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Emploi et handicap : la France sur la bonne voie Non, la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’emploi des travailleurs handicapés. Certes, il reste beaucoup à faire, mais la loi de 2005 commence à produire ses effets et l’hexagone fait figure de très bon élève au sein de l’Union européenne. Le point sur les réelles avancées et ce qu’il reste à améliorer. Bonne nouvelle, les contributions perçues par l’Agefiph ne cessent de diminuer ! « Nous sommes sûrement les seuls, mais nous ne pouvons que nous réjouir de la baisse de notre chiffre d’affaires, car cela signifie que les entreprises embauchent davantage de travailleurs handicapés », explique Tanguy du Chéné, président de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées. En effet, la loi de 2005 1 a impulsé de nombreuses actions concrètes : aujourd’hui, les grandes entreprises ont presque toutes leur Mission Handicap, les responsables ressources humaines planchent sur l’intégration des salariés handicapés, les partenariats avec les associations se multiplient... Tanguy du Chéné classe même la France parmi les leaders européens sur la question. « La loi de 2005 représente une réelle avancée, tant sur le plan pratique que sur le plan culturel », confirme Isabelle Reste, chargée de mission à la direction de la stratégie de l’ANPE. La création des Maisons départementales des personnes handicapées, qui regroupent différents acteurs de l’insertion professionnelle, le partenariat ANPE/réseau Cap Emploi, la formation à l’accueil des personnes handicapées de tous les conseillers ANPE (contre un référent unique par agence auparavant)... sont autant de mesures qui témoignent à ses yeux d’une véritable « prise de conscience qu’il faut faire plus et mieux ». Le déficit le plus important : la formation Mais il y a parfois plus d’un pas, de la prise de conscience à la prise d’effet. Si les efforts des grandes entreprises en général, des secteurs de la construction et de l’industrie, ou encore de l’intérim – qui se révèle un excellent outil d’intégration – sont souvent soulignés, le secteur tertiaire, qui privilégie la contribution financière à l’embauche, ou les entreprises de 20 à 49 salariés, dont la moitié seulement emploie des salariés handicapés 2 , sont en revanche montrés du doigt. Pourtant, Tanguy du Chéné tempère : « plus on est petit, plus c’est difficile, surtout quand on a besoin de compétences pointues. Parmi les 27% d’entreprises assujetties qui ne comptent aucun salarié handicapé, la majorité sont simplement dans l’impossibilité de 1 Afin d’inciter les entreprises à recruter davantage de travailleurs handicapés, la loi du 11 février 2005 a augmenté de 20% la contribution de celles qui n’atteignent pas leur quota (6%). Elle a par ailleurs multiplié par 2,5 les cotisations de celles qui n’auraient ni employé, ni sous-traité, ni conclu un accord sur une période de trois ans. 2 Source : Dares, L’emploi des travailleurs handicapés dans les établissements de 20 salariés ou plus : bilan de l’année 2005, décembre 2007.

Dossier Emploi Handicap

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Non, la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’emploi des travailleurs handicapés. Certes, il reste beaucoup à faire, mais la loi de 2005 commence à produire ses effets... /Octobre 2008

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Emploi et handicap : la France sur la bonne voie

Non, la France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’emploi des travailleurs handicapés. Certes, il reste beaucoup à faire, mais la loi de 2005 commence à produire ses effets et l’hexagone fait figure de très bon élève au sein de l’Union européenne. Le point sur les réelles avancées et ce qu’il reste à améliorer.

Bonne nouvelle, les contributions perçues par l’Agefiph ne cessent de diminuer ! « Nous sommes sûrement les seuls, mais nous ne pouvons que nous réjouir de la baisse de notre chiffre d’affaires, car cela signifie que les entreprises embauchent davantage de travailleurs handicapés », explique Tanguy du Chéné, président de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées. En effet, la loi de 20051 a impulsé de nombreuses actions concrètes : aujourd’hui, les grandes entreprises ont presque toutes leur Mission Handicap, les responsables ressources humaines planchent sur l’intégration des salariés handicapés, les partenariats avec les associations se multiplient... Tanguy du Chéné classe même la France parmi les leaders européens sur la question. « La loi de 2005 représente une réelle avancée, tant sur le plan pratique que sur le plan culturel », confirme Isabelle Reste, chargée de mission à la direction de la stratégie de l’ANPE. La création des Maisons départementales des personnes handicapées, qui regroupent différents acteurs de l’insertion professionnelle, le partenariat ANPE/réseau Cap Emploi, la formation à l’accueil des personnes handicapées de tous les conseillers ANPE (contre un référent unique par agence auparavant)... sont autant de mesures qui témoignent à ses yeux d’une véritable « prise de conscience qu’il faut faire plus et mieux ».

Le déficit le plus important : la formation

Mais il y a parfois plus d’un pas, de la prise de conscience à la prise d’effet. Si les efforts des grandes entreprises en général, des secteurs de la construction et de l’industrie, ou encore de l’intérim – qui se révèle un excellent outil d’intégration – sont souvent soulignés, le secteur tertiaire, qui privilégie la contribution financière à l’embauche, ou les entreprises de 20 à 49 salariés, dont la moitié seulement emploie des salariés handicapés2, sont en revanche montrés du doigt. Pourtant, Tanguy du Chéné tempère : « plus on est petit, plus c’est difficile, surtout quand on a besoin de compétences pointues. Parmi les 27% d’entreprises assujetties qui ne comptent aucun salarié handicapé, la majorité sont simplement dans l’impossibilité de recruter ». De plus, un vrai problème d’incompatibilité entre l’offre et la demande persiste : 81% des personnes handicapées possèdent un diplôme de niveau CAP-BEP, contre 60% pour l’ensemble de la population. « Changer le niveau de qualification est la clef de voûte du progrès », insiste le président de l’Agefiph, pour qui le chantier le plus important demeure l’élévation du niveau de formation.

Plus motivés et plus impliqués que les personnes valides

Pour mieux répondre aux exigences du marché de l’emploi, et partant du constat que 68% des personnes handicapées ayant suivi une formation trouvent un emploi dans les six mois, l’Agefiph a lancé Handicompétences en 2006. L’opération, qui mobilise

1 Afin d’inciter les entreprises à recruter davantage de travailleurs handicapés, la loi du 11 février 2005 a augmenté de 20% la contribution de celles qui n’atteignent pas leur quota (6%). Elle a par ailleurs multiplié par 2,5 les cotisations de celles qui n’auraient ni employé, ni sous-traité, ni conclu un accord sur une période de trois ans.

2 Source : Dares, L’emploi des travailleurs handicapés dans les établissements de 20 salariés ou plus : bilan de l’année 2005, décembre 2007.

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60 millions d’euros, vise à définir une offre de formation adaptée. Certaines entreprises, à l’instar de la Société Générale (cf. encadré), font même le choix de former elles-mêmes leurs nouvelles recrues handicapées. Et peu à peu, les craintes traditionnelles des employeurs (charge supplémentaire, risque de ralentissement de la productivité...) cèdent la place à un regard plutôt admiratif : « la plupart du temps, les travailleurs handicapés se révèlent plus motivés et plus impliqués que les personnes valides, car ils veulent démontrer qu’ils n’ont pas été recrutés en raison de leur handicap, mais pour leurs compétences », explique Tanguy du Chéné. Autres aptitudes très appréciées : une grande capacité d’adaptation et un sens relationnel hyper développé.

Au cours de la conférence nationale sur le handicap qui s’est tenue le 10 juin dernier, Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il voulait porter un « plan de civilisation » dont les trois priorités seront l’éducation, l’emploi et l’accessibilité. Le président, qui s’insurge contre ceux qui préfèrent payer une contribution plutôt qu’embaucher, estime qu’il s’agit là d’un refus d’engagement citoyen. En outre, la loi Handicap sera plus coercitive dès 2010, avec des sanctions pécuniaires revues à la hausse.

Priscilla Franken

« Mettre l’accent sur la formation est primordial »,Bernard Cauchy, responsable Mission Handicap pour la Société Générale

Fin 2007, la Société Générale s’engageait à recruter 40 travailleurs handicapés par an et créait une Mission Handicap. Son responsable, Bernard Cauchy, se félicite des

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premiers résultats obtenus : 60 recrutements réalisés à ce jour. À ses yeux, la formation est certainement le meilleur vecteur d’insertion qui soit.

Pourquoi avoir mis sur pied un programme de formation spécifique ?

Plus de 80% des personnes recrutées par la Société Générale sont titulaires d’un Bac+2 et plus. Or, parmi les travailleurs handicapés sur le marché, 80% ont un niveau Bac ou en-dessous. Ce programme nous permet donc de les recruter sur la base de leurs compétences, puis de les former à nos métiers. Mettre l’accent sur la formation est primordial, c’est pourquoi nous multiplions aussi les partenariats avec les écoles et les universités, afin d’aider les étudiants handicapés à poursuivre leurs études.

Quels sont vos autres objectifs prioritaires ?

Le maintien dans l’emploi, avec la prise en charge de certains frais liés à l’apparition d’un handicap (achat d’un appareil auditif, par exemple), et le développement de partenariats avec le milieu protégé. Nous agissons aussi pour faciliter l’intégration au sein de l’entreprise, notamment via une vaste opération de sensibilisation de tous nos managers, et la mise en place de tutorats.

Comment fonctionnent-ils ?

Le tuteur accompagne le nouvel arrivant, et s’occupe de tous les problèmes qu’il rencontre. Je suis ravi de constater que beaucoup de nos salariés proposent leur aide... le regard sur le handicap évolue dans le bon sens, j’en suis convaincu.

« J’ai recruté Garance en fonction de ses compétences uniquement »,Jean de Béon, directeur général de la concession BMW Normandy Avenue

Jean de Béon, directeur général de la concession BMW Normandy Avenue à Caen, a recruté Garance en début d’année. La jeune femme, malentendante, est responsable marketing au sein d’une PME de 42 salariés.

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« Je comptais créer un poste de responsable marketing, c’est pourquoi j’ai accepté une invitation à participer à un Handicafé. C’est là que j’ai rencontré Garance, et son profil m’a de suite intéressé : titulaire d’un Master, des voyages à l’étranger, un stage de 6 mois à un poste similaire… je la sentais très dynamique. Et le fait qu’elle fasse du patinage artistique m’a évidemment interpellé. Pendant l’entretien, je n’ai pas vu son handicap, donc j’ai fini par lui poser carrément la question. Malentendante, elle m’a expliqué qu’elle avait pris l’habitude de compenser sans appareillage.

Son intégration au sein de l’équipe a été rapide et je suis entièrement satisfait de son travail. Mais je précise, j’ai recruté Garance comme n’importe quel autre collaborateur : en fonction de ses compétences, et uniquement cela. C’est vrai, ce n’est pas toujours facile pour les patrons de PME, car pour recruter il faut d’abord un besoin, puis trouver les compétences adéquates. Mais je suis persuadé qu’il faut aller vers eux, en multipliant les rencontres et les opérations du type Handicafé. »

Liens utiles

www.agefiph.fr : cet organisme mène différentes actions pour améliorer l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés et aide les entreprises à recruter.

www.capemploi.net : Cap Emploi est un réseau de 118 organismes départementaux, qui accompagne les personnes handicapées dans leurs recherches d’emploi et propose aux entreprises un partenariat pour le recrutement et le suivi.

www.hanploi.com : ce site propose de nombreuses offres d’emploi, de stage et de formation.

www.handi-cv.com : Handi-cv met en ligne de nombreuses offres d’emploi, mais aussi des actus et des conseils.

www.ladapt.asso.fr : le site de l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées regorge d’informations sur la scolarisation, l’emploi, la formation continue, etc.

www.handroit.org : Handroit permet de s’informer sur les droits des personnes handicapées, et différents aspects de la vie quotidienne.

Chiffres clés

20%

Le taux de chômage des personnes handicapées est évalué à 20%, soit le double de celui de l’ensemble de la population

200 000

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À ce jour, 200 000 personnes handicapées n’ont ni emploi ni perspective de formation

+ de 27 000

Plus de 27 000 entreprises de moins de 100 salariés n’emploient aucun salarié handicapé

7,6%

Les travailleurs handicapés représentent 7,6% des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE

49%

Parmi les demandeurs d’emploi handicapés, 49% sont au chômage depuis plus d’un an

19%

19% des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau Bac et plus

Sources : Agefiph et ANPE

Article publié sur le site Internet emploiregions.com, octobre 2008.

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