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Le dîner au Café Riche (Bel-Ami) Situation de l’extrait Duroy travaille au journal La Vie Française. Malgré ses efforts, il estime que la fortune rapide qu’il espère ne vient pas assez vite. Sur les conseils de Mme Forestier, il rend visite à Mme de Marelle, qui l’invite avec les Forestier à un dîner intime au Café Riche. Introduction Bel-Ami est un roman réaliste d'apprentissage de Guy de Maupassant, auteur du XIX ème siècle. Publié en 1885 sous forme de roman feuilleton dans le quotidien Gil Blas, il y raconte la vie de l'arriviste Georges Duroy qui cherchera à faire fortune en jouant sur les sentiments amoureux qu'auront les femmes envers lui. On retrouve dans tout le roman cette atmosphère de désir amoureux et sensuel, comme en atteste l'extrait du dîner au Café Riche. Maupassant développe ici un véritable art du récit en alliant le repas avec ses plats au caractère sensuel, charnel, à la conversation des personnages, qui révèle tout à fait leur personnalité, notamment celle de Bel-Ami. Problématiques possibles : Comment l’évocation de la nourriture permet-elle de créer une atmosphère sensuelle ? En quoi la conversation de ce dîner joue-t-elle le rôle de révélateur des personnalités en présence ? I. L’art du récit a) Un récit savamment composé Les deux premiers paragraphes évoquent l’arrivée des plats (huîtres puis potage et truite). La conversation débute avec une anecdote, décrite de manière générale (l. 9 à 11) : emploi de « on » (valeur impersonnelle).

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Le dîner au Café Riche (Bel-Ami)

Situation de l’extrait

Duroy travaille au journal La Vie Française. Malgré ses efforts, il estime que la fortune rapide qu’il espère ne vient pas assez vite. Sur les conseils de Mme Forestier, il rend visite à Mme de Marelle, qui l’invite avec les Forestier à un dîner intime au Café Riche.

Introduction

Bel-Ami est un roman réaliste d'apprentissage de Guy de Maupassant, auteur du XIXème siècle. Publié en 1885 sous forme de roman feuilleton dans le quotidien Gil Blas, il y raconte la vie de l'arriviste Georges Duroy qui cherchera à faire fortune en jouant sur les sentiments amoureux qu'auront les femmes envers lui. On retrouve dans tout le roman cette atmosphère de désir amoureux et sensuel, comme en atteste l'extrait du dîner au Café Riche. Maupassant développe ici un véritable art du récit en alliant le repas avec ses plats au caractère sensuel, charnel, à la conversation des personnages, qui révèle tout à fait leur personnalité, notamment celle de Bel-Ami.

Problématiques possibles :Comment l’évocation de la nourriture permet-elle de créer une atmosphère sensuelle ?En quoi la conversation de ce dîner joue-t-elle le rôle de révélateur des personnalités en présence ?

I. L’art du récita) Un récit savamment composé

Les deux premiers paragraphes évoquent l’arrivée des plats (huîtres puis potage et truite).La conversation débute avec une anecdote, décrite de manière générale (l. 9 à 11) : emploi de « on » (valeur impersonnelle).Duroy cherche à prendre la parole et à se présenter à son avantage. Dans le dernier paragraphe, les femmes réagissent favorablement à ses propos.On a un mélange de description (l. 1 à 6) et de discours rapporté, dont l’auteur fait varier les types :- discours indirect : évocation du cancan, « les deux femmes déclaraient que » (l. 13-14), « Duroy fut de leur avis et proclama bien haut qu’ » (l. 14)- discours direct : « il ajouta : » (l. 17 et l. 22)nombreux verbes de parole : « les convives commencèrent à causer » (l. 16-17), « on parla » (l. 18), « il parlait » (l. 28)Le passage est organisé avec des connecteurs logiques et chronologiques : « puis » (l. 15 et l. 22), « et » (l. 16), « d’abord » (l. 18).

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b) Point de vue et secret

On a, comme dans tout le roman, un jeu de focalisations.Changement de point de vue :- le narrateur est d’abord externe : conversation présentée de l’extérieur, pas d’opinion donnée- le dernier paragraphe est ambigu : interne pour l’opinion des deux femmes, ou omniscient.

Le sourire de Duroy est une invitation implicite à la vie amoureuse, soulignée par son incitation dans la déduction du narrateur sur sa pensée : « Essayez pour voir. » (l. 31). Il parle « avec une conviction contagieuse » (l. 28).Forestier rie (l. 12), alors que Bel-Ami sourit, se fait aimer des deux femmes. Il les comprend, contrairement à son collègue.Il parle de son expérience personnelle et de la leur en se cachant derrière un discours général : « nous » (l. 19), « les uns les autres » (l. 19-20), « les femmes » (l. 21).

II. Le discours d’un séducteura) L’alliance des mots et des mets

Association de la nourriture et de l’amour : les plats deviennent des compléments voire des substituts du désir amoureux. Les dîners favorisent les rapprochements amoureux. Les plats sont érotisés car comparés aux attributs féminins : « mignonnes et grasses » (l. 1-2), « rose comme de la chair de jeune fille » (l. 5-6), ce qui crée une atmosphère de sensualité. Les plaisirs de la table se confondent avec les plaisirs de l’amour.

b) La persuasion

Duroy est le seul qui s’exprime au style direct dans ce passage. En cela il s’oppose à Forestier et suscite la bienveillance de son public féminin. Son discours est orienté vers son auditoire : deux parisiennes, dont il faut tester « la morale inflexible » (l. 34-35). Il sait que Mme Forestier trompe son mari et que Mme de Marelle est volage.Elles sont passives par leur silence, et paraissent bien vulnérables. Georges les persuade et les séduit en s’élevant contre les indiscrétions dans les relations amoureuses : exclamations. Elles ne sont d’ailleurs pas désignées par leur prénom, mais au nom d’un seul groupe : « les deux femmes » (l. 12), « toutes les deux » (l. 32), ce qui montre bien le pouvoir de séduction de Bel-Ami auprès de l’ensemble de la gente féminine.

c) Un numéro d’acteur

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Le texte peut être lu comme une saynète : on a des paroles rapportées, des indications scéniques sur les attitudes, qui éclairent le caractère des personnages (Forestier rie, les femmes se révèlent par « leur silence ami » à la l. 34).Duroy cherche à persuader les femmes qu’il est différent des hommes qui trahissent l’adultère : déduction du narrateur sur sa pensée « Ce n’est pas avec moi qu’on aurait à craindre de pareils dangers.» (l. 30-31). Sa théorie est que la femme peut chercher le bonheur hors du mariage. Pourtant, par la suite du roman, il fera appel au commissaire de police pour prendre sa femme Madeleine, ici présente au cours du dîner, en flagrant délit d’adultère afin d’obtenir le divorce. Le principe que défend avec entrain Bel-Ami n’est qu’un moyen de séduire les deux femmes qu’il a en face de lui ; il n’agit que pour son bien propre et n’a en réalité aucun principe.

Conclusion

Le dîner au Café Riche est un épisode essentiel dans l’intrigue : Duroy deviendra l’amant de Clotilde de Marelle, et plus tard le mari de Madeleine Forestier. Ce dîner est une peinture des mœurs de l’époque, avec ces repas dans des cabinets particuliers, lieux de prédilection des amours adultères. Dans cette société, l’amour est avant tout synonyme de désir, lequel est assimilé au bonheur. Sous les voiles de la convenance hypocrite et peut-être de quelques rêveries sentimentales, l’instinct sexuel règne. Le romancier met en scène deux femmes modernes qui refusent d’être le « second sexe ». La société fin de siècle voit naître deux types nouveaux de femmes : la politicienne, et la parisienne qui assume sa sensualité et ses goûts canaille. Sa vision de la nature humaine est influencée par le philosophe Schopenhauer que connaissait bien Maupassant : « toute inclinaison amoureuse […] pour éthérées que soient ses allures, prend racine uniquement dans l’instinct sexuel ».

Termes à connaître

saynète : petite pièce comique (origine espagnole)

éthéré : léger

Note

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Les cabinets particuliers des restaurants étaient au XIXème siècle le lieu de rencontre traditionnel dans les aventures extraconjugales. Il s’ensuit une atmosphère et une conversation où la sensualité et le thème de l’amour dominent.