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JulietteDuval

SECRETGAMES

Volume2

ZION_002

1.Quandpassel'orage

–Isabel?Isabel!

Lavoixd’Orionsemblelégèrementpaniquée.

Bienfait.Aprèstout,c’estdesafautesijemesuiscassélafigure.

Étenduesurledos,jegardeobstinémentlesyeuxclos.Jen’aipasenvied’affrontertoutdesuitelaréalité. La grande main chaude d’Orion se pose sur mon front. Malgré moi, son contact un peurugueuxm’apaise,semblechassermescraintes.Jedoismeforceràmesouvenirquenon,bordel,jesuisfurieuse!

–C’estbon,ellerespire,intervientunesecondevoix,féminineetmaussade.D’ailleurs,c’estqui,cettefille?

Cettefois,mespaupièress’ouvrentengrand.Mesprunelleslancentdeséclairs.Moncoudeblessém’envoieunevrillededouleurquandjemeredresseenpositionassise,maisjel’ignoreroyalement.L’adrénalinemetientlieud’antalgique.Repoussantlamaind’Orion,jelanceàl’intruse:

–Excellentequestion!Jetelaretourne.

Monadversaire semble interloquée.Elle reculed’unpas.Ses lèvres formentun«oh»muetdestupéfaction,tandisqu’ellecherchesesmots.

–Quijesuis,moi?explose-t-elleenfin,poingsserrés.Alorsça…–Tudevraisyaller,lacoupeOrion,calmemaisferme,luidésignantlaruedudoigt.

Lajeunefemmemetoisecommesij’étaisuneespèced’invertébréparticulièrementrépugnant.Jene peuxm’empêcher de noter qu’elle est plutôt jolie : brune, les cheveux coupés court, ses gestespossèdentunedistinctionnaturellequi,couplésàsonaccent,laissentdevineruneorigineétrangère.Pourl’instant,elleasurtoutl’airfurieux.

– Je comprends mieux, répond-elle à Orion sans me quitter des yeux. Elle a belle allure, tonexcuse.

Sionpouvaitfoudroyerd’unregard,jetomberaisraidemorte.Jerenifle,partagéeentrel’enviederiredevant sa tropvisible jalousie et l’indignation : pourquoi est-ceque jeme retrouvedans cettesituation!?Oriontentedeluiprendrelebras,sansdoutepourlaraccompagner,maisellesedégaged’ungesteimpétueux.

Jeprendsappuicontrel’arbrepourmerelever.Laroueavantduvéloestvoilée.Joshuavametuerpour avoir abîmé son précieux prototype,mais pour l’instant, c’est le cadet demes soucis. Jeme

tourneversOrionpourlancer,lavoixvibrante:

–Tufaislesprésentations?–Paslapeine,répond-ilensetournantverslavisiteuse,Tinapartait.

Cettefois,ils’avanceverselle,laforçantàreculer.Tinalefusilleduregard.Ilal’airtellementsûrdelui,mêmepasgêné!Lacolèremonteenmoicommelalaved’unvolcan.Quandçavasortir,ilyaura des dégâts ! La dénommée Tina semble flairer le danger. Ellem’adresse une dernièremouedégoûtéeavantdetournerlestalons.Aupassage,elleluidécocheunedernièreflèche:

–Tuauraispumedirelavérité.– Je ne t’ai jamais menti, rétorque-t-il alors qu’elle s’éloigne, ses hauts talons claquant sur le

trottoir.C’estbiençaleproblème,d’ailleurs!

La porte de sa voiture claque deux secondes plus tard. Je veux croiser les bras surmapoitrinemaismoncoudedouloureuxm’obligeàlesrelâcheraussitôt.Celanem’empêchepasdefulminer:

–Oui,moiaussij’aimeraisbienconnaîtrelavérité.

Au lieu de paraître impressionné, Orion m’adresse un sourire amusé. Je tape du pied. Bonnenouvelle,çanemefaitpasmal.Saufaucœur.

S’il croit qu’il va s’en sortir avec son air charmeur, il se fourre le doigt dans l’œil jusqu’àl’omoplate!

Jesiffle:

–Tum’avaisditquetun’avaispersonne!Alors,c’estquoiceplan?Vousleshommes,vousêtestouslesmêmes!Desmenteurs,destricheursquiprofitentdelanaïvetédesfilles.Commentai-jepuêtreassezstupidepourcroirequetuétaisdifférent?

Lesmotss’emballentsurmalangue.J’aiconsciencequ’unegrandepartdemarancœurvientdecequis’estpasséavantnotrerencontreetquejeluifais,enquelquesorte,payerlespotscassésparunautre,mais je suis incapable dem’arrêter. Il y a trop longtemps que je remâchema colère.Orionencaisse,stoïque,brascroisés.Ilatentédem’arrêteruneoudeuxfoisaudébut,puisils’estrésignéàm’écouterjusqu’aubout.Lepire,c’estqu’ilal’airdes’amuser!Commes’ilyavaitdequoirire!Son attitude ne fait que renforcer ma rage. Ce n’est que lorsque je m’arrête pour reprendre marespirationqu’Orionsedécideàparler.

–C’estbon,tuasfini,fiera?demande-t-il,unsourcillevé.

Jem’apprêteàrepartirdeplusbelle,maisilpoursuit:

–Tinaestmonex.Noussommesséparésdepuisquelquesmois.

Séparés?

Jemarmonne,butée:

–Ellen’apasl’aird’êtreaucourant...

Orionhausselesépaules:

–C’estunefillecharmante,entempsnormal.LameilleureamiedeCarrie.Maisellecherchaitunengagementsérieux.

Meslèvressepincent.JenepeuxpasjeterlapierreàTinasurcepoint,alorsquejem’apprêtaisàmemarierilyaquelquesjoursàpeine.Mêmesij’aientre-tempsradicalementchangéd’avissurlaquestion.Percevantmadésapprobation,Orionseredressepourmeregarderdroitdanslesyeux.

– J’avais été clair avec elle depuis le départ : je nepeuxpas et neveuxpasm’engager dans cegenre de relation. Elle était d’accord au début et puis, peu à peu, elle s’est mise à me mettre lapression,àmepousserdansquelquechosequejesuis incapabledeluidonner.J’aimisuntermeànotreliaisondèsquejem’ensuisrenducompte.

Soudain,j’aipresqueenviedeplaindreTina.Jecomprendsqu’onpuissetomberamoureused’unhommecommeOrion.Et çadoit faire trèsmaldeconstaterquecen’estpas réciproque. J’aibeauavoir mes propres raisons de me méfier de l’engagement, je trouve ça dommage en ce qui leconcerne.Ilatantàdonner!Mesbattementsdecœursecalmentpeuàpeu.Jeretrouveunerespirationnormale.C’estpresquedoucementquejedemande:

–Alorsquefaisait-elleici?Etpourquoit’a-t-elleembrassé?

Orion se gratte la nuque, l’air soudain penaud. Cela lui ressemble si peu que mes soupçonsremontentenflèche.Jem’adossecontrel’arbre,prêteàl’attaque,quandilavoue:

–J’aicommisl’erreurdecoucheravecelleunefoisdepuisnotreséparation,lemoisdernier.Elledisaitqu’elleavaitcompris,qu’ellevoulaitjustepasserunesoiréesympa…etellel’apriscommesicelasignifiaitquenousnousremettionsensemble!Jen’auraispasdûl’écouter.

–Ilfautêtrenaïf,quandmême!

Piquéauvif,ilredressesesépaules.

–Écoute,fiera : jenesuispasun typebienpour lesrelations, l’engagementet lessentimentsmefont chier,mais je ne suis ni unmenteur ni unmanipulateur.OK ? Si j’avais une copine, je ne latromperaispas.Etsijemetapaisd’autresfilles,jetel’auraisditavantqu’oncoucheensemble,quetusachesdansquoitumetslespieds.

Je frottemon coudemeurtri avec une grimace, consciente d’avoir dépassé les bornes.D’autantque,pourcequiestdesmensonges,«Isabel»devraitd’abordbalayerdevantsaporte.Etpuis,nousn’avons couché ensemble qu’une seule fois.Rien ne dit que ça se reproduira. Je suis incapable dedéterminersiceseraitunmomentgénialoulapireidéedemonexistence.Quoiqu’ilensoit,cetteseule et unique fois ne justifiait pas une crise de jalousie. Je danse d’une jambe sur l’autre,mal àl’aise.

–Je,euh…Désolée,jemesuisunpeulaisséeemporter.

Ilretrouvelesourirepourécartermesexcusesd’ungestedésinvolte.

–Tuesimpressionnantequandtutefâches!

Lerougememonteauxjoues.J’aibeauavoirhontedem’enêtrepriseàOrion,laissersortir lacolèreenferméeenmoim’aindéniablementsoulagée.Jemesenspluslégère.Orionposeunemainsurmonépaulepourmeguiderverslamaisonsanstoucheràmonbrasblessé.

–Allonssoignertesblessures.

Jeproteste:

–Cen’estrien.Justedeségratignures.Levélo,parcontre…ajouté-jeavecunegrimace.

Sans ôter samain demon épaule, Orion empoigne le guidon de l’autre. Je suis du regard lesoiseaux tatoués sur son biceps, qui paraissent bouger tandis qu’il soulève ma bécane. J’aimeraiscaresserleursailesetleslaisserm’emportertrèsloin.Ilm’adresseunclind’œilcomplice.

– Je vais le laisser dans ma voiture et je le réparerai avant que tu partes, demain matin. Net’inquiètepas,j’aiaidéJoshuaàlemettreaupoint,jeconnaislabête.Ildoitmêmemeresterquelquespiècesdétachées.

–Merci!

Macolèreesttombéeaussivitequ’elleétaitmontée.

Ai-jetortdeluifaireconfiance?

Jesuispersuadéequ’ilm’aditlavérité.Enmêmetemps,monjugementn’apastoujoursététrèssûr,parlepassé.Maislà,jeveuxlecroire.

2.Despansementspourlecœur

Àpeine avons-nous franchi le seuil qu’un tourbillon enfantin s’abat sur nous.Les exclamationsfusent:

–Tuesenretard,Isabel!–Qu’est-cequetuas?Tusaignes?–Iltefautunpansement!

C’esttoutelatroupequiinsistepournousaccompagnerjusqu’àlasalledebains.Orionproteste,envain,qu’elleesttroppetitepourcontenirseptpersonnesetm’attireplusprèsdelui.Lachaleurdesoncorpsmefaittemporairementoublierladouleur.Sinousnousretrouvionsseuls…Jememordslalèvreenmesouvenantquecinqminutesplustôt,j’étaisfurieusecontrelui.Décidément,dèsqu’ils’agitdelui,jeperdstoutsensdelaraison.Jemefaisl’impressiond’unegirouette.

–Assieds-toiauborddelabaignoire,medit-ilquandnousentronsdanslapièce,jevaischercherdequoidésinfecter.

Lemêmejoyeuxdésordrerègnedanslasalledebainsquedanslerestedelamaison.Desflaconsdebain-doucheauxparfumsdiverscolonisentleborddelabaignoire.Unpeignoirimpriméd’étoilesgît par terre.Un parfum de vanille imprègne l’air humide.Andrea remporte la bataille contre sessœurspourfranchirlaporteetextraittriomphalementd’untiroirunpaquetdepansementsimprimésd’animaux.

–Tuvasêtretrèsbelleavecça!mepromet-elle.–Super!

C’esttellementmignondelavoirjouerlesinfirmières!Jemecontorsionnepourexaminermoncoudemeurtri.Jemetiredemachutesansautredommagequ’unegrosseécorchure.Plusdepeurquedemal.

–Nebougepas,m’ordonneOrionenprenantlaplaced’Andreaprèsdemoi.

L’exiguïtédeslieuxl’obligeàsetenirtoutcontremoi.J’appuiemonfrontcontresonestomacetjerespiresonodeurtandisqu’ilpasseuncotonimbibédedésinfectantsurmonécorchure.Leslarmesmemontent aux yeux tellement ça pique. Ses gestes sont pourtant doux et sûrs, le fruit sans douted’une longue habitude avec ses sœurs. Pourtant, la façon dont il me touche n’a rien de fraternel.Quandjelèvelesyeuxverslui,ilmegratified’unsourirecoquin.

Ilaparfaitementconsciencedel’effetqu’ilmefait!

Absorbéparnotreéchangevisuel, ilappuie trop fort lecotoncontre laplaie.Surprise, je laisse

échapperuncouinementdedouleur.Lesfilless’indignentaussitôt.

–Faisattention!–Tuluifaismal!–Grossebrute!

J’éclate de rire devant cette manifestation de solidarité. Orion recule, l’air vexé. Andrea prendaussitôtsaplacepourmepromettre:

–Jecollelespansementssansfairemal.–Vas-y,dis-je,modérémentconfiantetoutdemême.

Après tout,Andrea n’a que six ans.Elle ne doit pasmaîtriser le collage depuis très longtemps.Pendant qu’elle s’active, sa petite sœur Paloma se glisse à l’intérieur pourme poser son doudougrisâtresurlesgenoux.

–Elleteconsolesituasbobo,m’explique-t-elle.–Oh…C’estgentil,dis-jeenessayantd’avoirl’airconvaincue,malgrél’odeurdelachose.Jeme

sensdéjàbeaucoupmieux.

Adossé au mur, les bras croisés sur la poitrine, Orion me regarde d’un air mi-moqueur, mi-attendri. Je lui adresse une grimace.Des étincelles dansent entre nous, défi, désir et complicité. Jeprendsunegrandeinspirationenregardantmoncoude.J’aiungrospansementavecunrhinocérosaucentre,unmoyenavecunegirafeau-dessusetunpetitavecunzèbreen-dessous.

–C’estparfait,merciAndrea.

Lapetiterayonnedefierté.Lesautressautillentd’impatiencedevantlaportedelasalledebains.

–Onpeutcommanderlespizzas,maintenant?–Tuaimeslesquelles,Isabel?– Dis le poulet épicé, supplie Inès. Je suis toujours la seule à en vouloir, alors on n’en prend

jamais!

Orionmetendlamainpourm’aideràmerelever.Commeill’auraitfaitpourunedesessœurs,ilposeunbaiserconsolateursurmonfront.Maisseslèvress’attardentunpeutroplongtempssurmapeau et je vois s’affoler le pouls dans son cou. Je retiensma respiration avec l’impression que lapièces’estsoudaintransforméeensauna.

–Pouletépicé,dis-jeenmedégageant,lesoufflecourt.J’adorelepouletépicé.

Orion laisse échapper un riremoqueur avant demeprendre le bras pourmeguider hors de lasalledebains.Commesij’allaismeperdredanslamaison!Jenefaispourtantaucungestepourmedégager.Aucontraire,jemeserrecontreluipourfranchirleseuil.

Jesuiscuite.

3.Pop-corn

Les pizzas englouties, le poulet épicé était effectivement délicieux, nous nous installons surl’immensecanapédu salonpour regarderun film.Aprèsdesdébatsanimés, le choixgénéral s’estfinalementportésur«Monstres&Cie»,untitredecirconstanceselonOrion.

–ParcequeturessemblestropàSullivan,lemonstrepoilu!lanceGraziella.

Lesfillessetordentderire.Orionlesignoresuperbementetmetendlamain:

–Vienst’asseoir.

Vieuxetfatigué,lecanapés’affaissesousmonpoidsquandj’yprendsplace,meprécipitantcontremonvoisin.Orionpasseunbras autourdema tailled’ungeste tellementnaturel que jemeblottiscontrelui,sansypenser.Unesensationdebien-êtrem’envahitalorsquesachaleurm’enveloppe.

Privilègedelapetitedernière,Palomaseruesurnosgenoux.

–Tuestroplourde!protesteOrion.Tuasmangétropdepizza.–C’estmêmepasvrai!ripostelapetite.HeinIsabel,jesuispaslourde?

JeglisseunregardencoinàOrion,partagéeentrel’enviedefaireplaisiràPalomaetcellequepersonneneseglisseentrenous. Inèss’estmiseà lagauchedesonfrère,Andreaàmadroite.Lesjumelles se sontemparéesde l’aileopposéeducanapé,arméesd’unseaudepop-cornetdevernispour les ongles. Une soirée normale, dans un foyer chaleureux. Une vague de nostalgie menacesoudaindemesubmerger. Jen’ai jamaisconnucegenredesoirée.Chezmoi, j’avais la télévisiondansmachambre.Mesparents, les joursoùilsn’étaientpassortis,neseseraient jamaisabaissésàregarderundessinanimé.Cettesensationdefoyermemanquetellementqueleslarmesmemontentauxyeux.Lebrasd’Orionserreplusfortmataille.Sonsoufflemecaresselajoue,quandildemande,ayantsansdouteperçumatension:

–Toutvabien,Isabel?

Jecaressesamainposéesurmonventre.Commentpuis-jemesentiràlafoisaussibienetaussimal?Orionetsafamillem’accueillentàbrasouvertsetmoi…Jeleurmens.Jen’appartienspasàcemonde.Bientôt,jedevraireprendrelaroute,bienqu’encemoment,jen’enaienullementenvie.

–Chut,dis-jeàOrionsansrépondreàsaquestion.Lefilmcommence.

Paloma,toujourssurnosgenoux,seblottitentrenousenfrottantsapeluchedouteusesursonnez.Àcôtédemoi,Andrearéclamedupop-cornauxjumelles.J’appuiemajouecontrel’épauled’Orion.Elleest large,douce, rassurante. Jemesensensécuritéavec lui.C’estagréable.C’estexcitant.Ses

doigts,danslapénombre,dessinentdepetitscerclessurmonventre.

Éprouve-t-illamêmechosequemoi?

Undélicieuxchatouillismefaitfrémirdelatêteauxpieds.Jeseraisbienenpeinededirecequisepasse à l’écran.Bercéepar la chaleur, protégéepar l’obscurité, jeme laisse aller à cemomentdetendresse.Ilserabientempsd’affronterlemondeextérieurplustard.

4.Autravailouàlaplage

Orionatenuparole:lelendemaindenotresoiréebaby-sitting,jetrouvemonvélocommeneuf,enbasdel'escalier.

Àquelleheures'est-illevépourleréparer?

Nous sommes rentrés à minuit passé, hier soir. Il m'a déposée au garage, avec le vélo, enpromettantdes'enoccuperlelendemainàlapremièreheure.Jementiraissijedisaisquejen'aipasétéunpeudéçuequ'ilnerestepasavecmoi.Noscaressesinnocentes,devantlefilm,m'avaientdonnéenviedeplus.Enmêmetemps, jen'avais toujourspasdécidésicoucherunenouvelle foisavec luiétait,ounon,uneerreur.Alorsaufond,çam'arrangeaitqu'ildécidepournous.

–Dorsbienfiera,m'a-t-ilsouhaité,avecunsourirepropreàfairegermermillerêvesérotiques.

Surcepoint,lanuitatenusespromesses.

QuandjepasseaugaragepourremercierOrion,ilestenpleintravailsurunevoiture.Inès,deboutàcôtédeluidansunesalopettebleue,deuxfoistropgrandepourelle,luipasselesoutils.Lespectacleestàlafoistouchantet…caliente(j'aidécidédememettreàl'espagnol).Jeseraipeut-êtrecapableunjourderegarderOriontorsenusansquemonespritnes'emplissed'unefouled'imagesclasséesX,maiscetempsn'estpasencorevenu.Secouantlatête,jecrie,pourcouvrirlebruitdesmachines:

–Hé,lesmécanos!

Le frère et la sœur relèvent la tête avec la même expression interrogative. Leur ressemblancem'attendrit comme un paquet de Lucky Charms plongé dans du lait. J'agite la main à l'attentiond'Orion.

–Jevoulaisjusteteremercierpourlevélo.–Pasdeproblème,répond-ilensouriant.ÉvitesimplementderaconteràJoshuaquej'aitouchéà

saprécieusebécane,ilestunpeuchatouilleuxsurlesujet.

Jelèvelepoucepourluisignifiermonaccord.M'attarderdanslegaragepourlevoirtravailleresttentant,maisunSMSm'annoncel'arrivéedeCarrie.Jereculeàcontrecœur.

–Profitebiendelaplage!melanceOrion.

Monseulregretseradenepaspouvoirl'yadmirerenmaillotdebain.

QuandJoshual'aappelépourl'inviter,hiersoir,iladécliné,ayantbeaucoupdevoituresenattentedetravaux,augarage.

–Certainsd'entrenoustravaillentlesamedi!a-t-ilrappelé,malicieux.

Àvraidire,c'estsouventlecasdeJoshuaégalement.QuandCarrien'estpaslà,ilpassemêmesondimancheaubureau.Alors,pourcompenser,quandilsontl'occasiondepasserdutempsensemble,ils'arrangepourselibérer.Ils'estcontentéderépondre:

–Tunesaispascequetumanques.–Jel'imaginetrèsbien,arétorquéOrionenmeregardant.

JevenaisjustederenvoyerunSMSàCarriepouraccepter.Jel'aipresqueregretté,envoyantsonexpression.Siune journée à laplage adequoi faire rêver, je suis certaineque l'onméconnaît lescharmesdugarage.

5.Confidencessurlesable

Enfaitdemaillotdebain,nousportonstousdescombinaisonscouvrantesetchaudes.JemesuisfaitdesillusionssurleclimatdelaCalifornie…Mêmeenpleinété,l’océanPacifiquedemeurefrais:à peinedouzedegrés !Allongés sur le sable, unvent frais nousoblige à nous couvrir souspeined’attraper un rhume. Le parasol qui nous abrite, Carrie et moi, a bien failli s’envoler une demi-douzainedefois.

–Jemefaisaisuneautreidéedelaplage,dis-jeenmeretenantd’éternuer.–TupensaisauxMaldives?demandeCarrieenriant.–Oui…

Jem’interromps.Isabel,filledemodesteslibrairesdeChicago,n’estpascenséeavoirlesmoyensdes’offrirlevoljusqu’àMalé.Jedoisoublierqu’entantqueLeah,héritièred’unefamillefortunée,j’yaiséjournéàplusieursreprises.Jemerattrape:

–Enfin,peut-êtrequ’enréalité,lesMaldivesnesontpasmieuxqu’ici!–Jetejurequec’estleparadis,commenteCarrieennousservantduchocolatchaudcontenudans

legrandthermosderrièrenous.Tusavaisquec’estlà-basquej’airencontrélesgarçons?

Elledésignedumentonlesmembresdesongroupequicontinuentunecoursede«speedsurf»,ladernièreproductiondesateliersSharkOutdoors :unmélangedeplanchede surf,demoteurhors-bordetdepédalo.Laseulechosequej’airetenue,c’estquel’enginfonctionneàlaforcedesjambes.Lesmiennesontbeaus’êtremuscléesgrâceauvélo,jedoutedetenirlongtempsfaceauxmembresdeSunJuice.MêmeCarrieadéclaréforfait,pluspourleplaisirdepapoterentrefillesqueparcequ’elleredoute la défaite. L’entraînement avec son mari lui confère un sérieux avantage. Quant à sescamaradesdegroupe,jelestrouvebiensportifspourdesmusiciens!

–Jevaissurfertouslesmatinsquandnoussommesàlamaison,m’aconfiéMatt,lebatteur.–Moi,jepréfèrelasalledesport,arétorquéHudson,lechanteur.

J’ai eu un peu demal, au début, à faire coïncider l’image de ces garçons bronzés, détendus etblagueurs avec les chansons que j’écoute en boucle depuis le début de la semaine. Jeme les étaisfigurésplusconscientsdeleursuccès,plusrockstars,enquelquesorte.Àvraidire,jemesentaisunpeuintimidéequandnousnoussommesrejointssurlaplage.Pourtant,dèslespremièresminutes,ilsm’ontmiseàl’aise:àpartirdumomentoùjeviensavecCarrie,jefaispartiedelabande.

Jeserremongobeletentremesmainspourmeréchauffer.

– Non, j’ignorais que vous vous étiez rencontrés aux Maldives, dis-je en revenant à laconversation.

–Enfait,commenceCarrieensetortillantpourtrouverunepositionplusconfortablesurlesable,

c’étaitlorsduvoyagedenocesdenosparents.MamèreetlepèredeJosh.–Vosparentssontmariés?

J’écarquillelesyeux.Laviedemanouvelleamiemeparaîttellementrocambolesque!Enmêmetemps,jem’enveuxdelapousserauxconfidencesalorsquemoi,jeluimenssurmonidentité.Carrieéclatederireetcontinue,avecunenthousiasmecontagieux:

–Ohoui!Etlespremierstempsdenotrerelation,çan’apasétésimple…

Je l’écoute me raconter les péripéties de sa rencontre avec Joshua, tandis que les hommesreviennentversnous.Finalement,lescombinaisonsnéoprènesnesontpeut-êtrepasunmal:voirmonemployeurenmaillotdebainseraitunpeuétrange,d’autantqu’onnepeutnierqu’ilsoitséduisant.QuelquestêtesseretournentsursonpassageetceluidesmembresmasculinsdeSunJuice.

–C’estlapremièrefoisqu’onfaitunesortieensemble,commenteCarrie.Aveclesgars,jeveuxdire.LesrapportsavecJoshétaientunpeutendus,audébut.

Jehausselessourcils.Joshuaneparaîtpourtantpasdifficileàvivre.Jel’aitoujoursvuentretenirdesrelationscordialesavectoutlemonde.

–Pourquoi?demandé-je.–Deshistoiresdemecs,commenteCarrieencouvantsonmariduregard.Trevorestundragueur

invétéré.Ilaessayéavecmoiaussi,audébut,etJoshn’apasapprécié.–Jem’endoute.

Les sportifs amateurs apportent avec eux une bouffée d’air froid et humide. Je pousse un crieffarouchéquandTrevorsesecoueàcôtédemoi,m’aspergeantdegouttelettes.

–Oh,pardon,s’excuse-t-il,faussementcontrit.Tuveuxquejet’essuie?

Je luiarrachedesmains laserviettedebainqu’ilbrandissait.Lefouriremontedansmagorge,irrépressible. Interloqué, il me regarde enfouir mon visage dans le tissu-éponge et me forcer àrespirerlonguementpourreprendremonsouffle.

Espérait-ilvraimentuneautreréaction?

–C’estvraimentlatentativededraguelapluspitoyablequej’aijamaisvue,articulé-jeentredeuxhoquets.Sérieusement,çanemarchejamais,si?

– Je suis une rock star, commenteTrevor en s’asseyantprèsdemoi, l’air vexé.Certaines fillespayeraientpourquejeleuressuieledos.

Unéclatde riregénéral saluesasortie.Hudson, lechanteurdugroupe,m’adresseun regarddecommisération.

–Nefaispasattention.Lesuccèsluimonteàlatête.–Bientôt, ilnepourrapluspasserlesportestantelleseraenflée,approuveMatt, lebatteur,d’un

tonrailleur.

Trevorsepencheversmoi,lesourireauxlèvres.

–Ilssontjustejaloux,meconfie-t-il.

J’observelesautresgarçons,pensive.OnnepeutnierqueTrevorpossèdeuncharmenaturel liépour grande partie à son effronterie.Mais Hudson, dans le genre beau ténébreux, doit égalementpossédersahordedefans.QuantàMattetJimmy, ilsn’ontpasàrougirnonplus.Dumoins,pourautantquejepuisseenjuger.J’ail’esprittroppleind’uncertainmécanicientatouépourapprécieràleurjustevaleurlesbeauxspécimensmasculinsquej’aisouslesyeux.

–Necherchepas,meditTrevor en sepenchantpour attraperungobeletde chocolat. Je suis lemeilleur.

–Etleplusmodeste,commenteJoshuaentresesdents.

Ilsouritcommes’ilplaisantait,maislarigiditédesesépaulesmelaissepenserquesesrelationsavecTrevornesonttoujourspasaubeaufixe.Histoirededéfendrel’atmosphère,jetented’orienterlaconversationsurunautreterrain.

–Jecroyaisquetouteslesrockstarsavaientdestatouages.

Touslesregardsconvergentversmoi.Jemefrottelanuque,embarrassée.J’aisorti lapremièrechosequimepassaitparl’esprit:pasbesoind’êtregrandsorcierpourdevinerd’oùçavient.Trevorm’adresseunsouriremoqueur:

–Quiteditquejen’enaipasàdesendroitsoùtunepeuxpaslesvoir?–Quelintérêt,s’ilsnesevoientpas?contré-je.

Carrieéclatederire.Mevoirremettresoncamaradeàsaplacesemblebeaucoupl’amuser.Ellemelance:

–Situcomptestefairefaireuntatouage,demandeconseilàOrion.Lessienssontsplendides.Ànotrepremièrerencontre,j’aicruavoiraffaireàunyakuzaouquelquechosedugenre.

–Tuexagères,protesteJoshuaenriant.Tunenousauraispassuivissitelétaitlecas.–J’avaisconfianceentoi,répondCarrieenbattantdescils.–Uniquementparcequejet’avaisoffertdessuperchaussures.Quellefemmevénaletufais!

Letonaffectueuxaveclequelils’exprimedémentsesparoles.Trevorbonditsoudainsursespieds,déclarantqu’ilvasechercherquelquechoseàmanger.

–Jeviensavectoi,intervientaussitôtJimmy.Vousvoulezqu’onvousramènequelquechose?–Jepréfèrechoisir,ditHudsonenselevantàsontour.

Pourmapart,jeleurlaissequartierlibre.Jenesuispasdifficileenmatièredenourritureetj’aimebiendécouvrirdenouveaux trucs.Ducoup, jedemeureseuleavecCarrieetJoshua.Étenduunpeuplusloin,Mattlézardeausoleil.JedemandeàJoshua,d’untonquej’espèredégagé:

–Alors,tuconnaisOriondepuislongtemps?

Carriem’adresseunsourireentendu.Joshuas’essuielescheveuxavecuneservietteépongetoutenrépondant:

–Depuisl’écoleprimaire!Çacommenceàfaireunbail.–C’estplutôtrare,desamitiésquidurentsilongtemps.–C’estvrai,commenteCarrie.Regarde,moij’aiconnuTinaaucollège.–Parcequetuasdéménagé,remarquesonmari.Moi,jen’aijamaisquittéPaloAlto,Orionnon

plus.

JemesuiscrispéeàlamentiondeTina.Carriesait-ellecequis’estpasséhierchezOrion?Sielledevaitprendreparti,j’imaginequelaloyautélapousseraitplutôtducôtédesaplusvieilleamie.Sansparaîtreremarquermontrouble,Joshuapoursuit:

–Nousavonsétédanslamêmeclasseduranttoutenotrescolarité.C’estdingue,non?–Vousvousêtesarrêtésaulycée,aussi,rappelleCarrie.–Dit cellequi a lâché sesétudesuniversitairespourdevenirune rock star, riposte Joshuaen la

poussantdel’épaule.Nousavionsmieuxàfaire,c’esttout.Sinousavionsdécidédenouslancerdanslesétudes,nousaurionscartonné.

Ilajouteàmonattention:

–Orionestuntypebrillant.–Jen’aijamaispensélecontraire,dis-jeenpassantlamaindansmescheveuxcourts.

Contrairementàcequecroientmesparents,l’intelligencenesemesurepasauprestigedudiplômedétenu.Joshuapoursuit:

– Il a toujours accordé plus d’importance à faire ce qu’il aime plutôt qu’à gagner beaucoupd’argent.

–Tufaisaussicequetuaimes,protesteCarrie,loyale.–Certes,maisquandjevoislemonstrequ’estdevenuSharkOutdoors,jemedisqu’Orionaune

viebienplustranquillequelamienne.

Un regret sincère perce dans sa voix. Je froisse mon gobelet entre mes doigts. Entendre monpatroncritiquersapropreréussitevacontretouteslesvaleursqu’onm’aenseignées.Pourtant,jelecomprends : j’ai bien vu, depuis mon arrivée à Shark Outdoors, qu’il était bien plus heureux àtravaillersurdenouvellesinventionsqu’àréglerlesproblèmesadministratifs.

– Tu dis ça, mais tu adores voyager aux quatre coins du monde pour présenter tes créations,commenteCarrieenluicaressantlebras.

L’amourquiselitsursonvisagemeserrelecœur.

Connaîtrai-jeunjourunepareillerelation?

6.Alerte!

La sonnerie demon téléphone se déclenche. Je cherche l’appareil du regard. Nos affaires sontrépanduesunpeupartoutautourdenous.

Oùai-jebienpuleposer?

Jerécupèremonsac,monpull-over,unpaquetdemouchoirs,unemballagedebiscuitsvide...Maispasdetéléphone.Desoncôté,Joshuatapotesursamontre.

Pennyserait-elleéquipéed’unenouvellefonctionrecherche?

Carrieaccumuleautantdesablequedevêtementsententantderassembler lespièceséparses.Lasonnerie finit par s’arrêter. Quelques secondes plus tard, le carillon indiquant la réception d’unnouveauSMSluisuccède.Carriesoulèveunchâlerouléenboule.

–Trouvé!s’exclame-t-elletriomphalementenbrandissantl’appareil.

Son regard glisse sur l’écran, alors qu’elle me le tend. Je vois son expression se teinter deperplexité.Quand,àmontour,jepeuxlirecequis’affiche,moncœureffectueunbondpérilleuxdansmapoitrine.

[Chérie,parle-moi!]

Quelleidiote!Pourquoin’ai-jepasbannilenumérodetéléphonedeChrisdemonrépertoire?

Jesupprimeàlahâtemessageetexpéditeur.Mesdoigtstremblent.Cerappeldemonanciennevie,àunmomentoùjen’ypensaisplusdutout,medéstabilise.

Commentpeut-ilencorem’appeler«chérie»aprèscequis’estpassé!?

Carriem’adresseun regard interrogatif. Joshua, lui, sedébat toujoursavecPenny,qui émetdessériesdebipsstridents.J’adresseunsourirecrispéàmonamie.

–Justeunevieillecopine,Christina.Ellesedemandesijecompterentrerunjour.

Monexcuseestcomplètementmoisie.

J’hésiteuninstantàdirelavérité.Aprèstout,jeleuraibienditquemonfiancém’aabandonnée…Mais dans ce cas, pourquoi chercherait-il à me contacter ? Ça me placerait en porte-à-faux parrapportàOrion.Jeluiaimoi-mêmeassezreprochédenepass’êtremontréhonnêteavecmoi,hiersoir!Etpuis,jemesuislancéesurcettehistoiredeChristina,impossiblederevenirenarrièresansm’empêtrerdansmesmensonges.

Cettehistoirededoubleidentitédevientridicule!

Heureusement, ni Carrie ni Josh ne semblent s’apercevoir de mon embarras. Carrie relève,curieuse:

–Etc’estlecas?TuvasrentreràChicago?

Jehausselesépaules.

–Iln’yaplusgrand-chosequimeretiennelà-bas.

Ça,aumoins,c’estlavérité.Joshuarenchérit,curieux:

–Etlalibrairiedetesparents?

Remplacez«librairie»par«sociétédelocationdejetsprivésàplusieursmillionsdedollars»etvous aurez une idée de l’ampleur du problème. Seulement, mes parents sont toujours vivants :j’espèrebienavoirdutempsdevantmoiavantdem’occuperdelaquestiondel’héritage.Jemefrotteleboutdunezavantderépondre:

–Pourl’instant,jel’aiconfiéeàungérant.Jelarevendraisansdouteplustard.–Tunecomptespasdevenirlibraire?rebonditCarrie.

Malàl’aise,jemetortillesurmondrapdebain.Desgrainsdesablerentrentdanslacombinaisonque j’aurai fortpeuutilisée,aufinal. Jemerépètequemanouvelleamieestsimplementcurieuse :ellem’aracontésavie,ilestnormalqu’elles’intéresseàlamienne.Ellenepeutpassedouterquej’aimentidepuisledépart.J’hésite,cherchemesmots:

–Non,je…j’avaiscommencédesétudesdelittérature…Maisaprèsladisparitiondemesparents,jemesuisrenduecomptequecen’estpasvraimentcequejevoulaisfaire.

Encoreunevérité : jenemevoispasreprendremesétudeslàoùje lesai laissées,commesiderien n’était. Cette vie, mon ancienne vie, n’est plus pour moi. J’inspire une grande bouffée d’airmarinetjeconclus,plussûredemoi:

–J’aibesoindemeposerpourréfléchir.–Etnoussommesravisdet’avoirparminous,m’assureJoshua.Tuviensàlarépétition,cesoir?–Larépétition?

JemetourneversCarrie. Iln’a jamaisétéquestionderépétitionquandnousavonsmisaupointcetteescapade.Aurai-jeloupéunépisode?Carriesefrappelefront.

–Mince!Jesavaisbienquej’avaisoubliéd’enparleràquelqu’un.DésoléeIsabel,touts’estdécidéàl’arrache.Jimmyadécrétéquetantqu’àpasserlajournéeensemble,autantenprofiterpourrépéterunpeu.Ducoup,nousavonsdécidédenous retrouvercheznouscesoir,Mattaparlédebarbecueet…

Elles’interromptpourlanceràsonmari:

–TuasprévenuOrion,aufait?– Il aditqu’ilviendrait. Je luiai aussiditqu’Isabel serait là, ajoute-t-il avecunclind’œilpour

moi.–Parfait,conclutCarrieentapantdanssesmains.Commeça,ilpourrateraccompagneraprèsla

fête.–C’estunefêteouunerépétition?demandé-je,unpeuperdue.–Les deux ! réplique-t-elle, enthousiaste.Musique, danse et barbecue, le programme idéal d’un

soird’été.

Présentéecommeça,l’offreestalléchante.Etpasseulementàcausedelaprésenced’Orion,mêmes’il faut bien admettre qu’elle ne gâche rien… Je brosse le sable de mes jambes en remarquant,embarrassée:

–Jedoisd’abordpasserchezmoi,jen’airienàmemettre.

Joshuaéclatederire:

–Lesfillesdisentçatoutletemps!

Carrieluiadministreunetapeamicalesurlebras.

–Net’inquiètepas,jeteprêteraiquelquechose,medit-elle.

Jem’apprêteàprotester,quandjemesouviensquel’achatd’unerobedesoiréen’apasfaitpartiedemesprioritésaumomentoùjemesuisreconstituéunegarde-robe.Jepossèdeessentiellementdesjeans,desT-shirts,deuxjupesettroischemisiers,pourletravail.Àcontrecœur,jedoisreconnaîtrequelapropositiondeCarrietombeàpic.

–Siçanetedérangepas…–À quoi ça servirait d’être une rock star si je n’avais pas une garde-robe de folie ? demande

Carrie,leregardpétillant.

Unecraintemetraversel’esprit.Jefaispassermongobeletdeplastiquefroisséd’unemaindansuneautre.

–Et,euh…Quiestinvité,àpartnousetOrion?–PasOlivia,sic’estcequit’inquiète,répondJoshuaenriant.–Non…

Unerafaledeventplaquemesmècheseffiléescontremonvisage.J’enôteunedemabouche,malàl’aise.CommentaborderlaquestiondeTina?Jem’entendsbienavecCarrie,certes,maisdepuispeude temps.Riendecomparableàuneamitiéde longuedate.Maissi jedoiscroiserTinaàcettesoirée,mieuxvautavoirmisleschosesauclairavant.Jemejetteàl’eau:

–Enfait,jepensaisàTina.

–QuelleTina?demandeCarrie,perplexe.–Tonamie.Et…l’exd’Orion.

Carriea l’airdeplusenplusperdue. Joshuapose lementonsur sesbrascroiséspourme fixerd’unairsongeur.

–C’estOrionquit’enaparlé?–Pasexactement.

Onenarriveaupassagedélicat.Jedécided’allervite,commepourôterunsparadrap.

–En fait, elle était avecOrionquand je suis venue l’aider à garder ses petites sœurs, hier soir.Elle...Ilyaeuunesortedemalentendu,jecrois...Bref,elleestpartiefurieuse.

–Pourquoi?demandeCarrie,perplexe.– Orion t’a proposé de venir garder ses petites sœurs avec lui ? relève de son côté Joshua,

incrédule.

Moncœursemetàbattreplusvite.Jeramasseunepoignéedesablequejelaissefilerentremesdoigtspourmasquermontrouble.

–C’estunconcoursdecirconstances,tenté-jed’expliquer.Jesuisarrivéelaveilledudimancheetjen’avaisnullepartoùaller,alors…Ensuite,lespetitesontinsistépourquejejouelesbaby-sitters.

–Jevois,commenteJoshuaavecunsourireencoin.–Non,mais…

Le«ilnesepasserien»meurtsurmeslèvres.J’ignoreencorecequ’ilsepasseentrenous,maiscen’estpas«rien».Derrièrenous,Mattquej’avaiscomplètementoubliésifflote«Allyouneedislove».Jemeretournepourl’aspergerd’unepoignéedesable.

Idiot.

Carrietentededissimulersonsourirepourmerassurer:

–Tinaneserapaslà.Depuisleurrupture,j’évitedel’inviterenmêmetempsqu’Orion.Ellenel’apastrèsbienvécu.

–J’aicrucomprendre,dis-je,merappelantl’expressionrageusedelajeunefemme.Maisc’esttonamie.Jeneveuxpastemettreenporteàfaux…

–Onneprendpasparti,déclarentJoshuaetCarried’unemêmevoix.

Ilséclatentderireensepoussantducoude,commedeuxgamins.

–Principedesurviepourlapaixdenotrecouple,commenteCarrie,malicieuse.–Toutcequim’importe,ajouteJoshua,c’estqu’Orionsoitheureux.Et,àenjugerparlavitesseà

laquelleilaréponduàmonmessage,alorsquelessoiréesnesontpastropsontruc,jediraisqu’encemoment,ilesttrèsheureux.

Je commence àmedemander si je ne vais pasm’enterrer pour de bondans le sable.Enmême

temps,moncœurseserre.Toutvabienpourlemoment,maisbientôt, ilfaudraquejemedécideàpartir…ouàrévélerlavéritésurmonidentité.

Etlà,jedoutequ’Orionsoittoujoursheureux...

7.Unepetiterobebleue

Del’extérieur,lavilladeCarrieetJoshuaoffreuncharmerustiquequirappellelavieilleEurope.L’intérieur,enrevancheportelamarqueducréateurdeSharkOutdoors.Unevoixsynthétique,ànotrearrivée,nousinformedel’heure,destempératuresintérieuresetextérieuresetnousdemandeàquelleheurenoussouhaitonsdîneretprendrenotrebain.

–JeteprésenteJames,ditCarrieavecunsoupir.LecousindePenny.

L’allusionàl’assistanteélectroniquedeJoshuamefaitsourire.SiJamesestaussiimprévisiblequePenny, cela doit pimenter la vie quotidienne. Je demande, en déposantmes chaussures etma vestedansl’imposantdressingcontiguàl’entrée:

–Ilgèretoutelamaison?–Noussommesunfoyerconnecté!déclareCarrieavecunefaussegravité.

Puiselleéclatederireavantd’avouer:

–Parfois,ilmerendcomplètementfolle.Unsoir,ilarefusédelaisserentrerJoshparceque,sursonplanning,celui-ciétaitcenséêtreenvoyaged’affaires...Bon,situjetaisunœilàmesvêtementspendantquejeprendsunedouche?

Nous montons un escalier dont toutes les marches sont équipées de diodes lumineuses d’unecouleurdifférente.La chambredeCarrie et Joshua se trouve aubout du couloir ; je jette un coupd’œilnerveuxauxcamérasau-dessusdechaqueporte.

–Nefaispasattention,meconseilleCarrie,ons’yhabituetrèsvite.Tiens,ajoute-t-elleenpoussantuneporteencadréed’unraildenéons.Lalogedesstars!

Elle n’avait pasmenti en ce qui concerne sa garde-robe : celle-ci occupeune pièce entière, surtroismurs(ledernierétantconsacréauxtenuesdesportdeJoshua).Jerestebouchebéedevantsestenuesdescène.

A-t-ellevraimentportécetterobeàlajupeentièrementcousuedemini-muffinsenplastique?

En tout cas, moi, je n’oserai jamais. Je cherche quelque chose de plus sage, mais le mot«classique»nesemblepasfairepartiedesonvocabulaire.Peut-êtrepuis-jeresterenjeanetT-shirt?Cen’estpasunesoiréeofficielle,aprèstout…

–Alors, tu as fait ton choix ? demandeCarrie en surgissant de la douche, enveloppée dans unpeignoirenfeuilled’aluminiumdoublééponge.

Surprenantmonregardinterrogatif,ellem’explique:

–CréationdeSharkOutdoors.Légeretchauffant. Ilyenaunautredans la salledebains, si tuveuxessayer.

–Euh…

Devantmonmanqued’enthousiasmeévident,elletendunbrasversleplacardetenretireunepetiterobeensoiebleunuit,brodéed’argentaucoletàl’ourlet.

–Celle-làseraparfaite,affirme-t-elle,sûred’elle.Assortieàtesyeux.–Oui,maiselleestunpeutrop…

Courte?Décolletée?

PournepasvexerCarrie,j’achèveprécipitamment:

–Trophabilléepourunesoiréeentreamis.

Carrielèveunsourcil:

–TuveuximpressionnerOrion,ouiounon?–Euh…Je…

Devantmonembarras,elleéclatederire.

–Jeprendsçapourunoui.Essaye-la:jeteprometsqu’ilvaentomberàlarenverse.

Jem’empareduvêtement,silégerqu’ilsemblenerienpeser.Ilestsoyeuxcommeunepromesse.Peut-être Carrie a-t-elle raison. À quoi bon être Isabel, si j’obéis encore aux réflexes de Leah ?J’affirme,avectoutelaconvictiondontjesuiscapable:

–MerciCarrie.Elleseraparfaite.

8.Mélangesimprobables

MaisquefaitOrion?

Les invités sont arrivésdepuis longtemps.Des amisdugroupe (et des amies, surtout), quelquesrelationsdeJoshuaetSunJuiceaugrandcomplet,quiconstituelaprincipaleattraction.Lesgarçons,dumoins.Carrie,elle,adisparudepuisunmomentsousleprétexted’aiderJoshuaànouersacravate.SansHudson, jeme sentirai complètement perdue.Heureusement, le chanteur deSun Juice semblepartagermon aversion pour les grandes réunions. Réfugiés sur la terrasse, nous nous amusons àcommanderdescocktailsimprobablesàlamachineinstalléelà.

– À mon avis, tu ne devrais pas mélanger la tequila et le rhum, conseillé-je. Surtout avec duTabasco,dujusdecarotteetducuraçao.

–Ilfautvivredangereusement,rétorqueHudsonenappuyantsurlesboutons.

Unautrerobot,chargédeplateauxdepetitsfours,circuleparmilesinvités.Jecommente:

–Onsecroiraitdansunfilmfuturiste.–C’estvrai,approuveHudson.Personnellement,jetrouveçaunpeuflippant.

Je regarde l’engin se faufiler entre les jambes sans toucher personne, ni faire tomber sonchargement.Soudain,j’imaginelatêtedemesparentsdevantuntelspectacle.

Quoi,pasdeserveursengantsblancs?

J’affirmeavecconviction:

–Moi,jetrouveçasympa.–Parcequetun’asjamaisvu«I,robot».

Il me tend un verre rempli du résultat de nos dernières élucubrations. Je l’examine d’un œilcirconspect.Lacouleurhésiteentrelebrunrouilleetlevertpoison.L’odeurévoquecelleduwhite-spirit.

–Enparlantdetrucsflippants…Tucroisquec’estbuvable?–Iln’yaqu’unmoyendelesavoir,merépond-ilavecunclind’œil.

Renversant son propre verre, il l’avale cul sec. Fascinée, je m’attends à moitié à le voirs’étrangler,maisilreposeleverreenhochantlatête,impassible.

–Cen’estpasmauvais.Meilleurquelacouleurnepeutlelaissercroire.

J’hésiteencoreàtremperleslèvresdansmamixture,quandunhurlementdeloupfaçonTexAvery

retentitdanslesalon.Hudsonrattrapeauvolleverrequej’ailâchédansmonsursaut.

–Nefaispasattention,déclare-t-il,c’estencoreTrevorquifaitl’idiot.

Lafindesaphraseseperddansunbrouillardsonore,toutcommeledécors’évanouitautourdenous.Jenevoisplusqu’unepersonne:Orion,deboutdansl’embrasuredelaporte-fenêtre,quimefixed’unair…Affamé.J’aisoudainuneconscienceaiguëdel’airsurmapeaunue.

Jesuisheureused’avoirmiscetterobe.

Jamaisjenemesuissentieplusbelle,plusdésirable,plusvivantequ’encemoment.Danslesalon,Trevorseremetàimiterleloup.Hudsonposesonverrevide,décrétantqu’ilesttempsdelecalmer.Jen’aitoujourspasbougé,paralyséeparlecourantélectriquequipasseentreOrionetmoi.Ilsecoueenfin la tête, comme pour reprendre ses esprits. Une main attentionnée referme la porte-fenêtrederrièreluitandisqu’ils’avanceversmoi.Jeprendsunegrandeinspirationetcroiselesbrasenluisouriantd’unairquej’espèrenaturel,malgrélesfourmisquicourenttoujourssurmapeau.

–Tuesmagnifique,fiera,souffle-t-il.Maiscetterobeestdangereuse.

Jebredouille:

–ElleappartientàCarrie.–Alors,merciàelle.

Il parle si bas que si je n’avais pas soudain développé une ouïe surnaturelle, en plus d’unehypersensibilité, je ne l’entendrais pas dans le vacarme en provenance du salon. Jeme rapproched’instinctde lui.Duboutdesdoigts, il écarteunemèchedemonvisage. Je fermeàdemi lesyeuxpourmieuxsavourersaprésence.L’airesttièdecommeunepromesse.Orionsepencheversmoi.Jerespiresonparfumd’épices.Meslèvress’entrouvrent,dansl’attented’unbaiser.J’aicomplètementoublié la fête qui se poursuit de l’autre côté de la baie vitrée.Mes états d’âmeme paraissent bieninsignifiantsparrapportàladélicieuseénergiequinouspoussel’unversl’autre.

Jeveuxl’embrassereteffacertoutlereste.

Saboucheeffleuremonoreille,matempe,monnez…Uncriéclatederrièrenousaumomentoùellevarejoindrelamienne.

–Larépétitionvabientôtcommencer!

Orionsedétachedemoiavecunsoupirrauque.Ilmefautplusieurssecondespourmesouveniroùjesuisetpourquelleraisonnouspassonslasoiréeensemble.J’ailagorgesècheetmoncorpsentiervibresousl’effetdelafrustration.Orionlance:

–Onarrive!

Maisl’importunadéjàregagnél’intérieur.Jelemaudisdetoutmoncœur.

–Prêteàécouterdelamusique,fiera?demandeOrionavecunsouriremoqueur.

Latensiondesonbrastoujourspasséautourdematailledénoncesonapparentedécontraction.Jesongeuninstantàluidemanderdem’emmenerplutôtvisiterlejardin,immenseetrempliderecoinstranquilles.Maislesensdesconvenancesl’emporte.Deplus,jesuisréellementcurieused’entendreSunJuiceenlive.

–Prête!affirmé-jeenl’enlaçantàmontour.

9.Dansez,maintenant!

Unepetiteestrademétalliqueaétédresséedanslesalon,devantlatélévisionquidiffusedesimagesdu dernier concert du groupe. Joshua doit avoir bénéficié d’une promotion sur les guirlandeslumineuses,àenjugerpar lenombrequicourtautourdelascène,sur lesmursetausol,entre lespiedsdesdanseurs.Deboutcontrelemur,j’écoutelapulsationdelamusique.LesondeSunJuicemedonnedéjàenviededanserquandjel’écoutechezmoi,maisenlive,c’estirrésistible!Laplupartdesinvités se déhanchent déjà au milieu du salon, transformé en dancefloor improvisé. Un reste detimiditémeretientdelesimiter.Soudain,unesensationélectriquem’avertitduretourd’Orion,partinouschercherdesboissons.

–Lamusiqueteplaît?demande-t-ilaucreuxdemonoreille.

Son souffle chaud me fait frissonner de la tête aux pieds. Je l’entends rire de ma réaction. Jechuchoteavecconviction:

–J’adore.

NoussavonstouslesdeuxquenousneparlonspasdelaprestationdeSunJuice,mêmesicelle-ciestexcellente.Ilposesoudainnosverressurl’étagèrelaplusprocheetmeprendlebras.

–Viensdanser.–Euh…

J’ai toujours peur deme donner en spectacle.Mais quandOrionme tire en avant, j’abandonnetouteréserve.J’aienviedem’amuser,d’oubliertousmessoucis,demelaisserportersanspenseràdemain.

Les cours de danse ont fait partie de mon éducation. Je sais danser la valse, le fox-trot, lecharleston et bien sûr le rock and roll. Mais la façon dont les gens bougent dans ce salon neressemble à rien de ce que je connais. À vrai dire, je ne suis pas certaines qu’ils suivent dequelconquesrègles.Alorsj’optepourleplussimple:melaisserguideraveuglémentparOrionquial’airdetrèsbiensavoircequ’ilfait.Jetourne,saute,virevolteentresesbras,légèreetheureuse.Sonsourirerépondaumien.

Jenemesuisjamaisautantamusée.

LesplatinesremplacentlamusiquelivequandCarriedécidequ’elleaussipréfèredanseravecsonmari.Libéré,Trevortentesachanceauprèsdemoi:

–Justeunedanse,pourchanger,argumente-t-il.

Orionnerépondrien,melaissantleloisirdedécider.Mais,lafaçondontildévisageTrevorferaitpeuràtouthommedotéd’unbrindebonsens.Cequin’estapparemmentpaslecasduguitariste.Sajoyeuseinsoucianceaquelquechosederafraîchissantquimefaithésiterentreleverlesyeuxaucieletéclaterderire.

–Désolée,dis-jefinalement,unemainposéesurlebrasd’Orion.J’aidéjàuncavalier.–Ilfautsavoirvarierlesplaisirs,remarqueTrevor,l’airdebeaucoups’amuser.–Vraiment ? intervient Orion d’une voix coupante. Tu joues dans plusieurs groupes, toi, pour

varierlesplaisirs?–Ah,répondleguitaristeen levant lesdeuxmainscommepourarrêter l’argument, lamusique,

c’estsacré!

Jesecouelatête,amusée:

–Çaenditlongsurlafaçondonttuconsidèreslesfemmes,tuterendscompte?–Onestlàpours’amuser,non?rétorque-t-ilenhaussantlesépaules,sansunetracedeculpabilité.–Jeterassure,luidis-jeavecunclind’œil,jem’amuseénormément.

Unsoupirtragiquegonflesapoitrine:

–TufréquentestropCarrie,tucommencesàraisonnercommeelle.Bon,situchangesd’avis,tusaisoùmetrouver.

Iln’apasfaitdixpasquelabruneaveclaquelleiladansétoutàl’heureseretrouvecolléeàsonbras. Orion repousse une de mes mèches de cheveux, dans un geste qui devient dangereusementfamilier.

–Tut’amusesvraiment?–Jesuisvenueparcequejesavaisquetuseraislà,réponds-jedansunaccèsdesincérité.

Sesdoigtss’immobilisentsurmajoue.Quandilmeregarde,sesyeuxsombresparaissentvoiraufonddemoncœur.Embarrasséedematémérité,jedétourneleregard.

Jenevoudraispasqu’ils’imagineque jeprends leschoses tropàcœur.CommeTina.Non, jenesuispascommeça!

–Sionallait tester lamachineàcocktails?proposé-jepour ramener laconversationen terrainplussûr.

–Çadépend,répond-ilavecunsourirecanaille.Onpeutajouterdelatequila?–Onpeutajoutertoutcequetuveux,affirmé-jeenleprenantparlebras.

Il passe un bras autour de ma taille pour me guider vers le jardin. Son contact dissipeimmédiatementma gêne. Jeme sens bien, complètement àma place. Si cette soirée pouvait durertoujours!

10.Courseàtraverslanuit

Joshuafinitparmettretoutlemondeàlaporteunpeuaprèsminuit.Commeconvenu,Oriondoitmerameneraugarage.Àregret,jetroquemarobebleuecontreunetenuepluspratiquepourmonteràmoto.

–Jeteladonne,situveux,proposeCarrie.–Cen’estpaslapeine,protesté-je,gênée.

Jesaisreconnaîtreunvêtementcoûteux.Etcen’estpascommesij’enavaisréellementbesoin.

–Pourmoi,c’est justeunerobe, insiste-t-elle.Maispourtoi,elleaunesignificationspéciale, jemetrompe?

Jesoupire.

Suis-jedoncsitransparente?

Oui,j’aimeraisgarderunsouvenirdecettesoirée.PourmerappelertoujourslafaçondontOrionm’aregardée…Carrielèveunsourcil,unsouriretaquinauxlèvres.

–D’accord.Mercibeaucoup,jeterevaudraiça,promets-je.

Jenesaispascomment,surtoutsijedoispartir,maisjeneveuxpaspenseràçacesoir.J’aipasséunemerveilleusesoirée,Orionm’attendavecsamoto…C’esttoutcequicomptepourlemoment.Jeroulelevêtementaufonddemonsacavantderemerciernoshôtes.

–Tuavaisperdutapantoufle,Cendrillon?demandeOrionenmevoyantarriver.–Tantquetamotonesetransformepasencitrouille…répliqué-jedutacautac.

Iltapotelacarrosseriecommepours’assurerdesasoliditéavantdeconclure:

–Net’inquiètepas,elletereconduiraàbonport.

Alorsquenousnouséquipons,ilmedemande:

–Jet’emmènefaireuntouravantderentrer?–Oùvoudrais-tualler?réponds-je,lesyeuxdéjàbrillants.

Souriantdemonenthousiasme,ilpropose:

–Vitesseoupaysage?–Lesdeux!

Maréponselefaitrire.Ilcaressemajoueenmetendantmoncasque.Aussitôt, l’enviedubaiserquenousn’avonspas échangé revientmeharceler.La soiréea étémagique.La tension inassouvieentrenousdeuxétaitautantundélicequ’unetorture.Maisàprésent…J’envoudraisplus!

–Tesdésirssontdesordres,fiera,murmure-t-ild’unevoixsensuelle.

J’aienviedeluidiredelaissertomberlamotoetdem’emmenerdirectementaugarage,àlaplace.Au lit, plus précisément.Mais encore une fois, je ne veuxpas paraître trop pressante.Et puis, j’airéellementenviedecetouràmoto.J’attrapelecasquequ’ilmetendetl’ajustesurmatêteavantdemonterderrièrelui.

Unsoupirdecontentementm’échappequandnosdeuxcorpsseretrouventsurlesiègedelamoto.Commesilemienavaitétéfaitjustepourlesien.Oriondémarreentrombe,troublantl’atmosphèretranquille du voisinage.Nous rasons de près la vieille guimbarde de Trevor, qui nous adresse ungestegrossier.Bienqu’ilaitlargementlesmoyensdesepayerunevoitureneuve,iltientàsontacotcommeàlaprunelledesesyeux.Lavoielibre,nousfilonssurlaroute,verslaliberté.

Noustraversonsd’aborduneforêtdepins.J’emplismespoumonsdel’odeurdelarésine.Ici,onpeutpasserpresquesans transitionde lavilleà lacampagne. J’adorecetendroit.Lesviragesnousobligentànouscollerl’unàl’autre.Moncorpsaccompagnelesmouvementsdusienaveclamêmefluiditéqu’unpeuplustôt,surlapistededanse.Nousnousaccordonssibienquej’enailatêtequitourne.

Puis,nousatteignonsl’autoroute.Orionmecriedebienmetenir.Jecroiselesbrassursonventre,matêteappuyéeentreseslargesépaules.Quandlamotoaccélère,lavitessemonteenmoicommeunevagued’ivresse.Jepousseuncriaigu.Lesépaulesd’Oriontressaillentsousl’effetdurire.Ilpousseencore lesgaz.Nousvolons littéralementau-dessusde l’asphalte,doublant sansdifficulté les raresvoituresquipassent.Jen’aipaspeur.Aucontraire,jemesenslibreetvivante.

Despharespuissantséclairentsoudainlegoudronàcôtédenous.Orionralentit.Deuxmotardsseportent à notre hauteur, la main levée. Tirée de ma bulle de bien-être, je plisse les yeux pourdistinguerleursblousons.

S’agit-ildelapolice?

Mais,nileursvêtementssombres,nilesgrossescylindréesqu’ilsconduisentnecorrespondent.Jesensledosd’Orionseraidir.L’undesnouveauxvenusluiadresseunsigneavantdezigzaguerdevantlui,luicoupantpresquelaroute.Jeretiensuncri,cettefoisd’angoisse.

Maisquisont-ils?Ungang?Desbanditsdelaroute?

Orionleuradresseunsignedelamainpourlesinviteràpasserleurchemin.Enmêmetemps,ilralentitpourallerseplacerducôtédroitde la route.Saréactionn’apas l’airdeplaireauxautres.L’und’euxnousadressemêmeundoigtd’honneur.JemeserresifortcontreOrionquejedoisluicouperlarespiration.Mesmusclesnouésmefontmal.

Quenousveulent-ils,àlafin?

11.Sortiederoute

Au moment où nous passons devant une bretelle de sortie, Orion vire si brutalement que jeremercielecieldemeteniraussifortàlui.Emportéesparleurélan,lesdeuxmotoscontinuenttoutdroit.Lesoulagementm’envahit.

Nouslesavonssemés!

Orionpoursuit àpetitevitesse surquelquescentainesdemètres.Passéungros rond-point,nousnous enfonçons dans une zone industrielle.Même si lesmotards faisaient demi-tour, il leur seraitdifficiledenous retrouveraprèsunedemi-douzainedecroisements.Lamotos’arrêteenfin,Orionmetunpiedàterreetretiresoncasque.Jel’imite,lesdoigtsencoretremblantsdenervosité.

–Quic’était,cestypes?–Justedescrétinsquivoulaientfairelacourse,répondOrion,dédaigneux,enhaussantlesépaules.

Jereprendsmarespiration.

–Lacourse?répété-je,soulagée.J’aicruqu’ilsvoulaientnousagresser.

Orionme prend dans ses bras. Ses grandesmains caressentmon dos tandis que je respire sonodeur.

Toutvabien.

–Ilsn’aimentpasqu’onleurdisenon,c’esttout,m’explique-t-il,rassurant.

Jesursaute:

–D’habitude,tuleurdisoui?

Jen’arrivepasàcroirequ’ilseconduisedefaçonaussi irresponsable !Soussesalluresdebadboy,ilm’atoujoursparuparfaitementréfléchi.Ilsegrattelanuque,embarrassé.

–Çam’estarrivéquandj’étaisplusjeune.Desbêtises…Onsecroitinvulnérable,àcetâge.

Jehochelatête,leneztoujoursenfouidanssonblouson.Moiaussi,quandj’étaisàl’université…

Enfait,non.

Quand j’y pense, jeme suis toujours efforcée d’avoir une conduite irréprochable.Mêmequandj’aiachetéScarlettetquej’aivoulugoûteràl’ivressedelavitesse,jemesuisrenduesuruncircuit.En écoutant Orion, j’ai l’impression de n’avoir vécu qu’à moitié. Pourtant, j’ai eu raison, non ?

Orioncaressemescheveux.

–C’estlepassé.Désolépourlafrayeur.–Jen’aipaseupeur,mens-je.

Blottiecontrelui,sesbrasautourdemoi,jemesensdetailleàaffrontern’importequeldanger.Ilritdoucement.

–Disonsquenousavonsterminélapartie«vitesse».Quedirais-tud’admirerlepaysage?

Jerelèvelatête.Noussommestoujoursgarésenpleinezoneindustrielle.Leshangarss’alignentdechaquecôtédelaruecommedegroscubesentourésdegrillage.

Pastrèsromantique.

Jedemande,incrédule:

–Ici?–Seulementsituéprouvesunepassionirrésistiblepourlatôleondulée,répond-il,railleur.

Ilsemoquedemoi,enplus!Jeluiadministreuncoupdepoingamicaldansl’épaule.

–Oùallons-nous,alors?–Jeconnaisunepetiteplage,justeàcôté.Àvraidire,çafaitlongtempsquejen’ysuisplusvenu,

maispuisquelehasardnousamenésici,autantsaisirl’occasion.

Jefrissonnemalgrél’épaisseurdemacombinaison.Commentilferapourretrouverl’endroit,denuit?Ilm’adresseunclind’œil:

–Fais-moiconfiance.Çavateplaire.

J’enfoncemon casque sur la tête. Je regrettais de n’avoir pas vécu plus dangereusement, deuxminutesplustôt,jenevaispasflippersousprétextequenousrisquonsdenousperdre!

–Allons-y!lancé-je,décidée.

Uneétroiteroutesinueusenousmènejusqu’àunamoncellementderochers.Nousdevonsencorecontourner celui-ci à pied pour descendre dans la crique, abritée des regards et du vent. Dansl’obscurité,jeredoutedetrébucheroudeglisser,maisOrion,unbrassouslemien,avanced’unpiedaussisûrqu’enplein jour. Je retiensmonsoufflequandnousarrivonssur lesable.La lumièredesétoilessereflètesurl’eau,loindeséclairagesdelaville.Mêmelesableblancscintillecommedelapoussière de diamant. Lâchant le bras d’Orion, j’écarte les bras pour inspirer une grande boufféed’airmarin.

–C’estgénial.

Ondiraitunedecesclairièresenchantéesdescontesdefées,danslesquelleslemondedeshumainsetceluidelamagieserejoignent.

Jeneseraispresquepassurprisedevoirunesirènesortirdelamer.

Orionlaisseéchapperunrireamusé,teintéd’unepointedesupériorité.

–Jet’avaisditqueçateplairait.Ôtetacombinaison,tuserasplusàl’aise.–Tumeproposesunbaindeminuit?

Sonriresefaitplusfranc.

–L’eauseraittropfraîche.Gardetesvêtements!

Dommage...

Jemedébarrassequandmêmedemeschaussettes,pour sentir le sabledouxet encorechauddesoleilsouslapointedemespieds.Orionmetendlamainpourm’aideràmerelever.

–Viensvoir.

Sesdoigtssontbrûlantsentrelesmienstandisqu’ilm’entraîneauborddel’eau.L’airfraisvenudulargemefaitfrissonner.

–Regarde!ditOrionenmedésignantleciel.

LesétoilesdelaVoielactéesedéploientau-dessusdenouscommeuneécharpescintillante.ImitantOrion,jem’allongesurlesable,levisagetournéversleciel.

–Jenel’aijamaisaussibienvue,murmuré-je.Oualors,jenefaisaispasattention.–Nousoublionssouventdeleverlesyeux,commenteOrionàvoixbasse.Etpuisenville,ilya

tropdelumièresparasites.Ici,lesconditionssontidéales.–Est-cequ’onvoittaconstellation?demandé-je,curieuse.–Orion?Non,ellen’apparaîtqu’enhiver.

Samaincherchelamienneetlapressedoucement.Moncœurbatàgrandscoupsdansmapoitrine.Jechercheautrechosed’intelligentàdire,maisjeneconnaisrienauxétoiles.Jenesavaismêmepasqu’onnelesvoyaitpastoutesenmêmetemps!

–Débutjuillet,poursuitOrionàmongrandsoulagement,tupeuxobserverleScorpion.Regardepar-là:onvoitbiensatête,saqueuerecourbéeetsonaiguillon.

Jeplisselesyeux.Pourmoi,touteslesétoilesseressemblent.Etlepouced’Orion,quicaresseledosdemamain,nem’aidepasàgardermaconcentration.

–Là, tuvois,cetteétoileavecunéclat rouge?meguide-t-ilgentiment.C’estAntarès, la têteduScorpion.

–Tut’yconnaisenastronomie,remarqué-je,impressionnée.

Ilrit,sanslâchermamain.

–MasœurNinaestunepassionnée, tutesouviens?Enété,elledortdanslejardinpournerienperdreduspectacle.C’estgrâceàellesijesuisdevenuincollablesurlesétoiles.

Mesdoigtsentrelacésauxsiens,jemeperdsdansl’infinitédel’espace.J’ail’impressiondeflotterentrecieletterre;Orionestleseulrepèrequimerattacheencoreaumonde.Savoixmebercetandisqu’ilmeparledelaCouronneboréale,d’HerculeetduCygne.

–Tuestoujoursavecmoi?demande-t-ilsoudain.

Jetournelatêtepourluirépondre.Nosvisagessontsiprochesquesonsoufflemechatouilleleslèvres. La conscience demon corps me revient avec acuité. Il se soulève sur un coude, ses yeuxbrillantdanslapénombre.Lesbattementsdemoncœurrésonnentdansmesoreilles.

Là,iln’yapersonnepournousinterrompre.

12.Souslesétoiles

Il réduit l’espace qui nous sépare millimètre par millimètre, comme s’il voulait me donner letempsdechangerd’avis.Jevoudraisluihurlerd’allerplusvite.Lepremiercontactdenoslèvresestaérien, comme lacaressed’uneailedepapillon. J’ai l’impressionque lesétoilesau-dessusdenostêtes scintillentplus fort.Allongée sur ledos, jeposemamain libre sur lanuqued’Orionpour leretenir. Son baiser se fait plus chaud, plus exigeant. Ilm’entoure de son bras tandis que sa languedemande l’entréeàmabouche.Noscorpsse fondent l’undans l’autre,commej’enai rêvé lorsdenotretrajetàmoto.

C’estplusenivrantencorequelavitesse.

Nos langues se goûtent et se taquinent, nos peaux se cherchent. J’ai oublié comment respirer etquandOrionromptnotreétreinte,horsd’haleine,jenesaisplustrèsbienoùjesuis.Unsourireàlafoistendreetmoqueurjouesurseslèvres.Ilal’airsicontentdelui-même…ettellementsexy!Jelèvemonvisageverslecielpourregarderlesétoiles.

–Avant,commencé-je,hésitante, jemenaisunevie tranquille.Uneviedans laquelle tout sembleécritd’avance,tuvois?

– Il n’y a rien demal à ça, répond-il en chatouillantma joue avec unemèche de cheveux. J’aitoujourssuquejereprendrailegaragedemongrand-père,moi.

JepenseàcequedisaitJoshuaausujetdesescapacités.

–Ettun’asjamaisregrettédenepasfaired’études?demandé-je,curieuse.–Non,répond-ilsanshésitation.J’adorecequejefais.–Tuasraison,dis-je.Parfois,ilfautjusteavancersansseposerdequestions.–Commequandtuassautédanstavoitureavecentoutetpourtouttarobedemariée…rappelle-t-

il,amuséetattendri.–Ça,dis-jeenlançantunepoignéedesableendirectiondesétoiles,commepourdéfierledestin,

c’estlameilleuredécisionquej’aiprisedemavie.

Orionhochelatêteénergiquement.

–Jesuisd’accordavectoi!–Jen’aijamaisétéplusheureusequ’encemoment.C’estdingue,non,quandonypense?–Moi,çameparaît très sensé,affirmeOrion.Mongrand-père racontait toujoursque legarage

étaitconstruitsurunanciensitesacréindien.Ilestcenséporterchanceàtousceuxquilefréquentent.

Jemetourneversluipourdéterminers’ilestsérieuxous’ilplaisante,maissonvisagenelaisserientransparaître.

–Tutemoquesdemoi,dis-je.–Pasdutout.–Tunem’aspasl’airdugenreàcroireauxlégendesindiennes.

Ilcollesabouchecontremonoreillepourmerépondre:

–Tuasencorebeaucoupdechosesàapprendresurmoi.

Jechuchote,troublée:

–Commequoi?

D’uncoup,ilseredresseetm’attrapedanssesbrassanseffortapparent.Surprise,jepousseuncrienm’accrochantàsoncou.

–Qu’est-cequetufais?!

Sansrépondre,ils’approchedesvaguesquiclapotentànospieds.Jemecramponneplusfortàlui.

–Nefaispasça.Jen’aipasdevêtementsderechange!–Tusais,meconfie-t-il,trèscalme,ilfautparfoissavoirlâcher-prise.

Jebredouille,aumomentoùsespiedsentrentdansl’eau:

–D’accord!Jeleferai!Maispasmaintenant!–Troptard,s’exclame-t-il.

D’unélanpuissant,ilmebalanceàlamer.Jepousseuncriperçantavantd’êtreengloutieparunevague. L’eau salée entre dans mon nez, dans mes oreilles et dans ma bouche. Je me redresse encrachotant,trempéeetfurieuse.

–Bordel,c’estfroid!

Des grains de sable crissent sousmes dents et l’âpreté du selme râpe la langue. Sur le rivage,Orionsegondolederire.

Ilvamelepayer!

Commentose-t-il...!?Personnenem’ajamaistraitéecommeça!Ilmelance,goguenard:

–Jecroyaisquetuaimaislessensationsfortes,fiera?–Cen’estpas...

Alors que je m’apprête à lâcher « drôle », quelque chose cède au fond de moi. Un fou rireinextinguiblemontedansmagorge.Jesuisdeboutaumilieudelamer,touthabillée,àdesmilliersdekilomètres de tout ce que j’ai toujours connu... Et je ne me suis jamais sentie plus vivante ! Jedissimulemonhilaritéenfaisantminedem’étrangler.Orionfaitunpasenavant.

–Isabel?Çava?

Satisfaite de la pointe d’inquiétude dans sa voix, jeme penche en avant et tousse de plus belle.Orions’avanced’unpassupplémentaire,lesvaguesléchantlesjambesdesonpantalon.J’attendsqu’ilsoitparvenusuffisammentprèspourmejeterenavant.Mesbrasentourentsesgenouxetjepousse,assezpourledéséquilibrer.Ilatterritàplatdosavecungrand«plouf»etunesériedejuronscolorésen espagnol. J’en profite pour battre prudemment en retraite en direction de la plage.Quand il seredresse,ilsecouelatête,projetantdesgouttelettesdanstouslessens.

–Ça,fiera,tuvasleregretter.

Je pique un sprint, gênée parmes vêtements trempés. Il me rattrape en quelques foulées etmefaucheenpleinecourse.Nousnousabattonssurlesableenriant.Salanguevientlécherleselsurmeslèvresavantqu’ilneremarque,soucieux:

–Tugrelottes.–Lafauteàqui?riposté-je.Jesuistrempée!–Allonsnousrhabiller,décide-t-ilenseredressant.

Je ronchonne durant toute l’opération. J’ai froid, le sable colle àmes vêtementsmouillés,mesdoigtstremblentsifortquejen’arrivepasàremonterlesfermeturesÉclairdemacombinaison.

–Arrêtedefairetaprincesse,metaquineOrionenvenantàmonaide.–Laprochainefois,penseauxserviettesdebainetàlatenuederechange!protesté-je,vexée.

Le sablemegratte lapeauetme rend irritable. J’enaimêmedans lescheveux !Pourtant, jenepeuxm’empêcherdesourireenpensantànotremomentdefolie.Lâcherlapressionm’afaitdubien.Orionm’adresseunclind’œil,commes’ilavaitludansmespensées:

–Allez,monte,onyva.

Je lui obéis avec empressement, espérant que le contact de son corpsme réchauffera durant lacourse.Lamotobonditdanslanuit.

13.Dernierétageavantleciel

Lamoto ralentit devant un immeuble de briques rouges. La lumière des réverbères éclaire unevieilleaffiche«orangesdeCalifornie»àmoitiéeffacée,surlafaçade.Ondiraitunancienlieudestockagereconvertitenappartements.JememetsàgrelotterdèsquejelâcheOrion.Lacombinaisondemotoestinconfortable,par-dessusdesvêtementsmouillés.Jem'étonne:

–Onestoù,là?–Chezmoi,répondOrionenôtantsoncasque.

Moncœursemetàbattreplusfort.Jedemande,d'unevoixétranglée:

–Cheztoi?Pourquoicheztoi?–C'étaitplusprès,explique-t-ild'untonneutre.Tuavaisl'airfrigorifiée.–C'estvrai,mais...–Etjen'avaispasenviedetequitterdéjà,ajoute-t-il,sonregardsombrevrillédanslemien.

Unfrissonquin'arienàvoiraveclefroidmeparcourtdelatêteauxpieds.

Moinonplus,jen'avaispasenviedelequitter.

–Çateva?demande-t-ilentendantlamainpourprendremoncasque.

Uneimpatiencefébrilepercedanssavoix,maisjesaisquesijeluidemandedemeramener,illefera.C'estàmoidedécider.Jefaismined'hésiter,pourdissimulermonémotion:

–Tuasdel'eauchaude?

Unsourirenarquoisétireseslèvres.

–Toutleconfortmoderne,promis.–Alorsc'estparfait.

Ilfaittournoyersacléentresesdoigts.

–Dernierétage,fiera.Tuverraslesétoiles!

Nous laissons lamotoet les casquesdansunbox, face à l'immeuble,maisnous conservons lescombinaisons,bonnesàlaver.Orionsetrompeentapantlecoded'entrée,cequimefaitpartird'unrirenerveux.

–Tumedéconcentres,chuchote-t-ilàmonoreilleenm'entourantlatailledesonbras.

Troublée,jemelaisseguideràl'intérieur.Lehalld'entréeestuneimmensecagemétalliquedontlastructures'élèvejusqu'autoit,laissantvoirlecielétoiléparunpanvitrédelatoiture.Orionmeserrecontrelui.

–Pasd'ascenseur,désolé.Tutiendrastroisétagesàpiedoudois-jeteporter?

Jelefusilleduregard,mêmesilafossettedanssajouem'informequ'ilmetaquine.

–Tumeprendsencorepouruneprincesse?–Toujours,mabelle,répond-ild'untongrave.

Sa main ne quitte pas mes reins durant toute l'ascension. Malgré mes vêtements mouillés, jecommence à avoir très chaud.Quand nous arrivons au dernier palier, jemarque un temps d'arrêtdevantlavuevertigineuse,surlacaged'escalierd'uncôté,surlecielétoiléau-dessus.

–Jet'avaisditquetuverraislesétoiles,souffleOrionenm'enlaçant.–C'estmagnifique.

Seslèvrescaressentmoncou,sousl'oreille.Jeretiensmarespiration;soncontactm'enflamme,maismoncorpstransimetrahitengrelottant.Orionreculed'unpas.

–Tuasbesoind'unedouchechaude.–J'aibesoindetoi.

Lesmotsm'ont échappé. Je refusenéanmoinsde les reprendre et je le fixed'un air résolu.Sonsourires'efface,remplacéparuneexpressionaffamée.

–Moiaussi,chuchote-t-il,seslèvrescontrelesmiennes.Viens.

Ildéverrouillelaported'entréesansmelâcherlamain.Jerespireuneodeurdecèdreetd'épices.Le parquet craque sous mes pieds tandis qu'Orion me guide le long du couloir. Une porte enaluminiumetverredépolis'ouvresurlasalledebains.

Jetrébucheenposantlepiedsurlecarrelageblancdelapièce.Orionmeretientparlataille.

–Déshabille-toi,medit-il.J'allumeladouche.

Jemelaissetombersurunbancmétallique,accrochéaumur.Satiédeurmetireunsoupirdebien-être.Monregardglisselelongdestubesquicourentsurlecarrelageblanc.Lapièceoffreunaspectfonctionnel,quasiindustriel.Ladoucheoccupetoutlemurdufond,avecplusdejetsquejen'enpeuxcompteràtraverslavapeurquis'enélève.Orionenressort,lescheveuxmouillés,etlaisseglissersavesteausol.Fascinée,jeregardesonpantalondeprotectionsuivrelechemindesaveste,puissonT-shirtmouillé,révélantsestatouages.Jemeperdsdanslacontemplationdesoncorps.Hélas,ils'arrêteaumomentdedéfairelaceinturedesonjeanetseretourneversmoi.

–Tuasbesoind'aide?medemande-t-ilavecunsourireprovocant.

Mapeausemetàfourmiller.D'ungestedécidé,jedescendsmafermetureÉclair.Justeaumomentoùlesyeuxd'Orioncommencentàbriller,jem'interromps.

–Enfait,oui,dis-jeenluirendantsonsourire.Jeveuxbienquetum'aides.

Ilmeprend lespoignetspourm’attirerà lui.Lachaleurdesoncorps rayonneà travers le tissumouillé de mon T-shirt. Sa bouche effleure la mienne en une promesse enivrante. Je retiens marespirationdansl’attentedelasuite.Uneimpatiencefébrilefaitbouillirlesangdansmesveines.

Aucunecourseàmotoneprocurerajamaislamêmeadrénaline!

Orionmelâcheet,passantd’unrythmelentàuntemporapide,attrapeleborddemonT-shirtpourlepasserpar-dessusmatête.Jepousseunpetitcridesurpriseetmeretrouveaussitôtprisedansuneétreintechaleureuseauparfumd’épices.Mapeauencore froideethumideépouseavecdélicecelled’Orion,chaudeetsèche.Monnezaucreuxdesoncou,jem’enivredesoncontact.

–Nebougepas,souffle-t-ilàmonoreilletandisqu’ils’attaqueàlaceinturedemonpantalondemoto.

Il bataille contre les couches de tissu imbibées d’eau. Ses doigts brûlants glissent surma peau,contremeshanchesd’abord,puismesreins.Illuttepeut-êtrepourmedéshabiller,maisilneseprivepasdeprofiterduterritoireconquisaupassage!Sespaumesenglobentmesfesses,chassantlefroidde la route, allumantun feudélicieuxdans toutmoncorps.Le souffle court, j’enfonce légèrementmesdentsdanssonépaulepourétoufferuncri.

–Ducalme,fiera!,m’ordonneOrion.

Il tentedeprendreun ton léger,mais lapointe rauque,danssavoix,mesouffle«encore !» Jesouriscontresapeau,fièredeluifaireceteffet.

–Alorsdépêche-toi!leprovoqué-je.

Ils’agenouillebrusquementdevantmoi,pouravoirunemeilleureprisesurlesjambes.Sabouchese retrouve à hauteur demon ventre, qu’il embrasse. Frémissant de la tête aux pieds, je posemesmains sur ses épaules pourme stabiliser. Ses doigts continuent de tirer sur le tissu, pour le fairedescendre.Seslèvresexplorentlapeauainsidénudée.Jefrémisquandellesquittentmonventrepoursuivrelacourbedemeshanches.Lesjambescoupées,jem’adosseaumurderrièremoi.Lecontactdelasurfacefroidemefaitfrissonner.Presqueaussitôt,labouched’Orionseposesurmonsexeetunevaguebrûlantebalayelafraîcheur.Salanguetourneautourdemonclitoris,effaçantdematêtetoutepenséerationnelle.Jenepeuxquem’abandonner,matêteappuyéecontrelemur,mescuissesécartéesautant que me le permet le pantalon qui entrave encore mes mollets. Les muscles solides de sesépaulesroulentsousmespaumestandisquesabouchemefaitdécouvrirdesdélicesdontj’ignoraisl’existence.C’est tellementbonque j’enoubliede respirer.Un tremblementagitemoncorps,de laracinedemescheveuxàlapointedemesorteils.

–Orion!

Leplaisirmontecommeunevagueetbalayetoutsursonpassage.Jemelaisseglisserausoltandisqu’Orionenprofitepourretirermesderniersvêtements.Ilmesoulèveensuiteentresesbras.Jemeblottiscontresapoitrine,majouesurledragonquigardesoncœur.

–Àladouche!décrète-t-il.

L’eau chaude nous recouvre comme une pluie tropicale. Alors que je me croyais incapable debouger,elleréchauffemonépidermeetréveillemondésir.Moncorpsglissedansl’étreinted’Orion.Jemeretiensàsa taillepourconservermonéquilibre.Nosbouchesse trouventsous l’averse.Noslanguesseprovoquent,attisantnotredésir.Nosmainsexplorent,redécouvrentnoscorps.Monsexeencore sensible de mon récent orgasme vient frotter contre une érection imposante. Le regardd’Orions’assombritalorsquelesoufflememanque.

–Lavons-nousvite,ordonne-t-ilfiévreusement.Tum’excitestrop.

Unparfumdementheetcitron,serépanddansl’espaceexigudelacabinequandils’emparedelabouteilledegeldouche.Je le laissed’abordmesavonner,frémissanted’impatienceetdedésir.Sesgrandesmainscommencentparfrictionnermoncuirchevelu.Toutmoncorpssedétendsousl’effetdumassage. Je ferme à demi les yeux. Si je n’avais pas tellement envie de lui, jem’endormiraispresque. Il s’attarde surma nuque qu’il pétrit longuement, passe plus rapidement surmes épaules,mes omoplates, puis revient devant pour s’occuper de mes seins. Je retiens mon souffle avantd’exhaler bruyamment quand il pincemes tétons entre le pouce et l’index. D’une voix rauque, jelâche:

–Àtontour.

Pourtouteréponse,Orionembrassemonépauleavantdelaisserglisserplusbasunedesesmains.Ilsavonnemonventre,mahanche,macuisse,sonautremaintoujoursautourdemonsein.Quandilatteintmonsexe,jegeins:

–Oui!Non…

Ilritdenouveau,sabouchecontremapeau:

–Ilfaudraitsavoir,fiera.

Jesuisincapabledeluirépondre;sesdoigtsdiaboliquementhabilesréveillentledésirquicouvaitsous labraise.Jedoismetortillerpour luiéchapper.Unemainsursapoitrinepour l’empêcherdecontinueràmetorturer,jeluirappelle:

–J’avaisditàtontour!

Sonregardbrûled’unfeusombre.Sonfrontpressécontrelemien,ilgronde:

–C’estcequetuveux?–Oui,soufflé-je,fiévreuse.Jeteveux.–Dans ce cas, je suis entièrement à toi,murmure-t-il en reculant d’un pas pour s’adosser à la

paroi.

Malgré mes mains tremblantes d’impatience, je prends mon temps, m’attardant sur chaquetatouagepouren redessiner lescontours.Lesépaulesappuyéescontre laparoi,Orionme laisse lechamplibre.Seulsonsouffleprécipitétrahitl’effetqueluifontmescaresses.Enivréedupouvoirquej’aisurlui,jeprendsplaisiràl’exciter,tournantautourdesonsexesansjamaisyposerlesmains.Ilgémit,alorsquejeremontelentementlelongdesacuisse:

–Tumetues,fiera.

Jemedécideàeffleurersonérectionduboutdesdoigts.Elleestdurecommedel’acier,maislapeau y est douce comme de la soie.Quand je refermemamain dessus,Orion renverse la tête enarrière,lesyeuxfermés.

Jen’aijamaisriencontempléd’aussisexy.

Sanslequitterduregard,jefaiscoulissermonpoingd’avantenarrière.Ildonneuncoupdereinspourveniràmarencontre.J’appuiemonautremaincontresahanchepourl’empêcherdebouger.

–C’estmoiquichoisislerythme,glissé-jeàsonoreille.–Plusvite!halète-t-il,suppliant,presquebrutal.

Aulieudeluiobéir,jelecaresseavecunelenteurétudiée.Ilpasseunemainsurmanuqueetattiremabouchecontrelasienne,pourm’embrasseravectoutelafouguequ’ilnepeutpasdéployerplusbas.L’ardeurdesalanguecontrelamiennemedéconcentre.Matêtetournesousl’affluxdedésir.Mapeau sepresse contre la sienne, avidede contact. Jeveux le sentir partout, surmoi, enmoi.Notrebaiserdevientsauvage,horsdecontrôle. Ilsedécollesoudaindumuretmesoulèvedanssesbras.J’entouresatailledemesjambespournepasperdrel’équilibre,gémissant:

–Qu’est-cequetufais?–Onchangededécor,fiera,halète-t-il.

L’air frais, à la sortie de la douche, me fait frissonner. Je tends le bras pour saisir l’une desépaissesserviettesdebainaccrochéessurunrail.Sansmelâcherniralentir,Orionladrapeautourdemesépaules.Noustraversonslecouloirennousembrassantpartoutoùnoslèvrespeuventseposer.Puis,nouspénétronsdansunvasteespacedemétaletdeboisclair.Orionmelâched’uncoupsurunimmense canapé gris. L’espace d’un instant,mon regard se perd dans le plafond. De larges baiesvitréeslaissententrerlapâleclartédesétoiles.Àleurlumière,jedistinguelecorpsd’Oriondanslapénombre, grand, parfaitement sculpté, délicieusement sexy. Son sourire brille dans l’obscuritécommeilsepencheversmoi.

–Ànousdeux,fiera.–Jen’attendsqueça,rétorqué-je,provocante.

Lafaçondontilmeregarde,celledontilmetouchemefontsentirbelle,forteetdésirable.Plusquejenel’aijamaisétédemavie.Jemesensprêteàtouteslesaudaces.Meredressantsuruncoude,j’attire la têted’Orioncontre lamiennepour l’embrasser.Nospeauxencorehumidesde ladouche

glissentl’unecontrel’autreenunefrictionélectrique.J’aimeraisavoirdixbouches,centbraspourlegoûter,letoucher,lesentir.Safièvrerépondàlamienne.Sesdentseffleurentmapeau.J’auraissansdoutedesmarquesdemainetjelesporteraifièrement.Jesuisdudoigtledessindesestatouages,iltracedeslignesimaginairessurmapeau,découvrantdeszonesérotiquesinsoupçonnées.Lasoifdeluirésonneenmoicommel’échod’unecascadeauSahara.Jebrûledel’assouviretenmêmetemps,noustenirainsisurlacrêteduplaisirestsiintensequej’essaiedeprolongerl’instantaumaximum.

–Attends!lâche-t-ilsoudainenserelevantd’unbond.

Jelâcheun«quoi?»surprisetindignétandisqu’ildisparaîtdemonchampdevision,melaissantbrûlante et inassouvie.Heureusement, il revient presque aussitôt, une boîte à lamain. Son contenupleut sur le tapis tandis qu’Orion retient l’undes carrés deplastique entre ses doigts fébriles.Uneonde d’excitation court sur ma peau. Le souffle court, je le regarde déchirer l’emballage dupréservatif,puisl’enfiler.Ilseretourne,rouleau-dessusdemoid’unmouvementfluide.Jerefermemesbrassursesépaules.

–Viens!

Attisé par nos caresses, notre désir appelle un contentement immédiat.Un soupirm’échappe aumomentoùilmepénètre.C’estparfait,brûlant,addictif.J’enfouismonvisagedanssonépaulepourrespirersonodeuralorsquejeluiabandonnelesrênes.Commelorsdenostrajetsàmoto,jeluifaisconfianceetjecalquelesmouvementsdemoncorpssurlesien.Sescoupsdereinsnouspropulsentverslesétoiles.J’ouvregrandlesyeuxaumomentoùjemesensdécoller.Sespupillesdilatéesfontparaîtrelessienspresquenoirs.Jem’ynoieavecuncriauquelilrépondpresqueaussitôt.

Des frissonsnoussecouent toujoursquand ilposeunbaiser sur leboutdemonnezavantdesedégager.Ladouceurdecegestemesecouepresqueautantquel’orgasme,parcequeça…Cen’estpasdusexe.Pourtantjechasselaréflexionaussivitequ’ellem’estvenue.Allongéesurledos,jelaissemonregardseperdredanslesastres.

–Çateplaît?demandeOriond’unevoixencoreessoufflée.–J’aivuplusd’étoilescesdernièresheuresquependantmavieentière...

Sonriremedonnedesfrissons,malgrémonépuisement.

–Ilfauttoujoursécouterlesétoiles,déclare-t-ild’untongrave.–Etquedisent-elles?–Qu’ilesttempsdedormir?

J’éclated’unriredéjàensommeillé.

–Ellesontraison,approuvé-jeenmeblottissantcontrelecorpschaudd’Orion.–Tupréfèresvenirdans lachambre?demande-t-il encaressantmonépaulenue.Le lit estplus

confortable.

Je tentedemereleversuruncoude,maismoncorps refusedem’obéir. Jeparviens tout justeàmurmurer:

–Hum,oui,plustard.

Orion rit. Je le sens remuer contremoi et un instant plus tard, une couverturemoelleuse nousenveloppe.Ma têtecontre son torse, l’undesesbrasautourdemoi, jeme laissepeuàpeuglisserdanslesommeil.Ladernièrechosequej’aperçois,avantquemesyeuxnesefermentpourdebon,estlatracelumineusedelaVoielactée,trèshautdansleciel.

14.Aubeetrévélations

Je me réveille avec l’aube. Une pâle lueur orangée filtre à travers les rideaux. L’espace d’uninstant,jemedemandeoùjesuis,puisjeprendsconsciencedelachaleurducorpspressécontrelemien.

Orion.

Jerefermelesyeuxuninstantpoursavourerlessouvenirsdelanuit.Mapeaufrémitencoredenoscaresses.Jenem’étaisjamaissentieaussilibre,aussiaudacieuse,aussiheureuse.Unsoupirs’échappedemeslèvres.

Jedoisluidirelavérité.

Notrerelationadépassélestadeducoupd’unenuit.Jenesaispasencoreoùellenousmène,maisdans tous lescas,nousnepouvonspas laconstruiresurunmensonge.Moncœursemetàbattreàgrandscoups.

Pourvuqu’ilnem’enveuillepasdeluiavoirmenti.

Bienréveillée,àprésent,jemetourneversOrion.Ildortencorepaisiblement,unbrasautourdemataille,l’autrerepliésoussatête.Beauàentomber.J’effleuredudoigtlesoiseauxtatouéssursonbras. L’émotion gonfle ma poitrine. Je cligne des paupières pour endiguer cette montée desentimentalisme.

Jedevraisplutôtréfléchiràlafaçondontjevaisluirévélermonsombrepassé.

Me redressant sur un coude, je constate qu’ilm’a portée jusqu’à sa chambre durant la nuit.Unplafondblancaremplacélaverrièreauxétoiles.Troispharesdevoitures,pointésdansdesdirectionsopposées,tiennentlieudeluminaires.Jerepousseàregretlacouettemoelleusequinousrecouvre.

Ilfaitfroid!

Monespritembruméabesoindecaféinepourmettreaupointlesexplications.

Jem’ysuishabituéefinalement.

Tout me paraîtra plus facile une fois que j’aurai l’estomac plein. J’espère. Première étape :m’habiller.Mesvêtementssont restésdans lasalledebains ; ilsdoiventencoreêtrehumides.Maisdes étagères en acier poli, dissimulées derrière des rideaux, occupent tout unmur de la pièce. J’ypiocheauhasarduncaleçon,unT-shirt,unjeanetungrospulldontjeroulelesmanches.

J’aimebienportersesaffaires.Aumoinspourtraînerdanslamaison.

J’ouvre la porte avec d’inutiles précautions : les gonds parfaitement huilés n’émettent pas ungrincement.Leparquetbrutestchaleureuxsousmespiedsnus.Jetentedem’orienterdanslecouloir.Cette porte en verre et acier doit être celle de la salle de bains. Donc, le salon est en face. Etlogiquement,lacuisineestladernière...

Raté.

J’aipénétrédansunatelierencombrédetoutessortesdepiècesdétachéesdontj’ignorelafonction.Àpeinesijereconnaisunerouedemotodanslefouillisentassédansuncoin.Apparemment,Orionaime bricoler jusque chez lui… Les cartes du ciel punaisées au mur me font sourire. Du moins,jusqu’àcequejeposelepiedsurunécrouetmemetteàsautillerpeuélégammentsurunpied.

Bon.Jenecroispasquec’esticiquejetrouveraiunemachineàcafé.

Battantenretraite,jetenteladernièreporteenfacedel’entréeenpriantpourquecenesoitpasunplacardàbalais.Unparfumdecannellememonteaunez.

Gagné!

La fraîcheur du carrelage remplace le parquet sous mes pieds. Le soleil levant, rougeoyantderrièrelavitrejusteenfacedemoi,mefaitclignerdesyeux.Silacuisinenepeutrivaliseravecledécordescience-fictiondechezCarrieetJoshua,elleoffretoutdemêmeuneallureultramoderne,avec sesmeubles rouge laqué, son carrelage noir et ses accessoires en acier brossés. Tout à l’airencoreneuf.

Depuiscombiendetempshabite-t-ilici?

Jerepèreimmédiatementlamachineàcafé,poséesurleplandetravail.Piochantunecapsuleauhasarddanslaboîte,j’ajoutedel’eau,appuiesurleboutonetlabêtedémarreencrachotant.Pendantcetemps,j’explorelesplacardsàlarecherchedequelquechosedecomestible.Lepremiercontientunnombreinvraisemblabledepaquetsdechipsaupaprika,troisbocauxdecornichonsetunpaquetdetortillasentamé.Celuisouslefourestremplidepiècesdétachéesqui,àmonavis,n’ontpasgrand-choseàvoiravecl’alimentation,àmoinsdecuisineràl’huiledemoteur.Dansletroisième,jemetslamainsurunpaquetdeLuckyCharmsplanquéderrièrelemüesliauxfruitssecs.J’enremplisunbol,récupèrematassedecaféetemmèneletoutausalon.J’aiàpeineeuletempsdel’apercevoir,hiersoir.Lavuedelamotoplantéeenpleinmilieumefigesurplace.Unpetitrirem’échappe.

Ça,c’esttypiquementOrion.

Bellebête,audemeurant.Àenjugerparlestyle,cedoitêtreunepiècedecollection:deschromespartout,unesilhouettedepin-upgravéesurleréservoir,ducuirmarronsurlespoignéesetlaselle.

J’avaisl’espritvraimentailleurspournepasl’avoirremarquée.

Le canapé est resté en désordre ; je ramasse la couverture tombée par terre. La boîte depréservatifs dépasse àmoitié d’en dessous. Je la repousse en rougissant. Tournant surmoi-même,j’examine lapièceplusendétail.Desmobiles représentantdesétoiles,desplanètesetdesgalaxies

pendentdespoutresmétalliques.Dansuncoin,suruneétagèremétallique,s’entassentd’autrespiècesdétachées et des outils en pagaille. Comme au garage, des dessins d’enfants fixés par du scotchdécorentlesmurs.Deuxbanquettesdevoiturerecouvertesdeplaidsécossaistiennentlieudesiègesd’appoint.Unerouedecamionverniesertdetablebasse.Unbancdemusculationoccupelamoitiédumuropposé à la télévision.À sespieds, le sol est encombréd’haltères, barresmétalliques, bandesélastiques,ballesetmêmeunerouedontj’ignorel’usage.

Cen’estpasmoiquimeplaindraisqu’ilentretiennesoncorps.

M’asseyantsurlecanapé,j’allumelatélévisionetjeplongemacuillèredansleboldecéréales.

–Tunem’aspasattendupourlepetitdéjeuner?

15.Cinqcentmilledollarsderécompense

Lavoixd’Orionmeprendparsurprise.Sursautant,jerenverseunepartiedemesLuckyCharms.Orionrattrapelebolauvoletleposesurlatablebasse.Ilfroncelessourcils,l’airfaussementvexé.

–Jenevoulaispasteréveiller,m’excusé-je.Mais,situveuxdesLuckyCharms…–C’esttoiquejeveux,dit-ilenm’attirantàlui.

Seslèvreschaudess’emparentdesmiennesavecunefamiliariténouvelle,néedenotrelonguenuit.Salanguegoûtelonguementlasaveursucréedesmorceauxdeguimauvesurlamienne.Chaquefibredemoncorpsfondsousladouceurdelacaresse.Jemelaisseallercontrelui,alanguie.Unbraspasséautourdemataillepourmeretenir,ildétacheseslèvresdesmiennespoursouffler,avecunsourireencoin:

–Délicieux.

Jepartagetoutàfaitcetteopinion.Maintenant,j’aienviedequelquechosedeplusépicéquemescéréales. Sa peau, par exemple… Il me soulève soudain dans ses bras. Je m’accroche à son cou,ravie;hélas,monventreémetungargouillisaussisonorequepeugracieux.Orionritenallantmedéposersurlecanapé:

–Jecroisqu’unbonpetitdéjeuners’imposeavanttout.Veux-tudesœufs?

Cela fait des jours que jeme nourris deLuckyCharms au petit déjeuner.Mon estomac semblesoudainserappelermapréférencepourlespetitsdéjeunersàl’anglaise.Jetenteavecespoir:

–Avecdubacon?–Toutcequetuvoudras,promet-ilenm’embrassantdanslecou.

Alléchée par la promesse, je le suis jusqu’à la cuisine. Il met dans ses préparatifs la mêmeprécisionquelorsqu’iltravaillesurunmoteur.

J’adoreleregarder.

–C’estlebaconquetuveuxmanger,oumoi?plaisante-t-il,surprenantmonregard.–Lesdeux!

Maréponsemevautunnouveaubaiser,quiseprolongejusqu’àcequ’uneodeurdebaconbrûléserépandedanslacuisine.Orionmelâcheavecunjuronpourallerréparerlesdégâts.

–Ilnefaudrapasteplaindres’ilesttropgrillé,m’avertit-il.–Jesuiscertainequeceseradélicieux.

Ilsortdeuxplateauxd’unplacard;surchacund’eux,ilposeuneassietted’œufsaubacon,unepilede toastsetungrandverrede jusd’orange.Jem’emparedumienavecunenthousiasmequi le faitrire.

–Attends-moi!lance-t-ilalorsquejemedirigeverslecouloir.

Tenantsonplateauàdeuxmains,ilmedoubleavecunsouriretriomphal.Jelèvelesyeuxaucielmaismonriremetrahit.

Jeprendraimarevanche!

Orions’immobilisesurleseuildusalon,sonplateauentrelesmains,lesyeuxrivésàl’écrandetélévision.Jem’approchepourregarderpar-dessussonépaule.

Quesepasse-t-il?

J’espèrequ’iln’yapaseuundrameou...

Leplateaum’échappedesmains;soncontenus’écraseparterre,projetantdeséclatsdeverreetdeporcelainedans tous lessens.C’estmonvisage,ouplutôtceluideLeah,quis’afficheengrosplanavecseslongscheveuxsombres.

Jen’ycroispas!

Orionfaitunpasenavant,indifférentàmaréaction.Ilposesonplateausurlecanapéetmonteleson.Leprésentateurparled’undramefamilial,unefiancéedisparueaumatindesesnoces…Etvoilàqu’ilsaffichentmonfaire-partdemariage,àprésent!Avecmonnom(levrai)etceluidemonex-fiancéinscritsengros!Etleprésentateurlesrépète,aucasoùonn’auraitpasbienvu!

Maisqu’ilsetaise!

Jedemeuretétaniséetandisquelemensongesurlequelj’avaisconstruitmanouvellevies’écrouledevantmesyeux.L’hommedelatélévisionrévèlemonâge,mesorigines,ladatedemonmariageetlemontantdelarécompensepromisepourmonretour.

Unerécompense?Ilssontsérieux!?Jenesuispasunchatperdu!

J’ailagorgesècheetlesmainsmoites.Mesoreillessifflent.Commentmesparentsont-ilspuenvenirlà,euxquicraignenttantlequ’en-dira-t-on?Ilsn’espèrentpassérieusementquejevaisrentreraprèscequis’estpassé?!

C’estcomplètementn’importequoi!

Quandj’aidécidédetoutrévéleràOrion,enmelevant,jen’avaispasimaginéunscénarioaussibrutal. Ni que lemonde entier serait au courant ! Je vais passer pour quoi ? Ils ont tout détruit !J’essuiemesmains surmon jean d’emprunt. Je dois trouver unmoyen de réparer le désastre.Aumomentoùjem’apprêteàparler,Orionéteintlatélévisionetsetourneversmoi.Lesépaulesraides,

levisagefermé,sesyeuxlancentdeséclairs.

Moncœursombredansmapoitrine.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Égalementdisponible:

BadGames

ÀpeinearrivéesurlecampusdeStanfordenCalifornie,CarrierencontreOrionetJosh,deuxbadboysaméricainsaucharmeravageur.VoilàunséjourauxÉtats-UnisquicommencebienpourlajeuneFrançaise!Seuleombreautableau:elledoitassisteraumariagedesamère…quil’apourtantdélaisséependanttoutesonenfance.Carrieestbiendécidéeàprofiterdelavieet,laveilledumariagetantredouté,ellesuccombeaucharmedeJosh,letatouéausourirefoudroyant.Pasdepromesse,pasd’engagement,seulementunmomentmagiqueavecunamantincroyable!Saufquesanslesavoir,Carrieapassélanuitavecson…futurgrandfrèreparalliance!Lemariagedesamèrepourraitbiensetransformerenunvéritablecauchemar…Entrepassion,sentimentsetsecrets,lesdeuxamantsdevrontlutterpourdéfendreleurbonheur!

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Décembre2016

ISBN9791025734186