16
dessin ludovic debeurne DVD cinéma p. 2, 4 et 5 DVD musiques p. 6 CD chanson p. 8 CD rock/électro p. 10 CD jazz p. 11 CD musique classique p. 12 et 13 CD musiques du monde p. 15 DVD & CD DE L’ANNÉE LA SÉLECTION DU SERVICE CULTURE CAHIER DU « MONDE » DATÉ MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005, Nº 18938, NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT

1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

des

sin

lud

ovi

cd

ebeu

rne

DVD cinéma p. 2, 4 et 5 DVD musiques p. 6 CD chanson p. 8

CD rock/électro p. 10 CD jazz p. 11 CD musique classique p. 12 et 13

CD musiques du monde p. 15

DVD & CD DE L’ANNÉEL A S É L E C T I O N D U S E R V I C E C U L T U R E

CAHIER DU « MONDE » DATÉ MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005, Nº 18938, NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT

Page 2: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Un thrillerhypnotisantdavid lynch

a Lost Highway.

UN COUPLE, une maison pleine de grondements sourds,une mystérieuse cassette vidéo déposée par un inconnuqui montre les deux locataires dans leur intimité. Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante, à deux niveaux. Le héros, obsessionnel, est unhomme qui a assassiné sa femme qu’il soupçonnait d’infi-délité. Il réapparaît amnésique après avoir disparu de la cel-lule où il était emprisonné. Un homme mystère, figureclownesque de vampire, hante ce périple de fantômes at-teints de « fugue psychogénique » (perte d’équilibre) où Pa-tricia Arquette joue deux femmes (ou la même à différen-tes époques). Lost Highway est une œuvre totalement en-voûtante, un jeu de miroirs et de métamorphoses dansune chronologie aux repères fuyants.Déjà édité chez TF1, le film de David Lynch fait l’objet d’unereprise chez MK2, remastérisé haute définition, avec un ju-dicieux livret de 50 pages de Guy Astic qui, à partir desnombreux mystères de ce psycho thriller, propose de ri-ches pistes d’explications. Dans ce qu’Astic appelle cet« Alice au pays de Sueurs froides », et que Lynch prolon-gera dans Mulholland Drive, ce film panique navigue entrepsychose, désorientations sonores et déroutes sensorielles.Les bonus nous gratifient de deux entretiens avec DavidLynch (qui confesse l’avoir écrit en pensant aux meurtresd’O. J. Simpson), et d’interviews de Bill Pullman, de PatriciaArquette et de Robert Loggia. J. M.

e 1 coffret, 2 DVD, 1 livret. MK2.

◗ agnès vardaDeux films au menu : Cléo de 5à 7, errance parisienne d’unechanteuse attendant les résul-tats d’une analyse médicale,et Daguerréotypes, documen-taire sur la rue Daguerre, Paris14e, ses commerçants, la vie dequartier. Quatre courts métra-ges (dont Opéra Mouffe, car-net de notes d’une femme en-ceinte dans le quartier Mouffe-tard) complètent le lot. Maispour qui connaît la minutie lu-dique avec laquelle la cinéastecompose ses « boni » (dixitVarda), c’est beaucoup plusdont elle nous gratifie, chemi-nant, interrogeant, rendanthommage au peintre HansBaldung Grien ou conjuguantpédagogie et réflexion sur letemps. En prime deux livretset un petit opuscule deSempé, hommage dessiné àCléo. Ce bel objet est déjà uncadeau en lui-même. J.-L. D.1 coffret, 2 DVD, Ciné-Tamaris.

◗ jean-luc godardPassion (1981) et Nouvelle va-gue (1990) réunis dans lemême coffret. Le premier filmrassemble Isabelle Huppert etMichel Piccoli dans une his-toire à double face : le tour-nage d’un film qui reconstituedes scènes de tableaux célè-bres et la vie quotidienned’une usine. Du studio àl’usine et inversement, il rendnotamment compte du par-cours personnel d’un Godardtout juste sorti de sa périodemilitante. Le second film,avec Alain Delon, déplie dansla durée ce que le précédentopérait dans l’espace. Dans lapremière partie, une milliar-daire italienne renverse, envoiture, un homme qu’elleadopte comme compagnon.Dans la seconde, Delon, res-suscité en homme d’affaires,tend à sa compagne une mainsecourable. Entre l’ancien etle nouveau, le film file du côtéde l’introspection.Les Cahiers du cinéma sortentaussi, selon la même formule,S’en fout la mort et Nénette etBoni, deux films de ClaireDenis. J. M.2 coffrets 2 DVD, Cahiers ducinéma/Why Not.

◗ laurent cantetAvec Ressources humaines,film sur la fracture entre unouvrier soudeur et son fils cra-vaté, affecté aux négociationsdes 35 heures, un bonus d’en-vergure : une scène analyséepar le critique Charles Tes-son, puis par les acteurs et lestechniciens ; le film est com-menté par la romancière An-nie Ernaux, qui converse parailleurs avec le réalisateur surla « honte sociale ».A L’Emploi du temps, parcoursd’un homme qui cache son li-cenciement à sa famille,s’ajoute un entretien avec Gé-rard Lefort sur quelques thè-mes, l’espace mental, l’en-fant, le suicide et l’héroïsmed’un individu qui s’inventeune vie.Un court métrage, Tous à lamanif !, et un moyenmétrage, Les Sanguinaires,complètent ce panoramaindispensable aux admira-teurs de ce cinéaste. J.-L. D.1 coffret, 2 DVD. Arte.

◗ last daysLibrement inspiré des derniersjours de Kurt Cobain, le filmde Gus Van Sant aligne déam-bulations anarchiques d’unquasi-fou en proie à la souf-france existentielle, visites in-congrues dans la maison où ilse terre, récréations rock etstructure en spirale par la-quelle le temps tourne en bou-cle et l’action se répète, vuesous un angle différent. D’unebeauté à couper le souffle, cefilm sur la nature, le rapportau monde, le subconscient etla création émeut par ses ima-ges et par l’utilisation du son,le cadrage photographique, lascience du mouvement. UnCD où sont réunies les musi-ques du film (dont le Venus inFurs du Velvet Underground)compense un bonus minimal,avec making-off explicitant untournage ouvert sur toutes lesimprovisations, et clip d’unechanson de Michael Pitt. J.-L. D.1 coffret collector, 1 DVD et

1 CD. MK2.

◗ les visiteurs

Cette Grande Vadrouille mé-diévale imagine le débarque-ment de contemporains deSaint Louis au XXe siècle. Go-defroy de Montmirail et Jac-quouille la Fripouille mettentla pagaille dans une familled’aristos guindés « hyper-sympâââ » et lâchent quel-ques expressions cultes.« Qu’est-ce que c’est que cebin’s ? », « okay ! », « Nous nesommes pas des gueux, mor-tecouille ! » Triomphe public,qui encouragea la mise enchantier d’une trilogie. Voicidonc Les Visiteurs, Les Visi-

teurs II et Les Visiteurs en Amé-rique, chacun doté d’un bo-nus permettant aux protago-nistes de ce phénomène de so-ciété d’exprimer bonheur, etrépulsion à toute notion de re-cette. J.-L. D.1 coffret, 3 DVD, Gaumont.

◗ main bassesur la villeInspiré d’une histoire réelle,ce classique de FrancescoRosi évoque la manière dontun promoteur s’enrichit enspéculant sur la reconstruc-tion de Naples, avec la compli-cité de la Démocratie chré-

tienne. Réflexion d’une brû-lante actualité sur les rap-ports entre morale et politi-que, les « combinazioni »dans lesquelles trempent leshommes de pouvoir en Italie(Berlusconi est, en filigrane,le héros de ce film réalisé en1963), Main basse sur la villereste une percutante démons-tration, dénuée de psycholo-gie, dont l’auteur et son scéna-riste retracent l’élaborationavec Michel Ciment, tandisque Jean A. Gili analyse nom-bre de séquences. En sus,deux documentaires. L’un, si-gné Rosi, replonge trente ansaprès dans une ville où rè-gnent encore drogue, Mafiaet financements sauvages. J.-L. D.1 coffret, 1 DVD, 1 livret.Montparnasse.

◗ star wars III2 000 plans d’effets spéciauxdans La Revanche des Sith, quiconstitue le 3e épisode de lasaga, et le dernier tourné d’unpuzzle galactique culte. Lejedi Skywalker y est tiraillé en-tre la loyauté due au maîtreObi Wan Kenobi et la tenta-tion du pouvoir que lui fait mi-roiter le corrompu sénateurPalpatine. George Lucas s’estbeaucoup investi dans le co-pieux bonus, où il commentesix scènes coupées, tandisqu’un document dévoile la gi-gantesque machinerie miseen place pour produire cettesérie. Outre la panoplie desteasers, bandes-annonces,campagnes de promotion,jeux vidéo et lien Internet, unsujet sur les cascades et com-bats au sabre, un autre sur lamétamorphose d’Anakin enDark Vador. J.-L. D.1 coffret, 2 DVD, Fox PathéEuropa.

◗ tessAu XIXe siècle, une jeune etpure paysanne élevée dans lalande anglaise est violée parun cynique aristocrate. Ro-man Polanski adapte magnifi-quement un chef-d’œuvre dela littérature romantique,drame de l’innocence souilléepar le crime, de l’amourcondamné pour s’être avouétrop tôt ou trop tard, ducorps dégradé par une sociétépuritaine et le paroxysme dela violence mâle. Le film re-mastérisé est d’une qualitéparfaite. En bonus, un ma-king-off sorti des tiroirs del’INA, truffé d’interviews, surl’adaptation du livre de Tho-mas Hardy, l’apprentissagede Nastassia Kinski (qui a dûtroquer son accent allemandcontre celui du Dorset), le cas-ting, les costumes, les décors. J.-L. D.1 coffret prestige, 2 DVD,Pathé.

DVD CINÉMA

mk2

Ont collaboré à ce supplément : Stéphane Davet, Jean-Luc Douin, Pierre Gervasoni, Patrick Labesse, Bruno Lesprit, Jacques Mandelbaum, Renaud Machart,Francis Marmande, Véronique Mortaigne, Odile de Plas, Isabelle Regnier, Marie-Aude Roux, Sylvain Siclier, Thomas Sotinel.

2/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 3: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/3

Page 4: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Classiquesde la RKOla septième victime,les incontournables de la rko,comédies de la rko,la légende de l’ouestpar john ford

LES ÉDITIONS MONTPARNASSE diffusentrégulièrement les films du studio RKO(Radio-Keith-Orpheum) qui produisitKing Kong, Citizen Kane, Sylvia Scarlett,les musicals de Fred Astaire et Ginger Ro-gers et les films d’horreur du producteurVal Lewton, dont voici un inédit : La Sep-tième Victime, de Mark Robson (1943), oùdans un New York hanté d’ombres et deterreur sournoise, Kim Hunter recherchesa sœur mystérieusement disparue, en-sorcelée par une secte d’adorateurs deSatan.Trois coffrets sont par ailleurs proposésaux gourmands de classiques en noir etblanc. Dans « Les incontournables » : Citi-zen Kane, le fameux chef-d’œuvre d’Or-son Welles évoquant la vie du magnat de

la presse Randolph Hearst, Soupçons d’Al-fred Hitchcock (avec Cary Grant, Joan Fon-taine et le verre de lait), L’Impossible Mon-sieur Bébé de Howard Hawks (avec Katha-rine Hepburn, le paléontologue et lebébé-léopard), et un inédit, Amour etswing (avec Frank Sinatra et MichèleMorgan).Dans « Comédies », c’est un Marx Bro-thers (Panique à l’hôtel), L’ImpossibleMonsieur Bébé, un Astaire-Rogers (En sui-vant la flotte) et l’inédit Amour et swing.De John Ford enfin : La Chevauchée fan-tastique, Le Massacre de Fort Apache, LaCharge héroïque et Le Convoi des braves. J.-L. D.

e 1 DVD et 3 coffrets, Editions

Montparnasse.

◗ ingmar bergmanLa précédente édition enDVD de Scènes de la vie conju-gale proposait la versioncourte du film, remontéepour les salles par Bergman.Ce coffret révèle aujourd’huitout le dispositif télévisuelvoulu par le réalisateur. Lesgénériques parlés à la fin dechaque épisode, l’extensiondans le temps de certaines scè-nes… D’une version l’autre, ils’agit toujours d’explorer lamatière de la vie à deux à tra-vers son expression par lesmots, à travers les véritéséructées et les mensongesconstruits.La coïncidence des noms etdes interprètes sert à la foisd’introduction et de vitre dé-formante à la vision de Sara-band. Délibérément, Berg-man a multiplié les faux rac-cords entre les deux films,changeant par exemple lenom des enfants du couple.L’appareil critique de Sara-band est extrêmement riche. T. S.Scènes de la vie conjugale,

1 coffret de 3 DVD, MK2.

Saraband, 1 double DVD, MK2.

◗ jean renoirD’une part, un lot reliant lapériode muette (La Fille del’eau, La Petite Marchanded’allumettes) aux films tardifsréalisés avec le soutien de latélévision (Le Déjeuner surl’herbe et Le Testament dudocteur Cordelier), en pas-sant par la période engagée(La Marseillaise) et les chefs-d’œuvre de la maturité (Le

Crime de M. Lange, Unepartie de campagne, LaGrande Illusion, 1938). Avec,en supplément, le documen-taire que lui consacra Jac-ques Rivette.D’autre part, La Règle du jeu,réflexion d’une virtuositéinouïe sur la rivalité de l’artet de la politique à travers lanotion même de mise enscène. Le film cloue au piloriune société qui court à sa pro-pre perte en sacrifiant la jus-tice et les faibles au profitdes intérêts des puissants etdu cynisme des apparences.Une déclaration de guerre àune France futile etsclérosée. J. M.1 coffret de 12 DVD,

Cinémathèque française/

Studio Canal.

La Règle du jeu, 1 DVD,

Ed. Montparnasse.

◗ jerry lewisAu programme : Cendrillonaux grands pieds, de FrankTashlin, Le Dingue du palace,Le Tombeur de ces dames, LeZinzin d’Hollywood, Jerry souf-fre-douleur et Docteur Jerry etMister Love, réalisés par ceclown qui bâtit son person-nage sur son physique d’avor-ton, grimaçant juvénile aucorps dégingandé et élasti-que. Après avoir fait untemps équipe avec DeanMartin, Jerry Lewis fait cava-

lier seul au début des années1960, personnage hilarant su-jet au dédoublement (mi-Cen-drillon, mi-Prince charmant ;mi-intello timide, mi-séduc-teur cynique), au travestisse-ment, à l’accumulation de gaf-fes, à l’aphasie ou à la paraly-sie sexuelle. « Le seul, écrivaitson biographe RobertBenayoun, dont le travailpuisse être comparé avec celuides grands burlesques issus deMack Sennett. » J.-L. D.1 coffret, 6 DVD, Paramount.

◗ buster keatonDes Trois Ages au Mécano de la« General » en passant parFiancées en folie, La Croisièredu « Navigator » ou Sherlockjunior, ce coffret comporteaussi d’épatants complé-ments : Le Forum en folie (pre-mière apparition de Keaton àl’écran), des courts métrages,des « image par image » quianalysent sa technique, son co-mique « physique », des scè-nes de boxe faisant intervenirdes animaux, la présentationdu Mécano par Orson Welles,un film d’amateur montrant lecinéaste au travail pendant letournage du Cameraman…Eblouissant ! J.-L. D.1 coffret, 11 DVD, 1 livret. MK2.

◗ guy debordFeux d’artifice de citationsvisuelles (photos, actualités

filmées, fictions, publicités,prises de vue personnel-les…) et sonores, les filmsdu pape du situationnismesont nourris par l’iconogra-phie d’une mythologie per-sonnelle (le Paris de Villonet de Lacenaire, de sombresestaminets, le visage de fem-mes aimées) et placés sousle signe de la disparition etde la mélancolie.Qu’elle évoque la naissancedu mouvement situation-niste (Sur le passage de quel-ques personnes à travers uneassez courte unité de temps,1959), l’abîme creusé entrela réalité et sa représenta-tion (Critique de la sépara-tion, 1961), la doctrine du li-vre phare (La Société duspectacle, 1973) ou le refusincendiaire de l’horreur mo-derne (In girum imus nocteet consumimur igni, 1978),cette œuvre invisible depuisdes années apparaît aujour-d’hui comme l’expressionpoétique la plus intimed’une conscience malheu-reuse. J. M.1 coffret de 3 DVD, Gaumont

Vidéo.

◗ maurice pialatLe volume 2 de l’intégralePialat fait directement réfé-rence à des épisodes identi-fiables de la vie de l’auteur,via La Gueule ouverte, Lou-

lou, Le Garçu. Son enfance,longtemps évoquée comme« une plaie à vif », est la ma-tière première de L’Enfancenue et de La Maison des bois,où la tendresse et la beautéinondent sporadiquementde lumière un monde essen-tiellement cruel et noir.En supplément, un remarqua-ble corpus éditorial réalisésous la direction de SergeToubiana : un touchant petitdocumentaire réunit les ac-teurs de Passe ton bacd’abord, trente ans après letournage. Micheline Pialat,qui fut épouse, gouvernanteet directrice de productiondu cinéaste, raconte la ma-nière dont elle est déclinée àtravers les films. On trouveraaussi des courts métrages ducinéaste, L’amour existe et Ja-nine, et des films amateurscomme le surprenant Drôlesde bobines. I. R.1 coffret de 7 DVD, Gaumont.

◗ luis buñuelPar la seule puissance du dé-sir, un homme se transformeen femme, une femme ha-billée se retrouve soudainnue, deux ânes morts se re-trouvent coincés dans despianos… Premier film de LuisBuñuel, réalisé en 1929, et co-écrit avec Salvador Dali, Unchien andalou est un des ma-nifestes les plus virulents ja-mais réalisés en faveur de laliberté artistique. Il conserveintacte une bonne part de sacharge subversive originelle.Ce classique salué par les sur-réalistes affiche une nou-velle façon de voir le monde,de brandir l’érotisme, de s’af-franchir des conventions nar-ratives et morales tradition-nelles. Impeccablement res-tauré, le film est ici accompa-gné d’un bonus et d’un livretreproduisant le scénario ori-ginal. Neuf films, de Gran ca-sino à Cet obscur objet du dé-sir, sont par ailleurs réédités,avec des témoignages deJean-Claude Carrière et JeanCollet. I. R.Un chien andalou, 1 coffret

avec 1 DVD, Montparnasse.Collection Luis Buñuel,3 coffrets, Studio Canal.

DVD CINÉMA

bett

man

n/c

orb

is

4/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 5: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

◗ robert bresson

Du calvaire à la grâce, de la ré-volte au suicide, de la prison àl’évasion et de l’innocence aucrime, les personnages de Ro-bert Bresson usent de « che-mins étranges » pour commu-nier avec le monde. L’œuvre,hantée par le Mal, de ce grandcinéaste est spiritualiste, sou-cieuse de transcendance, à l’af-fût du salut des âmes. Maisaussi travaillée par la mise enscène du désir. A vérifier dansPickpocket, peut-être le plusbeau film de ces rééditions res-taurées, où le geste de la maindu voleur qui s’approche, sajouissance à dérober des porte-

feuilles plaqués sur le cœur età délester des poignets deleurs bracelets-montres, s’ap-parentent à une caresse. Trèsriches, les bonus offrent unmode d’emploi à ce que le ci-néaste ne voulait pas entendrenommer « mise en scène »,mais « mise en ordre ». J.-L. D.1 coffret de 3 DVD : Pickpocket,Le Procès de Jeanne d’Arc etL’Argent, MK2.1 coffret de 2 DVD : Au hasardBalthazar et Mouchette, Arte.

◗ greta garboCe sont huit films de la Divinequi sont proposés, de Ninotch-ka à La Belle Ténébreuse enpassant par La Reine Chris-tine, Anna Karénine, AnnaChristie, La Chair et le Diable…Certains sont commentés,d’autres accompagnés de do-cumentaires sur celle dont onne cesse de scruter le visaged’un autre temps. Espionne,fille à matelots, femme dehaut fonctionnaire tsariste,reine de Grèce ou courtisane,chaque fois ardente amou-reuse, en proie aux vertigesde la passion, Garbo (énigma-tique pseudo) est à la foisreflet d’une âme sur l’écran etfantasme sur un drap blanc.

« Vous cherchiez un sphinx làoù il n’y a qu’une femme »,disait l’acteur Robert Montgo-mery.Attention : cet élégant coffret(une boîte de métal noire dou-blée d’un classeur) a été réa-lisé, en édition limitée, pourles fêtes. On ne le trouveraplus en 2006. J.-L. D.1 coffret, 8 DVD, 1 livret.Warner.

◗ king kongCe classique (1933) du filmd’épouvante poétique contantles conséquences de la trans-plantation d’un gorille de lajungle à New York a alimentétoutes les interprétations :sexuelles, raciales, coloniales.

Le singe incarnera tous les pa-rias du monde, laids, étran-gers, exilés, mal aimés. His-toire de deux êtres soumis aumartyre (Ann, l’aventurière, at-tachée bras en croix sur l’auteldressé par les indigènes, etKong, enchaîné dans la mêmepose christique à Broadway),cette parabole fut censurée àcause de ses scènes de vio-lence (aujourd’hui inoffensi-ves), de l’érotique effeuillagede Fay Wray, épluchéecomme une banane par laBête. En supplément, des in-terviews de Ray Harryhausen(auquel on doit une partie deseffets spéciaux), de Joe Danteet de l’universitaire SuzanneLiandrat-Guigues. J.-L. D.1 coffret avec 1 DVD,Montparnasse.

◗ harold lloydDans la mémoire collective,Harold Lloyd n’est plus qu’unaccessoire d’horlogerie : unbonhomme aux grosses lunet-tes rondes qui se balance aubout des aiguilles d’une hor-loge au sommet d’un buil-ding. Ce plan, extrait deMonte là-dessus (1923), illus-tre les capacités d’acrobate deLloyd, mais ne suffit pas à ex-primer la nature de cette

grande figure du cinémamuet. Ces neuf courts métra-ges fournissent l’occasion dedécouvrir chez ce casse-counotoire des effets burlesquesassez éblouissants et unechronique passionnante de lanaissance de l’Amérique mo-derne et suburbaine.Qu’il s’attaque à la puéricul-ture ou parodie le western, lepersonnage que joue Lloyd re-vendique avec la même vi-gueur son statut d’Américainmoyen, qui a droit aux petitsplaisirs de la vie (petitefemme, petite maison et– malgré la prohibition qui en-tre à ce moment en vigueur –petit coup à boire). T. S.1 double DVD, Lobster-MK2.

DVD CINÉMA

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/5

Page 6: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Miles Davischez les hippiesmurray lerner

a Miles Electric : A Different Kind of Blue.

ON EST SUR L’ÎLE DE WIGHT, au sud de l’Angleterre, le29 août 1970, où 600 000 personnes ont convergé.Wight, premier festival rock de la nouvelle décennie etdernier rassemblement utopiste de cette envergure,après Monterey Pop en 1968, Woodstock, trois joursde « paix et de musique » en 1969, et le désastre meur-trier d’Altamont, en Californie, en décembre 1969.Miles Davis déboule pour trente-cinq minutes de musi-que tendue, d’un seul tenant, menant son groupe d’àpeine un regard. Il vient d’effarer les bien-pensants dujazz en introduisant la guitare électrique dans sa musi-que, et son double album Bitches Brew, qui vient deparaître, est un immense succès auprès de ceux quiaiment le rock.Chick Corea et Keith Jarrett sont aux pianos électri-ques, Dave Holland à la basse et aux cheveux longs,Jack DeJohnette à la batterie, Airto Moreira aux per-cussions, et le saxophoniste Gary Bartz vient d’arriver.De ce concert aventureux, on avait vu quelquesimages fugitives dans le film témoignage de MurrayLerner sur Wight. La musique, très partiellementpubliée en 1971, était passée à un montage de dix-septminutes sur un 33-tours de 1987. Cette fois, tout y est.Images un rien granuleuses mais rénovées, cadrage àl’arraché et son encodé en 5.1 qui donne relief etdensité.Pour entourer les trente-cinq minutes historiques, lesmusiciens évoquent cette période de leur travail avecMiles Davis. Pour ne pas lasser, Lerner insère desarchives (concerts, entretiens avec Davis) et de courtssujets (Miles et Betty Davis, Miles et la boxe…). Ce quidonne un complément documentaire bien mené. S. Si.

e 1 DVD Eagle Vision/Naïve.

◗ benjamin brittenLe Tour d’écrou

Martin Miller, MireilleDelunsch, Hanna Schaer, MarieMcLaughlin, Gregory Monk,Nazan Fikret, Mahler ChamberOrchestra, Daniel Harding(direction)

Créée en juillet 2001 au Festi-val d’Aix-en-Provence, la miseen scène de Luc Bondy duTour d’écrou, de Benjamin Brit-ten, a été filmée par le talen-tueux Vincent Bataillon dansle petit Théâtre du jeu depaume, à Aix. L’intelligencepoétique, la sensibilité drama-turgique de Bondy, la puretéambiguë des décors de Ri-chard Peduzzi, le caractèrequasi sacré des lumières deDominique Bruguière, toutconcourt à faire du drame desenfants possédés de Bly(d’après une nouvelle d’HenryJames) un moment terrible debeauté et d’angoisse. MireilleDelunsch est une gouvernanteéprise d’absolu et d’amour, in-carnation de la salvation im-possible. Le chef, Daniel Har-ding, se montre sous sonmeilleur jour. M.-A. R.

1 DVD Bel Air classiques

(distribué par Harmonia

Mundi).

◗ glenn gouldOn & Off the Record, de WolfKoenig et Roman Kroitor (1959)

A l’époque de ces films, tour-nés par les caméras des docu-mentaristes Wolf Koenig etRoman Kroitor, Glenn Gouldne s’était pas encore retirédes estrades de concert ni re-clus dans une sorte d’exil inté-rieur, ainsi qu’il allait en déci-der irrévocablement, à l’âgede 32 ans, considérant que lavie de concertiste n’étaitqu’un « gaspillage » de sontemps. Gould n’était pas en-core la caricature de lui-même, incarnation qu’il allaitadorer surjouer, surtout de-vant les caméras. Tout demême cabotin, on le voit icienregistrer en studio et visiterla maison Steinway and Sons,

plaisanter à propos de lachaise percée sur laquelle iljouait…Ces deux films adroits disentbeaucoup parce qu’ils sont lé-gers, souvent drôles, jamaisdidactiques. Ils complètentformidablement les films tour-nés en 1974 par Bruno Mon-saigeon, également disponi-bles sur DVD. R. Ma.1 DVD Films du paradoxe,

www.filmsduparadoxe.com

◗ martin scorseseNo Direction Home

De la jeunesse de Bob Dylanà Hibbing, ville minière duMinnesota, à son accident demoto à Woodstock en 1966,l’ascension fulgurante et chao-tique du chanteur est narréedans un documentaire detrois heures trente monté parMartin Scorsese. Jeff Rosen,manager de l’artiste, a confiéau cinéaste new-yorkais unmatériau abondant, nou-veaux entretiens avec lesphinx, images d’archives iné-dites, témoignages d’AllenGinsberg ou de Joan Baez…No Direction Home racontel’histoire d’une violente méta-morphose, comment unjeune chanteur de folk deGreenwich Village s’est trans-formé en Rimbaud électriqueau cours de la plus célèbre ba-taille d’Hernani du rock. B. Lt2 DVD Paramount Pictures.

◗ molière et lullyLe Bourgeois gentilhommeBenjamin Lazar (mise enscène), Cécile Roussat(chorégraphie), Le Poèmeharmonique, Vincent Dumestre(direction)

Gestuelle baroque et pronon-ciation restituée, éclairage àla bougie et « belle dance »,excellents musiciens et ac-teurs en somptueux costu-mes, ce Bourgeois gentil-homme présenté tel qu’il lefut devant Louis XIV à Cham-bord en 1670, a été l’un desgrands événements de l’an-née 2004. Loin des écueils del’archéologie théâtrale, cetteversion originale est d’uneétonnante et savoureuse mo-

dernité. S’il ne peut évidem-ment restituer la magie pro-pre à la scène, le film réalisépar Martin Fraudreau restitueun Bourgeois gentilhomme« enharnaché » de musiquequi émerveille, charme,étonne, amuse et émeut etl’on voudrait tous être GrandMamamouchi. M.-A. R.

2 DVD Alpha (distribué

par Abeille musique).

◗ mano negraOut Of Time

Onze ans après la séparationde la Mano Negra, un quadru-ple DVD, Out Of Time, retraceen près de six heures d’images,six années d’histoire et de tour-nées explosives. S’ils compi-lent aussi les clips du groupe,deux DVD sont essentielle-ment consacrés aux concertsqui ont rendu mythique la for-

mation menée par ManuChao. Les deux autres contien-nent deux documentaires. Pu-tas Fever, tourné en 1989, etsurtout Pura Vida, biographiedu plus bariolé des groupes al-ternatifs français, réalisée ré-cemment par trois anciensmembres de la Mano. S. D.4 DVD The Lost Tape/EMI/M6.

◗ jacques offenbachLa Grande-Duchessede GerolsteinAvec Felicity Lott, Yann Beuron,François Le Roux, Laurent Pelly(mise en scène et costumes),Chœurs et Orchestre Lesmusiciens du Louvre-Grenoble,Marc Minkowski (direction)

Cette Grande-Duchesse, filméeau Théâtre du Châtelet, à Pa-ris, est une réussite du tandemLaurent Pelly/Marc Min-kowski. De face, de profil oude dos, Felicity Lott est uneGrande-Duchesse-née. Ellepossède un abattage élégant,une gouaille radieuse et sur-tout un bonheur de chantersingulièrement communicatif,qui se propage dans la vive etpiquante distribution à l’en-tour. Enlevée baguette au clairpar Marc Minkowski, la musi-que trouve dans la mise enscène de Laurent Pelly uncontrepoint à ce bric-à-bracdu pouvoir et des sentiments,de la dérision tendre à la fran-che cruauté. M.-A. R.2 DVD Virgin Classics.

◗ ella fitzgeraldLive At Montreux

Casino de Montreux, 22 juin1969, première venue d’EllaFitzgerald au Festival interna-tional de jazz. Filmée en noiret blanc, elle est en grandevoix, de grâce et de technicitéinégalée, pour réinventer El-lington, des standards dujazz, faire une virée pop-rockvers les Beatles ou le groupeCream. La Télévision suisseromande prend son temps,un plan large de face, un laté-ral, un gros plan. Une capta-tion respectueuse de lagrande dame du jazz. S. Si.1 DVD Eagle Vision/Naïve.

DVD MUSIQUES

alai

nd

ejea

n/s

ygm

a/co

rbis

6/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 7: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

LE GRAND BLONDCOFFRET 2 DVD*

LE GRAND BLOND AVEC UNE CHAUSSURE NOIRE (1972)

LE RETOUR DU GRAND BLOND (1974)

VOL.01

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/7

Page 8: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Souchon, légeret gravealain souchon

a La Vie Théodore.

LA VIE THÉODORE est un déroulé de onze chansons quiemprunte le prénom du géologue Théodore Monod, ce-lui qui préférait « dormir dehors couché sur le sable d’or »,tout en étant dédié à une romancière, Françoise Sagan,qui s’intéressait de très près à « de jolies mélancolies frê-les ». Alain Souchon réussit un album grave bâti sur la lé-gèreté. L’alcoolisme mondain des casinos y devient de ladésinvolture, l’échec d’une vie (Le Marin) du rêve bleuté.La présence de Laurent Voulzy assure l’électricité de laguitare (Putain ça penche, à propos de l’omniprésencedes marques), celle du réalisateur musical Michel Coeu-riot la finesse d’un travail de dentellière en matière d’ins-truments. Description précise d’un monde largué, atta-qué sur le fond par la primauté des images et de la télévi-sion, La Vie Théodore trouve sa force dans ses refrains,immédiatement retenus, chantés, fredonnés, tel cet « Ab-derhamane, Martin, David… », composante fondamen-tale de la bande-son de l’été 2005. V. Mo.

e La Vie Théodore, d’Alain Souchon, 1 CD Virgin/EMI.

◗ marizaTransparente

Des vers de Fernando Pessoa,des musiques de Mario Pa-checo inaugurent une réflexionen profondeur sur le fado et lalusophonie, menée d’une voixpleine en quatorze titres enre-gistrés à Rio de Janeiro avec Ja-ques Morelenbaum, l’arran-geur magique de Caetano Ve-loso. Avec ses allures d’icônerock, sa blondeur de rappeuse,son effronterie intelligente, sarevendication de sang nègredans les veines, Mariza effectueune plongée en terres lisboètesd’une délicatesse aérée. Avecune passion baroque, Morelen-baum suit au violoncelle lescourbes de la dramaturgie exa-cerbée du fado pur – en duo, ilsdévorent Duas lagrimas de Or-valho, le fado dit « Pedro Rodri-gues », que Mariza dédie à Car-los do Carmo. V. Mo.1 CD Virgin/EMI.

◗ bongaMaïorais

Bonga est un triple mystère : ce-lui de la voix, si éraillée, et enmême temps tellement nuan-cée et précise, celui de l’Angola,un pays de guerres et de dia-mants, celui du vague à l’âmedécidément lusitanien. Ce trip-tyque de l’indicible est tout en-tier contenu dans Aname, le ti-tre qui ouvre (« les aînés »).Bonga reprend ses thèmes favo-ris, l’anticolonialisme, la fête, lacommunauté et ses envies dan-santes, qui créent des ponts en-tre les deux rives de l’Atlanti-que (Sao Salvador). Avec del’accordéon, des guitares trico-tées, des percussions en ve-lours roulé, des chœurs de jeu-nes femmes, des pas sautés,des phrases chavirées, des balla-des à fendre le cœur. V. Mo.1 CD Lusafrica/BMG.

◗ hubert-félixthiéfaineScandale mélancolique

Cali a écrit la musique de Gyné-cées, un hommage à la Femme(“ Elles ont le monde entre leursseins, Et nous sommes desoiseaux perdus ”), chanté enduo. M, respectueux, joue dubanjo (Libido Moriendi), et JPNataf (ex-Innocents) de la gui-tare (Confession d’un neverbeen) ; Michael Furnon, de Mic-key 3D, se promène dans LesJardins sauvages. C’est un su-perbe bouquet, noué avec perti-nence par le Franc-Comtois,qui retrouve ici son rockcomme d’autres leur latin, dansdes méandres de parfums humi-des, d’anges en enfer, d’yeuxmauves, où se bousculent les sa-lauds, les capotes usagées, lesregards de déesses et le vert-de-gris des villes. V. Mo.1 CD RCA-Sony BMG Music.

◗ thomas fersenLe Pavillon des fous

Léger et distrayant, ThomasFersen ? Le chanteur parisiendevient franchement inquié-tant avec un sixième albumtraitant de l’aliénation men-tale. Le meilleur fabuliste dela chanson française dépeintun étrangleur, une sœur folle,une ogresse, un perverssexuel… Une noirceur maca-bre d’autant plus forte quel’auteur ne se retranche pastoujours derrière ses mons-tres et observe sa propremort en face en entamant undialogue shakespearien avecson squelette. Même la musi-que est schizophrène, entrefolk rustique et pop léchée àl’américaine. B. Lt1 CD Tôt ou Tard/Warner.

◗ benjamin biolayA l’origine

Le parcours proposé ici parBenjamin Biolay tranche parson propos contemporain, fé-brile, un soupçon inquiet, untiers prophétique (Tant le cielétait sombre), un tiers sentimen-tal (Adieu triste amour, trèsbeau duo soyeusement jazzyavec Françoise Hardy), un tierslucidement abrasif (Cours !, enska, Ground Zero Bar, en en-fant du Velvet). La palette so-nore est ainsi constamment en-richie dans un entrelacs de filsnon conducteurs, à l’image dela pochette dessinée en noir etblanc par les graphistes pari-siens M/M, qui ont déjà tra-vaillé avec Björk et Madonna(en guévariste). V. Mo.1 CD Virgin/EMI.

◗ louise attaqueA plus tard crocodile

Quatre ans de pause à expéri-menter d’autres musiques ontpermis au quatuor Louise Atta-que d’étoffer son austèregarde-robe. Les fans retrouve-ront la cohésion du groupe, sacapacité d’accrocher l’oreilleavec un gimmick ténu. Lesplus réfractaires devront concé-der l’épanouissement mélodi-que, l’ingéniosité des trou-vailles, un parti pris de séduc-tion retrouvé aussi dans l’évo-lution du chant de GaëtanRoussel, d’une noirceur plustendre et fantaisiste. S. D.1 CD Atmosphériques/Universal.

◗ stupeflipStup Religion

A la façon d’un grand guignolcontemporain, Stupeflip déve-loppe un univers singulier etburlesque, peuplé des angois-ses et délires de son auteurface à une société d’une vio-lence insidieuse. Auteur, com-positeur, interprète à l’hu-mour féroce et désespéré, Ju-lien Barthélemy, entouré deses fidèles Cadillac et MC

Salo, croise rap, rock et va-riété, alterne ses vociférationsparanoïaques hilarantes(West Religion’s Inquisition) etde surprenantes ritournellesmélancoliques (Argent, Le Car-table). Avec, toujours, sonstyle en « Crrrr ». O. de P.1 CD, Metamusic/JIVE.

◗ femmouzes tTripopular

Rita Macedo, entendueailleurs en duo avec BernardLavilliers, a de la voix (grave),un joli accent, un bel accor-déon ; Françoise Chapuis dubagou et un tambourin mo-queur. A deux, elles défen-dent le droit des fumeurs(T’es dans ma tête et sous mapeau, déclaration d’amour autabac comme plante médici-nale), les femmes (On parle deparité), la liberté d’aimer (Ho-momachine) et celle de man-ger congelé (Chui normale).

C’est drôle, sensé, idéologi-que et citoyen. Et ça dansecomme au village, versionManu Chao. Il y a aussiColorina de Rosa, chant tradi-tionnel de la vallée d’Ossau,perclus d’effets vocaux enboucle, il y a un poème enoccitan de Beiris de Romans,avec viole à sept cordes, etailleurs d’insolents mariagesentre le bérimbau et les échan-tillonnages. V. Mo.1 CD Shaoline Music/MosaicMusic.

◗ camilleLe Fil

Le Fil est l’album le plus sur-prenant, le plus talentueuxproduit en 2005 par une nou-velle venue. Camille chantedes mélodies, mène deschœurs célestes ou du scat,pratique le « human beat-box » (percussions et instru-ments à la voix, comme dansle rap des origines ou les musi-ques traditionnelles nordi-ques – Björk a utilisé la techni-que). Ce sont ces rythmiquesprécises qui commandent auxinstruments (basse, piano,trombones, claps…). Le Fil,c’est aussi de belles chansons(Septembre) et de brèvescomptines déclinées tout aulong de l’album (« Pourquoitu m’appelles Janine/Alors queje m’appelle Thérèse »…), quetraverse un bourdon in-congru en variétés, formeancienne du lien social etmystique. V. Mo.1 CD Virgin/EMI.

◗ mylène farmerAvant que l’ombre…

Sixième album studio en plusde vingt ans de carrière pourMylène Farmer, Avant quel’ombre… dégage une lumino-sité qui passe par la palettevocale dorénavant étendue dela chanteuse. Pour servir l’éti-rement baladeur de chansonsà rêver ou à pleurer, il y a descordes en majesté, des sonsde claviers et des programma-tions recherchés. Et lorsquedes hymnes viennent fairebouger les corps, la rythmiquesait se faire souple et fluide.Avec toujours ce jeu taquin etcoquin sur les mots, la pléni-tude qu’apporte le sentimentamoureux domine les thèmes,la mélancolie a gagné desesquisses de sourire. S. Si.1 CD Polydor/Universal.

CD CHANSON

emi

8/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 9: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/9

Page 10: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Le grand huitd’Arcade FireARCADE FIRE

a Funeral.

ILS SONT LES CHOUCHOUS des blogs et des webzines,et la sensation de l’année pour les amateurs de rockindépendant. Sept musiciens de Montréal – maispour la plupart américains – qui, sous le nomd’Arcade Fire, ont allumé une traînée de poudre grâceà Funeral, premier album palpitant. Les dix titres sevivent d’une traite, comme on embarque dans ungrand huit sans pouvoir en redescendre. Le chanteur-guitariste Win Butler tire son charisme d’une voixenflammée.On y retrouve le romantisme d’un Ian McCulloch,chanteur d’Echo & the Bunnymen, celui plus blafarddu Cure Robert Smith, les aigus étranglés de Tom Ver-laine à l’époque de Television. A ses côtés, le groupepousse les élans épiques de cette douleur avec l’éner-gie d’une fanfare qui n’aurait pas de cuivres.Travaillant le potentiel sonique de l’union entre élec-tricité et instruments acoustiques, Arcade Fire s’atta-che autant aux mélodies qu’à l’élan baroque qui lesporte. On peut repérer d’autres empreintes – lesPixies, Radiohead, les Smiths, voire les Dexys Midni-ght Runners ou les Supremes –, mais la force de cettemusique tient aussi à sa saveur inédite, à la convic-tion de musiciens conscients du moment uniquequ’ils sont en train de vivre. S. D.

e 1 CD Merge/Rough Trade/P.I.A.S.

◗ bjorn bergeSt Slide

Sous les doigts virtuosesd’un praticien norvégien dela guitare slide, la rencontreinédite de la tradition acousti-que du blues, versant Missis-sippi, et du heavy metal leplus brutal (tendance Motor-head et Metallica). Le sur-nom de ce colosse tatoué,« Stringmachine » (la ma-chine à cordes) est justifiépar sa technique époustou-flante. Celle-ci se double derelectures iconoclastes (deBlind Lemon Jefferson,Frank Zappa, Tom Waits,Prince ou Everlast) et de com-positions solides. Dans un mi-lieu, le blues, qui souffre deson conservatisme, la décou-verte de l’année. B. Lt.1 CD Farmen/Night & Day.

◗ dEUSPocket Revolution

Après six années de silence, lemeilleur groupe d’Anvers (deBelgique ? d’Europe ?) re-prend la main avec un cin-quième album fourmillantd’idées musicales. Sous unepochette rétro-futuriste, Poc-ket Revolution confirme l’ex-cellence de l’écriture du chan-teur et guitariste Tom Bar-man, capable de personnali-ser des influences aussi dispa-rates que le punk anglais, lekrautrock allemand, la pé-riode berlinoise de DavidBowie ou les excentricités desTalking Heads. dEUS réconci-lie l’avant-garde et l’efficacitépop. B. Lt.1 CD V2.

◗ lcd soundsystemLCD Soundsystem

Sans doute le plus grandfourre-tout de l’histoire del’électronique. Et l’un des plusréussi. En mariant ses influen-ces punk (The Fall, pour lavoix), l’incroyable héritagefunk du New York des années1980 (Liquid Liquid) et sa nou-velle passion pour les pistesde danse, LCD Soundsystem,alias James Murphy, a réussi àfédérer toutes les chapellesautour de sa généreuse per-sonnalité. Un disque nerveuxet joyeux qui sait aussi sefaire mélodieux comme sur laberceuse beatlesienne Never

As Tired As When I’m WeakingUp. James Murphy n’est plusun gamin, cela s’entend. O. de P.1 CD DFA/EMI.

◗ franz ferdinandYou Could Have It So MuchBetter

A l’origine de la nouvelle va-gue rock qui secoue l’Angle-terre depuis un an et demi, lesEcossais de Franz Ferdinandse devaient de sortir un secondalbum digne de l’excitant pre-mier chapitre de leurs aventu-res discographiques. On re-trouve dans You Could Have ItSo Much Better, ce qu’on avaitaimé dans Franz Ferdinand,leur précédent opus : une toni-cité, une tension où se mêlenthabilement raideur « arty », sa-voir-faire pop et velléités degroove festif. Mais leur palettes’enrichit aussi de couleursnouvelles – mélancolie beatle-maniaque, country crépuscu-laire, tendresse psychédélique– qui bonifient encore legroupe. S. D.1 CD Domino/P.I.A.S.

◗ paul mccartneyChaos and Creation In TheBackyard

Brusqué dans son confortd’aristocrate par le jeune ettrès en vue producteur NigelGodrich (Radiohead, Beck),Sir Paul revient à l’esprit artisa-nal de ses deux premiers dis-ques en solitaire, celui avec lebol de cerises sur la pochette(1970) et Ram (1971). L’ancienBeatle joue pratiquement detous les instruments (pianos,guitares, basse et batterie maisaussi contrebasse et violon-celle, épinette et harmonium,flûte à bec et bugle, clochetteset triangle), soigne sa voix, sesmélodies – son éternel pointfort – et son image de composi-teur surdoué. B. Lt.1 CD Parlophone/EMI.

◗ queens of thestone ageLullabies To Paralyze

Issues de la scène stonercalifornienne (du heavy metalsous la double influence dupsychédélisme et des psycho-tropes), les « Reines de l’âgede pierre » sont devenues leplus excitant et novateurgroupe de hard-rock dans lemonde. Grâce au talent duchanteur, guitariste, auteur etproducteur Josh Homme, ungéant rouquin qui maniediaboliquement science duriff et effets de dynamique.Loin de la lourdeur du genre,QOTSA renoue avec laviolence cosmique du JimiHendrix Experience. B. Lt.1 CD Interscope/Universal

Music.

◗ sufjan stevensCome On Feel The Illinoise

Second chapitre d’un projetherculéen – enregistrer un dis-que pour chacun des cin-quante Etats des Etats-Unis –,cet album consacré à l’Illinoisest l’œuvre d’un jeune Améri-cain en état de grâce. A la foisconteur folk et poète excentri-que, Sufjan (prononcer « sou-fiane ») Stevens étire sonspectre musical du pur dé-pouillement aux arrange-ments les plus baroques. Unescience mélodique d’unerayonnante délicatesse, desharmonies chorales digned’un jeune Paul Simon, des vi-

sions oniriques toujours àhauteur d’homme consacrentune œuvre qui flirte avecl’excellence du mythique PetSounds des Beach Boys. Pasmoins. S. D.1 CD Rough Trade/P.I.A.S.

◗ 22 pistepirkkoDrops & Kicks

De la même façon que leurcompatriote cinéaste Kauris-maki transcende son intelli-gence du road-movie améri-cain, ces rockers finlandaisn’ignorent rien du blues, de lacountry, du garage-rock, nide la pop psychédélique, touten donnant un tour unique à

leurs chansons anglophones.Ce double album collectionnesensations brutes et raffine-ment, riffs acérés et balladesrêveuses, avec ce qu’il fautd’instantanéité et d’étrangetépour graver un disque deréférence. S. D.1 CD ViciousCircle/Discograph.

◗ whiteyThe Light At The End Of TheTunel Is A Train

Un début ultra-efficace, unefin étonnamment émou-vante, ce premier album del’homme-orchestre Whiteymérite toute notre attention.Les synthétiseurs analogiquesy ondulent de façon obses-sionnelle, les basses y bour-donnent avec une belle fran-chise tandis que la voix non-chalante se promène au-des-sus, accompagnée d’une gui-tare monomaniaque. Quandrock lo-fi et électroniquebrute font aussi bon ménage,c’est toute l’énergie desannées 1990 qui vous sauteau visage. O. de P.1 CD 1, 2,3,4 Records/P.I.A.S.

◗ kanye westLate Registration

Il a su réintroduire de la souldans un rap commercial de-venu accro aux beats assé-chés. Producteur et rappeur,Kanye West, protégé du prére-traité Jay-Z, s’est imposé endeux albums comme le nou-vel homme fort du genre. LateRegistration poursuit dans laforme et le fond les thèmesabordés sur The College Dro-pout. Les nombreux samplessont évidents (Ray Charles,John Barry), mais utilisés avecmaestria. Rutilant, opulent,tout en courbes, le rap deKanye West s’écoute avecgourmandise et s’impose surla durée. O. de P.1 CD Roc-A-Fella/Barclay.

CD ROCK/ÉLECTRO

d.r

.

10/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 11: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

CD JAZZ

www.artefrance.fr

THERESEUn film de Alain Cavalier

QUI ÊTES VOUS POLLY MAGGOO ?+ IN & OUT OF FASHION2 films de William Klein

en coffret 2 DVD

SIGNÉ CHANELUn film documentaire

de Loïc Prigent

LES CONTES DE LA MERE POULE3 merveilles de l’animation

iranienne + un livret d’activité

OSEAMUn film d’animationde Sung Baek-Yeop

CORPUS CHRISTI + L’ORIGINE DU CHRISTIANISME2 séries de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur

COFFRET INDECoffret 8 films de Louis Malle

ASCENSEUR POUR L’ECHAFAUDCoffret collector + CDUn film de Louis Malle

ZAZIE DANS LE METROUn film de Louis Malle

◗ uri caine & bedrockShelf-Life

L’un des plus excitants mélan-ges de jazz, électrique etacoustique, et de musiqueélectronique. Avec le bassisteet guitariste Tim Lefebvre etle batteur Zach Danziger, lepianiste américain Uri Cainepropose un voyage sonore foi-sonnant et ludique. Des invi-tés viennent pour un solo, uneffet (le trompettiste RalphAlessi, le clarinettiste RubenGuterriez, le programmateurDan Zang…), et ajoutent à l’in-telligente densité du propos.Tout ici sollicite le désir demusique. Avec en prime la dis-tance et l’humour bienamené. S. Si.1 CD Winter & Winter/

Harmonia Mundi.

◗ john coltraneWith Thelonious MonkAt The Half Note

John Coltrane (compositeur,saxophoniste, 1926-1967). Undénommé Larry Appelbaum,transférant, en janvier 2005,des bandes mal étiquetées, re-connaît les musiciens d’unconcert du 29 novembre1957. Thelonious Monk aupiano, impérieux, génial, heu-

reux. Coltrane à son côté joueun curieux début de partie en-tre accompagnement et explo-ration personnelle des gam-mes diminuées. Les deuxconcerts du printemps 1965(26 mars et 7 mai) au HalfNote, à New York, du quar-tette mythique de Coltrane(McCoy Tyner, Jimmy Garri-son et Elvin Jones) complè-tent le tableau. Bientôt A LoveSupreme (juillet 1965 à Anti-bes). On peut n’avoir quedeux disques à acheter dansl’année : ce sont ceux-là. F. M.1 CD Blue Note/EMI. 1 double

CD Impulse/Universal Music.

◗ pat methenyThe Way Up

Le douzième album du PatMetheny Group, créé en 1977

par le guitariste américainavec le pianiste et claviéristeLyle Mays, The Way Up a étéqualifié par Metheny d’« en-treprise la plus ambitieuse dugroupe à ce jour ». Effective-ment. Cette suite de près de70 minutes laisse entendre unhaut niveau d’inventivitédans les sonorités – acousti-ques et électriques –, les entre-lacs rythmiques et les climats.Longue chanson pop sans pa-roles autant qu’improvisationjazz nourrie de folk, The WayUp est un rituel musicalautant subtilement planantque rageur. S. Si.1 CD Nonesuch/Warner Music.

◗ archie sheppet siegfried kesslerFirst Take

Archibald Shepp, né à Fort-Lauderdale (Floride) en1937, est une des figures cen-trales de la culture africaine-américaine. Dramaturge,compositeur, musicien (saxo-phones), il a créé son label,Archieball, en début d’an-née. Ce premier CD, FirstTake, est un duo avec Sieg-fried Kessler, pianiste de Sar-rebruck installé en France de-puis 1967. Lors de leur pré-sentation de First Take à la

Maroquinerie (le 2 février),la rencontre a gardé cetteprofondeur, ces percéesdans l’inconnu que les dissi-dents fous cherchent depuisJohn Coltrane. Le bleu de lapochette est le bleu du ciel.C’est un bleu de Wozniak,responsable des dessins, dela graphie et de la maquettede l’album. Ce qui, par unachèvement enviable, en faitun CD parfait de bout enbout. F. M.1 CD Archieball.

◗ wayne shorterquartetBeyond The Sound Barrier

Enregistrement en public(2002-2004), et stabilité duquartet. Il s’agit donc d’unecréation collective dans la du-rée, menée contre tous les ca-nons connus. Wayne Shorter

est un poète délicat, troublant,épris de sciences sans barriè-res, durement traqué par lemalheur personnel. Carrièreimpressionnante. Composi-teur magique. Saxophonistesans égal. Son CD est la ré-ponse la plus éclatante, domi-née, ouverte à cette anxiétéfausse : la musique afro-améri-caine aurait-elle fini sacourse ? On l’écoute comme cequi pourrait arriver de mieuxdemain. F. M.1 CD Verve/Universal Music.

◗ baptistetrotignon/davidel-malek quartetTrotignon/el-Malek

Rebonds, cheminements en-joués et finesses d’exécutionsous le double leadership dupianiste Baptiste Trotignon etdu saxophoniste David El-Ma-lek. Ces deux-là se sont trou-vés comme se sont trouvés lecontrebassiste Darryl Hall etle batteur Dré Pallemaerts.Ce qui donne quatre musi-ciens réactifs, dans une enviede propositions, chacunaiguillon des uns et desautres. On entend ici une ani-mation et un épanouissementdans des durées idéales, sansdispersion. S. Si.1 CD Naïve.

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/11

Page 12: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Le barytondu siècledietrich fischer dieskau (baryton),gerald moore (piano)

a Lieder, Salzbourg 1956-1965.

POUR LES 80 ANS du plus grand baryton duXXe siècle (Dietrich Fischer Dieskau a arrêté sacarrière le 31 décembre 1992 à l’âge de 67 ans),les rééditions et nouvelles parutions ont plu : ré-citals inédits, microsillons reportés pour la pre-mière fois sur CD, et un récent enregistrement(pour Deutsche Grammophon) de mélodramesallemands où les qualités légendaires de diseurdu baryton font merveille. Mais la publication enonze disques par le label autrichien Orfeo des ré-citals donnés au Festival de Salzbourg entre 1956et 1965 est essentielle. On y trouvera un réper-

toire moins aventureux qu’en d’autres antholo-gies mais, au côté de rares lieder de Busoni,Pfitzner, c’est l’essentiel du lied germanique alle-mand qui est ici représenté : Schubert, Schu-mann, Brahms, Hugo Wolf et, dans une moindremesure, Beethoven, Strauss et Mahler. Cet artmiraculeux d’intelligence et d’imaginaire, magni-fié par l’enregistrement pris sur le vif, accompa-gné par l’exemplaire Gerald Moore, est simple-ment terrassant. R. Ma.

e 1 coffret de 11 CD Orfeo (distribué par

Harmonia Mundi).

arch

ives

du

fest

ival

de

salz

bou

rg

CD MUSIQUE CLASSIQUE

◗ johann sebastianbachCantates pour le temps deNoël BWV 91, 110, 40, 121Solistes, Monteverdi Choir,English Baroque Soloists, JohnEliot Gardiner (direction)

Pendant un an, de Noël 1999à Noël 2000, John Eliot Gardi-ner a célébré le bicentenairede la mort de Bach en don-nant, aux jours idoines du ca-lendrier liturgique, l’inté-grale des cantates du Cantorde Leipzig. Etonnant par-cours, achevé à New York, le31 décembre 2000, dansl’église Saint Bartholomew’s,où Leopold Stokowski avaitété organiste. Ce volume, quiest un modèle d’édition, estle quatorzième d’une inté-grale en cours de cesconcerts enregistrés sur le vifet l’un des meilleurs, avec, en

particulier, un chœur intro-ductif de la Cantate BWV 110,d’une subtilité d’interpréta-tion prodigieuse. R. Ma.1 CD Soli Deo Gloria (distribué

par Naïve).

◗ lamento : œuvresde la famille bachMagdalena Kozena(mezzo-soprano), MusicaAntiqua Köln, ReinhardtGoebel (direction)

On a le souffle coupé dès lespremières notes du Lamentode Johann Christoph Bach :sept minutes et vingt-deux se-condes d’une pure splendeur.La Cantate BWV 170 de Bach(le père), « Vergnüte Ruh, be-liebte Seelenlust », est muepar un sentiment d’urgencequi privilégie moins le cielque son humaine aspiration àl’atteindre. MagdalenaKozena atteint ici à une pro-fondeur d’interprétation quilaisse admiratif. La voix est in-croyable de couleur, desensualité, de maîtrise. Et lemariage avec Musica Antiquade Cologne va largement au-delà des impératifs du contratdiscographique. M.-A. R.1 CD Archiv/Universal Music.

◗ richard rodneybennettThe Mines of SulphurChristopher Irmiter, BethClayton, Brandon Jovanovich,James Maddalena,Caroline Worra, Orchestrede l’Opéra de Glimmerglass,Stewart Robertson (direction)

Les Mines de soufre, une ra-reté lyrique de 1965, retrouvela gloire et le succès de ses dé-buts, qui ont rayonné dansl’Europe entière (le cinéasteJohn Huston en a fait unemise en scène pour la Scalade Milan !). Richard RodneyBennett (né en 1936), musi-cien connu pour ses parti-tions pour le cinéma (Quatre

mariages et un enterrement, LeCrime de l’Orient-Express…),usait, en 1965, d’un langagedodécaphonique qui est pour-tant d’une malléabilité ex-trême, propice aux expres-sions les plus variées. Le livretest aussi palpitant qu’un filmd’Hitchcock et l’interpréta-tion, captée dans les condi-tions du direct, à l’Opéra deGlimmerglass, dans l’Etat deNew York, est excellente etintense. R. Ma.2 CD Chandos (distribués par

Codaex).

◗ cathy berberianBeatles Arias

La Grande Cathy Berberian(1925-1983), la « magnifica-thy », était une grande prê-tresse (passablement excentri-que) de la musique de sontemps. La mezzo américaineincluait naturellement àcelle-ci les chansons des Beat-les – qu’elle adorait et respec-tait infiniment. Ces séancesde studio faites pour Philips(Fontana) à Paris en décem-bre 1966 n’avaient jamais re-paru sur CD. Les arrange-ments néobaroques avec cla-vecin obligé sont somptueuxde kitsch voulu. Des inéditsradiophoniques complètentle programme, excellemmentprésenté. Un bijou post-moderne avant la lettre. R. Ma.1 CD Telescopic (distribué par

Discograph). discograph.com

et telescopic.fr

◗ ernest blochHiver-Printemps, Proclamation,Poèmes d’automne, Suite

Sophie Koch (mezzo),Tabea Zimmermann (alto),Reinhold Friedrich (trompette),DeutschesSymphonie-Orchestre Berlin,Steven Sloane (direction)

On va finir par comprendrequ’il n’y a pas, dans l’œuvred’Ernest Bloch (1880-1959),que Shelomo et sa musiqued’inspiration hébraïque quivaillent. Au sein de ce beauprogramme, la Suite op. 19, seprésente comme la grandeœuvre concertante du XXe siè-cle pour l’alto, bien supé-rieure au Concerto inachevéde Bartok. Tabea Zimmer-mann joue cela avec un sond’une pénétration élégiaquemerveilleusement relayée parla belle direction de StevenSloane. R. Ma.1 CD Capriccio (distribué par

Delta).

◗ don quichottede la manchaRomances et musiquesMontserrat Figueras (soprano),Hespèrion XXI,La Capella Reial de Catalunya,Jordi Savall (direction)

Ce livre-disque somptueux,conçu par Jordi Savall et sescollaborateurs de toujours, cé-lèbre le quadricentenaire duDon Quijote de la Mancha deMiguel de Cervantès (1605),où la musique est omnipré-sente. La belle voix d’un réci-tant alterne avec des piècesvocales de Mudarra, Ca-bezon, Morales, Narvaez, etavec d’autres, anonymes, sou-vent fortement influencéespar l’art ornemental arabo-andalou. L’ensemble dégageune magie poétique, et on selaisse prendre à rêver de cestemps où la musique desmots et celle des sonsfaisaient cause communepour sublimer nos misèreshumaines. M.-A. R.1 CD-livre Alia Musica

(distribué par Abeille

Musique)

◗ henry du montGrands Motets pour la chapellede Louis XIV au LouvreEnsemble Pierre Robert,Frédéric Desenclos(orgue et direction)

Frédéric Desenclos, remar-quable organiste (qui toucheici l’orgue de la chapelle duchâteau de Versailles pour

12/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 13: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

quelques pièces instrumenta-les) réenregistre un pro-gramme très proche de celuigravé par Philippe Herrewe-ghe il y a presque vingt-cinqans, pour Harmonia Mundi.L’effectif de l’ensemble PierreRobert est moindre, le ton del’interprétation est plus in-time et d’un dolorisme moinsthéâtral. On entendra, grâce àce remarquable enregistre-ment, à quel point, pendantce quart de siècle passé, les« baroqueux » auront à nou-veau osé le legato. R. Ma.1 CD Alpha 069 (distribué

par Abeille Musique).

◗ angela gheorghiuRécital d’airs d’opéra deGiacomo PucciniAngela Gheorghiu (soprano),Roberto Alagna (ténor),Choeurs de l’Opéra royalde Covent Garden, Orchestresymphonique Giuseppe Verdide Milan, Anton Coppola(direction)

Angela Gheorghiu donnedans ce récital d’airs d’opé-ras de Puccini la pleine me-sure de son exceptionnel ta-lent. Héritière des grandestragédiennes, la sopranoroumaine en possède la bou-leversante force d’incarna-tion, qui allie à une pudeurde l’expression les sonoritésde la tendresse la plus pure,de la douleur la plus in-tense. Son timbre de soleilnoir (cuivré et sombre à lafois), ses aigus admirable-ment soutenus (quoique par-fois un peu bas), son souffledosé tant dans la souplessede la ligne que dans l’épuredes couleurs, épousent deses héroïnes les inflexionsles plus intimes : du fol es-poir d’amour au suicide ma-ternel de Butterfly, de la sim-plicité charmante de Mimi àla sensualité coquine de Mu-setta, la solitude de Manon,les effusions désespérées deSuor Angelica. Mais c’estdans Turandot qu’elle est àson sommet. Les interven-tions de son époux, RobertoAlagna (dans Madame But-terfly et Turandot), la direc-tion en osmose d’AntonCoppola à la tête de l’Or-chestre Verdi de Milan, fontde ce disque une réussitecomplète. M.-A. R.1 CD EMI Classics.

◗ hélène grimaudSonate op. 35, Berceuse op. 57,Barcarolle op. 60, de Chopin ;Sonate op. 36,de Rachmaninov (piano)

Hélène Grimaud n’avait pasjoué la musique de Chopindepuis l’âge de 17 ans. Adeux fois cet âge, le désir decette musique lui est revenuaprès avoir écouté MaurizioPollini lors d’un récital auJapon.Dans la Sonate op.35, on ad-mire l’égalité du toucher, laclarté de polyphonie, l’inten-sité sans dureté, le jeuprofond et élastique du« Scherzo », La fameuse« Marche funèbre » quiavance en demi-teinte aubranlement d’inexorablescloches…Dans la Deuxième Sonate, deSerge Rachmaninov, passetoute l’élégance de cœur del’artiste dans la manière ex-trêmement variée et nuan-cée qu’elle a de tisser la mu-sique au fil d’un motif dequatre notes descendantes(véritable trame de la parti-tion) tour à tour grave ouironique, sentencieux oudépressif. M.-A. R.1 CD Deutsche Grammophon.

◗ jean-luc hervéIntérieur rouge. Rêve de volI-III. En découverte. 2.Des oiseaux.Ensemble Sillages

Compositeur aussi discretque raffiné, Jean-Luc Hervé li-vre depuis une quinzaine d’an-nées des créations que lesamateurs de musique contem-poraine savent apprécierdans une relation quasi mysti-que au son, favorisée à ses dé-buts par l’enseignement deGérard Grisey. A 45 ans, Jean-Luc Hervé bénéficie enfind’une monographie discogra-phique susceptible d’élargirson auditoire. Fleuron d’uneproduction sensible et origi-nale, Intérieur rouge suffirait àjustifier l’importance actuellede ce coloriste irradiant. P. Gi1 CD L’empreinte digitale

(distribué par Nocturne).

◗ yan mareszMetallics. Eclipse. Entrelacs. Sulsegno. Metal extensions.Ensemble Intercontemporain,Jonathan Nott (direction)

Tout ceux qui fréquentent l’Ir-cam le savent : l’arrivée, il y adix ans, de Yan Maresz (né en1966) dans ce temple de l’in-formatique musicale a faitbasculer l’institution dePierre Boulez dans une nou-velle ère. Emblématiqued’une utilisation positive-ment légère, pour ne pas direfrivole, de la technologie du« temps réel », Metallics(1995) est devenue une réfé-rence de l’interaction entreun instrument (ici, la trom-pette) et ses doubles électroni-ques. Tout aussi enivrantes

sont les autres pièces, certai-nes strictement acoustiques,réunies dans ce beau volumede la collection « Composi-teurs d’aujourd’hui ». P. Gi1 CD Ircam-Accord/Universal.

◗ arnold schoenbergSélection de pièces pour chœura capella. Transcription deFarben par Franck Krawczyk.Symphonie de chambre opus 9.Chœur de chambre Accentus,Laurence Equilbey (direction) etEnsemble Intercontemporain,Jonathan Nott (direction).

Couronnement de la produc-tion chorale d’Arnold Schoen-berg, le De Profundis, dernièrepièce achevée par le maîtrede l’Ecole de Vienne, est àl’origine de la création, en1991, du chœur Accentus queLaurence Equilbey a réussi àimposer comme un ins-trument incontournable de lacréation contemporaine. Lejeune Franck Krawczyk s’ensert dans un registre inédit(celui du souffle phonétique)pour révéler les dessous deFarben, partition (pourorchestre) mythique duXXe siècle. P. Gi1 CD Naïve.

◗ karol szymanowskiMasques op. 34,Sonate pour piano no 3 op. 36,Métopes op. 29.Piotr Anderszewski (piano)

Il aura fallu pas moins desept années de réflexion aupianiste polonais Piotr An-derszewski pour apprendreà aimer la musique de soncompatriote Karol Szyma-nowski (1882-1937). Il en asaisi la clé et vient d’en livrer

un enregistrement majeur,après un parcours difficiledans la compréhensiond’une œuvre singulière, qu’ildéfend désormais bec etdoigts. On s’inclinera devantune Sonate no 3 d’une acuitéde style, d’une intelligencede conception étonnantes,d’une sensualité passée aucrible de l’épuration poéti-que. Dans les Masques, An-derszewski rend à chacunedes figures mythiques – Sché-hérazade, Tantris le bouf-fon, Don Juan – le plein éclatd’un art qui jamais ne cède àla facilité du descriptif.Quant aux trois tableaux desMétopes, inspirées de L’Odys-sée, le piano d’Anderszewskisert avec maîtrise et sensibi-lité cette musique tour àtour légère et sombre,percussive et aérienne. M.-A. R.1 CD Virgin Classics.

◗ carl mariavon weberOberonSteve Davislim, HilleviMartinpelto, Monteverdi Choir,Orchestre révolutionnaireet romantique,John Eliot Gardiner (direction)

Bien que fréquemment jouéen Allemagne et en Grande-Bretagne, Oberon est tou-jours resté dans l’ombre dupopulaire Freischütz. La ver-sion en allemand de RafaelKubelik (DG, 1970) n’avaitpas été surpassée. C’est direl’importance de celle-ci,dans l’anglais original. JohnEliot Gardiner a substituéaux dialogues de courtesnarrations, laissant ainsi lapart belle à une musique co-lorée mais délicate, savam-ment inspirée et interprétéeavec un sens aigu des cou-leurs et de la féérie. M.-A. R.2 CD Philips Classics.

RoyalBajazetantonio vivaldi

a Ildebrando d’Arcangelo, PatriziaCiofi, David Daniels, Elina Garanca,Vivica Genaux, Marijana Mijanovic ;Europa Galante, Fabio Biondi (direct.)

CE BAJAZET, GRAVÉ par Fabio Biondi avecson ensemble Europa Galante, est une pre-mière discographique. La musique très ins-pirée de Vivaldi est magnifiée par leTamerlano de David Daniels, exemplairede suavité et de moelleux, l’Asteria de Ma-rijana Mijanovic, d’une profondeur de tim-bre et d’interprétation incroyables, l’Irenede Vivica Genaux, inégalable dans le mo-numental Qual guerriero, et Patrizia Ciofi(Idaspe), qui incarne avec une parfaite

aisance le terrible Anche il mar. Au zénithde son art, le Bajazet d’Ildebrando d’Arcan-gelo est tout simplement renversant dansles scènes dramatiques de l’acte II. Bien-venu dans la discographie vivaldienne, ceBajazet devrait rester très longtemps maî-tre du jeu. Un DVD joint au coffret montreles chanteurs dans le feu de l’action. M.-A. R.

e 1 coffret de 2 CD et 1 bonus DVD Virgin

Classics.

CD MUSIQUE CLASSIQUE

mar

ine

tad

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/13

Page 14: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

14/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Page 15: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

Cordesen sympathieali farka touré et toumani diabaté

a In the Heart of the Moon.

ADMIRABLE BRODERIE MUSICALE quasi im-provisée (trois séances de deux heures,sans répétition), cette conversation de cor-des entre deux sommités de la musiquemalienne, le guitariste Ali Farka Touré et lejoueur de kora Toumani Diabaté, pourraitprovoquer un abus de superlatifs tant leplaisir est grand à s’y laisser bercer. La mu-sique cajole plus qu’elle ne surprend deprime abord. On y plonge comme dans uneeau accueillante. Il est recommandé d’allerau-delà de la première impression. De

cette surface en apparence très lisse, decette fluidité grisante émergent des élansvirtuoses, des arpèges gracieux qui neutra-lisent toute tentation de torpeur. Sept desdouze titres proposés ici sont une relecturede morceaux traditionnels. Un parti prisrappelant l’attachement à leurs racines dedeux hommes, volontaires à l’échange et àl’ouverture comme ils l’ont prouvé àtravers leurs différentes collaborationsrespectives. P. La.

e 1 CD World Circuit/Night & Day.

◗ abida parveen‘Isqh

L’une des grandes voix du Pakis-tan. Souvent comparée un peutrop vite à celle de Nusrat FatehAli Khan, son illustre compa-triote disparu en 1997, elle n’enest pas moins singulière. Am-ple, mate et grave mais aussi tra-versée par des traits de lumière,toute en sinuosités voluptueu-ses, elle donne chair et âme à lapoésie des mystiques soufis pa-kistanais. Porté par la cavalcadedes percussions (Nazir Khanaux tablas, l’Iranien Bijan Che-mirani au daf, Karam Hussainau dholak) et la danse de l’har-monium (Manzoor Hussain), lechant modulé d’Abida Parveenlibère l’esprit. P. La.1 CD Accords croisés/

Harmonia Mundi.

◗ susheela ramanMusic for Crocodiles

Entre la culture tamoule de sesparents et celle, protéiforme,des milieux urbains occiden-taux dans lesquels elle a évoluédepuis sa naissance (Londres,Australie), la chanteuse cher-che des points d’équilibre, desconnexions. Cette quête l’aamenée jusqu’à Chenai (Ma-dras) où la plus grande partiede cet album a été enregistrée.Entre-deux subtilement pensé,Music for Crocodiles est une syn-thèse réussie. Les musiciensclassiques indiens s’appro-prient de belles mélodies popfolk chantées en anglais, la voixombrée est d’une capiteuse sen-sualité. P. La.1 CD Narada/Virgin.

◗ cheb i sabbahLa Kahena

DJ natif de Constantine, en Al-gérie, installé à San Francisco,après s’être auparavant pen-ché sur le cas de la musique in-dienne, Cheb I Sabbah revientvers le son de ses racines, desvoix, des rythmes d’Afrique duNord. Vitaminé de trouvailles,mélangeant des traditions ara-bes, berbères et juives, La Ka-hena fait la part belle aux voixféminines. On y entend notam-ment la chanteuse raï ChebaZahouania, les frénétiquesB’Net Marrakech ou les chantssacrés des Haddaratesmarocaines. P. La.1 CD Six Degrees/Universal.

◗ espagneValéncia : Cant d’estil – Jouteschantées

Le cant d’estil est une aubadechantée la nuit à tue-tête de-vant les portes, à travers la ville.L’improvisation y a force de loi,les voix suraiguës, d’hommeset de femmes, virevoltent, puis-

santes et solaires. Les chan-teurs sont accompagnés par unversator (poète) chargé de souf-fler les paroles, choisies en fonc-tion du thème à développer. Té-moignage précieux pour appro-cher l’un des sens du chanterdans la région de Valence, enEspagne, recueilli par BernardLortat-Jacob, un des grandsnoms de l’ethnomusicologie enFrance. P. La.1 CD Ocora/Harmonia Mundi.

◗ titi robinCes vagues que l’amoursoulève

Un sens délicat de la composi-tion, un subtil toucher de cor-des (bouzouk, oud et guitare),un vrai talent pour inventerdes mélodies conjuguant évi-dence et raffinement. Entouréde musiciens parfaits l’AngevinTiti Robin emporte au cœur deson voyage intérieur fait devécu et d’invention. Dans samusique passent des imagesde Moyen-Orient, d’Asie cen-trale, des fêtes gitanes, descontemplations rêveuses. De-puis Gitans, sorti en 1993, sansdoute l’une des partitions li-bres les plus séduisantes de cemusicien d’ici fort imprégnéd’ailleurs. P. La.1 CD Naïve.

◗ tom zéEstudando o pagode naopereta segreda mulher e amo

Soit l’étude du pagode, formede samba populaire, nerveuseet ironique, dans une opé-rette imaginaire. Tom Zé uti-lise des trucs géniaux pro-duits par les ordinateurs per-mettant la distorsion d’un AveMaria mielleux ou l’amplifica-tion caverneuse d’un mâle im-bécile. Tom Zé, né en rasecampagne avant de devenirun des fondateurs, avec Cae-tano Veloso et Gilberto Gil,du mouvement tropicaliste, aréalisé un assemblage extraor-dinaire de seize chansons quiest une perle d’intelligence po-litique.Les riches sonorités nordesti-nes (guitares à sept cordes),sont en alchimie avec les re-cherches très urbaines de l’un-derground de Sao Paulo, oùTom Zé s’est établi il y a deuxdécennies. V. Mo.1 CD Trama.

◗ dédé saint-prixFruits de la patience

C’est à la fois un disque decoups de gueule et d’élans ducœur. Percussionniste, flû-

tiste, chanteur, le Martini-quais Dédé Saint-Prix a desmessages à transmettre. Aufil des titres, en créole, poin-tent de l’ironie acide, des ré-

voltes, mais aussi de formida-bles bouffées de joie et deshommages rayonnants (à Ce-lia Cruz, Haïti). Au centre despréoccupations musicales dece diable d’homme, il y a desrythmes, des mélodies d’un ir-résistible entrain, comme lechouval bwa, la musique quiaccompagnait autrefois laronde des chevaux de boispoussés à bras d’hommes enMartinique. P. La.1 CD Hibiscus Records.

◗ zaïnabaComores : chants de femmes

Réalisé à Moroni, capitaledes Comores, cet enregistre-ment est au service d’un patri-moine menacé. Vedette de lavariété nationale, la chan-teuse Zaïnaba Ahmed se re-centre sur la tradition, reluesans tentations de digres-sions et fidèle aux codes. Unchœur de femmes, des cla-quements de mains et despercussions accompagnentla claire fermeté du timbrede Zaïnaba. Les chansonssont celles dont on berce lesenfants, apaise les souffran-ces des mères, célèbre unévénement. P. La.1 CD Buda Records(distribué par Universal).

CD MUSIQUES DU MONDE

d.r

.

LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005/15

Page 16: 1] SPECIAL DEMI/PAGES 14/12/05 - …medias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20051214/721087_supdvd.pdf · Une am-biance onirique distillée dès le titre, et une intrigue dérou-tante,

16/LE MONDE/MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005