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La Nouvelle Presse Magazine 232 janvier 2006

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27 janvier 1945 Auschwitz libéré Journée Internationale pour la mémoire de la Shoah Participons aux cérémonies du souvenir ! Arik Sharon a perdu sa dernière bataille - celle contre son propre corps. Son successeur, quel qu'il soit, n'aura pas la tâche facile. Il n'est pas dit que le corps électoral israélien ne vote jamais à gauche - mais ce ne sera pas avant longtemps. Je n'ai pas dit un mot des palestiniens, même pas du message de sympathie du président Mahmoud Abbas. Je n'ai pas évoqué le nom de Sharon lors de ma nécrologie de Yasser Arafat. Aujourd'hui, je parle de Sharon, que j'ai pu critiquer, mais que je me suis toujours refusé de diaboliser. Un grand homme peut commettre de grandes erreurs. Ariel Sharon, qui est en vie ce 15 janvier 2006, est un grand homme.

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Page 1: La Nouvelle Presse Magazine 232 janvier 2006

LA PRESSE NOUVELLE MagazineProgressiste

Juif

N° 232 - JANVIER 2006 - 25e ANNÉE MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. Le N° 5,50 €Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

Ne nous voilons pas la face : le grand évé-nement du début de l'année 2006 a été lamaladie d'Ariel Sharon (Arik pour tous les

israéliens) et son effacement de la scène politique.Ce n'est pas pour rien que les media du mondeentier se sont précipités sur l'événement. Un seulexemple : la grande chaîne télé CNN, dans ses bul-letins diffusés en Europe (peut-être aussi ailleurs)ne parlait que de la maladie de Sharon. Disparusl'Irak, la vie politique US, l'Europe, etc (ne parlonspas de la France...). Tous les reporters étaient àl'entrée de l'hôpital Hadassa. Ils commentaient lesbulletins médicaux. Parfois un mot, guère plus, surEhud Olmert, l'actuel faisant fonction de premierministre.Les media français, suivant peut-être le précepte dela grande journaliste disparue Françoise Giroud,("on ne tire pas sur une ambulance") ont, pour laplupart, commenté l'événement, s'abstenant depropos déplacés.Sharon a été guerrier avant tout - son autobiographieen anglais est intitulée simplement WARRIOR.Par delà les polémiques partisanes, il faut recon-naître que l'existence de l'Etat d'Israël serait diffici-le à imaginer sans les victoires remportées par ArikSharon. Il a combattu dans la guerred'Indépendance de 1948-1949. Il a été blessédevant Latrun. Ensuite, il s'est battu contre l'arméeégyptienne. La guerre s'est arrêtée début 1949,lorsque les blindés de Sharon étaient bien profon-dément en territoire égyptien. Il a fallu une inter-

vention "énergique" anglo-américaine pour les enfaire sortir.Il a eu ensuite la charge de combattre les fedayinégypto-palestiniens, devant Gaza. On lui a repro-ché l'énergie de l'opération - tout comme on lui areproché un épisode sinistre à Qibya.La guerre de 1956 - la campagne de Suez pour lesfranco-anglais, du Sinaï pour les israéliens - a étécritiquée politiquement, entre autres par lesPrésidents des Etats-Unis et de l'URSS. Mais Israëla arraché de la sorte l'accès au canal de Suez.Ne revenons pas sur la guerre des six jours. Ladivision Sharon a, de nouveau, écrasé l'arméeégyptienne. Cela a coûté à Sharon sa nominationcomme Chef d'Etat -Major Général, la jalousien'étant pas un sentiment étranger aux militaires,dans quelque pays que ce soit.Six ans plus tard, la guerre du Kippour le voitreprendre un commandement. Les armées égyp-tienne et syrienne avaient pris l'initiative. Les pre-miers avaient franchi le canal de Suez, sur presquetoute sa longueur. Les autres avaient repris une par-tie du Golan.Sharon reprend la tête de "sa division", écartantsans ménagement son successeur. Ignorant lesordres, il franchit en force le Canal de Suez et nes'arrête qu'au Km 101, sur la route du Caire.Encore une fois, une vigoureuse interventiondiplomatique US-URSS permet le sauvetage d'unearmée égyptienne encerclée.Les années suivantes voient Sharon se lancer sur la

scène politique, suite à l'accession au pouvoir deMenahem Begin. Il joue un rôle important dans laguerre du Liban, mais est mis à l'écart à la suite del'épisode de Chatila, où on lui a reproché de ne pasavoir empêché un massacre de palestiniens effec-tué par des milices libanaises chrétiennes.Menahem Begin disait, en plaisantant (?) queSharon serait capable de faire marcher des tankscontre la Présidence du Conseil. Il ne l'a pas fait. Il est devenu Premier Ministre parle vote démocratique. Il avait toutes les chancesd'être réélu en 2006, bien qu'ayant rompu avec sonpropre parti Likoud, et en avoir créé un autre,Kadimah.Un journaliste israélien de gauche, après avoir cri-tiqué le Premier Ministre, concluait sur une bouta-de : "C'est le seul Sharon que nous avons".Arik Sharon a perdu sa dernière bataille - cellecontre son propre corps. Son successeur, quel qu'ilsoit, n'aura pas la tâche facile. Il n'est pas dit que lecorps électoral israélien ne vote jamais à gauche -mais ce ne sera pas avant longtemps.Je n'ai pas dit un mot des palestiniens, même pasdu message de sympathie du président MahmoudAbbas. Je n'ai pas évoqué le nom de Sharon lors dema nécrologie de Yasser Arafat. Aujourd'hui, jeparle de Sharon, que j'ai pu critiquer, mais que jeme suis toujours refusé de diaboliser. Un grandhomme peut commettre de grandes erreurs. ArielSharon, qui est en vie ce 15 janvier 2006, est ungrand homme.

BILAN• Le Mot du Président p. 2• De 2005 à 2006 p. 3

PROCES MILOSEVIC• A quand la fin ? p. 3

MOYEN-ORIENT • Sharon ... par D. Vidal p. 5

PAROLES de J.Dimet p. 3

CULTURE p. 7

SAGA par S. Palant p. 8

MEMOIRE p. 4• Sam Radzynski n’est plus par R.Trugnan• Le cri des murs de Fresnes par A. Rayski

HISTOIRE p. 6• Solution finale en France et Justice allemande

Lucien STEINBERGJANVIER 2006 - LE DERNIER COMBAT D'ARIK SHARON

PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.

A vos agendas !

Assemblée Générale de l’UJRE

Samedi 4 mars 2006 à 15 h.

Partie artistique* puis verre de l’amitié à 17h.(*) Ensemble théâtral “Abi gezint” de l’ACODJ

Mémoire27 janvier

Auschwitz libéréJournée Internationale

pour la mémoire de la ShoahParticipons aux cérémonies du souvenir !

Dernière minute :Non à une chasse aux sorcières à l’européenne

L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) est,dans les jours qui viennent, appelée à voter une résolution met-tant le communisme sur le même pied que l'hitlérisme. Despersonnalités, résistants ou universitaires de tous les paysmembres lancent une pétition pour dénoncer ce texte irrecevable.

Le bureau de l’UJRE et La Presse Nouvelle vous appellent àsigner cette pétition Internet en vous connectant surhttp://www.no2anticommunism.org/fr/index.php?info=motion

Si vous n'avez pas d'ordinateur, vous pouvez adresser votre signa-ture à la PNM, 14 rue de Paradis, 75010, Paris, qui transmettra.

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Page 2: La Nouvelle Presse Magazine 232 janvier 2006

2 P.N.M. JANVIER 2006

Simon Salzenstein (retour sur la PNMde septembre): Compliments pourJean Ferrat et sa réponse cinglante !

VoeuxA tous nous souhaitons une

bonne entrée dans l'année 2006. Maryvonne Lécuyer et

Jacqueline Seleskovitch,sa soeur, qui n'est plus en état de vous écrire.

Meilleurs voeux à l'UJRE et laPNM pour la nouvelle année !Une bonne et heureuse année à

tous ! Bien amicalement,Julien Hirsz

Bonjour, avec un peu de retard,nous vous remercions de vos bonsvœux et à notre tour, vous présen-tons nos meilleurs souhaits pour

2006. Très sincèrementPour l’U.D.A., Véronique

Recevez mes meilleurs Voeuxpour 2006, en mon nom et au nom

d' Une Autre Voix Juive. Bien Amicalement,

Jean-François Marx

Très sensible aux souhaits quevous avez exprimés dans le n° de

décembre de la PNM, je vousadresse ses meilleurs voeux de

santé, de prospérité et de réussitedans vos entreprises en espérantque l’année nouvelle apporte lasécurité et la justice pour tous

dans un monde en Paix.Raph Feigelson

Ah ! si dans les champs on pouvait faire pousser des fleurs

qui représenteraient l’Amour,la Paix, la Liberté, nous pourrions

les cueillir, pour humer leurs par-fums.

C’est ce qui est encore permis aux humains

“Rêver, lutter, espérer !”Avec nos meilleurs voeux pour 2006

Hélène et Siegmund (Simon) Gingold

... et RemerciementsA l'occasion de la fête donnée parses neveux, Jeannine et AxelHeymann pour le 60° anniversairede sa libération du campd'Auschwitz du joug des nazis,Paulette Kwater souhaite lesremercier, ainsi que les 80 per-sonnes - anciens déportés, enfantset amis - qui ont répondu à cetteinvitation, venant de France et à safamille venant de Belgique, desEtats-Unis et d'Israël. Cette jour-née restera à jamais gravée dans lamémoire de Paulette. Que tousreçoivent ses voeux de bonheur etde paix pour 2006. Ci-joint unchèque afin que la Presse Nouvellecontinue sa lutte contre le nazisme,le racisme et l'antisémitisme.

Paulette Kwater

Souscription* n° 28 arrêtée au 31 décembre 2005

C o u r r i e r d e s l e c t e u r s27 janvier - Auschwitz

Quelques remarques à propos del'article de Nicole Mokobodzkidont j'approuve la teneur, notam-ment sa mise au point à propos dela déclaration d'Elie Wiesel àl'ONU. Je ne pense pas que celui-ciait commis un “lapsus”. A moinsqu'il n’ait “oublié” la contribution,le mot est faible, de l'armée sovié-tique dans la victoire sur le nazisme.Je ne l'oublie pas. Mon père estdécédé à Auschwitz, ainsi que denombreux membres de ma famille.J'ai une interrogation à propos dutitre de Journée Internationale decommémoration du Génocide de laShoah. Le terme Génocide n’ex-prime-t-il pas la même significa-tion que celle de Shoah, mothébreu qui signifie anéantisse-ment, destruction ?

Génocide: Extermination métho-dique d'un groupe humain.Shoah est le terme choisi parClaude Lanzman pour son film.Depuis ce terme a été repris poursingulariser le génocide des juifs.Suite à un autre film, une autreexpression est utilisée pour définirce génocideHolocauste. Ce terme recouvrel'idée d'un sacrifice religieux.La résolution de l'ONU stipule:“journée internationale pour lamémoire de l'Holocauste“. Cettejournée est fixée au 27 janvier, datequi correspond à celle de la libéra-tion d'Auschwitz - Birkenau.Ma dernière interrogation: par quelterme définir le génocide commispar les nazis, d'ethnies, de popula-tions entières et de tous ceux qu'ilsconsidéraient comme des êtresinférieurs ? Cordialement,

M.Rozental

Encore une année qui se ter-mine et une autre qui débu-te. Qui aura débuté à l'heure

où vous lirez ces lignes.Les voeux traditionnels, vous lesavez reçus et transmis. Mais votrePrésident se doit d'ajouter sesremerciements.A vous tous, chers amis lecteurs, àvous tous, et à chacun d'entre vous !Ce n'est pas une mince affaire defaire, et surtout de maintenir unjournal comme le vôtre. Un journal qui s'efforce de dire lavérité, les vérités. Elles ne sont pastoujours agréables à lire ? Faut-il,pour autant, se taire ?Votre fidélité, année après année,nous encourage. Votre soutien,moral et matériel, nous permet devivre. Très modestement, certes,mais en restant fidèles à notre mis-sion.Nous sommes sensibles à vos cour-riers et nous nous efforçons d'entenir compte. En le publiant et enfaisant notre possible pour vousdonner satisfaction.Nous aimerions agrandir le pluspossible le nombre des lecteurs !Et là, vous pourriez peut-être nousaider. Les initiatives que nousavons lancées - dernièrement laconférence d'Amnon Kapeliouk -ont été bien accueillies. Nous tâcherons de continuer. Nousattendons vos suggestions, pourd'autres initiatives.Bon courage !

Lucien Steinberg

Le mot du Président

Un © de trop ... !

Suite à la reproduction de l'Affiche rouge

dans notre numéro de décembre 2005 (n° 231)

L'Affiche rouge appartient à"l'Histoire", est-il besoin de lepréciser !

A l'histoire de la Résistance.

A l'histoire de la "Résistance communiste".

C'est encore un point que l'onpeut affirmer sans être démenti.

La mention "Fonds Serge Klarsfeld"signifiait que le "document" prêté auMusée de la Préfecture de Police, àl'occasion de l'exposition "J'écris tonnom Liberté", organisée dans le cadrede la commémoration de laLibération de Paris, provenait duditFonds.

PNM

(*) sauf mention explicite (carte, réabonnement ou don), les règlements reçus sontimputés en priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don.

NB : L’Etat vous rembourse 60% de vos adhésions et dons sous forme de crédit d’impôt.

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P.N.M. JANVIER 2006 3

ParolesOn ne badine pas

avec le colonialisme On se souvient de ce fameux article 4 dela loi du 23 février 2005. Cet article dittextuellement ceci : “Les programmes derecherche universitaire accordent à l'his-toire de la présence française outre-mer,notamment en Afrique du Nord, la placequ'elle mérite. Les programmes scolairesreconnaissent en particulier le rôle positifde la présence française outre-mer,notamment en Afrique du Nord, et accor-dent à l'histoire et aux sacrifices des com-battants de l'armée française issus de cesterritoires la place éminente à laquelle ilsont droit. (…) “Cet article, ajouté in extremis, pose unequestion fondamentale, qui n'est d'ailleurspas celle du colonialisme en tant que tel,mais celle de l'histoire officielle. Bref, il a,à juste titre (mais l'ensemble de la loi estsujette à caution), suscité un tollé des his-toriens, des combattants de la cause anti-coloniale, des originaires des départe-ments et territoires d'outre mer (anciensou actuels). Le président de la République chargeJean-Louis Debré, Président del'Assemblée nationale,d'animer une com-mission de réflexion pour se sortir de cebourbier. Nicolas Sarkozy, Président del'UMP, ministre de l'Intérieur par intermit-tence, Président du Conseil Général desHauts-de-Seine, candidat autoproclamé àla présidentielle de 2007, forme lui aussiune commission. Non pas ministérielle : ilprend sa casquette d'homme politique,pour trouver une solution. Et qui place-t-il à la tête de cette commission deréflexion ? Me Arno Klarsfeld en person-ne. Pour quoi faire ? Pour tenter d'opposerencore une fois, les victimes juives auxvictimes africaines, jouant sur le mêmeregistre que ceux que l'on dénonce offi-ciellement ? Arno Klarsfeld a le droit d'avoir les opi-nions qu'il a. On ne peut pas oublier,cependant, qu'il s'est retrouvé, il n'y a passi longtemps, en habit de garde-frontièresde l'armée israélienne, le temps d'endos-ser un uniforme militaire qu'il aurait puporter plus jeune et à d'autres moments del'histoire d'Israël. Bref, qu'il a cautionné lacolonisation des terres palestiniennes,notamment en Cisjordanie, et que celarelativise la sérénité de la commissionSarkozy. Mais plus qu'Arno Klarsfeld lui-même, ce qui est détestable dans ce choixc'est, comme toujours chez le ministre del'Intérieur, l'utilisation politique de l'origi-ne communautaire des uns et des autres,et l'utilisation de sujets sensibles, pourrégler des comptes politiques avec lePrésident de la République qui fut legagnant au premier tour lors de la prési-dentielle de 1995, face à EdouardBalladur, mentor de Nicolas Sarkozy.La défense de l'histoire et le regard que laFrance doit porter sur elle-même méritentmieux que ces effets de manche et cesastuces politiciennes. Jacques Dimet

A QUAND LA FIN ?Robert Joseph

Le procès de M. SlobodanMilosevic, l'ancien présidentde la Yougoslavie, ouvert le

12 février 2002 devant le tribunalinternational de La Haye, va bien-tôt entrer dans sa cinquième année.Avec nombre de points d'interroga-tion.Il a déjà bien duré ce procès. Lesjuges s'en inquiètent. L'état de santéde l'accusé qui assume lui-même sadéfense semble se détériorer, sujetà des problèmes chroniques d'hy-pertension et à des difficultés audi-tives. Fin novembre, M. Milosevica sollicité du tribunal l'autorisationde suivre un traitement de quelquessemaines, à Moscou, dans un éta-blissement spécialisé. La Chambrebasse du parlement russe a soutenusa démarche en demandant unesuspension du procès. Il devaitavoir la réponse, sans doute négati-ve, dès la reprise du 23 janvier. Cependant, les trois magistrats dela Cour ont prolongé à six semainesles vacances de fin d'année (au lieudes trois habituelles) pour per-mettre au prévenu de se "reposer".De plus, souhaitant sans doute nepas être pris au dépourvu et ne paslaisser un procès inachevé, ilsauraient aimé en terminer avec aumoins l'un des trois volets, celui duKosovo, ce qui leur semblait aisé.Ainsi, ils auraient été certains d'ap-porter une conclusion à leursannées de travail. Les chapitresCroatie et Bosnie traités à la suite,il y aurait eu deux verdicts. Ladéfense et le procureur ont faitcause commune pour s'opposer àune telle orientation.Pendant deux années, l'accusation alivré de très nombreuses informa-tions sur ce qui était reproché àl'ancien Président. La presse les aétalées largement. Depuis que ladéfense s'exprime et réfute nombred'accusations basées sur desrumeurs, ce procès ne serait plusintéressant. Pourtant, M. Milosevic continue àse défendre avec acharnement.Début décembre, il a sollicité unnouveau contingent de 380 heuressupplémentaires pour assurer"équitablement" sa défense, et l'au-dition de nombreux témoins parmilesquels MM. Tony Blair etGerhard Schröder. Ce que la cour arejeté. Il est très intéressé à faireentendre comme témoins les diri-

2 250 pièces produites par les par-ties totalisent 63 775 pages; 930pièces à conviction du procureurreprésentent 85 000 pages, 117vidéos, des centaines de DVD etCR-roms. Il y a au total l,2 millions de pagesde documents. Et ce n'est pas fini !On est en pleine démesure !Selon le programme connu actuel-lement, la défense devrait êtreachevée en mars, les dernièresphases du procès s'étaleraient jus-qu'à l'été, et les juges pourraientalors se préparer à rendre leur ver-dict. Evidemment, nul n'ose limiter leurtemps pour apprécier “la responsa-bilité personnelle de M. Milosevic”face aux soixante-six chefs d'accu-sation.

30/12/2005

geants occidentaux, promoteurssans l'aval de l'O.N.U. de la guerrede bombardements contre son paysen 1999, puisque Mme Clara DelPonte, le procureur, a refusé uneenquête sur les crimes de guerre etdestructions dont l'O.T.A.N. estaccusée par Belgrade.Les trois juges du tribunal, commele procureur, reprochent à l'ancienPrésident de recourir à desmanoeuvres dilatoires pour fairedurer le procès. Ils ont dû, cepen-dant, tenir compte de la réalité etM. Milosevic a obtenu de pouvoirs'exprimer jusqu'à la fin février. Mais l'intéressé revendique encoreplus de temps, au moins autant quecelui pris par l'accusation, arguantde l'ampleur de la charge qu'il doitsubir au quotidien, sans bureau àson service. Jusque-là, quelques

Procès MILOSEVIC

DE 2005 A 2006 Lucien Steinberg

Nous avons préféré attendrela fin effective de 2005pour en dégager quelques

conclusions - ce qui nous permetd'entrevoir quelques perspectivespour 2006. Exercice risqué sansdoute, déjà parce qu'il porte sur l'ave-nir. Reflexion peu originale, puisqueWinston Churchill l'avait déjà for-mulée.Commençons par le petit bout de lalorgnette - par la situation de notreUJRE, de votre PNM. Elle demeu-re difficile, voire précaire. Toutefois,le risque d'expulsion de nos locauxn'est plus imminent. Nous avons bonespoir d'aboutir à des arrangementsnous permettant de conserver le 14rue de Paradis. Dans ce contexte, lelancement effectif du projet de"Maison de la MOI" est cause d'en-couragement. Le problème essentieln'est toutefois pas résolu. Il convientde chercher les moyens du "rajeu-nissement de nos effectifs", si vousvoulez bien excuser cette formulemilitaire.Rares sont encore les enfants ou plu-tôt les petits-enfants de nos membresqui nous rejoignent. Pourtant, ceuxque nous connaissons approuvent leplus souvent nos orientations.Comment transformer cette approba-tion en adhésion ? Des idées, s'il vousplait... Peut-être que le projetd'Amnon Kapeliouk portera sesfruits.

L'année 2005 a été une année diffi-cile. En France, en Israël, dans lemonde entier. Les émeutes desbanlieues de l'automne ont sûre-ment laissé des traces qu'il estencore difficle d'évaluer. On peutdiscuter sur les causes - détressedes jeunes, manipulations poli-tiques ou religieuses, manque d'in-térêt des pouvoirs publics, présen-ce de voyous et autres malfaiteurs,etc. En tout état de cause, la crisesociale est indiscutable. Une choseest claire: quelles que soient cer-taines ou toutes ces raisons, lescauses demeurent en l'état. Lerisque de répétition, à une mêmeéchelle ou à une échelle différente,persiste.Le 29 mai 2005, le peuple françaisa repoussé, à une majorité claire, leprojet d'adhésion à la ConstitutionEuropéenne. Projet présenté par leChef de l'Etat, soutenu par les deuxprincipaux partis du Parlement,l'UMP et le Parti Socialiste (mal-gré l'opposition de nombre de sesdirigeants et adhérents). Soutenuaussi par les grands media et despersonnages médiatiques de toutpremier rang. Et pourtant, la politique antisociale sepoursuit et risque, dans l'immédiat,de se poursuivre, déjà parce qu'on nevoit pas des forces susceptibles de s'yopposer efficacement. Les bonnesvolontés de tous les partis de gauche

(Suite en page 4)

PNM JANV 06 ok 19/01/06 19:22 Page 3

Page 4: La Nouvelle Presse Magazine 232 janvier 2006

4 P.N.M. JANVIER 2006

Sam RADZYNSKI vient de nous quitterBeaucoup d’émotion au Père-Lachaise ce mercredi 4 janvier. Monsieur Georges Sarre,Maire du XI° arrondissement de Paris, a rendu hommage à Sam Radzynski - l'homme, lerésistant, le communiste. Plusieurs familiers de Sam ont évoqué sa mémoire. MonsieurJacques Daguenet, Conseiller de Paris, a salué le militant fidèle, au nom du PartiCommuniste Français. L’UJRE, représentée par Lucien Steinberg, et ses camarades dedéportation, Paulette Sarcey et Roger Trugnan, tient à lui rendre hommage en reproduisantci-contre un témoignage d’Adam Rayski, l’un des premiers dirigeants de la résistance juivede la M.O.I. (Main-d’Ouvre Immigrée) de l’automne 1941 à la Libération en été 1944, etci-dessous, des extraits de l’allocution de Roger Trugnan à la cérémonie du Père Lachaise:

“J'ai passé six mois en compagniede Sam Radzynski en déportation,au camp de Jawischowitz.Sam a adhéré en 1936 - il avait 13ans - au cercle des lycéens commu-nistes de l'école Turgot. Quatre ansplus tard, lors de l'entrée destroupes nazies à Paris, il participeavec ses camarades, puis avec desétudiants, aux premières actions dela Résistance à Paris, dès juin1940. C'était essentiel, face auxtentatives de l'occupant et de sescollabos de profiter du désarroidans lequel la population étaitplongée.Il fallait combattre la propagandeennemie ("populations abandonnées,faites confiance au soldat allemand")Distributions de tracts, prises deparole dans le métro et aux ciné-mas, puis destruction de câblesmilitaires dans les forêts d'IIe de

France, incendie des poteaux indi-cateurs allemands, recrutement decombattants pour les FrancsTireurs et Partisans. Sam s'engageadans tous ces combats.Fin 1941, il est affecté à l'organisa-tion de la jeunesse communiste dela M.O.I. (Main d'OeuvreImmigrée). Cette structure, crééepar le PCF dès 1923, regroupait lesimmigrés dans des "groupes delangues" yiddish, italien, espagnol,polonais ... Sam sera un des diri-geants de l'active branche juive dela M.O.I.Je le connaissais peu avant notrearrestation, le 13 mars 1943. Cejour-là, Sam et moi étions assis surle même banc, dans une vaste sallede la Préfecture de Police, avecprès de 60 jeunes dont HenriKrasucki. Arrêtés au petit matinpar les "brigades spéciales" de lapréfecture. Une semaine d'interro-gatoires et de tortures dans leslocaux de la Préfecture de Police -sans que ses sbires n’arrachent lamoindre information. Ensuite deuxmois dans diverses prisons - laSanté, la petite Roquette, Fresnes,enfin au camp de Drancy. Là, 57

Dès 1941, les prisons de la Santé etde Fresnes se remplissent et sevident. Les résistantes et les résis-tants partaient les uns pour leMont-Valérien, les autres vers lescamps de la mort. On connaît leurs"dernières lettres", le véritablesocle de la Mémoire de laRésistance. Or, cette mémoireapparaît sur les murs de Fresnes.Dans un livre* - hélas peu connu -l'auteur, Henri Calet, a restitué unemultitude d'inscriptions. Ainsi,page 112, une lecture très doulou-reuse :

Cellule 96Radzinsky Maurice

Mort à 17 ans le 10 mars 1943Maurice est mort pour

que vive la FranceSoyons fiers de lui.

Il est tombé au champ d'honneur.

Samuel Radzinski,son frère, est mon mari

Rita

Je n'ai jamais parlé de ce textesachant Sam gravement malade etc'est après ses obsèques que je l'airemis à sa fille.

Adam Rayski

(*)Henri Calet,,Les Murs de Fresnes 1945,Ed. Viviane Hamy, Paris, 1993.

LE CRIDES MURS DE FRESNES

jeunes sont enfournés dans un"transport" vers Auschwitz. Sixseulement reviendront vivants, lesautres étant gazés dès l'arrivée.Sam, Henri et moi sommes expé-diés ensemble au camp deJawischowitz, à 6 km d'Auschwitz,où il y a deux mines de charbon.Au bout de 2 à 3 jours seulementde notre arrivée à Auschwitz, nousavons rencontré des antifascistes,souvent des anciens des BrigadesInternationales. Apprenant l'exis-tence d'une organisation internatio-nale de résistants, nous avons créérapidement un "triangle de direc-tion". Au bout de 6 mois, des anti-fascistes allemands ont obtenu letransfert de Sam à un autre camp,moins pénible que la mine.Il a fallu attendre la Libérationpour apprendre que Sam étaitvivant. Nous étions donc six survi-vants du transport. Nous ensommes encore deux, en vie,Paulette Sarcey, résistante exem-plaire, et moi-même.”

L'orateur a ensuite rappelé lamémoire de Rosine, épouse deSam, décédée il y a un an.

Carnet

De 2005 à 2006 (suite de la page 3)

BREVESIran

Le Crif “a pris des contacts dansl'univers sportif afin d'examiner lapossibilité d'exclure l'Iran de laphase finale de la Coupe du Mondede football. A l'époque del'Apartheid, l'Afrique du Sud avaitété exclue de nombreuses compéti-tions sportives."

Est-ce au CRIF, dont l'UJRE estmembre fondateur, de prendre uneinitiative de ce genre? Le texte estflou, en ce qui concerne l'Afrique duSud, et il faudrait y regarder de plusprès.

A ma connaissance, l'Afrique du Suds'est exclue d'elle-même faute des'être conformée aux réglements quine la visaient pas spécifiquement. Ily a eu un boycott économique votépar les Nations Unies. Qui audemeurant :1) n'a jamais été totalement appliqué2) a créé des conditions de protec-tionnisme qui ont favorisé le déve-loppement de l'économie. Même chose en Rhodésie.

NM

Ses enfantsHenri et Mireille,

Marie-Thérèse

ses petits-enfantsNatacha, Michaël,

Ivoa, Julien, Mathieu, Mélinée,Emmanuel et Elsa

ses arrière-petits–enfantsJulie et Théo

ont la douleur de vous apprendrele décès de

Chana DAVIDSON (Andja)

survenu le 14 janvier 2006

Chana Davidson comptait parmiles membres les plus fidèles del’UJRE, adhérente depuis la guer-re, lectrice fidèle de la NaïèPressè puis de La PresseNouvelle, et choriste très activedans la Chorale Populaire Juivede Paris animée par IlyaCholodenko. Notre Président, LucienSteinberg, qui l’a bien connue etestimée, ainsi que toute l'équipede la Presse Nouvelle Magazineadressent leurs sincères condo-léances à sa famille ainsi qu'àtous ses proches et amis.

ne font pas le poids. Cela peut chan-ger. On peut l'espérer.

Sur le plan international, le facteuressentiel, à notre sens, a été leTsunami de la fin 2004 et ses consé-quences. Il semblerait que le mondeentier a pris la mesure du risque descatastrophes naturelles. Pas assez,peut-être, car le cataclysme duCachemire n'a pas bénéficié de lamême couverture médiatique.La guerre américaine en Irak a, deplus en plus, du plomb dans l'aile.Le président George W. Bush a étéobligé de faire des concessionspolitiques, notamment en matièrede traitement des prisonniers deguerre. L'opinion publique auxEtats-Unis réagit enfin face auretour des cercueils des militairestués en Irak. Du coup, la possibilité

d'actions militaires US sur d'autresthéatres d'opération éventuels -Iran, Syrie, etc. est plus restreinte.Elle n'est pas nulle, certes.

Plus loin de nous, on suivra avecattention l’évolution en AmériqueLatine (Venezuela, Bolivie,Argentine, Brésil, Uruguay entreautres). En Asie, la Chine et l'Indedeviennent de grandes puissancesindustriellles et scientifiques.

Le conflit israelo-palestinienparait s'enliser. Ce qui ne signifiepas qu'il faille baisser les bras, bienau contraire ! Depuis qu'elle existe,l'UJRE, votre PNM et, avant celaNaiè Pressè n'ont eu de cesse de sebattre pour ce qu'elles estimaientjuste.

Avec votre soutien, nous conti-nuerons. LS

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PNM : Le retrait d'Ariel Sharon, afortiori son éventuel décès, vont-ils bouleverser le paysage israé-lien et proche-oriental ?Dominique Vidal : Bien sûr,comme c'est toujours le cas lors-qu'une personnalité majeure dispa-raît. Ariel Sharon est l'un des der-niers dirigeantsisraéliens à avoirété actif depuis laguerre de 1948. Il apris part, entre-temps, à tous lesconflits, voire en apris l'initiative -comme l'invasiondu Liban en 1982.Et, depuis 2001, ildirige le gouverne-ment israélien.Il est de bon ton dele présenter commeun homme de guer-re devenu, par uneconversion récente,un homme de paix. C'est un résu-mé un peu rapide.Indiscutablement, Ariel Sharon apassé l'essentiel de sa vie à com-battre les Arabes et, en particulier,les Palestiniens. Il a longtempsdonné la priorité absolue à la forcepour atteindre son objectif : assu-rer le contrôle d'Israël sur l'en-semble de la Palestine mandataire,et en particulier, à partir de 1967,sur la Cisjordanie, qu'il a contribuéà coloniser massivement. La vérité historique oblige à direqu'il n'a pas hésité devant le pire.Les massacres des camps de Sabraet Chatila, que son armée n'a pascommis mais laissé perpétrer parles Forces libanaises en septembre1982, ne sont ni les premiers ni lesderniers : le nom d'Ariel Sharonest associé à la tuerie du villagepalestinien de Qibya, en 1953, àl'assassinat de prisonniers de guer-re égyptiens dans la passe deMitla, en 1956, aux exactions d'unescadron de la mort dans la bandede Gaza, en 1971 et à la reconquê-te sanglante de la Cisjordanie, en2002 .

Mais c'est aussi l'homme du retraitde Gaza ?

Bien sûr. Il faut se souvenir qu'en2004, Israël était très isolé. La

Sharon, une vie de combat contre les PalestiniensDominique Vidal

Cour internationale de justice avaitcondamné la construction du mur,et l'Assemblée générale desNations unies exigé, à une écra-sante majorité, sa destruction. Lacommunauté internationale insis-tait sur l'application de la Feuillede route du Quartet (2) , sommant

les deux par-ties de cessertoute attaqueet Israël destopper toutecolonisation.P r i n c i p a lconseiller deSharon, DovWe i s s g l a s sexplique alors :"Le sens duplan ded é s e n g a g e -ment [deGaza] est legel du proces-sus de paix.

Quand vous gelez ce processus depaix, vous empêchez la créationd'un Etat palestinien et vousempêchez une discussion sur lesréfugiés, sur les frontières et surJérusalem ."C'est exactement ce qui s'estpassé. En échange de l'expulsionmédiatisée de 8 000 colons deGaza et de quatre implantationsisolées de Cisjordanie, ArielSharon a pu accélérer la colonisa-tion de cette dernière - fin 2005,La Paix maintenant y recensait prèsde 250 000 colons, plus 200 000 àJérusalem-Est - ainsi que laconstruction du mur. Il a pu dumême coup renvoyer aux calendestoute négociation avec l'Autoritépalestinienne, se contentant d'envi-sager vaguement la création unila-térale d'un " Etat " sur la bande deGaza et la moitié de la Cisjordanieà l'intérieur du mur. Or, non seule-ment la communauté internationa-le, y compris l'Union européenneet la France, s'est bien gardée de lecritiquer, mais a cessé d'exigerqu'Israël tienne sa part des engage-ments de la Feuille de route.

Mais les Palestiniens n'ont pasnon plus tenu leurs engagements ?

Le chaos qui s'installe dans labande de Gaza et en Cisjordanie

est très inquiétant. Et l'Autoritépalestinienne en porte évidem-ment sa part de responsabilité.Mais Israël n'a guère aidéMahmoud Abbas. A peine élu, il ya un an, opposant à la militarisa-tion de l'Intifada, le successeur deYasser Arafat a obtenu une trêvede l'ensemble des organisationspalestiniennes, islamistes compris.Et, grosso modo, celle-ci a été res-pectée. Mais, à part le retrait deGaza, qu'ont obtenu lesPalestiniens en échange ? Ni l'arrêtde la colonisation, ni celui de laconstruction du mur, ni la levéed'une partie des 700 barrages quiles enferment dans leurs villes etvillages, ni l'amélioration de leursconditions de vie - la majorité vitavec 2 dollars par jour ! Comment voulez-vous queMahmoud Abbas convainque sesconcitoyens que le choix de lanégociation était le bon, a fortioriait les moyens politiques de réta-blir l'ordre ? Je crains que ce bilanne se reflète dans les résultats desélections législatives du 25 janvier.

Les Israéliens aussi vont élire leurParlement, le 28 mars. Quellesconséquences aura, sur leur vote,la disparition d'Ariel Sharon ?

Nul ne peut, à ce jour (4), risquerun pronostic sur le résultat de cescrutin. D'autant qu'à l'automnedernier, Ariel Sharon avait provo-qué un séisme politique en quittantle Likoud pour créer son propreparti, Kadima (En avant), dont iln'a eu le temps ni de rédiger leprogramme, ni de composer ladirection. Certains en concluentque ce parti va disparaître avec lui.Ce n'est pas impossible, si les riva-lités entre ses successeurs l'empor-tent sur leur intérêt commun.La société israélienne, depuis desannées, est schizophrène. D'uncôté, elle accepte majoritairementla création d'un Etat palestinien, etdonc le retrait des territoires occu-pés comme le démantèlement descolonies, même si les questions deJérusalem et des réfugiés demeu-rent des obstacles. De l'autre, cesaspirations passent au second planderrière la priorité sécuritaire encas de forte tension, et notammentd'attentats terroristes. Or l'évolu-

Quelle place occupe Ariel Sharon dans l'histoire d'Israël ? Et en quoi son retrait de la vie politique marquera-t-il le Proche-Orient ? Journaliste au Mondediplomatique, historien, auteur de plusieurs livres sur l'histoire du Proche-Orient (1), Dominique Vidal a accepté de répondre à nos questions.

tion des derniers mois a brisé cetteschizophrénie. Si le retrait de Gazan'a pas, on l'a vu, fait progresser leprocessus de paix, il a porté uncoup sans précédent au mythe du " Grand Israël ". Et, parallèlement,la réduction sensible d'actionskamikazes - 45 Israéliens ont ététués dans des actes terroristes,contre 117 en 2004 - a changé leclimat politique. Si bien que lespréoccupations économiques etsociales prennent le dessus, dansun pays où la conjonction des poli-tiques néo-libérales et du coût del'occupation ont mis à mal leniveau de vie et de protectionsociale.C'est pour répondre à toutes cesattentes qu'Ariel Sharon a voulu sedoter d'un grand parti centriste, quidevrait donc lui survivre.D'ailleurs, les premiers sondagespromettent à Kadima sans Sharonun résultat comparable à celui deKadima avec Sharon. Mais il va desoi que Benyamin Netanyahous'efforcera de récupérer, à droite,une partie des transfuges duLikoud. Et, de son côté, le leader travaillis-te Amir Peretz misera sans doutesur la triple nouveauté de son pro-fil - Juif marocain, syndicalisteanti-libéral et partisan de longuedate de la paix - pour percer dansles milieux populaires, et notam-ment parmi les Juifs orientaux.Nous en saurons plus dans deuxmois.Mais, quels que soient l'issue desélections et le nouveau Premierministre, la réalité n'a pas changé :seule la création négociée d'un Etatpalestinien aux côtés d'Israël, surl'ensemble des territoires occupésen 1967 et avec Jérusalem-Est pourcapitale peut assurer la paix et, àterme, l'insertion durable d'Israëldans son environnement proche-oriental.

(1) Voir notamment Alain Gresh etDominique Vidal, Les Cent clés du Proche-Orient, Hachette, Paris, 2003.

(2) Composé des Etats-Unis, de l’ONU, del’Union européenne et de la Russie.

(3) Haaretz, Tel-Aviv, 6 octobre 2004

(4) Interview du 10 janvier 2006

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LES AUTEURS DE LA SOLUTION FINALE EN FRANCE DEVANT LA JUSTICE ALLEMANDE

Lucien Steinbergnoncé des non-lieu. Les magistratslui ont accordé le bénéfice dudoute.Bon nombre de ces personnages sesont défendus en invoquant destémoignages de rescapés juifs. Ces

rescapés ont déclaré qu'ilsignoraient où on les envoyaitet ce qui les attendait àAuschwitz, ou dans d'autrescamps de la mort. Certainsavaient entendu des rumeurs,véridiques le plus souvent,sans y avoir vraiment cru - jus-

qu'à l'arrivée à Auschwitz.Helmut Knochen, ancien chef de lapolice de sûreté et du service desécurité, n'a pas hésité à me fairepart de son étonnement devantl'ignorance des Juifs : commentpouvaient-ils ne rien savoir, euxqui avaient le meilleur réseau derenseignements du monde ? Leplus fort est qu'il se considéraitsincère.Cette "sincérité" me sembleaujourd'hui moins évidente, quandje lis dans le livre de A.M. que lesci-devant "camarades" de Knochenemployaient ce même argument.Comme il est décédé en 2003 (àl'âge respectable de 93 ans), je nepeux plus l'interroger.Un autre élément caractéristiquede la frilosité de la justice alleman-de : bon nombre de ces person-nages avaient sévi dans plusieursendroits et commis des crimes.Ainsi le nommé Bilfinger, kom-mandeur à Toulouse (condamné àune peine de prison en France etvite relâché) avait été auparavantproche collaborateur d'AdolfEichmann. Non-lieu ...Ainsi le nommé Richard EduardHartmann, kommandeur à Caen,après avoir fait déporter des Juifsde Cannes, avant d'assassiner lesrésistants enfermés dans la prisonde Caen lors du débarquementallié. Lui aussi avait été l’un desassistants d'Eichmann. Là aussi,plusieurs instances l'ont interrogé,mais Hartmann est mort de sa bellemort sans avoir été jugé.Une des rares exceptions : le pro-cès des nommés Karl Lischka,Herbert Hagen et ErnstHeinrichsohn. Là, l'insistance etles efforts acharnés de SergeKlarsfeld ont abouti à la mise enjugement de ces acteurs de la"solution finale" en France. Ils ontmême été condamnés. L'immense

Ahrlrich Meyer, professeurd'université et auteur deplusieurs ouvrages consa-

crés à l'occupation allemande de laFrance et à ses crimes, vient depublier - en allemand - un nouvelouvrage intitulé Täter imVerhör, qu'on peut traduirepar Interrogatoires desauteurs - le sous-titre étantLa "solution finale" de laquestion juive en France1940-1944.Il s'agit, en effet, des inter-rogatoires de nombreux acteurs dela "solution finale" par devant desmagistrats d'Allemagne Fédérale.Un Service Central des administra-tions judiciaires des Länder avaitété créé dans les années 1960, pourcoordonner les poursuites contreles criminels nazis. Leur rôle enFrance avait été attribué à une dessections de ce service central.Ahlrich Meyer traite dans sonlivre des interrogatoires d'unnombre conséquent d'hommesayant servi dans les SS, la Gestapo,les diverses polices, l'administra-tion militaire. Disons d'emblée que"interrogatoire" n'est pas synony-me de jugement, encore moins dechâtiment. L'auteur n'indique pasd'ailleurs qui a été condamné.Disons donc que fort peu le furentet que ceux qui le furent ont viteété relâchés.Leur lignes de défense ont étéétrangement semblables : Personnen'a eu connaissance de l'assassinatdes déportés juifs, jusqu'à la chutede l'Allemagne nazie. Très peuadmettent avoir entendu le nomd'Auschwitz et ceux-là disent avoirignoré ce qui s'y passait. Même legarde SS qui a "accompagné" plu-sieurs trains de déportés jusqu'àAuschwitz même "n'a rien su de cequi s'y passait", tout en admettantqu'il avait parfois éprouvé un cer-tain malaise.Le nommé Friedrich Merdsche(sic), en poste à Dijon avant d'assu-mer les fonctions de Kommandeurde la Police SS à Orléans, affirmeavoir éprouvé parfois quelquesinterrogations sur le sort des Juifsdéportés - sans savoir au juste cequi pouvait leur être arrivé. Ce per-sonnage a été condamné à mort parun tribunal militaire français - maispar contumace. En Allemagne,plusieurs juridictions l'ont interro-gé et, l'une après l'autre, ont pro-

Histoire

publicité autour de ce procès,oeuvre de Klarsfeld, a sûrementcontribué à leur condamnation.Celà dit, ces personnages ontretrouvé la liberté.Personnellement, l'auteur de cettechronique constate qu'aucune ins-tance juridique ouest-allemanden'a cru devoir condamner aucun deces personnages pour faux témoi-gnage. Ahlrich Meyer mentionnecependant un phénomène d'oublicollectif et de refoulement - nonseulement chez ces criminels, maisde la société allemande en tant quetelle. C'est peut-être un des élé-ments ayant permis la transforma-tion de l'Allemagne en un paysdémocratique. C'est son opinion.

(1) Täter im Verhör. Die “Endlösung derJudenfrage” in Frankreich 1940-1944.Wissenschaftlice Buchgesellschaft,Darmstadt, 2005. 470 pages, dont 112pages de notes.

Georg Bönisch évalue lenombre d'exécutants, pla-nificateurs et exécutants de

la Shoah à 250 000 environ,hommes et femmes. Il y en eut augrand maximum 60 000 traduitsdevant des tribunaux polonais,yougoslaves, tchécoslovaques,israéliens.Dans l'Allemagne de l'Est, il n'y eneut que 12 291, à l'Ouest 6 498seulement, dont un petit millierpour des homicides; 438 d'entreeux furent condamnés à la déten-tion perpetuelle.Mais bien vite la "guerre froide"éclate. Les Alliés occidentaux esti-ment avoir besoin d'une arméeallemande . Les derniers procès decriminels de guerre en zone améri-caine sont bâclés, les condamnés -à des peines souvent dérisoires -relâchés. Il n'en reste aucun en pri-son en 1954.La France aussi libère "ses" crimi-nels de guerre nazis, suite aux sug-gestions aussi amicales qu'insis-tantes du chancelier fédéral KonradAdenauer. Enfin, une loi autoriseceux qui avaient changé de nompour échapper à la justice, à regula-

riser leur situation. Il y eut aussi denombreux cas où des criminels sesont faits passer pour morts, avantde resurgir avec une nouvelle identi-té - et souvent d'épouser leurs soi-disant "veuves" !

Ce qui permet au nommé "BrunoAlbrecht" d'être hospitalisé en1957 à Darmstadt. Quand il décè-de, on s'apperçoit qu'il s'agissait deFritz Katzmann. Haut placé dans lahiérarchie SS, Katzmann a com-mandé la mise à mort des 400 000Juifs de Galicie.

Un autre cas: Anton Burger, prochecollaborateur d'Adolf Eichmann etcommandant du camp deTheresienstadt (entre autres). Ilavait assumé au moins huit identi-tés différentes. Il a été démasquésous l’identité de Wilhelm Bauer.Non lieu : Wilhelm Bauer étaitmort depuis deux ans et enterré aucimetière de Essen....

On le savait, en gros, mais dejeunes historiens allemandsfouillent les coins les plus sombresdu passé nazi.

On ne peut que leur souhaiter BON COURAGE !

ETENDUE DE LA SHOAH ...Quelques chiffres extraits de l’article AMNESIE ET AMNISTIE

de Georg Bönisch publié dans le n° 2/2006 de notre confrère DER SPIEGEL

LA PRESSE NOUVELLE

Magazine Progressiste Juifédité par l’U.J.R.E.

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Bernard Frédérick,Nicole Mokobodzki,

Tauba-Raymonde StaroswieckiRoland Wlos

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Directeur de la Publication :(Intérim Lucien STEINBERG)

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Tarif d’abonnement :France et Union européenne:

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IMPRIMERIE DE CHABROLPARIS

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faites-en moi parvenir une copie (carnets militaires, courriers fami-liaux).Et si vous êtes passés par Bedeau,nous avons besoin de votre témoi-gnage pour que votre mémoire soitconservée et que votre histoire soitconnue et enfin reconnue. Jeremercie tous ceux qui nous aide-ront à mettre en lumière cette his-toire.Paroles d'Hommes et de Femmes;Frederic Praud 10 rue Lamblardie75012 Paris 01 43 46 86 59 ou bien06 32 53 16 06 [email protected]

ger des deux côtés de la barrière.Poursuivant ses investigations jusqu'àJenin, où il a vécu son enfance, Aminerencontre un cousin éloigné, jeune

militant dont il voit clairement lemessage mais en se sentant inca-pable d'y accéder.Quelques heures plus tard lesbulldozers israéliens rasent lamaison de sa famille. Le jeunehomme vient à son tour de sefaire exploser. Abasourdi par ce

qu'il vient de découvrir, Amine tente-ra au sortir d'une mosquée d'appro-cher l'iman dont il soupçonne lesprêches d'avoir fanatisé sa femme,Simon et le garçon…En donnant à ce roman une dimensionexceptionnelle, Yasmine Khadra ana-lyse avec colère cet énorme gâchis.Dans l'Attentat, les terroristes sontregardés comme des extraterrestres,morts vivants, ayant renoncé à tout…Entre blessure et culpabilité, l'auteurdépeint la recherche d'un idéalisteanéanti, de Bethléem à Jérusalem : Jeveux juste comprendre comment lafemme de ma vie m'a exclu de la sien-ne, comment celle que j'aimais commeun fou a été plus sensible au prêchedes autres, plutôt qu'à mes poèmes.Ce livre s'apparente à une véritabletragédie antique avec son hérosconfronté à des contradictions qui l'as-saillent et le dépassent.Dans son livre, Yasmina Khadradonne la pleine mesure de son talentpétri d'un humanisme lucide en fai-sant notamment référence à la devisedu père d'Amine, le personnage cen-tral de ce roman : Si tu pars du princi-pe que ton pire ennemi est celui là-même qui tente de semer la hainedans ton cœur tu auras connu la moi-tié du bonheur.

(*) L'attentat, Yasmina Khadra,Ed.Julliard, 2005, 268 p., 18 .

Roland Wlos

Au fil de ses livres YasminaKhadra s'affirme être un desgrands littérateurs franco-

phones contemporains. On sait mainte-nant, que sous ce pseudonyme(le nom de son épouse) se cachel'ancien officier de l'armée algé-rienne Mohamed Moulessehoul.Dans son pays saigné par lescrimes intégristes et la violenced'Etat, il risquait, en effet, depayer chèrement son indépen-dance d'esprit.Depuis ses deux premiers romans Lesagneaux du seigneur (1958) et A quoirêvent les loups (1999), et après unetrilogie de romans policiers consacrésà la dénonciation de la barbarie inté-griste et de la corruption (Morituri,Double blanc, L'automne des chi-mères), il révéla sa véritable identitédans un récit autobiographiqueL'écrivain. Par la suite il publiaL'imposture des mots et un roman ren-dant hommage aux femmes afghanesL'Hirondelle de Kaboul.Aujourd'hui avec L'attentat, le voilà àTel Aviv où le docteur Amine opèresans discontinuer les innombrablesvictimes d'un attentat atroce survenudans un restaurant bondé. Rentré chezlui, dans un quartier huppé de Tel Avivle docteur Amine israélien d'originearabe est appelé d'urgence à l'hôpital.Et là, stupeur, il découvre que le kami-kaze qui avait dissimulé une bombesous une robe de grossesse était safemme.A ce moment l'arabe israélien modèle,chirurgien apprécié et respecté, rede-vient le fils du bédouin naturellementsuspect. Libéré, il veut comprendre cequi a pu pousser son épouse bienaimée à ce geste, alors qu'il pensaitqu'elle était partie rendre visite à safamille. Lui dont le sens de l'existenceest voué entièrement à la vie ne peutadmettre que celle avec qui il croyaitpartager les mêmes valeurs huma-nistes ait pu sacrifier la sienne poursemer la mort. Face à cet acte incon-cevable il a les réactions d'un maritrompé. Il part alors pour les territoiresdans l'intention de remonter la pistefatale et de démasquer les commandi-taires du suicide. Là se révèle ce qu'ilavait oublié, trop préoccupé par saréussite sociale et son confort matériel. De l'autre côté de la frontière aprèsd'interminables check points ildécouvre un autre monde, un mondede désolation. Lui qui conçoit qu'il n'ya pas de bonheur sans dignité etaucun rêve possible sans liberté, setrouve devant une réalité ne laissantaucune place à l'espoir. Face à ceconstat il mesure combien il est étran-

LIVRES

L’ATTENTAT* de Yasmina Khadra

Conférences

Avis de recherche

Biographe travaillant sur le campd'internement de Bedeau, installéen Algérie en 1942, 1943 sousGiraud et la France libre, recherchedes témoins (en France et ailleurs)susceptibles d'apporter leur contri-bution à l'écriture de cette paged'histoire. La quasi majorité destémoins ont aujourd'hui plus de 80ans pour les plus jeunes, si votrepère est passé par ce camp mis enplace par l'armée française del'époque, nous devons conserverson témoignage. Si vous avez desdocuments à votre disposition

Camp d’internement de BEDEAU

Sophie Schwartz et ... ?

Connaissez-vous cette photo ?Pouvez-vous nous aider à préciser lelieu où elle a été prise ? et de quiSophie Schwartz (2ème femme assiseen partant de la droite) est entourée ?

Si vous les avez connus, quels sontleurs noms, leurs activités de

Résistance pendant la guerre ?

Merci de contacter la rédaction (Tel 0147706216, fax : 0145239000)car votre témoignage pourra ainsialimenter le dossier que nousconsacrerons au centenaire deSophie Schwartz. PNM

Centre MEDEM*

Mardi 24 janvier 2006 à 20h30

Dans les pas d’Hannah ArendtLaure ADLER

Débat animé par Henri Stanke

Le 4 décembre 1975, HannahArendt, une des grandes figuresintellectuelles du 20e siècle mourait.

Laure Adler, ancienne directrice deFrance Culture, retrace la vie decette femme engagée pour les droitsde l’homme et penseuse de l’anti-totalitarisme dans son livre paruchez Gallimard.

Cette biographie nous éclaire égale-ment sur les relations amoureusesd’Hannah Arendt, avec notammentMartin Heideger.

(*) 52 rue René Boulanger Paris 10°

Tél. : 01 42 02 17 08MCY*

Le yiddish aux États-UnisCycle de 6 conférences

en français de Philippe Boukara

Mardi 10 janvier 2006 à 20h301. Les immigrations juives auxÉtats-Unis - leur histoire et leurgéographie. Deux milieux aty-piques : agriculteurs et bandits

Mardi 31 janvier 2006 à 20h302. Les sociétés d'originaires et lemouvement ouvrier. L'expérience dela Kehila new-yorkaise (1908-1922)P. A. F. Cycle de 6 conférences : 20 .Membres: 15 . Une conférence: 4 .Membres: 3 . Conférences gratuitespour les personnes inscrites au coursde yiddish.

(*) Réservation souhaitable au:

Qi gongLes stages d’arts internes chinois dupremier semestre 2006 auront lieuchaque premier samedi du mois, de10h à 18h. en salle Kenig, les :

7 janvier, 4 février, 4 mars,1er avril, 6 mai et 3 juin.

Les amis de l'UJRE y sont bien sûr toujours les bienvenus.Contacter Serge Mairet au 06 74 49 63 00

Yoga

Les cours du lundi soir (19h à 21h)ont repris le lundi 2 janvier. Contacter François Forge : 06 14 27 29 47

Activités

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Quel étrange pouvoir a leprintemps. Une nuit deprintemps, on va s'asseoir

seul sur un banc, dans un jardin, àcontempler la lune faire sa rondemajestueuse et fière dans le vasteinfini du ciel bleu, et l'on se senttout chose. Une lancinante nostal-gie vous étreint la poitrine etdevant vos yeux défilent de loin-taines images et scènes vécuesdepuis longtemps oubliées, si poi-gnantes que le cœur se serre et pèselourd à ne pouvoir le supporter. Etpourtant, on n'a aucune envie departir. On voudrait rester ainsi pourl'éternité, en cette humeur oppres-sée et en même temps agréable etplaisante. Et quand l'horloge vousrappelle qu'il est déjà très tard, aumoment de partir, vous avez l'im-pression de laisser dans cette alléesilencieuse quelque chose de trèsproche et très cher, que l'on ne peutemmener avec soi.Cela m'arrive bien souvent au prin-temps. Aujourd'hui c'est à nouveaule printemps et me voici toute lajournée enfermé dans l'étouffanteatmosphère de l'atelier. Mais sitôtle travail fini, je vais m'asseoir jus-qu'au cœur de la nuit dans un jar-din, à songer et penser. Je pense àbien des choses, mais surtout à mavie écoulée, à tous mes jours etmes années disparus.Le soir est frais et il y a peu demonde dans le jardin, si bien que jene suis dérangé par personne. Il merevient en mémoire des images demon lointain passé, des événementsqui m'ont formé, ont changé ma vieet scellé à jamais mon destin.A mes yeux se présente une scènequi s'est passée il y a vingt-cinqans, dans mon village natal. J'avaisalors une quinzaine d'années.

Un combattant de la liberté

C'est le printemps. Vendredi soir.Tout le shtetl est sur pied. On sechuchote à l'oreille de l'un à l'autre.Tout le monde sait, et pourtant cha-cun pense que c'est un secret... Surles murs de la maison de prière, ona collé des tracts ! La police les adéjà arrachés. Qui sait ce qui va sepasser maintenant ! Dans tout leshtetl, il n'en est qu'un dont onparle depuis longtemps déjà, on ditqu'il ne croit pas en Dieu et fait

Bineml, le fils de rabbi MoteleShloïmè Palant

Schloïmè Palant , né en 1888, à Przytyk, près de Radom, en Pologne, est mort à Paris en 1933. Il collaborait régulièrement, à larevue yiddish paraissant à New York, “Freie Arbeiter Stimme”, l’organe des anarchistes. Nous reproduisons ci-dessous cet article paru en 1928,à l’occasion du 6ème anniversaire de la mort de Bineml. Il y a quelques mois, cet article a été retrouvé dans la bibliothèque yiddish d’Amsterdam par unejeune journaliste française. Sa traduction est dûe à Madame Batia Baum dont le père a été fusillé en France par les nazis. Nous remercions notre ami Charles Palant denous avoir transmis ce texte de son père que nous publierons sur deux numéros de la PNM.

tout ce qui est interdit : il travaillele jour du shabbat, il lit des livresprofanes et des brochures, il parlecontre l'empereur... Et tous saventque celui-là est Bineml, le fils derabbi Motele. Il est même allé pas-ser tout un semestre à Lodz, à lagrande ville, et il n'y a pas long-temps en effet qu'il est revenu...C'est bien fait pour lui ! Il n'avaitqu'à ne pas propager de telles idées ! Comment est-ce possible, pour unenfant juif ? C'est une honte, unehonte pour tout le shtetl, et c'estpitié pour son père. Car ce n'est pasn'importe qui, Rabbi Motele ! UnJuif si pieux, si scrupuleux !Comment va-t-il supporter pareillehonte !De tels propos circulent de boucheà oreille. Tous sont là sur la placedu marché, et tous causent, pour seréjouir ou déplorer...Mais tout à coup, on se met à cou-rir ! La plupart fuient chez eux,mais d'autres courent dans uneautre direction, vers la ruelle nonloin de la shule* où demeure RabbiMotele.Moi, je cours avec eux dans cettedirection. Là-bas, au bout de la rue,on voit déjà luire les rangs de bou-tons dorés des uniformes. Je coursplus vite, je veux voir de mes yeuxcomment on l'emmène. Je mepousse à travers la foule et jette uncoup d'œil par un carreau dans lamaison où sont déjà entrés les poli-ciers. Tout est renversé, sens des-sus dessous... La mère pleure, crieet supplie. Le père n'est pas là, ilest comme toujours à la maison deprière. Mais tout ce que je veux,c'est voir Bineml, je veux voircomment il pleure à présent...Mais quoi, qu'est-ce que c'est ?Regardez comme il est calme ! Jem'approche de la fenêtre pourmieux voir et l'observe de plusprès. Son visage est pâle, mais sesyeux brillent, comme d'une lueurde joie... Oui, je le vois clairementsourire ! Il s'habille, met des habitsde ville, se peigne avec soin,comme pour aller à un bal. Je l'en-tends prier sa mère de se tranquilli-ser. Et quand il sort par la porteentre deux gendarmes, il salue ensouriant les badauds attroupés etmarche d'un pas fier au milieu deson escorte d'accompagnateurs,

devant lesquels tous fuient tels deslièvres apeurés. Je les suis un boutde chemin, je veux voir quelquechose. Les gendarmes veulent l'em-mener par une arrière-ruelle mais illeur explique que par là, il y a desmares de boue et qu'il vaut mieuxpasser devant, par le marché.Ils finissent par disparaître au loin.

Il n'est pas resté longtemps en pri-son. Les plus riches notables sesont évertués à le faire libérer. Ilsl'ont fait pour Rabbi Motele. Maismoi, plus rien d'autre ne m'intéres-sait. Je ne pensais qu'à l'attitude deBineml. A son calme, à ses yeuxrayonnants. Non, un criminel nepeut se conduire ainsi, ai-je résolu.J'ai longtemps nourri ces pensées.Tout le reste a commencé à meparaître mesquin, absurde, sansintérêt face à son attitude. Lesgens, tous petits, de minusculesvermisseaux piètres et apeurés enregard de lui. J'ai perdu le repos,j'avais sans cesse l'image deBineml devant les yeux. Bineml etses yeux brillants, son audace etson sourire fier, et une sorte deforce incompréhensible m'attiraitvers lui.Je ne pouvais rester longtemps enplace. Il me manquait quelquechose, et je recherchais sans cessece "quelque chose". Sans savoirmoi-même ce qui me manquait etque je cherchais.Je suis resté un bon moment danscet état, jusqu'à ce qu'un jour, étantallé me promener hors du shtetl, jerencontre Bineml. Il marchait seul,absorbé dans ses pensées. Une

force secrète m'a poussé vers lui.Je suis allé à lui hardiment, commevers un vieil ami, la main tendue.Quelques instants nous noussommes regardés tous les deux,comme en un temps suspendu.Finalement il m'a demandé:- C'est moi que vous saluez ou malibération?J'ai balbutié à grand peine:J'admire votre courage...J'ai encore dit quelques mots, cher-chant à lui exprimer mes senti-ments. Il m'a parfaitement com-pris, et m'a pris par le bras etentraîné à marcher avec lui. Nousavons marché tous deux longtempsà travers la verte campagne printa-nière, et il a beaucoup, beaucoupparlé. Des mots nouveaux pourmoi, inconnus. Il m'a parlé de com-bat et d'amour, d'esclavage et deliberté, d'exploitation et d'égalité. Etje comprenais si peu, j'entendaisseulement des phrases isolées, sanssuite, sans lien, et pourtant chaquemot, avec une force inconcevable,me captivait et m'envoûtait. Je me suis senti totalement changé,désormais je ne suis plus le mêmeet ne pourrai plus être le même. Età chaque instant il me devient deplus en plus clair que c'en est finide la vie que j'ai menée jusqu'ici, etque commence pour moi une vienouvelle. Et cette nouvelle vie inconnuem'attire et m'effraye à la fois, d'unemême force. Et comme dans unbrouillard, j'entends à présent lesparoles de Bineml. Il me parle degrands mouvements de masses, dedéfilés cernés par la police, d'in-nombrables victimes et martyrs, dece beau monde nouveau qui va sur-venir après la victoire finale de larévolution. Et marchant ainsiensemble, je me suis moi-mêmemesuré, j'ai mesuré mes forces etmes capacités, et j'avais envie depleurer en voyant que je n'étais pasen mesure d'aider à ce combat,pour cela il fallait être Bineml etposséder sa stature, son poids etson courage.Je vous serai toujours reconnais-sant ! - l'ai-je assuré, en tenant samain au moment de nous séparer...

(suite au prochain numéro)

(*) Shule : littéralement école. Lieu deprières, synagogue

Dos shtetl de Z. Tolkatshov (Varsovie: "Dos naye lebn", l946.)

Facsimiles des tableaux de Tolkatshov Sholem Aleichem et personnages de son oeuvre

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