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A VEC LE PLUS GRAND TÉLESCOPE DU MONDE LE POINT DU SPÉCIALISTE 8 - l’ASTRONOMIE –Septembre 2008 Fabien Malbet Responsable scientifique du projet AMBER/VLTI CNRS Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble, Université Joseph Fourier L ES A STRONOMES EUROPÉENS AUSCULTENT LES CIEUX À l’heure des projets de télescopes extrêmement grands, l’Europe a déjà une longueur d’avance. Le télescope européen (VLT), en mode interférométrique avec l’instrument AMBER devient le plus grand télescope jamais utilisé dans le domaine optique aussi bien en surface de miroir (plus de 150 m 2 ) qu’en finesse de résolution qui atteint celle d’un télescope de 130 m de diamètre.

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AVEC LE PLUS GRANDTÉLESCOPE DUMONDE

LE POINTDU SPÉCIALISTE

8 - l’ASTRONOMIE –Septembre 2008

Fabien MalbetResponsable scientifique du projet AMBER/VLTICNRS Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble, Université Joseph Fourier

LESASTRONOMES EUROPÉENS AUSCULTENT LES CIEUX

À l’heure des projets de télescopes extrêmement grands,l’Europe a déjà une longueur d’avance. Le télescope européen

(VLT), en mode interférométrique avec l’instrument AMBERdevient le plus grand télescope jamais utilisé dans le

domaine optique aussi bien en surface de miroir (plus de150 m2) qu’en finesse de résolution qui atteint celle d’un

télescope de 130 m de diamètre.

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LE POINTDU SPÉCIALISTE

Le journal professionnel Astronomy &Astrophysics a publié en 2007 un numérospécial qui rapporte les premiers résultats

obtenus avec l’instrument AMBER (AstronomicalMultiBEam Recombiner) par le très grand téles-cope européen. Ces articles couvrent pratique-ment tous les stades de l’évolution stellaire depuisla formation des étoiles et des planètes jusqu’àl’observation de l’explosion de type nova dans unsystème stellaire évolué. Ces résultats inédits ontété obtenus en utilisant simultanément 3 des 4télescopes du VLT basés à l’Observatoire euro-péen austral (1) du mont Paranal au Chili.L’instrument AMBER équipant le VLTI (modeinterférométrique du VLT) permet d’atteindreune résolution angulaire inégalée de l’ordre dumillième de seconde d’angle (2) autorisant l’ob-servation des astres dans différentes longueursd'onde, dans l'infrarouge proche. Les astro-nomes obtiennent donc des observations avecune finesse 13 fois plus importante que celled'un télescope seul. Il devient alors possible desonder les régions de formation de planètes,d’observer les vents des étoiles en rotation trèsrapide, d’étudier les différents types de matièreséjectées par une étoile massive, de séparer lesdeux composantes d’une étoile double serrée etde voir en direct l’évolution d’une novaquelques jours seulement après son explosion.

FORMATION DES ÉTOILESET DES PLANÈTES

AMBER a observé deux étoiles jeunes : l’étoileMWC 297 (étoile NZ de la constellation duSerpent) et l’étoile HD 104237 (étoile DX de laconstellation du Caméléon). Ces étoiles unpeu plus massives que le Soleil ont un âgebien plus faible, de l’ordre de quelques mil-lions d’années, comparé aux 4,5 milliardsd’années du Soleil. Par rapport aux étoiles demême température (de l’ordre de 10 000 K),ces étoiles ont un excès de lumière dans l’in-frarouge, signe de la présence de matièreplus froide autour d’elles. Dans le cas de MWC 297, AMBER a la capacitéde préciser la géométrie de cette matière orbi-tant autour de l’étoile. Il s’agit de poussières etde gaz opaques tombant sur l’étoile en spira-lant dans un plan équatorial sous forme d'undisque qui, rapporté au Système solaire, s’éten-drait de l’orbite de Mercure à celle de Pluton.C’est cette région, où les planètes devraienten toute logique se former et appeléedisque protoplanétaire, qu’AMBER a pu exa-miner pour la première fois dans différenteslongueurs d’onde de l’infrarouge.

Jusqu’à très récemment, les astronomes pen-saient que l’hydrogène présent autour de cesétoiles était mélangé aux poussières de façonrelativement homogène et que les atomesd’hydrogène émettaient principalement aumoment de leur chute sur l’étoile. AMBER a nonseulement détecté la raie Bracket γ (3) de l’hy-drogène, mais a aussi mesuré la taille caractéris-tique de la région d’émission de ces atomes.Dans le cas de l’étoile MWC 297, cette région serévèle environ deux fois plus grande que cellecontenant la poussière émettant à la mêmelongueur d’onde (fig. 1). L’hypothèse la plusprobable est que l’hydrogène détecté a étéexpulsé sous forme de vent stellaire (4) au-des-sus du disque protoplanétaire. L’origine de cevent n’est pas encore déterminée. Est-il pure-ment stellaire (c’est-à-dire provenant directe-ment de la surface de l’étoile) ou provient-ild’un phénomène similaire au vent stellaireayant lieu à la surface du disque ? L’observation de HD 104237 qui montre quel’émission Bracket γ de l’hydrogène est dansce cas-là plutôt de taille similaire à celle de lapoussière tendrait à confirmer que le ventdans ces étoiles jeunes proviendrait plutôt dela surface des disques protoplanétaires.

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1 – L'Observatoire européen austral est souvent abrégé en ESO pour European Southern Observatory.2 – Un millième de seconde d’angle, souvent abrégé 1 mas par les astronomes, équivaut à 1”/1000, soit 1'/ 60 000 soit 1°/3 600 000 soit encore 5 milliar-dième de radian. Cet angle correspond à l'angle sous-tendu par les deux phares d'un camion (séparés de 2 mètres) situés à 400 000 km, soit sur la Lune.3 – Raie Bracket γ : une des raies de l'atome d'hydrogène correspondant au passage entre les niveaux 4 et 7.4 – Le vent stellaire est l’analogue du vent solaire bien connu dans notre Système solaire. Sous l’effet de la température et de la pression de rayonnement,des particules de matière constituée principalement d'atomes d’hydrogène sont éjectées radialement de la surface de l’étoile.

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Fig. 1. (À gauche) – Visibilité des franges d’interférence mesurée sur l’étoile MWC 297 en fonction de la longueur d’onde. Lesdonnées sont centrées sur la raie Brγ à 2,165 microns. La variation de la visibilité (lire page 13) au travers de l'objet permet de localiser larégion d'émission de l'hydrogène par rapport à celle de la poussière. Le fait que la visibilité soit plus petite dans le vent que dans la partiebrillante du disque montre que la taille apparente du vent est plus grande que celle de la partie brillante du disque. – (À droite) – Vued’artiste représentant l’étoile MWC297 vue par la tranche incluant un disque protoplanétaire représenté en couleurrouge/jaune et un vent stellaire représenté en bleu. La région d'émission des poussières dans le disque en jaune est environ deux foisplus petite que la région d'émission de l'hydrogène en bleu. D’après Malbet et al. (2007, A&A 464, 43).

LES ÉTOILES CHAUDES ACTIVESCertaines étoiles chaudes, que l’on appelle des étoiles de type Be carelles possèdent de fortes raies d’émission, ont été étudiées par AMBER :l’étoile α de la constellation de l’Autel en est l’une des plus proches,l’étoile κ de la constellation du Grand Chien en est l’une des plus bril-lantes, et l’étoile supergéante CPD-57°2874 est l’une des rares étoileschaudes qui présente à la fois des raies d’émission et un excès d’émis-sion dans l’infrarouge.Les étoiles de ce type ont la particularité de tourner sur elles-mêmes defaçon très rapide, par exemple à plus de 470 km/s pour l’étoile α del’Autel, soit à près de 90 % de sa vitesse critique, c’est-à-dire la vitessequi entraînerait la destruction du cœur stellaire. En effet à cette vitessecritique la matière peut s’échapper librement sous l’effet de la forcecentrifuge, comme l’on pourrait être éjecté d’un manège qui tourneraitde plus en plus vite.

L’utilisation combinée de la résolution spatiale du VLTI et de la résolutionspectrale d’AMBER a permis de sonder l’origine de ces émissions de l’hy-drogène et surtout d’en comprendre la géométrie et la manière dont legaz se déplace par rapport à l’étoile. Pour la première fois, il a été possi-ble de démontrer de manière directe que le mouvement principal dugaz était un mouvement de rotation autour de l’étoile sous l’in-fluence de la force de gravitation centrale. Le gaz obéit donc aux lois deKepler, comme les planètes au sein de notre Système solaire. Depuis la découverte des propriétés particulières de l’étoile γ de la constel-lation de Cassiopée par le père Angelo Secchi, à la fin du XIXe siècle, la ques-tion de la géométrie et la cinématique du gaz à l’origine des raies d’émissiondes étoiles Be était posée. Les observations obtenues avec AMBER surl’étoile α de l’Autel ont pu répondre sans ambiguïté à cette question : ellessont compatibles avec la présence d’une enveloppe de gaz confinée dansle plan équatorial en rotation autour de l’étoile et d’un vent stellaire expulséplus particulièrement le long de l’axe de rotation de l’étoile (fig. 2).

Fig. 2. (À gauche, de haut en bas) – Spectre de l'étoile α de la constellation de l'Autel dans la raie Brγ ; amplitudes et phases des franges d’in-terférence mesurées (lire p.13). Les courbes pleines correspondent à l’ajustement du modèle décrit dans le texte aux données représentées par despoints et des barres d’erreur. (À droite) – Carte d’intensité à la longueur d’onde de 2,15 microns obtenue avec les meilleurs paramètres dumodèle. La direction verticale représente l'axe polaire autour duquel tourne l'étoile proche de la vitesse critique D’après Meilland et al. (2007, A&A 464, 59).

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LE POINTDU SPÉCIALISTE

ETA CARINAE : UNE DES ÉTOILES LESPLUS MASSIVES DE NOTRE GALAXIE

L’étoile η de la constellation de la Carène estl’étoile proche la plus massive connue à cejour. Bien que d’autres étoiles puissent préten-dre à être aussi massives et lumineuses, c’est laseule pour laquelle les astronomes ont puconfirmer la très grande luminosité par desobservations couvrant un spectre très large,tandis que d’autres ont été rétrogradées avecl’avènement de nouvelles observationsdémontrant que ces étoiles, soi-disant soli-taires, étaient en réalité composées de plu-sieurs étoiles moins massives. Les étoiles de masses comparables à celle del’étoile η de la Carène, soit plus de 100 fois lamasse de notre Soleil, produisent plus d’unmillion de fois plus de lumière que notre astre.Elles sont relativement rares puisqu’une petitedouzaine seulement ont été recensées à cejour dans notre Galaxie, la Voie lactée. Cesétoiles approchent et parfois dépassent lamasse limite d’Eddington, masse à partir delaquelle la pression de radiation due à la tem-pérature de l’étoile est plus forte que la forcede gravitation qui permet de garder la matièredans leur cœur. C’est pourquoi ces étoiles sonttrès étudiées.La luminosité de cette étoile est variable dans letemps. Cataloguée en 1677 par Edmund Halley

comme une étoile de quatrième magnitude,elle s’est mise à briller et à devenir l’une desétoiles les plus brillantes de la constellation dela Carène au début du XVIIIe siècle pour finale-ment s’assombrir à nouveau à la fin du siècle.

Un regain de brillance a été noté au début duXIXe siècle pour atteindre un apogée en 1843 oùelle est devenue la seconde étoile la plus bril-lante du ciel après Sirius. Sa luminosité a ensuitedécru à nouveau pour devenir invisible à l’œilnu au début du XXe siècle. Elle a soudain doubléde luminosité en 1998-1999 et est redevenuevisible à l’œil nu.

Les astronomes soupçonnent cette étoile d'êtreen réalité une étoile double, c’est-à-dire compo-sée de deux étoiles en orbite l’une autour del’autre. L’origine mystérieuse de la luminosité decette étoile, et de sa variabilité importante,poussent les astronomes à rechercher despreuves de sa binarité en essayant d’obtenir desdétails de plus en plus fins sur cet astre. AMBERl’a observé à deux reprises en utilisant 3 téles-copes du VLT et avec une importante résolutionspectrale permettant de détecter la raie de l’hé-lium à 2,07 μm et la raie de Brackett γ de l’hy-drogène autour de 2,16 μm. En “zoomant” sur lecœur du système stellaire de η Carinae, lesmesures ont révélé une région de vent stel-laire très rapide et très dense empêchant devoir l’étoile centrale. La perte de masse due àce vent stellaire est particulièrement impor-tante le long de l’axe polaire qui est aussi l’axeprincipal de la nébuleuse de l’Homoncule à plusgrande échelle. Cette nébuleuse, qui a étémagnifiquement photographiée par le téles-cope spatial Hubble (fig. 4), est le fossile de l’ex-pulsion de matière observée en 1843 lors du picde brillance. Ces nouvelles observations obte-nues avec des détails jamais atteints permet-tent de faire ressortir des ressemblances géo-métriques entre le vent stellaire observéaujourd’hui (fig. 3) et les éruptions qui ontdonné naissance à la nébuleuse.

La résolution del’instrument AMBER

équipant le VLTI permettrait de

distinguer les deuxphares d’un camionroulant sur la Lune.

Fig. 3. À gauche, observations de l’étoile eta de la Carène réalisées avecAMBER : spectres obtenus de gauche à droite dans la raie Brγ à hauterésolution (R = 12 000) et la raie de l’hélium neutre à moyenne résolu-tion (R = 1 500) et visibilités correspondantes en-dessous... Les observa-tions sont représentées en vert et les raies calculées avec le modèle en rouge. Leslongueurs d'onde sont exprimées en km/s car les raies sont principalement élar-gies par effet Doppler dû aux mouvements du gaz de l'étoile. L’image située enhaut à droite illustre la compréhension du vent stellaire optiquement épais encouleur bleue entourant le cœur du système stellaire en rose. Les ellipses corres-pondent aux latitudes de la composante de vent faible asphérique. Les images àdroite en bas sont les images du modèle calculées dans deux longueurs d’ondedistinctes. D'après Weigelt et al. (2007, A&A 464, 87).

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LE RÉVEIL DE LA NOVA RS OPHLe 12 février 2006, l’étoile RS de la constellationOphiucus (6), connue pour être une nova récur-rente, est entrée en éruption, 21 ans seulementaprès une éruption similaire activement obser-vée en 1985. Cette étoile RS devint visible à l’œilnu et fut observée intensément non seulementpar de nombreux astronomes amateurs, maisaussi par la plupart des grands observatoires ausol ou dans l’espace (le VLT, le télescope spatialHubble, le satellite CHANDRA, les réseaux deradiotélescopes...). L’observation d’une nova esttoujours un évènement important en astrono-mie et son étude est riche en information sur unphénomène étroitement lié aux rapports tumul-tueux d’un couple stellaire très serré. Une naineblanche, le cœur mis à nu d’une étoile en fin devie, se nourrit de l’atmosphère externe de sacompagne, une géante rouge moins évoluée. Lesgaz ainsi capturés sont continuellement écrasésà la surface de la naine blanche par son énormegravité, comprimés et chauffés à des tempéra-tures énormes. À un certain moment, les pres-sions et les températures de la couche d’hydro-gène deviennent assez grandes pour déclencherune puissante déflagration nucléaire, libérantune énorme quantité d’énergie. Comme cettenova est relativement proche et brillante, pour lapremière fois de nombreux interféromètresoptiques (7), dont le VLTI, ont pu observer cetobjet, même si l’étoile RS de la constellationOphiucus n’était, au moment de son explosionobservable, que 2 heures par nuit !Le spectre continu de l’explosion ainsi quedeux raies en émission, l’une traçant l’hydro-gène (Brγ 2,16 μm), l’autre l’hélium (HeI2,06 μm), ont été observés. La résolution duspectrographe AMBER a permis d’étudierces larges raies révélant la vitesse du frontde choc d’environ 3 000 km/s. La taille del’émission continue avait à ce moment uneforme générale aplatie de taille caractéristique4,5 x 2,6 millisecondes d’angle, soit la taillecaractéristique d’une pièce de 1 centimesituée à Berlin, vue depuis Paris ! La taille del’émission dans les raies est beaucoup plusgrande, environ le double en Brγ et encore plusétendue en He I qui se forme probablementdans l’onde de choc elle-même. La figure 5représente les tailles caratéristiques mesuréespar AMBER à t = 5 jours comparées à l’imageradio obtenue à t = 13,8 jours. En utilisant lesvitesses d’expansion mesurées par AMBER eten extrapolant le lieu où la matière aurait pus’étendre après 13,8 jours, la taille caractéris-tique de la matière émettant la raie Brγ seraitdu même ordre de grandeur que ce qui estmesuré dans les longueurs d’onde radio. C’estla première fois qu’un tel évènement peut êtremesuré si proche de l’étoile centrale.

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DERNIERS PAS DE DANSE POURUNE ÉTOILE WOLF-RAYET ?

Plusieurs résultats apportés par AMBER se foca-lisent sur les étapes avancées de l’évolutionstellaire. C’est ainsi que l’étoile γ de la constella-tion des Voiles a été observée. La lumièreblanche avec des reflets bleutés de cette étoilede seconde magnitude ainsi que son spectreriche en raies d’émission l’ont fait surnommer la“pierre précieuse spectrale” du ciel austral.L’étoile γ de la constellation des Voiles estl’étoile la plus lumineuse de sa constella-tion (5). Elle est connue pour être une étoiledouble composée d’une étoile Wolf-Rayet etd’une étoile de type spectral O. Les étoilesWolf-Rayet sont une catégorie d’étoiles quiprésentent de larges raies d’émission, là où laplupart des étoiles ont des raies d’absorption.Elles ont quitté la séquence principale, c’est-à-dire que la combustion qui se déroule dansleur cœur est la combustion de l’hélium (puisplus tard celle du carbone, puis de l’oxygèneetc.), et non plus celle de l’hydrogène. Cettecombustion est beaucoup plus énergétique.La présence d’un vent stellaire massif est à l’ori-gine de ses raies spectrales spectaculaires.Les télescopes du VLT, utilisés avec AMBER,permettent de séparer optiquement lacontribution des deux étoiles. La mesure deleur séparation permet d’estimer la distance àlaquelle se trouve cette binaire, et démontreque les précédentes estimations étaient incor-rectes. Les observations obtenues avec AMBERsont les premiers pas qui nous mèneront versla détection de la zone de collision entre levent de l’étoile Wolf-Rayet et celui de l’étoile O.Ce sera un nouveau moyen d’étudier le chocentre deux vents stellaires.

Fig. 5. Empreintes mesurées par AMBERde la nova RS de la constellationOphiucus 5 jours après l’explosion com-parées à la structure observée en radio13,8 jours après l’explosion. L’ellipse rem-plie de rouge en trait continu représente lataille caractéristique mesurée par AMBERdans le continu stellaire, tandis que l’ellipseen pointillée remplie d’orange représentecelle mesurée dans la raie de Brγ et celle entirets remplie de blanc dans la raie de l’hé-lium I. La grande ellipse en pointillés corres-pond à la petite ellipse en pointillés traçantBrγ extrapolée de 5 jours à 13,8 jours en utili-sant les vitesses mesurées dans les spectresobservés. D’après Chesneau et al. (2007, A&A 464, 119).

5 – La raison pour laquelle l’étoile γ Vela ne porte pas comme nom la lettre grecque α est que la constellation des Voiles résulte du partage de la constella-tion du Navire Argo en trois constellations plus petites à la fin du XVIIIe siècle.6 – Ophiucus est aussi connue sous le nom de Serpentaire, représentée par un homme portant un serpent à bout de bras.7 – Les interféromètres du VLT, du Keck (KI), du mont Palomar (PTI) et du mont Hopkins (IOTA) aux USA.

Fig. 4. Eta Carinae et la nébuleuse del’Homoncule. Composite de plusieursobservations du télescope spatiale hubble.© Nasa

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LE POINTDU SPÉCIALISTE

À l’heure des projets de télescopesextrêmement grands, l’Europe a déjàune longueur d’avance dans l’astro-

nomie des très grands miroirs. Le Very LargeTelescope (VLT), utilisé en mode interféromé-trique équipé, entre autres, de l'instrumentAMBER (fig. 6), est le plus grand télescopejamais utilisé dans le domaine optique et sur-tout infrarouge aussi bien en surface de miroir(plus de 150 m2) qu’en finesse de résolutionqui atteint celle d’un télescope de 130 m dediamètre. L’utilisation du mode interféromé-trique permet de dépasser certaines difficultésauxquelles font face les astronomes pourconstruire des télescopes extrêmementgrands et s’avère un complément indispensa-ble des très grandes surfaces en se spécialisantdans l’augmentation du pouvoir de résolution.

L’INTERFÉROMÉTRIE OPTIQUEL’interférométrie optique à plusieurs téles-copes est basée sur le principe des interfé-rences lumineuses. Elle consiste à mélanger lalumière provenant d’une source célesterecueillie par différents télescopes optiques

séparés par plusieurs dizaines, voire plusieurscentaines de mètres. Les faisceaux de lumièrecaptés par chacun des télescopes sont envoyésdans un récepteur commun où ils sont super-posés. Si la source est ponctuelle, les frangesd’interférences apparaissent dans la figure dediffraction des télescopes selon la différencedes chemins optiques parcourus en passantpar chacun des télescopes (fig. 7). Ces frangesprennent la forme d’une alternance de zonesbrillantes (interférences constructives) et dezones sombres (interférences destructives).Lorsque la source est étendue, les franges semélangent, ce qui diminue leur visibilité (ouleur contraste). En mesurant le contraste desfranges, c’est-à-dire la moitié de l’intensité rela-tive entre les zones les plus brillantes et les plussombres normalisée à l’intensité moyenne, ilest possible de récupérer des informationsconcernant la géométrie de la source. La réso-lution angulaire obtenue correspond alors àcelle d’un télescope de diamètre équivalent àla distance des télescopes les plus éloignés. Le critère de résolution de l'interféromètreest défini par λ/B (où λ est la longueur d’onde

et B la distance séparant les télescopes, appe-lée aussi ligne de base). Dans le cas d’AMBERsur le VLT, le critère de résolution, à λ=2microns et pour une base de 100 m, vaut0,02 microradian soit 4 millisecondes d’angle(mas en abrégé).

Le contraste des franges mesurées dépend àla fois de la géométrie de la source et de l’ins-trument. Lorsqu’une source est ponctuelle,le contraste des franges vaut 1. La sourceest trop petite pour distinguer des détails.Lorsque la taille caractéristique de l’objetobservé est plus grande que le critère derésolution de l’interféromètre on dit que l’ob-jet est résolu. En étalonnant la réponse de l’interféromètresur une étoile ponctuelle, pour laquelle onattend des franges très contrastées, il est pos-sible de calibrer les franges obtenues sur lacible scientifique et d’en déduire sa “visibilité”.C’est une grandeur complexe au sens mathé-matique du terme, c’est-à-dire caractérisée parun module V et une phase φ. Le module estproportionnel au contraste des franges, tandisque la phase correspond à la position desfranges. Ce terme est particulièrement difficileà mesurer car les variations rapides de l’indicede l’air au-dessus des télescopes induisent undéplacement rapide des franges qui empêchetoute détermination précise.

UNE TECHNIQUE DÉJÀ UTILISÉEWilliam Herschel avait remarqué dès la fin duXVIIIe siècle que les étoiles observées dans lestélescopes semblaient plus grosses que cequ’elles auraient dû être, mais il n’en connais-sait pas la raison. Il cherchait à mesurer les dia-mètres apparents des astéroïdes nouvelle-ment découverts (Cérès, Pallas, Junon) poursavoir si les images de ces astres se compor-taient comme les images des planètes ou plu-

L’INTERFÉROMÉTRIEUNE TECHNIQUE DE POINTE AU VLT

Fig. 7. Principe de l’interférométrie optique. (Figures du haut) – Représentation schématiquede l’expérience des trous d’Young (à gauche) comparée à l’interférométrie optique (à droite),représentée par le VLT observant le nuage d’Orion. Dans les deux cas, la lumière se propage depuisune source relativement compacte vers un plan, appelé pupille d’entrée, où le front d’onde estdivisé. Les miroirs des télescopes jouent le même rôle que les trous d’Young. La principale diffé-rence réside dans la propagation de la lumière après le plan de pupille d’entrée. (Figures du bas) –Franges d’interférences pour lesquelles le contraste varie en fonction de la morphologie de lasource de lumière. L’image de gauche illustre des franges dont le contraste varie entre 0 et 1. Le pan-neau de droite présente des franges obtenues avec deux télescopes sur une étoile en fonction de ladifférence entre les chemins optiques des deux faisceaux mesurée en microns.

Fig. 6. Franges d'interférences observéespar AMBER sur le VLTI en moyenne résolu-tion (dispersion spectrale dans le sens verti-cal). Les colonnes 1, 2 et 4 correspondent à lalumière des trois télescopes, tandis que lacolonne 3 correspond aux 3 figures d'interfé-rences superposées.

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tôt comme les images des étoiles. Herschel adonc mené une série d’expériences sur les taillesapparentes d’objets très petits vus à travers untélescope ou une partie de télescope. Il a trouvéque la taille apparente de ces objets était lamême quelle que soit la nature de l’objet, maisque celle-ci était d’autant plus petite que le dia-mètre du télescope était grand. Il venait de met-tre en évidence de façon expérimentale le phé-nomène de la diffraction qui est liée à la natureondulatoire de la lumière et ne sera expliquéeque 30 ans plus tard par George Airy.Thomas Young, au début du XIXe siècle, met enévidence que la lumière a des propriétés parti-culières grâce à sa célèbre expérience des fentesd’Young où il superpose des faisceaux delumière provenant d’une source ponctuelle maisséparés par deux fentes dans un écran (voir leschéma de l’expérience sur la partie gauche de lafigure 7). L’une de ses premières expériences uti-lise la lumière du Soleil passant par un trou d’ai-guille effectué dans un volet. Dans le fin rayonde Soleil dirigé horizontalement grâce à unmiroir, il place une fine bande de papier demoins d’un millimètre de largeur. Il constate que

la lumière projetée sur le mur opposé est consti-tuée d’un réseau de franges alternativementsombres et brillantes. Au centre, là où la distanceparcourue par les deux parties du faisceau delumière est rigoureusement égale, la lumière esttoujours présente alors qu’il devrait y voir l’om-bre de la bandelette de papier. En obscurcissantla lumière qui se propage sur un côté de la ban-delette, le réseau de franges disparaît ! Youngmettait déjà en œuvre l’interférométrie optiquesur une source céleste !Hippolyte Fizeau fit remarquer, dans une de sescommunications à l’Académie des sciences deParis en 1868, qu’il y avait une relation remarqua-ble et nécessaire entre la dimension des franges etcelle de la source lumineuse. Il suggéra de combi-ner la lumière des étoiles ayant traversé deuxouvertures séparées afin qu’il devienne possibled’obtenir quelques données nouvelles sur les dia-mètres angulaires de ces astres. La première miseen pratique revient à Édouard Stephan en 1874qui a utilisé deux fenêtres découpées sur unmasque posé sur le télescope de Foucault de l’ob-servatoire de Marseille. Il conclut à l’extrême peti-tesse des diamètres des étoiles, inférieurs à 0,158 “.

Aux États-Unis, Albert Michelson est le premierà mettre en pratique, en 1891, le principe de l’in-terférométrie optique sur le télescope de12 pouces (8) du Mont Hamilton pour mesurerles diamètres des quatre satellites de Jupiter.Cependant pour mesurer le diamètre des étoilesmême les plus grosses, le télescope de100 pouces (9) du Mont Wilson n’est pas suffi-sant. Assisté de Francis Pease, Michelson décided’installer une poutre métallique de 6 mètres delong en travers du télescope du Mont Wilson,aux extrémités de laquelle des miroirs inclinés à45 degrés renvoient la lumière vers le centre dutélescope où se trouvent deux autres miroirs quiinjectent la lumière dans le télescope (voir lafigure 9). En respectant l’égalité des cheminsoptiques, Michelson observe l’image d’uneétoile striée d’un réseau de franges similaires àcelles vues par Young sur le Soleil. En déplaçantles miroirs situés aux extrémités de la poutre, le

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AVEC LE PLUS GRANDTÉLESCOPE DUMONDE

Fig. 8. Variation du module de la visibilité en fonction de la séparation des téles-copes pour différentes géométries stellaires observées dans l’infrarouge proche. (Àgauche) Une étoile simple mais résolue d’un diamètre de 10 millisecondes d’angle. (À droite)Une étoile double de séparation de 25 millisecondes d’angle, dont la primaire a un diamètrede 5 millisecondes d’angle et est 10 fois plus brillante que la secondaire qui n’est pas résolue.

Fig. 9. Interféromètre du Mont Wilson construit par Albert Michelson.

8 – environ 30 cm.9 – environ 2,50 m un des plus grands à cette époque.

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CONÇU DÈS LE DÉPARTPOUR VOIR “GRAND”

La conception du très grand télescope euro-péen, le Very Large Teslescope (VLT) s’est natu-rellement située dans le sillage des travauxd’Antoine Labeyrie. En 1978, l’idée apparaît enEurope de construire un télescope de 16 m dediamètre. En 1984, Daniel Enard, le responsablede la conception du VLT, présente ce nouveaugrand projet européen et discute les différentespossibilités : un miroir segmenté de 16 m de dia-mètre ou un ensemble de 4 télescopes de 8 mde surface totale égale. Le choix se porte trèsvite sur un réseau de 4 télescopes de 8 m avec laperspective d’une plus grande flexibilité asso-ciée à la très grande résolution angulaire. Audébut des années 1990, le site de Cerro Paranaldans le désert d’Atacama dans le nord du Chiliest finalement choisi et, suite aux recommanda-tions des interférométristes (10), les quatre téles-copes sont placés dans une configuration trapé-zoïdale permettant de maximiser le nombre et

proposent un nouveau type d’interférométrieoptique, connu sous le nom d’interférométrie d’in-tensité, réalisée à partir de deux télescopes équipéschacun d’un tube photomultiplicateur. Ils ontmontré qu’il existe une corrélation entre le nombrede photons détectés indépendamment par lesdeux télescopes dépendant de la séparation destélescopes. Cette corrélation est une autre mesuredu contraste des franges d’interférences. Cettetechnique, bien que limitée aux étoiles très bril-lantes, leur a permis de mesurer le diamètre de plu-sieurs dizaines d’étoiles.En 1975, Antoine Labeyrie reprend le conceptd’interférométrie optique développé parMichelson et Pease en utilisant des télescopesayant des montures mécaniques séparées. Lesfaisceaux sont renvoyés vers une table optiquesituée entre les deux télescopes de telle sorteque les distances parcourues par la lumièredans les deux bras de l’interféromètre soientégales. Il mesure et enregistre des franges d’in-terférences sur Véga. C’est le début de l’interfé-rométrie optique moderne.

contraste des franges varie. En 1920, Michelsonet Pease sont les premiers à mesurer directe-ment le diamètre d’une étoile, Bételgeuse, endéterminant la distance entre les miroirs quipermet de faire disparaître les franges. Cetteposition des miroirs correspond au premier zérode la visibilité de la courbe de gauche de lafigure 8. Ils déduisent un diamètre de 47 mas,valeur effectivement inférieure à la limite supé-rieure déterminée par Stephan un peu moinsde cinquante années auparavant. Michelson etPease ont continué de mesurer d’autres diamè-tres d’étoiles géantes et Pease a déterminé lesorbites de quelques binaires spectroscopiquesen utilisant le même instrument.

Francis Pease s’est ensuite attelé à construireun instrument ayant une ligne de base plusgrande, 15 m au lieu de 6 m, mais toujours basésur le principe d’une poutre métallique suppor-tant deux miroirs mobiles. Des phénomènes devibrations et d’instabilités de l’instrument ne luiont pas permis d’aboutir, surtout dans lecontexte économique des années 1930. Ces dif-ficultés ont retardé le développement de l’inter-férométrie optique. De plus l’œil humain est undétecteur très sensible, mais incapable demesurer de façon quantitative les rapports deflux des zones alternativement brillantes etclaires des franges d’interférences. Il faudradonc attendre le développement des détec-teurs modernes dans le visible et l'infrarouge àcomptage de photons pour que l’interféromé-trie optique arrive à maturité.

L’interférométrie après la Seconde Guerre mon-diale s’est surtout développée dans le domainedes ondes radiométriques où le rapport λ/B estavantageux avec des longueurs d’onde un mil-lion de fois plus grandes que dans l’optique.En 1956, Robert Hanbury Brown et Richard Twiss

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Fig. 10. Le très grand télescope européen : le Very LargeTelescope de l’Observatoire européen austral installé dans lenord du Chili dans le désert d’Atacama. L’observatoire com-prend 4 télescopes de 8 m de diamètre et quatre télescopes de1,80 m pouvant fonctionner en mode interférométrique.

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l’orientation des lignes de base (fig. 10). En parallèle, la communauté interférométriquerêvait d’un réseau de petits télescopes pour réaliser l’imagerie par synthèse d’ouverturecomme cela se faisait dans les longueurs d’onde radio. Il était donc décidé de construireles quatre télescopes de 8 m avec l’infrastructure permettant de les utiliser en modeinterférométrique ainsi qu’un réseau de télescopes plus petits mais mobiles utilisant lamême infrastructure.

La figure 11 détaille les éléments du VLTI, l’interféromètre du VLT. Les premiers élémentsindispensables sont les télescopes qui, dans le cas du VLT, sont soit des télescopes de8 m soit des télescopes de 1,80 m. Les grands télescopes sont fixes tandis que les téles-copes auxiliaires sont mobiles et peuvent être placés sur une trentaine de stations visi-bles au premier plan sur la figure 10. La lumière recueillie sur chacun des télescopes estensuite envoyée vers un bâtiment au centre de la plate-forme par une série d’une ving-taine de miroirs. Avant d’entrer dans le laboratoire interférométrique où résident les ins-truments qui vont mélanger les faisceaux, chaque faisceau est envoyé dans une ligne àretard pour compenser les éventuels retards optiques des uns par rapports aux autres.Les lignes à retard sont constituées de chariots mobiles sur une centaine de mètres, quirenvoient simplement la lumière. La précision obtenue par les lignes à retard est de 50nm sur 120 m. Finalement les faisceaux entrent dans le laboratoire focal où ils sont diri-gés au choix vers différents instruments. L’instrument de tests VINCI, qui mélangeait uni-quement les deux faisceaux dans le proche infrarouge, a permis d’observer les premièresfranges d’interférences du VLT en 2001. Il a été ensuite utilisé par la communauté poureffectuer des observations astrophysiques. Trois instruments scientifiques ont étéconstruits pour analyser les franges d’interférences recueillies par le VLTI :

AMBER : un instrument mélangeant dans le proche infrarouge entre 1 et2,5 microns jusqu’à 3 faisceaux avec une résolution spectrale jusqu’à 10 000. MIDI : un instrument mélangeant deux faisceaux dans l’infrarouge thermique auxalentours de 10 microns.

PRIMA : un instrument donnant accès à undouble champ permettant d’observer enmode astrométrique de très haute précision.

Ces instruments ont été mis en service progres-sivement, MIDI en 2004, AMBER en 2005, etPRIMA devrait être installé et testé en 2008. Cesdernières années plus de la moitié des résultatsastrophysiques obtenus par interférométrieproviennent de mesures effectuées sur le VLTen mode interférométrique.Le VLTI n’est pas le seul grand interféromètre aumonde. Il existe d’autres observatoires qui ontmis en pratique le principe de l’interférométrieoptique : le Keck Interferometer qui mélangeles faisceaux de deux télescopes de 10 m instal-lés sur le Mauna Kea à Hawaii, CHARA qui pos-sède 6 télescopes fixes d’un mètre de diamètreavec une séparation maximale de 300 m, leLarge Binocular Telescope (LBT) avec deuxmiroirs de 8,4 m installé sur une monture detélescope unique comme dans le cas de l’inter-féromètre de Michelson et Pease.

LE SPECTROGRAPHE AMBERLes résultats décrits dans la première partie ontété obtenus avec l’instrument AMBER placé aufoyer du VLTI.L’instrument AMBER a été proposé en 1997 parun groupe d’astronomes européens à l’ESOmené par le Dr Romain Petrov de l’université deNice. Cinq laboratoires – trois français dontdeux à Nice et un à Grenoble, un allemand etun italien – se sont associés pour construireAMBER avec l’aide de l’ESO. L’instrument a com-mencé à être assemblé en 2003 à Grenoble,puis a été installé en mars 2004 à l’observatoireVLT du mont Paranal avec une premièrelumière en mai 2004. L’instrument a été offert àla communauté astronomique en 2005.Le principe de l’instrument AMBER est fondé surl’héritage de deux autres instruments construitspar la communauté interférométrique fran-çaise : FLUOR (11) un instrument qui combine lalumière de deux télescopes avec des fibresoptiques à 2,2 microns, et, REGAIN (12), un ins-trument formant des franges d’interférencesdans les longueurs d’onde du visible qui sontensuite dispersées grâce à un spectrographe.AMBER a un lien de filiation avec FLUOR car cetinstrument utilise des fibres optiques dans l’infra-rouge afin d’obtenir une qualité du signal astro-physique accrue. En effet, la lumière provenantdes objets célestes observés se propage sousforme de fronts d’onde qui sont déformés lors dupassage à travers l’atmosphère terrestre.L’atmosphère sous l’action de différentes sourcesthermiques, comme un sol formé de roches ou lasurface d’une étendue d’eau, va former des bullesd’air de taille et de température différentes. Aupassage de la lumière, ces bulles vont agir commede multiples lentilles qui vont déformer l’imagede l’objet observé. Si la lumière est injectée dansune fibre optique monomode, alors les caractéris-tiques de l’onde lumineuse en sortie de fibre sontcomplètement contraintes et les fronts d’ondesont nettoyés au prix de fluctuations d’intensité.

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AVEC LE PLUS GRANDTÉLESCOPE DUMONDE

Fig. 11. Schéma de principe du VLTI. La lumière de la source astrophysique est captée parles télescopes ici au nombre de deux. À noter que le front d’onde arrive sur le télescope 1 avecun certain retard optique par rapport au télescope 2. La lumière est envoyée au foyer Coudé dechaque télescope grâce à une série de miroirs, puis vers le tunnel des lignes à retard. Les deuxfaisceaux entrent chacun dans des lignes à retard dont l’objectif est de compenser le retardoptique sur le faisceau 2 (représenté en rouge) de telle sorte que les deux faisceaux arriventdans le laboratoire interférométrique en ayant parcouru exactement la même distance optiquedepuis la source. L’instrument représenté en vert superpose les faisceaux et le détecteur enregis-tre la figure d’interférence. © ESO

10 – Notamment P. Léna, R. Foy, J.-M. Mariotti, G. Weigelt accompagnant J. Beckers de l'ESO.

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En prélevant une partie de la lumière pour enregistrer ces fluctuations, ilest alors possible d’obtenir un signal très propre et précis.AMBER a aussi un lien de filiation avec REGAIN car ils partagent lemême mode de combinaison des faisceaux, mais avec 3 faisceaux ensimultané. Par ailleurs, les franges sont comprimées pour être proje-tées sur la fente d’un spectrographe qui analyse le signal en longueursd’onde. Chaque mesure d’AMBER donne accès entre une quinzaine etplusieurs centaines de mesures à différentes longueurs d’onde.Au-delà de cette double filiation, l’équipe AMBER a développé denouveaux concepts comme par exemple l’observation simultanéedans différentes bandes du spectre et le calibrage global de l’instru-ment. Une image de l’instrument tel qu’il était lors de l’assemblage àGrenoble se trouve sur la figure 12. Les faisceaux de lumière ont étéreprésentés en couleur sur la photographie.

La figure 13 explicite le principe de fonctionnement d’AMBER.L’instrument est basé sur le principe des fentes d’Young transposé aucas où le front d’onde incident est échantillonné par des télescopes.Les faisceaux provenant du VLTI sont superposés pour former desfranges d’interférences (fig. 6). En réalité, cette opération est décom-posée en plusieurs étapes permettant d’obtenir un signal précis, sta-ble et exploitable.

QUELS INSTRUMENTS POUR DEMAIN ? Les astronomes ne se contentent déjà plus des performances des ins-truments AMBER et MIDI sur le VLTI. L’observatoire européen a sélec-tionné 3 nouveaux instruments pour la prochaine décénnie : – GRAVITY, un instrument qui permettra de suivre les positions trèsprécises des objets observés par rapport à un objet fixe dans lechamp. L’objectif scientifique principal est de suivre les orbites desétoiles qui gravitent autour de centre de notre Galaxie avant qu’ellesne soient avalées par le trou noir central. Cet instrument fonction-nera dans l’infrarouge proche avec quatre télescopes de 8 mètreséquipés d’un module de séparation des étoiles et d’une optiqueadaptative dédiée.

– MATISSE, un instrument permettant de recombiner la lumière avec4 télescopes dans les longueurs d’onde infrarouge thermique (entre 4et 20 microns) pour reconstruire des images. C’est le successeur deMIDI. – VSI, pour VLTI spectro-imager, est un instrument pouvant recombi-ner la lumière provenant de 4 à 6 télescopes du VLTI avec plusieursrésolutions spectrales dans le proche infrarouge afin de reconstruiredes images des objets en fonction de la longueur d’onde. C’est le suc-cesseur d’AMBER. MATISSE et VSI ont des objectifs scientifiques larges couvrant la for-mation des planètes dans les disques planétaires, l’étude de la sur-face des étoiles géantes, l’étude des environnements des trous noirssitués au centre des galaxies actives.

GRAVITY et VSI sont basés sur des technologies issues des réseaux dedonnées à très haut débit pour Internet. La lumière n’est pas mélangéeen utilisant des lentilles ou des miroirs, mais grâce à des puces optiquesalimentées par des fibres optiques d’une taille de l’ordre du centimètre.Cette technique, l’optique intégrée, est l’équivalent en optique des cir-cuits imprimés en électronique.

Pour le futur, les astronomes envisagent déjà des réseaux de téles-copes kilométriques et / ou à grand nombre de télescopes pouraboutir à des infrastructures similaires à celles des radio-interféromè-tres comme le Very Large Array, mais à des longueurs d’onde centmille fois plus petites et donc pour des détails eux aussi cent millefois plus précis. F. Malbet ●

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LE POINTDU SPÉCIALISTE

Fig. 12. L’instrument AMBER. Les trois faisceaux duVLTI qui ont été matérialisés par des traits blancs se propa-gent de la gauche de l’image vers la droite à l’avant-plan.Les éléments optiques qu’ils traversent permettent d’effec-tuer des calibrages interférométriques. Ces faisceaux sontensuite séparés en trois bandes de longueur d’onde repré-sentées respectivement en rouge, vert et bleu sur la partiedroite de l’image pour être injectés dans des fibresoptiques spécifiques. À l’arrière-plan la lumière qui sortdes fibres optiques dans les différentes bandes est à nou-veau transmise dans un faisceau commun représenté enblanc se propageant de droite à gauche. Après uneréflexion sur un grand miroir cylindrique à gauche, puissur son miroir conjugué pour effectuer une anamorphose,les faisceaux entrent dans le spectrographe refroidi quiabrite aussi le détecteur infrarouge (cryostat noir situé àl’arrière-plan gauche d’où sort une série de tubes cryogé-niques amenant l’azote liquide pour le refroidissement).D'après Petrov et al. (2007, A&A 464, 1)

Fig. 13. Principe de l’instrument AMBER. A. Les images de deux faisceaux sont superposées,des franges d’interférence apparaissent.B. Compression de l’image des franges dans lesens perpendiculaire aux franges. C. Les perturba-tions de l’atmosphère rendent les mesures diffi-cilles. D. En injectant chaque faisceau dans unefibre, les perturbations de l’atmosphère se transfor-ment en fluctuations d’intensité, mesurée en tempsréel (en vert). E. Un élément disperseur (prisme)est placé entre l’image de sortie et le détecteur quipermet d’oberver à plusieurs longueurs d’onde.F. AMBER accepte en définitive un troisième fais-ceau avant la compression pour créer des frangesde périodes différentes.

A

B

C

D

E

F

11 – FLUOR est le premier instrument à avoir utilisé des fibres optiquespour combiner les faisceaux d'un interféromètre stellaire. Il a été utilisésur IOTA l'interféromètre du Mont Hopkins (Arizona) et est maintenantutilisé sur CHARA l'interféromètre du Mont Wilson (Californie). .12 – REGAIN est le recombinateur utilisé par l'interféromètre du Plateau deCalern près de Nice et qui est maintenant installé sur l'interféromètre CHARAsur le Mont Wilson (Californie).