4
Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 93–96 Fait clinique Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique Complete electrophysiological study remains necessary in symptomatic advanced cardiomyopathy B. Brembilla-Perrot , O. Claudon , O. Marc ¸on , J.-M. Sellal , P.-Y. Zinzius , N. Sadoul , H. Blangy , L. Muresan , S. Magalhes Service de cardiologie, CHU de Brabois, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-Les-Nancy, France Rec ¸u le 31 mars 2005 ; accepté le 3 mars 2009 Disponible sur Internet le 27 mars 2009 Résumé Une tachycardie peut avoir différentes origines quelle que soit la cardiopathie sous jacente. Établir sa nature est surtout important en cas de cardiopathie évoluée du fait des conséquences thérapeutiques. L’étude électrophysiologique complète reste l’instrument privilégié de diagnostic. Nous rapportons ainsi le cas d’un homme de 39 ans ayant une cardiomyopathie dilatée connue depuis l’âge de 25 ans et qui s’est plaint de tachycardies. L’étude électrophysiologique a permis de montrer que les symptômes étaient liés à une tachycardie par réentrée intranodale qui a fait l’objet d’un traitement spécifique. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Tachycardie ; Cardiomyopathie dilatée ; Étude électrophysiologique Abstract Multiple mechanisms can explain a tachycardia associated or not with a heart disease. It is important to establish its origin, particularly if advanced heart disease is present, for the treatment. Complete electrophysiological study remains an important means of diagnosis. We report the case of a 39-year old man, who had a dilated cardiomyopathy since the age of 25 years and who complained of tachycardia. These symptoms were shown to be related to atrioventricular nodal re-entrant tachycardia at electrophysiological study and a specific treatment was indicated. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Tachycardia; Dilated cardiomyopathy; Electrophysiological study De nombreux travaux tendent à indiquer l’implantation d’un défibrillateur chez les patients ayant une altération sévère de leur fonction ventriculaire gauche [1–3]. Par conséquent, les indications d’études électrophysiologiques sont devenues plus discutées [4,5], car certaines de ces études tendent à indiquer la pose de ce défibrillateur sur le simple critère d’altération de la fonction ventriculaire gauche. Nous rapportons une observation qui montre qu’il demeure important d’établir un diagnostic clinique précis dans des cas de palpitations, tachycardies bien tolérées ou malaises non étique- Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Brembilla-Perrot). tés, même lorsqu’il y a une altération importante de la fonction ventriculaire gauche. Monsieur O., né le 21 juin 1965, peintre en bâtiment, très actif consulte son cardiologue car il a ressenti à trois reprises des épisodes de tachycardies entre 120 et 140 b/min qui se sont arrêtés avant l’arrivée à la consultation. Or, ce patient a un déjà un lourd passé cardiovasculaire, puisque 14ans auparavant, il avait été hospitalisé dans un ser- vice de cardiologie à la suite d’un syndrome infectieux et aspect d’infarctus inférieur et latéral (Fig. 1). À cette époque, la corona- rographie s’était avérée normale et l’échocardiographie mettait en évidence une sévère altération de la fonction ventriculaire gauche avec une fraction d’éjection à 0,20 et une akinésie dans le territoire inférieur et latéral. Le diagnostic de myocardite dans 0003-3928/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2009.03.001

Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique

R

cNtl©

M

A

irsi©

K

dlidpf

ip

0d

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 93–96

Fait clinique

Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans unecardiopathie évoluée symptomatique

Complete electrophysiological study remains necessary in symptomatic advanced cardiomyopathy

B. Brembilla-Perrot ∗, O. Claudon , O. Marcon , J.-M. Sellal , P.-Y. Zinzius , N. Sadoul ,H. Blangy , L. Muresan , S. Magalhes

Service de cardiologie, CHU de Brabois, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-Les-Nancy, France

Recu le 31 mars 2005 ; accepté le 3 mars 2009Disponible sur Internet le 27 mars 2009

ésumé

Une tachycardie peut avoir différentes origines quelle que soit la cardiopathie sous jacente. Établir sa nature est surtout important en cas deardiopathie évoluée du fait des conséquences thérapeutiques. L’étude électrophysiologique complète reste l’instrument privilégié de diagnostic.ous rapportons ainsi le cas d’un homme de 39 ans ayant une cardiomyopathie dilatée connue depuis l’âge de 25 ans et qui s’est plaint de

achycardies. L’étude électrophysiologique a permis de montrer que les symptômes étaient liés à une tachycardie par réentrée intranodale qui a fait’objet d’un traitement spécifique.

2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Tachycardie ; Cardiomyopathie dilatée ; Étude électrophysiologique

bstract

Multiple mechanisms can explain a tachycardia associated or not with a heart disease. It is important to establish its origin, particularly

f advanced heart disease is present, for the treatment. Complete electrophysiological study remains an important means of diagnosis. Weeport the case of a 39-year old man, who had a dilated cardiomyopathy since the age of 25 years and who complained of tachycardia. Theseymptoms were shown to be related to atrioventricular nodal re-entrant tachycardia at electrophysiological study and a specific treatment wasndicated.

2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

tv

ada

eywords: Tachycardia; Dilated cardiomyopathy; Electrophysiological study

De nombreux travaux tendent à indiquer l’implantation d’unéfibrillateur chez les patients ayant une altération sévère deeur fonction ventriculaire gauche [1–3]. Par conséquent, lesndications d’études électrophysiologiques sont devenues plusiscutées [4,5], car certaines de ces études tendent à indiquer laose de ce défibrillateur sur le simple critère d’altération de laonction ventriculaire gauche.

Nous rapportons une observation qui montre qu’il demeuremportant d’établir un diagnostic clinique précis dans des cas dealpitations, tachycardies bien tolérées ou malaises non étique-

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Brembilla-Perrot).

pvdregl

003-3928/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.ancard.2009.03.001

és, même lorsqu’il y a une altération importante de la fonctionentriculaire gauche.

Monsieur O., né le 21 juin 1965, peintre en bâtiment, trèsctif consulte son cardiologue car il a ressenti à trois repriseses épisodes de tachycardies entre 120 et 140 b/min qui se sontrrêtés avant l’arrivée à la consultation.

Or, ce patient a un déjà un lourd passé cardiovasculaire,uisque 14 ans auparavant, il avait été hospitalisé dans un ser-ice de cardiologie à la suite d’un syndrome infectieux et aspect’infarctus inférieur et latéral (Fig. 1). À cette époque, la corona-

ographie s’était avérée normale et l’échocardiographie mettaitn évidence une sévère altération de la fonction ventriculaireauche avec une fraction d’éjection à 0,20 et une akinésie danse territoire inférieur et latéral. Le diagnostic de myocardite dans
Page 2: Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique

94 B. Brembilla-Perrot et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 93–96

F ésionp .

lngpemaptsdsutà

eltlgdset

at

é

esévtàc1dddic

dddrcptDpc

a

ig. 1. Bilan de 1990 : ECG d’admission en haut avec un important courant de lrogrammée déclenche une tachycardie ventriculaire monomorphe à 180 b/min

es suites d’une fièvre typhoïde et/ou d’infarctus à coronairesormales avait été discuté. Dans le cadre du bilan rythmolo-ique après une nécrose sévère, une stimulation ventriculairerogrammée [6] avait été réalisée et avait déclenché avec deuxxtrastimulus, une tachycardie ventriculaire soutenue mono-orphe à 180 b/min avec retard droit (Fig. 1). À l’époque, les

nti-arythmiques étaient déjà considérés comme peu efficacesour diminuer le risque de mort subite [7] ; le patient avait étéraité avec des IEC ; les bêtabloquants avaient été introduits puistoppés en raison d’une hypotension orthostatique et d’une bra-ycardie spontanée. En 1998, le patient était réadmis dans unervice de cardiologie car le cardiologue avait mis en évidencene très grosse fuite mitrale alors que le ventricule gauche étaitoujours sévèrement altéré avec une fraction d’éjection abaissée0,20. Une valvuloplastie mitrale était réalisée.

En 2004, lors de la consultation pour sensation de tachycardiet alors que le patient ne se plaignait d’aucune dyspnée d’effort,’aspect échocardiographique était toujours inchangé avec unerès sévère altération de la fraction d’éjection (FE) ventricu-aire gauche (FE à 0,20), une importante dilatation des cavitésauches avec un volume télésystolique à 350 ml. L’épreuve’effort était menée à une fréquence maximale pour une puis-ance de 180 watts et la mesure de la consommation en oxygènest normale. L’enregistrement holter des 24 heures montrait unriplet ventriculaire.

Compte tenu de la notion de tachycardie, le patient était

dressé pour étude électrophysiologique car le diagnostic deachycardie ventriculaire était suspecté.

Cette étude montrait que la conduction auriculoventriculairetait normale ; la stimulation auriculaire programmée avec un

qtàc

prédominant dans les territoires inférieur et latéral ; la stimulation ventriculaire

xtrastimulus déclenchait un flutter auriculaire qui s’arrêtaitpontanément en trois minutes et elle n’était pas poursuivie pourviter de déclencher une fibrillation auriculaire. La stimulationentriculaire programmée déclenchait de facon très reproduc-ible une tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale

110 b/min, peu ressentie par le patient. L’examen déclen-hait également une tachycardie ventriculaire monomorphe à10 b/min toujours non ressentie par le patient. L’examen étaitonc complété par une nouvelle stimulation sous perfusion’isoprotérénol. La stimulation ventriculaire programmée neéclenchait plus qu’une tachycardie jonctionnelle par réentréentranodale à 140 b/min que le patient ressentait comme sa tachy-ardie clinique (Fig. 2).

Un traitement par petites doses de bêtabloquants était intro-uit prudemment en raison de la bradycardie sinusale, avante prendre une décision thérapeutique. Le patient reprenait’ailleurs son travail. Une rechute rapide de la tachycardie leamène à son cardiologue, qui peut enregistrait la tachycardielinique (Fig. 3). Il s’agissait d’une tachycardie jonctionnellear réentrée intranodale tout à fait typique pour laquelle un trai-ement curatif par ablation de la voie lente a été décidé et réalisé.ans l’immédiat, il n’a pas été retenu d’indication de mise enlace de défibrillateur, la nature de la cardiopathie n’étant paslaire et le patient totalement asymptomatique.

Cette observation montre qu’il reste important d’étiquetervec précision la nature des symptômes présentés par un patient

ui a une cardiopathie évoluée. En effet, si une tachycardie ven-riculaire est le trouble du rythme le plus préoccupant car associéun haut risque de mort subite, beaucoup d’études montrent quees patients peuvent avoir d’autres troubles du rythme comme
Page 3: Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique

B. Brembilla-Perrot et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 59 (2010) 93–96 95

F ent d’d nchem

dsvtptdf

trsg

ig. 2. Étude électrophysiolgique réalisée en 2004 : à l’état basal, déclenchem’une tachycardie ventriculaire lente à 110 b/min ; sous isuprel (à droite), décle

es bradycardies ou une hypertonie vagale lorsque le patiente plaint de malaises inexpliqués ou de tachycardies supra-entriculaires ou d’autres arythmies en cas de malaises ou deachycardies non documentées [8–10]. Le cas illustre aussi le

roblème de patients encore jeunes qui, s’ils avaient vu ini-ialement ces deux ou trois dernières années, auraient eu unéfibrillateur ventriculaire à titre prophylactique. L’évolutionavorable avec 14 ans de recul pose le problème de la conduite à

did

Fig. 3. Tachycardie clinique enregistrée quelques jours après.

une tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale à 110 b/min mais aussient d’une tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale à 140 b/min.

enir actuelle pour ces patients. Il est certain que l’implantationetardée est difficile à justifier et le choix des auteurs sur la déci-ion thérapeutique est la plus logique compte tenu du contexteénéral du patient présenté.

En effet, si le défibrillateur protège le patient d’une tachycar-ie ventriculaire très rapide ou d’une fibrillation ventriculaire,l ne traite pas les troubles du rythme d’autres origines. Avante décider de l’implantation du défibrillateur, il apparaît donc

Il s’agit d’une tachycardie jonctionnelle paroxystique.

Page 4: Une étude électrophysiologique complète reste nécessaire dans une cardiopathie évoluée symptomatique

9 ardio

iérSidrdd

R

[9] O’Donnell D, Hamer A, Horrigan M. Delayed neurally-mediated syncope

6 B. Brembilla-Perrot et al. / Annales de C

mportant de préciser la nature exacte des anomalies. L’étudelectrophysiologique complète, lorsqu’il y a une cardiopathie,este un examen performant et rapide pour établir ce diagnostic.a valeur diagnostisque est excellente dans les cardiopathies

schémiques et également bonne dans les cardiomyopathies’autre origine si elle est répétée sous isoprotérénol [9]. Elleeste préférable à l’implantation d’un Holter implantable, en case cardiopathie car c’est un moyen beaucoup plus rapide deiagnostic et de décision thérapeutique.

éférences

[1] Moss AJ, Zareba W, Hall J, et al., The Multicenter Automatic DefibrillatorImplantation Trial II Investigators. Prophylactic implantation of a defibril-lator in patients with myocardial infarction and reduced ejection fraction.N Engl J Med 2002;346:877–83.

[2] Lee KL, Hafley G, Fisher JD, et al., The Multicenter Unsustained Tachycar-dia Trial Investigators. Effect of implantable defibrillators on arrhythmic

events and mortality in the Multicenter Unsustained Tachycardia Trial.Circulation 2002;106:33–8.

[3] Kadish A, Dyer A, Daubert JP, et al. Prophylactic defibrillator implanta-tion in patients with nonischemic dilated cardiomyopathy. N Engl J Med2004;350:2152–8.

[

logie et d’Angéiologie 59 (2010) 93–96

[4] Grimm W, Hoffmann J, Menz V, Luck K, Maisch B. Programmed ventri-cular stimulation for arrhythmia risk prediction in patients with idiopathicdilated cardiomyopathy and nonsustained ventricular tachycardia. J AmColl Cardiol 1998;32:739–45.

[5] Mittal S, Iwai s, Stein KM, Markowitz SM, Slotwinner DJ, Lexman BB.Long-term outcome of patients with unexplained syncope treated withan electrophysiologic-guided approach in the implantable cardioverter-defibrillator era. J Am Coll Cardiol 1999;34:1082–9.

[6] Brembilla-Perrot B, Terrier de la Chaise A, Briancon S, et al. Programmedventricular stimulation in survivors of acute myocardial infarction: long-term follow-up. Int J Cardiol 1995;69:55–65.

[7] Brembilla-Perrot B, Terrier de la Chaise D, Beurrier S, Briancon, Suty-Selton C. Programmed ventricular stimulation after myocardial stimulationafter myocardial infarction infarction does not help to reduce the risk ofventricular events. Cardiovasc Drugs Ther 1996;10:549–56.

[8] Menozzi C, Brignole M, Garcia-Civera R, et al., On behalf of the Inter-national Study on Syncope of Uncertain Etiology (ISSUE) Investigators.Mechanism of syncope in patients with heart disease and negative electro-physiologic test. Circulation 2002;105:2741–5.

after inferior wall acute mocardial infarction. Am J Cardiol 1999;90:157–9.10] Brembilla-Perrot B, Suty-Selton C, Beurrier D, et al. Differences in mecha-

nisms and outcomes of syncope in patients with coronary disease asassessed by electrophysiologic study. J Am Coll Cardiol 2004;44:594–601.