné vers Fourvière, ce point central de l’horizon devient encore un peuplus, le lieu d’expression de cette religiosité.

Alors qu’à ses prémices la fête faisait l’objet d’une médiatisation, permettant àl’événement d’être entretenu, à partir de 1855, la célébration ne fait plus les gros titres,comme si elle était déjà considérée comme tradition. Ce changement classe la fête au rangdes rendez-vous à la fois publics et religieux. Le 8 décembre s’est imposé en quelquesannées seulement comme l’un des marqueurs identitaires les plus symboliques de touteune ville, au-delà du simple mouvement catholique.

Cette période de genèse s’est déroulée dans une atmosphère politique relativementpositive qui a incontestablement permis cette prise d’importance rapide et conséquente.Cependant, à partir du début des années 1860, cette entente entre l’Eglise et l’Empire,basée sur une simple adéquation d’intérêts se délite. S’esquissent alors des éléments derupture.

6 Voir annexe I p2 des annexes : Chronologie du Culte marial à Lyon

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Introduction : aux origines du 8 décembre

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L’élan de dévotion commence à s’essouffler et une partie des masses populaires serapproche des idéologies républicaines et anticléricales. Le coup de grâce est porté par lacampagne d’Italie de Napoléon III : la paix entre l’Eglise et l’Etat est rompue.

La ville de Lyon se retrouve alors écartelée entre deux schémas sociaux antinomiques :l’un basé sur le républicanisme et l’anticléricalisme et l’autre fondé sur les valeurstraditionnelles de la monarchie et de la religion. Dans cette lutte parfois sanglante, le 8décembre va devenir le théâtre d’expression de cette opposition où, comme le dit JérômeCaviglia, « vont s’affronter à la lumière des lumignons les zélateurs de Marie et ceux deMarianne ».

Après la proclamation de la République à Lyon le 3 septembre 1870 (avant Paris!) etla nomination, le 16 septembre 1870, du maire Louis Henon, figure locale emblématiquede l’opposition à l’Empire, Lyon se détache des intérêts catholiques et se tourne vers laRépublique. Des mesures sont prises par la municipalité lyonnaise pour limiter l’influencede l’Eglise. Le privilège des membres du clergé régulier les exemptant du service militaireest aboli, certains religieux sont expulsés de leurs locaux et les cortèges religieux (horsfunéraires) sont interdits. Mais 8 septembre et 8 décembre sont épargnés par ces mesuresrestrictives, certainement pour éviter un changement trop brusque dans les traditionspopulaires locales. Ainsi le 8 décembre 1870, l’Hôtel de Ville, véritable symbole du pouvoirmunicipal, est tout de même illuminé.

C’est aussi l’année de la première procession reliant St Jean à Fourvière. On peutvoir ici une référence à la promesse des échevins de 1643 qui engageait le corps politiquelyonnais à monter en procession à Fourvière une fois par an.

C’est également à partir des années 1870 que les programmes des festivités du 8décembre sont annoncés de plus en plus tôt, généralement dès la fin novembre, ce quitémoigne de l’enthousiasme intact qui précède la fête, même si cet élément tend à nuancerl’aspect spontané des premières éditions.

Après 1880 et l’instauration de la date du 14 juillet comme fête nationale, le 8 décembreest désormais vu comme vitrine et porte parole du mouvement catholique face à laRépublique. L’obscurité devient totale pour tous les édifices dépendants de la sphèrepublique. Les deux camps s’affrontent alors par fêtes interposées.

Dès le début du XXe siècle, les anticléricaux les plus convaincus prennent le chemin dela rue pour manifester leur rejet de la tradition religieuse du 8 décembre. Cette contestationatteint son paroxysme en 1903 lorsqu’un partisan catholique perd la vie au cours d’unaffrontement entre républicains et cléricaux.

Pourtant, les illuminations ne font pas toutes référence à une religiosité sans faille età un amour passionnel pour la Vierge, une partie d’entre elles s’apparentant à d’autresréférents plus proches de la tradition et des pratiques culturelles et identitaires. Ce typed’illuminations profanes peut être vu comme la volonté d’affirmer l’importance de la ville oude produire un lien social et d’embellir la cité.

C’est bien ce souci croissant d’esthétisme et de mise en lumière du patrimoinemonumental et historique de la ville qui conduira la fête à ce qu’elle est devenue aujourd’hui

Après cette période de trouble, la fête tombe peu à peu en désuétude, les deux guerresmondiales portant un coup à la tradition. En 1949, le Cardinal Gerlier tente de relancer lesilluminations mais les processions ne reprennent pas.

Il faut attendre 1989 et l’arrivée de Michel Noir à l’Hôtel de Ville pour que la fête changede symbolisme et devienne un instrument majeur de promotion de la ville par la municipalité

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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lyonnaise, parallèlement au Plan Lumière. Ce nouvel urbanisme a pour ambition de fairebriller Lyon sur la scène nationale et internationale et d’effacer cette couleur de charbondont parle Baudelaire7 , qui lui colle à la peau.

Les maires suivants, Raymond Barre puis Gérard Collomb, poursuivent l’effort touten respectant la caractéristique du 8 décembre lyonnais qui est la superposition desilluminations privées aux manifestations organisées par les pouvoirs publics. Le 8 décembre

1999, lors du 10e anniversaire du Plan Lumière, le premier « Festival Lyon Lumière » estlancé.

On voit donc que chaque célébration du 8 décembre véhicule un message, forgeune identité locale et contribue à définir les orientations générales de ses contemporains.L’éclairage des bâtiments ce soir-là se fait alors symbole d’un véritable combat politique etidéologique à toutes les échelles, qui prouve ô combien il y a à lire dans les effets lumineuxdu 8 décembre lyonnais.

C’est peut-être justement dans cette appropriation clivée de la fête, soit sacralisante,soit profane, que l’on peut comprendre la réalité de la célébration. Fête religieuse paressence, elle a connu une déviance sociale et identitaire qui en trouble jusqu'à aujourd’huil’aspect originel.

Il est primordial de garder en mémoire ces caractéristiques exprimées par le passé sil’on veut comprendre ce qu’est devenu le 8 décembre aujourd’hui. Ce mémoire porte enconséquence sur la période 1999-2006 car depuis 1999, le 8 décembre change de natureet s’inscrit au cœur du « Festival Lyon Lumière » qui devient « Lyon 8 décembre Fêtedes Lumières » en 2002. La fête inclus dès lors le week-end précédent ou suivant la datetraditionnelle du 8 décembre , elle prend de l’ampleur en même temps qu’elle se fait vitrinedu savoir-faire lyonnais en matière d’éclairage urbain.

Ainsi, peut-on se demander dans quelle mesure ce 8 décembre « nouvelle génération »se fait le marqueur, le polarisateur des nouveaux enjeux propres à la gouvernance d’unemétropole telle que Lyon.

Dans une première partie, nous tenterons de voir en quoi les célébrations du 8décembre se font l’empreinte d’une municipalité, entre dimension symbolique et enjeuxpolitiques. En s’appuyant essentiellement sur les programmes des festivités depuis 1999,il s’agira d’analyser les mécanismes, les stratégies et les discours institutionnels mis enœuvre pour tenter de comprendre la nouvelle nature de la fête.

Ces éléments de définition nous permettront, dans un second temps, de mieux saisir laportée et le sens politique de la fête aujourd’hui et de voir au centre de quels enjeux elle sesitue, ainsi que les nouveaux défis qui en découlent et auxquels elle se retrouve maintenantconfrontée.

7 « Dans cette ville noire des fumées du charbon de terre, on [n'] y trouve que de gros marrons et de fines soieries » CharlesBAUDELAIRE dans une lettre à son frère Alphonse écrite en janvier 1834 à Lyon.

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Première partie : Lumières sur le 8 décembre « nouvelle génération »

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Première partie : Lumières sur le 8décembre « nouvelle génération »

« Observer ce soir-là ce n’est pas travailler sur l’anecdotique. C’est entrer dansl’Histoire d’une ville par le soupirail festif »

Philippe DujardinNous l’avons vu en introduction, les élites lyonnaises ont rarement été indifférentes à

l’existence et aux modalités d’exercice de la tradition des illuminations du 8 décembre. Soitelles ont tenté de la circonscrire ou même de la combattre, soit elles s’y sont associées.Depuis une vingtaine d’années maintenant, l’investissement municipal a changé de nature.Il ne s’agit plus de prendre acte de l’existence de cette manifestation, mais bien d’en garantirla permanence, voire d’en assurer la promotion.

En effet, après l’essoufflement d’une fête quelque peu abandonnée par les pouvoirs8,il a fallu attendre 1989 et l’arrivée à la mairie de Michel Noir qui a bien saisi l’intérêt quepouvait revêtir la réhabilitation de cette célébration qui avait été tant porteuse de sens dansle passé.

C’est ainsi que se met en place une véritable politique du 8 décembre avec la créationd’un logo, d’une désignation nationalement et internationalement identifiable, aisémenttraduisible : la fête du 8 décembre plus communément appelée « Fête des illuminations » vadevenir sous Raymond Barre « Festival Lyon Lumière » puis sous Gérard Collomb «Lyon8 décembre Fête des Lumières ». Cette politique se rend cohérente en faisant de Lyon uneville « Lumière ».

Ce phénomène se caractérise par l’apparition d’une nouvelle catégorie d’acteurs :techniciens, artistes, scénographes, voués à la conception de cette ville lumière, à la foiséphémère et pérenne. De plus, l’insertion de la fête dans un programme incluant le week-end précédant ou suivant la date traditionnelle, lui-même inscrit dans le cadre du PlanLumière fait apparaître un champ symbolique, culturel et artistique nouveau. Ces propriétésne laissent ainsi guère de doute sur la transformation profonde dont le rituel est à nouveaul’objet et l’enjeu.

A partir de l’étude détaillée des programmes des festivités mises en place par lamunicipalité, il s’agit maintenant de comprendre le nouveau caractère de la fête.

NB : L’ensemble des analyses qui suivent se base uniquement sur ce qui est inscritdans les programmes de la fête, édités par la Ville. L’objectif est de décrypter la volontémunicipale et d’analyser la Fête des lumières à travers la manière dont elle est présentéepar le pouvoir local, via le programme officiel édité par la mairie, le plus souvent inséré dansson mensuel d’information municipal.

8 Peut-être parce qu’elle n’était plus porteuse d’une identité culturelle récupérable dans des contextes aussi troublés que ceuxdes après guerres mondiales et les traumatismes qu’elles ont tour à tour engendrés…

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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1. Du « Festival Lyon Lumière » à « Lyon 8 décembre -Fête des Lumières »

a. Les années Barre ou la mise en place des lumineuses idées NoirLe « Festival Lyon Lumière » lancé en 1999 par la municipalité de Raymond Barre9 estvéritablement l’aboutissement de dix années placées sous le signe de la lumière par sonprédécesseur Michel Noir. Cette mise en place s’inscrit donc dans la continuité de cetteambition qu’avait ce dernier de faire de Lyon une « ville lumière ». Barre donne corpsau projet en même temps qu’il donne à Lyon une fête qui sera bientôt connue commel’événement culturel lyonnais par excellence.

Le premier Festival Lyon Lumière 10

En décembre 1999, la Ville de Lyon organise son premier Festival Lyon Lumière, avec 70manifestations sur quatre jours, avec pour thème directeur « Lumière et spiritualité ».

Parmi ces 70 événements, 49 se déroulent dans les quartiers et 21 sont estampillés« Festival Lyon Lumière ». C’est d’ailleurs l’année où l’on recense le plus de manifestationsà l’échelle des arrondissements. En effet, il est intéressant de faire la part entre ce qui relèvedes événements propres au 8 décembre traditionnel (fêtes et animations de quartiers) et cequi s’inscrit dans le nouveau format de la célébration dans lequel s’insèrent cette année làbeaucoup de mises en lumières du patrimoine urbain lyonnais.

Il semblerait que pour le lancement du festival, la municipalité ait voulue mettre envaleur de façon pérenne ou éphémère les portes de la ville et les sites historiques, porteursd’un message politique fort.

En effet, cette année-là, les entrées de l’agglomération ont été mises à l’honneur :Illumination des grues portuaires de l’entrée sud de Lyon, mise en lumière des tympans dutunnel de Fourvière et mise en place d’un éclairage exceptionnel de la porte aérienne de laville : l’aéroport St Exupéry (à l’époque aéroport de Satolas) ; l’objectif étant de marquer lesinfrastructures de manière à ce qu’elles soient visibles du ciel et depuis le sol : « des portesde lumière ouvertes sur l’Europe et le monde » comme il est précisé dans le programme.

On peut interpréter cela comme le désir de la municipalité, à travers ce nouveau rendez-vous, de rendre la ville visible sur le plan national et international. On peut ainsi voir une sorted’invitation à entrer et à venir découvrir Lyon, ce qui n’est guère étonnant si l’on considèrela mise en place de ce festival comme un moyen de promotion et de rayonnement de laville. La mise en lumière de l’aéroport est d’ailleurs unique dans le sens où c’est la seule foisjusqu’à maintenant qu’un événement lumière se trouve hors des murs de la cité. Quant àcelle du tunnel de Fourvière, on peut interpréter cela comme un clin d’œil, puisque beaucoupde gens de passage ne connaissent de Lyon que les désormais célèbres embouteillagesqu’on y rencontre à cet endroit.

Outre ce désir de rendre plus visible les entrées de Lyon, cette première édition a permisdes mises en lumière particulières pendant quatre jours de la cour et des façades de l’Hôtel

9 Maire de Lyon de 1995 à 200110 Voir annexe VI.I pages 9 à 15 des annexes

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Première partie : Lumières sur le 8 décembre « nouvelle génération »

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de Ville, de la façade du théâtre des Célestins, de la Cité Internationale et des bâtiments duGrand Lyon, le Gros Cailloux, la Basilique de Fourvière et enfin les principales fontaines deLyon. L’accent est clairement mis sur des endroits emblématiques de la ville qu’il s’agissede lieux de pouvoir, de culte ou de culture.

Une seule mise en lumière pérenne est annoncée dans le programme du festival : cellede la façade et de l’horloge de l’hôpital de la Croix Rousse. Il semble donc que, pour cettepremière édition, la municipalité ait surtout voulu insister sur la notion de festival, c'est-à-dire d’une effervescence qui n’est faite que pour durer quelques jours.

Un autre événement particulier mérite que l’on s’y intéresse, un spectacle son et lumièreà la Maison de la Danse que la mairie présente comme donné en l’honneur de « la naissance

du petit frère des biennales 11 ». Cela montre que malgré le fait que cette édition soit la

toute première et qu’au moment du choix de la programmation on ne puisse savoir si ellesera un succès ou non, la municipalité a d’ores et déjà rangé le festival au sein des rendez-vous artistiques et culturels de la ville.

Au programme cette année également, beaucoup de concerts dans tous lesarrondissements, essentiellement le soir du 8 décembre. Le plus souvent, il s’agit de

concerts de musique sacrée, notamment dans les 2e et 5e arrondissements ; deux secteursde la ville fortement empreints de religiosité.

Cette question du religieux est bien évidemment au cœur du sujet quand on connaît lesorigines même de la fête. Il est donc important de rappeler que cette première édition avaitpour thème annoncé « Lumières et spiritualité ». Cependant, quand on examine en détail leprogramme, rien ne semble vraiment en rapport direct avec ce choix. En effet, si la lumièreest bien au centre du festival, elle l’est surtout, nous venons de le voir, par ce foisonnementd’illuminations de façades sans grand rapport avec quelque forme de spiritualité que ce soit.Seule la traditionnelle montée aux flambeaux à Fourvière se rapprocherait donc du thèmeévoqué.

L’édition 2000 12 : Vitrine du Plan Lumière

En 2000, le festival n’a pas de thème précis annoncé. Au programme : 83 manifestions, c’estd’ailleurs l’année qui en compte le plus jusqu'à présent. 42 d’entre elles sont estampillées« animations du 8 décembre » (elles correspondent aux animations et fêtes de quartiers) et41 font partie du « Festival Lyon Lumières » à proprement parlé, soit une répartition quasiéquitable.

Cette nette augmentation du nombre d’événements que comporte le festival trouveson explication dans le choix de se servir des célébrations de cette année-là pour lancerune vague d’illuminations pérennes. L’accent est porté sur la mise en lumière du jardindu Rosaire13, mais aussi sur ceux de la montée de la grande côte et du parc de Gerland.L’I.U.F.M. et le parvis de l’E.N.S. revêtent également les habits de lumière qu’on leur connaîtaujourd’hui, au même titre que les Subsistances, le chevet de l’église St Nizier, la placeGailleton, les façades de la rue du Palais Grillet et celles du palais de Bondy. Quant à

11 Biennales de la danse et d’art contemporain12 Voir annexe VI.II pages 16 à 21 des annexes

13 Le coût de cette illumination est d’ailleurs estimé à près de 250 000 euros sur un total de 900 000 euros de budget pourcette édition 2000

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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l’Hôpital de la Croix Rousse, il parfait sa nouvelle apparence, ce qui montre une certainecontinuité entre les deux éditions.

Mais c’est surtout le quartier de la Part-Dieu qui est à l’honneur, puisqu’on assiste àla mise en lumière de l’Auditorium Maurice Ravel, du boulevard et de la halle des sportsVivier-Merle et du parking Lyon Parc Auto. En lançant ce Plan Lumière spécifique à laPart-Dieu14 lors du festival, on comprend bien que ces festivités autour du 8 décembrepermettent à la municipalité de donner une visibilité au pôle de compétence lyonnais enmatière d’urbanisme lumière.

Cette année voit également la mise en place d’un foisonnement de mises en lumièresévénementielles. Comme l’année précédente, la cour et la façade de l’Hôtel de Ville sontmises en valeur d’une façon toute particulière, le théâtre des Célestins également, ainsique les bâtiments du Grand Lyon, les tympans du tunnel de Fourvière, la Basilique deFourvière et la Cité Internationale. A cette réitération viennent s’ajouter les mises en lumièrede l’Opéra, de la façade de l’église St Nizier, du Palais de justice et de la « tour crayon »de la Part-Dieu.15. On le voit, un pas de plus est fait vers une quasi exhaustivité de la miseen valeur des principaux monuments lyonnais.

Lorsque Raymond Barre cède sa place à Gérard Collomb en 2001, il lui « lègue » unefête qui n’en est encore qu’à ses balbutiements. Le nouveau maire est alors libre de luioctroyer la direction qu’il souhaite et se donne pour mission de faire que la fête gagne ensuccès.

b. Les années Collomb : pérennisation et avancéesAvec le changement d’équipe municipale, la fête change de nom et devient « Lyon 8décembre Fête des Lumières ». Le successeur de Raymond Barre, Gérard Collomb, bienque d’un bord politique différent, semble avoir saisi l’enjeu que revêtait la pérennisationd’une fête comme celle-ci et s’est appliqué à poursuivre l’effort tout en lui apportant unnouveau style.

Changer le nom de la fête montre que cette dernière se fait l’empreinte de la nouvellemunicipalité en place. Au même titre que le magazine municipal, appelé « Lyon cité »sous Barre devient « Lyon citoyen » sous Collomb. Il s’agit de marquer symboliquement lechangement de style engendré par la mise en place de la nouvelle équipe.

NDLR : N’ayant pas pu me procurer le programme de l’année 2001, je ne pourrai pasen faire une analyse détaillée comme je l’ai fait pour les autres années. En effet, il sembleraitque suite à une erreur des services municipaux en charge de l’édition, le programme n’aitpas été intégré au magazine municipal mais qu’il ait été édité sous forme de prospectusà part. Le service du dépôt légal de la Bibliothèque de la Part Dieu m’a précisé que ledocument était trop récent pour avoir été traité et donc mis à disposition du public par leservice des éphémères qui s’occupe du recensement de ce type de documents. On peutcependant en tirer une rapide conclusion : il existe bien un flottement entre deux équipesmunicipales qui se succèdent…

14 Réalisé par Laurent Fachard15 Cette mise en lumière consistait en l’installation d’un faisceau lumineux au sommet de la tour venant balayer la ville à la

manière d’un phare. On retrouve l’idée de l’édition 1999 à travers laquelle la ville cherche à se faire voir de loin.

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Première partie : Lumières sur le 8 décembre « nouvelle génération »

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L’édition 2002 : 150 e anniversaire du 8 décembreEn 2002, une étape décisive est franchie, l’équipe de Gérard Collomb s’emploieénergiquement à faire de la fête une réussite afin d’achever son ancrage dans la vieculturelle lyonnaise. Le budget des célébrations est doublé pour l’occasion16. Il faut dire que

cette année-là, on célèbre le 150e anniversaire de la fête. Le thème « Fleuves de Lumière »est proposé et non pas imposé aux deux commissaires artistiques Laurent Fachard et leparisien Roger Narboni.

Le périmètre définit pour les grands événements et spectacles est élargit à tous lesquartiers car « ces dernières années, l’événement s’était concentré sur le site UNESCOposant des problèmes symboliques et techniques car le centre ville est, ces soirs-là, trèsengorgé » nous dit Pascale Bonnel Chalier, adjointe aux événements et aux animationsculturelles, dans une interview accordée à Lyon Figaro17.

Cette année voit ainsi la mise en lumière pérenne des berges du Rhône18, de l’avenue

Tony Garnier (7e arr.), la rue du Bon Pasteur (1er arr.), les rues Vauban et Tête d’Or (6e

arr.), la place du 8 mai 1945 (8e arr.) et la médiathèque de Vaise (9e arr.). On remarque quepar rapport aux années précédentes, les mises en lumières concernent beaucoup moinsles monuments emblématiques de la ville mais bien plus des sujets quotidiens, des lieux depassage et non pas des édifices qui se visitent ou se font admirer. Aucun de ces lieux ne faitd’ailleurs parti du centre ville. Le changement est en marche… Peut être de manière forcée,Raymond Barre ayant déjà éclairé la majorité des monuments, ou bien tout simplementdans cette volonté politique affichée d’élargissement du Plan Lumière à tous les quartiersde Lyon.

Autre changement important dans le choix des manifestations : celui des sons etlumières, type de spectacle peu utilisé lors des éditions sous Barre. En 2002, ils sont aunombre de trois, venant animer les façades de l’Eglise St Nizier, celle du Théâtre desCélestins qui s’enflamme artificiellement en souvenir des incendies l’ayant ravagé en 1871et 1880 et le Marché Gare, derrière Perrache, qui s’anime au son des cantates d’Haendel.Le ton est ainsi donné, moins figé, plus symbolique, plus festif.

Nous l’avons dit précédemment, l’année 2002 marquait le 150éme anniversaire de lafête du 8 décembre. A cette occasion, l’Hôtel de Ville ainsi que l’ensemble des mairiesd’arrondissement sont illuminées aux couleurs de la ville de Lyon, c'est-à-dire en rouge etbleu, et le soir du 8, Fourvière s’embrase de lumière blanche. Jusque-là rien d’étonnant.Mais on peut souligner une autre mise en lumière aux couleurs de la ville : celle du stade deGerland. Certes, l’année précédente, L’Olympique Lyonnais remportait le championnat deFrance de Ligue 1, mais il est légitime de se poser la question de la place d’une telle miseen lumière car en effet, le football n’a pas, de prime abord, de rapport avec la célébration.Mais Collomb l’a bien compris, en mettant en avant le football un soir de 8 décembre, il

16 1 million d’euros investis par la ville et 450 000 € par les partenaires privés et environ 3 millions de visiteurs17 Lyon Figaro du 5 décembre 2002 : Fête des lumières ; édition 2002 du 8 décembre : coulées de lumière parBENOIST A.18 19 Avec le réaménagement récent des berges, le projet de mise en lumière a été repris et confié à l’Agence « Coup d’éclat »

qui a pour charge d’illuminer les berges du Rhône sur l’intégralité des 5 km réaménagés. Cette étendue exige une cohérence quiva jusqu'à pouvoir modifier totalement les mises en lumière antérieures, privées ou publiques. Après l’ère du coup par coup, semblevenir celle de la réflexion d’ensemble.

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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donnait une visibilité accrue à cette victoire et faisait déjà, de manière prémonitoire, entrerl’équipe de Lyon dans l’histoire de la ville.

L’édition 2003 ou l’entrée du 8 décembre dans l’ère de la modernitéLors de l’édition 2003, la Fête des lumières a pour thème "Lumières en mouvement :lumières dynamiques, œuvres interactives". Si la thématique choisie est, comme souvent,difficile à percevoir, une œuvre vient cependant illustrer ce parti pris : Vectorial Elevation.Les internautes peuvent dessiner d'immenses figures lumineuses avec les 18 projecteursultra puissants disposés autour de la place Bellecour. Le 8 décembre fait ainsi son entréesur Internet avec succès puisque l’on recense 500 000 connections au site de VectorialElevation, ces connexions provenant par ailleurs de 81 pays différents. On est loin deslumignons disposés sur le rebord des fenêtres mais bien dans cette nouvelle dynamiqued’une fête en perpétuelle évolution et dont la démarche se veut créative, innovante etouverte sur le monde.

En ce qui concerne les mises en lumière pérennes, c’est au tour du Palais de la Bourse,de la Sucrière, et de l’Eglise St Paul de revêtir leurs nouveaux habits de lumière.

Au niveau des éclairages éphémères, la nouveauté cette année est la recherche d’uneunité globale des quais de Saône côté Vieux-Lyon avec l’éclairage en harmonie de laBasilique de Fourvière avec le Palais de Justice et le chevet de la Cathédrale St Jean. Ceteffort sera d’ailleurs perpétué dans les éditions qui suivront.

Cette année encore, la mairie prévoit deux spectacles son et lumière : l’un ayant pourscène la place des Terreaux (« Zone d’Ombre »), l’autre, la façade de la cathédrale St Jeanavec pour titre celui de « Tissage automatique », une œuvre rappelant le passé de Lyondans la soierie. Le haut de la cathédrale était également relié à la Basilique de Fourvière parun rayon laser venant créer une connivence entre les deux lieux les plus emblématiquesde la foi lyonnaise.

Autre élément de continuité par rapport à l’édition 2002, les mairies d’arrondissementsretrouvent leurs couleurs rouges et bleues durant les quatre jours de la fête. Ce serad’ailleurs le cas les années qui suivront même si cela ne sera plus précisé dans lesprogrammes.

Cette année, la Fête des Lumières accueille 3,2 millions de visiteurs soit un peuplus qu’en 2002 mais avec une fréquentation plus étalée sur les quatre soirées. En effet,auparavant, la fréquentation était essentiellement concentrée sur le soir du 8 décembre.On assiste donc à un tournant décisif, les quatre jours de festivités sont autant plébiscitésles uns que les autres, au risque d’en oublier la date du 8 sans laquelle ils perdraient toutelégitimité à exister. On peut donc affirmer qu’un pas de plus est fait vers la pérennisationde ce nouveau format de quatre jours.

L’édition 2004 : un tournant pour la Fête des LumièresL’édition 2004 peut être considérée comme à part. En effet, on lui a beaucoup reproché soncaractère élitiste et trop contemporain. Elle fait alors rupture avec les années qui suivent oùla municipalité tente de rectifier le tir. Nous y reviendrons plus longuement dans la deuxièmepartie de ce mémoire consacrée aux enjeux politiques que la Fête des lumières cristalliseautour d’elle.

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Première partie : Lumières sur le 8 décembre « nouvelle génération »

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On peut cependant préciser qu’à partir de cette année 2004, les mises en lumièrepérennes ne sont plus mentionnées dans les programmes des Fêtes des Lumières.Pourtant, elles continuent d’être inaugurées lors des 8 décembre. Peut être peut on voircela comme une prise d’indépendance de la fête par rapport à son objet originel qui étaitde faire la promotion des Plans Lumière19.

L’édition 2005 : faire consensusLors de l’édition 2005, l'effort est clairement mis sur le côté festif et populaire descélébrations du 8 décembre. En effet, après le semi échec de 2004, la municipalité joue sacrédibilité et n’a plus droit à l’erreur.

Les animations sont regroupées en presqu’île et sur le site UNESCO (12 manifestations

dans le 1er arrondissement, 11 dans le 2e et 12 dans le 5e). L’objectif est de plaire au plusgrand nombre, notamment aux touristes.

C’est ainsi que les spectacles sont privilégiés pour le plus grand bonheur des 4 millionsde visiteurs venus admirer, cette année là, les effets lumineux du 8 décembre lyonnais.Alors que les façades de la Préfecture et de la cathédrale St Jean se parent de projectionslumineuses et que les Lyonnais célèbres prennent vie rue de la Martinière, l’église St Nizierdevient le théâtre d’un univers iconographique mettant en scène des légendes Russes. Lacolline de Fourvière, quant à elle, n’est pas en reste et nous raconte son histoire au traversd’impressionnants jeux de lumières coordonnés entre plusieurs édifices. Enfin, place desTerreaux, « Les joueurs de lumière » mettent en scène les éléments les plus contemporainsde l’Histoire de Lyon, du Football à l’industrie du couloir de la chimie dans un spectacleacrobatique et pyrotechnique grandiose.

Mais le côté innovant du 8 décembre nouvelle génération n’est pas totalement mis decôté. Les traboules des pentes de la Croix Rousse deviennent des lieux d’expérimentationspour les étudiants de l’école des beaux arts et une œuvre d’un genre nouveau est installéeplace Gailleton : « Perpetual tropical sunshine ». Son objectif est de reproduire la lumière,la chaleur et la trajectoire du soleil grâce à un écran de 300 ampoules infrarouge.

L’édition 2006L’édition 2006 s’inscrit dans la continuité de celle de 2005, privilégiant à nouveau le caractèrefestif et populaire de la fête. Cette année encore, la majorité des manifestations se tient encentre ville et l’architecture générale du programme des festivités est calquée sur celui del’année précédente. On retrouve les expérimentations étudiantes et la mise en lumière dela colline de Fourvière, au risque, cela soit dit en passant, de donner une impression de« déjà vu ».

Cependant, plusieurs événements originaux méritent que l’on s’y attarde ne seraitce que pour le caractère symbolique qu’ils revêtent. D’abord le projet « Traverséecontemplative » où les passants pouvaient trabouler de la place de la Comédie à la placedes Terreaux par les cours intérieures de l'Hôtel de Ville éclairées de fresques polychromes.On voit ici la volonté de proximité dont fait preuve la municipalité en faisant pénétrer le publicdans un lieu dont l’accès lui est habituellement refusé. De plus, faire de ce lieu une trabouleest un concept intéressant lorsque l’on sait à quel point la ville de Lyon est célèbre pour celapartout en France, voire à l’étranger.

19 Voir annexe V délibération du conseil municipal sur la mise en lumière de la tour métallique de Fourvière

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Un autre projet cette année là a brillé par son originalité malgré son annulation dèsle deuxième jour des festivités pour cause d’intempéries : « I love Lyon » qui consistait àenfermer la statut équestre de Louis XIV20 place Bellecour sous une boule à neige géanteet de faire porter au socle la mention « I love Lyon » au néon rose. Une œuvre au carrefourde l’art conceptuel et de la féerie enfantine dont l’ambition était de sonder l’imaginaire desbadauds, du fêtard au cortège familial, du touriste à l’amateur d’art contemporain. « Onpeut créer des œuvres cohérentes, plastiquement belles, qui touchent différents publics »,explique Jacques Rival, l’artiste, pour qui la Fête des lumières doit rester populaire.

On le voit à travers cette analyse, Gérard Collomb semble avoir trouvé le fil conducteurde sa nouvelle politique d’événements culturels et populaires : « Plutôt que d’importer, ilfaut d’abord chercher ce qui fait les fondements de notre identité » nous dit-il. Son nouvelobjectif est bien de valoriser un pôle de compétence lumière reconnu à Lyon, un PlanLumière vieux de 18 ans qui a transformé le regard sur la cité et d’inscrire durablementl’événement historique de la tradition du 8 décembre dans une nouvelle dimension pluscontemporaine. La mise en œuvre de cette Fête des Lumières répond véritablement auxnouveaux objectifs et enjeux de Lyon : rayonner, attirer, exceller. Et le fait que le 8 décembresoit issu d’une tradition de plus de 150 ans permet de légitimer cette nouvelle politiqueculturelle de communication publique.

2. Regards sur huit années lumières

a. Ce que le discours institutionnel nous révèleLes programmes de chaque édition comportent un ou plusieurs éditoriaux signés desprincipaux acteurs de la Fête des Lumières. Il était donc intéressant de se pencher sur cetype de discours institutionnel qui peut être un révélateur de plus sur les évolutions de lanouvelle nature de la fête depuis ses débuts.

En 199921, l’éditorial se présente comme un petit texte très court signé, non paspar le maire, mais par ses trois principaux adjoints en charge de la mise en œuvre del’événement : Henry Chabert (adjoint délégué à l’urbanisme), André Soulier (adjoint déléguéau rayonnement international, au développement du tourisme et des congrès) et AndréMaréchal (adjoint délégué à la vie associative et à l’animation). Dans la dénomination deces trois fonctions résident en réalité les trois principaux pôles d’orientation du festival quise lance cette année là. En quelques lignes, cet avant propos définit distinctement l’objetde l’événement :

« Dans le domaine de la lumière, la légitimité de notre ville, qui développe une politiqueforte en matière d’écriture nocturne des sites urbains, se renforcera en importance et enqualité par un ensemble cohérent d’actions lumière, lui confiant une attractivité sur plusieursjours en amont du 8 décembre »

Le ton est ainsi clairement donné : le 8 décembre se destine à devenir le faire valoir dela politique lumière mise en place sous Michel Noir.

20 « Chef d’œuvre de Lemot »21 Voir annexe VIII.I page 65 des annexes

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Une autre phrase importante vient confirmer ce postulat et l’analyse duprogramme faite plus haut: « Dès 1999 et pour s’amplifier encore en 2000, leFestival mettra en valeur, de façon pérenne ou éphémère, de nombreux sites, desportes de la ville aux sites historiques, renforçant le rayonnement international deLyon ». Il est clair que la municipalité à l’intention de réitérer l’expérience, pariantainsi sur le succès le cette première édition.

En 200022, l’éditorial n’est pas signé du tout et consiste en une quasi copie de celuide l’année précédente. L’accent est mis sur le renforcement de la fête et son extensionà l’ensemble de la ville : « Tous les arrondissements vont bénéficier de ces coups deprojecteurs ». Le festival est considéré comme faisant définitivement partie de la vieévénementielle lyonnaise. La municipalité de Raymond Barre semble avoir réussit son pari.

A partir de l’édition 200223, changement de ton, Gérard Collomb impose son nouveaustyle et se met lui-même en scène en signant le premier des trois éditoriaux présentsdans le programme. Les deux autres sont signés de Pascale Bonniel-Chalier son adjointeaux événements et animations culturelles et de Roger Narboni et Laurent Fachard,commissaires artistiques de cette édition 2002. Le fait que l’un des éditoriaux soit rédigépar un commissaire artistique peut témoigner de la volonté de renforcer le côté culturel del’événement et ainsi le placer dans une dynamique de recherche et de création artistique.

Les éditoriaux des années 200324 et 200425 sont construits sur le même schéma : unmot du maire, puis de son adjointe aux événements et animations culturelles ainsi qu’unmot du commissaire artistique.

Par rapport aux programmes des années Barre, on remarque que l’adjoint à l’urbanismen’intervient pas, montrant que la Fête des Lumières n’est plus uniquement le faire valoirdu Plan Lumière mais bien un événement artistique et culturel à part entière. Cependant,Gérard Collomb continue d’utiliser ponctuellement la fête pour mettre en avant certainsprojets. C’est notamment le cas en 2004, où l’éditorial nous dit que la ballade lumineuse lelong des Berges du Rhône, classée au rang des animations de cette année, préfigure enréalité le résultat des travaux de réaménagement et de mise en valeur des berges du Rhône.On le voit, la fête permet toujours à la Ville de communiquer sur ses projets urbanistiques.

Les rôles des intervenants sont répartis dans une mécanique du discours bien huilée :L’adjointe valorise les acteurs de la Cité qui prennent part à l’organisation de la fête tandisque le commissaire artistique annonce les directions esthétiques que prendra l’édition.Quant au maire, il « préside » leurs propos et rappelle les origines de la fête, il insiste surla réappropriation de la tradition et met en avant la ville à travers elle. En 2002, il nousdit : « Fleuves de lumière… A travers ce thème annonciateur de quatre nuits de rêve, Lyonsitue sa grande fête à la croisée d’une longue histoire et d’un devenir ambitieux ».

Le discours est le même en 2003 :« Nous avons souhaité cette année, avec l’ensemblede nos partenaires, mettre l’accent sur la grande modernité d’une fête portée depuis plusd’un siècle et demi par tous les habitants de la Cité […] Il le répète en 2004 et montre bienque la fête a été capable d’évoluer jusqu'à nos jours : « Etendue sur quatre nuits, cette

22 Voir annexe VIII.II page 66 des annexes23 Voir annexe VIII.III page 67 des annexes24 Voir annexe VIII.IV page 68 des annexes25 Voir annexe VIII.V page 69 des annexes

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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manifestation perdure, s’adaptant sans cesse aux évolutions de notre temps et intégrant lalumière au cœur des cultures urbaines. »

C’est à partir de 2005 que s’amorce un véritable changement éditorial, certainementsuite aux critiques négatives reçues par l’édition 2004. Seul le maire signe l’éditorial. Celuide cette année là26 est succinct, comme si le pouvoir municipal tentait de se faire tout petitdans la peur d’un nouvel échec.

En 200627, la forme de l’éditorial mérite que l’on s’y intéresse. En effet, pour la premièrefois, il est accompagné d’une photo de Gérard Collomb et intervient en dernière page duprogramme. Cela peut faire penser à une sorte de signature, comme si le maire voulaitmettre en avant son rôle dans le succès retrouvé de la fête. Il faut dire qu’en 2006, la courseaux élections municipales de 2008 est déjà lancée et que Gérard Collomb a tout intérêt àce que la Fête des Lumières continue d’être un triomphe pour pouvoir s’imposer commel’unique acteur de cette réussite.

Ainsi les éditoriaux intégrés aux programmes des manifestations nous éclairentvéritablement sur les volontés et les ambitions du pouvoir municipal. Ces discoursinstitutionnels reflètent bien la place de la fête selon les contextes politiques qu’elle traversedepuis sa « remise en service » en 1999. Ils résument aussi les principaux enjeux au centredesquels se trouve la Fête des Lumières actuelle : elle est à la fois le moteur de l’évolutiondes compétences de la ville en matière d’éclairage urbain et un moyen de la rendre plusattractive à travers la visibilité qu’elle lui apporte.

b. Le temps du bilanAprès cette analyse année après année, il convient de voir s’il est possible de dégagerun bilan global de ces huit ans de « Festival/Fête des Lumières » et de mieux en saisirl’évolution.

En effet, le style des années Barre n’est pas le même que celui des années Collomb.Ce dernier a tout d’abord disposé de plus de temps pour donner une véritable direction à lafête. Le fait qu’il ne fasse que perpétuer le projet de son prédécesseur était pour lui autantun avantage qu’un inconvénient. En effet, ce n’est pas lui qui a pris le risque de départ etil n’a eu qu’à poursuivre sur des bases déjà solidement fondées. Mais la difficulté de seréapproprier une initiative qui à l’origine n’était pas la sienne, n’était pas chose aisée. Ilsemblerait cependant qu’il ait réussit à y imprimer sa marque, profitant ainsi des retombéespositives de la fête.

Il est évident que le 8 décembre « nouvelle génération » constitue une véritable ruptureavec son sens et son contenu originel en même temps qu’il connaît des évolutions. Onremarque que la conception de Raymond Barre restait très proche de celle du Plan Lumièrepuisque la fête servait essentiellement à l’inauguration des nouvelles mises en lumièrespérennes visant à compléter le plan. On passe donc d’un univers assez figé à une dimensionplus festive, populaire et expérimentale avec l’ère Collomb, dans la parfaite lignée desbiennales.

Dès son arrivée à la tête de la Ville, Gérard Collomb a tenu à perpétuer le concept initiépar son prédécesseur: « Fort de l’expérience des années antérieures, nous voulons nousinscrire dans ce mouvement et le renforcer » annonçait-il à l’occasion de la présentation du

26 Voir annexe VIII.VI page 70 des annexes27 Voir annexe VIII.VII page 71 des annexes

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programme du Festival Lyon Lumière de 200128. Il va même jusqu'à dire : « Nous entendonsprolonger cette période de fête dès l’année prochaine. Nous devrions porter sa durée à unedizaine de jours en 2002, avec deux week-ends si possible. Le Festival Lyon Lumière peutdevenir un excellent vecteur de développement du tourisme hivernal » Il révèle égalementson souhait de faire glisser progressivement l’organisation de la fête de la mairie de Lyon àla communauté urbaine, afin d’associer « toute l’agglomération à ce phénomène qui pourraitdevenir majeur au niveau mondial »

Si en définitive ce projet n’aboutira pas (ou pas encore ?), on voit bien la volonté deGérard Collomb de s’impliquer fortement dans la reprise et le développement du conceptpour y imposer sa marque de fabrique. Il a bien compris la chance que pouvait représenterun événement comme celui-ci pour la ville et compte bien élargir l’éventail de ses possibles.

Gérard Collomb va trouver un autre moyen de marquer la fête de son empreinte enen changeant la désignation. Nous l’avons vu, le « Festival Lyon Lumières » devient en2002 « Lyon 8 décembre Fête des Lumières ». On remarque que le terme 8 décembre estréintégré, ce qui montre le désir de renouer un peu plus avec la tradition et la puissancesymbolique dont elle est porteuse.

Mais attardons nous maintenant plus en détail sur les spécificités que revêt cettenouvelle conception de la fête au travers du caractère dont les contenus de sesmanifestations sont porteurs.

Si l’on observe le graphique ci-dessus, on se rend compte que le caractère religieux(en bleu sur l’histogramme) de la fête a fortement baissé depuis l’arrivée de Gérard Collombà la mairie. Ceci vient confirmer cette mutation progressive de la fête à l’origine sacrée, encélébration profane et laïque.

Il semblerait donc que la mairie ait préféré donner à la fête un caractère participatifen cohérence avec sa nouvelle nature, en mettant en place une programmation faite deprojets auxquels les visiteurs sont associés (en jaune sur l’histogramme). Cette idée vientnous rappeler ce que nous avons vu en introduction, c'est-à-dire qu’il s’agit d’abord d’unélan populaire qui est à l’origine de l’apparition de la tradition et qu’il est certainement trèsimportant à entretenir encore aujourd’hui pour que la fête perdure.

Le caractère commercial (en rouge sur l’histogramme) de la fête semble lui, avoirbaissé d’intensité. Il est vrai que les festivités du 8 décembre ont traditionnellement eula caractéristique d’ouvrir la période de consommation des fêtes de fin d’année mais ilapparaît que la municipalité Collomb ait fait le choix de se détacher de cette idée afinde rendre à la fête un symbolisme plus valorisant, car moins marchant. Bien sûr, cettecatégorie commerciale ne prend pas en compte les retombées en matière touristique (etdonc économique), lesquelles restent au cœur des enjeux dessinés par la fête.29

On voit également que les réjouissances du 8 décembre donnent lieu à l’organisationd’événements caritatifs (en vert sur l’histogramme). La municipalité se sert ainsi de lapuissance symbolique de la fête pour mener des actions importantes dans ce domaine. Leplus souvent, il s’agit de mettre en vente des lumignons au profit d’associations (Habitat etHumanisme, Le Petit Monde etc.) pour en faire une fresque (généralement place Bellecour)qui vient s’ajouter aux installations lumineuses du festival. L’association, en plus des fonds

28 Les Petites affiches Lyonnaises du 1er décembre 2001 : Le festival Lyon Lumières implique de plus en plus de sociétésprivées

29 La catégorie commerciale désigne essentiellement les marchés (tel le marché de noël), les décorations de vitrine etc. figurantdans les programmes comme des animations du 8 décembre à part entière.

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qu’elle récolte, bénéficie ainsi d’une réelle visibilité en même temps qu’elle participe à laréussite esthétique de la Fête.

On remarque enfin qu’un réel effort est fait pour rattacher la fête à l’histoire de Lyon(en orange sur l’histogramme). Cette catégorie correspond en fait aux thèmes choisis pourles manifestations : lorsque par exemple, la mise en lumière des édifices de la collinede Fourvière tente de retracer l’histoire du lieu ou encore quand une projection sur unmonument rappelle le travail des canuts (« Tissage automatique » en 2003) etc. Cet élémentmontre que la municipalité entend bien faire sens, en prenant une direction artistique mettanten valeur la ville au travers de ses spécificités. Car c’est uniquement comme cela que peutperdurer la légitimité d’une fête autant transformée. Elle est ainsi l’occasion pour Lyon derenforcer sa cohésion sociale ne serait-ce que par la force identitaire qui se dégage de cerituel. Car même si la tradition projetée dans notre temps n’a plus le même sens qu’à sesorigines, elle garde son caractère populaire et festif qui participe pleinement au sentimentd’appartenance des Lyonnais à leur cité.

On peut donc parler de la Fête des Lumières comme d’une véritable politique culturelle :comme d’un spectacle ou se mettrait en scène le pouvoir qui en est à l’origine, à l’époquel’église, maintenant la municipalité. Au final, l’objet de la fête n’a pas tant changé si on laconsidère comme faire valoir des actions politiques des pouvoirs qui la perpétuent. Seul soncontenu, sa nature et le sens qu’on veut bien lui donner change.

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Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives

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Deuxième partie : La Fête des Lumières :nouvelles perspectives

La réhabilitation de la fête, répond donc à un certain nombre d’objectifs fixés par lesmunicipalités qui se sont succédées à sa mise en œuvre.

L’analyse de la nouvelle tournure prise par les célébrations permet d’éclairer sonnouveau propos. Nous l’avons vu dans la première partie, le Festival Lyon Lumière devaitse faire le principal outil de promotion du Plan Lumière instigué par Michel Noir. Et, avecle changement de municipalité, la nouvelle version de ce 8 décembre a elle-même connuedes évolutions en tentant de s’adapter aux contextes politiques traversés par cette ville deLyon, elle-même en pleine mutation (économique, urbanistique, culturelle etc.)

Mais « l’instrumentalisation » d’une fête porteuse d’une telle puissance symboliquen’est pas sans conséquences… C’est pourquoi nous allons d’abord tenter de mieux redéfinirles principaux objectifs de la fête pour voir ensuite les débats qui en découlent.

1. La fête des lumières entre questions d’urbanisme etsoucis de rayonnement

a. Lyon l’allumée : de l’usage politique de la lumièreLa lumière est l’un des principaux éléments de l’identité lyonnaise. En effet lorsqu’on associeLyon et lumière, on pense de prime abord au 8 décembre, à cette Fête des Lumièresobjet de ce mémoire, mais on pense également à Ampère et aux frères Lumière. Si bienqu’aujourd’hui, pour son projet de « Grande métropole, Lyon 2020 », le Grand Lyon a choisila lumière comme l'un des emblèmes déterminés fin 2006 comme représentatif de la ville30.

Aujourd’hui, à Lyon, la lumière est devenue un véritable pôle de compétences à traversdes formations spécialisées, comme en témoignent la présence de nombreux architecteslumière, la création d’un réseau des Villes Lumière "LUCI" ou encore le salon Lumiville quise tient chaque année à Eurexpo.

Mais la réalité actuelle de l’urbanisme lumière à Lyon, c’est avant tout son Plan Lumière.Aujourd’hui encore, il reste pour ainsi dire, le seul en France qui soit mis à disposition dupublic et qui couvre un tel spectre de dimensions. Le premier a été initié en 1989, à l’époquede Michel Noir et de son adjoint à l’urbanisme Henry Chabert, qui sont à l’origine de la miseen lumière des monuments de Lyon, scénographiée par l'ingénieur-lumière Alain Guilhot. Ceplan et cette politique lumière ont fait de Lyon l’une des villes pilotes en matière d’éclairageurbain. C’est d’ailleurs dans ce cadre que Michel Noir a souhaité développer la fête du 8

30 avec les fleuves, la gastronomie, la mode, la santé, le cinéma et les nouvelles images, la danse et les arts vivants et enfin le sport

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décembre, en proposant des animations par la municipalité et en donnant un caractèretouristique à cet événement.

C’est pourquoi la partie qui suit tentera tout d’abord de montrer en quoi tout l’enjeude l’urbanisme lumière réside dans une signification spatio-temporelle, dans cette fonctionque l’on veut donner à la lumière. Dans la mesure où cette lumière englobe des enjeuxpolitiques et sociaux mais également une politique culturelle de l'esthétique qui s’appuie surles perceptions et les émotions.

Chaque stratégie urbaine doit donc trouver le bon compromis entre le culturel et leprojet politique. Il est intéressant de comprendre l’évolution de Lyon en tant que « villeLumière », en analysant plus précisément ses Plans Lumière. Nous verrons alors commentla lumière, en tant que politique d’aménagement du territoire s’affirme comme une finalité,un enjeu d’esthétisation du politique qui permet de conférer une certaine image à une ville,d’en maîtriser la définition et d'exprimer par là même une forme de contrôle de l’espace.

Lyon ville lumièreDepuis une quinzaine d’années, on assiste à une normalisation des plans lumière parfoisappelés schéma directeurs lumière, (qui dans la plupart des villes françaises n’occupent pasencore la même place qu’à Lyon où les installations lumineuses contribuent ouvertementau fond de commerce touristique de la ville), de l’urbanisme lumière ou de la mise enplace de scénographies urbaines. Par l’acte d’éclairer cet espace d’interaction qu’est larue, le quartier, la place, le centre ancien ou culturel, s’exprime une volonté d’agir surles perceptions et les représentations du réel. Il s’agit bien de créer un spectacle, ouplus modestement, une ambiance pour faire des distinctions, établir des hiérarchies ou sedémarquer.

Soit la mise en lumière d’un bâtiment ou d’un quartier prolonge une identité passéesupposée, soit elle recrée une nouvelle image qui projette l’objet dans l’utopie. Mais voulonsnous voir les choses telles qu’elles sont ou en transformer notre propre perception ?

De ce point de vue on introduit alors une grande concurrence entre les lieux de la villequi auraient droit de cité la nuit. Se confrontent pour la mise en valeur ou le relookagenocturne les lieux de mémoire, les lieux du pouvoir, les lieux classés, etc.

Pour comprendre ce qu’est devenu le 8 décembre aujourd’hui, il est essentiel de leplacer dans le contexte du Plan Lumière initié par la municipalité de Michel Noir31, affirmantainsi sa volonté de maîtriser l’espace urbain par la sublimation de son architecture. Cettemise en scène de la ville permet l’expression du pouvoir qui en est l’instigateur.

Ainsi Michel Noir met-il en place le premier Plan lumière avec pour objectif de changerl’image de Lyon et de tirer parti d’une histoire souvent liée à celle de la lumière sous toutesses formes (De la première étincelle électromagnétique découverte par Ampère en 1822 àl’invention du cinématographe par les frères Lumière)32. De plus, le nom originel de la ville,Lugdunum est lui-même empreint d’une signification non sans rapports avec la lumière. Eneffet, si Dunum signifie hauteur, Lug ou Lugus est une divinité Celtique, divinité solaire etde la lumière dont le messager est le corbeau. Il s’agirait donc de la colline du Dieu Lug.

31 Maire de Lyon de 1989 à 1995.32 Voir annexe II page 3 des annexesChronologie de la lumière à Lyon

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Mais Lug peut dériver du mot latin lux qui signifie lumière. Le nom Lugdunum signifieraitdonc « colline de la lumière »33.

Le premier Plan lumière constitue une volonté affichée de transformer progressivementune approche de l’éclairage qui ne serait que fonctionnelle en élément de confort, de sécuritéet surtout d’esthétique. Un éclairage qui devient alors porteur de sens. La ville serait révéléedans ses symboles les plus marquants qui fondent son identité. En 1989, Henry Chabert,adjoint à l’urbanisme de Michel Noir confie à Alain Guilhot (concepteur lumière) la missiond’illuminer 16 points du paysage lyonnais pour le 8 décembre, puis de façon pérenne. Parmices points : l’Hôtel Dieu, le pont Lafayette ou encore la passerelle St Georges. En 1999,soit 10 ans après le début de sa mise en œuvre, le Plan Lumière a permis l’illuminationdurable de 267 sites d’importance, 147 à l’échelle des quartiers ainsi que de 20 façadesparticulières et 20 rues de la ville.

Mais l’enjeu n’était pas seulement limité à l’éclairage de plusieurs monumentsprestigieux, il s’agissait également de développer de nouvelles ambiances lumineuses et defaçonner, par touches, un véritable paysage nocturne. Ce Plan Lumière exprimait avant toutla volonté d’actions cohérentes sur la ville. Ses principaux objectifs visaient à promouvoirde façon harmonieuse les éclairages traditionnels en site urbain et les éclairages à vocationplus décorative. La Ville de Lyon s’était alors fixée, en matière d’urbanisme, des objectifsambitieux qui ont dessiné progressivement le visage qu’on lui connaît aujourd’hui.

Raymond Barre, qui succède à Michel Noir, va poursuivre l’effort mis en place. Quant àGérard Collomb, il a annoncé tout récemment la mise en œuvre d’un nouveau Plan lumière.Comment ne pas voir ici une volonté de se distinguer de ses prédécesseurs, de plus d’uncourant politique opposé au sien. On peut donc avancer que la politique de la ville par lalumière se fait l’emprunte visible et visuelle du pouvoir municipal en place.

Ce nouveau plan lumière34 tend à s’affranchir du « classicisme » de l’éclairagedes monuments historiquement constitutifs de l’identité de la ville pour s’ancrer dans unquotidien sublimé à son tour. Gérard Collomb promet ainsi plus de lumière dans les quartiersde Lyon afin de créer une sociabilité en mouvement, peut être plus populaire et moinsattachée aux témoins architecturaux du passé. Cette logique n’est pas étonnante si l’onconsidère la tendance qu’a eu Gérard Collomb depuis le début de son mandat à vouloirtransformer la ville de Lyon par la mise en place de grands travaux, doublée d’une dimensionpolitique tournée vers l’Europe et le Monde. Du projet de la Confluence à la candidature dela ville au label « Capitale Européenne de la Culture » pour 2013, la politique municipalesemble se tourner vers une volonté de changement physique du visage de Lyon et vers uneouverture dépassant ce cadre national où Lyon peine tant à exister.

Ces deux approches techniques de l’esthétique du pouvoir sont ainsi vecteur d’un senspolitique fort dont la lumière se fait porteuse.

On peut citer une présentation du Plan Lumière antérieur, faite par la Ville de Lyon :« Avec plus de 150 sites éclairés, il donne un nouveau visage à la cité et lui façonne

une image contemporaine plus accueillante tout en affirmant son identité. En utilisant lalumière à la fois comme un matériau à part entière mais aussi comme une composante dela politique d'urbanisme de la ville, l'éclairage urbain est entré à Lyon dans une ère nouvelle.Longtemps régi par des impératifs uniquement sécuritaires, il est désormais tourné vers

33 Bruno BENOIT et Roland SAUSSAC Histoire de Lyon des origines à 200534 Voir annexe III page 4 des annexes : Armature du nouveau plan lumière

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l'esthétisme, l'ambiance et le bien-être visuel. La lumière est aujourd'hui une opportunité etun enjeu pour les villes. »

La Ville de Lyon explique :« Faire un Plan Lumière consiste d'abord à réaliser une scénographie lumineuse dans

tous les quartiers de la ville en mettant en lumière les principaux sites, bâtiments et grandsaxes de circulation. Les jeux de lumières font des éléments paysagers et bâtis de la citédes repères lumineux qui jalonnent la ville. Le parcours ainsi tracé souligne la trame urbaineet en donne une lecture nocturne inédite qui met en valeur les richesses architecturales etpatrimoniales de la ville ainsi que les éléments identitaires de chaque quartier. »

A Lyon, le premier Plan Lumière était ainsi avant tout axé sur l’éclairage desmonuments, mettant en avant le patrimoine architectural et historique de cette ville classéeà l’Unesco.

Aujourd’hui, sur le site Internet de la ville, Gérard Collomb présente un « nouveau planlumière », différent de la conception qu’en avait Michel Noir. Il explique :

« Il s’appuie sur la tendance à affranchir la lumière de son support traditionnel, lemonument, pour donner à voir une rue ou accompagner des événements du quotidien.Grâce à la lumière, il s’agit de saisir, à partir de points de vue multiples, la réalité de la ville,hétérogène et complexe, d’en restituer les mouvements et les pulsations. L’ambition n’estpas de renier l’identité lyonnaise mise en valeur par le premier Plan Lumière - fondé sur lepatrimoine, l’histoire, la géographie de Lyon et la singularité de sa topographie - mais demieux approcher la diversité et la richesse de la ville. »

On voit ici toutes les précautions prises par cette municipalité pour ne pas renier ce qui aété reconnu comme le principal point positif du mandat de Michel Noir. La lumière devient iciun enjeu politique qui permet clairement de tirer Lyon vers une nouvelle dynamique qui tentejustement de s’éloigner de son image de « ville musée » classée au patrimoine mondial.

De plus, alors que le premier plan mettait en avant les deux fleuves présents àLyon, le nouveau plan Collomb propose, certainement dans un esprit écologique etenvironnemental, de les laisser respirer, de laisser la nature reprendre sa place, tout enmettant l’accent sur l’éclairage des ponts.

Par ailleurs, le site web explique :« Les grands projets à venir, quartier du Confluent, musée des Confluences et la salle

3000 à la Cité internationale seront également pris en compte. Pour autant, une attentionparticulière sera portée à leur rapport au reste de la ville et l’on cherchera à intégrer, sanssurenchère, le musée des Confluences, en avant-plan de la ville patrimoniale. Les entréesou sorties de ville constituent également des éléments à mettre en lumière. Ainsi au nord,à l’arrivée du TGV, la salle 3000 mise en valeur deviendra un point majeur. »

Toujours dans cet esprit de « changement dans la continuité » il poursuit : « Mais Lyona changé : c’est une ville moderne, rajeunie, vivante et attractive. Les projets à venir doiventêtre capables de le dire, en continuité avec ce qui fut réalisé et ce qui fonde son rapportà la lumière. »

A travers ces deux présentations différentes, on perçoit bien l’idée d’un choix politiquequi décide ce que l’on veut mettre en avant, ce que l’on veut révéler et au contraire ce quel’on veut laisser dans l’ombre. Le Plan Lumière permet de donner une nouvelle architectureà la ville, de façonner une image que l’on voudrait parfaite et qui s’adresse aussi bien auxyeux de ses habitants qu’aux yeux de l’Autre.

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Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives

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Ce qui apparaît avant tout dans ce nouveau Plan Lumière ce sont les cinq « grandsrepères exceptionnels »35 : en premier Fourvière, pôle historique, en second la Part Dieu,pôle économique, plus moderne, et enfin trois nouveaux pôles qui s’inscrivent dans le cadredes grandes opérations de renouvellement ou de développement urbain. Ce plan reflèteainsi la politique d’une municipalité précise, celle qui a décidé de construire la salle 3000,de développer le Confluent et de réhabiliter le quartier de la Duchère. Le Plan Lumière semet ainsi au service des projets d’aménagement urbains de Lyon autant qu'il les affirme etles souligne.

L’éclairage de la Duchère permet de compléter la rénovation du quartier et de changerson image. Considéré comme zone urbaine sensible, ce quartier a été déclaré zone francheen 2006 (ce qui correspond principalement à des exonérations fiscales). En rénovant etéclairant le quartier, l’idée est d’en faire un lieu accueillant et plus rassurant qu’auparavant.On peut penser que l'ensemble du projet, s'il s'avère concluant, aura de fortes chancesd'être reproduit sur d’autres aires, dites difficiles.

Dans Penser la ville par la lumière, les auteurs rappellent les propos de LucGwiazdzinski qui analyse l’éclairage à Strasbourg et remarque que les banlieues sont moinséclairées que le centre. A travers son nouveau Plan Lumière, Lyon, qui met en avant laDuchère, tente de contrer ce phénomène commun à quasiment toutes les villes et de rétablirainsi du lien social.

Comme l’explique Gilles Buna, adjoint au maire délégué à l’urbanisme, dans lemagazine municipal Lyon Citoyen de mars 2007 : « tout en poursuivant la mise en valeurdes grandes silhouettes et points culminants [Fourvière, Part Dieu…], nous atterrissons au

niveau des quartiers, de la vie quotidienne des Lyonnais et de ses rythmes. » 36

Même si un plan lumière est souvent établi sur dix ans ou plus en fonction des différentsprojets urbains entrepris sur le long terme (et donc au-delà des possibles changementde bord des municipalités), inconsciemment, apparaît ici la différence entre une politiqueculturelle de la lumière de « droite » : mettre en avant le patrimoine d’une ville ; et une autrede « gauche » : éclairer tous les quartiers.

On vient de le voir, l’urbanisme lumière est au centre des préoccupations de lamunicipalité lyonnaise dans sa nouvelle politique d’aménagement du territoire. Lyon estd’ailleurs leader en la matière et depuis 1994, elle exporte son savoir faire dans le mondeentier37 . Mais ces Plans Lumières semblent être indissociables de la tradition du 8 décembrequi permet de par son ancrage historique et son poids identitaire, de légitimer cette positionprise sur l’importance de la lumière en ville. La municipalité l’a bien compris, cette fêtecentenaire est un vecteur idéal de cette nouvelle conception de la ville.

Une géographie politique du 8 décembre ?La Fête des lumières a pour particularité de transformer la ville de Lyon pendant quatrejours, ou plutôt quatre nuits avec comme point d’orgue celle du 8 décembre où les éclairagespublics se doublent des illuminations privées. Et cette lumière semble mettre une distanceentre la fonction originelle du lieu la journée et son nouveau visage du soir, sublimé par sonéclairage particulier.

35 Voir annexe III page 4 des annexes : Armature du nouveau Plan Lumière36 Lyon Citoyen n° 52, mars 2007, pp. 16-1937 Voir annexe II page 3 des annexes : Chronologie de la lumière à Lyon

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Il s’agit maintenant de voir comment les festivités du 8 décembre mettent en valeurl’espace urbain. Nous l’avons vu, chaque édition donne lieu à de nouvelles mises en lumièreéphémères ou pérennes et contribue ainsi à modifier le visage nocturne de Lyon. Ceséclairages, qu’ils soient permanents ou événementiels dans le cadre de la « Fête desLumières» ont une signification politique d’aménagement de l’espace.

C’est pourquoi, il était intéressant de retranscrire statistiquement38 les programmes dechaque année afin d’en dégager des éléments venant nous éclairer sur l’implication de lamairie centrale dans les différents arrondissements de la ville. Des préférences sont ellesfaites ? Certains endroits sont ils « boudés » ? Pourquoi ? C’est à ces questions que nousallons tenter de répondre maintenant.

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus les 2e, 5e et 1er arrondissementssont les mieux pourvus en terme de nombre de manifestations. Cela s’explique par le faitque ces secteurs correspondent au centre ville historique de Lyon (presqu’île et Vieux Lyon)

Mais aussi, (cela est valable surtout pour le 2e et le 5e), aux arrondissements de la ville lesplus historiquement empreints de religiosité et l’on sait que le 8 décembre est originellementune fête mariale.

Assez logiquement, les arrondissements périphériques sont nettement mis à l’écart desmanifestations phares du festival et comportent moins d’événements au total.

Cette constatation est étonnante pour le 4e arrondissement et donc la Croix Roussequi en constitue une importante partie, surtout si on la considère comme une extensiondu centre ville, ou du moins comme un quartier aussi emblématique que touristique de laville39. Ceci est d’autant plus frappant si l’on regarde plus en détail l’évolution du nombre demanifestations dans l’arrondissement sur les 8 ans (voir graphique ci-dessus). En effet, onremarque qu’en 2005 et 2006, les seuls événements organisés dans le secteur n’étaient pasmis en place par la mairie centrale mais bien par les acteurs du quartier (les associationset éventuellement la mairie d’arrondissement)

L’explication à ce phénomène est peut être identitaire quand on sait à quelle point lesentiment d’appartenance à la Croix Rousse est fort et distinct de l’identité de Lyon. Peutêtre la tradition du 8 décembre est-elle trop lyonnaise pour être adoptée complètement parce quartier à l’intégration si particulière dans le paysage identitaire de la ville…

La pauvreté en manifestations que l’on constate dans le 9e arrondissement estégalement frappante quand on sait qu’il est le fief politique de Gérard Collomb. Il estétonnant que le maire actuel n’ait pas fait plus d’efforts pour mieux intégrer ce secteur, certesexcentré, de la ville. Mais le plus frappant (voir graphique ci-dessus) est de voir que c’estsous Raymond Barre que la Fête est la plus présente dans l’arrondissement !

En revanche, en ce qui concerne le 6e arrondissement, le résultat est plus logique sil’on considère que ce secteur est historiquement à droite et que c’est bien sous RaymondBarre que l’on y trouve le plus d’événements.

Pour compléter cette analyse, il est également intéressant de réduire l’échelle auxquartiers. Ceci était difficilement retranscriptible en terme de tableaux statistiques mais en

38 Voir annexe VII page 51 et suivantes39 Preuve en est, un guide touristique exclusivement croix- roussien est maintenant disponible à l’Office du Tourisme de Lyon

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Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives

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se penchant sur les tableaux récapitulatifs des programmes des sept années, certaines

constatations peuvent être dégagées : prenons l’exemple du 2e arrondissement dont on avu la richesse en terme d’événements du 8 décembre. Quasiment aucun ne prenait place« derrière les voûtes ». Ce quartier, coupé du reste de la presqu’île par le centre d’échangede Perrache, a longtemps été mis à l’écart par les politiques de la ville, qu’elles soientculturelles ou urbanistiques, jusqu'à la décision récente de le réhabiliter au travers du projetde la Confluence et de la prolongation du tramway T1 jusqu'à Montrochet. Il serait doncintéressant de voir si dans les années à venir, la Fête des Lumières s’implantera dans cesecteur, peut être pour se faire porteur de cette réhabilitation, permettant ainsi d’illustrer unpeu plus le propos de ce mémoire.

Il était également intéressant de faire se recouper les mises en lumièresévénementielles principales de chaque édition pour voir s’il n’était pas possible d’en dégagerdes éléments d’interprétation. On se rend alors compte d’une certaine pérennité dansl’éphémère car certains monuments emblématiques font quasi systématiquement l’objetd’une valorisation.

C’est notamment le cas pour le théâtre des Célestins (sauf pendant sa période deréfection), de l’Hôtel de Ville, de la Cité Internationale, de l’Hôtel Dieu, de la place Bellecour,du Palais de Justice, de la Gare St Paul, de la place des Terreaux de la Basiliquede Fourvière, de la cathédrale St Jean et de l’Eglise St Nizier. Parmi tous ces lieuxemblématiques, on remarque la prédominance de la mise en valeur des lieux de culte lesplus symboliques de la ville. On peut alors se demander pourquoi l’église Ste Blandine nefait-elle pas l’objet de ce type de faveur quand on sait l’importance de cette sainte pour laville40, cela rejoint les conclusions développées plus haut : cette église se situe sur le coursCharlemagne, dans un secteur peut investit par la Fête des Lumières.

Ainsi, les éclairages réalisés lors des célébrations du 8 décembre, qu’ils soientpermanents ou événementiels dans le cadre de la « Fête des Lumières» ont une significationpolitique d’aménagement de l’espace. Mais ils répondent également aux nouveaux objectifset enjeux de Lyon : rayonner, attirer, exceller. C’est le point que nous allons abordermaintenant.

b. Briller pour mieux rayonnerComme nous avons pu le voir tout au long de cette analyse, la Fête des Lumières constitueun véritable enjeu pour la ville de Lyon dans le sens où elle lui permet de rayonner dansplusieurs domaines.

Elle est tout d’abord un atout pour le développement du tourisme à Lyon. En effet,chaque édition accueille toujours plus de visiteurs. Pour exemple, en 2001 la fête recevaitun million et demi de spectateurs, ce qui est déjà un chiffre considérable pour un festivallancé depuis seulement trois ans.

Mais en 2003, c’est 3,2 millions de personnes qui ont pu admirer les effets lumineuxdu 8 décembre. En 2005 et 2006, le nombre passe à quatre millions ce qui représente ledécuple de la population de Lyon.La ville attire et se fait connaître au travers de cette fête.Le public ne vient plus seulement de la France entière mais également des pays d’Europevoir du monde entier. C’est une belle réussite pour cette ville longtemps dite « de passage ».

40 St Blandine est considérée comme l’une des plus célèbre martyre de l’histoire de la chrétienté, elle a été persécutée àLyon en 177.

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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De plus, rappelons un élément loin d’être anodin, la fête est entièrement gratuitepour son public. Pourtant, les investissements de la Ville et des partenaires privés sontimportants. Le budget de l’édition 2006 était, pour donner un ordre d’idées, de plus de3,5 millions d’euros au total. Si la rentabilité de la fête ne peut donc pas se comptabiliserfinancièrement, ce n’est pas pour autant que les investisseurs n’en retirent aucun bénéfice.Car être partenaire de la Fête des Lumières, c’est véritablement se donner une visibilité etune notoriété sur l’ensemble du territoire local, national, voire international. La ville de Lyonquand à elle, a su se doter à travers la création de cet événement, d’un formidable outil depromotion et d’attractivité.

Mais la fête est également un moyen d’affirmer la place de Lyon en tant que leader dusavoir faire en matière d’urbanisme lumière et de réflexion sur les problématiques liées à lanuit urbaine. Depuis 2001, le festival sert de cadre à des cercles de réflexion, de débats etde conférences sur ce type de questions41, faisant de Lyon un « Laboratoire de création oùs’inventent les villes de demain » comme aime à le répéter Gérard Collomb. Cette mêmeannée, une déclaration d’intention est officiellement prononcée, annonçant la création d’unréseau des villes illuminées.

En 2003, ce réseau international dont Lyon est le fondateur est reconnu par l’UnionEuropéenne et 30 de ces villes sont représentées à Lyon pour le 8 décembre.

Il faut dire que l’année précédente, la ville avait accueilli, dans le cadre de la Fête desLumières, les « entretiens Jacques Cartier » qui s’étaient fait le théâtre d’un grand colloquesur le sujet de la nuit urbaine. L’objectif était bien de montrer que Lyon est véritablementun leader international en matière d’utilisation de la lumière au service du développementurbain.

Ainsi, peu à peu, Lyon prend de l’ampleur et grandit en notoriété dans un pays oùl’excellence semble souvent monopolisée par Paris. Anecdote révélatrice de cette prise depas de la Capitale des Gaulles sur la Capitale tout court : la visite en 2003 du maire deParis, Bertrand Delanoë pour le 8 décembre. La venue de l’homologue socialiste parisiende Gérard Collomb n’est pas anodine. En plus d’être une première, cette démarche semblaitse révéler comme une quête de nouvelles idées pour la « nuit blanche » parisienne de 2004.Le rapport de force s’inverse, faisant mentir l’idée que Paris aurait toujours une longueurd’avance sur la province.

La Fête des Lumières se fait le révélateur d’un certain nombre d’éléments : descontradictions au souci de cohérence politique, aux choix en matière de mise en valeur dupatrimoine urbain de Lyon en passant par des logiques de stratégies de développement, devisibilité et de rayonnement de la ville au niveau touristique et économique. De là naît unesérie de débats de fond avec lesquels le pouvoir municipal doit jongler, c’est d’ailleurs cepoint que nous allons développer maintenant.

2. Que reste t-il du 8 décembre ?

a. Quelle place pour l’église ?

41 Voir annexe IV page 5 des annexes

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Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives

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Mais que devient alors le pouvoir religieux dans cette réappropriation profane de la fête ? Sil’Eglise reste visible en affichant un gigantesque « Merci Marie » de lumière au sommet dela colline de Fourvière dès le début du mois de décembre, elle peine cependant à se faireune place dans cette nouvelle sociabilité engendrée par ce 8 décembre à l’allure populaireet laïque.

Il est vrai que si la traditionnelle montée aux flambeaux à Fourvière perdure et que l’onpeut encore assister à quelques concerts de musique sacrée les soirs de 8 décembre, lanature initialement religieuse et mariale de la fête semble être peu à peu oubliée. D’ailleurs,malgré l’effort fait par la mairie pour rappeler sans cesse l’histoire de la fête, notammentcomme nous avons pu le voir plus haut dans les éditoriaux, peu de visiteurs en connaissentla véritable origine. C’est évidemment le cas pour les touristes mais également pour bonnombre d’habitants de la région qui confondent encore l’histoire du 8 septembre et celledu 8 décembre, pensant que l’on illumine ce soir là pour remercier la Vierge d’avoir sauverLyon de la peste. Il règne ainsi une grande confusion autour de la religion associée au 8décembre ne facilitant pas l’intégration de l’Eglise à la nouvelle version des célébrationsinitiées par le pouvoir municipal.

La création par la municipalité, du « Festival Lyon Lumière » en 1999, signe lerenouveau d’une lutte ancestrale entre ceux qui ont toujours revendiqué la particularitéreligieuse du 8 décembre et ceux qui en ont suivi la déviance sociale et festive, menant aucaractère majoritairement laïc qu’on lui connaît aujourd’hui. Lumières contre illuminations,festival profane contre manifestation sacralisante... Les querelles identitaires reprennent duservice.

C’est ainsi que cette même année, l’église St Nizier, confiée à la communauté del’Emmanuelle, ouvre ses portes toute la nuit du 8 décembre, proposant méditations,musiques, sacrement de réconciliation etc. L’année suivante, la cathédrale St Jean resteouverte, suivie, progressivement par plusieurs églises.

L’édition 2001 fait, quant à elle, l’objet de débats houleux : La traditionnelle « Marchepour la paix » est annulée car elle se retrouve au centre d’une véritable discorde entrelaïcs et croyants.42 En effet, cette année là, les athées ont accusé les catholiques de vouloirrécupérer l’événement, à l’origine laïc et donc ouvert à tous les courants de pensée, pouren faire une procession religieuse. Ce à quoi l’archevêché a répondu en rappelant la natureintrinsèquement mariale des célébrations du 8 décembre, propos que les protestants n’ontpas appréciés non plus… On le voit, même encore aujourd’hui, la fête des illuminationscontinue de créer des tensions entre les différents acteurs de la vie de la cité.

En 2003, des Lyonnais regroupés dans une association, souhaitent rappeler lecaractère religieux et marial de la fête en finançant 80 affiches rétro éclairées dans toutela ville, proclamant un grand « Merci Marie ». Cette même année, pas moins de 200affiches, au format cependant plus réduit, sont apposées dans les commerces de la ville.La même association finance un encart dans le quotidien régional « Le Progrès » du 8décembre, pour donner le programme des manifestations religieuses ; un peu comme si unerésistance parallèle au rouleau compresseur « Fête des Lumières » s’organisait du côté descatholiques. Une sorte de contre-attaque à la prise d’ampleur d’une fête que ces derniersconsidèrent comme dénaturée.

42 Lyon Figaro du 4 décembre 2001 : La marche pour la paix annulée : pas d’accord entre laïcs et croyants pour le 8 décembrepar BOUCHER S.

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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En 2004, les catholiques lyonnais tentent de se réapproprier cette fête de la lumièreen distribuant 500 000 bibles aux habitants43 ! Cette initiative intervient alors que l’Eglise

fête le 150ème anniversaire de l’Immaculée conception et vise à redonner une dimensionspirituelle à cette nuit si particulière. Ce choix est évidement porteur d’un sens qui, auregard de l’histoire de la fête, prend toute sa dimension politique. Et ce d’autant plus qu’àLyon, pouvoir municipal et religieux ont toujours entretenu une relation particulière entre etsyncrétisme et violentes oppositions.

On l’a vu, le 8 décembre d’aujourd’hui présente de grandes différences avec la fêtechrétienne originelle. La question du sens est ainsi primordiale, de même que celle dumélange des genres.

En effet, tout rituel s’expose dans son exercice même, au risque de profanation. Cettehantise de la profanation motive le reproche de mélange, voire de confusion des genres,reproche aussi bien appliqué à une solennité religieuse qu’à une cérémonie laïque.

Le rituel du 8 décembre tombe bien évidemment sous le coup de cette accusation.Accusation que n’ont cessé de produire tous ceux qui ont déploré et déplorent encore qu’aitété trahi l’esprit originel d’un geste caractérisé avant tout comme celui d’une dévotion àMarie.

Fête religieuse contre fête profane donc ? La réalité est pourtant plus nuancée. CarGérard Collomb est tout prêt à accepter une présence religieuse. C’est même le premiermaire lyonnais à avoir prévu, au sein de son cabinet, un responsable des relations avecles cultes. Lui même Franc-maçon, il participe pourtant à la traditionnelle cérémonie deséchevins qui réunit à Fourvière, autorités politiques et catholiques de la ville, chaque 8septembre.

b. Le 8 décembre au cœur du débat politique localNous l’avons vu, le 8 décembre est une fête à l’origine religieuse devenue pour la ville unemanifestation identitaire, une affirmation de son histoire qui fait école à l’extérieur des mursde la cité. On peut dire que de nos jours, la fête constitue une représentation du sentimentd’appartenance à la ville, un élément de Lyonnitude de plus, pour reprendre le terme d’uncélèbre historien lyonnais qui se reconnaîtra…

Cette grande tradition populaire essaime même les lumignons aux alentours de laCapitale des Gaulles en même temps que son caractère sacré se transforme en rituel païenpour désormais faire l’objet, nous l’avons vu, d’un réel débat identitaire.

Et c’est bien d’identité qu’il s’agit, entre celle voulue par le pouvoir et celle ressentiepar les publics. Car chaque lumignon ne revêt pas la même signification. Chaque fenêtrenon illuminée un soir de 8 décembre revêt en soi une signification politique forte : Refusd’une tradition trahie par la municipalité ? Refus d’une tradition encore perçue comme tropempreinte de religiosité ? On le voit, la même action peut être interprétée différemment.C’est d’ailleurs là toute la difficulté pour le pouvoir actuel de mettre en œuvre une politiqueculturelle qui puisse faire sens pour le plus grand nombre de Lyonnais, prenant en comptechaque singularité, chaque inconscient du public, au pluriel comme au singulier.

43 Le Monde du 8 décembre 2004 : Les catholiques lyonnais veulent se réapproprier la Fête des lumière en offrant 500 000bibles par LANDRIN S. et TERNISIEN X.

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Deuxième partie : La Fête des Lumières : nouvelles perspectives

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On peut alors se demander si le nouveau format de la fête ne fait-il pas peu àpeu disparaître la date symbolique du 8 décembre. Preuve en est, dès l’édition 2002,la fréquentation s’étale équitablement sur les quatre nuits de festivités. Avant cela, ellerestait encore concentrée sur la soirée du 8. Un article du Progrès daté du lendemain du8 décembre 200244 nous dit d’ailleurs que cette année là « peu de fenêtres étaient ornéesde lampions ».

Cet élément pose la question d’une éventuelle perte de sens de la fête, ô combienrisquée si l’on considère que sa légitimité, tirée de sa longue tradition, est pour grande partdans son succès actuel.

La municipalité de Gérard Collomb semble pourtant avoir pleine conscience de l’écueilet la réaction ne se fait pas attendre, montrant un peu plus la réactivité du pouvoir etl’importance qu’il accorde à la fête.

Lors d’un conseil municipal de novembre 200345, le débat est mis sur la place publiquelorsque le maire annonce aux lyonnais46 que la municipalité a l’intention de lancer unecampagne de communication pour les inviter à renouer avec la tradition d’allumer deslumignons sur leurs fenêtres. Les élus millonnistes avaient alors prévu d’allumer chacun àleur place un lumignon, mais au moment de prendre la parole seul l’orateur Eric Roux deBezieux a éclairé le sien. Pour reprocher à l’adjointe aux événements le fait de gommer le 8décembre et sa connotation historique et religieuse au profit de la seule Fête des Lumières« J’ai deux craintes : qu’une programmation politique rigoureuse ne soit pas conforme aucaractère originel de la fête et que la surenchère d’offre publique étouffe la spontanéité quiavait été la raison de cette manifestation ». Propos qui ont alors irrité Gérard Collomb quilui a répondu : « Vous aviez fait l’an passé une description apocalyptique de ce qu’allaitêtre la Fête des Lumières. Or elle n’a jamais eu autant de succès. Nous ne renions pasla tradition, mais la tradition n’est pas l’immobilisme ». Ce jour là, un élu UMP va mêmejusqu'à suggérer de laisser les soirs de 8 décembre aux seuls lumignons. Si ce débat peutapparaître comme particulièrement houleux, il semble pourtant avoir été constructif puisquedès l’année qui suit, la mairie décide de mettre en place dans le quartier d’Ainay - secteurtraditionnel des catholiques lyonnais - une opération « Retour aux sources » consistant àbaisser l’éclairage public et à demander aux habitants de garnir le bord de leurs fenêtred’encore plus de lumignons qu’à l’habitude. On retrouve alors cette dimension de l’éclairaged’initiative privée, au fondement même de la tradition du 8 décembre.

On voit donc que le débat autour de l’identité de la célébration n’est pas seulementreligieux mais aussi politique et qu’il cristallise nombre d’appartenances et d’oppositions. Lamajorité municipale se retrouve en position de « grand écart » entre deux conceptions dela fête. Il s’agit de faire la part entre le respect de sa dimension spirituelle et la volonté d’enfaire une grande fête populaire susceptible de plaire au plus grand nombre.

En partant de ce principe, il faut considérer deux dimensions différentes selon laparticularité des publics. Quelle identité est perçue par le public lyonnais ? Quelle identitéest montrée a un public « touriste » ? Comment faire en sorte que chaque groupe, lui-mêmeformé par différentes singularités, puisse se reconnaître dans la politique culturelle mise enœuvre ?

44 Le Progrès du 9 décembre 2002 : 8 décembre, la foule dans les lumières par PESCADERE L45 Lyon Figaro du 24 novembre 2003 : Municipal : le conseil cherche le sens du 8 décembre par POIGNARD F.46 Le conseil municipal était retransmis sur l’antenne de TLM

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Il y a plusieurs couches d’intelligibilité dans les politiques culturelles. L’individualité, faitaléatoire de ces politiques, peut mener à l’échec lorsque les pouvoirs n’ont pas su exprimerl’identité de ceux qui en sont les spectateurs. C’est certainement ce qui c’est passé lors del’édition 2004 de la Fête des Lumières qui n’a pas recueilli les faveurs du public. On a dit decette édition qu’elle était trop contemporaine et élitiste. Comment ne pas voir ici une sortede « malentendu identitaire » dont les décideurs seraient les responsables ? Une projectionde jardins imaginaires en trois dimensions sur la cathédrale St Jean, des bruits d’animauxde la ferme diffusés place des Terreaux… Le thème de la nature n’a apparemment pasété apprécié par un public de citadins. La dimension très contemporaine des animationsproposées a également pu paraître trop inaccessible pour un public traditionnellementfamilial et populaire. L’équipe à l’origine du projet de cette année 2004 a d’ailleurs étéremerciée47, montrant ainsi l’importance politique donnée par la mairie au succès de sesFêtes des Lumières.

En effet si ce « grand écart » fait par la municipalité est identitaire, il est égalementartistique. Car le pouvoir doit à la fois satisfaire les spécialistes qui considèrent la fête commeun lieu d’expérimentations en matière d’éclairage dont la démarche se veut créative etrépondre à la nécessité de faire des célébrations un événement populaire et culturellementaccessible à tous.

Ainsi se pose la question de l’identité lyonnaise au travers d’une fête qui, depuisses origines, n’a cessé de changer de nature. On peut donc se demander ce qu’il resteaujourd’hui du 8 décembre. Les Lyonnais ont-ils été dépossédés de leur fête ?

Il faut savoir que le 8 décembre, par sa force symbolique, a toujours fait l’objet de luttespour son appropriation et sa mise en oeuvre. Le 8 décembre « nouvelle génération » s’inscritalors parfaitement dans cette logique et semble polariser aujourd’hui les enjeux politiquespropres à la gouvernance d’une ville de l’ampleur de Lyon. Reste aux pouvoirs publicsà faire en sorte que se perpétue cette appropriation collective du rituel par les Lyonnais.Appropriation sans laquelle plus rien ne serait possible.

47 Lyon Capitale n°18 février 2005 : L’équipe de la Fête des Lumières débarquée par JAMBAUD A.C.

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Conclusion

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Conclusion

Depuis ses origines, quelque soit sa nature, la fête du 8 décembre a toujours été unevéritable politique culturelle de communication publique, mettant en scène les pouvoirsqu’elle a traversés jusqu'à nos jours.

On peut dire que le polymorphisme de cette fête en fait un formidable outil polyvalentpour ceux qui ont su en tirer parti. Depuis 1999, elle est au centre des nouveaux objectifsde la Ville de Lyon. La municipalité a bien compris l’atout que représentait cette tradition eta su en faire un véritable moteur de développement pour la ville.

La réussite et le succès que connaît actuellement la Fête des Lumières résulte detout un ensemble d’éléments à la fois historiques et politiques dont les imbrications seconfondent. C’est ce qui fait de cette fête un objet loin d’être facilement identifiable. La Fêtedu 8 décembre telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’a plus grand-chose à voir avec sa formeoriginelle. On sait maintenant que sa réhabilitation et son changement de nature sont liésà la mise en place du Plan Lumière lui-même découlant de la volonté de faire de Lyon uneville lumière.

Car la Fête des Lumières telle qu’on la connaît aujourd’hui est le résultat d’un longtravail de réflexion en matière de politique de la ville. Et sa place majeure au sein despréoccupations du pouvoir municipal tient essentiellement dans un raisonnement à lalogique implacable : il fallait, pour parvenir à changer l’image de Lyon, trouver un élémentqui viendrait justifier la mise en œuvre de ce projet d’urbanisme d’importance qu’était le toutpremier Plan Lumière. La tradition du 8 décembre est alors apparue comme un élément del’histoire de Lyon pouvant aisément légitimer cette nouvelle entité « Lyon ville lumière ». Maisl’objet de la fête est allé bien au-delà, puisqu’elle est également devenue un événementculturel et artistique à part entière et a permis de donner à la ville une visibilité, à la foisdans sa globalité et ses particularismes.

D’ailleurs, il est fortement possible que cette fête aussi connue que reconnue apportebeaucoup à la ville dans son ambition de devenir Capitale Européenne de la Culture en2013. Il se peut même qu’elle se retrouve au cœur du débat des prochaines électionsmunicipales… Car la réussite de cette fête, se retrouve inextricablement liée à la popularitéde la municipalité qui la met en œuvre et plus encore, à celle de la ville toute entière.

Cependant, la perpétuation de cette célébration, malgré les luttes dont elle a fait l’objettout au long de son histoire, montre bien qu’elle revêt une autre signification que simplementreligieuse ou politique.

C’est pourquoi cette réflexion s’achève sur une question qui reste ouverte : A quellesautres significations le 8 décembre renvoie-t-il, pour être si unanimement fêté encoreaujourd’hui ?

Cette longévité de ce « 14 juillet en Hiver » selon une expression de Philippe Dujardinconsiste peut être en un retournement d’un inconvénient en avantage avec toute larésonance symbolique que cela peut comporter.

Cette date hivernale, défavorable à une fête en plein air, permet de jouer sur lescontrastes de la lumière et de l’obscurité, de la chaleur et du froid. Ces lumières dans

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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l’hiver, au cœur d’une nuit plus longue que le jour qui la précède, ne permettraient-elles pasd’exprimer une sorte de jour social symbolique par rapport au réel de la nuit. Le 8 décembrepeut ainsi être perçu comme une socialisation créatrice de « chaleur humaine », chaquelumignon offrant à la foule qui déambule, sa chaleur et sa lumière si particulière.

FIN

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Bibliographie

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Bibliographie

Ouvrages

BENOIT B., SAUSSAC R. Histoire de Lyon des origines à 2005, Ed : des Traboules,2005, 281 pages.

CAVIGLIA J. Histoire du 8 décembre des origines à la séparation de l’Eglise et de l’EtatEd. La Taillanderie 2004, 224 pages.

CHABERT H., DURDILLY R., MONNAMI R. écrit par Laurence JAILLARD LyonLumière De Lyon à Hô Chi-Minh Ville, l’aventure de 10 années lumineuses Ed.Mémoire active 1999, 125 pages.

CHAMBOST M. Des coutumes populaires aux illuminations lyonnaises du 8 décembre,Ed: Société d'archéologie et d'histoire des Monts de Tarare, 1986, 72 pages.

DIRECTION DE L’ECLAIRAGE PUBLIC VILLE DE LYON Un Plan Lumière pour la Villede Lyon Ed. Ville de Lyon, Coll. Projets pour la Cité, 1995, 22 pages.

DUJARDIN P. et SAUNIER P-Y. Lumières sur le huit décembre, Ed: La ville de Lyon,2002, 31 pages.

GAMBIER G. La merveilleuse histoire du 8 décembre à Lyon Ed. La Taillanderie 2003,64 pages.

GROUPE TECHNIQUE LUMIERE LYON Lyon, le nouveau Plan Lumière Ed. Ville deLyon, 2004, 25 pages.

MASBOUNGI A. Penser la ville par la lumière, collection Projet Urbain, Ed. La Villette,Paris, 2003, 316 pages.

Livres de photographies

Lyon 8 décembre Fête des Lumières Ed. Esprit Public 2003

8 décembre Fête des Lumières 2001- 2005 Ed. Stéphane BACHES 2006

Articles de presse

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Le Progrès

BALAZARD J. 8 décembre, les recettes de la fête Le Progrès du 13 décembre 2003

BOUCAUD J. La lumière dans tous ses états Le Progrès du 23 novembre 2001

BOUCAUD J. Lyon, ville des lumières Le Progrès du 13 novembre 2003

BRIONE I. Lyon : faire de la fête des lumières un produit touristique Le Progrès du 30novembre 2001

PESCADERE L. 8 décembre, la foule dans les lumières Le Progrès du 9 décembre2002

TAPISSIER D. La lumière en trophées Le Progrès du 12 décembre 2001

TAPISSIER D. Festival lumière décevant rue Paul Bert Le Progrès du 12 décembre2001

Lyon Figaro

BAR C. 8 décembre, lumières sur la ville Lyon Figaro du 10 décembre 2001.

BENOIST A. Fête des lumières ; édition 2002 du 8 décembre : coulées de lumière LyonFigaro du 5 décembre 2002.

BOUCHER S. La marche pour la paix annulée : pas d’accord entre laïcs et croyantspour le 8 décembre Lyon Figaro du 4 décembre 2001.

DE GAULMYN I., SCHMIDT P. La Croix n°37005 7 décembre 2004 : Dossier : Lyon seprépare à sa nuit des lumières.

POIGNARD F. Municipal : le conseil cherche le sens du 8 décembre Lyon Figaro du 24novembre 2003

Libération

BERTRAND O. A Lyon, une cité s’expose Libération du 8 décembre 2001

BERTRAND O. Lyon : et la lumière fut… Libération du 8 décembre 2000

Divers

ANONYME Les Petites affiches Lyonnaises du 1er décembre 2001 : Le festival LyonLumières implique de plus en plus de sociétés privées

EHRET G. Lyon, où en est la lumière urbaine ? Archiscopie Ed. La Cité de l’architectureet du patrimoine, mars 2005, n°48,

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Bibliographie

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LANDRIN S. et TERNISIEN X. Les catholiques lyonnais veulent se réapproprier la Fêtedes lumière en offrant 500 000 bibles Le Monde du 8 décembre 2004.

MARMOZ R. Célébration : depuis 150 ans, Lyon s’enflamme pour son 8 décembre Letemps quotidien suisse du 6 décembre 2002

Magazines Municipaux de la Ville de Lyon

Lyon Cité n° 28 décembre 1999 : Dossier central Guide autour du 8 décembre, FestivalLyon Lumières.

Lyon Cité n° 36 décembre 2000 : Dossier central Guide 8 décembre, Festival LyonLumières.

Lyon Citoyen décembre 2002 : Dossier central Programme Lyon 8 décembre Fête desLumières.

Lyon Citoyen décembre 2003 : Dossier central Lyon l’allumée programme.

Lyon Citoyen n°27 décembre 2004 : Dossier central Fête des Lumières LyonProgramme.

Lyon Citoyen n°38 décembre 2005 : Dossier central Programme Fête des Lumières.

Lyon Citoyen n° 49 décembre 2006 : Dossier central Programme Fête des Lumières.

Lyon Citoyen n°52 mars 2007 : Lyon recadre son plan Lumière p. 16 à 19.

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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ANNEXES

Annexe I : Chronologie du Culte marial à Lyon : Datesclés pour la dévotion lyonnaise

1192 Erection de la chapelle de Fourvière sous lepatronage de la Vierge et de Saint ThomasBeckett

1564-1581-1628 Vœux du consulat lyonnais adressé à laVierge pour repousser la peste

1638 Louis XIII voue le Royaume de France àMarie Vœux des recteurs de la Charité àLyon pour sauver leurs enfants Premièreprocession à Notre Dame de Fourvière

8 septembre 1643 Vœux des échevins qui confient la Ville àMarie pour repousser une épidémie de peste.Ils s’engagent à ériger une statue place duChange et a processionner à Fourvière toutles 8 septembre

1848 Monseigneur BONALD restaure la célébrationdu 8 septembre

1851 Restauration de la chapelle de Fourvière 8 décembre 1852 Inauguration de la statue dorée de la

Vierge de FABISCH surplombant la chapellerestaurée

1854 Proclamation du dogme de l’ImmaculéeConception le 8 décembre

1896 Inauguration de la Basilique de Fourvièreà la suite du vœu de 1870 qui demandaità la Vierge de protéger Lyon de l’invasionprussienne

Annexe II : Chronologie de la Lumière à Lyon

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ANNEXES

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Annexe III : L’armature du nouveau plan lumière

Annexe IV : Les réflexions lumières

Dans le cadre du festival, plusieurs tables rondes sur différentes problématiquesrelatives à la lumière ont été organisées.

2002Chantiers et ateliers école de lumière

Workshop international dirigé par ELDA – Subsistances-

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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Encadrés par des concepteurs lumière Européens, des étudiants lyonnais imaginentet réalisent les mises en scène lumineuses sur les balmes, la cour centrale et les quaisprésentées du 5 au 8 décembre.

Conférences des concepteurs le 6 décembreAtelier école – Plan lumière Confluent-Sous la conduite de deux concepteurs lumière, Anne Bureau et Sylvie Sieg, une

réflexion prospective sur le paysage et les ambiances nocturnes du site de la Confluence,s’appuyant sur le projet urbain de François Gréther et Michel Desvigne.

Les rencontres lumière

Premières assises de l’écologie de la lumière urbaine

Initier un débat citoyen pour comprendre les enjeux d’une conception lumière maîtrisée,en accord avec une politique d’écologie de la lumière qui reste à inventer.

Quinzièmes entretiens du Centre Jacques Cartier – Séminaire international« L’Urbanisme Lumière en débat »

Né il y a 15 ans, l’urbanisme lumière arrive aujourd’hui à un moment charnière de sonhistoire. Quatre ateliers sont l’occasion d’un bilan. (Réservé aux professionnels)

Colloque international – « Urbanisme Lumière et territoires, une démarchegéoculturelle ? »

Comment les professionnels de la lumière au Japon, aux Etats-Unis ou en Europeprennent en compte la relation entre urbanisme lumière et territoires.

2003Chantier école« Attendez-voir »Expériences avec la lumière sur le thème de l’attente. Le parcours du public

accompagné par les étudiants, intègre dans un même mouvement les problématiques del’espace public (éléments urbains déplacé) et de l’éclairage intérieur.

Les rencontres de la lumièreTable ronde – « Lumière urbaine, lumière scénique, vers une théâtralisation de la ville

nocturne ? »Débat sur les frontières entre éclairage scénique, éclairage événementiel, et éclairage

pérenne qui font aujourd’hui, la ville la nuit.Colloque international – « Lumière préfiguratrice, lumière révélatrice »

Comment la lumière urbaine peut modifier le regard des citadins sur leur environnementDeuxième assises de l’écologie de la lumière – « Lumière et développement durable »Poursuivre le débat citoyen initié lors de la Fête des Lumières 2002 pour comprendre

les enjeux d’une conception lumière maîtrisée, en accord avec une politique d’écologie dela lumière.

2004Chantier Ecole

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ANNEXES

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Galerie des Terreaux

Dans l’espace de la galerie des Terreaux transformée par la lumière, le visiteur parcoursun univers scénographié inédit, fruit d’un séminaire d’étudiants des grandes écoles del’agglomération.

Les rencontres de la lumière

Rencontre lumière et urbanisme - 3 e assises de l’écologie de la lumière –

Questions sur un éclairage urbain durable

Rencontre lumière et urbanisme – Quelle ville nocturne voulons nous ?-

Rencontre lumière et urbanisme – L’éclairage, un levier dynamique dans les politiquesurbaines

Rencontre lumière et santé – « Personnes âgées et malvoyants : quelles évolutionspour l’éclairage urbain ? »

Annexe V : Délibération du conseil municipal de LyonSEANCE DU 19 JUIN 2006

2006/6642 - TOUR MÉTALLIQUE TDF À LYON 5ÈME –ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION D'ÉQUIPEMENT DE LA VILLE DE LYON À

TDF DE 100.000 € - PARTICIPATION AUX FRAIS D'ENTRETIEN ET SIGNATURE DE LACONVENTION - OPÉRATION 65001 001 (DIRECTION DE L'ECLAIRAGE PUBLIC)

Le Conseil Municipal,Vu le rapport en date du 2 juin 2006 par lequel M. le Maire expose ce qui suit :«Par délibération n° 90/0995 du 22 octobre 1990, le Conseil municipal a décidé de

participer financièrement à l’opération d’investissement d’illumination pérenne de la tourmétallique de Fourvière à Lyon 5ème pour un montant de 114 337 € TTC.

Dans le courant de l’année 2005, afin de permettre la réalisation de travaux de remiseen peinture générale de la tour, l’installation d’éclairage devenue obsolète a été déposée.TDF a émis le souhait de procéder de nouveau à l’éclairage de cet édifice dont l’image estdevenue l’une des composantes essentielles du paysage nocturne de la Ville.

Cette mise en valeur s’inscrivant dans le cadre général du Nouveau Plan Lumière etdevant s’harmoniser de fait avec l’illumination existante de la Basilique de Fourvière et del’ensemble des installations du site de la Colline Est (la Cathédrale Saint-Jean, le Palaisde Justice et la Maison Pauline Jaricot), la Ville de Lyon souhaite aider TDF à réaliser unéclairage conforme à la mise en valeur existante de la colline de Fourvière.

Par ailleurs, en raison de sa contribution à la mise en valeur de l’ensemble du site deFourvière tant pour les Lyonnais que pour les visiteurs de passage, la Ville de Lyon s’engageà participer conformément aux termes de la présente convention :

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La fête du 8 décembre à Lyon : nouveau marqueur d’enjeux d’une métropole [1999-2006]

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- au financement des travaux avec une subvention d’investissement d’un montant de100 000€, sur présentation du décompte général définitif des travaux,

- au versement d’une subvention de fonctionnement au titre des frais d’entretien del’installation d’éclairage pour les années à venir.

Vu la délibération du 22 octobre 1990 ;Vu le projet de convention avec TDF 2006/6642 2Vu l’avis émis par le Conseil du 5e arrondissement ;Ouï l’avis de sa Commission Urbanisme – Développement Durable – Cadre de Vie et

Environnement ;

DELIBERE1- Une subvention d’investissement de 100.000 €, dont 53.000 € seront financés à

partir de l’opération 52052002 (Eclairage du quai Saint-Antoine) dont l’AP n°2003-311 estramenée de 230.000 € à 177.000 €, est allouée à TDF.

2- La convention susvisée relative à la mise en valeur par l’éclairage de la tourmétallique TDF à Lyon 5e établie entre la Ville de Lyon et TDF est approuvée.

3- M. le Maire est autorisé à signer ledit document ainsi que les actes y afférent.4- La dépense en résultant sera financée sur les crédits inscrits et à inscrire au budget

de la Ville au secteur Plan d’équipement, programme 13, opération 65001 001 et seraimputée sur l’article 2042, fonction 821, LC N° 22536.

Pour extrait conforme,Pour le Maire, l’Adjoint délégué,G. BUNA

TABLEAUCes tableaux sont à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporainede l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

GRAPHIQUESCes graphiques sont à consulter sur place au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon