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Mon commentaire sur le billet de Jegoun relatif à l’intercommunalité. J’aime bien @jegoun. Il a un vrai sens de l’humour. Une forme d’élégance à laquelle ne savent pas toujours s’élever ceux qui se croient importants. Il est socialiste, ce qui prouve qu’il peut encore progresser vers la raison ;-) Je suis centriste ce qui veut dire que je suis plus avancé, de par mon grand âge, selon sa vision taquine des choses, d’une position raisonnable sur l’échelle de la vie publique. Il faut bien défendre notre maison centriste prise en étau entre le PS et l’UMP. Venons au thème important de son billet : l’intercommunalité en zone rurale. Sujet essentiel. L’espace rural se dévitalise et si nous voulons préserver un réseau de biens et services publics de qualité, nous devons impérativement offrir une nouvelle composition territoriale, tenant compte de la réalité d’aujourd’hui, et non pas de celle d’hier. En nous projetant, en plus dans le futur, car les populations non seulement se sont urbanisées et souvent « rurbanisées », mais leur mobilité s’accélère. La même famille réside dans une commune, travaille dans une autre, scolarise ses enfants dans une troisième, fait ses courses dans une quatrième et participe à la vie associative dans cinquième. Les seuls points sur lesquels je ne rejoins pas complètement @jegoun, c’est sur son souhait de chercher des périmètres idéaux pour l’intercommunalité et pour les départements. En chercher pour les régions serait aussi vain. Ma conviction, qui s’affirme de jour en jour davantage, est qu’il faut cesser de confondre deux dimensions différentes de la vie locale : la démocratie, et la gestion de services publics. Unifier les périmètres de ces deux vocations aboutit à rater les deux objectifs pourtant essentiels. Le bon périmètre pour la démocratie est celui qui trace un territoire qui fait sens par l’histoire, la géographie, le vivre ensemble, le sentiment d’appartenance, les liens qui unissent les personnes et les familles. Au moment de la révolution, pour sortir des féodalités, il a été institué de nouvelles unités de démocratie. Les paroisses ont été érigées en communes. Et les anciens diocèses ont été érigés en départements. D’une structuration féodale qu’il fallait briser, on n’a pas trouvé d’autres mailles que celles que l’église avait tissées depuis 12 ou 13 siècles. Deux cents vingt ans après, ces structures sont devenues des matrices de la société qu’il est très difficile de supprimer, sauf à briser des repères qui pourraient s’avérer gravement manquer, si la société venait à se déliter. Le bon périmètre de gestion des services publics est celui qui permet de les rendre au meilleur niveau de qualité et de densité au meilleur rapport cout-efficacité socioéconomique. Il ne sera pas obligatoirement le même pour l’eau (à cause des bassins versants) pour la scolarité, la restauration scolaire, le sport, la culture. C’est ce qui a conduit à inviter les structures de démocratie (communes et départements) à créer des établissements publics pour mettre en commun des compétences. Les intercommunalités sont des établissements publics, les

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Mon commentaire sur le billet de Jegoun relatif à l’intercommunalité.

J’aime bien @jegoun. Il a un vrai sens de l’humour. Une forme d’élégance à laquelle ne savent pas toujours s’élever ceux qui se croient importants. Il est socialiste, ce qui prouve qu’il peut encore progresser vers la raison ;-) Je suis centriste ce qui veut dire que je suis plus avancé, de par mon grand âge, selon sa vision taquine des choses, d’une position raisonnable sur l’échelle de la vie publique. Il faut bien défendre notre maison centriste prise en étau entre le PS et l’UMP.

Venons au thème important de son billet : l’intercommunalité en zone rurale. Sujet essentiel. L’espace rural se dévitalise et si nous voulons préserver un réseau de biens et services publics de qualité, nous devons impérativement offrir une nouvelle composition territoriale, tenant compte de la réalité d’aujourd’hui, et non pas de celle d’hier. En nous projetant, en plus dans le futur, car les populations non seulement se sont urbanisées et souvent « rurbanisées », mais leur mobilité s’accélère. La même famille réside dans une commune, travaille dans une autre, scolarise ses enfants dans une troisième, fait ses courses dans une quatrième et participe à la vie associative dans cinquième.

Les seuls points sur lesquels je ne rejoins pas complètement @jegoun, c’est sur son souhait de chercher des périmètres idéaux pour l’intercommunalité et pour les départements. En chercher pour les régions serait aussi vain. Ma conviction, qui s’affirme de jour en jour davantage, est qu’il faut cesser de confondre deux dimensions différentes de la vie locale : la démocratie, et la gestion de services publics. Unifier les périmètres de ces deux vocations aboutit à rater les deux objectifs pourtant essentiels.

Le bon périmètre pour la démocratie est celui qui trace un territoire qui fait sens par l’histoire, la géographie, le vivre ensemble, le sentiment d’appartenance, les liens qui unissent les personnes et les familles. Au moment de la révolution, pour sortir des féodalités, il a été institué de nouvelles unités de démocratie. Les paroisses ont été érigées en communes. Et les anciens diocèses ont été érigés en départements. D’une structuration féodale qu’il fallait briser, on n’a pas trouvé d’autres mailles que celles que l’église avait tissées depuis 12 ou 13 siècles. Deux cents vingt ans après, ces structures sont devenues des matrices de la société qu’il est très difficile de supprimer, sauf à briser des repères qui pourraient s’avérer gravement manquer, si la société venait à se déliter.

Le bon périmètre de gestion des services publics est celui qui permet de les rendre au meilleur niveau de qualité et de densité au meilleur rapport cout-efficacité socioéconomique. Il ne sera pas obligatoirement le même pour l’eau (à cause des bassins versants) pour la scolarité, la restauration scolaire, le sport, la culture. C’est ce qui a conduit à inviter les structures de démocratie (communes et départements) à créer des établissements publics pour mettre en commun des compétences. Les intercommunalités sont des établissements publics, les

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métropoles que l’on vient de créer également (sauf Lyon). D’ailleurs dans aucun Pays au monde les regroupements de prestation de services publics ont emporté révision des périmètres de démocratie. Il n’y a qu’en France où nos technocrates qui ignorent tout de la démocratie continuent de confondre les deux.

Revenons-en au périmètre le meilleur pour les intercommunalités. Il ne doit pas obéir aux limites administratives, nous en sommes totalement d’accord. J’ai eu l’honneur de porter sur les fonds baptismaux une communauté urbaine composée de communes de l’Orne mais aussi de la Sarthe, relevant donc de deux départements différents et de deux régions différentes. C’est un souci administratif mais pas fonctionnel. Je tire de cette expérience que le meilleur périmètre était celui des communes qui étaient éprises du même affectio-societatis et qui voulaient faire route ensemble. Et cela a marché. Ce qui marche moins bien aujourd’hui, ce sont les nouveaux périmètres correspondant à des mariages forcés imposés plus ou moins par les Préfets, selon les instructions de Paris pour faire du chiffre. S’agissant des projets utiles ou non. Honnêtement, j’en ai vu de bons et de mauvais dans tous les cas de figure. Ce ne sont pas les structures qui en sont la cause, mais tout simplement les élus qui les votent.

S’agissant des départements, je diverge aussi de @jegoun car je ne vois pas le profit démocratique que l’on peut tirer de leur suppression. Ils sont le seul contre-pouvoir réel des administrations centrales. Je le vois avec les normes insensées. En milieu rural, supprimer les départements, c’est revenir en arrière sur la décentralisation, car les administrations de l’Etat reprendront la main sur les petites communes et intercommunalités pour imposer leur manière de voir.

S’agissant des régions, historiquement elles ne sont que des regroupements de départements. Leur périmètre démocratique est très contestable. Je pense que leur regroupement est une excellente idée économique et s’avèrera une régression démocratique. Là encore, il eut mieux valu permettre leur regroupement en établissements publics avec des objets économiques précis.

En résumé, la réforme territoriale n’est pas menée avec la hauteur de vue qu’il eut été souhaitable d’avoir. Elle casse une partie de la décentralisation des années 1980. Et elle crée de nouveaux périmètres qui mettront quelques décennies avant de trouver leur harmonie et construire leur histoire, en permettant aux bassins de population les plus puissants d’écraser numériquement les plus petits. La seule innovation intelligente est celle des communes nouvelles. Il faut absolument réduire le nombre de communes, et le faire en leur proposant de se regrouper volontairement pour en faire une seule, tout en conservant un Maire délégué, un mini conseil délégué, et une gestion de proximité. C’est moderne, cela.

Voilà le point de vue d’un petit élu local qui pense humblement qu’il faut savoir interroger les peuples sur la manière dont ils souhaitent pouvoir vivre ensemble plutôt que vouloir les régir de Paris. L’Etat a tant de choses importantes à faire pour la France qu’il ferait bien de laisser les collectivités s’administrer librement.