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UN MONDE PARTICULIER DE RÉCEPTION : LES EFFETS DE LAFAMILIARISATION AVEC L'ŒUVRE À TRAVERS LE DISCOURS DUSPECTATEUR
Céline Bonniol, Marie-Sylvie Poli
L'Harmattan | « Sociologie de l'Art »
2008/3 OPuS 13 | pages 49 à 68 ISSN 0779-1674ISBN 9782296063884DOI 10.3917/soart.013.0049
Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2008-3-page-49.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.© L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans leslimites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de lalicence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit del'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockagedans une base de données est également interdit.
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Un monde particulier de réception :
les effets de Ia famitarisation avec
l'æuvre à ttavers le discoursdu spectateur
Céline BoNNror., Doctorante, Laboratoire Culture etCommunication/Centre Norbert Elias, Université d'Avignon.celinebonniol@hotrnail. com
Marie-sylvie Pou, Professeur, Laboratoire RoM,t,Université Pierre Mendès France Grenoble 2.
marie- sylvie.poli@upm f-grenoble. ft
Résumé : L'arricle prësente une partie du r€sultats
d'arallses menées suite à one âtude sur k réception du
public du Musée national d'art modene. Itrs de cette
étude, à traaefi des entretiens itinérants, il tïtait funandé
aux aisiteurs de aeùr parler plusieurs fois des nênaan)res. Cette consigte de repétition a réé src sitilatiofl de
uisite expninentale naus permeltant d'étudier hs efea de
lafaniliarisation sur les sujets. Un traaail ur I'eronciation
fait apparaltre qu'en situatior dt uisite les rpectateurs sont
en recbercbe d'une interactiot, c'est-à-dire que dats lturs
discours, hs sujets ont tendatce à s'adresser à un
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Céline BoNNIol, ÀIarie-S-rlvie PoLl
interbcutettr en utilisdnt la deuxiàne personne du singulier.
Cet inteilocuteur peut être ane tierce personne, ar inter-bcuteur uriyersel ot bier les euyres os htars auhurs. Nouscnil$ainrs aussi que dans diferents cas, hsd'enorciation dpparaissert alors que les modcs de Éceptioldes auyres changmt
Mo&clés : faniliarisation, diabgue, monobgue, Éceptior,bcuteur, dtuatior, auares
A Partlatlaî ,nod,e of recepttm; tbe efie6 ol fue
famllladzatbn wlû fue work tbrougp tbe speeehof ûe spectator
Summary : The anicle præents a pad of tlte resuhs ofanajns ledfntber to a stu@ on tbe reception of tbe publicof tbe national Maseum of nodem art Dtring thb rtilfu4tltnugb itfuerant conaersationq it was asked to tbe aidtorst0 conte to speak seaeral times aboû tbe same anrles. Tbisrepetition created a $tuation of experineûal uisit allowingus to stodl the efects of tbe faniliarirytion on tbe su@ects.
A work on tlte statement sbows us tbat, in situation ofaisit, tltectators are in search for an iûeractiott, tbat is tosE: in tbeir rpealtu, tlte slbjects tend to address aninterlocutor b utins tbe second person of tbe $ryular. Tbisinterbntor can be a tltird pmo4 a uniaersal interlncutoreitber tbe aorles or tbeir autbors. Ve abo notice tbat itaarious cases, tbe cbanges of statement appear abile tltenode of reception of tbe works cbatges.
Ibywords : faniliari4ation, baue a dialogue, monologue,
æception, rpeaker, situation, works
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Un atonde particalier dc Ée eption...
Un nofu paffiailar de recepcûn t los efedos deI.a famtltarlzaclon con la obra a traaés deldlætttso dclespeaad,or
Resumen : El aftûmlo presenta parte de los îzrultados del
anâlisis llwado a cabo como continaaciôn de sn estudio de
recepciôn pûblica del Msseo racional de afte modemo.
Durante ese utudio, a traaés entreuistas itinerantes, se pidi6a los uisitantes bablar aarias aeces de las mismas obras.
Esta consigna de repeticiôn teô una situaciûn de visita
experinental que nos permitiô estudiar los efectos de la
faniliariryciôn sobre los sujetw. Un trabajo sobre la enm-
ciaciôn mostnî que en situaciôn de aisita, los espeaadorcs
buscan interactuar, es decir que en $rs dismrns, hs sujelos
tienden a dirigirse a su interloctrtor utiliqailo la segunda
persora del singular. Este intnlacutor pilede ser una tmraPercofla, un iû?rloctltor uriaersal, asî como las obras 1 sus
autores. Constatamos también qse efl diferentes casos, los
cambios de erunciaciôn aParecen cuando los modos de
recepciôn ds las obrdr cambian.
Palùras clantes : faniliari4zcitir, dialogo, monolngo,
ncepciôn, lorutor, dtutaciûn, obrar
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Un monde particulier de réception : les
effets de la famthansation avec l'æuvreà travers le discours du spectateur
Dans les pages qui suiveng nous nous ProPosons d'abordet un
mode particulier de la réception des æuvres d'art en présentant
les résultats d'une étude menée sur le public du Musée nationald'an moderne en 2002. Cette étude nous Pefinet d'interroçrde manière innovante la notion d'inteqprétation de l'ceuvre d'artà travers le discours du spectateur. Que signifie par exemple
< padet des ceuvres d'art>> en direct devant les ceuvfes, et ce à
plusieuts reprises pour peflnettre une analyse comparative
d'interprétations successives Par un même suiet ?
Nos hypothèses mettent en avant que le contexte de réceptionpeut influer de manière significative sur les inteqprétations des
visiteurs. Ainsi, nous pensons gu'il y a plusieurs modes d'inter-prétations possibles, que I'auvre est polysémique ou ouaerte' etque l'une des conditions de cette pluralité est la manière dont levisiteur Éagt à son environnement et à son expérience de
visite. Nous posons aussi lhypothèse que le rapport à l'æuvred'art se construit dans le temPs et qu'il peut être amené à
évoluer lorsque s'instaure une familiarisation2 avec l'environne-ment muséal et âvec les æuvres. L'étude que nous avons mise
en place dans le cadte d'une recherche de doctorat, cherche à
I Eco, U, 1965,Lbuun owen,Paris, Seuil.2 Nous entendons ici par fantiliaritation le fait de se rendre une chose familière(c'est-à-dire une chose que I'on connaît, qui enue dans le champ de notreexpérience) pat la pratique, ltrabitude. Appliquée à nore étude, la notion de
familiarisation renvoie â la fréquentation répétée d'ceuwes et d'une situation de
visite gui peut entrainer une modification dans la manière d'aborder ces euvreset de viwe cette situation de visite.
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Céline BoNNroq l\larie-Srh'ie Porr
examiner de quelles manières cette familiatisation s'opère, quelsen sont les signes et ce gu'elle produit sur les comportementsde visites et les interprétations des ceuvres.
Plusieurs travaux se sont déjà intéressés aux comportements duvisiteur de musée lorsquï est en situation de visite, notâmslenten travaillant sur les discours des visiteurs suite à des entretiensitinérants3. La paaicularité de notre énrde vient de la repétitionde I'exercice qu'elle propose. Pour tester nos hypothèses ettravailler sur les effets de la familiadsarion sur la constructionde la relation entre l'æuvre et le spectateut, nous âvons mis enplace une enguête de public qui se conçoit cornme une sirua-tion de visite expérimentale proposant les mêmes consignesaux mêmes sujets à trois reprises, de manière à ce que l'effet derépétition produise une situation de familiarisation.
L'enquêæ a été menée en2002 au Musée national d'art modemeauprès de 15 visiteurs étudiants venus trois fois au musée parlerdes mêmes (ruvres. Les sujets avaient pour unique consigne deverbaliser oralement leurs impressions sur les ceuvres lors dechacune des visites. Le rôle de I'enquêtrice est alors particulier :
elle suit le visiteur dans son pffcours de visite, mais sans entreren communication avec lui, ni répondre à ses éventuellesquestions. Pourtanq les visiteurs cherchent une interaction, unecommunication. Quelle communication ? Nous allons le voiren ayant recours à des notions de linguistique pour analyser lessituations d'énonciation des discours de notre cofpus.
La situation crêêe a construit un contexte de réception original.La consigne de répétition de I'expérience de visite place levisiteur dans une posture qui n'est pas celle du visiteur demusée. Dès le début de I'expérience, il sait qu'il sera amené à
3 Dufresne-Tassé, C. et l.efebvre, 4., 1995, La pûcbobgie dt ûsiteur de mu$e,yller
"salle, Fditions Hurnrbise.
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Un nontle particrlier de rôception..,
venir trois fois dans les mêmes salles pour pader des mêmes(Euvres, cette consigne de la repétition joue sur la maniète dontil va mener ses visites et créer les conditions nécessaires Pourqu'un effet de familiarisation s'opère avec les euvres et la situâ-
tion. De plus, la consigne de verbalisation devant les ceuvres
qui amène le visiteur à pader à voix haute permet la productionde discours ou de comportements vis-à-vis des æuvres quin'autaient probablement pas eu lieu lots d'une visite silencieuse.
Enûn, et c'est ce qui nous intéressera plus paniculièrement ici,lors de ces visites, le visiteur devient l'émetteur d'une situation de
discours paniculière: il parle devant les euvres, et dans cette
prise de parole il s'adresse à quelqu'un, à un récepteur, même
s'il n'est que virnrel. À q"i pade le visiteur lors de cette expé-
rience d'interprétation ? Qu'est-ce que la notion de destinaairedu discours d'interprétation produit sur la réception de l'ceuvre ?
Du point de vue des outils linguistiques du discours nous
remarquons surtout I'emploi de la deuxième personne dusingulier par les visiteurs. Qui est ce tu à qui ils parlent ? Les
visiteurs, avant de commencer I'expérience, ont tous bien été
informés que l'enquêtrice qui les suit pendant leur parcours ne
répondrait pas à leurs questions. IIs sont donc considérés
conune étant des visiteurs solitaires. Pourcant les & petsisænt.
Comment nomrner les ta? La coniugaison française les appel-
lera < deuxième personne du singulier >. La linguistique padera
de < rnoqphèmes grammaticaux D. Nous retiendrons que le ts se
réfère à une personne et que leur emploi sous entend
I'existence d'un intedocuteur.
Une analyse plus poussée de cet acte langagier s'est doncimposée, et en faisant le recensement de toutes les mentions de
la deuxième personne du singulier présentes dans les discours,
nous pouvons énoncer un certain nombre de résultats.
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Céline BoNNlor- ÀIarie-Srh'ie PoLt
Tu crxÉruquE ET TU DrAlocleuE
Nous remarquons que le tu peut tenvoyer à plusieurs flpe; derécepteurs. Dans un certain nombre de cas, il s'agit d'rxr tugénédque, c'est-à-dire que le sujet dit tu conrme tl dttut ot ounous. La deuxième personne du singulier ne correspond pasalots à une personne particulière mais se réfère à n'importe qui.
< (...) les petits bouts de jowaaux denière c'est h seul endroit où
t'as l\@ression de sortir de ces coucbes de noir et blanc et lteu ouf lT'asI'inpntsiott de respirer bein parce qae sinon tbs étoufr par... Ouai 1 et ade trop, f en a beatcottp de coucbes, 1 a pas ur seul endmit de uide heu.
(. . ./ > Suiet 1d visite 2, euvre 9 (5 de Jasper Johns).
Dans cet exemple le sujet décrit la peinture de Johns etexprime ses impressions. Le groupe de mot << t'as l'impression... >>
qui revient deux fois dans la prise de parole est un lrgénérique, le sujet aurait pu dire < on a I'impnssiott .. >, le sensde son discours awut êtê le même.
Dominique Maingueneau nous rappelle que << h < tu généiqrc u apourfordinn de pmonnaliser ùs énoncâs à aaleur gnhah en rc@laçantle sajet uilwrsel on par t4r nr4 >r. Ainsi, I'utilisation du âr çnériquepar les visiteuts crée une relation plus forte entre ce qui est ditet la situation d'énonciation. Le contexte, particulier, de lavisite s'intègre à la réception.
Dans d'autres ces, l'utilisation du tu cotespond à une formedialogale.
aMaingueneau, D., 1999, L'énoaciation m linguittiqle fraaçaise, Paris, ÉditionsHachetæ.
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Suieæ Visite 1 Visite 2 Visite 3Suiet 1 U/o U/o û/oSuiet 2 9o/o 39Vo 38o/o
Suiet 3 55o/o 40o/o 33%Suiet 4 25o/o 20o/o U/o
Suiet 5 59o/o l8o/o t8%Suiet 6 67o/o Mo/o 77%
Suiet 7 o% 1Otr/o 0o/o
Suiet 8 0o/o U/o U/o
Suiet 9 U/o 50o/o t/oSuiet 10 U/o 0o/o 0o/o
Suiet 11 85o/o U/o 10U/o
Suiet 12 U/o 0o/o ff/oSuiet 13 50o/o 610/o 81o/o
Suiet 14 82o/o 83% 83o/o
Suiet 15 0% U/o 67%
Ua ntonde partienlier de récePlion...
Pourcentage d'utilisation du tz commetr générique
Pourcentage de I'utilieation du t. dansune forme dialogale
Suiets Visite 1 Visite 2 Visite 3Suiet 1 U/o U/o l009oSuiet 2 97o/o 6loh 620/o
Suiet 3 45o/o @o/o 67o/o
Suiet 4 750Â 80o/o 10S/o
Suiet 5 41o/o 82% 82o/o
Suiet 6 33o/o 560/o 23Vo
Suiet 7 ÙVo 0o/o lff]o/o
Suiet 8 l0W/o rca% lffjo/o
Suiet 9 U/o 50o/o U/o
Suiet 10 U/o lN% U/o
Suiet 11 l5o/o lffi% 00
Suiet 12 0o/o U/o U/o
Suiet 13 50o/o 39% t9%Suiet 14 r8% 17o/o l7o/o
Suiet 15 l0W/o 10tr/o 320
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Céline BoNNIor, IUarie-Syh'ie Pou
À h comparaison des deux tableaux il apparaît que les sujetsutilisent autant Le tu gênêlique que le tu du dialogue. Cqen-dang les sujets ont tendance à utiliser de moins en moins le lagénédque au fil des visitess. Concernant le ta du.lialogue, lesutilisarions augmentent entre la premi&e et la deuxième visitepuis diminuent à la troisième visite.
On pourrait ainsi considérer qu'au fil des visites, plusparticulièremenr au passage entre la première et la deuxièmevisite, le taux d'utilisation du z çnérique er du ta du dialogues'inversent. D'une visite à l'autre les sujets ont tendance à
moins dlre tu pout on et a plus dfue tu en s'adfessant à unindividu défini. Ceae evolution est selon oous une marque de lafamiliarisation avec la situation qui s'opère au fil des visites:dans sa forme dialogale, le tu fut le plus souvenr rêfétence àl'enquêtrice, bien que les visiteurs ne soient pas dans unesituation de dialogue, souvent ils le cherchenr en intégrantl'enguêuice à leur discours. Dans l'expérience mise en placgl'enquêtrice qui était une personne inconnue lors de la premiètevisite ne l'est plus à partir de la deuième, elle devient unepefsonne avec laquelle le suiet cherche à communiquer, ce quicontribue à rendte plus familière aussi la situation de visiteproposée. Nous verrons un peu plus tard corunent inteçréærce << faux dialogue >.
Dans de plus tares cas, la deuxième personne du singulierrenvoie à I'ceuvre elle-même ou à son autew. Il ardve en effetqu'un visiteuf s'adresse directement à l'æuvre quT a devant lui.Ce phénomène qui se produit généralement en deuxième outroisième visite montre gu'une relation particulière avec l'æuwepeut se mettfe en place et ce sans nécessairement que le sujetait une connaissance préalable de l'ceuvre. < C'est b même mec ! Et
5 Pour déterminer que les suiets utilisent de moine le ar générique, nous nousbasons sur l'évolution du taux médian d'urilis2tisn du âr çnétique.
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Un oronde parlicalier de récellion...
ot!i... CortTilent fa se fait?... pubst ce qïi t'es ariaé rrrnn petilMartial ? Tu es tombé sn la tête.,. Il fafait en quelh anrée ? Ah ouais,
cbst d'il rj a pas longtenps ! (...)" Sujet 15, visite 2, æuvre I(Ceux du maquis de Martial Raysse).
Le sujet 15 devant le tableau Cesx du maquis est surpris quel'ceuvre soit du même artiste que La Grande Odalisque qui se
trouve juste à côté et qui est d'un style très diffétent. Dans sa
stupéfaction, il s'adresse à l'artiste lui-même à savoir MartialRaysse. Ici encore il s'agit d'un dialogue virnrel puisqul est
évident que Martial Raysse n'était pas présent lors de
I'expérience et que le sujet ne pouvait s'attendte à une réponse
de sa pan. Mais l'utilisation du trl moître que les suiets dans
une situation de réception sont dans l'attente d'une commu-nication, comme s'ils cherchaient à rompre le sens unique de la
relation avec l'æuvre. De même, comme c'est aussi le cas dans
I'exemple qui suit, on peut avancer que lorsque les suiets sontdans une sinration de visite qui leur est familière, où ils sont à
I'aise,le langage utilisé pour pader des ceuvres change et donnelieu à de nouveau:r modes de réception dans lesquels la langue
peut être utilisée pour pader avec les æuvres.
< (...) Ouais en mâme tenps ça fait des petits points lurîineux
beu, c'est awqjoli... Comme quoi il fatrt regarder pendant bngnmps
aaart de tmr/ïer les... Ça serl à rien fu lire ce qa'il1 a narqué ilfautju$e regardn longte@s... Bon alleqje t'aime bien qaand mêne. VoiLà
(.../ > Suiet 14, visite 2, æuvre 50 (I Loae n7 l:ilu de Sarkis). Ici,devant une autre ceuvre, un autte suiet s'adresse cette fois-ci àI'ceuvre elle-même. Il est vtai que la lttlu de Sarkis appelle enquelque sorte un comportement ânimiste: sorte de personnage
trônant sur une plateforme dans une ambiance lumineuse, c'est
à l'æuvre elle-même que le sujet pade en lui disant gu'il l'aimebien comme s'il craignait de l'avoir blessée.
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Céline BoNNtor-, ÀIarie-Srlvie Polt
Moprs Dt,TIusATIoN DU TU
La raison de l'utilisation de la forme tl peut s'expliquer deplusieurs manières gue nous allons présenter en revenant sur lecas de certains visiteurs.
Le visiteur numéro 2 est celui qui a le plus utilisé la deuxièmepersonne du singulier dans son discours, surtout lors de sa
deuxième visite avec 155 mentions du ts. La majorité de cesutilisations est une recherche de dialogue dans laquelle le sujets'adresse à I'enquêtrice à travers la toumure de phrase < tu aois >>.
o (...) Enfn bonje æ dis c'est bien na* w aois quoi tu beu, nfn jepars du princfu que quandje dis c c'est bien > ça ueut dire c'est bier pourmoi tu rois. (.../ > Sujet { visite 1, Guvre 50 (I bae my bta /r Sarkis).Tout au long de son expérience, le sujet 2 parle des æuvres,mais il conrmente aussi sa visite en essayânt de comprendre sespropres comportements. Ainsi, son discours est ponctué de( tu vois > qui ont pour objectif d'expliquer son ressenri plutôtque de montrer tel ou tel aspect des æuvres. Dans ce cas, lesujet cherche à ptendre quelqu'un à témoin, en l'occurrencel'enguêtrice pour appuyer ses analyses. La plupat des emploisde la deuxième pefiionne dans sa forme dialogale ont la mêmefonction de << prise à témoin >.
Nous constatons un autre phénomène caractérisé par le sujet13. Pour le sujet 13, la deuxième personne du singuliern'apparait vraiment qu'à la deuxième visite au moment où ilentre dans la salle Support Surface. Or, nous remalquons quedes attitudes de rejet des ceuwes apparaissent en même temps.Ainsi" nous pouvons âvancer l'idée que le tu apptraît en mêmetemps qu'un nouveau registre de discours, plus cridque cettefois.
<< Ben aoilrà tu aois er disant ça je aoh ces tntcs là. Je ne les ai pasaus la demiàn fois. Ouais ib soû un peu phnquh puis beu bon cbst paspourfaire la "rebu" naisl en atrois enfnje veux direl en a... Je læ
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Un nonde parlicnlier de rêception.,.
aaait même Pat Dt6 ces trucs k... Ben at wis moi par exenPle beu.,. tije reaenais je hs prcndrais ces t vct là nais je hs aaais pas aas, enfn ibsont un peu planqués et heu-.- ça"fatt un Peil rAh'Je sais pas cbst jetruuae ça... en particulier pour ce geflre ù nzc et alors er particulier pour
cegenre de salle qlob fa delrrait waimont êtrc nis en auant (.../> Suiet
13, visite 2, salle 11.
Avec cet exemple, tout de suite nous remarquons que les
utilisations de la deuxième personne du singulier ont une
forme dialogale et la même fonction de < prise à témoin > que
pour le suiet 2 dont nous avons précédemment parlé. Ce quiest particuliet chez le sujet 13, c'est gu'il n'avait jusqu'alors
utilisé que très peu la deuxième Personne du singuliet, ce choixde pronom devient plus réguliet à partir du moment où il entre
dans la salle 11 qui regtoupe une vingtaine d'ceuvres dumouvement Support Surface. L'exemple ci-dessus correspond
iustement à ce moment. Àinsi, cette fois ci l'enquêttice est
prise à témoin pour attester du manque de médiation dontsouffte le suiet dans cette salle.
Les æuvres de la salle Suppon surface comPtent parmi celles
qui ont le plus suscité d'attitudes de rejet. Il s'agit dans la
plupart des cas d'un rejet herméneutique6, selon les regisaes de
Nathalie Heinich. Dans ces cas-là,les sujets se sentent démunis,ne comprennent pas les euvres et exPfiment une frustrationvis-à-vis d'un manque d'information pour décoder les æuvres.
C'est cè qu'il se passe avec l'exemple du sujet 13, qui dans undialogue virnrel cherche I'appui de I'enquêtrice pour témoignerde sa frustration. Nous retrouvons le même phénomène chez
d'auces sujets, pas tout le temps face aux æuvres Suppott Sur-face, bien que se soit celles qui créent le plus d'incompréhension-
6 <Iz æglstn herméneutique atgamente l'exignæ & sens, de inrt,wentanths critiqua ù gPe a ça ne uut rin din 4 < c'est uidc 4 a je rtotdrais qt'oa m'acplique kssnr D, etc. > Heinich, N., 1998, L'aû nntemporain expoté attx rejets. Etudes de cat,
Nimes, ÉditionsJaqueline Chambon, p. 205.
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Céline BoNNtoL, ÀIarie-Syh,ie PoLl
Enfin, nous nous affêterons sur un troisième phénomène avecle visiteur numéro 6 pour lequel nous remarquons que l'utili-sation de la deuxième penlonne du singulier se produit lorsqulpatle des (Euvres en évoquant des souvenirs personnels.
<< Ça me r@pelle tnp h S,én,âgdl. T'aaais plefu ù petins boutiques
cnmme ça aaec plein de tissus ou de frirgues accmcbées les unes sur les
autresjusqu'er haul, et ib aaaiert des grands bâtons pour aller chercher
ælles qui étaient er baut...(.../ > Sujet 6, visite 1, æuvre 49 (Resawde Bolansln).
Lorsque le sujet entre dans la salle de Bolanski, il se replongedans un souvenir auquel l'ceuvre lui fait penser. À ce moment-là,le plan d'énonciation change,le sujet utilise le tu gênênque.
K Ab onail c'est tous ful mtrceasx da bois qai nnt coapét en deuxet infait il essaie de tes.,. de les relierpar difrentes néthodes... Maisbu'nais on a bedu innnter phir de tecbniques une fois que le bois est.
coupé ben,,on poarrapas reuenir en atière... Et ça me rappeitr lmpltier... j'ai âté écouter des contes &*io (...) k conteur il nous a raconté
à pmpos (.. .) Et donc heu k morale de lltirtoire c'est qu'il explique à ses
fh que faut qu'ib nstent solidaires et que ik serofit ircassables cumme ça,si ib restent les ans solidaires aaec hs autres, jamais ils pouront êtrccassés. Et beu il a r$outé une secondt mmah "soleqnlidaires, aors alle4ooir ça ua marcber pour le second tour". En fait c'est aachement trhteparcequ'il1 a ut, çaparh de, de "l'irremdiabilité" des chosu, que bea
unefois que t'as, que t'as fait qdqw choæ et ber tu peux plas nyenir marière et h morceatt de bois cotrpé et deux et ben il rcdeuiendra janais unseul morceatt de bois on aura beau tout faire. Une fois que t'as wtéIt Pen unefois x fut n I'as wtépour to{ours ! (.), Sujet 6, visite 3,æuvre (Dix assenblagu mis bost à bout de Bemard Prgèù.
Ici, le sujet est encore dans le récit. L'æuvre lui fait penser à unconte africain quT a entendu la veille. Au début de la prise deparole le suiet raconte le conte, puis il revient sur la morale dece conte en la mettant en relation avec ce que l'æuvre luiévoque. C'est à ce moment-là que I'on retrouve l'emploi du /z
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Un atoade particnlier de râception..,
çnérique. Précisons que la troisième visite du suiet 6 a eu lieuentre le premier et le second tour des élections présidentielles
de 2002. Le sujet semblait effestê Par les résultats du premiertour et à plusieurs teprises cet événement a influé sur sa
réception en transParaissant dans les discours' Le suiet 6 a
recours ^! til générique lorsque son raPPoft à l'euvre se
constnrit à travers des expériences Personnelles. Pour I'ceuvre
de Pagès, l'utilisation du tu a Presque une valeur ( morelisante D
en reprenant le modèle de la fin d'un conte. Mais le fait de ne
pas utiliser le suiet universel on crêe une relation plus forte avec
la situation d'énonciation et donc la situation de téception.
L'utilisation de la deuxième personne est symptomatique dufait que la situation de visite créée est une situation de familiari-sation. Ce que nous noterons plus paniculièrement, c'est que
I'usage du tu comespond à des changements de modes de
réception. C'est-à-dire que le Passage à la deuxième Personneinærvient lorsque le visiteur prend une certaine distance avec le
reste de sa visite pour développer une nouvelle forme de
relation aux ceuvres.
DrscusstoN
Les analyses des échantillons de discours d'inteqprétationd'æuvres par des sujets adultes auxquelles nous venons de nous
consacrer méritent d'être maintenant discutées à partir de deux
notions opérantes en pragmatique. La pmgmatique, ce domaine
de la linguistique qui ne prend Pas Pour obiet d'étude le code
linguistiqueT, mais l'usage du langage en acte dans une sinration
de communication, vâ nous Permettre de dépasser la'seuleanalyse de contenu des propos des sujets, pour accéder à une
analyse de discours à part entière de leurs interprétations. Il
' Itloesbler J. et Reboul A,1994, Dictionnain enEclEêdique de pragnatique,Patis,Editions du Seuil.
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Céline BoNNIoL, ÀIarie-5rh,ie Porr
s'agit de la notion de principe de pertinence de I'acte de com-munication et de la norion de valeur argumentarive intégréed'un énoncé.
LB TU PERMET DE DoNNER UNE CERTÂINE PERTINENcE À LÀGLOSE DES SUJETS
Les sujets de l'étude qui livrent leurs commentaires sur lesGuvres dans les salles du Musée national d'art moderne setrouvent, on l'a vu, dans une situation de communicationtotalement artificielle et ttès déstabilisanre surrour à la secondepuis à la troisième édition de l'exercice, puisquTs doivent paderà voix haute devant des ceuvres sans qu'aucune intenction n'aitlieu avec I'enquêuice.
On conçoit que dans cette situation dépourvue de pertinencepsychosociale du point de vue relationnel (dans notre société,pader tout seul peut être interprété comme le signe d'undérangement,mental), les suiets ressentent le besoin d'insérerdes indices langagiers de dialogue, afin de remertre un rant soipeu de peninence et donc de < raison > à la situation d'enquêtedans son ensemble eq par conséquenr, à chacun de leur propos.Ainsi, en interpellant l'enquêtrice par un ûr dialogique quTssavent pourtant vain (ils sont piévenus qu'elle ne répondrapas), ils < injectent > dans leurs discours ce minimum de'gaiantie de pertinence que donne à toute conversation le faitqu'on s'adfesse à un tiers gui nous écoute et peut nousrépondre.
<Ça ne rappelle k Sénégal T'aaais plein fu petitet boiltiqiles
contme ça aaec plrin de tissus ou de fringues accrocbées les unu sur les auhvsjasqubn baut... > Sujet 6, visite 1, ceuwe 49 (Bésene de Boltanski).
À d'autres reprises, ce besoin de fabriquer la perrinence de sonénoncé est tel que le sujet va s'adresser à l'euvre en la tutoyant.C'est le cas dans cet exemple où le sujet 14, sachant qu'il ne
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Un aonde parlictlier de réceplion...
peut attendre aucune interaction avec l'enquêtdce, donne du lzdiatogique à l'ceuvre de Sarkis << Bon, alleq, je t'aime bien quand
même>.
Par cet acte langagier psychologiquement étrange, il s'adresse
directement à l'æuvre, non pâs tant Pour lui pader, mais pourrendre son énoncé quelque peu pertinent à Pintérieur d'ulmonologue à haute voix dénué de peninence dans un musée.
Ces analyses de quelques extraits de notre corPus confirmentdonc le postulat théorique de Ducrote pour qui << Tout acte de
communication ostensiae commttnique la présonption de sa ProPrepertinence oPa*ok.> Ce postulat pragmatique prend d'autant plus
de force que dans ce protocole;chaque suiet énonciateur est à
la fois producteur et seul iuge de la peninence de ses ProPos.
Le luot,rrocleuE DÉTENT LJN RÔI-E
D'IIUPACT ARGUNTENTATIF DANS LE COÀIIUENTAIRE
On a vu dans les parties précédentes de l'article que les suiets
parviennent instantanément, Par I'insertion d'un ta dialogique, à
instaurer une relation langagière interactionnelle de fait, même
si dans la situation de communication réelle, I'enquêtrice ne
répond pas.
Ainsi, bien qu'elle s'en défende (du point de vue du protocole)
la chercheure qui a demandé au suiet de se livrer à une
inteqpÉation des æuvres à haute voix se retrouve sur le plandu langage (tu aois), bel et bien impliquée dans l'élabontiondiscutsive du commentaire.
<< ... Et tu aois, je n'aarais pas pensé ça. Enfn pootr moi I'artc'est le tntc le plw accessible c'est eomme regarder la télwiîion, t'as pas
rtraiment besoin d'aaoir une... une disposition d'erprit et de hnncentration.... > Suiet 2, visite 2, salleJeur-Pierre Raynaud.
s Ducrot O., 1989,Itgique, rlnrettrft' énonciation, Paris, I\Iinuit.
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Céline Botrtxtor, Irlarie-Sylrie Pott
L'extrait d'énoncé ci-dessus esr exemplaite à ce propos : leréférent du tu de la première phrase correspond à l'enquêrrice;le référent du /de la seconde phrase correspond soit à un oa degênêtalitê (on n'a pas besoin), soit à nouveau à la personne deI'enquêtrice. Aurernent diq pæ le recouts tu tu non spécifié, lesujet 2 ne laisse pas le choix à l'enquêtrice de ne pas êtred'accord avec son avis. Er de faig cela fonctionne puisqu'elle nerépond pas.
En effet, puisque dans I'imaginaire discursif collectif < qui nedit mot consent >>, ce tu qui ne répond pas, endosse dans lesgloses I'habit communicationnel d'un co-locuteur (et non pasintedocuteur) qui valide racitemenr les avis proposés. Cet insendu /a dialogigue est un procédé langagier uès fréquent dans lesconversations à plusieus intedocuteurs afin d'induire, par ceracte langagier dialogique de surface, une situation de consensussur le fond de l'échange gui autorise la poursuite de la conver-sation et surtout la domination du co-locuteur À s..r le co-locuteur B.
Ce choix discursif nous intéresse particulièrement ici parce que,utilisé dans cette situation de monologue à voix haute, cetusaç du /a dialogique exprime selon nous la volonté du sujetde faire adhérer l'enquêtrice à son propos, fut-elle une co-locutrice dont il sait qu'elle ne répondra pas.
Pourquoi ce choix, pourquoi cer acre langagier (choisir le rz)souvent ft:pêtê: par certains sujets au cours de l'étude ? Nousfaisons ltrypothèse que ce recours plus ou moins fréquent au lzdialogique, relève d'une stratégie langagière (inconsciente) àvisée argumentative intégrée à l'acte d'énonciation qui permetde fait au sujet de l'étude d'impliquer l'interlocutrice muenedans son interprétation pour, au final, rentef de la persuader dela validité de son inte{prétation. Iæ fait que ce ptocédé se ren-force ou non au cours de la seconde, puis de la troisième visite
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Un monde particalier de réception...
traduit selon nous la manière dont le suiet de l'étude a iuç plus
ou moins efficace et agréable du point de vue relationnel cet
outil suarégique qui, au-delà de la simple visée argumentative,
lui permet de rendre la situation de communication moins
artificielle et donc plus accepable.Si cette hypothèse est recevable, cela induit que les suiets quiutilisent peu, voire pas du tout le rz dialogique sont les suiets les
moins gênés par le protocole de l'étude, les plus srits de lewintetprétatiorq en quelque sorte.
CoNcr-usroN
Cette perspective pragmatique inuoduite dans I'analyse dudiscours des suiets enquêtés dans le cadre de notre étude sut la
réception des æuvres d'art au Musée national d'art modeme
présente on vient de le constatet, le mérite de vérifier mot à
mot combien la situation d'enquête s'inscrit langagiètementdans la matérialité des énoncés des suiets enquêtés. En tenantd'analyser corrune nous venons de le faire, les raisons implicitesque les suiets trouvent à insctire fréquemment des tu dielo-giques dans leur commentaire, nous avons démontré que les
sujets parviennent âinsi à ré insaurer un Pacte conversationnelavecla figure de l'enquêteur. Même lorsque, comme c'était icile cas, la situation d'enquête se limite à demander aux suiets de
monologuer devant les Guvres, ce qui visiblement, ne les
satisfait pas. Cette stratégie langagière raduit selon nous
l'élaboration d'une situation de tentative de familiarisation avec
l'enquêtrice, le lieu et les cuvres.
Ce résultat confirme donc preuves linguistiques à l'appui, que
toute recherche de tenain dont la problématique est centrée sur
I'analyse de discours oraux d'interprétation d'æuvres, est tou-jours une situation d'interaction corurotée, dans laquelle le suiet
enquêté ne peut et ne veut pas << oubliet > le suiet enguêteur
auquel il donne langagièrement et donc symboliquemeng une
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Céline BoNNtoL, ÀIarie-Sylvie Por.t
place importante dans ses commentaiies, le stâtut d'un co-locuteur potentiel.
Ainsi, la situation de visite que nous avons mise en place aucours de cette étude devient une situation d'interaction, bienqu'elle ne soit pas présentée conrme telle au début de I'enquête.Pourtang c'est cette volonté de rentrer en relation avec un co-locuteur potentiel qui démontre la familiarisation s'instaurantentre le sujet et les æuvres, entre le sujet et son contexte devisite; et nous avons pu constater que ce sont les moments oùnous trouvons les signes langagiers d'une situationfanilièrc queles visiteurs râgissent à leur expétience de visite différemmenten changeant leur approche des ceuvres.
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