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L’ECHO MARDI 19 JANVIER 2016 13 Opinions La Corée du Nord a annoncé début jan- vier le succès (qu’il soit avéré ou non) de son test de bombe à hydrogène. Le pays le plus fermé et le plus secret au monde semble avoir décidé de redoubler d’ef- forts en matière de communication in- ternationale en 2016. D ans un message de vœux pré- senté en français et diffusé dans une vidéo officielle de «La Voix de la Corée» il y a quelques jours (vidéo rediffusée récemment par Le Petit Journal sur la chaîne française Canal +), deux présentateurs nord-coréens met- tent en exergue une situation et un avenir prometteurs pour le pays tout en présen- tant aux auditeurs francophones leurs vœux pour la nouvelle année. Désignant les moyens mis en œuvre par des États dans le but de diffuser des mes- sages s’appuyant sur des éléments notam- ment idéologiques, l’objectif du soft power est de développer une influence sur la scène internationale en s’appuyant, no- tamment, sur le pouvoir des médias de masse. Divers pays ont mis en place, depuis de nombreuses années, des stratégies de com- munication internationale, s’appuyant sur des médias financés par l’État. La maîtrise des flux d’information au niveau interna- tional présente en effet une importance réelle en termes d’image pour les pays, mais également en matière de positionne- ment sur la scène mondiale et, de fait, d’in- fluence géopolitique. Plusieurs pays, y compris en Asie, ont ainsi compris les enjeux qui sous-tendent de telles stratégies (la Chine en est un exemple probant*). La Corée du Nord s’es- saie-t-elle à un soft power via ses canaux médiatiques? Un service de radiodiffusion internationale nord-coréen Créé en 1945, le service de radiodiffusion nord-coréen «La Voix de la Corée» appar- tient à l’État nord-coréen. Véritable chaîne d’informations, diffusant aujourd’hui, en dehors du coréen, en plusieurs langues étrangères, dont l’anglais, l’allemand, l’es- pagnol ou encore le français, «La Voix de la Corée» cible ainsi de plus en plus les pu- blics étrangers pour diffuser des messages favorables au régime nord-coréen. Le site reprend entre autres, je cite le site web, les «grandes réalisations sous la di- rection du maréchal Kim Jong Un», qui, je cite à nouveau, «conduit le peuple coréen à la vic- toire finale». L’objectif vise évidemment à redorer l’image du pays sur la scène inter- nationale, à diffuser des messages favora- bles au régime. D’autres canaux de communication sont utilisés par le gouvernement nord-co- réen, comme par exemple l’agence cen- trale de presse nord-coréenne KCNA (Ko- rean Central News Agency), dont les dé- pêches quotidiennes sont transmises non seulement en coréen mais également dans d’autres langues (en particulier l’anglais). Une part importante des informations destinées à une audience internationale provient de cette agence. C’est d’ailleurs via cette agence officielle que la Corée du Nord a annoncé, le 6 janvier dernier, le succès de son premier lancement de bombe à hydrogène. Modernisation progressive de la communication Visant principalement à faire l’apologie du régime et de son leader, force est de constater que les médias nord-coréens se modernisent dans leurs formes, mais éga- lement dans leur portée. Les moyens tech- niques ont évolué et la couverture satellite s’est étendue à de nouveaux pays. KCTV (Korean Central Television) est ainsi au- jourd’hui accessible sur plusieurs conti- nents, dont l’Europe. La modernisation de la communication du régime est également visible sur inter- net. Rodong Sinmun, le journal du parti unique, dispose depuis quelques années d’un site web. La portée des messages dé- passe donc aujourd’hui largement les frontières nord-coréennes. Si les efforts en matière de communica- tion internationale sont réels, la visibilité, l’efficacité voire la cohérence et la crédibi- lité des messages du régime restent un au- tre débat… * Lire L’Echo du 10/02/15 «Offensive médiatique de la Chine et paradoxes du soft power chinois» Visant principalement à faire l’apologie du régime et de son leader, force est de constater que les médias nord-coréens se modernisent dans leurs formes, mais également dans leur portée. STÉPHANIE HENG Experte en communication, membre du PRe- CoM (Pôle de Recherches sur la Communica- tion et les Médias) – Université Saint-Louis de Bruxelles Les premiers pas vers un soft power nord-coréen? KCTV (Korean Central Television) est aujourd’hui accessible sur plusieurs continents. © AFP

Premiers pas vers un soft power nord-coréen ?

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Page 1: Premiers pas vers un soft power nord-coréen ?

L’ECHO MARDI 19 JANVIER 2016 13

Opinions

La Corée duNord a annoncédébut jan-vier le succès (qu’il soit avéré ounon) deson test de bombe àhydrogène. Le paysle plus fermé et le plus secret aumondesemble avoir décidéde redoubler d’ef-forts enmatière de communication in-ternationale en 2016.

D ans unmessage de vœuxpré-senté en français et diffusé dansune vidéo officielle de «La Voixde la Corée» il y a quelques

jours (vidéo rediffusée récemment par LePetit Journal sur la chaîne française Canal+), deux présentateurs nord-coréensmet-tent en exergue une situation et un avenirprometteurs pour le pays tout enprésen-tant aux auditeurs francophones leursvœuxpour la nouvelle année.

Désignant lesmoyensmis enœuvre pardes États dans le but de diffuser desmes-sages s’appuyant sur des éléments notam-ment idéologiques, l’objectif du soft powerest de développer une influence sur lascène internationale en s’appuyant, no-tamment, sur le pouvoir desmédias demasse.

Divers pays ontmis enplace, depuis de

nombreuses années, des stratégies de com-munication internationale, s’appuyant surdesmédias financés par l’État. Lamaîtrisedes flux d’information auniveau interna-tional présente en effet une importanceréelle en termes d’image pour les pays,mais également enmatière de positionne-ment sur la scènemondiale et, de fait, d’in-fluence géopolitique.

Plusieurs pays, y compris enAsie, ontainsi compris les enjeux qui sous-tendentde telles stratégies (la Chine en est unexemple probant*). La Corée duNord s’es-saie-t-elle à un soft power via ses canauxmédiatiques?

Un service de radiodiffusioninternationale nord-coréenCréé en 1945, le service de radiodiffusionnord-coréen «LaVoix de la Corée» appar-tient à l’État nord-coréen. Véritable chaîned’informations, diffusant aujourd’hui, endehors du coréen, en plusieurs languesétrangères, dont l’anglais, l’allemand, l’es-pagnol ou encore le français, «La Voix de laCorée» cible ainsi de plus enplus les pu-blics étrangers pour diffuser desmessagesfavorables au régimenord-coréen.

Le site reprend entre autres, je cite le

siteweb, les «grandes réalisations sous la di-rection dumaréchal Kim JongUn», qui, je citeà nouveau, «conduit le peuple coréen à la vic-toire finale». L’objectif vise évidemment àredorer l’image dupays sur la scène inter-nationale, à diffuser desmessages favora-bles au régime.

D’autres canauxde communicationsont utilisés par le gouvernement nord-co-réen, commepar exemple l’agence cen-trale de presse nord-coréenneKCNA (Ko-reanCentral NewsAgency), dont les dé-pêches quotidiennes sont transmises nonseulement en coréenmais également dansd’autres langues (enparticulier l’anglais).

Une part importante des informationsdestinées à une audience internationaleprovient de cette agence. C’est d’ailleurs viacette agence officielle que la Corée duNord a annoncé, le 6 janvier dernier, lesuccès de sonpremier lancement debombe àhydrogène.

Modernisationprogressivede la communicationVisant principalement à faire l’apologie durégime et de son leader, force est deconstater que lesmédias nord-coréens semodernisent dans leurs formes,mais éga-lement dans leur portée. Lesmoyens tech-niques ont évolué et la couverture satellites’est étendue à denouveauxpays. KCTV(KoreanCentral Television) est ainsi au-jourd’hui accessible sur plusieurs conti-nents, dont l’Europe.

Lamodernisationde la communicationdu régime est également visible sur inter-net. Rodong Sinmun, le journal dupartiunique, dispose depuis quelques annéesd’un siteweb. La portée desmessages dé-passe donc aujourd’hui largement lesfrontières nord-coréennes.

Si les efforts enmatière de communica-tion internationale sont réels, la visibilité,l’efficacité voire la cohérence et la crédibi-lité desmessages du régime restent un au-tre débat…

* Lire L’Echo du 10/02/15 «Offensivemédiatique dela Chine et paradoxes du soft power chinois»

Visantprincipalement àfaire l’apologiedu régimeetde son leader, force estde constaterque lesmédiasnord-coréens semodernisentdans leursformes,mais égalementdans leurportée.

STÉPHANIE HENG

Experte encommunication,membreduPRe-CoM(PôledeRecherches sur laCommunica-tionet lesMédias)–UniversitéSaint-LouisdeBruxelles

Lespremierspas versunsoftpowernord-coréen?

KCTV (Korean Central Television) est aujourd’hui accessible sur plusieurs continents. © AFP