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1 Tribunal administratif N° 41800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2018 4 e chambre Audience publique du 28 janvier 2020 Recours formé par les sociétés à responsabilité limitée ... SARL, ... SARL, ... SARL et ... SARL (Luxembourg), contre un bulletin d’impôt sur le revenu des collectivités et un bulletin d’impôt commercial communal en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal ___________________________________________________________________________ JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 41800 du rôle et déposée le 11 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif par la société coopérative KPMG Luxembourg, expert- comptable et réviseur d’enreprise, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro B 149133, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 39, avenue John F. Kennedy, représentée aux fins de la présente instance par son associé Monsieur , agissant au nom et pour le compte des sociétés à responsabilité limitée ... SARL, ... SARL, ... SARL et ... SARL, ayant toutes eu leur siège social à L-, transféré actuellement à L-, inscrites au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous les numéros respectifs B, B, B, et B, représentées par leurs gérants actuellement en fonctions, agissant en tant qu’ayants droits de la société anonyme ... SA, dissoute sans liquidation par scission, ayant eu son siège social à L-, ayant été inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro B, tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2013, tous émis le 7 octobre 2015 ; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2019 ; Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2019 par la société coopérative KPMG, préqualifiée, pour le compte de ses mandantes ; Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2019 ; Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris ; Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur Hermann Schomakers, pour la société KPMG, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives. ___________________________________________________________________________ Par courrier du 5 février 2013, la société anonyme ... SA, dénommée ci-après « la société ... », adressa, par le biais de son litismandataire de l’époque, au bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau

Tribunal administratif du Grand-Duché de …3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la

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Tribunal administratif N° 41800 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2018

4e chambre

Audience publique du 28 janvier 2020

Recours formé par les sociétés à responsabilité limitée

... SARL, ... SARL, ... SARL et ... SARL (Luxembourg),

contre un bulletin d’impôt sur le revenu des collectivités

et un bulletin d’impôt commercial communal

en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41800 du rôle et déposée le 11 octobre 2018 au

greffe du tribunal administratif par la société coopérative KPMG Luxembourg, expert-

comptable et réviseur d’enreprise, inscrite au registre de commerce et des sociétés de

Luxembourg, sous le numéro B 149133, établie et ayant son siège social à L-1855

Luxembourg, 39, avenue John F. Kennedy, représentée aux fins de la présente instance par son

associé Monsieur …, agissant au nom et pour le compte des sociétés à responsabilité limitée ...

SARL, ... SARL, ... SARL et ... SARL, ayant toutes eu leur siège social à L-…, transféré

actuellement à L-…, inscrites au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous les

numéros respectifs B…, B…, B…, et B…, représentées par leurs gérants actuellement en

fonctions, agissant en tant qu’ayants droits de la société anonyme ... SA, dissoute sans

liquidation par scission, ayant eu son siège social à L-…, ayant été inscrite au registre de

commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro B…, tendant à la réformation des

bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour

l’année 2013, tous émis le 7 octobre 2015 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal

administratif le 11 janvier 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 février 2019

par la société coopérative KPMG, préqualifiée, pour le compte de ses mandantes ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal

administratif le 11 mars 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins entrepris ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur Hermann Schomakers,

pour la société KPMG, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs

plaidoiries respectives.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 5 février 2013, la société anonyme ... SA, dénommée ci-après « la

société ... », adressa, par le biais de son litismandataire de l’époque, au bureau d’imposition

Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau

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d’imposition », une demande d’un « advance tax agreement » concernant le traitement fiscal

des actions privilégiées rachetables, dénommées « mandatory redeemable preference shares »,

en abrégé « MRPS », à émettre par elle au profit de son actionnaire unique, la société à

responsabilité limitée de droit allemand, ... mbH, dénommée ci-après « la société ... », et qui

donneraient droit à un dividende préférentiel de 85 % du « net capital gain booked over the

real property owned by ... ». Aux termes de cette demande, ces MPRS seraient à qualifier de

dettes et les dépenses et paiements sur les MRPS seraient considérées comme fiscalement

déductibles, étant en accord avec le principe « at arm’s lenght ».

Par un courrier du 8 avril 2013, le préposé du bureau d’imposition, dénommé ci-après

« le préposé », s’adressa au litismandatatire de l’époque de la société ... dans les termes

suivants :

« (…) En référence à votre lettre du 5 février 2013 concernant la structuration

juridique envisagée par la société sous rubrique, je marque mon accord que son contenu est

en conformité avec les législations fiscales et positions administratives en vigueur.

Il est bien entendu que ma confirmation ne peut être utilisée que dans le cadre de la

présente structure, pour une durée de 1 an et que les principes détaillés dans votre lettre ne

sont pas transposables ipso facto à d'autres cas d’espèce ni au-delà d’1 an. (…) ».

Par un acte notarié du 30 décembre 2013, la société ... procéda à la scission de sa filiale

... en quatre sociétés à responsabilité limitée, dénommées respectivement ... SARL, ... SARL,

... SARL et ... SARL, entre lesquelles fut partagé l'actif principal de la société ... constitué par

une propriété immobilière composée d'un terrain ainsi que d'un complexe administratif de

quatre immeubles érigés sur celui-ci connu sous le nom d'« … », située au …, L-….

Suite au dépôt, en date du 30 avril 2015, par la société ..., de sa déclaration pour l'impôt

sur le revenu des collectivités et pour l'impôt commercial communal de l’année 2013, le bureau

d’imposition demanda à cette dernière, par un courrier du 6 mai 2015, de « bien vouloir

démontrer que le rendement sur les MRPS (…) est conforme aux conditions du marché (arm’s

length principle) pour le 30 mai 2015 au plus tard ».

La société ... fit répondre au bureau d'imposition par un courrier électronique de son

litismandataire de l’époque du 20 mai 2015, qu’« en l’espèce, il n’est nul besoin pour … de

justifier des prix de transfert », en raison de l’accord fiscal délivré « sans réserve », tout

en demandant une entrevue dans les locaux de l’administration des Contributions directes.

Par un courrier du 2 septembre 2015, le bureau d’imposition s’adressa à la société ...,

sur le fondement du paragraphe 205, paragraphe 3 de la loi générale des impôts du 22 mai

1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », afin de l’informer qu’il avait

l’intention de s’écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l’année 2013, aux motifs

suivants :

« (…) En vertu du §205 (3) de la loi générale des impôts, je vous informe,

préalablement à l'imposition, que le bureau Sociétés 6 envisage de s'écarter sur différents

points de votre déclaration fiscale de l'année 2013 remise en date du 30 avril 2015.

De prime abord il y a lieu de noter que le mali de fusion comptabilisé lors de

l'absorption de la filiale … n'est pas déductible. En effet, l'article 171 (1) LIR stipule que 'en

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cas d'application des articles 170 (2) ou 170ter (1) LIR, le bénéfice de l'organisme bénéficiaire,

qui a détenu une participation dans l'organisme apporteur, est calculé comme si la

participation avait été réalisée à la valeur d'exploitation, indépendamment de l'évaluation des

biens repris.

Dans votre cas, aucun produit du partage n'est réalisé vu que la valeur d'exploitation

de la filiale en question correspond à sa valeur comptable (… €).

En outre, la plus-value occulte sur l'immeuble à découvrir lors de la scission à raison

de … € est à soumettre à imposition à raison de 100%, nonobstant l'accord à préalable datant

du 05 février 2013 et signé le 08 avril 2013.

La décision d'imposer cette plus-value occulte est fondée sur le fait que la déduction

opérée au niveau fiscal à titre d'intérêts 'fictifs' sur des MRPS constitue un abus de droit au

sens du § 6 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG).

Juridiquement, les MRPS, dont la valeur nominale s'élève à … €, font partie intégrante

du capital social tandis que fiscalement, selon l'accord à préalable ci-avant cité, ils sont

requalifiés en un instrument de dette vu leurs caractéristiques ('substance over form').

Dans votre déclaration fiscale et conformément à l'annexe 2, une déduction de … € à

titre de rendement sur les MRPS est opérée sur la base imposable, base qui correspond à la

plus-value occulte de l'immeuble.

En date du 06 mai 2015, le bureau d'imposition Sociétés 6 vous a demandé, par

courrier, de démontrer que le rendement sur les MRPS est conforme aux conditions du marché.

Ce courrier est resté sans réponse jusqu'à ce jour ce qui laisse un doute très sérieux que

l'instrument financier (i.e. MRPS) est conforme au principe de la pleine concurrence.

L'alinéa (1) du § 6 StAnpG dispose que « Durch Missbrauch von Formen und

Gestaltungsmöglichkeiten des bürgerlichen Rechts kann die Steuerpflicht nicht umgangen oder

gemindert werden. ».

Dans votre cas, les MRPS ont été mis en place dans le seul but d'échapper, du moins

pour une très grande partie, à l'imposition de la mise à découvert d'une plus-value occulte tout

en mettant en compte une déduction fiscale artificielle et sans aucune raison économique

valable.

Veuillez trouver en annexe le bilan fiscal qui servira de base à imposition pour l'année

2013.

Je vous prie de formuler vos objections éventuelles pour le 25 septembre 2015 au plus

tard. Ce délai dépassé, l'imposition sera établie en tenant compte des commentaires

ci-avant. (…) ».

Par courrier de son litismandataire de l’époque du 24 septembre 2015, la société ... prit

position par rapport à la lettre du bureau d'imposition du 2 septembre 2015.

Le 7 octobre 2015, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société ... les bulletins

de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année

2013, en spécifiant que l'« imposition diffère de la déclaration sur le points suivants (…)

L’imposition a été effectuée conformément à notre lettre du 2 septembre 2015. Le bureau

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d’imposition n’a pas reçu la preuve que le rendement (fictif) sur les MRPS est conforme aux

conditions du marché. »

En date des 5 janvier et 24 février 2016, la société ..., dissoute par scission, ainsi que

les quatre entités résultant de la scission firent introduire une réclamation à l’encontre de ces

deux bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après

désigné par « le directeur ». Cette réclamation ne connut pas de réponse de la part de ce dernier.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 2018,

les sociétés à responsabilité limitée ... SARL, ... SARL, ... SARL et ... SARL, agissant en tant

qu’ayant droits de la société ..., dénommées ci-après les « parties demanderesses », ont fait

introduire un recours tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des

collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2013, émis le 7 octobre 2015.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8 (3)

3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre

administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est

appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin d’impôt, en cas

de silence du directeur, suite à une réclamation y relative lui adressée dans les délais.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre

les bulletins litigieux du 7 octobre 2015, recours qui est encore recevable pour avoir été, par

ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les parties demanderesses rappellent les rétroactes

précités de l’affaire en soulignant qu’après la demande de l’accord fiscal préalable adressée au

bureau d'imposition, les statuts de la société ... auraient été modifiés le 7 mars 2013, stipulant

à l'article 9 que le bénéfice disponible serait distribué aux actionnaires de préférence à raison

de 85% de la plus-value nette réalisée ou comptabilisée directement ou indirectement sur

l'immobilier détenu par la société.

Elles donnent à considérer que la société ... aurait été propriétaire de quatre immeubles

d’un complexe immobilier dénommé « … » dans la zone d’activités, sise à …, L-…. Etant

donné que la vente en une fois de cette propriété immobilière se serait avérée difficile, il aurait

été décidé de procéder à la scission de la société ... en quatre sociétés et d’attribuer à chacune

d’elles une part de la propriété immobilière précitée, tel que ce partage aurait d’ailleurs été

admis par l’Administration du cadastre et de la topographie en date du 3 décembre 2013.

Les parties demanderesses expliquent ensuite que, suite à cette scission de la société ...,

ayant pris effet au 30 décembre 2013 et ayant été publiée au Mémorial C en date du …, une

plus-value occulte sur l'immeuble de … euros, résultant de la différence entre la valeur

marchande de …,- € et la valeur comptable dudit immeuble s’étant élevé à … euros, aurait été

constatée.

Sur base de l’accord fiscal préalable, le montant de … euros, correspondant aux

dividendes préférentiels de 85 % liés aux MRPS, aurait alors été déduit dans le cadre de la

déclaration d’impôt de l’année 2013.

Les parties demanderesses précisent encore que suite à l’émission des bulletins litigieux

et lors d’une entrevue du 28 décembre 2015, il aurait été convenu avec le directeur de lui

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fournir, pour autant que de besoin, une étude de prix justifiant la conformité des paiements en

relation avec les MRPS au principe de pleine concurrence, étude qui aurait été déposée le 24

février 2016.

En droit, les parties demanderesses critiquent les bulletins litigieux du fait, en premier

lieu, d’avoir été pris en violation de l’accord fiscal préalable du 8 avril 2013 et, en deuxième

lieu, d’avoir soulevé ex post un abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation

fiscale modifiée du 16 octobre 1934, maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26

octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », en contradiction

avec l’accord fiscal précité.

En ce qui concerne le premier moyen, les parties demanderesses font valoir que les

bulletins litigieux, du fait de ne pas respecter l’accord fiscal préalable du 8 avril 2013, auraient

été émis en violation du principe de bonne administration selon l’article 41 de la Charte des

droits fondamentaux de l’Union européenne, comprenant notamment le principe de la sécurité

juridique et de la confiance légitime, de sorte à pâtir d’un excès de pouvoir.

Dans ce contexte, les parties demanderesses font plaider qu’il ressortirait d’une

jurisprudence constante des juridictions administratives, dont elles citent quelques références,

que l’administration des Contributions directes serait tenue de respecter les accords fiscaux

préalables en vertu du principe de confiance légitime.

Il aurait ainsi été retenu dans un arrêt de principe de la Cour administrative du 12 juillet

2016, inscrit sous le numéro 37448C du rôle, qu’à l’époque où les conditions d'une décision

préalable de l'administration sur un cas d'imposition individuel n'étaient pas encore

réglementées, cette pratique aurait été basée sur le principe de confiance légitime qui répondrait

au souci du respect de la sécurité juridique ayant pour objectif d'assurer la prévisibilité de

l'administration, ledit principe protégeant l'administré contre les changements brusques et

imprévisibles de l'administration en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement

habituellement adopté par cette dernière ou à des engagements pris par elle, tel que cela aurait

également été retenu par la Cour administrative dans un arrêt du 28 avril 2015, inscrit sous le

numéro 35430C du rôle. Ainsi, en cas d'existence d'une relation étroitement personnelle entre

le contribuable et l'administration, notamment à l'occasion d'une demande de renseignements

individuelle dans le cadre d'un cas d'imposition, le contribuable pourrait exiger de la part de

l'autorité compétente ayant fourni, suite à cette demande, une réponse quant au traitement fiscal

de la situation factuelle décrite dans la demande, le respect de ce « pré-comportement » objectif

de la personne publique auquel il s'est raisonnablement fié, et la légitimité de sa confiance

subjective pourrait être présumée et ce, avec d'autant plus de force lorsqu'il existe des

dispositions concrètes et objectives indéniablement prises dans la confiance.

En l’espèce, les parties demanderesses font plaider que l’accord préalable du 8 avril

2013 remplirait toutes les conditions jurisprudentielles de nature à lier l’administration des

Contributions directes quant aux expectatives ainsi créées.

En effet, les parties demanderesses donnent tout d’abord à considérer que leur demande

d’un accord préalable aurait été soumise par écrit de façon à permettre à l'administration fiscale

d'analyser convenablement la situation exposée.

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Ainsi, leur demande écrite du 5 février 2013 aurait saisi le bureau d'imposition d’une

question juridique claire, dûment motivée, en ce qui concerne la déductibilité des paiements

relatifs aux MRPS du fait qu’ils seraient en conformité avec le principe de pleine concurrence.

La société ... aurait fourni une présentation complète et suffisant à elle-même de sa

situation ainsi que des faits non encore réalisés au moment de la demande, comprenant une

description précise du problème juridique avec une motivation détaillée, tout en déclarant que

toutes les informations nécessaires à son évaluation auraient été fournies et auraient été exactes.

Les parties demanderesses estiment, dans ce contexte, que la situation réalisée

ultérieurement ne s'écarterait d’ailleurs pas de celle présentée dans la demande de l’accord

fiscal, étant donné que le projet de résolution sur l'augmentation de capital joint à la demande

du 5 février 2013 aurait effectivement été mis en œuvre, tel que publié le 7 mars 2013.

Deuxièmement, la réponse individuelle qui aurait été fournie par l’administration des

Contributions directes aurait émané d'un fonctionnaire compétent, ou à tout le moins d'un

fonctionnaire dont il pourrait légitimement être supposé qu'il était investi des pouvoirs

suffisants.

Troisièmement, il serait évident, aux termes du courrier du bureau d'imposition du 8

avril 2013, que l'administration aurait voulu se lier par la réponse leur donnée.

En effet, la réponse du bureau d'imposition du 8 avril 2013, à la demande de l’accord

préalable, n’aurait comporté aucune réserve, ni n’aurait-elle exigé une documentation

permettant de justifier le respect du principe de la pleine concurrence des dividendes sur les

MRPS. Il ressortirait encore des termes utilisés que le bureau d'imposition aurait voulu fournir

un accord contraignant en limitant expressément son accord à une durée d’un an et au cas

spécifique de la société ....

Finalement, les renseignements fournis par l'administration auraient eu une influence

déterminante sur la société ... , les parties demanderesses relevant que dans la demande du 5

février 2013, il aurait été explicitement précisé que la restructuration ne serait pas réalisée en

l'absence d'un accord de la part de l’administration des Contributions directes.

Les parties demanderesses en concluent qu’en raison du fait que l’accord préalable qui

leur aurait été donné remplirait toutes les conditions pour s’imposer à l’administration des

Contributions directes, les bulletins litigieux seraient à réformer dans la mesure où les

dividendes payés sur les MRPS, à raison de 85% du bénéfice comptable, généré par la

découverte d’une plus-value occulte en relation avec l'objet immobilier « ... » lors de la scission

et s’élevant à un montant de … euros, devraient être considérés comme conformes au principe

de pleine concurrence et partant être pleinement déductibles.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses précisent, par rapport aux

contestations y relatives du délégué du gouvernement, qu’il serait évident que dans le cadre

d’une demande d’un accord préalable, les actes y relatifs, en l’occurrence l’acte notarié en vue

de l’augmentation de capital, se trouveraient encore sous forme de simples projets, alors qu’il

serait dans la nature d’une décision anticipée de se prononcer sur des structurations non encore

réalisées.

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Il ne serait pas non plus permis à la partie gouvernementale de contester actuellement

le caractère conforme au principe de pleine concurrence des dividendes préférentiels sur les

MRPS qu’elle aurait pourtant expressément reconnu dans le cadre de sa décision anticipée.

En deuxième lieu, les parties demanderesses estiment que ce serait à tort que les

bulletins litigieux auraient relevé un abus de droit en application de du paragraphe 6 StAnpG,

relevant que l’administration des Contributions directes se contredirait par rapport à ce qu’elle

aurait expressément accepté deux ans auparavant dans le cadre de sa décision anticipée et ce,

en violation du principe général du droit « nenno potest venire contra factum proprium ». En

effet, après avoir accepté que les dividendes préférentiels soient considérés comme conformes

au principe de pleine concurrence dans le cadre de sa décision anticipée, l’administration des

Contributions directes ne pourrait pas requalifier en abus de droit les actes pris en exécution de

l’accord préalable.

En effet, il aurait été jugé que le paragraphe 6 StAnpG ne saurait être invoqué pour

invalider des structures ou opérations qui auraient été auparavant acceptées dans le cadre d’une

décision anticipée.

Par ailleurs, l’administration des Contributions directes resterait en défaut de rapporter

la preuve d’un abus de droit, alors qu’elle ne saurait se limiter à une affirmation y afférente,

d’autant plus que la société ... aurait présenté des arguments non fiscaux pour la manière dont

elle aurait procédé, notamment la circonstance selon laquelle la vente de l’objet immobilier

litigieux en une seule fois se serait avérée difficile.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses font encore préciser que les

raisons économiques gisant à la base de leur façon de procéder seraient confortées par deux

avis d’experts en la matière, avis qu’elles versent à l’appui de leurs prétentions.

De plus, les parties demanderesses donnent à considérer qu’elles auraient fourni une

étude de prix justifiant le respect du principe de pleine concurrence que la partie

gouvernementale n’aurait jamais remis en cause.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en relevant que cela aurait été

à bon droit que les bulletins litigieux auraient refusé d’appliquer le prétendu accord préalable

en faisant état d’un abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG, alors que la décision

anticipée ne saurait avoir une quelconque force obligatoire du fait qu’elle aurait été basée sur

des annexes, jointes à la demande, qui auraient encore été à l’état de simple projets.

Il serait partant manifeste que le préposé n'aurait entendu valider que la structuration

juridique et non pas le volet économique y relatif, faute de données adéquates. De même, la

mention selon laquelle les dividendes sur les MRPS seraient conformes au principe de la pleine

concurrence serait tout au plus à considérer comme un engagement de la société ... de faire en

sorte que ces paiements soient effectués en conformité avec ledit principe, étant relevé que de

tels paiements auraient parfaitement pu intervenir conformément au marché en modulant le

nombre de MRPS non précisé dans le projet d'acte.

Par ailleurs, la confirmation du préposé ne viserait pas le respect du principe de pleine

concurrence, mais seulement le fait que les MRPS seraient à qualifier d'instruments de dette.

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En ce qui concerne les critères de validité d’une décision anticipée, dont le régime

n’aurait pas encore été réglementé à l’époque, le délégué du gouvernement estime que la

première condition jurisprudentielle selon laquelle le contribuable doit avoir soumis une

question par écrit de façon à permettre à l'administration fiscale d'analyser convenablement la

situation exposée ne serait pas remplie en raison des lacunes dans le projet d'acte annexé.

Quant à l'abus de droit, le délégué du gouvernement relève que la plus-value occulte

sur l'immeuble à découvrir lors de la scission à raison de … euros serait à soumettre à

imposition à raison de 100 %, nonobstant l'accord préalable du 5 février 2013, signé le 8 avril

2013, du fait que la déduction opérée au niveau fiscal à titre d'intérêts fictifs sur des MRPS

serait constitutive d'un abus de droit au sens du paragraphe 6 de la StAnpG.

Il souligne, à ce titre, qu'à l'appui de la déclaration fiscale n'aurait pas été déposé -

comme cela aurait dû être fait - de bilan fiscal mentionnant des dividendes préférentiels

requalifiés en intérêts déductibles - le bilan fiscal ne comportant aucun poste « intérêts à payer

sur des RMPS » - , mais la déduction aurait été faite hors bilan sur une fiche Excell.

En ce qui concerne les critères cumulatifs dégagés par la jurisprudence, le délégué du

gouvernement estime que concernant l'utilisation de formes et constructions de droit privé, il

faudrait prendre en considération l'opération d'augmentation de capital intervenue par la

création de nouvelles actions ordinaires et de MRPS, la scission de la société initiale en quatre

nouvelles entités et les opérations de morcellement du bâtiment. Concernant le contournement

de la charge fiscale, il s’agirait en l'espèce de la déduction de ... euros à titre de rendement sur

MRPS opérée sur la base imposable qui correspondrait à la plus-value occulte de l'immeuble.

Concernant l'utilisation d'une voie inadéquate, c’est-à-dire le fait de ne pas utiliser le moyen

que le législateur a considéré comme typique pour atteindre des objectifs économiques définis,

il y aurait lieu de relever que les MRPS, d’une valeur nominale de ...,- euros, auraient été émises

dans le seul but d'échapper pour une très grande partie à l'imposition de la mise à découvert

d'une plus-value occulte, tout en mettant en compte une déduction fiscale artificielle de ...

euros, sans aucune justification économique valable.

La partie gouvernementale estime que le tribunal ne pourrait que constater l'absence de

motifs extra-fiscaux valables susceptibles de justifier la voie choisie, relevant que, sur base des

règles de preuve applicables, il ne suffirait pas au contribuable de faire simplement état de

motifs économiques pour que ceux-ci doivent nécessairement être admis comme valables, mais

qu’il lui faudrait rapporter la preuve que ces motifs présentent un avantage économique

suffisant au-delà du seul bénéfice fiscal obtenu, ce que les parties demanderesses resteraient en

défaut de faire.

Dans son mémoire en duplique, la partie gouvernementale fait préciser que dans la

décision anticipée, la question du taux d'extraction ou de rendement aurait été abordée, le

financement proposé étant composé de … millions d'euros de capital et pour … millions d'euros

de dettes de type MRPS, sans que l'analyse dans ce rapport ne se prononce sur la problématique

de la qualification fiscale en dette de l'instrument dénommé MRPS.

La décision anticipée, en stipulant que 85% de la plus-value potentielle à réaliser serait

à attribuer aux MRPS, ce qui voudrait dire qu'en principe 85% d'un montant non déterminé

serait supposé représenter un intérêt de l'instrument de dette à considérer comme dépense

d'exploitation au sens de l'article 45, paragraphe (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967

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concernant l'impôt sur le revenu, dénommée ci-après « LIR », et donc fiscalement déductible,

ne saurait être considéré comme étant de pleine concurrence dans tous les cas.

En effet, en ce qui concerne le rendement des MRPS, les taux variables appliqués

devraient se composer en général de deux éléments appelés couramment la « jambe fixe »,

considérée comme étant la marge de profit que l'investisseur veut réaliser sur la mise à

disposition des liquidités, et la « jambe variable », constituant en général un indicateur de

marché.

Si des rendements variables sur des instruments de dettes seraient certes pratique

courante dans le domaine du financement, il serait cependant aussi clair que la décision

anticipée ne pourrait être interprétée comme couvrant toutes les hypothèses possibles, étant

relevé que les données fournies par le contribuable dans la demande de décision anticipée

n’auraient pas permis au bureau d'imposition de conclure directement quant à la nature de

pleine concurrence des taux d'intérêts réels appliqués, sans une analyse contradictoire afin de

vérifier si oui ou non, le taux d'intérêt respecte effectivement le principe de pleine concurrence.

Ensuite, le délégué du gouvernement conteste le rapport relatif à l'analyse du prix de

transfert mis à disposition par la société ... dont la structure générale et la méthodologie ne

correspondraient pas aux principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à

l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, selon lesquels la

technique de détermination d'un prix de pleine concurrence reposerait sur la description de la

transaction réellement réalisée, la détermination des risques encourus, les fonctions exercées et

les actifs mis en œuvre, ainsi que la détermination de la méthode de prix de transfert la mieux

adaptée, la recherche des comparables (internes ou externes) et la sélection du prix.

En l’espèce, aucune analyse fonctionnelle n'aurait été opérée dans le rapport versé.

S’agissant d’un prêt accordé par un investisseur à la société luxembourgeoise, sans

garantie contractuellement liée à ce prêt, le prix de pleine concurrence serait déterminé par le

risque de défaillance du débiteur. La possibilité d’un remboursement anticipé sur demande du

créancier représentant un facteur déterminant sur la fixation du taux d'intérêt, un tiers

indépendant n'entrerait dans un tel contrat que si les actifs financés par l'emprunt seraient

donnés comme garantie sur base d'une sûreté réelle. Or, la décision anticipée en l’espèce ne

préciserait pas que le prêt devrait au moins être classé comme dette garantie.

Le délégué du gouvernement requalifie ladite transaction en un prêt immobilier garanti

avec une maturité de base de 10 ans dont le prix devrait été déterminé par la méthode de prix

de transfert la plus appropriée au cas spécifique, et qui ne saurait être en l’occurrence la

méthode du partage de bénéfice, prohibée par les principes de l’OCDE dans une telle situation.

La partie gouvernementale estime finalement, sur base d’une recherche dans la base de

données Bloomberg pour récupérer les taux d'intérêts qui auraient été appliqués dans le secteur

de l'immobilier pour des émissions effectuées en 2013 dans la tranche de risque de crédit

spécifiée, qu’un tel prêt devrait disposer d'une jambe variable basée sur le taux Euribor

correspondant, de sorte que les taux de pleine concurrence se rangeraient entre 0,613% et

3,572%.

Etant rappelé que le rôle du tribunal administratif consiste à dégager les règles de droit

et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, force est

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tout d’abord au tribunal de constater que, suivant la législation applicable au courant des années

d’imposition litigieuses, les conditions d’une décision préalable de l’administration sur un cas

d’imposition individuel n’étaient pas réglementées. Toutefois, les conditions et la portée d’un

tel accord préalable peuvent être déterminées sur le fondement des principes généraux du droit

de la confiance légitime et de sécurité juridique1.

En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que

les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer

les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration

fiscale aura donnée le cas échéant au contribuable liera celle-ci à ce dernier2 si des conditions

déterminées sont réunies.

Ainsi, le contribuable doit d’abord avoir posé une question par écrit de façon à permettre

à l’administration fiscale d’analyser convenablement la situation exposée par lui. Le

contribuable doit plus particulièrement avoir exposé clairement son cas et de façon complète,

de façon à mettre l’administration en état de se prononcer en pleine connaissance de cause. La

réponse individuelle fournie doit ensuite émaner d’un fonctionnaire compétent, ou à tout le

moins d’un fonctionnaire dont le contribuable a légitimement pu croire qu’il était investi des

pouvoirs suffisants. L’administration doit encore avoir voulu se lier par les renseignements

donnés au contribuable, c’est-à-dire que la réponse fournie l’aura été sans restrictions ni

réserves ; enfin, les renseignements fournis par l’administration doivent avoir eu une influence

déterminante sur le contribuable3.

En l’espèce, il ressort des conclusions du délégué du gouvernement que seule la

première condition est litigieuse.

Force est d’abord de constater qu’il se dégage du courrier, adressé le 5 février 2013 par

l’ancien litismandataire de la société ... à l’administration des Contributions directes, qu’il est

présenté à cette dernière une demande d’un accord fiscal anticipé en sollicitant du bureau

d'imposition « to confirm the tax implications of the situation described below, as the

contemplated restructuring would not be implemented in absence of such approval ».

Ledit courrier comporte ensuite une description des faits à la base ainsi que des

opérations de restructuration envisagées, à savoir : « … S.A. is currently holding some

Luxembourg real estate and is going to be absorbed by .... (…)

The sole shareholder of each of ... and of ... is ... mbH, (…) (the 'Fund").

In a first step the Fund will proceed with a capital increase of ... by way of cash

contribution in an amount of about EUR … million. This capital contribution will be

remunerated by ordinary shares ("OS") and mandatorily redeemable preference shares

("MRPS"). OS will be issued for a total amount of about EUR … million; and MRPS, for a

total amount of about EUR … million. (…)

The MRPS key features from a Luxembourg perspective are the following. The MRPS

would have a maturity no longer than 10 years, and would provide for a variable preferential

dividend entitlement of (i) all the annual cash flow of ... (other than cash flow deriving from

capital gains), with a maximum of 20% of the principal amount of the MRPS per annum and

(ii) 85% of the net capital gain booked over the real property owned by .... (…)

1 trib. adm. 23 mai 2016, n° 35703 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 762 et les autres références y citées. 2 ibidem 3 trib. adm. 14 février 2011, n° 26812 du rôle, conf. par Cour adm. 27 juillet 2011, n° 28115C du rôle, Pas. adm.

2019, V° Impôts, n° 763 et les autres références y citées.

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Though this point is not certain at this stage, the Fund may later in the year decide to

split ... in a certain number of companies (let us assume 4 but this may change), or alternatively

to proceed with a second merger. (…)

TAX TREATMENT (…)

According to the IFRS rules, such MRPS should be treated as debt, rather than as

equity. They will not be re-characterized as equity for Luxembourg income and net wealth

purposes.

As a result provisions and payments on the MRPS will be fully tax deductible (…) and

will neither be assimilated to nor re-characterized as a deemed distribution nor as any other

form of distribution in the sense of Article 164 LITL or Article 97 LITL. In particular,

provisions and payments on the MRPS will be considered as complying with the arm's-length

principle. (…) ».

Il s’ensuit que le bureau d'imposition a été valablement informé que l’augmentation de

capital projetée allait donner lieu à l’émission des MRPS, qui seraient à considérer comme des

éléments de dette, et dont les dividendes, correspondant notamment à 85 % des gains nets sur

la propriété immobilière détenue par la société ..., seraient entièrement fiscalement déductibles.

Force est dès lors de retenir que le bureau d’imposition n’a pas pu se tromper ni sur les

intentions de la société ..., ni sur les implications fiscales des opérations envisagées.

En « marqu[ant] [s]on accord » suivant lequel « la structuration juridique envisagée

par la société sous rubrique (…) est en conformité avec les législations fiscales et positions

administratives en vigueur », le préposé du bureau d'imposition n’a pas formulé de réserve

quant au postulat de la société ... selon lequel les dividendes sur les MRPS, tels qu’envisagés,

sont à considérer comme conforme au principe de pleine concurrence, aucune condition n’étant

attachée à cet accord, comme notamment une obligation de fournir, dans le cadre de

l’imposition, une étude de prix permettant de démontrer que le rendement sur les MRPS est

conforme aux conditions du marché, tel que cela a seulement été demandé par le courrier de

l’administration des Contributions directes du 6 mai 2015.

En effet, le bureau d'imposition s’est limité, dans le cadre de son accord du 8 avril 2013,

à ériger en tant que seule condition que « [s]a confirmation ne p[uisse] être utilisée que dans

le cadre de la présente structure, pour une durée de 1 an ».

Il s’ensuit que la première condition relative à l’exposé clair du cas d’imposition se

trouve vérifiée. Il en est de même des autres conditions, d’ailleurs non litigieuses en l’espèce,

à savoir une réponse émanant d’un fonctionnaire compétent pour exprimer la volonté de

l’administration de se lier, certes pour une durée limitée à un an, mais de manière ferme, ainsi

que l’influence déterminante sur la société ... qui a présenté sa demande d’un accord fiscal

précisément en vue de la mise en place de la structure y projetée.

Il suit de ces considérations qu’au regard des critères dégagés par la jurisprudence

précitée, la partie gouvernementale ne saurait actuellement plus revenir sur cet accord

préalable, sous peine de violer le principe de la confiance légitime, par le fait de mettre en cause

le caractère de pleine concurrence du taux de dividende sur le MRPS, pourtant clairement

stipulé comme acquis dans la demande de décision anticipative acceptée sans réserve sur ce

point.

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Il s’ensuit que les bulletins déférés encourent la réformation en ce qu’ils n’ont pas admis

la déductibilité de la somme de ... euros à titre de rendement sur MRPS, les chiffres avancés

par les parties demanderesses n’étant pas contestés.

Quant au reproche d’un abus de droit, force est de relever qu’en présence d’une décision

anticipée de nature à valablement engager l’administration des Contributions directes, telle que

celle en l’espèce, la partie gouvernementale ne saurait actuellement requalifier les mêmes

structurations et opérations, qu’elle a pourtant avalisées dans le cadre de sa décision

anticipative, d’un abus de droit par l’utilisation inadéquate de formes et constructions de droit

privé dans le seul but de contourner la charge fiscale sans aucune justification économique

valable.

En effet, même s’il s’agit d’une structuration ayant pour effet une réduction

substantielle du bénéfice imposable, l’administration fiscale, en ayant reconnu et accepté, sans

avoir manifesté une quelconque réserve, la réalité et la manière de procéder du contribuable,

ainsi que la légalité de la structuration et la conformité de l’accord fiscal à la pratique

administrative, ne saurait plus revenir ex post sur sa position en qualifiant la même voie

d’inadéquate et abusive4. Il s’ensuit que les bulletins litigieux sont également à réformer sur ce

volet, de sorte que le recours est à déclarer fondé dans son intégralité.

Les demanderesses sollicitent finalement une indemnité de procédure d’un montant de

15.000,- € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de

procédure devant les juridictions administratives.

Le délégué du gouvernement s’oppose à l’indemnité de procédure sollicitée par les

parties demanderesses.

Eu égard à l’issue du litige, ainsi qu’aux circonstances spécifiques de l’espèce et

notamment le revirement de position de la part de l’administration des Contributions directes,

et eu égard au fait que les demanderesses ont dû recourir aux services d’un professionnel pour

soutenir leur demande, le tribunal fixe ex aequo et bono une indemnité de procédure à la somme

de 2.000,- euros.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre les bulletins d’impôt sur le

revenu des collectivités et d’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2013,

émis le 7 octobre 2015 ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation desdits bulletins, dit que les dividendes préférentiels de 85%

du bénéfice comptable, apparu suite à la révélation de la plus-value occulte en lien avec la

vente du bien immobilier ..., est déductible à hauteur de ... euros du bénéfice imposable de la

société ... relatif à l’année 2013 ;

4 Par analogie : Cour adm. 12 juillet 2016, n° 37448C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n° 36.

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condamne l’Etat à payer aux parties demanderesses la somme de 2.000,- euros à titre

d’indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président,

Anne Gosset, premier juge,

Olivier Poos, premier juge,

et lu à l’audience publique du 28 janvier 2020 par le premier vice-président, en présence

du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original

Luxembourg, le 28 janvier 2020 Le greffier du tribunal administratif