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et leur encadrement (cadres et médecin coordonnateur ou MedCo). L’expérience semble montrer que trop souvent, certains soignants, encadrants, médecins se fixent des objectifs person- nels non partagés, inaccessibles, sans lien avec les attentes connues ou pré- supposées de l’institution ou de l’usa- ger qui aboutissent à une dégradation ressentie des conditions d’accomplisse- ment au travail. Cependant, si ce constat permet d’identifier rétrospectivement des causalités conflictuelles et donc leur prevention tertiaire, il ne permet pas, en l’état, de construire une réponse adaptée dans un esprit de prévention primaire ou même secondaire. Une démarche plus systémique ? Au-delà de cette approche pragma- tique, il apparaît nécessaire, compte tenu des enjeux, de recourir à une démarche plus systémique. Dans cet esprit, l’IMdR a créé un sous-groupe de travail, au sein du GTR « Santé et cindy- niques », sur la thématique de « la sécu- rité des patients/ résidents et qualité de vie au travail ». 4 L’objectif de ce sous-groupe consiste donc à proposer une exploration de « Facteurs humains », « Stress », « Sécurité des patients/résidents » et « Bien-être au travail » via, notamment, les 5 qualifica- teurs de l’hyperespace des cindyniques. On retrouve, à travers ces 5 qualifi- cateurs, les thèmes identifiés dans le travail sur les RPS en Ehpad illustré ci-dessus comme, par exemple, le qua- lificateur « téléologique » lorsque les finalités implicites ou explicites des réfé- rentiels sanitaires et médico-sociaux se retrouvent partagées — ou non — par les acteurs de la prise en charge. Cette exploration des qualificateurs cin- dyniques complétée par la recherche des 10 déficits systémiques cindyniques (DSC) et des 4 types de déficits indi- viduels cindynogènes (DIC) permet- tra non seulement une cartographie exhaustive de l’interrelation entre « Facteurs humains », « Stress », « Sécu- rité du patient/résident » et « Bien-être au travail », mais aussi l’identification de leviers actionnables à moyens constants pour répondre à cette injonction appa- remment paradoxale d’amélioration conjointe de l’efficience de la prise en charge et de l’accomplissement profes- sionnel dont l’enjeu sous-jacent est, pour les secteurs sanitaires et médico-sociaux, l’adoption par toutes les parties pre- nantes, d’une posture de bientraitance au bénéfice de l’usager. n Au total, ces notions sont chargées d’en- jeux humains, psychologiques et sociaux forts, que les approches financières clas- siques doivent intégrer, tant en termes d’enjeux stratégiques qu’en termes de communication vers des parties pre- nantes culturellement très diverses. Cette intégration est en marche à travers la norme Iso 31000 ou l’apparition de la fonction hygiène-santé-environnement (HSE) ou des métier de risk manager et de l’ingénieur qualité ou encore par la prise de conscience que le bien-être au travail constitue un véritable avantage compétitif dans un environnement financièrement contraint. Une enquête Au-delà de ces progrès en cours, que faire concrètement pour améliorer la situation au quotidien ? Un travail mené sur les risques psychosociaux (RPS), dans un établissement hébergeant des per- sonnes âgées dépendantes (Ehpad) de la taille d’une PME, a permis d’identifier le conflit de priorité entre les exigences du référentiel sanitaire et les attentes du référentiel médico-social comme fac- teur de risque majeur d’une part et de proposer une méthodologie de résolu- tion de ce conflit d’autre part en faisant intervenir les acteurs (aides-soignantes (AS) et infirmières diplômées d’État (IDE) Établissements de santé Entre sécurité des patients et bien-être des soignants D’autres notions s’avèrent, elles, parti- culièrement complexes comme le bien- être qui correspond à « l’état d’esprit confiant et tranquille qui résulte du sen- timent, bien ou mal fondé, que l’on est à l’abri de tout danger » que les soignants des secteurs sanitaire et médico-social se doivent d’induire chez ceux qu’ils prennent en charge tout en préservant leur propre qualité de vie au travail. Dans un contexte où l’étude de la qualité de vie au travail se fonde sur 26 facteurs de risques psychosociaux regroupés dans sept grandes familles 3 : 1. Intensité et complexité du travail. 2. Horaires de travail difficiles. 3. Exigences émotionnelles. 4. Faible autonomie au travail. 5. Rapports sociaux au travail dégradés. 6. Conflits de valeurs. 7. Insécurité de l’emploi et du travail Enfin, les instances concernées sont nombreuses, telles que le conseil de surveillance (sanitaire), le conseil d’administration (médico-social), la commission médicale d’établissement (sanitaire), la commission de coordina- tion gérontologique (médico-social), le conseil technique d’établissement (équivalent du comité d’établissement), le CHSCT, le comité d’éthique… avec des objectifs et des intérêts parfois non congruents. Dans l’univers du sanitaire (patients) et du médico-social (résidents), les notions de facteur humain, stress, sécu- rité et bien-être au travail se retrouvent paradoxalement intriquées et dispersées dans différentes politiques du projet d’établissement, par exemple : sociale ; qualité et gestion des risques ; soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (SIRMT). Dispersion dans diverses approches et politiques Politiques que l’on retrouve regroupées dans le concept de la responsabilité socié- tale de l’entreprise ou RSE qui englobe l’environnement, la santé-sécurité au travail, les conditions de travail… sans pour autant apporter une clarification déterminante. Bien plus, certaines notions peuvent êtres extrêmement ambiguës. Il en est ainsi de la gestion du risque qui se définit, selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), comme l’ensem- ble des actions mises en œuvre pour améliorer l’efficience du système de santé, c’est-à-dire le rapport entre sa qualité et son coût et non pas comme seulement une approche purement « préventique » 1 . D’ailleurs, la gestion du risque est une mission propre aux agences régionales de santé (ARS) qui en assurent le pilotage, la mise en œuvre et l’évaluation au niveau régional, en lien avec les organismes d’assurance maladie et sur la base d’un programme pluriannuel régional de gestion du risque (PPRGDR), cette politique étant animée au niveau national par la Direc- tion de la sécurité sociale (DSS) 2 . Les questions des risques, de la santé-sécurité des patients et du personnel dans le domaine sanitaire relèvent de divers objectifs, politiques, instances, démarches théoriques. Les enjeux sont réels : un effort de clarification est nécessaire. Jan-Cédric Hansen Médecin coordonnateur des activités médico-sociales du centre hospitalier de Pacy-sur-Eure « induire du bien-être chez ceux qu’on prend en charge tout en préservant sa qualité de vie au travail » « cette intégration est en marche à travers la norme Iso 31000 » 1. Bocquet P.Y., Peltier M., Mission sur la gestion du risque, rapport IGAS n o RM2010-163P, déc. 2010. 2. Loi n o 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. 3. Évaluer les facteurs de risques psychosociaux : l’outil RPS-DU, INRS, ED 6140 - 2013 4. Pour information, les travaux du sous-groupe du GTR de l’IMdR feront l’objet d’une communication à l’occasion du prochain congrès Lambda-Mu. Photo D. Chazal-Groupe Préventique travail & organisation travail & organisation N o 145 – Mars 2016 - Préventique 65 64 Préventique – N o 145 – Mars 2016

Entre Sécurité des patients et bien-être des soignants

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Page 1: Entre Sécurité des patients et bien-être des soignants

et leur encadrement (cadres et médecin coordonnateur ou MedCo).

L’expérience semble montrer que trop souvent, certains soignants, encadrants, médecins se fixent des objectifs person-nels non partagés, inaccessibles, sans lien avec les attentes connues ou pré-supposées de l’institution ou de l’usa-ger qui aboutissent à une dégradation ressentie des conditions d’accomplisse-ment au travail. Cependant, si ce constat permet d’identifier rétrospectivement des causalités conflictuelles et donc leur prevention tertiaire, il ne permet pas, en l’état, de construire une réponse adaptée dans un esprit de prévention primaire ou même secondaire.

Une démarche plus systémique ? Au-delà de cette approche pragma-tique, il apparaît nécessaire, compte tenu des enjeux, de recourir à une démarche plus systémique. Dans cet esprit, l’IMdR a créé un sous-groupe de travail, au sein du GTR « Santé et cindy-niques », sur la thématique de « la sécu-rité des patients/ résidents et qualité de vie au travail ».4

L’objectif de ce sous-groupe consiste donc à proposer une exploration de « Facteurs humains », « Stress », « Sécurité

des patients/résidents » et « Bien-être au travail » via, notamment, les 5 qualifica-teurs de l’hyperespace des cindyniques.

On retrouve, à travers ces 5 qualifi-cateurs, les thèmes identifiés dans le travail sur les RPS en Ehpad illustré ci-dessus comme, par exemple, le qua-lificateur « téléologique » lorsque les finalités implicites ou explicites des réfé-rentiels sanitaires et médico-sociaux se retrouvent partagées — ou non — par les acteurs de la prise en charge.

Cette exploration des qualificateurs cin-dyniques complétée par la recherche des 10 déficits systémiques cindyniques (DSC) et des 4 types de déficits indi-viduels cindynogènes (DIC) permet-tra non seulement une cartographie exhaustive de l’interrelation entre « Facteurs humains », « Stress », « Sécu-rité du patient/résident » et « Bien-être au travail », mais aussi l’identification de leviers actionnables à moyens constants pour répondre à cette injonction appa-remment paradoxale d’amélioration conjointe de l’efficience de la prise en charge et de l’accomplissement profes-sionnel dont l’enjeu sous-jacent est, pour les secteurs sanitaires et médico-sociaux, l’adoption par toutes les parties pre-nantes, d’une posture de bientraitance au bénéfice de l’usager. n

Au total, ces notions sont chargées d’en-jeux humains, psychologiques et sociaux forts, que les approches financières clas-siques doivent intégrer, tant en termes d’enjeux stratégiques qu’en termes de communication vers des parties pre-nantes culturellement très diverses. Cette intégration est en marche à travers la norme Iso 31000 ou l’apparition de la fonction hygiène-santé-environnement (HSE) ou des métier de risk manager et de l’ingénieur qualité ou encore par la prise de conscience que le bien-être au travail constitue un véritable avantage compétitif dans un environnement financièrement contraint.

Une enquête Au-delà de ces progrès en cours, que faire concrètement pour améliorer la situation au quotidien ? Un travail mené sur les risques psychosociaux (RPS), dans un établissement hébergeant des per-sonnes âgées dépendantes (Ehpad) de la taille d’une PME, a permis d’identifier le conflit de priorité entre les exigences du référentiel sanitaire et les attentes du référentiel médico-social comme fac-teur de risque majeur d’une part et de proposer une méthodologie de résolu-tion de ce conflit d’autre part en faisant intervenir les acteurs (aides-soignantes (AS) et infirmières diplômées d’État (IDE)

Établissements de santé

Entre sécurité des patients et bien-être des soignantsD’autres notions s’avèrent, elles, parti-culièrement complexes comme le bien-être qui correspond à « l’état d’esprit confiant et tranquille qui résulte du sen-timent, bien ou mal fondé, que l’on est à l’abri de tout danger » que les soignants des secteurs sanitaire et médico-social se doivent d’induire chez ceux qu’ils prennent en charge tout en préservant leur propre qualité de vie au travail. Dans un contexte où l’étude de la qualité de vie au travail se fonde sur 26 facteurs de risques psychosociaux regroupés dans sept grandes familles3 :

1. Intensité et complexité du travail.

2. Horaires de travail difficiles.

3. Exigences émotionnelles.

4. Faible autonomie au travail.

5. Rapports sociaux au travail dégradés.

6. Conflits de valeurs.

7. Insécurité de l’emploi et du travail

Enfin, les instances concernées sont nombreuses, telles que le conseil de surveillance (sanitaire), le conseil d’admi nistration (médico-social), la commission médicale d’établissement (sanitaire), la commission de coordina-tion gérontologique (médico-social), le conseil technique d’établissement (équivalent du comité d’établissement), le CHSCT, le comité d’éthique… avec des objectifs et des intérêts parfois non congruents.

Dans l’univers du sanitaire (patients) et du médico-social (résidents), les notions de facteur humain, stress, sécu-rité et bien-être au travail se retrouvent paradoxalement intriquées et dispersées dans différentes politiques du projet d’établissement, par exemple :

– sociale ; – qualité et gestion des risques ; – soins infirmiers, de rééducation et

médico-techniques (SIRMT).

Dispersion dans diverses approches et politiques Politiques que l’on retrouve regroupées dans le concept de la responsabilité socié-tale de l’entreprise ou RSE qui englobe l’environnement, la santé-sécurité au travail, les conditions de travail… sans pour autant apporter une clarification déterminante.

Bien plus, certaines notions peuvent êtres extrêmement ambiguës. Il en est ainsi de la gestion du risque qui se définit, selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), comme l’ensem-ble des actions mises en œuvre pour améliorer l’efficience du système de santé, c’est-à-dire le rapport entre sa qualité et son coût et non pas comme seulement une approche purement « préventique »1 . D’ailleurs, la gestion du risque est une mission propre aux agences régionales de santé (ARS) qui en assurent le pilotage, la mise en œuvre et l’évaluation au niveau régional, en lien avec les organismes d’assurance maladie et sur la base d’un programme pluriannuel régional de gestion du risque (PPRGDR), cette politique étant animée au niveau national par la Direc-tion de la sécurité sociale (DSS)2.

Les questions des risques, de la santé-sécurité des patients et du personnel dans le domaine sanitaire relèvent de divers objectifs, politiques, instances,

démarches théoriques. Les enjeux sont réels : un effort de clarification est nécessaire.

Jan-Cédric Hansen Médecin coordonnateur des activités médico-sociales du centre hospitalier de Pacy-sur-Eure

« induire du bien-être chez ceux qu’on prend en charge tout en préservant sa qualité de vie au travail»

« cette intégration est en marche à travers la norme Iso 31000»

1. Bocquet P.Y., Peltier M., Mission sur la gestion du risque, rapport IGAS no RM2010-163P, déc. 2010.

2. Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

3. Évaluer les facteurs de risques psychosociaux : l’outil RPS-DU, INRS, ED 6140 - 20134. Pour information, les travaux du sous-groupe du GTR de l’IMdR feront l’objet

d’une communication à l’occasion du prochain congrès Lambda-Mu.Phot

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