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Q u’on les appelle millennials, digital na- tives ou génération Y, ils représenteront 50 % de la population active en 2020. Pour autant qu’ils s’en souviennent, ils ont toujours eu Internet. Ils sont aisément multitâches, jonglent en permanence avec le réel et le virtuel, et s’approprient les nouveautés technologiques avec une facilité déconcertante. En- fin, ils sont habitués au changement perpétuel. En bref, pour l’entreprise, ils représentent une opportu- nité formidable pour accompagner sa transforma- tion numérique. Bien sûr, d’abord, pour tout ce qui a trait au développement de nouveaux services et de nouvelles applications. « Avec la transformation numérique, il y a de nouveaux sujets qui apparaissent, liés aux nouvelles Les digital natives sont les recrues idéales pour aider les entreprises à se transformer. Avec toutefois une double gageure : il s’agit d’abord de les dénicher et de les attirer ; ensuite il faut savoir les intégrer et les manager. Management Mettez des millennials dans votre DSI ! technologies. C’est surtout chez les jeunes concep- teurs-développeurs d’applications de profil scientifique, doués en statistiques et en algorithmie, que vous allez trouver les compétences idoines, du fait qu’ils ont la capacité à maîtriser rapidement des technologies com- plexes et de nouveaux langages. C’est aussi dans cette génération que vous allez trouver les data scientists dont vous avez besoin, et les profils nécessaires au marketing digital », explique Godefroy de Bentzmann, le nou- veau président de Syntec Numérique. Bien entendu, tous ne disposent pas de compétences pointues, alors que la demande est élevée dans les entreprises. Bien au fait de leur valeur et plus confiants que leurs aînés qu’ils challengent bien souvent, les millen- nials talentueux ont donc tendance à imposer, sinon leur salaire, du moins certaines exigences en matière de conditions de travail, et n’hésitent pas à s’expatrier, à tenter leur aventure dans une start-up ou, poussés par une société qui fragilise l’emploi direct, à adopter un statut d’indépendant. LES TROUVER ET LES ATTIRER Pour ce qui est des compétences numériques, les grandes écoles d’ingénieurs représentent toujours la filière préférée des entreprises, qu’elles soient du domaine informatique (ESN, éditeurs de logiciels, …) ou non. Toutefois, parce que les millennials font, plus souvent que leurs aînés par le passé, le choix d’acqué- rir diverses expériences et changent souvent de voie lors de leurs études, il s’en trouve de talentueux en dehors même de la « voie royale ». Les écoles de rang secondaire, les nouvelles écoles (École 42 et autres), les universités et même les réseaux sociaux ou une communauté comme Github deviennent alors des alternatives intéressantes en fonction de la nature du besoin, mais aussi de la localisation de l’entreprise. « Ils aiment les heures mouvantes, s’absenter, finir un travail chez eux dans la nuit… C’est une génération de “slashers” ». Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique DR 54 • IT for Business novembre 2016 Enquête

Mettez des millennials dans votre DSI

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Qu’on les appelle millennials, digital na-tives ou génération Y, ils représenteront 50 % de la population active en 2020. Pour autant qu’ils s’en souviennent, ils ont toujours eu Internet. Ils sont

aisément multitâches, jonglent en permanence avec le réel et le virtuel, et s’approprient les nouveautés technologiques avec une facilité déconcertante. En-fin, ils sont habitués au changement perpétuel. En bref, pour l’entreprise, ils représentent une opportu-nité formidable pour accompagner sa transforma-tion numérique. Bien sûr, d’abord, pour tout ce qui a trait au développement de nouveaux services et de nouvelles applications.

« Avec la transformation numérique, il y a de nouveaux sujets qui apparaissent, liés aux nouvelles

Les digital natives sont les recrues idéales pour aider les entreprises à se transformer. Avec toutefois une double gageure : il s’agit d’abord de les dénicher et de les attirer ; ensuite il faut savoir les intégrer et les manager.

ManagementMettez des millennials dans votre DSI !

technologies. C’est surtout chez les jeunes concep-teurs-développeurs d’applications de profil scientifique, doués en statistiques et en algorithmie, que vous allez trouver les compétences idoines, du fait qu’ils ont la capacité à maîtriser rapidement des technologies com-plexes et de nouveaux langages. C’est aussi dans cette génération que vous allez trouver les data scientists dont vous avez besoin, et les profils nécessaires au marketing digital », explique Godefroy de Bentzmann, le nou-veau président de Syntec Numérique. Bien entendu, tous ne disposent pas de compétences pointues, alors que la demande est élevée dans les entreprises.

Bien au fait de leur valeur et plus confiants que leurs aînés qu’ils challengent bien souvent, les millen-nials talentueux ont donc tendance à imposer, sinon leur salaire, du moins certaines exigences en matière de conditions de travail, et n’hésitent pas à s’expatrier, à tenter leur aventure dans une start-up ou, poussés par une société qui fragilise l’emploi direct, à adopter un statut d’indépendant.

LES TROUVER ET LES ATTIRER

Pour ce qui est des compétences numériques, les grandes écoles d’ingénieurs représentent toujours la filière préférée des entreprises, qu’elles soient du domaine informatique (ESN, éditeurs de logiciels, …) ou non. Toutefois, parce que les millennials font, plus souvent que leurs aînés par le passé, le choix d’acqué-rir diverses expériences et changent souvent de voie lors de leurs études, il s’en trouve de talentueux en dehors même de la « voie royale ». Les écoles de rang secondaire, les nouvelles écoles (École 42 et autres), les universités et même les réseaux sociaux ou une communauté comme Github deviennent alors des alternatives intéressantes en fonction de la nature du besoin, mais aussi de la localisation de l’entreprise.

« Ils aiment les heures mouvantes, s’absenter, finir un travail chez eux dans la nuit… C’est une génération de “slashers” ».Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique

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« Nous recherchons des développeurs pour notre ERP et nos outils de communication, ainsi que des business analysts. Mais nous sommes confrontés à une pénurie de ces talents. Recruter en dehors des grosses métropoles comme Paris ou Lyon devient difficile, les millennials étant exigeants en termes de lieu de vie et de travail », remarque Thomas Chejfec, DSI de Ger-flor. Dans le service public, les besoins et modes de recherche diffèrent quelque peu. « Nous avons besoin de compétences en développement Web en mode agile et utilisons les réseaux sociaux et les services écoles- entreprises pour les trouver », signale Jacky Gallicher, DSI de l’Académie de Versailles. De son côté, Sabine Guillaume, DSI de Lille Métropole, est en recherche d’administrateurs système, de développeurs et de chefs de projet mobilité. « Les offres sont publiées via des canaux “fonction publique” et ciblent des personnes plutôt issues du secteur public et disposant pour cer-taines d’une bonne expérience. Toutefois, nous avons un second circuit pour les apprentis ayant déjà suivi un stage dans notre direction. À noter que dans notre DSI, nous avons intégré des profils non informaticiens, dont un chargé de projet ».

Les ESN misent, elles, toujours sur les écoles d’in-génieurs, allant jusqu’à mettre en place des partena-riats formels, à proposer des contrats en alternance. Mais il leur arrive également de sélectionner des jeunes sans diplôme. « Nous recrutons en moyenne 600 millennials par an et avons créé un programme de formation d’un an avec Centrale Supélec pour un coût de 20 000 € par personne, témoigne Guy Mamou-Mani, coprésident d’Open. Charge à nous, ensuite, de leur proposer des missions internes inté-ressantes, des projets variés, afin qu’ils continuent de progresser. Car si vous les formez sans les accompagner ensuite, vous les perdez ».

Chez les éditeurs de logiciels, recruter un millen-nial est une évidence. « Nos besoins sont toujours grandissants et nous avons des postes ouverts à cette génération Y qui arrive sur le marché après leurs études ou qui ont un peu d’expérience. Nous recrutons des profils de consultants décisionnels, de consultants ITIL, et des postes autour du big data et de l’analyse de données, c’est-à-dire des data scientists pour soutenir notre évolution », liste Hélène Fagart, DRH de Tera-data. « Grâce à des écoles, nous recrutons une dizaine de jeunes chaque année. Nous avons également établi un partenariat avec l’Université technologique de Com-piègne qui ouvre des cursus plus ciblés sur nos besoins. D’autres partenariats devraient suivre », précise-t-elle. Même démarche chez Oodrive, éditeur spécialisé dans la sauvegarde en ligne, le partage de fichiers et la confiance numérique, qui a conclu des alliances avec des écoles afin que les programmes de formation soient en adéquation avec ses besoins. « Nous avons à peu près 10 % de jeunes en contrat d’alternance — soit une douzaine de personnes — qui suivent leurs études dans des écoles d’ingénieurs, des universités, l’École 42... Il y a une vraie pénurie de ces profils IT tant ils sont

La transformation digitale implique des besoins très importants

en termes de développement, de direction de projets, et il me semble impossible que les femmes ne participent pas à cette évolution. Cela fait des années que nous travaillons à l’augmentation de la proportion des femmes dans les métiers du numérique. Or, selon les statistiques, nous plafonnons toujours

autour de 25 à 30 % pour l’ensemble des métiers liés à l’environnement du digital et moins de 20 % pour ceux purement technologiques. Pire, dans les écoles d’ingénieurs ou dans celles proposant des cycles plus courts, on atteint à peine les 10 %. Mais je reste optimiste car les choses sont en train d’évoluer et nous visons, à terme, de parvenir à 40 %,

voire de refléter la société avec la parité.

Les salaires ne sont pas un frein, le gap entre les filles et les garçons est très faible en début de carrière, de l’ordre de 3 %. Cependant, au bout de quelques années, l’écart se creuse, sans doute parce que les garçons osent davantage négocier. Un point qu’il faudra absolument améliorer !

VÉRONIQUE DI BENEDETTO PRÉSIDENTE DE FEMMES DU NUMÉRIQUE

« LES FEMMES ONT TOUTE LEUR PLACE DANS LE NUMÉRIQUE »

POINT DE VUE

« Les jeunes développeurs aiment être recrutés de manière innovante ».Julia Lefebvre, DRH de Oodrive

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chassés par les entreprises », affirme Julia Lefebvre, DRH d’Oodrive.

Une pénurie qui rend nécessaires ces partenariats entreprises-écoles, les premières ayant besoin de com-pétences rapidement opérationnelles que les secondes ne peuvent fournir, faute de savoir mettre sur pied des cursus en phase avec le rythme effréné d’émergence des nouvelles technologies et des nouvelles pratiques.

Au-delà des écoles, Oodrive privilégie les nom-breuses places de marché, les jobboards de nouvelle génération, qui favorisent la mise en relation et le « matching » entre candidats et employeurs. « Les jeunes développeurs, qui représentent un tiers de nos embauches, aiment être recrutés de manière innovante. C’est pourquoi nous passons par ces plateformes en plus des cabinets de recrutement. À cela, ajoutons la cooptation, une piste qui fonctionne très bien », ajoute Julia Lefebvre.

La compétition est rude entre les entreprises, mais également avec l’entreprenariat ou les start-up, une aventure privilégiée par beaucoup de millennials. « C’est là où il y a le plus gros volume d’embauche, soit 200 000 personnes chaque année », glisse Godefroy de Bentzmann. « Les jeunes ont l’impression de collaborer à des projets plus innovants, plus variés, plus motivants. Il faut se battre pour leur expliquer que ce n’est pas forcément vrai !, rappelle Véronique Di Benedetto, présidente de Femmes du Numérique. Tous ces nouveaux métiers qui tournent autour du Web, du marketing digital et l’aspect entrepreneurial des start-up plaisent beaucoup aux jeunes. Si faillite il y a, peu importe, l’expérience acquise leur permet de rebondir très vite avec un taux d’employabilité très élevé ».

LES INTÉGRER ET LES MANAGER

L’une des caractéristiques des talents de cette géné-ration Y est une impatience proportionnelle à leur en-gagement. Dès lors, un sérieux questionnement s’im-pose à leur manager : comment les intégrer au sein des équipes actuelles, comment gérer cette éventuelle « informatique à deux vitesses » ? « Très clairement, il faut adapter le management à ce type de population, ne pas être directif, être très participatif, les inclure dans la décision, agir en groupes de travail plutôt qu’en mode top-down », conseille Thomas Chefjec, DSI de Gerflor. « Mais c’est extrêmement dur. Les managers étant généralement d’une génération précédente, on se

Pasc@line fête ses dix ans cette année. Cette association a pour

objectif de développer l’attractivité des formations et des métiers du numérique auprès des jeunes générations et d’être un lieu de réflexion sur les nouvelles aptitudes à acquérir face aux mutations sociétales. Elle entretient ainsi des liens étroits avec 85 établissements d’enseignement supérieur et rassemble 1 900 entreprises membres regroupées autour de Syntec Numérique et du CINOV-IT. Notre action

est de faire découvrir aux jeunes talents les métiers proposés, car le recrutement est un problème majeur pour notre secteur. Nous constatons que les cursus scientifiques d’enseignement supérieur sont de qualité, mais que les attentes des entreprises ont également sensiblement évolué. Des compétences techniques sont nécessaires mais, compte tenu des évolutions rapides

des technologies, les établissements doivent apprendre à apprendre à leurs étudiants. Le candidat doit également acquérir des qualités personnelles autant qu’impersonnelles : créativité, curiosité, communication, pédagogie…Ce besoin répond à la nature même du numérique, transversal et évolutif, qui impacte l’ensemble des métiers et des salariés.

RÉMI FERRAND DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’ASSOCIATION PASC@LINE

« IL FAUT FORMER DES PROFILS POLY-COMPÉTENTS »

POINT DE VUE

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« Les millennials savent qu’ils sont sollicités et ils en profitent pour imposer leurs règles ».Guy Mamou-Mani, coprésident d’Open

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trouve inévitablement confronté à un choc des cultures et des pratiques. Or les millennials veulent avant tout se sentir bien et obtenir de la reconnaissance », ajoute-t-il.

En d’autres termes, si on veut que l’intégration soit réussie, faudrait-il que le management s’adapte aux millennials et non l’inverse ? Pour Guy Mamou-Mani, la confrontation générationnelle et le management des équipes est une problématique qui ne se pose pas : « La transformation digitale joue déjà sur l’organisation de l’entreprise et le management. Par conséquent, il n’est pas plus difficile de gérer un millennial qu’un salarié de 35-40 ans. Nous sommes aujourd’hui davantage dans le mode collaboratif que hiérarchique, davantage dans l’autonomie, l’acceptation du télétravail. Il y a par conséquent un changement complet de paradigme, de notion de travail et d’emploi. Le management se doit donc d’évoluer pour les millennials comme pour l’ensemble des salariés. À la nuance près que si vous interdisez à un jeune de se connecter sur Facebook pen-dant ses heures de travail, ou si vous n’acceptez pas une flexibilité dans ses horaires, vous courez au désastre ! » Godefroy de Bentzmann est en accord parfait avec son prédécesseur à la présidence de Syntec Numé-rique : « Les jeunes ne raisonnent pas comme la géné-ration précédente, ils travaillent de manière plus entre-coupée, à leur rythme. Ils aiment les heures mouvantes, s’absenter, finir un travail chez eux dans la nuit… C’est une génération de “slashers”. Ils aiment entrer dans un mode d’indépendance, être responsable de leur avenir. Pour le manager, il faut comprendre que c’est le cadre

Pour une entreprise en quête de jeunes talents du numérique, qu’il s’agisse de codeurs, d’analystes de la donnée

ou d’autres métiers de l’IT, il est facile de les dénicher hors les lieux classiques que sont les écoles d’ingénieurs et universités. Les hackathons sont des expériences idéales pour tester les compétences. En quelques jours ou quelques heures, les participants doivent relever des défis mettant à l’épreuve

leurs capacités techniques et d’organisation.

À côté de ces challenges, des forums et salons spécifiques sont toujours organisés. Au mois d’octobre se tenait ainsi le Day-Click organisé par Syntec Numérique avec Pasc@line. Près de 5 000 participants dont des développeurs, des étudiants, des écoles, des entreprises, des start-up s’étaient donné rendez-vous pour échanger, s’informer, concourir, saisir des opportunités.

HACKATHONS ET AUTRES FILONS

dans lequel on les fait travailler qui est important, pas celui du code du travail ».

« Leur manière de travailler n’est pas gênante. Pour autant, il ne faut pas tout accepter. Les jeunes aspirent à être positionnés sur des projets intéressants leur permettant une évolution de carrière, mais les autres générations aussi. En pratique, nous constatons un véritable échange intergénérationnel au sein des équipes. Cela permet même une remise en question de chacun, de s’analyser. Et il est bon d’avoir une certaine humilité pour permettre que de nouveaux arrivants puissent vous challenger, vous défier. Avoir une ouver-ture d’esprit pour un manager ne peut être qu’enrichis-sant pour l’entreprise », exprime Hélène Fagart, DRH de Teradata.

À la Métropole européenne de Lille, Sabine Guillaume constate que « l’équipe en place est très ouverte et bienveillante envers les nouveaux, qui sont rapidement intégrés. Ces derniers attendent de la reconnaissance, du travail intéressant, donc pas trop de routine. Et ils ont une certaine vision de leur utilité. Seule différence notable, ils savent qu’ils ne passe-

« Les digital natives attendent de la reconnaissance, du travail intéressant, donc pas trop de routine ».Sabine Guillaume, DSI de Lille Métropole

« Il faut être très participatif, les inclure dans la décision, agir en groupes de travail plutôt qu’en mode top-down ».Thomas Chejfec, DSI de Gerflor

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ront pas leur carrière entière à faire la même chose. Pour les fidéliser, il faut les impliquer, beaucoup com-muniquer, les faire participer à des groupes de travail et faire en sorte que le manager fasse primer le groupe sur l’individu, quel que soit l’âge ». À l’Académie de Ver-sailles, Jacky Galicher a une vision identique : « Il faut les intégrer dans des projets motivants, écouter leurs propositions, leurs suggestions, leur ouvrir des perspec-tives d’évolution professionnelle, et ce dans un environ-nement managérial incitatif. » Lors des recrutements de jeunes, ces deux DSI du service public n’émettent qu’une crainte : que les millennials n’acceptent pas les contraintes environnementales, qu’ils aient une capa-cité d’adaptation limitée ou qu’ils expriment un senti-

ment de toute puissance, autant de postures qui pour-raient nuire à l’équipe. Pour sa part, Thomas Chefjec est encore plus direct : « Ma plus grande crainte est que la jeune recrue soit volatile. S’il n’est pas bien où il est, le millennial n’hésite pas : il part et passe à autre chose, sans pour autant en garder la moindre rancœur. Pour éviter un départ précipité, l’un des enjeux est de faire coller leur pratique à la réalité de l’entreprise, et ce en douceur et par une grande communication. Pour les fidéliser, j’aime reprendre l’idée des conditions de travail à la scandinave : le bien-être avant tout. Un minimum de décision unilatérale, beaucoup d’empathie managé-riale, et surtout leur permettre d’être flexibles dans leur travail en termes de temps, de charge et d’impératifs ».

L’accompagnement des millennials revêt plusieurs aspects, à commencer par la formation. Pour un jeune fraîchement entré dans une entreprise, pas question pour lui d’imaginer qu’il lui faudra deux ans d’ancien-neté pour acquérir de nouveaux apprentissages. « Les millennials savent qu’ils sont sollicités et ils en profitent pour imposer leurs règles : outre le fait qu’il leur faut un salaire convenable, ils veulent évoluer vite et exigent d’être accompagnés par des formations diverses. Sinon, ils iront vite voir ailleurs, sachant que de toute façon ils ne feront pas carrière chez vous à vie. Les managers doivent donc tout faire pour qu’ils restent un minimum de cinq ans afin de rentabiliser l’investissement finan-cier et en temps qui a été engagé », conseille Guy Ma-mou-Mani d’Open.

Les salaires et avantages sociaux sont effectivement mis en avant par ces jeunes talents qui ont bien l’in-tention de tirer parti de cette période qui leur est pro-pice. « Nous avons dû en effet réévaluer nos grilles de salaires afin d’être au plus près du marché selon le profil et l’expérience. Il faut être compétitif, mais également rester équitable vis-à-vis de l’ensemble de l’équipe », remarque Hélène Fagart, satisfaite du faible turn-over — moins de 10 % — dans son entreprise. Godefroy de Bentzmann ne dément pas cette tendance à la hausse des rémunérations : « Les millennials arrivent avec un savoir particulier et sont donc payés correctement, voire parfois très cher, par rapport aux autres collègues qui entrent sans spécialité technique. Il y a des domaines de compétences qui sont rares, sur lesquels il y a une aspiration, et cette rareté fait le prix ».

La génération Y spécialisée dans l’IT, encore à grande majorité masculine, est donc un filon de pé-pites que toute entreprise veut attirer dans son giron pour soutenir son évolution digitale et son dévelop-pement économique. Reste que le millennial n’est pas si parfait. Même s’il acquiert plus rapidement, il lui manque, comme à tous les jeunes, une vraie ex-périence. Et il ne possède pas la poly-compétence si chère aux yeux de managers toujours à la recherche du mouton à cinq pattes. À charge pour l’entreprise de participer à son évolution en attendant la généra-tion Z. • Martine Triquet-Guillaume

S elon une récente étude réalisée en 2016 auprès de 1 234 développeurs (parmi eux figurant des profils de consultants et d’encadrement) par la place de

marché JobProd, il ressort que :• 40,1 % des développeurs privilégient les éditeurs de logiciels, qui offrent des rémunérations globalement plus élevées que les ESN et les entreprises hors secteur IT. Leur choix se tourne ensuite vers les DSI ou le statut d’indépen-dant (ils ne sont pourtant, dans le panel de répondants, qu’un peu plus de 4 % dans ce cas). Ils ont plutôt tendance à bouder les sociétés de services… • 30,1 % des développeurs souhaitent travailler en Île de France, où les rémunérations sont notamment plus élevées qu’en Province. La région Rhône-Alpes arrive en seconde position, devant la Bretagne et la région PACA.• 42,5 % des développeurs ont une rémunération qui comporte des primes et ou une part variable en plus de leur salaire fixe.• les avantages qu’ils avancent comprennent notam-ment : du matériel en prêt (36,5 %), l’accès au télétravail (35,5 %), et des boissons et encas gratuits (24,5 %)…

SAVOIR CONTENTER LES JEUNES DÉVELOPPEURS

« Nous avons dû réévaluer nos grilles de salaires. Mais il faut rester équitable vis-à-vis de l’ensemble de l’équipe ».Hélène Fagart, DRH de Teradata

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