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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXXI e année, numéro 21 (3.634) Cité du Vatican mardi 26 mai 2020 Le Pape François lance une Année «Laudato si’» Etre attentifs au cri de la Terre et des pauvres Du 24 mai 2020 au 24 mai 2021 aura lieu l’année Laudato si’. Une initiative annoncée par le Pape François à l'issue de la prière du Regina cæli du 24 mai, pour mar- quer les cinq ans de l’encyclique qui a attiré l’attention sur le cri de la Terre et des pauvres. La Semaine Laudato si’ convo- quée par le Pape François du 16 au 24 mai, a impliqué les commu- nautés catholiques du monde en- tier, permettant aux paroisses, dio- cèses, congrégations religieuses, associations, écoles et autres insti- tutions d’approfondir leur engage- ment pour la sauvegarde de la Création et la promotion d'une écologie intégrale. Au cours de la semaine, diverses initiatives en li- gne ont été lancées afin de cons- truire un avenir plus juste et plus durable pour la Terre et l'humani- té, en suivant l’esprit de Laudato si’, où le Saint-Père explique que «tout est lié». L’appel du Pape François a suscité l’intérêt bien au- delà, dans la sphère scientifique et universitaire, dans les milieux non- Le miracle de la gratuité qui se fait service à l’Eglise Aux sources de la mission ANDREA TORNIELLI Le message du Pape François aux Œuvres pontificales missionnaires est un texte fort, concret dans ses indications, qui indique la seule source réelle de l’action mission- naire de l’Eglise et qui veut en même temps éviter, en les appe- lant par leur nom, certaines patho- logies qui risquent de dénaturer la mission elle-même. La mission, explique François, n’est pas le fruit de l’application de «systèmes et de logiques mon- daines de militantisme ou de la compétence technico-profession- nelle», mais elle naît de la «joie débordante» que «le Seigneur nous donne» et qui est le fruit de l’Esprit Saint. Cette joie est une grâce que personne ne peut se donner seul. Etre missionnaire si- gnifie faire rayonner le grand don immérité que l’on a reçu, c’est-à- dire refléter la lumière d’un Autre, comme le fait la lune avec le so- leil. «Les témoins — écrit le Pape — dans toute situation humaine, sont ceux qui attestent ce qui a été fait par quelqu’un d’autre. Dans ce sens, et seulement dans ce sens, nous pouvons être témoins du Christ et de son Esprit». C’est ce mysterium lunae cher aux Pères de l’Eglise des premiers siècles, qui avaient clairement à l’esprit que l’Eglise vit instant après instant de la grâce du Christ. Comme la lu- ne, l’Eglise ne brille pas elle aussi de sa propre lumière et lorsqu’elle se regarde trop ou qu’elle a con- fiance dans ses propres capacités, elle finit par être autoréférentielle et ne donne plus de lumière à per- sonne. L’origine de ce message est le contenu de l’exhortation Evan- gelii gaudium, le texte qui a tracé le chemin du pontificat actuel. François rappelle que l’annonce de l’Evangile et la confession de la foi chrétienne sont différents de tout prosélytisme politique, cultu- rel, psychologique ou religieux. L’Eglise grandit dans le monde par attraction et «si l’on suit Jésus heureux d’être attirés par lui, les autres le remarquent. Et ils peu- vent s’en étonner». Il ressort de manière évidente du message aux OPM, que l’inten- tion du Pape est de freiner cette tendance à considérer la mission Message aux Œuvres pontificales m i s s i o n n a i re s pages 4 à 8 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 20 mai. Page 3: Angelus du 24 mai. Page 9: La nouvelle année académique dans les universités pontifi- cales, par Roberto Cetera. Page 10: La femme narratrice d’histoires dans les cultures aborigènes latino-américaines, par Marcelo Fi- gueroa. Page 11: Informations. Page 12: Lettre au cardinal Koch pour le vingtième anniversaire de «Ut unum sint». Un texte inédit du Pape François. SUITE À LA PAGE 2 SUITE À LA PAGE 3 Une photographie de Yann Arthus-Bertrand

1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E …...Page 2:Audience générale du 20 mai.Page 3:Angelus du 24 mai. Page 9:La nouvelle année académique dans les universités

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXXIe année, numéro 21 (3.634) Cité du Vatican mardi 26 mai 2020

Le Pape François lance une Année «Laudato si’»

Etre attentifs au cri de la Terre et des pauvres

Du 24 mai 2020 au 24 mai 2021aura lieu l’année Laudato si’. Uneinitiative annoncée par le PapeFrançois à l'issue de la prière duRegina cæli du 24 mai, pour mar-quer les cinq ans de l’encycliquequi a attiré l’attention sur le cri dela Terre et des pauvres.

La Semaine Laudato si’ convo-quée par le Pape François du 16au 24 mai, a impliqué les commu-nautés catholiques du monde en-tier, permettant aux paroisses, dio-cèses, congrégations religieuses,associations, écoles et autres insti-tutions d’approfondir leur engage-ment pour la sauvegarde de laCréation et la promotion d'uneécologie intégrale. Au cours de lasemaine, diverses initiatives en li-gne ont été lancées afin de cons-truire un avenir plus juste et plusdurable pour la Terre et l'humani-té, en suivant l’esprit de Laudatosi’, où le Saint-Père explique que«tout est lié». L’appel du PapeFrançois a suscité l’intérêt bien au-delà, dans la sphère scientifique etuniversitaire, dans les milieux non-

Le miracle de la gratuitéqui se fait service à l’Eglise

Aux sourcesde la mission

ANDREA TORNIELLI

Le message du Pape François auxŒuvres pontificales missionnairesest un texte fort, concret dans sesindications, qui indique la seulesource réelle de l’action mission-naire de l’Eglise et qui veut enmême temps éviter, en les appe-lant par leur nom, certaines patho-logies qui risquent de dénaturer lamission elle-même.

La mission, explique François,n’est pas le fruit de l’applicationde «systèmes et de logiques mon-daines de militantisme ou de lacompétence technico-profession-nelle», mais elle naît de la «joiedébordante» que «le Seigneurnous donne» et qui est le fruit del’Esprit Saint. Cette joie est unegrâce que personne ne peut sedonner seul. Etre missionnaire si-gnifie faire rayonner le grand donimmérité que l’on a reçu, c’est-à-dire refléter la lumière d’un Autre,comme le fait la lune avec le so-leil. «Les témoins — écrit le Pape— dans toute situation humaine,sont ceux qui attestent ce qui a étéfait par quelqu’un d’autre. Dansce sens, et seulement dans ce sens,nous pouvons être témoins duChrist et de son Esprit». C’est cemysterium lunae cher aux Pères del’Eglise des premiers siècles, quiavaient clairement à l’esprit quel’Eglise vit instant après instant dela grâce du Christ. Comme la lu-ne, l’Eglise ne brille pas elle ausside sa propre lumière et lorsqu’ellese regarde trop ou qu’elle a con-fiance dans ses propres capacités,elle finit par être autoréférentielleet ne donne plus de lumière à per-sonne. L’origine de ce message estle contenu de l’exhortation Evan-gelii gaudium, le texte qui a tracéle chemin du pontificat actuel.François rappelle que l’annonce del’Evangile et la confession de lafoi chrétienne sont différents detout prosélytisme politique, cultu-rel, psychologique ou religieux.L’Eglise grandit dans le mondepar attraction et «si l’on suit Jésusheureux d’être attirés par lui, lesautres le remarquent. Et ils peu-vent s’en étonner».

Il ressort de manière évidentedu message aux OPM, que l’inten-tion du Pape est de freiner cettetendance à considérer la mission

Message aux Œuvres pontificalesm i s s i o n n a i re s

pages 4 à 8

DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 20 mai. Page 3: Angelus du 24 mai.Page 9: La nouvelle année académique dans les universités pontifi-cales, par Roberto Cetera. Page 10: La femme narratrice d’h i s t o i re sdans les cultures aborigènes latino-américaines, par Marcelo Fi-gueroa. Page 11: Informations. Page 12: Lettre au cardinal Kochpour le vingtième anniversaire de «Ut unum sint». Un texte inéditdu Pape François.

SUITE À LA PA G E 2 SUITE À LA PA G E 3

Une photographie de Yann Arthus-Bertrand

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page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 26 mai 2020, numéro 21

Audience générale du 20 mai

La prière est la première force de l’esp éranceChers frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons la catéchèse sur la prière,en méditant sur le mystère de la création. Lavie, le simple fait que nous existions, ouvre lecœur de l’homme à la prière.

La première page de la Bible ressemble àun grand hymne d’action de grâce. Le récit dela création est rythmé par des refrains, où estsans cesse réaffirmée la bonté et la beauté dechaque chose qui existe. Dieu, avec sa parole,appelle à la vie, et chaque chose accède àl’existence. Avec la parole, il sépare la lumièredes ténèbres, il alterne le jour et la nuit, il fait

La prière de l’homme est étroitement liéeau sentiment de l’émerveillement. La grandeurde l’homme est infinitésimale par rapport auxdimensions de l’univers. Ses plus grandes con-quêtes semblent bien peu de choses… Cep en-dant l’homme n’est pas rien. Dans la prières’affirme avec force un sentiment de miséricor-de. Rien n’existe par hasard: le secret de l’uni-vers est dans un regard bienveillant que quel-qu’un aperçoit dans nos yeux. Le psaume af-firme que nous sommes faits à peine moindrequ’un dieu, que nous sommes couronnés degloire et d’honneur (cf. 8, 6). La relation avecDieu est la grandeur de l’homme: son introni-

Aux sourcesde la mission

SUITE DE LA PA G E 1

comme quelque chose d’élitiste, à orienter et àdiriger au moyen de programmes prévus àl’avance en appliquant des stratégies qui ob-tiennent une «prise de conscience» à traversdes raisonnements, des appels, le militantisme,les formations. Il est tout aussi évident dansle texte pontifical publié aujourd’hui, quel’Evêque de Rome considère qu’il s’agit d’unrisque présent et que, par conséquent, ses pa-roles ont une valeur qui va bien au-delà desŒuvres pontificales missionnaires, auxquellesil s’adresse. Pour éviter l’autoréférence, le dé-sir du commandement et de déléguer l’activitémissionnaire à «une classe supérieure de spé-cialistes» qui considèrent le peuple des bapti-sés comme une masse inerte à ranimer et àmobiliser, François rappelle quelques traitsdistinctifs de la mission chrétienne: gratitude,gratuité, humilité, proximité de la vie des per-sonnes là où elles sont et telles qu’elles sont,prédilection pour les petits et les pauvres.

se succéder les saisons, il crée une palette decouleurs avec la variété des plantes et des ani-maux. Dans cette forêt luxuriante qui dominerapidement le chaos, l’homme apparaît endernier. Et cette apparition provoque un excèsd’exultation qui amplifie la satisfaction et lajoie: «Dieu vit tout ce qu’il avait fait: celaétait très bon» (Gn 1, 31). Une bonne chose,mais aussi une belle chose: on voit la beautéde toute la création!

La beauté et le mystère de la création en-gendrent dans le cœur de l’homme le premierélan qui suscite la prière (cf. Catéchisme del’Eglise catholique, n. 2566). C’est ce que récitele huitième Psaume, que nous avons entenduau début: «A voir ton ciel, ouvrage de tesdoigts, la lune et les étoiles, que tu fixas,qu’est donc le mortel, que tu en gardes mé-moire, le fils d’Adam, que tu en prennes sou-ci?» (vv. 4-5). L’orant contemple le mystère del’existence autour de lui, il voit le ciel étoiléqui le domine — et que l’astrophysique nousmontre aujourd’hui dans toute son immensité— et il se demande quel dessein d’amour doitse trouver derrière une œuvre aussi puissan-te!... Et dans cette immensité sans limites,qu’est l’homme? «Presque rien», dit un autrepsaume (cf. 89, 48): un être qui naît, un êtrequi meurt, une créature très fragile. Pourtant,dans tout l’univers, l’être humain est la seulecréature consciente d’une aussi grande profu-sion de beauté. Un petit être qui naît, quimeurt, qui est là aujourd’hui, mais plus de-main, est le seul conscient de cette beauté.Nous sommes conscients de cette beauté!

sation. Par nature nous ne sommes presquerien, petits, mais par vocation, par appel,nous sommes les enfants du grand Roi!

C’est une expérience que beaucoup d’e n t renous ont faite. Si l’histoire de notre vie, avectoutes ses amertumes, risque parfois d’étoufferen nous le don de la prière, il suffit de la con-templation d’un ciel étoilé, d’un coucher desoleil, d’une fleur…, pour rallumer l’étincellede l’action de grâce. Cette expérience estpeut-être à la base de la première page de laBible.

Quand le grand récit biblique de la créa-tion est rédigé, le peuple d’Israël ne vit pasdes jours heureux. Une puissance ennemieavait occupé sa terre; de nombreuses person-nes avaient été déportées et se trouvaient àprésent en esclavage en Mésopotamie. Il n’yavait plus de patrie, ni de temple, ni de viesociale et religieuse, rien.

Pourtant, précisément à partir du grand ré-cit de la création, quelqu’un commence à re-trouver des motifs d’action de grâce, à louerDieu pour l’existence. La prière est la pre-mière force de l’espérance. Tu pries et l’esp é-rance grandit, tu vas de l’avant. Je dirais quela prière ouvre la porte à l’espérance. L’esp é-rance est là, mais avec ma prière j’ouvre lap orte. Parce que les hommes de prière conser-vent les valeurs fondamentales; ce sont ceuxqui répètent, avant tout à eux-mêmes et ensui-te à tous les autres, que cette vie, malgré tou-tes ses difficultés et ses épreuves, malgré sesmoments difficiles, est pleine d’une grâce

dont il faut s’émerveiller. Et, en tant que telle,elle doit toujours être défendue et protégée.

Les hommes et les femmes qui prient saventque l’espérance est plus forte que le découra-gement. Ils croient que l’amour est plus puis-sant que la mort, et qu’assurément un jour iltriomphera, même si c’est selon des temps etdes modalités que nous ne connaissons pas.Les hommes et les femmes de prière portentsur leur visage le reflet de l’éclat de lumière:car, même dans les jours les plus sombres, lesoleil ne cesse pas de les illuminer. La prièret’illumine: elle illumine ton âme, elle illumineton cœur et elle illumine ton visage. Mêmedans les temps les plus sombres, même dansles temps de très grande douleur.

Nous sommes tous porteurs de joie. Avez-vous pensé à cela? Que tu es un porteur dejoie? Ou tu préfères apporter des mauvaisesnouvelles, des choses qui attristent? Noussommes tous capables d’apporter la joie. Cet-te vie est le don que Dieu nous a fait: elle esttrop brève pour la passer dans la tristesse,dans l’amertume. Louons Dieu, en étant sim-plement contents d’exister. Regardons l’uni-vers, regardons ses beautés et regardons égale-ment nos croix et disons: «Mais tu existes, tunous a faits ainsi, pour toi». Il est nécessairede ressentir cette inquiétude du cœur qui con-duit à rendre grâce et à louer Dieu. Noussommes les enfants du grand Roi, du Créa-teur, capables de lire sa signature dans toutela création; cette création qu’a u j o u rd ’hui nousne protégeons pas, mais dans cette création, ily a la signature de Dieu qui l’a faite paramour. Que le Seigneur nous fasse compren-dre cela toujours plus profondément et nousconduise à dire «merci»: et ce «merci» estune belle prière.

A l’issue de l’audience générale, le Pape a saluéles fidèles de langue française:

Je suis heureux de saluer les personnes delangue française. A la veille de la fête de l’As-cension du Seigneur, demandons-lui de nousaider à redécouvrir dans la beauté de la créa-tion un reflet de la gloire et de la splendeurde Dieu! Que Dieu vous bénisse!

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numéro 21, mardi 26 mai 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

Lors du Regina cæli du 24 mai le Pape annonce une Année «Laudato si’»

Proximité et soutienaux catholiques chinois

Chers frères et sœurs, bonjour!A u j o u rd ’hui, en Italie et dans d’autres pays,on célèbre la solennité de l’Ascension du Sei-gneur. Le passage de l’Evangile (cf. Mt 28, 16-20) nous montre les apôtres qui se réunissenten Galilée, «sur la montagne que Jésus leuravait indiquée» (v. 16). C’est là qu’a lieu ladernière rencontre du Seigneur ressuscité avecles siens, sur la montagne. La «montagne» aune forte valeur symbolique, évocatrice. C’estsur une montagne que Jésus a proclamé lesBéatitudes (cf. Mt 5, 1-12); c’est sur les monta-gnes qu’il se retirait pour prier (cf. Mt 14, 23);c’est là qu’il accueillait les foules et qu’il gué-rissait les malades (cf. Mt 15, 29). Mais cettefois-ci, sur la montagne, ce n’est plus le Maî-tre qui agit et enseigne, mais c’est le Ressusci-té qui demande aux disciples d’agir et d’an-noncer, en leur confiant la mission de conti-nuer son œu v re .

Il leur confie une mission auprès de toutesles nations. Il dit: «Allez donc, de toutes lesnations faites des disciples, les baptisant aunom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, etleur apprenant à observer tout ce que je vousai prescrit» (vv. 19-20). Les contenus de lamission confiée aux apôtres sont les suivants:annoncer, baptiser, enseigner et marcher sur lechemin tracé par le Maître, c’est-à-dire l’Evan-gile vivant. Ce message de salut impliqueavant tout le devoir du témoignage — sans té-moignage on ne peut pas annoncer — auquelnous aussi, les disciples d’a u j o u rd ’hui, noussommes également appelés pour rendre comp-te de notre foi. Face à une tâche aussi exi-geante, et en pensant à nos faiblesses, nousnous sentons inadaptés, comme les apôtreseux-mêmes se sont certainement sentis. Maisil ne faut pas se décourager, en se souvenantdes paroles que Jésus leur a adressées avant

son Ascension au ciel: «Je suis avec vous pourtoujours jusqu’à la fin du monde» (v. 20).

Cette promesse assure de la présence cons-tante et consolante de Jésus parmi nous. Maisde quelle manière se réalise cette présence?Par son Esprit, qui conduit l’Eglise à marcherdans l’histoire comme compagne de route dechaque homme. Cet Esprit qui, envoyé par leChrist et par le Père, opère la rémission despéchés et sanctifie tous ceux qui, repentis,s’ouvrent avec confiance à son don. Avec lapromesse de rester avec nous jusqu’à la findes temps, Jésus inaugure le style de sa pré-sence dans le monde en tant que Ressuscité.Jésus est présent dans le monde mais avec unautre style, le style du Ressuscité, c’e s t - à - d i reune présence qui se révèle dans la Parole,dans les sacrements, dans l’action constante etintérieure de l’Esprit Saint. La fête de l’As-cension nous dit que Jésus, bien que montéau Ciel pour demeurer glorieux à la droite duPère, est encore et toujours parmi nous: c’estde là que découlent notre force, notre persévé-rance et notre joie, précisément de la présencede Jésus parmi nous avec la puissance de l’Es-prit Saint.

Que la Vierge Marie accompagne notrechemin de sa protection maternelle: appre-nons d’Elle la douceur et le courage pour êtredes témoins dans le monde du Seigneur Res-suscité.

A l’issue du Regina cæli, le Pape a ajouté lesparoles suivantes:

Chers frères et sœurs, unissons-nous spirituel-lement aux fidèles catholiques de Chine, quicélèbrent aujourd’hui, avec une dévotion par-ticulière, la fête de la Bienheureuse ViergeMarie, Auxiliatrice des chrétiens et Patronnede la Chine, vénérée dans le sanctuaire deSheshan à Shanghai. Confions à la conduiteet à la protection de notre Mère céleste, lespasteurs et les fidèles de l’Eglise catholiquedans ce grand pays, pour qu’ils soient fortsdans la foi et solides dans l’union fraternelle,des témoins joyeux et des promoteurs de cha-rité et d’espérance fraternelle et de bonscitoyens.

Très chers frères et sœurs catholiques enChine, je désire vous assurer que l’Eglise uni-verselle, dont vous faite partie intégrante, par-tage vos espérances et vous soutient dans lesépreuves de la vie. Elle vous accompagne parla prière pour une nouvelle effusion de l’Es-prit Saint, afin qu’en vous puisse resplendir lalumière et la beauté de l’Evangile, puissancede Dieu pour le salut de quiconque croit. Envous exprimant encore une fois à tous magrande et sincère affection, je vous donne uneBénédiction apostolique spéciale. Que laSainte Vierge vous protège toujours!

Enfin, confions à l’intercession de Marieauxiliatrice tous les disciples du Seigneur ettoutes les personnes de bonne volonté qui, ences temps difficiles, dans chaque partie dumonde travaillent avec passion et engagementpour la paix, pour le dialogue entre les na-tions, pour le service aux pauvres, pour lasauvegarde de la création et pour la victoirede l’humanité sur chaque maladie du corps,du cœur et de l’âme.

C’est aujourd’hui la journée mondiale descommunications sociales, consacrée cette an-née au thème du récit. Puisse cet événementnous encourager à raconter et à partager deshistoires constructives, qui nous aident à com-prendre que nous faisons tous partie d’unehistoire plus grande que nous et que nous

pouvons regarder l’avenir avec espérance, sinous prenons vraiment soin les uns des autres,comme des frères.

A u j o u rd ’hui, en ce jour de Marie auxiliatri-ce, je présente un salut cordial et affectueuxaux salésiens et aux salésiennes. Je me sou-viens avec gratitude de la formation spirituelleque j’ai reçue des fils de Don Bosco.

J’aurais dû me rendre à Acerra aujourd’hui,pour soutenir la foi de cette population etl’engagement de ceux qui se prodiguent pourlutter contre le drame de la pollution dans cequ’on appelle la Terre des feux. Ma visite aété reportée; toutefois, j’envoie à l’évêque, auxprêtres, aux familles et à toute la communautédiocésaine mon salut, ma bénédiction, monencouragement, dans l’attente de nous ren-contrer dès que possible. Je viendrai, c’est cer-tain!

C’est aujourd’hui également le cinquièmeanniversaire de l’encyclique Laudato si’, aveclaquelle on a cherché à attirer l’attention surle cri de la Terre et des pauvres. Grâce à l’ini-tiative du dicastère pour le service du déve-loppement humain intégral, la «Semaine Lau-dato si’», que nous venons de célébrer, débou-chera sur une Année spéciale anniversaire deLaudato si’, une année spéciale pour réfléchirsur l’encyclique, du 24 mai de cette année jus-qu’au 24 mai de l’année prochaine. J’invitetoutes les personnes de bonne volonté à yadhérer, pour prendre soin de notre maisoncommune et de nos frères et sœurs les plusfragiles. La prière consacrée à cette année serapubliée sur le site. Il sera beau de la réciter.

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’ilvous plaît n’oubliez pas de prier pour moi.Bon déjeuner et au revoir.

Prière pourl’Année «Laudato si’»

Dieu aimant,Créateur du ciel, de la terreet de tout ce qu'ils contiennent.Ouvre nos esprits et touche nos cœurs,afin que nous puissions faire partiede la création, ton don.Sois présent pour les personnes dans lebesoin en ces temps difficiles,en particulier les plus pauvreset les plus vulnérables.Aide-nous à faire preuve de solidarité créativepour affronter les conséquencesde cette pandémie mondiale.Rends-nous courageuxpour accepter les changementsvisant à la recherche du bien commun.A présent plus que jamais,puissions-nous nous sentir tousinterconnectés et interdépendants.Fais en sorte que nous réussissionsà écouter et à répondreau cri de la terre et au cri des pauvres.Puissent les souffrances actuellesêtre les douleurs de l'accouchementd'un monde plus fraternel et durable.Sous le regard bienveillantde Marie Auxiliatrice,nous te prions par le Christ Notre Seigneur.Amen

Attentifs au cride la Terre et des pauvres

croyants ou d’autres confessions. Cette initia-tive s’ouvre dans un contexte particulier à sa-voir celui d’une pandémie mondiale qui rendle message de Laudato si’ aussi prophétiqueaujourd'hui qu'il l'était en 2015. «L'encycliquenous offre en effet une boussole morale et spi-rituelle pour nous guider sur ce chemin com-mun, visant à créer un monde plus intéressé,plus fraternel, plus pacifique et plus durable».Pour «imaginer un monde post-pandémique,nous devons tout d'abord adopter une appro-che intégrale, car tout est intimement lié et lesproblèmes actuels exigent un regard qui pren-ne en compte tous les aspects de la crise mon-diale» (LS, n. 137).

SUITE DE LA PA G E 1

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page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 26 mai 2020, numéro 21

Message aux Œuvres pontificales missionnaires

Le miracle de la gratuitéqui se fait service à l’Eglise

La «ferveur missionnaire ne peut jamais êtreobtenue à la suite d’un raisonnement ou d’uncalcul» mais naît du «don gratuit de soi-même»qui se fait service à l’Eglise. C’est ce que dit lePape François dans le message aux Œu v re spontificales missionnaires, dont l’assembléeannuelle, initialement prévue le jeudi 21 mai, fêtede l’Ascension, a été renvoyée à cause de lapandémie en cours. Nous publions ci-dessous leMessage du Pape.

Etant donc réunis, ils l’interrogeaient ainsi: «Sei-gneur, est-ce maintenant, le temps où tu vas res-taurer la royauté d’Israël?» Il leur répondit: «Ilne vous appartient pas de connaître les temps etles moments que le Père a fixés de sa seule auto-rité. Mais vous allez recevoir une force, celle del’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serezalors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Ju-dée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de laterre». A ces mots, sous leurs regards, il s’éleva,et une nuée le déroba à leurs yeux (Ac 1, 6-9).

Or, le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé,fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu.Alors, les disciples s’en allèrent prêcher en toutlieu. Le Seigneur agissait avec eux, confirmant laParole par les signes qui l’accompagnaient (Mc16, 19-20). Puis il les emmena vers Béthanie et,levant les mains, il les bénit. Et il advint, commeil les bénissait, qu’il se sépara d’eux et fut empor-té au ciel. Pour eux, s’étant prosternés devant lui,ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ilsétaient continuellement dans le temple à louerDieu (Lc 24, 50-53).

***

Chers frères et sœurs!Cette année, j’avais décidé de participer à vo-tre assemblée générale annuelle, le jeudi 21mai, fête de l’Ascension du Seigneur. Puis,l’assemblée a été annulée en raison de la pan-démie qui nous implique tous. C’est ainsi queje voudrais envoyer à tous ce message, afin devous communiquer les choses que j’avais àcœur de vous dire. Cette fête chrétienne, dansles temps inimaginables que nous vivons, mesemble encore plus riche en suggestions pourle cheminement et la mission de chacun denous et de toute l’Eglise.

Nous célébrons l’Ascension comme unefête, et pourtant elle commémore la sépara-tion de Jésus d’avec ses disciples et d’avec cemonde. Le Seigneur monte au Ciel, et la li-turgie orientale raconte l’émerveillement desanges en voyant un homme qui, avec sa chair,s’élève à droite du Père. Cependant, alors quele Christ est sur le point de monter au ciel, lesdisciples — qui l’ont pourtant vu ressuscité —ne semblent pas encore avoir bien compris cequi s’est passé. Jésus commence l’accomplisse-ment de son Royaume, et ses disciples se per-dent encore en conjectures. Ils lui demandents’il va restaurer la royauté d’Israël (cf. Ac 1,6). Mais, lorsque le Christ les quitte, au lieud’être tristes, ils retournent à Jérusalem «engrande joie», comme l’écrit Luc (cf. 24, 52).Ce fait serait étrange si quelque chose nes’était pas passé. En fait, Jésus leur a déjàpromis la force du Saint-Esprit, qui descendrasur eux à la Pentecôte. Ceci est le miracle quichange tout. Ils deviennent plus assurés lors-qu’ils confient tout au Seigneur. Ils sontpleins de joie. Et la joie en eux est la plénitu-de de la consolation, la plénitude de la pré-sence du Seigneur.

Paul écrit aux Galates que la plé-nitude de joie des apôtres n’est pasl’effet d’émotions qui procurent sa-tisfaction et rendent joyeux. C’estune joie débordante qui ne peutêtre vécue que comme fruit et dondu Saint-Esprit (cf. 5, 22). Recevoirla joie de l’Esprit est une grâce. El-le est la seule force que nous puis-sions avoir pour prêcher l’Evangile,pour professer la foi au Seigneur.La foi, c’est témoigner de la joieque le Seigneur nous donne. Unetelle joie, personne ne peut se ladonner à soi-même.

Avant de quitter ses disciples, Jé-sus leur a dit qu’il leur enverraitl’Esprit, le Consolateur. Ainsi, il aconfié aussi à l’Esprit l’œuvre apos-tolique de l’Eglise, tout au long del’histoire, jusqu’à son retour. Lemystère de l’Ascension, avec l’effu-sion de l’Esprit à la Pentecôte, im-prime et transmet à la mission del’Eglise son caractère génétique leplus intime à tout jamais: celuid’être l’œuvre du Saint-Esprit et

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non la conséquence de nos réflexions et inten-tions. C’est ce caractère qui la rend féconde etla préserve de toute autosuffisance présumée,de la tentation de prendre en otage la chairdu Christ — monté au Ciel — en vue de sespropres projets cléricaux de pouvoir.

Lorsque, dans la mission de l’Eglise, on nesaisit pas et on ne reconnaît pas l’œuvre ac-tuelle et efficace du Saint-Esprit, cela signifieque même les paroles de la mission — voire lesplus exactes ou les plus réfléchies — ne sontplus que des «discours de sagesse humaine»,utilisés pour se donner la gloire ou pour re-fouler et masquer ses déserts intérieurs.

La joie de l’EvangileLe salut est la rencontre avec Jésus, qui

nous aime et nous pardonne, en nous en-voyant l’Esprit qui nous console et nous dé-fend. Le salut n’est pas la conséquence de nosinitiatives missionnaires, ni même de nos dis-cours sur l’incarnation du Verbe. Le salut dechacun ne peut arriver que par le regard de larencontre avec Lui, qui nous appelle. Pourcette raison, le mystère de la prédilectioncommence et ne peut commencer que dans unélan de joie, de gratitude. La joie de l’Evangi-le, cette «grande joie» des pauvres femmesqui, au matin de Pâques, étaient allées au Sé-pulcre du Christ et l’avaient trouvé vide; etqui, ayant rencontré les premières Jésus res-suscité, avaient couru le dire aux autres (cf.Mt 28, 8-10). C’est seulement de cette manièreque le fait d’être choisis et aimés peut témoi-gner, par nos vies, la gloire du Christ ressusci-té devant le monde entier.

Les témoins, dans toute situation humaine,sont ceux qui attestent ce qui a été fait parquelqu’un d’autre. Dans ce sens, et seulementdans ce sens, nous pouvons être témoins duChrist et de son Esprit. Après l’Ascension,comme le raconte la fin de l’Evangile deMarc, les apôtres et les disciples «s’en allèrentprêcher en tout lieu. Le Seigneur agissait aveceux, confirmant la Parole par les signes quil’accompagnaient» (16, 20). Le Christ, par sonEsprit, donne son propre témoignage à traversles œuvres qu’il accomplit en nous et avecnous. L’Eglise — saint Augustin l’expliquaitdéjà — ne prierait pas le Seigneur pour de-

mander que la foi soit donnée à ceux qui neconnaissent pas le Christ, si elle ne croyait pasque c’est Dieu lui-même qui convertit et attireà lui les volontés des hommes; l’Eglise ne fe-rait pas prier ses enfants pour demander auSeigneur de persévérer dans la foi au Christ sielle ne croyait pas que le Seigneur a lui-mêmenos cœurs en son pouvoir. Car si l’Eglise luidemandait ces choses, mais pensait pouvoir seles donner à elle-même, cela voudrait dire quetoutes ces prières ne sont pas authentiquesmais sont des formules vides, des «manièresde dire», des convenances imposées par leconformisme ecclésiastique (cf. Le don de lapersévérance. A Prosper et à Hilaire, 23, 63).

Si on ne reconnaît pas que la foi est un donde Dieu, même les prières que l’Eglise luiadresse n’ont aucun sens. Et on n’exprime àtravers elles aucune passion sincère pour lebonheur et le salut des autres, et de ceux quine reconnaissent pas le Christ ressuscité, mê-me si on consacre du temps à organiser laconversion du monde au christianisme.

C’est le Saint-Esprit qui enflamme et gardela foi dans les cœurs, et le fait de reconnaîtrecela change tout. En fait, c’est l’Esprit qui en-flamme et anime la mission, il l’imprègne desconnotations «génétiques», des accents et desmouvements singuliers qui font de l’annoncede l’Evangile et de la confession de la foichrétienne une autre chose par rapport à toutprosélytisme politique ou culturel, psycholo-gique ou religieux. J’ai rappelé bon nombrede ces traits distinctifs de la mission dans l’ex-hortation apostolique Evangelii gaudium. J’enreprends ici certains.

At t ra c t i o n . Le mystère de la Rédemption estentré dans le monde et continue d’y opérergrâce à une attraction qui peut gagner lecœur des hommes et des femmes parce qu’elleest et semble plus attrayante que les séduc-tions qui ont prise sur l’égoïsme, conséquencedu péché. «Nul ne peut venir à moi si le Pèrequi m’a envoyé ne l’attire», dit Jésus dansl’Evangile de Jean (6, 44). L’Eglise a toujoursrépété que c’est pour cette raison qu’on suitJésus et qu’on annonce son Evangile: la puis-sance d’attraction exercée par le Christ lui-mê-me et par son Esprit. L’Eglise — a déclaré lePape Benoît XVI — croît dans le monde par at-

Benvenuto Tisi da Garofalo, «Ascension du Christ» (1510-1520)

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Message aux Œuvres pontificales missionnaires

traction et non par prosélytisme (cf. Homéliede la Messe d’ouverture de la cinquième conféren-ce générale de l’épiscopat d’Amérique latine et desC a ra ï b e s , Aparecida, 13 mai 2007: AAS 99[2007], 437). Saint Augustin disait que leChrist se révèle à nous en nous attirant. Et,pour donner une image de cette attraction, ilcitait le poète Virgile, selon lequel chacun estattiré par ce qui lui plaît. Jésus non seulementconvainc notre volonté, mais attire notre plai-sir (Commentaire sur l’Evangile de Jean, 26, 4).Si l’on suit Jésus, heureux d’être attiré par lui,les autres le remarquent. Et ils peuvent s’enétonner. La joie qui transparaît chez ceux quisont attirés par le Christ et par son Esprit,voilà ce qui peut rendre féconde et fructueusechaque initiative missionnaire.

Gratitude et gratuité. La joie d’annoncerl’Evangile brille toujours sur fond d’une mé-moire reconnaissante. Les apôtres n’ont jamaisoublié le moment où Jésus a touché leurcœur: «C’était environ la dixième heure, c’est-à-dire quatre heures du soir» (Jn 1, 39). L’his-toire de l’Eglise brille lorsque la gratitude semanifeste en elle pour l’initiative gratuite deDieu, parce que «c’est lui qui nous a aimés»le premier (1 Jn 4, 10), parce que «c’est Dieuseul qui donne la croissance» (1 Co 3, 7). Laprédilection aimante du Seigneur nous sur-prend et l’émerveillement, de par sa nature, nepeut pas être possédé ou imposé par nous.On ne peut pas «s’émerveiller par force». Cen’est que de cette manière que le miracle de lagratuité, du don gratuit de soi-même, peuts’accomplir. Même la ferveur missionnaire nepeut jamais être obtenue à la suite d’un rai-sonnement ou d’un calcul. Le fait de se met-tre «en état de mission» est un reflet de lagratitude. C’est la réponse de celui qui pargratitude se rend docile à l’Esprit, et donc estlibre. Sans percevoir la prédilection du Sei-gneur, qui nous rend reconnaissants, même laconnaissance de la vérité, voire la connaissan-ce même de Dieu, affichées comme une pro-priété à atteindre par ses propres forces, de-viendrait en fait une «lettre qui tue» (cf. 2 Co3, 6), comme l’ont montré in primis saint Paulet saint Augustin. Ce n’est que dans la libertéde la gratitude que l’on reconnaît vraiment leSeigneur. A l’inverse, il est inutile et surtoutinapproprié d’insister à présenter la mission etla proclamation de l’Evangile comme si ellesétaient un devoir contraignant, une sorte«d’obligation contractuelle» des baptisés.

Humilité. Si la vérité et la foi, si le bonheuret le salut ne sont pas notre propriété, un ob-jectif à atteindre par nos propres mérites,l’Evangile du Christ ne peut être annoncé

qu’avec humilité. On ne peut jamais penserservir la mission de l’Eglise en faisant preuved’arrogance en tant qu’individus et à traversles structures, avec l’orgueil de celui qui déna-ture même le don des sacrements et les paro-les les plus authentiques de la foi chrétienne,les considérant comme un butin qu’il nous amérité. On peut être humble non pas parbonne éducation, ni pour vouloir paraître at-trayant. On est humble si on suit le Christ,qui a dit à ses disciples: «Apprenez de moi,que je suis doux et humble de cœur» (Mt 11,29). Saint Augustin se demande pourquoi,après la résurrection, Jésus ne s’est fait voirqu’à ses disciples et non à ceux qui l’ont cru-cifié; et il répond que Jésus ne voulait pasdonner l’impression de «défier ses assassinsd’une manière ou d’une autre. En effet, il étaitplus important pour lui d’enseigner l’humilitéà ses amis plutôt que d’exhiber la vérité à sesennemis» (D i s c o u rs 284, 6).

Faciliter, ne pas compliquer. Un autre trait del’œuvre missionnaire authentique est celui quifait référence à la patience de Jésus qui, aussidans les récits de l’Evangile, a toujours ac-compagné les étapes de croissance des person-nes avec miséricorde. Un petit pas, au milieude grandes limites humaines, peut rendre lecœur de Dieu plus heureux que les grandspas de ceux qui avancent dans la vie sansgrandes difficultés. Un cœur missionnaire re-connaît la condition réelle dans laquelle setrouvent les personnes réelles, avec leurs limi-tes, leurs péchés, leurs faiblesses, et se fait«faible avec les faibles» (1 Co 9, 22). «Sortir»en mission pour atteindre les périphéries hu-maines ne signifie pas errer sans direction etsans sens, comme des vendeurs impatients quise plaignent parce que les gens sont trop frus-tes et primitifs pour s’intéresser à leur mar-chandise. Il s’agit parfois de ralentir lerythme, pour accompagner ceux qui sont res-tés au bord de la route. Parfois, il faut imiter

le père de la parabole du fils prodigue, quilaisse les portes ouvertes et scrute l’horizonchaque jour en attendant le retour de son fils(cf. Lc 15, 20). L’Eglise n’est pas une douane,et quiconque participe de quelque manièreque ce soit à la mission de l’Eglise est appeléà ne pas ajouter des fardeaux inutiles à la viedéjà chargée des gens, à ne pas imposer desvoies de formation sophistiquées et péniblespour profiter de ce que le Seigneur donneavec facilité. Ne pas mettre d’obstacles au dé-sir de Jésus, qui prie pour chacun de nous etveut guérir et sauver tout le monde.

Proximité dans la vie concrète. Jésus a ren-contré ses premiers disciples sur les rives dulac de Galilée alors qu’ils étaient occupés parleur travail. Il ne les a pas rencontrés lorsd’une convention, d’un séminaire de forma-tion ou dans un temple. Depuis toujours,l’annonce du salut de Jésus atteint les gens làoù ils sont et tels qu’ils sont, dans leur vieconcrète. L’ordinaire de la vie de chacun, enparticipant aux besoins, aux espoirs et auxproblèmes de tous, est le lieu et la conditiondans lesquels ceux qui ont reconnu l’amourdu Christ et ont reçu le don du Saint-Espritpeuvent rendre raison, à ceux qui le deman-dent, de la foi, de l’espérance et de la charité.Et cela, en marchant avec les autres, au côtéde chacun. Surtout en ce temps-ci, il ne s’agitpas d’inventer des formations «réservées», decréer des mondes parallèles, de construire desbulles médiatiques dans lesquelles on faitécho à ses propres slogans, à ses propres dé-clarations d’intention, réduites à de rassurants«nominalismes déclaratifs». J’ai rappelé end’autres circonstances, à titre d’exemple, quedans l’Eglise, il y en a qui continuent à lanceravec emphase le slogan: «C’est le temps deslaïcs!», mais en attendant, l’horloge sembles’être arrêtée.

Le «sensus fidei» du Peuple de Dieu. Il y aune réalité dans le monde qui a une espèce de«flair» pour le Saint-Esprit et pour son ac-tion. C’est le Peuple de Dieu, appelé et aimépar Jésus, qui à son tour continue de Le cher-cher et d’avoir recours à Lui dans les soucisde la vie. Le Peuple de Dieu mendie le donde son Esprit: il confie son attente aux parolessimples des prières et ne s’installe jamais dansla présomption de son autosuffisance. Le saintPeuple de Dieu, rassemblé et oint par le Sei-gneur, est rendu infaillible «in credendo», envertu de cette onction, comme l’enseigne laTradition de l’Eglise. L’œuvre du Saint-Espritconfère au peuple des fidèles un «instinct» defoi — le sensus fidei — qui l’aide à ne pas setromper lorsqu’il croit aux choses de Dieu,même s’il ne connaît pas les raisonnements etles formules théologiques pour définir lesdons qu’il expérimente. Le mystère du peuplepèlerin, qui, avec sa spiritualité populaire,marche vers les sanctuaires et se confie à Jé-sus, à Marie et aux saints, puise et se révèleconnaturel à l’initiative libre et gratuite de

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Message aux Œuvres pontificales missionnaires

Dieu, sans avoir à suivre des plans de mobili-sation pastorale.

Prédilection pour les petits et les pauvres. Toutélan missionnaire, s’il est animé par le Saint-Esprit, manifeste une prédilection pour lespauvres et les petits comme signe et reflet dela préférence du Seigneur pour eux. Les per-sonnes directement impliquées dans les initia-tives et les structures missionnaires de l’Eglisene devraient jamais justifier leur inattentionaux pauvres avec l’excuse — largement utiliséedans certains cercles ecclésiastiques — de de-voir concentrer leurs énergies sur les tâchesprioritaires de la mission. La préférence pourles pauvres n’est pas une option facultativepour l’Eglise.

Les dynamiques et les approches décritesci-dessus font partie de la mission de l’Eglise,animée par le Saint-Esprit. Habituellement,dans les déclarations et les discours ecclésiasti-ques, on reconnaît et on affirme la nécessitédu Saint-Esprit comme source de la missionde l’Eglise. Mais, il arrive aussi que cette re-connaissance se réduise à une sorte «d’hom-mage formel» à la Très Sainte Trinité, à uneformule conventionnelle d’introduction auxinterventions théologiques et aux plans pasto-raux. Il existe de nombreuses situations dansl’Eglise où la primauté de la grâce ne demeu-re qu’un postulat théorique, une formule abs-traite. Il arrive que de nombreuses initiativeset instances liées à l’Eglise, au lieu de laissertransparaître l’œuvre du Saint-Esprit, finissentpar n’être qu’autoréférentiels. De nombreusesstructures ecclésiastiques, à tous les niveaux,semblent être en proie à l’obsession de se pro-mouvoir elles-mêmes et leurs propres initiati-ves. Comme si tel était le but et l’horizon deleur mission.

Jusqu’à présent, j’ai voulu reprendre et pro-poser de nouveau les critères et les pointsd’attraction sur la mission de l’Eglise quej’avais déjà formulés de manière plus détailléedans l’exhortation apostolique Evangelii gau-dium. Je l’ai fait parce que je pense qu’il estégalement utile et fructueux, voire urgent,pour les OPM de se mesurer avec ces critèreset suggestions, à ce niveau de leur parcours.

Les OPM et le temps présent.Talents à développer,

tentations et maladies à éviterVers quelle direction devons-nous regarder

pour le présent et pour l’avenir des OPM?Quels obstacles risquent par contre d’enalourdir le cheminement?

Dans la physionomie, je dirais dans l’identi-té, des Œuvres pontificales missionnaires, ondistingue quelques traits spécifiques — cer-tains, pour ainsi dire, génétiques, et d’a u t re sacquis au long du parcours historique — quisont souvent négligés ou tenus pour sûrs. Or,précisément, ces traits peuvent sauvegarder etrendre précieuse, surtout à l’heure actuelle, lacontribution de ce «réseau» à la mission uni-verselle à laquelle toute l’Eglise est appelée.

— Les Œuvres missionnaires sont nées sponta-nément de la ferveur missionnaire expriméepar la foi des baptisés. Il existe et demeureune consonance profonde, une familiarité en-tre les Œuvres missionnaires et le sensus fideiinfaillible in credendo du Peuple fidèle deD ieu.

—Les Œuvres missionnaires, depuis le début,ont avancé en m a rc h a n t sur deux «voies», ouplutôt sur deux routes, toujours parallèles,qui, dans leur simplicité, ont toujours été fa-milières au cœur du peuple de Dieu: la voiede la p r i è re et celle de la charité, sous la formede l’aumône, qui «sauve de la mort et purifie

de tout péché» (Tb 12, 9), la «charité ferven-te» qui «recouvre une multitude de péchés»(1 P 4, 8). Les initiateurs des Œuvres mission-naires, à commencer par Pauline Jaricot, n’ontpas inventé les prières et les œuvres à qui con-fier leurs désirs concernant la proclamation del’Evangile, mais ils les ont simplement tiréesdu trésor inépuisable des gestes les plus fami-liers et habituels du peuple de Dieu en mar-che dans l’h i s t o i re .

— Les Œuvres missionnaires, nées de manièregratuite dans la vie du peuple de Dieu, de parleur configuration simple et concrète, ont étéreconnues et estimées par l’Eglise de Rome etpar ses évêques, lesquels ont demandé, ausiècle dernier, de pouvoir les adopter commeun instrument particulier du service rendu parelles à l’Eglise universelle. De cette façon, lequalificatif «pontificales» a été attribué à cesŒuvres. Dès lors, les OPM se distinguentcomme instrument de service en soutien auxEglises particulières, dans l’œuvre d’annoncede l’Evangile. De la même manière, lesŒuvres pontificales missionnaires se sont of-fertes avec docilité comme instrument au ser-vice de l’Eglise, dans le ministère universelexercé par le Pape et par l’Eglise de Rome,qui «préside dans la charité». En ce sens, sui-vant leur propre chemin, et sans entrer dansdes conflits théologiques complexes, les OPMont contredit les arguments de ceux qui, mê-me dans les cercles ecclésiastiques, opposentindûment charismes et institutions, lisant tou-jours les relations entre ces réalités à traversune «dialectique des principes» trompeuse;alors que dans l’Eglise, même les élémentsstructurels permanents — tels que les sacre-ments, le sacerdoce et la succession aposto-lique — doivent être continuellement recrééspar l’Esprit Saint et ne sont pas à la disposi-tion de l’Eglise comme des biens acquis(cf. card. J. Ratzinger, Les mouvements ecclé-siaux et leur situation théologique. Discours à laconférence mondiale des mouvements ecclé-siaux, Rome, 27-29 mai 1998).

— Les Œuvres missionnaires, depuis leur pre-mière diffusion, se sont structurées comme un ré-seau capillaire répandu dans le peuple deDieu, pleinement ancré et de fait «ajusté» auréseau des institutions antérieures et des réali-tés de la vie ecclésiale, telles que les diocèses,les paroisses, communautés religieuses. La vo-cation particulière des personnes impliquéesdans les Œuvres missionnaires n’a jamais étévécue et perçue comme une voie alternative,une appartenance «externe» par rapport auxformes de vie ordinaires des Eglises particuliè-res. L’invitation à prier et à collecter desfonds pour la mission a toujours été vécuecomme un service à la communion ecclésiale.

— Les Œuvres missionnaires, devenues au fildu temps un réseau étendu sur tous les conti-nents, reflètent par leur configuration même lavariété d’accents, de conditions, de problèmeset de dons qui caractérisent la vie de l’Eglisedans les différents lieux du monde. Une plu-ralité qui peut protéger contre les récupéra-tions idéologiques et les unilatéralismes cultu-rels. En ce sens, le mystère de l’universalité del’Eglise peut également être vécu à travers lesOPM, dans lesquelles le travail incessant duSaint-Esprit crée l’harmonie entre les différen-tes voix, tandis que l’Evêque de Rome, parson service de charité, exercé également par lebiais des Œuvres pontificales missionnaires,garantit l’unité dans la foi.

Toutes les caractéristiques décrites jusqu’icipeuvent aider les Œuvres pontificales mis-sionnaires à éviter les pièges et les pathologiesqui entravent leur cheminement et celui denombreuses autres institutions ecclésiales. Jevoudrais en souligner quelques-uns.

Pièges à éviterAu t o ré f é re n c i a l i t é . Au-delà des bonnes inten-

tions des individus, certaines organisations etentités ecclésiales finissent parfois par se re-plier sur elles-mêmes, dépensant énergies etattention avant tout à leur autopromotion et àla célébration publicitaire de leurs initiatives.D’autres semblent être dominées par l’obses-sion de redéfinir continuellement leur impor-tance et leurs espaces au sein de l’Eglise, avecla justification de vouloir mieux relancer leurmission. En conséquence — disait alors le car-dinal Joseph Ratzinger — s’alimente la trom-peuse idée qu’une personne est d’autant pluschrétienne qu’elle est plus engagée dans desstructures intra-ecclésiales, alors qu’en réalitépresque tous les baptisés vivent la foi, l’esp é-rance et la charité dans leur vie ordinaire, sansjamais apparaître dans les comités ecclésiasti-ques et sans se soucier des derniers dévelop-pements de politique ecclésiastique (cf. Unesociété à réformer sans cesse, Conférence auMeeting de Rimini, 1er septembre 1990).

Souci de commander. Il arrive parfois quedes institutions et des organismes, nés pouraider les communautés ecclésiales, en servantles dons suscités en eux par l’Esprit Saint,prétendent, au fil du temps, exercer la supré-matie et les fonctions de contrôle sur les com-munautés qu’ils devraient servir. Cette attitudes’accompagne presque toujours de la présom-ption d’exercer envers les autres le rôle de«détenteurs» et dispensateurs de licences delégitimité. De fait, dans ces cas, on se com-porte comme si l’Eglise était le fruit de nosanalyses, de nos programmes, de nos accordset de nos décisions.

Elitisme. Parmi les personnes qui font partied’organismes et de réalités organisées dansl’Eglise, s’installe souvent un sentiment élitis-te, cette idée inavouée d’appartenir à une aris-tocratie; une classe supérieure de spécialistesqui cherche à élargir ses propres espaces encomplicité ou en concurrence avec d’a u t re sélites ecclésiastiques, et qui forme ses mem-bres suivant les systèmes et les logiques mon-dains du militantisme ou de la compétence te-chnico-professionnelle, toujours avec l’inten-tion principale de promouvoir ses propres pré-rogatives oligarchiques.

Isolement du peuple. La tentation élitiste,dans certaines structures liées à l’Eglise, s’ac-compagne parfois d’un sentiment de supério-rité et d’impatience à l’égard de la multitudedes baptisés, envers le peuple de Dieu qui fré-quente peut-être les paroisses et les sanctuai-res, mais qui n’est pas composé de «militants»

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Pauline Jaricot

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Message aux Œuvres pontificales missionnaires

engagés dans des organisations catholiques.Dans ces cas, le peuple de Dieu est égalementconsidéré comme une masse inerte, qui a tou-jours besoin d’être relancée et mobilisée à tra-vers une «prise de conscience» à stimuler pardes raisonnements, des rappels, des enseigne-ments. On agit comme si la certitude de la foiétait le résultat d’un discours de persuasionou de méthodes de formation.

Ab s t ra c t i o n . Des organismes et des réalitésliés à l’Eglise, lorsqu’ils deviennent autoréfé-rentiels, perdent contact avec la réalité et tom-bent dans la maladie de l’abstraction. Onmultiplie des lieux inutiles d’élaboration stra-tégique pour produire des projets et des lignesdirectrices qui ne servent qu’à l’a u t o p ro m o t i o nde leurs auteurs. Les problèmes pris en comp-te sont alors fractionnés dans des laboratoiresintellectuels, où tout est maîtrisé et interprétéselon les clés idéologiques préférées. Extraitdu contexte réel, tout peut être transformé ensimulacre, même les références à la foi, les ap-pels verbaux à Jésus et au Saint-Esprit.

Fo n c t i o n n a l i s m e . Les organisations autoréfé-rentielles et élitistes, y compris dans l’Eglise,finissent souvent par tout miser sur l’imitationdes modèles mondains d’efficacité, tels ceuximposés par la concurrence économique et so-ciale exacerbée. Le choix du fonctionnalismegarantit l’illusion de «résoudre les problèmes»avec équilibre, de garder les choses sous con-trôle, d’augmenter sa propre importance,d’améliorer l’administration ordinaire de cequi existe. Cependant, comme je vous l’ai dé-jà dit lors de notre rencontre de 2016, uneEglise qui a peur de compter sur la grâce duChrist et qui se concentre sur l’efficacité deson organisation est déjà morte, même si lesstructures et les programmes en faveur desclercs et des laïcs «auto-engagés» devaient du-rer des siècles.

Conseils pour le cheminementRegardant le présent et vers l’avenir, et en

recherchant aussi dans le parcours des OPM lesressources pour surmonter les pièges qui sedressent sur leur cheminement afin d’a v a n c e r,je me permets de faire quelques suggestionspour aider votre discernement. Puisque vousvous êtes aussi engagés dans une voie de ré-examen des OPM, que vous voulez inspiré parles indications du Pape, je propose à votre at-tention quelques critères et traits généraux,sans entrer dans les détails, étant donné queles différents contextes peuvent requérir desadaptations et des variations.

1) Autant que possible, et sans faire trop deconjectures à ce sujet, maintenez ou redécouvrezl’insertion des OPM au sein du peuple de Dieu,leur ajustement dans la trame de la vie réelledans laquelle elles sont nées. Une plus pro-fonde «immersion» dans la vie réelle des per-sonnes telles qu’elles sont fera du bien. Celafait du bien à chacun de sortir du renferme-ment de ses problématiques personnelles, lors-qu’on suit Jésus. Il faut descendre dans lescirconstances et les conditions concrètes, mê-me en veillant ou en essayant de réintégrer lacapillarité de l’action et des contacts des OPM,dans son entrelacement avec le réseau ecclésial(diocèses, paroisses, communautés, groupes).En privilégiant l’ajustement au peuple deDieu, avec ses lumières et ses difficultés, onéchappe mieux au piège de l’abstraction. Ilfaut répondre à des questions et à des besoinsréels, plutôt que de formuler et de multiplierdes propositions. Peut-être dans le corps àcorps avec la vie concrète, et non pas à partirdes cercles fermés ou des analyses théoriquessur leurs dynamiques internes, des intuitionsutiles pourraient surgir pour changer et amé-liorer leurs procédures de fonctionnement, enles adaptant aux différents contextes et circo-nstances.

2) Je suggère de veiller à ce que la structureessentielle des OPM reste celle liée aux prati-ques de la prière et de la collecte de fonds pourla mission. Cette structure est précieuse etchère précisément en raison de sa nature sim-ple et concrète. Elle exprime l’affinité desOPM avec la foi du Peuple de Dieu. Avec tou-te la flexibilité et les adaptations requises, ilconvient que cette conception de base desOPM ne soit pas oubliée ou déformée. Prièresau Seigneur car c’est lui qui ouvre les cœurs àl’Evangile, et invitations à tous afin qu’ils sou-tiennent aussi concrètement l’œuvre mission-naire: il y a en cela une simplicité et un carac-tère concret que chacun peut ressentir avecplaisir en ce temps présent où, même dans lescirconstances du fléau de la pandémie, se faitsentir partout le désir de trouver et de resterproche de tout ce qu’est simplement l’Eglise.Recherchez donc de nouvelles voies, de nou-velles formes pour votre service; mais, ce fai-sant, il n’est pas nécessaire de compliquer cequi est simple.

3) Les OPM sont et doivent être vécues com-me un instrument au service de la mission dansles Eglises particulières, dans l’horizon de lamission de l’Eglise qui embrasse toujours lemonde entier. En cela réside leur contributiontoujours précieuse pour l’annonce de l’Evan-gile. Nous sommes tous appelés à sauvegar-der, par amour et gratitude, même à travers

vos œuvres, les germes de la vie théologaleque l’Esprit du Christ fait éclore et croître oùil veut, même dans les lieux désertiques. S’ilvous plaît, dans la prière, demandez d’ab ordau Seigneur de nous rendre tous davantageprêts à saisir les signes de son œuvre, pourensuite les faire connaître au monde entier.Seul ceci peut être utile: demander pour nous,pour le fond de notre cœur, que l’invo cationdu Saint-Esprit ne se réduise pas à un postu-lat stérile et redondant de nos rencontres ethomélies. Il n’est pas utile de spéculer et dethéoriser sur de super stratégies ou sur les«directives centralisées» de la mission, à quiconfier, comme à des «gardiens» présumés etimmodestes de dimension missionnaire del’Eglise, la tâche de réveiller l’esprit mission-naire ou de donner aux autres des licencespour la mission. Si dans certaines situations laferveur de la mission diminue, c’est le signeque la foi faiblit. Dans ces cas, la prétention àraviver la flamme qui s’éteint par des straté-gies et des discours finit par l’affaiblir encoreplus, et ne fait que faire avancer le désert.

4) De par sa nature, le service assuré par lesOPM permet aux opérateurs d’entrer en contactavec d’innombrables réalités, situations et événe-ments qui font partie du grand flux de la viede l’Eglise dans tous les continents. Dans ceflux, on peut tomber sur de nombreuses pe-santeurs et scléroses qui accompagnent la vieecclésiale, mais aussi sur des dons gratuits deguérison et de consolation que le Saint-Espritrépand dans la vie quotidienne de ce que l’onpourrait appeler la «classe moyenne de sainte-té». Quant à vous, réjouissez-vous et exultezde joie à cause des rencontres que vous expé-rimentez grâce au travail des OPM, vous lais-sant surprendre par ces rencontres. Je penseaux récits entendus de tant de miracles qui seproduisent chez les enfants, qui rencontrentpeut-être Jésus à travers les initiatives propo-sées par l’Enfance missionnaire. C’est pour-quoi votre travail ne doit jamais être «stérili-sé» dans une dimension exclusivement bu-reaucratico-professionnelle. Il ne peut pas yavoir de bureaucrates ou de fonctionnaires dela mission. Votre gratitude peut à son tour de-venir un don et un témoignage pour tout lemonde. Vous pouvez raconter pour le récon-fort de tous, par les moyens dont vous dispo-sez et sans artifice, les histoires de personneset de communautés que vous pouvez rencon-trer avec plus de facilité que d’autres; des per-sonnes et des communautés sur lesquellesbrille gratuitement le miracle de la foi, de l’es-pérance et de la charité.

5) La gratitude devant les merveilles que leSeigneur opère parmi ses bien-aimés, les pau-vres et les petits auxquels il révèle les chosestenues cachées aux sages (cf. Mt 11, 25-26),peut aussi vous permettre d’échapper plus faci-lement aux pièges des replis autoréférentiels, et desortir de soi, en suivant Jésus. L’idée d’uneactivité missionnaire autoréférentielle qui pas-se son temps à contempler ses propres initiati-ves et à s’auto-encenser serait en soi absurde.Ne perdez pas trop de temps et d’énergies àvous «regarder dans le miroir», à élaborer desplans autocentrés sur des mécanismes inter-nes, sur la fonctionnalité et les compétencesde votre structure. Portez votre regard à l’ex-térieur, ne vous regardez pas dans le miroir.Brisez tous les miroirs de la maison. Les cri-tères à suivre, même dans la mise en œu v redes programmes, doivent viser à alléger, à as-souplir les structures et les procédures, plutôtqu’à alourdir le réseau des OPM avec d’a u t re séléments organisationnels. Par exemple,chaque directeur national, au cours de sonmandat, devrait s’engager à identifier quel-ques potentiels successeurs, en ayant comme

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Message aux Œuvres pontificales missionnaires

seul critère celui de ne pas choisir des person-nes de son cercle d’amis ou les membres de sa«coterie» ecclésiastique, mais plutôt des per-sonnes qui lui semblent avoir plus de ferveurmissionnaire que lui.

6) Concernant la collecte de fonds pour aiderla mission, à l’occasion de nos précédentesrencontres j’avais rappelé le risque de transfor-mer les OPM en une ONG entièrement consa-crée à la recherche et à la distribution defonds. Cela dépend du cœur avec lequel onfait les choses, plutôt que des choses que l’onfait. Dans la collecte de fonds, il peut certai-nement être conseillé et même appropriéd’utiliser avec créativité des méthodologiesmises à jour pour trouver des financementsauprès d’éventuels mécènes méritants. Mais si,dans certaines régions, la collecte de dons di-minue, notamment en raison de la perte de lamémoire chrétienne, dans ces cas, la tentationpeut nous venir de vouloir résoudre le pro-blème en «couvrant» la réalité et en se focali-sant sur un système de collecte plus efficacequi va à la recherche de grands donateurs. Aucontraire, la souffrance pour la perte de foi etla baisse des fonds ne devrait pas être occul-tée, elle doit être placée entre les mains duSeigneur. De toute façon, il est bon que la de-mande d’offrandes pour les missions soit tou-jours adressée prioritairement à la multitudedes baptisés, en se concentrant égalementd’une manière nouvelle sur la collecte pour lesmissions qui est effectuée dans les églises detous les pays en octobre, à l’occasion de laJournée missionnaire mondiale. L’Eglise aavancé depuis toujours grâce aussi à l’offrandede la veuve, à la contribution de toutes ces in-nombrables personnes qui se sentent guérieset réconfortées par Jésus et qui, pour cette rai-son, débordant de gratitude, donnent cequ’elles ont.

7) En ce qui concerne l’utilisation des donsre ç u s , examinez toujours, avec un sensus Eccle-siae approprié, la redistribution des fonds quisoutiennent les structures et les projets quimènent à bien, de manières variées, la missionapostolique et l’annonce de l’Evangile dansdiverses parties du monde. Tenez toujourscompte de véritables besoins essentiels descommunautés, et évitez en même temps lesformes d’assistance qui, au lieu d’offrir desoutils à la ferveur missionnaire, finissent parrefroidir les cœurs et alimenter des phéno-mènes de clientélisme parasitaire, aussi dansl’Eglise. Par votre contribution, visez à donnerdes réponses concrètes à des besoins objectifs,sans gaspiller les ressources dans des initiati-ves caractérisées par l’abstraction, l’autoréfé-rentialité ou nées du narcissisme clérical del’un ou de l’autre. Ne cédez pas aux com-plexes d’infériorité ou aux tentations d’émula-tion envers ces organisations super-fonction-nelles qui collectent des fonds pour des causesjustes, utilisées ensuite, pour un bon pourcen-tage, afin de financer leur propre fonctionne-ment et faire la publicité de leur marque. Mê-me cela devient parfois un moyen de prendresoin de ses propres intérêts, tout en montrantqu’on travaille pour le bien des pauvres et desnécessiteux.

8) Quant aux p a u v re s , ne les oubliez pas vousnon plus. Telle était la recommandation que,au Concile de Jérusalem, les apôtres Pierre,Jean et Jacques ont donnée à Paul, Barnabé etTitus, venus discuter de leur mission parmiles incirconcis: «Ils nous ont seulement de-mandé de songer aux pauvres» (Ga 2, 10).Après cette recommandation, Paul a organisédes collectes en faveur des frères de l’Eglisede Jérusalem (cf. 1 Co 16, 1). La prédilectionpour les pauvres et les petits fait partie de lamission d’annoncer l’Evangile depuis le dé-but. Les œuvres de charité spirituelle et cor-porelle envers eux témoignent d’une «préfé-rence divine» qui défie la vie de foi de tous

les chrétiens, appelés à avoir les mêmes senti-ments que Jésus (cf. Ph 2, 5).

9) Que les OPM, avec leur réseau répandudans le monde entier, reflètent la riche variétédu «peuple aux mille visages» rassemblé par lagrâce du Christ, avec sa ferveur missionnaire.Une ferveur qui n’est pas, toujours et partout,intense et vive de la même manière. En toutcas, en partageant la même urgence à confes-ser le Christ mort et ressuscité, elle s’exprimeavec des accents différents, s’adaptant aux dif-férents contextes. La révélation de l’Evangilene s’identifie à aucune culture. Aussi, dans larencontre de nouvelles cultures qui n’ont pasreçu la prédication chrétienne, il n’est pas né-cessaire d’imposer une forme culturelle spéci-fique avec la proposition évangélique. Au-j o u rd ’hui, même dans le travail des OPM, il neconvient pas de porter de lourds bagages; ilvaut mieux que ces Œuvres gardent leur pro-fil varié et leur référence commune aux traitsessentiels de la foi. La prétention de standar-diser la forme de l’annonce peut être aussipréjudiciable à l’universalité de la foi chrétien-ne, en se concentrant entièrement sur des cli-chés et des slogans à la mode dans quelquescercles de certains pays culturellement ou po-litiquement dominants. A cet égard, la rela-tion spéciale qui unit les OPM au Pape et àl’Eglise de Rome représente également uneressource et un soutien à la liberté, qui aidetous à échapper aux modes éphémères, auxnivellements des écoles de pensée unilatéraleou aux uniformisations culturelles d’e m p re i n t enéo-colonialiste. Des phénomènes qui se pro-duisent malheureusement même dans des con-textes ecclésiaux.

10) Les OPM ne sont pas une entité en soidans l’Eglise, suspendue dans le vide. Elles enfont partie. Parmi leurs spécificités, qui doi-vent toujours être cultivées et renouvelées, fi-gure le lien spécial qui les unit à l’Evêque del’Eglise de Rome, qui préside à la charité. Ilest beau et réconfortant de reconnaître que celien se manifeste dans un travail accomplidans la joie, sans rechercher des applaudisse-ments ni afficher des prétentions. Une œu v requi, dans sa gratuité même, se relie au servicedu Pape, serviteur des serviteurs de Dieu. Jevous demande que le caractère distinctif devotre proximité avec l’Evêque de Rome con-siste précisément en ceci: le partage del’amour de l’Eglise, reflet de l’amour envers leChrist, vécu et exprimé en silence, sans s’en-fler, sans marquer «ses propres territoires».Par un travail de chaque jour qui puise dansla charité et dans son mystère de gratuité; parun travail qui soutient d’innombrables person-nes qui sont intérieurement reconnaissantes,mais ne savent même pas qui remercier, car neconnaissant rien des OPM, pas même le nom.Le mystère de la charité dans l’Eglise se réali-se de cette manière. Continuons d’avancerensemble, heureux de marcher au milieu des

épreuves grâce aux dons et aux consolationsdu Seigneur. Cependant, à chaque étape, re-connaissons dans la joie de n’être tous quedes serviteurs inutiles, à commencer par moi.

ConclusionAllez avec enthousiasme: au long du chemi-

nement qui vous attend, il y a beaucoup dechoses à faire. S’il y a des changements à ap-porter dans les procédures, il est bon qu’ils vi-sent à alléger, et non à augmenter les poids;qu’ils visent à faire gagner en flexibilité opéra-tionnelle, et non à produire de nouveaux sys-tèmes rigides et toujours menacés d’i n t ro v e r -sion. Ayez à l’esprit qu’une centralisation ex-cessive, au lieu d’aider, peut compliquer la dy-namique missionnaire. Et aussi, une articula-tion des initiatives à l’échelle purement natio-nale met en péril la physionomie même du ré-seau des OPM, tout comme l’échange de donsentre Eglises et communautés locales, vécucomme le fruit et le signe tangible de charitéentre frères, en communion avec l’Evêque deRome.

Dans tous les cas, demandez toujours quetoute considération concernant la structureopérationnelle des OPM soit éclairée par laseule chose nécessaire: un peu d’amour vraipour l’Eglise, comme reflet de l’amour pour leChrist. Votre travail est un service rendu à laferveur apostolique, c’est-à-dire à un élan devie théologale que seul le Saint-Esprit peutopérer dans le Peuple de Dieu. Quant à vous,pensez à bien faire votre travail «comme sitout dépendait de vous, sachant qu’en réalitétout dépend de Dieu» (Saint Ignace de Loyo-la). Comme je vous l’ai déjà dit lors d’unerencontre, ayez la promptitude et la disponibi-lité de Marie. Lorsqu’elle est allée voir Elisa-beth, Marie n’a pas agi à titre personnel: elleest allée en tant que servante du Seigneur Jé-sus qu’elle portait dans ses entrailles. Elle n’arien dit d’elle-même, elle n’a fait que porter leFils et louer Dieu. Ce n’était pas elle la prota-goniste. Elle est allée comme la servante duseul protagoniste de la mission. Mais elle n’apas perdu de temps, elle est allée en toute hâ-te pour assister sa parente. Elle nous enseignecette disponibilité, cette promptitude, cettehâte de la fidélité et de l’adoration.

Que la Vierge vous garde, vous et lesŒuvres pontificales missionnaires, et que sonFils, Notre Seigneur Jésus Christ, vous bénis-se. Avant de monter au Ciel, il nous a promisd’être toujours avec nous. Jusqu’à la fin destemps.

Donné à Rome, près Saint-Jean-de-Latran,le 21 mai 2020,

solennité de l’Ascension du Seigneur

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numéro 21, mardi 26 mai 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 9

Leçons en ligne, accueil, organisation: même pendant le lockdown personne n’a été laissé-pour-compte

Dans les universités pontificalestout est prêt pour la nouvelle année académique

ROBERTO CETERA

Il n’y a pas d’environnement plus internatio-nal à Rome que celui des universités pontifi-cales. Chaque année, des centaines de jeunesclercs et de laïcs arrivent des diocèses dumonde entier dans la ville éternelle pour com-mencer un parcours d’études académiques,théologiques, mais pas seulement. Très sou-vent, il s’agit de parcours relatifs au deuxièmeet troisième cycle d’études (licences et docto-rats), mais les cas d’étudiants qui suivent aussile baccalauréat dans les universités de Rome,souvent en logeant dans les divers collègesdes pays de provenance, ne sont pas rares.C’est pourquoi l’apparition soudaine de lapandémie a bouleversé ces milieux plus qu’ail-leurs. Quand le lockdown a eu lieu, les exa-mens de la session d’hiver étaient terminés de-puis quelques semaines et les leçons dudeuxième semestre venaient de commencer.Comment ont réagi les institutions universitai-res catholiques? Et surtout que prévoient-elleset comment s’équipent-t-elle pour la prochai-ne année académique?

«Je dirais que la réaction a été positivedans toutes les institutions», explique donMauro Mantovani, recteur de l’université salé-sienne et président de la Cruipro (la Confé-rence des recteurs des universités et des insti-tuts pontificaux de Rome, qui coordonne les22 institutions académiques présentes, dontneuf universités). Et il est significatif que cebilan positif viennent précisément du recteurde l’université la plus touchée par le virus: 62personnes contaminées, certaines hospitaliséeset le père Gregorio Jaskot qui a perdu la vie.Mais il ressort clairement des paroles du rec-teur que la douleur pour la perte d’un con-frère précieux ne freine pas la volonté de réa-gir et de revenir au plus tôt à la mission inspi-ratrice de l’université. «Nous avons immédia-tement commencé l’enseignement à distance,forts du fait que depuis longtemps déjà nousétions en train d’expérimenter des formesd’enseignement numérique. Par ailleurs, notreuniversité est également connue pour soncours de maîtrise en sciences des communica-tions sociales. Mais nous avons clairement àl’esprit que la meilleure des technologies nepourra jamais remplacer la valeur de la rela-tion éducative présentielle, comme cela estégalement bien expliqué par les récentes indi-cations fournies par la Congrégation pourl’éducation catholique le 7 mai dernier. Vouscomprendrez bien que pour les fils de donBosco la différence entre pur apprentissage etprocessus éducatif est quelque chose qui ap-partient à notre A D N. Comme on le sait, nousproposons également des cours de maîtrisepour ainsi dire «laïcs» en psychologie, en pé-dagogie, en science des communications, nousavons donc également une partie importanted’étudiants laïcs. Pendant la période de Pâ-ques, nous avons voulu distribuer à tous nosétudiants un questionnaire pour vérifier leuradaptation à ces modalités particulières d’ap-prentissage, et je dois dire que les résultatsont été très encourageants. De manière cohé-rente avec la tradition qui place notre facultéde psychologie parmi les plus prestigieusesd’Italie, nous avons également mis en placeun service de soutien psychologique pour nosétudiants et leurs familles, conscients desdommages psychologiques diffus que le virusest en train de provoquer.

En ce qui concerne la prochaine année aca-démique, nous avons déjà préparé le calen-drier qui est en totale continuité avec ceuxdes années précédentes, tous les cours sont

confirmés. Nous avons effec-tué la programmation commesi tous les cours pourront êtreprésentiels, mais si cela n’étaitpas possible nous travaille-rons sous le signe de la flexi-bilité avec l’enseignement enligne, forts de l’expérience deces derniers mois. De même,si des étudiants ne pouvaientpas encore être présents à Ro-me en octobre, nous les ac-cepteront certainement, ilspourront suivre en vidéo lesleçons qui se déroulerontquoi qu’il en soit en salle.Nous ne laisserons assuré-ment personne en situationd’abandon. Je pense que lerecours à la multimédialitédans l’enseignement, mêmequand la situation redevien-dra normale, se poursuivra,en rendant nos leçons encoreplus riches et stimulantes. Ence moment, la seule véritablepréoccupation est celle relati-

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ve aux visas et aux permis d’entrée pour lesétudiants extracommunautaires; nous espéronsque le gouvernement fera preuve d’une sensi-bilité particulière à cet égard; mais je répèteque si des étudiants ne devait pas arriver àtemps pour octobre, ils ne seront pas laissés-pour-compte. Un point que je tiens à souli-gner en tant que président de la conférencedes recteurs est que jamais autant qu’en cetteoccasion ne s’est consolidée une forte collabo-ration entre toutes les universités pontificalesde Rome. C’est une richesse qui ne sera pasperdue». «Je remercie L’Osservatore Romanoqui nous donne cette opportunité de lancerun message à tous ses lecteurs, en particulierles évêques et les supérieurs majeurs: n’ayezpas peur d’envoyer normalement à Rome l’an-née prochaine des clercs, des séminaristes, desnovices et des laïcs: la sécurité sanitaire et lehaut niveau d’étude habituel offert par toutesnos universités leur seront garantis».

«A la Grégorienne, la situation n’est pastrès différente, si ce n’est pour le nombre plusélevé d’étudiants étrangers, pour la plupart ré-sidant dans les collèges nationaux. Au total,ils sont presque 75% de nos 2800 étudiants»,nous dit le père Mark A. Lewis, vice-recteurde cette prestigieuse institution universitaire,«mais peu d’étudiants sont rentrés dans leurpays lors de l’explosion de la pandémie», et ilajoute que: «A la fin de février, quand la si-tuation a commencé à devenir sérieuse, nousnous sommes donnés trois objectifs: une plusgrande attention et préservation des condi-tions sanitaires de notre personnel et de nosétudiants; la mise en place immédiate del’enseignement à distance et l’envoi téléma-tique de tout le matériel didactique nécessairepour continuer les études; l’engagement à nepas modifier le calendrier universitaire, enconfirmant également les dates des contrôlesdes connaissances, en ligne ou en présentiels.Nous avons cherché à numériser le plus dematériel possible pour répondre à l’imp ossibi-lité d’accéder à la bibliothèque. Notre biblio-thèque compte environ un demi-million de li-vres. Nos trois salles de lectures sont ouvertesdepuis le 18 mai avec une capacité de placesréduite d’un tiers, c’est-à-dire 75 places réser-vables en ligne. Nous pouvons dire avec satis-faction que tout le secteur des revues est àprésent accessible en ligne, et cela apporteune grande aide en particulier à ceux qui pré-

parent le doctorat. En bref, nous sommes sa-tisfaits de notre capacité de réaction», pour-suit le père Mark. «La programmation pourl’année prochaine avance rapidement elle aus-si: nous avons confirmé l’inauguration de l’an-née universitaire le 5 octobre, et nous sommesbien équipés pour procéder avec un systèmemixte en ligne et présentiel. Nous avons mo-difié l’organisation des salles pour permettrela distanciation sociale. Et nous sommes entrain d’enregistrer les leçons propédeutiquesde langue italienne pour les étudiants de pre-mière année, de manière à ce qu’ils arrivent encours avec un minimum de connaissances debase. En particulier dans le cas où les arrivéesà Rome seront retardées à cause du problèmedes visas. Nous nous coordonnons égalementavec les principaux collèges nationaux où, engénéral, logent la plupart de nos étudiants, demanière à ce qu’eux aussi soient prêts à la re-prise annuelle. Nous gardons les mêmes tarifsque cette année, mais nous espérons que l’in-certitude économique mondiale ne fera pas di-minuer le flux vital des bourses d’étude quePropaganda fide et d’autres fondations debienfaisance distribuent en faveur de nos étu-diants». Le recteur de la Grégorienne, le pèreNuno da Silva Gonçalves, n’a pas d’hésita-tion: «Nous serons sûrement prêts à accueilliret à accompagner aussi bien les étudiants quiseront à Rome que ceux qui ne pourront pasnous rejoindre à cause des difficultés pour lesvoyages internationaux ou les visas. Nous nelaisserons personne seul».

Dans le cadre splendide de l’Aventin, l’uni-versité Saint-Anselme se détache comme uneforteresse, visible d’une grande partie du cen-tre historique de Rome. Le professeur Bern-hard Eckerstorfer, moine bénédictin autri-chien, est le recteur de l’Ateneo Anselmianumqui, à côté de ses facultés de théologie et dephilosophie, est célèbre pour son Institut pon-tifical liturgique, et pour l’Institut de spiritua-lité monastique. Sa grande énergie proactivene cache pas un certain étonnement face auxévénements: «Vous comprenez? J’ai été nom-mé recteur de cette université le 16 décembredernier. Avec plein de projets et de nouvellesidées en tête. Et après quelques semaines aucours desquelles j’ai pu prendre connaissancede la situation et connaître les professeurs,

Une vue prise du Tibre du monastère Saint-Anselme à Rome

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Le récit au cœur du message pour la journée mondiale des communications sociales

La femme narratrice d’h i s t o i re sdans les cultures aborigènes latino-américaines

MARCELO FIGUEROA

C’est un après-midi quelconque aunord du Chaco argentin où vivaientles peuples originaires avant même

que la mémoire ethnique ne reconnaisse laprotohistoire officielle racontée. Dans le pay-sage aride du village communautaire se déta-chent les murs de terre battue et de paille quifiltrent, avec une humilité pleine d’esp érance,le soleil brûlant.

A leur ombre on observe une fois de plus lemerveilleux tableau familial de la vie devenuehistoire racontée: une femme assise face à sonimmense métier à tisser rustique et coloré, et àses pieds ses enfants, qui l’écoutent tandisqu’elle raconte ses histoires, respirant l’air deleurs ancêtres héroïques, apprenant leur lan-gue et renforçant, sans le savoir, leurs racinesc u l t u re l l e s .

Qu’est-ce qu’ont en commun cette brève etpittoresque description et le message duSaint-Père pour la LIVe journée mondiale descommunications sociales et la journée interna-tionale de la femme? Beaucoup de choses, untissu narratif providentiel et fondamental. Enparticulier si dans cette réflexion, nous insé-rons également le memorandum de l’ency-clique Laudato si’ et la relecture de l’exhorta-tion apostolique Querida Amazonia. Dans lescultures aborigènes latino-américaines, le rôlede la femme narratrice d’histoires a été fonda-mental pour la survie, l’éducation et la culturedes peuples. On connaît en particulier le rôlehistorique de la femme guaranì, qui après laguerre du Chaco (1932-1935) devint la gardien-ne de la langue, au point que la continuité deson récit et la transmission du langage fut dé-terminant pour les enfants ayant survécu, évi-tant ainsi l’extinction de leur culture, de leurhistoire et de leur existence.

A u j o u rd ’hui, le Paraguay est le seul pays la-tino-américain officiellement bilingue (espa-gnol et guaranì). Et la femme guaranì a tou-

jours joué un rôle fondamental dans la tra-duction de la Bible dans sa langue. Narratriceirremplaçable d’histoires, réceptrice de la mé-moire culturelle de son peuple, constructricede ponts culturels et gardienne courageuse deses racines; elle est un message vivant de lacommunication de la vie en abondance.

Chez divers peuples de la Grande Patrie, lafemme aborigène a été fondamentale au mo-ment d’inculturer l’Evangile du Christ incarnédans la vision cosmique à laquelle elle appar-tenait. Apprendre de ses lèvres comment in-terpréter un texte, les noms des oiseaux, com-ment sauvegarder la création, le son des fleu-ves et les habitudes domestiques: tout cela aété précieux pour traduire le texte sacré.

Ainsi, le récit vivant des Ecritures a eu unesignification communautaire et personnelle vé-ridique pour ses peuples. Un exemple tangi-ble de cela est la Bible en langue wichí, unecommunauté aborigène très nombreuse dunord de l’Argentine, qui a demandé d’ajoutercomme sous-titre «Histoires vraies».

Dans cette perspective, les paroles du PapeFrançois dans son Message pour la journéemondiale des communications sociales reten-tissent de façon nouvelle, vivifiante, poétiqueet prophétique. A partir du souffle communi-catif de la femme aborigène on peut «respirerla vérité des bons récits: des récits qui cons-truisent, et non qui détruisent; des récits quiaident à retrouver des racines [...], nous avonsbesoin d’un récit humain, qui parle de nous etde la beauté qui nous habite. Un récit qui sa-che regarder le monde et les événements avect e n d re s s e » .

Nous avons plus que jamais besoin de cesfemmes qui conversent et prennent soin de-puis des siècles de la Maison commune, afinqu’elles racontent «que nous faisons partied’un tissu vivant» et révèlent «l’e n t re l a c e m e n tdes fils par lesquels nous sommes rattachés lesuns aux autres». Si nous cessions notre com-munication virtuelle frénétique et que nous

nous mettions avec respect sous leurs ailespour écouter leurs récits, nous trouverions cer-tainement des histoires qui «affectent nos vies,même si nous n’en sommes pas conscients [...]qui façonnent nos convictions et nos compor-tements, [et] peuvent nous aider à compren-dre et à dire qui nous sommes».

En ces temps confus, nous qui communi-quons et dans le même temps consommonsune communication sociale, nous avons be-soin d’être «tissés» et «brodés» par ce type demaîtresses et de maîtres du récit. Ecoutonsavec humilité ces voix pour valoriser ceux quinous racontent des récits de la vie qui devien-nent histoire. Ceux qui, comme l’a dit Jésus,sont capables d’enseigner en racontant comme«un propriétaire qui tire de son trésor du neufet du vieux» (Mt 13, 52).

cette pandémie nous tombe dessus! Mais je peuxvous assurer qu’aucun des projets de développe-ment de l’université que nous avons à l’esprit nesera mis de côté». «Bien que Saint-Anselme soitl’université pontificale qui a le plus grand nombred’étudiants étrangers à Rome, je suis très confiantdans le fait que nous n’aurons pas de défections.Notre institution est à la fois une université et uncollège, nous accueillons dans un style de vie mo-nastique environ 120 étudiants sur presque 700inscrits. Le saviez-vous? Je suis très fier: aucun denos étudiants n’a quitté le collège à cause du co-ronavirus! Et cela en raison de notre caractèrespécifique: la stabilitas monastica qui en cette cir-constance n’est pas seulement un style de vie spi-rituelle, mais aussi une garantie de sécurité sani-taire. Personne ne sort de l’abbaye, si ce n’estpour une raison de nécessité absolue, tout en ga-rantissant un milieu de vie satisfaisant et stimu-lant. Je commence même à avoir des demandesd’inscription pour l’année prochaine, condition-nées précisément par la permanence dans le col-lège. Evêques, abbés et supérieurs se sentent plustranquilles en sachant que leurs étudiants reste-ront dans un milieu d’étude protégé qui ne de-mande pas de déplacements. Par ailleurs, commevous le savez bien, en quinze siècles de monachis-

SUITE DE LA PA G E 9

La nouvelle année académique dans les universités pontificales

me bénédictin, on connaît beaucoup d’h i s t o i re sd’abbayes et de monastères qui ont été des lieuxextraordinaires contre les épidémies et les pesti-lences. Concrètement, nous avons immédiatementcommencé à travailler en ligne, forts du fait quedéjà depuis quelques années nous proposions descours de e-learning sur une plateforme. Nous mi-sons également beaucoup sur les leçons asynchro-nes: dans le cas où les étudiants ne peuvent pasvenir à Rome, ils sont cependant en mesure desuivre les leçons, indépendamment du fuseau ho-raire. C’est pourquoi nous investissons environ7.000 euros dans chaque salle de cours, pour ladoter de caméras et de technologies adaptéespour enregistrer et transmettre les leçons. Et dansle respect des normes sur le copyright nous som-mes en train de chercher à numériser le plus detextes possibles de notre bibliothèque, qui est unécrin unique de matériel liturgique et monastique.Je pense qu’à la fin de cette pandémie nous se-rons plus forts qu’avant. Je pense surtout à deuxaspects: la multimédialité nous permettra finale-ment d’apporter la culture théologique égalementdans les monastères de clôture d’une grande par-tie du monde et, en outre, elle permettra de ren-dre les leçons plus stimulantes en permettant desinterventions externes d’experts et de «digit-visi-ting professor». Et ensuite, dites-moi: commentpeut-on renoncer à étudier la théologie à Rome?

C’est une expérience unique dans la vie, incon-tournable».

Si l’on ne peut pas renoncer à Rome, il n’estpas non plus possible de renoncer à Jérusalem. Lepère Alessandro Coniglio, O.F.M., est professeur etsecrétaire de la faculté d’études bibliques francis-caines de la ville sainte, la SB F, reliée à l’universitéAntonianum de Rome. «Notre institution est uneinstitution très spécialisée et avec un petit nombred’étudiants, dans laquelle nous ne formons quedes parcours de deuxième et de troisième cycle.Depuis mars, nous ne proposons nous aussi quedes leçons en ligne et trois thèses de licence ontdéjà été soutenues selon cette modalité. L’impactde la pandémie en Israël n’a pas été aussi drama-tique que dans le reste du monde et le pays estdéjà en train de rouvrir. Nous pensons recommen-cer bientôt nous aussi, car l’enseignement présen-tiel est essentiel pour nous, notre «plus» est pré-cisément de pouvoir étudier en étant plongésdans le cadre de la Terre Sainte». De Rome com-me de Jérusalem, le message qui s’adresse en par-ticulier aux évêques est le même: «Nous sommesprêts. Nous recommençons. N’ayez pas peurd’envoyer vos étudiants. Avec la flexibilité desinstruments, bien sûr, mais avec la qualité et lapassion de toujours».

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Collège épiscopalNominations

Le Saint-Père a nommé:

13 mai

Mgr ANTHONY WERADET CHAISERI,du clergé du siège métropolitain deTharé and Nonseng (Thaïlande),jusqu’à présent vicaire général: ar-chevêque de Tharé and Nonseng(Thaïlande).

Né le 26 juin 1963 à Tharé (Thaï-lande), il a été ordonné prêtre le 21mars 1992, pour son archidiocèse na-tal.

S.Exc. Mgr EMMANUEL DASSI YOU-FA N G , jusqu’à présent évêque titulai-re d’Esco et auxiliaire du diocèse deBafoussam (Cameroun): évêque deBafia (Cameroun).

S.Exc. Mgr EUSEBIUS ALFREDNZ I G I LWA , jusqu’à présent évêque ti-tulaire de Mozotcori et auxiliaire del’archidiocèse de Dar-es-Salaam:évêque de Mpanda (Tanzanie).

16 mai

le père LUIS MIRANDA RIVERA,O. CARM., vicaire épiscopal de la zo-ne pastorale San Juan - Santurce etcuré de la paroisse «Santa Teresita»dans l’archidiocèse de San Juan dePuerto Rico (Porto Rico): évêque deFajardo-Humacao (Porto Rico).

Né le 24 janvier 1954 à Santurce,archidiocèse de San Juan de PuertoRico, il est entré dans l’ordre du car-mel et a émis sa profession perpé-tuelle en 1983. En 1984, il a été or-donné prêtre carme.

le père VICENTE HORACIO SAETEROSSIERRA, du clergé de l’archidio cèsemétropolitain de Portoviejo (Equa-teur), vicaire général et curé de la

cathédrale: auxiliaire de l’a rc h i -diocèse métropolitain de Portoviejo(Equateur), lui assignant le siège ti-tulaire de Rusuccuru.

Né à Santa Ana, archidiocèse dePortoviejo (Porto Rico), le 6 avril1968, il a été ordonné prêtre le 25mars 2000.

Démission

Le Saint-Père a accepté la démissionde:

13 mai

S.Exc. Mgr LOUIS CHAMNIERN SAN-TISUKNRIRAN, évêque titulaire deSubbar, qui avait demandé à être re-levé de la charge pastorale de l’ar-chidiocèse métropolitain de Tharéand Nonseng (Thaïlande).

Rescriptum ex audientia Sanctissimi

Audiencesp ontificales

Le Saint-Père a reçu en audience:

16 mai

Leurs Eminences MM. les cardi-naux:

— MARC OU E L L E T, préfet de laCongrégation pour les évêques;

— LUIS FRANCISCO LADARIAFERRER, préfet de la Congréga-tion pour la doctrine de la foi;

— LUIS ANTONIO G. TAGLE,préfet de la Congrégation pourl’évangélisation des peuples.

Quatre cents bourses d’études financées dans le pays

Intervention extraordinairedu Pape pour le Liban

Communiquéde la sallede presse

du Saint-Siège

Le 20 mai, S.Exc. Mgr Paul Ri-chard Gallagher, secrétaire pourles relations avec les Etats, s’estentretenu au téléphone avecS.E. M. Saeb Erekat, négocia-teur en chef et secrétaire généralde l'Organisation de libérationde la Palestine. Ce dernier avoulu informer le Saint-Siègedes récents développementsdans les territoires palestinienset de la possibilité que la souve-raineté israélienne soit appliquéede façon unilatérale à une partiede ces zones, ce qui compromet-trait davantage le processus depaix.

Le Saint-Siège réitère que lerespect du droit international, etdes résolutions importantes desNations unies est un élément in-dispensable pour que les deuxpeuples puissent vivre côte à cô-te dans deux Etats, avec lesfrontières internationalement re-connues avant 1967.

Le Saint-Siège suit attentive-ment la situation, et exprime sapréoccupation pour les acteséventuels qui pourraient com-promettre ultérieurement le dia-logue, en souhaitant que lesIsraéliens et les Palestinienspuissent trouver de nouveau etau plus vite la possibilité de né-gocier directement un accord,avec l’aide de la communautéinternationale, et que la paixpuisse enfin régner en TerreSainte, si chère aux juifs, auxchrétiens et aux musulmans.

Le Pape François a disposé une in-tervention extraordinaire pour leLiban frappé par une grave crise,en donnant 200.000 dollars USpour soutenir 400 bourses d’étude.

C’est ce qu’a annoncé le jeudi 14mai un communiqué de la salle depresse du Saint-Siège, qui rappellela «sollicitude paternelle» avec la-quelle le Pape «a continué de sui-vre ces derniers mois la situation»du bien-aimé pays, défini «parsaint Jean-Paul II “Pays message”,lieu dans lequel Benoît XVI p ro -mulgua l’exhortation post-synodaleEcclesia in Medio oriente, et depuistoujours exemple de la coexistenceet de la fraternité que le Documentpour la fraternité humaine, signé àAbou Dhabi le 4 février 2019 par lePape Bergoglio et par le grandimam d’Al Azhar, «a voulu offrirau monde entier».

«Le pays des cèdres, en cette an-née centenaire du “Grand Liban” —poursuit le communiqué — traverseune grave crise qui engendre souf-france, pauvreté et le risque de “vo-ler l’esp érance” surtout des jeunesgénérations, dont le présent est dif-ficile et l’avenir incertain». Et dansce contexte, «il devient toujoursplus difficile d’assurer aux fils etaux filles du peuple libanais l’accèsà l’éducation qui, surtout dans lespetits centres, a toujours été garan-ti par les institutions ecclésiasti-ques». C’est pourquoi «en tant quesigne tangible de proximité, leSaint-Père, à travers la secrétaireried’Etat et la Congrégation pour lesEglises orientales, a décidé d’en-voyer à la nonciature apostolique»cette somme destinée aux boursesd’étude «dans l’espoir que puissese réaliser une alliance de solidaritéet avec le souhait que tous les ac-

teurs nationaux et internationauxpoursuivent de façon responsablela recherche du bien commun, ensurmontant toute division ou inté-rêt partisan».

L’initiative du Pape s’ajoute ainsià la contribution allouée récem-ment par le Fonds d’urgence de laCongrégation pour les Eglisesorientales, institué afin de combat-tre la pandémie du covid-19.

«Que la Mère de Dieu, qui veil-le sur le Liban de la montagne deHarissa, protège le peuple libanais— conclut le communiqué — avecles saints du bien-aimé Pays desc è d re s » .

Face à la nécessité de garantir une organisation plus ra-tionnelle de l’information économique et financière duSaint-Siège et d’informatiser les modèles et les procédu-res sous-jacents, afin de garantir la simplification des ac-tivités et l’efficacité des contrôles, qui sont fondamentauxpour le fonctionnement correct des organismes de la Cu-rie romaine;

étant donné la fonction exercée dans ce but par le Bu-reau appelé Centre d’élaboration des données (CED), ac-tuellement rattaché à l’Administration du patrimoine duSiège apostolique (APSA);

le Souverain Pontife Françoisa disposé ce qui suit:

1. que la responsabilité du CED soit transférée de l’APSAau Secrétariat pour l’économie (SPE), dans les termes éta-blis par le Protocole d’entente signé entre la première, re-présentée par son président, S.Exc. Mgr Nunzio Galanti-

no, et le second, représenté par son préfet, le père JuanAntonio Guerrero, S.J.;

2. que les officials et le personnel engagé et employéau CED passent de la direction de l’APSA à celle du SPE, àl’exception de ceux qui, d’un commun accord et en vued’une plus grande commodité, peuvent rester sous la di-rection de l’APSA;

3. que le préfet du SPE pourvoie à la réorganisation duservice, en garantissant à l’APSA ce qui lui est nécessairepour l’accomplissement de ses charges institutionnelles.

Le Saint-Père a établi que la présente mesure soit pro-mulguée à travers sa publication sur L’Osservatore Roma-no du 20 mai prochain, et entre en vigueur le 1er juin2020.

Du Vatican, le 11 mai 2020

PIETRO Card. PAROLINSecrétaire d’Etat

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page 12 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 26 mai 2020, numéro 21

Lettre pontificale pour les 25 ans de l’encyclique «Ut unum sint» de Jean-Paul II

De nouveaux gestes prophétiquessur la voie vers l’unité

Que l’Esprit Saint «inspire de nouveaux gestesprophétiques et renforce la charité fraternelle entretous les disciples du Christ». Tel est le vœu parlequel se conclut la Lettre que le Pape a envoyéele lundi 25 mai au cardinal Kurt Koch,président du Conseil pontifical pour la promotionde l’unité des chrétiens, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’encyclique «Ut unumsint» de Jean-Paul II: un texte, souligneFrançois, qui a confirmé «de manière irréversiblel’engagement œcuménique de l’Eglise catholique».

A mon cher frèrele cardinal Kurt Koch

Président du Conseil pontifical pour lapromotion de l’unité des chrétiens

Il y aura demain vingt-cinq ans que saintJean Paul II a signé la Lettre encyclique Utunum sint. Le regard tourné vers l’horizon duJubilé de l’an 2000, il voulait que, dans soncheminement vers le troisième millénaire,l’Eglise ait présente à l’esprit l’ardente prièrede son Maître et Seigneur: «Qu’ils soientun!» (Jn 17, 21). Pour cela, il a écrit cette en-cyclique qui a confirmé «de manière irréversi-ble» (UUS, n. 3) l’engagement œcuménique del’Eglise catholique. Il l’a publiée en la solen-nité de l’Ascension du Seigneur, en la mettantsous le signe de l’Esprit Saint, artisan del’unité dans la diversité, et nous la commémo-rons et la proposons de nouveau au peuple deDieu dans ce même contexte liturgique et spi-rituel.

Le Concile Vatican II a reconnu que lemouvement pour le rétablissement de l’unitéde tous les chrétiens «est né sous l’effet de lagrâce de l’Esprit Saint» (Unitatis redintegratio,n. 1). Il a affirmé aussi que l’Esprit, alors qu’il«réalise la diversité des grâces et des mi-nistères», est «le principe de l’unité de l’Egli-se» (ibid., n. 2). Et Ut unum sint réaffirme que«la diversité légitime ne s’oppose pas du toutà l’unité de l’Eglise, elle en accroît même leprestige et contribue largement à l’achèvementde sa mission» (n. 50). En effet, «seul l’EspritSaint peut susciter la diversité, la multiplicitéet, en même temps, opérer l’unité. […] C’estLui qui harmonise l’Eglise», parce que, com-me le dit saint Basile le Grand, «il est Lui-même l’harmonie» (Homélie dans la cathédralecatholique du Saint Esprit, Istanbul, 29 novem-bre 2014).

En cet anniversaire, je rends grâce au Sei-gneur pour le chemin qu’il nous a permis deparcourir en tant que chrétiens dans la recher-che de la pleine communion. Je partage moiaussi la saine impatience de ceux qui pensentparfois que nous pourrions et devrions nousengager davantage. Toutefois, nous ne devonspas manquer de foi et de reconnaissance: denombreux pas ont été faits en ces décenniespour guérir les blessures séculaires et millénai-res; la connaissance et l’estime réciproques sesont accrues, en aidant à surmonter les préju-

dices enracinés; le dialogue théologique et ce-lui de la charité se sont développés, tout com-me les diverses formes de collaboration dansle dialogue de la vie, sur le plan pastoral etculturel. En ce moment, ma pensée va à mesfrères bien aimés qui se trouvent à la tête desdifférentes Eglises et communautés chrétien-nes; et elle s’étend à tous les frères et sœursde chaque tradition chrétienne qui sont noscompagnons de voyage. Comme les disciplesd’Emmaüs, nous pouvons sentir la présencedu Christ ressuscité qui chemine à côté denous et nous explique les Ecritures et le re-connaître dans la fraction du pain, dans l’at-tente de partager ensemble la Table eucha-ristique.

Je renouvelle ma gratitude à ceux qui ontœuvré et œuvrent dans ce dicastère pourmaintenir vive dans l’Eglise la conscience decet objectif incontournable. En particulier, jesuis heureux de saluer deux initiatives récen-tes. La première est un Vademecum œcuméniquepour les évêques, qui sera publié à l’automneprochain, comme encouragement et guidedans l’exercice de leurs responsabilités œcu-méniques. En effet, le service de l’unité est unaspect essentiel de la mission de l’évêque, le-quel est «le principe perpétuel et visible et lefondement de l’unité» (Lumen gentium, n. 23;cf CIC n. 383 §3; CCEO nn. 902-908) dans sonEglise particulière. La seconde initiative est le

lancement de la revue Acta Œcumenica, qui,en renouvelant le service d’information du di-castère, est une aide pour ceux qui travaillentau service de l’unité.

Sur la voie qui conduit à la pleine commu-nion, il est important de faire mémoire duchemin parcouru, mais il l’est aussi de scruterl’horizon, en se posant la question avec l’en-cyclique Ut unum sint, «Quanta est nobis via?»(n. 77), «quel chemin nous reste-t-il à faire?».Une chose est certaine: l’unité n’est pas prin-cipalement le résultat de notre action, mais el-le est un don de l’Esprit Saint. Cependant el-le «ne viendra pas comme un miracle à la fin:l’unité vient dans le cheminement, c’est l’Es-prit Saint qui la fait dans le cheminement»(Homélie des vêpres, Saint-Paul-hors-les-Murs,25 janvier 2014). Invoquons donc avec con-fiance l’Esprit, afin qu’il guide nos pas et quechacun ressente avec un nouvel élan l’appel àœuvrer pour la cause œcuménique; qu’il nousinspire de nouveaux gestes prophétiques etrenforce la charité fraternelle entre tous lesdisciples du Christ, «pour que le mondecroie» (Jn 17, 21) et que se multiplie la louan-ge au Père qui est dans les Cieux.

Du Vatican, le 24 mai 2020.

Un texte inédit du Pape François

Avec le regard de Jésus

«Divers et unis» [Diversi e uniti. Com-unicoquindi sono, Cité du Vatican, Librairie éditricevaticane – Dicastère pour la communicationdu Saint-Siège, collection «Scambio dei do-ni», 2020] est le titre du nouvel ouvrage pu-blié en français aux éditions Salvator, qui re-cueille les interventions et les discours duSaint-Père sur le thème de la communicationet des relations humaines, ainsi qu’un texteinédit intitulé «Avec le regard de Jésus». Lelivre est introduit par un texte de Justin Wel-by, archevêque de Canterbury et primat de laCommunion anglicane, dans l’esprit de cettecollection «œcuménique» dont les introduc-tions sont généralement signées par des repré-sentants des Eglises et communautés ecclésia-les séparées, avec qui marcher ensemble versle rétablissement de la pleine communion.

Cet ouvrage contient donc diverses ré-flexions du Saint-Père sur les relations humai-nes: les relations entre les personnes créées àl’image de Dieu. «Les relations humaines lesplus belles et les plus fructueuses — écrit Jus-tin Welby — sont celles qui sont fondées surl’amour que Dieu a pour nous». Le texte duPape François, «Avec le regard de Jésus»,s’ouvre par une réflexion sur l’histoire du«jeune riche», «qui demande à Jésus ce qu’ildoit faire pour hériter de la vie éternelle».Dans son écrit, le Saint-Père rappelle que Jé-sus s’adressa à lui avec amour, précisémentparce que la foi chrétienne «se fonde sur cettesimple affirmation: Jésus est de nature divineet Dieu est amour». Sans ce «regardd’amour» «la communication humaine — écritFrançois — le dialogue entre les personnes,peut facilement ne devenir qu’un duel dialec-tique». A la base de toute forme de communi-cation et de relation humaine, il y a la dispo-nibilité à l’écoute de l’autre et il dit sur ce

thème: «Nous avons beaucoup à apprendrede la leçon du cardinal John Henry Newman.Sa réflexion s’est en particulier concentrée surla dimension de l’imagination et de la “disp o-sition” du cœur qui jouent un rôle plus im-portant par rapport à celui de la raison, afinqu’un homme puisse vraiment être touché parl’expérience de la foi». «Divers et unis» estdisponible en plusieurs langues.