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PROPERCE, Élégies
Livre II, poème 32 L’infidélité féminine : Cynthie Tous les prétextes sont bons à Cynthie pour s’absenter de Rome : le poète y voit une preuve de son infidélité. Peut-il lui en vouloir ? Les tentations sont innombrables et la perte des valeurs morales généralisée. Le poète se console en songeant qu’il partage son infortune avec Catulle et avec les dieux. Le livre II des Elégies semble avoir été écrit entre 26 et 24 av. J.–C. Traduction du texte : A CYNTHIE Te voir, c'est faillir ; ne point te voir, c'est donc échapper aux désirs : tes yeux sont les seuls coupables. Pourquoi donc, Cynthie, aller consulter à Préneste des sorts incertains ? Que vas-‐tu chercher dans les murs que bâtit Télégon, fils de Circé ? Quel motif attire ton char à Tibur, ou te conduit sur l'antique voie d'Appius ? C'est ici que toutes tes promenades, tous tes loisirs devraient se renfermer. La foule me défend la confiance en toi, quand elle te voit au milieu des torches allumées courir dévotement au bois d'Aricie, et porter les flambeaux de Trivia. Sans doute tu dédaignes le portique de Pompée, ses colonnes magnifiques, et les précieux tapis qui l'ombragent ; ces rangées de platanes d'une égale hauteur, cette source qui murmure au pied de la statue de Maron endormi, ces eaux qu'un Triton épanche tout à coup de sa bouche, quand elles ont traversé toute la ville avec un léger bruit. Je ne suis point ta dupe : ces courses continuelles trahissent de furtives amours. Ce n'est pas la ville que tu fuis, insensée : tu veux échapper à mes regards. Vains efforts ! Tu dresses contre moi un piège inutile ; tu tends un impuissant filet dont je connais les trames. Qu'importe toutefois ce qui me touche ? c'est ton propre honneur qui souffre ; il recevra des atteintes aussi graves que méritées. Naguère déjà de fâcheux récits sont venus jusqu'à mes oreilles, et t'ont compromise dans toute la ville.
Mais non ; Properce ne croit pas des discours inspirés par la haine. La calomnie n'est-‐elle pas le privilège de la beauté ? La renommée ne dit pas qu'on t'ait surprise à préparer un breuvage mortel ; oui, tes mains sont pures, le soleil en rendrait témoignage. D'ailleurs, quand de longs jeux auraient pris une ou deux de tes nuits, je ne m'émeus point de si légers griefs. La fille de Tyndare abandonna jadis sa patrie pour suivre un étranger, et son époux la ramena dans son palais sans songer à la punir. Vénus elle-‐même céda aux désirs de Mars, et n'en fut pas moins honorée dans l'Olympe. Si l'on en croit l'Ida, elle s'éprit encore du berger Pâris, et au milieu des troupeaux vint partager la couche du fortuné mortel ; cependant la troupe des Hamadryades, les vieux Silènes et Bacchus lui-‐même assistèrent au spectacle de leurs plaisirs ; la déesse cueillit des fruits avec eux, et du fond de l'antre elle recevait en étendant les mains ceux que les nymphes lui jetaient. Au milieu d'un tel essaim de vices, va-‐t-‐on demander pourquoi, comment et par qui une femme est devenue riche ? Oh ! que Rome serait heureuse de nos jours, si l'on n'y trouvait qu'une coupable ! Lesbie avant elle a impunément tenu la même conduite, et sans doute il y a moins de crime à suivre un premier exemple. Pour chercher ici nos vieux Tatius et nos sévères Sabines, il faut être arrivé d'hier dans cette ville corrompue. Oui, l'homme dessécherait les flots de la mer, ou détacherait les astres de la voûte céleste, avant de parvenir à détourner nos beautés du vice. La chasteté, on l'a vue fleurir sous l'empire de Saturne, et lorsque au temps de Deucalion les eaux couvrirent l'univers, et après l'antique déluge. Mais citez-‐moi une couche qui soit restée pure, une déesse qui se soit contentée de l'amour d'un dieu. Ne dit-‐on pas qu'autrefois l'épouse du puissant Minos se laissa séduire par la blancheur d'un farouche taureau ? Malgré le mur d'airain qui l'enfermait, la chaste Danaé put-‐elle refuser quelque chose au grand Jupiter ? Imite donc, si tu veux, Cynthie, les beautés de la Grèce et de Rome, je te laisserai toujours vivre à ton gré.
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