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CANARD ENCHAINE 173 RUE SAINT HONORE 75001 PARIS - 01 42 60 31 36 06 MAI 14 Hebdomadaire Surface approx. (cm²) : 196 Page 1/1 DC7A65F452306005A2424B94B909D5E51692526BB14E42C3ADFFD92 TERRE 0718700400524/XCB/OTO/2 Eléments de recherche : LES QUATRE SAISONS DU JARDIN BIO : magazine de jardinage, toutes citations CANARDAGES La cueillette à l'arraché Les ramasseurs de plantes sauvages (l'euphorbe, l'ail des ours, l'arnica, etc.) ratissent un peu trop le terrain. VOILA un job utile, et pourtant méconnu: meilleur de plantes sauvages. Ils sont des centaines de professionnels (aucun chiffre précis n'existe) à arpenter la France pour récolter arnica, aubépine, valériane, échinacée, aunée et mille autres plantes comme la fameuse gentiane jaune, l'ingrédient phare de la Suze (et du pastis). Un boulot d'utilité publique, donc. Et en pleine croissance: entre le bio et le « tout-naturel » dans les cosmétiques ou l'agroalimentaire, les plantes sauvages sont à la mode. Au point que les professionnels s'inquiètent d'une ruée vers l'or qui finirait par mettre à mal une ressource pas illimitée... En France, le meilleur peut prélever autant de plantes qu'il veut, après accord du propriétaire des lieux. Excepté les plantes protégées (400 en France) ou celles qui nécessitent une autorisation préfectorale (une centaine d'espèces). Problème: « Les labos veulent en cueillir toujours plus et font pression pour obtenir les autorisations », s'inquiète Stéphane Perera, du Conservatoire botanique national du Massif central. Lequel craint que la future loi sur la biodiversité - à l'Assemblée nationale le 25 juin -, qui prévoit de « simplifier » la procédure d'autorisation (article 412-1 du Code de l'environnement), n'aggrave encore ce phénomène- La Suze, ça se mérite En principe formés en herboristerie, les cueilleurs professionnels veillent à ne pas épuiser le filon (« Les 4 Saisons du jardin bio », mars-avril). Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. En 2011 et en 2012, des champs de gentiane jaune en Ariège ont été ravagés, alors que cette plante a besoin d'attendre de vingt à vingt-cinq ans pour arriver à maturation... La Suze, ça se mérite! De quoi échauffer les esprits: « Les cueilleurs sont souvent des ouvriers étrangers, mal payés. Et ça en arrange certains de les stigmatiser », ajoute une spécialiste. Arrachés par poignées, il y a aussi l'écorce d'eucalyptus (à 4 euros le kilo, elle se vend par tonnes), l'euphorbe épineuse (pour l'industrie pharmaceutique italienne), l'ail des ours (transformé en pesto)... Et les feuilles de bouleau sauvage, avec lesquelles est fabriqué le fameux jus vendu dans les magasins bio, estampillé « cueillette traditionnelle »! Résultat: certaines plantes, pourtant communes, deviennent dures à dégoter, comme l'arnica sauvage, qu'on ne trouve plus que dans le massif du Markstein, dans les Vosges, et les labos - et leurs cueilleurs - doivent désormais respecter des conditions de coupe plus strictes. Du coup, les cueilleurs s'organisent. Le 12 avril, s'est créée l'Association interprofessionnelle de la gentiane jaune. « Les cueilleurs sont accusés de piller la ressource, alors qu'ils ne sont que le symptôme d'une surconsommation », dénonce Thierry Thévenin, du Syndicat des simples. Et de pointer un risque de pillage de la flore européenne, et aussi d'un savoir-faire médicinal: « La gentiane est une plante fortifiante, c'est un peu notre ginseng. » Vite! sauvons la Suze made in France! Professeur Canardeau

Le canard enchainé 6 mai 2014 - 4 s

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Page 1: Le canard enchainé   6 mai 2014 - 4 s

CANARD ENCHAINE173 RUE SAINT HONORE75001 PARIS - 01 42 60 31 36

06 MAI 14Hebdomadaire

Surface approx. (cm²) : 196

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DC7A65F452306005A2424B94B909D5E51692526BB14E42C3ADFFD92TERRE0718700400524/XCB/OTO/2

Eléments de recherche : LES QUATRE SAISONS DU JARDIN BIO : magazine de jardinage, toutes citations

CANARDAGES

La cueillette à l'arraché

Les ramasseurs de plantes sauvages (l'euphorbe, l'ail des ours, l'arnica, etc.) ratissent un peu trop le terrain.

VOILA un job utile, et pourtant méconnu: meilleur deplantes sauvages. Ils sont des centaines de professionnels(aucun chiffre précis n'existe) à arpenter la France pourrécolter arnica, aubépine, valériane, échinacée, aunée etmille autres plantes comme la fameuse gentiane jaune,l'ingrédient phare de la Suze (et du pastis). Un boulotd'utilité publique, donc. Et en pleine croissance: entrele bio et le « tout-naturel » dans les cosmétiques oul'agroalimentaire, les plantes sauvages sont à la mode.Au point que les professionnels s'inquiètent d'une ruéevers l'or qui finirait par mettre à mal une ressource pasillimitée...

En France, le meilleur peut prélever autant de plantes qu'ilveut, après accord du propriétaire des lieux. Excepté lesplantes protégées (400 en France) ou celles qui nécessitentune autorisation préfectorale (une centaine d'espèces).Problème: « Les labos veulent en cueillir toujours plus etfont pression pour obtenir les autorisations », s'inquièteStéphane Perera, du Conservatoire botanique national duMassif central. Lequel craint que la future loi sur labiodiversité - à l'Assemblée nationale le 25 juin -, quiprévoit de « simplifier » la procédure d'autorisation (article412-1 du Code de l'environnement), n'aggrave encore cephénomène-

La Suze, ça se mérite

En principe formés en herboristerie, les cueilleursprofessionnels veillent à ne pas épuiser le filon (« Les 4Saisons du jardin bio », mars-avril). Mais ce n'est pas le

cas de tout le monde. En 2011 et en 2012, des champsde gentiane jaune en Ariège ont été ravagés, alors quecette plante a besoin d'attendre de vingt à vingt-cinq anspour arriver à maturation... La Suze, ça se mérite! De quoiéchauffer les esprits: « Les cueilleurs sont souvent desouvriers étrangers, mal payés. Et ça en arrange certainsde les stigmatiser », ajoute une spécialiste. Arrachés parpoignées, il y a aussi l'écorce d'eucalyptus (à 4 eurosle kilo, elle se vend par tonnes), l'euphorbe épineuse(pour l'industrie pharmaceutique italienne), l'ail des ours(transformé en pesto)... Et les feuilles de bouleau sauvage,avec lesquelles est fabriqué le fameux jus vendu dans lesmagasins bio, estampillé « cueillette traditionnelle »!

Résultat: certaines plantes, pourtant communes,deviennent dures à dégoter, comme l'arnica sauvage, qu'onne trouve plus que dans le massif du Markstein, dansles Vosges, et les labos - et leurs cueilleurs - doiventdésormais respecter des conditions de coupe plus strictes.Du coup, les cueilleurs s'organisent. Le 12 avril, s'est crééel'Association interprofessionnelle de la gentiane jaune. «Les cueilleurs sont accusés de piller la ressource, alorsqu'ils ne sont que le symptôme d'une surconsommation »,dénonce Thierry Thévenin, du Syndicat des simples. Et depointer un risque de pillage de la flore européenne, et aussid'un savoir-faire médicinal: « La gentiane est une plantefortifiante, c'est un peu notre ginseng. » Vite! sauvons laSuze made in France!

Professeur Canardeau