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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXX e année, numéro 17 (3.579) Cité du Vatican mardi 23 avril 2019 Lors du Regina Caeli du Lundi de Pâques le Pape exprime sa douleur pour les victimes des massacres au Sri Lanka Des actes inhumains jamais justifiables Rester humains DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 17 avril. Notre-Dame de Paris: pas seulement un symbo- le, par Monica Mondo. Page 3: Message urbi et orbi. Page 5: Messe chrismale. Pa- ge 6: Messe in Cena Domini. Pages 7 à 10: Vendredi Saint: Entretien avec sœur Bo- netti. Prédication du père Cantalamessa et Via Crucis au Colisée. Page 11: Veillée pas- cale. Page 12: Regina caeli du 22 avril. Page 13: Message de Pâques des patriarches de Terre Sainte. Entretien avec le père Pizzaballa. Page 14: Les 92 ans de Benoît XVI, par Andrea Tornielli. Page 15: Informations. Page 16: Notre-Dame de Paris: télégramme du Pape; réflexions d’Andrea Monda et Jean-Michel Coulet. Et tu dois garder ton visage Ne pas t’en écarter un brin Etre vivant, pas davantage Vivant, c’est tout jusqu’à la fin. (Boris Pasternak) 350 morts, plus de 500 blessés provoqués par les bombes qui ont explosé dans trois églises et dans trois hôtels dans trois villes différenes le dimanche de Pâques. Dans la seule église Saint-Sébastien, à Negombo, peu au nord de la capitale Colombo, plus de cent personnes sont mortes. Voilà pour les chiffres, dans leur cruauté éloquente. Le jour de la fête la plus importante pour les chrétiens, dans le lieu de la prière, trans- formé en un moment et en un lieu de mort et de terreur. Le paradoxe est atroce: le même jour où certains hommes invoquent le nom de Dieu pour le prier et demander la paix, d’au- tres hommes utilisent ce même nom pour jus- tifier leur geste meurtrier. S’agit-il du même Dieu? Le verbe utilisé dévoile le sens de ce contre-sens: d’un côté, «invoquer», de l’autre «utiliser», voilà la différence. Dieu est l’hori- zon le plus élevé, au-delà de la portée de nos mains, un horizon qui permet de voir le mon- de et les hommes à partir d’une autre lumière, et il n’est pas en revanche un objet que l’on peut utiliser, manœuvrer, manipuler. Le re- gard de la perspective de Dieu produit un ef- fet désarmant, l’illusion de posséder Dieu finit par diviser et opposer. La folie engendrée par la peur et qui engendre une autre peur, qui a eu lieu dimanche au Sri Lanka, est un autre pas vers l’opposition et la guerre entre les reli- gions: il y a un mois seulement, le 15 mars, à Christchurch en Nouvelle-Zélande, 50 person- nes sont mortes dans la mosquée d’Al Noor et dans le centre islamique de Linwood, le jour et au moment de la prière du vendredi. Ce sont des pas qui conduisent à l’anéantisse- ment des religions mêmes et de ce qu’il reste de l’humain. Que faire alors pour interrompre cette spirale de violence? Le Pape François, lundi dernier, après le Regina Caeli, a exprimé le souhait «que tous condamnent ces actes terroristes, actes inhu- mains, jamais justifiables». Une condamna- tion qui sert à rester humains. Sur la trace de ses prédécesseurs, le Pape répète depuis des années avec force que tuer au nom de Dieu est un blasphème, est l’offense la plus grande envers Dieu et une trahison de la religion mê- me. Etre unis en tant qu’êtres humains qui vi- vent sous le soleil dans la condamnation de ces actes inhumains est le nœud crucial pour tisser un dialogue plus que jamais essentiel pour la construction de la paix. Le dialogue se tisse à travers des gestes concrets comme celui du 4 février à Abou Da- bi, la signature conjointe du Document sur la fraternité universelle entre le Pape et le grand imam d’Al-Azhar qui, invitant à se reconnaître tous frères dans l’origine commune de Dieu le père et créateur du monde, a répété avec fer- meté que «les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions». D’où la demande de «cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fa- natisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout- Puissant, n’a besoin d’être défendu par per- sonne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens». L’une des leçons de Benoît XVI sur laquelle il est nécessaire de réfléchir a été précisément sur ce «fanatisme aveugle», fruit du détache- ment entre religion et raison. Le rapport entre les deux est en revanche essentiel pour la pu- rification réciproque qui empêche précisément l’apparition d’incrustations telles que le fonda- mentalisme et la violence. Enfin, une autre leçon qui n’a pas encore été acquise concerne l’essence du christianis- me qui n’est pas une culture et ne s’identifie avec aucune culture, et encore moins avec une ethnie particulière. Le fanatisme fondamenta- liste et meurtrier, en feignant d’oublier la réa- lité des faits et l’expérience concrète des peu- ples, identifie souvent le christianisme avec l’Occident. Mais l’équation christianisme/Oc- cident ne tient pas parce que le cœur du christianisme est le message spirituel de l’Evangile qui est adressé à tous les hommes, à la lumière duquel l’Eglise entre en contact avec toutes les cultures et de chaque culture, valorise le bon, l’humain. Telle est la ligne «humaniste» du Pape qui permet au sentier étroit de la paix de se déve- lopper en dépit des réactions violentes des fa- natiques et c’est sur ce chemin que l’Eglise, peuple de Dieu en prière et à l’œuvre, doit poursuivre son chemin. ANDREA MONDA

1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO · les du temple païen sur lequel s’éleva «La» cathédrale, qui avec Chartres représente la ca-tholicité,

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXXe année, numéro 17 (3.579) Cité du Vatican mardi 23 avril 2019

Lors du Regina Caeli du Lundi de Pâques le Pape exprime sa douleur pour les victimes des massacres au Sri Lanka

Des actes inhumains jamais justifiables

Rester humains

DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 17 avril. Notre-Dame de Paris: pas seulement un symbo-le, par Monica Mondo. Page 3: Message urbi et orbi. Page 5: Messe chrismale. Pa-ge 6: Messe in Cena Domini. Pages 7 à 10: Vendredi Saint: Entretien avec sœur Bo-netti. Prédication du père Cantalamessa et Via Crucis au Colisée. Page 11: Veillée pas-cale. Page 12: Regina caeli du 22 avril. Page 13: Message de Pâques des patriarches deTerre Sainte. Entretien avec le père Pizzaballa. Page 14: Les 92 ans de Benoît XVI, parAndrea Tornielli. Page 15: Informations. Page 16: Notre-Dame de Paris: télégrammedu Pape; réflexions d’Andrea Monda et Jean-Michel Coulet.

Et tu dois garder ton visageNe pas t’en écarter un brinEtre vivant, pas davantage

Vivant, c’est tout jusqu’à la fin.(Boris Pasternak)

350 morts, plus de 500 blessés provoqués parles bombes qui ont explosé dans trois égliseset dans trois hôtels dans trois villes différenesle dimanche de Pâques. Dans la seule égliseSaint-Sébastien, à Negombo, peu au nord dela capitale Colombo, plus de cent personnessont mortes. Voilà pour les chiffres, dans leurcruauté éloquente.

Le jour de la fête la plus importante pourles chrétiens, dans le lieu de la prière, trans-formé en un moment et en un lieu de mort etde terreur. Le paradoxe est atroce: le mêmejour où certains hommes invoquent le nom deDieu pour le prier et demander la paix, d’au-tres hommes utilisent ce même nom pour jus-tifier leur geste meurtrier. S’agit-il du mêmeDieu? Le verbe utilisé dévoile le sens de cecontre-sens: d’un côté, «invoquer», de l’a u t re«utiliser», voilà la différence. Dieu est l’hori-zon le plus élevé, au-delà de la portée de nosmains, un horizon qui permet de voir le mon-de et les hommes à partir d’une autre lumière,et il n’est pas en revanche un objet que l’onpeut utiliser, manœuvrer, manipuler. Le re-gard de la perspective de Dieu produit un ef-fet désarmant, l’illusion de posséder Dieu finitpar diviser et opposer. La folie engendrée parla peur et qui engendre une autre peur, qui aeu lieu dimanche au Sri Lanka, est un autrepas vers l’opposition et la guerre entre les reli-gions: il y a un mois seulement, le 15 mars, àChristchurch en Nouvelle-Zélande, 50 person-nes sont mortes dans la mosquée d’Al Noor etdans le centre islamique de Linwood, le jouret au moment de la prière du vendredi. Cesont des pas qui conduisent à l’anéantisse-ment des religions mêmes et de ce qu’il restede l’humain. Que faire alors pour interromprecette spirale de violence?

Le Pape François, lundi dernier, après leRegina Caeli, a exprimé le souhait «que touscondamnent ces actes terroristes, actes inhu-mains, jamais justifiables». Une condamna-tion qui sert à rester humains. Sur la trace deses prédécesseurs, le Pape répète depuis desannées avec force que tuer au nom de Dieuest un blasphème, est l’offense la plus grandeenvers Dieu et une trahison de la religion mê-me. Etre unis en tant qu’êtres humains qui vi-vent sous le soleil dans la condamnation deces actes inhumains est le nœud crucial pourtisser un dialogue plus que jamais essentielpour la construction de la paix.

Le dialogue se tisse à travers des gestesconcrets comme celui du 4 février à Abou Da-bi, la signature conjointe du Document sur lafraternité universelle entre le Pape et le grandimam d’Al-Azhar qui, invitant à se reconnaîtretous frères dans l’origine commune de Dieu lepère et créateur du monde, a répété avec fer-meté que «les religions n’incitent jamais à laguerre et ne sollicitent pas des sentiments de

haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent àla violence ou à l’effusion de sang. Cesmalheurs sont le fruit de la déviation desenseignements religieux, de l’usage politiquedes religions». D’où la demande de «cesserd’instrumentaliser les religions pour inciter àla haine, à la violence, à l’extrémisme et au fa-natisme aveugle et de cesser d’utiliser le nomde Dieu pour justifier des actes d’homicide,d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous ledemandons par notre foi commune en Dieu,qui n’a pas créé les hommes pour être tués oupour s’affronter entre eux et ni non plus pourêtre torturés ou humiliés dans leurs vies etdans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par per-sonne et ne veut pas que Son nom soit utilisépour terroriser les gens».

L’une des leçons de Benoît XVI sur laquelleil est nécessaire de réfléchir a été précisémentsur ce «fanatisme aveugle», fruit du détache-ment entre religion et raison. Le rapport entreles deux est en revanche essentiel pour la pu-rification réciproque qui empêche précisément

l’apparition d’incrustations telles que le fonda-mentalisme et la violence.

Enfin, une autre leçon qui n’a pas encoreété acquise concerne l’essence du christianis-me qui n’est pas une culture et ne s’identifieavec aucune culture, et encore moins avec uneethnie particulière. Le fanatisme fondamenta-liste et meurtrier, en feignant d’oublier la réa-lité des faits et l’expérience concrète des peu-ples, identifie souvent le christianisme avecl’Occident. Mais l’équation christianisme/Oc-cident ne tient pas parce que le cœur duchristianisme est le message spirituel del’Evangile qui est adressé à tous les hommes,à la lumière duquel l’Eglise entre en contactavec toutes les cultures et de chaque culture,valorise le bon, l’humain.

Telle est la ligne «humaniste» du Pape quipermet au sentier étroit de la paix de se déve-lopper en dépit des réactions violentes des fa-natiques et c’est sur ce chemin que l’Eglise,peuple de Dieu en prière et à l’œuvre, doitpoursuivre son chemin.

ANDREA MONDA

page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

A Pâques, Dieu élimineles distances

AUDIENCE GÉNÉRALE DU 17 AV R I L

Chers frères et sœurs, bonjour!Ces dernières semaines nous réfléchissonssur la prière du «Notre Père». A présent, àla veille du Triduum pascal, arrêtons-noussur plusieurs mots avec lesquels Jésus, aucours de la Passion, a prié le Père.

La première invocation a lieu après laDernière Cène, quand le Seigneur, «levantles yeux au ciel, dit: “Père, l’heure est ve-nue: glorifie ton Fils — et ensuite — glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais au-près de toi, avant que fût le monde”» (Jn 17,1.5). Jésus demande la g l o i re , une requête quisemble paradoxale alors que la Passion estproche. De quelle gloire s’agit-il? Dans laBible, la gloire indique la révélation deDieu, c’est le signe distinctif de sa présence

sur la croix, il est glorifié (cf. Jn 12, 23-33).C’est là que Dieu révèle finalement sa gloi-re: il ôte le dernier voile et nous étonnecomme jamais auparavant. Nous découvronsen effet que la gloire de Dieu est e n t i è re m e n tamour: amour pur, fou et impensable, au-de-là de toute limite et mesure.

Frères et sœurs, faisons nôtre la prière deJésus: demandons au Père d’ôter les voilesdevant nos yeux pour qu’au cours de cesjournées, en regardant le Crucifié, nous

puissions accueillir le fait que Dieu estamour. Combien de fois l’imaginons-nouscomme un maître et non comme un Père,combien de fois pensons-nous qu’il est unjuge sévère plutôt que le Sauveur miséricor-dieux! Mais à Pâques, Dieu élimine les dis-tances, en se montrant dans l’humilité d’unamour qui demande notre amour. Nous luirendons donc gloire quand nous vivons toutce que nous faisons avec amour, quand nousfaisons chaque chose avec cœur, commepour Lui (cf. Col 3, 17). La vraie gloire estla gloire de l’amour, parce que c’est la seulequi donne la vie au monde. Assurément,cette gloire est le contraire de la gloire mon-daine, qui arrive quand on est admiré,qu’on est loué, acclamé: quand le moi est aucentre de l’attention. La gloire de Dieu, enrevanche, est paradoxale: pas d’applaudisse-ments, pas d’audience. Au centre, il n’y pasle moi, mais l’autre: à Pâques, nous voyonsen effet que le Père glorifie le Fils, alors quele Fils glorifie le Père. Personne ne se glori-fie lui-même. Nous pouvons aujourd’huinous demander: «Quelle est la gloire pourlaquelle je vis? La mienne ou celle de Dieu?Est-ce que je désire seulement recevoir desautres ou également donner aux autres?».

Après la Dernière Cène, Jésus entre dansle jardin du Gethsémani; et là aussi il prie leP è re . Alors que les disciples ne réussissentpas à rester éveillés et que Judas arrive avecles soldats, Jésus commence à ressentir«peur et angoisse». Il éprouve toute l’an-goisse de ce qui l’attend: trahison, mépris,souffrance, échec. Il est «triste» et là, dansl’abîme, dans cette désolation, il adresse auPère la parole la plus tendre et la plus dou-ce: «Ab b à », c’est-à-dire papa (cf. Mc 14, 33-36). Dans l’épreuve, Jésus nous enseigne àembrasser le Père, parce que dans la prièrequi Lui est adressée se trouve la force d’aller

Notre-Dame, pas seulement un symbole

MONICA MOND O

Ce n’est pas seulement un symbole. Cen’est pas la Tour Eiffel. Notre-Damede Paris est le cœur de l’Europe, et

c’est l’Europe qui brûle. L’église qui s’élèvesur l’Ile de la Cité, berceau de la capitale.L’église qui a résisté à la Révolution, qui cou-pait les têtes des admirables statues des saintset des prophètes, pour les jeter dans les eauxde la Seine. Il y eut même un philosophe quivoulut acheter la cathédrale pour la détruire,seulement pour la voir en ruine. Peut-être sonesprit est-il encore présent, peut-être les ido-les du temple païen sur lequel s’éleva «La»cathédrale, qui avec Chartres représente la ca-tholicité, la foi chrétienne, le sont-elles.Notre- Dame qui protège la ville pleure, sain-te Geneviève, patronne de Paris, pleure. LaSeine pleure, et elle caresse impuissante sesfondations. La Seine, qui s’est ouverte, quis’est pliée à la pierre et a conservé pendantdes siècles dans une mandorle ses tours puis-santes, les carènes des contreforts. Dans lechœur, le chant du Te Deum ne s’élèvera plus,les stalles en marquetterie et les barrières debois décorées avec les histoires de la Passionse sont évanouies, comme des branches sè-ches. Quasimodo pleure, le sonneur de clo-ches bossu, gardien des flèches, comme deleurs gargouilles, que Victor Hugo rendit im-mortel dans le roman du même nom, Notre-Dame de Paris. A l’ombre de sa masse impo-sante Balzac écrivit, les poètes maudits de laRive Gauche, les peintres et les compositeurs,qui précisément dans cette église inventèrentde nouvelles polyphonies, trouvèrent leur ins-piration. Sa forêt de colonnes n’accueillerapas la foule des fidèles, elles ne seront paséclairées par la lumière des cierges en cettenuit de Pâques.

Ce n’est pas un symbole de Paris. C’était lesymbole d’un continent qui n’a plus besoinde symboles, ou qui croit se démarquer, ac-quérir de la liberté en oubliant leurs significa-tions. Un symbole unit, il est relation entre lesensible et l’ultrasensible, le symbole évoque,il ouvre le raisonnement, il fait penser, ilélève l’âme. Vers où les Français, les Euro-péens de notre époque regardent-ils? Réussis-

sent-ils, en marchant frénétiquement sur lesquais du fleuve, à lever la tête et à se souve-nir? L’oublie non seulement historique, maisd’une appartenance qui déracinée de notreimaginaire nous appauvrit, nous laisse plusinquiets et plus seuls. Il y aura moyen decomprendre l’absurdité d’une catastrophe im-prévue; d’une lenteur des secours qui est unmemento pour notre arrogance qui révèletoute son impuissance. On comprendra cequi est arrivé, les manquements, l’incurie, lanégligence. Et on se demandera pourquoi,pourquoi à nous, aujourd’hui, est-il donné devoir le feu qui brûle l’âme d’une ville.

Notre cœur pleure lui aussi un peu, égaré,parce que certains événements sont un signe:que Dieu veuille que les signes hurlent, agi-tent les consciences finalement tourmentés.Assurément il n’y a pas besoin de temples,même sublimes, pour adorer Dieu, Il nous l’adit. Mais tous les Psaumes nous enseignent àrépéter «Seigneur, j’aime la maison où tu de-meures, le lieu où habite ta gloire».

Les cathédrales d’Europe sont un élan deshommes, des communautés pour se montrerau ciel. Non avec la vanité de Babel, pour ygravir, mais pour lever les bras, pour implorerson regard. On recueillait aussi la menuemonnaie des merciers, pas seulement les tré-sors des princes, pour faire appel aux meil-leurs ouvriers, aux artisans les plus experts.

Avons-nous encore la même passion, le mê-me dévouement? Quaerere deum ne semblepas une priorité. Peut-être les flammes sont-elles un sinistre avertissement, pour recom-mencer. Ce sera un triste anniversaire pourJoseph Ratzinger, qui a consacré à l’Europ echrétienne et à ses symboles des réflexionspoignantes. Ensuite, si nous restons des hom-mes, nous reconstruirons avec des pierresneuves, comme Eliot y incitait. Si nous res-tons des hommes, nous ne penserons pas seu-lement à l’esthétique, aux touristes, à l’o rg u e i lnational. Mais aux genoux qui se sont pliéssur ces pierres, aux milliers de prières lesyeux levés vers les vitraux et les rosaces.Nous ne referons pas en 3D une église parfai-te, égale à la première, nous ne referons pasun musée. Si nous restons des hommes.

Le vœu du Pape pour la cathédrale de Paris

Une œuvre choralede reconstruction

A l’issue de l’audience générale, lors des saluts auxpèlerins, le Pape a adressé les paroles suivantes auxfidèles français, suite à l’incendie qui a dévasté lacathédrale Notre-Dame de Paris:

Je saisis cette occasion pour exprimer à la commu-nauté diocésaine de Paris, à tous les Parisiens et àtout le peuple français, ma grande affection et maproximité après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. La gratitude de toute l’Eglise va à tous ceuxqui se sont prodigués, également en prenant des ris-ques, pour sauver la basilique. Que la Vierge Marieles bénisse et soutienne le travail de reconstruction:puisse-t-il être une œuvre chorale, à la louange et àla gloire de Dieu. Que Dieu vous bénisse!

SUITE À LA PA G E 4

salvatrice parmi les hom-mes. Or, Jésus est Celuiqui manifeste de manièredéfinitive la présence etle salut de Dieu. Et il lefait dans la Pâque: élevé

Le Pape a salué Greta Thunberg, la jeune activiste suédoise,la remerciant pour son engagement en faveur de l’e n v i ro n n e m e n t

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

Message «urbi et orbi»

Mettre fin au fracas des armes

qu’il touche devient jeune, devient nouveau,se remplit de vie. Les premières paroles queje voudrais adresser à chacun des jeuneschrétiens sont donc: Il vit et il te veut vi-vant! Il est en toi, il est avec toi et jamais net’abandonne. Tu as beau t’éloigner, le Res-suscité est là, t’appelant et t’attendant pourrecommencer. Quand tu te sens vieilli par latristesse, les rancœurs, les peurs, les doutesou les échecs, il sera toujours là pour te re-donner force et espérance» (Christus vivit,nn. 1-2).

Chers frères et sœurs, ce message estadressé en même temps à chaque personneet au monde entier. La Résurrection duChrist est le début d’une vie nouvelle pourchaque homme et chaque femme, parce quele vrai renouvellement part toujours ducœur, de la conscience. Mais Pâques estaussi le début du monde nouveau, libéré del’esclavage du péché et de la mort: le mon-de finalement ouvert au Royaume de Dieu,Royaume d’amour, de paix et de fraternité.

Le Christ vit et reste avec nous. Il montrela lumière de son visage de Ressuscité etn’abandonne pas ceux qui sont dansl’épreuve, dans la souffrance et dans le

La douleur pour les attentats au Sri Lanka

Après le message à la ville et au monde,le Pape a adressé ses vœux aux personnesprésentes, en rappelant les graves attentatsau Sri Lanka.

Chers frères et sœurs,J’ai appris avec tristesse et douleur la nouvel-le des graves attentats qui, précisément au-j o u rd ’hui, jour de Pâques, ont apporté ledeuil et la douleur dans des églises et d’a u t re slieux de rassemblement, au Sri Lanka. Je dé-sire manifester ma proximité affectueuse à lacommunauté chrétienne, frappée alors qu’elleétait en prière, et à toutes les victimes d’uneviolence aussi cruelle. Je confie au Seigneurceux qui sont tragiquement disparus et je priepour les blessés et tous ceux qui souffrent àcause de cet événement dramatique.

Je renouvelle mes vœux de joyeuses Pâquesà vous tous, venus d’Italie et de divers pays,ainsi qu’à tous ceux qui sont unis à nous àtravers la télévision, la radio et les autres mo-yens de communication. A ce propos, je suisheureux de rappeler qu’il y a soixante-dixans, précisément à Pâques 1949, un Pape par-lait pour la première fois à la télévision. Levénérable Pie XII s’est adressé aux téléspecta-teurs de la télévision française, en soulignantque les regards du Successeur de Pierre et desfidèles pouvaient également se rencontrer grâ-ce à un nouveau moyen de communication.Cet anniversaire me donne l’occasion d’en-courager les communautés chrétiennes à utili-ser tous les outils que la technique met à dis-position pour annoncer la bonne nouvelle duChrist ressuscité, pour communiquer, et passeulement pour se contacter.

Illuminés par la lumière de Pâques, appor-tons le parfum du Christ ressuscité dans lasolitude, dans la misère, dans la douleur detant de nos frères, en renversant la pierre del’indifférence. Sur cette place, la joie de la ré-surrection est symbolisée par les fleurs, quicette année aussi, viennent des Pays-Bas, tan-dis que celles de la basilique Saint-Pierreviennent de Slovénie. Un grand remerciementspécial aux donateurs de ces splendides hom-mages floraux!

Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prierpour moi. Bon déjeuner de Pâques et au re-voir! SUITE À LA PA G E 4

«Que le Seigneur fasse de nous des constructeurs de ponts et non pas demurs. Lui, qui nous donne sa paix, qu’il fasse cesser le bruit des armes,aussi bien dans les situations de guerre que dans nos villes»: c’est uneprière implorante que le Pape a lancée dans le message «urbi et orbi»

prononcé à midi, le dimanche 21 avril, de la loggia des Bénédictions dela basilique vaticane, après avoir célébré la Messe du jour de Pâquessur le parvis de la basilique vaticane. Nous publions ci-dessous lemessage du Pape à la ville et au monde:

Chers frères et sœurs, bonne fête dePâques!

A u j o u rd ’hui l’Eglise renouvelle l’annoncedes premiers disciples: «Jésus est ressusci-té». Et de bouche en bouche, de cœur encœur, elle rappelle l’invitation à la louange:«Alléluia... Alléluia». Ce matin de Pâques,

jeunesse éternelle de l’Eglise et de l’humani-té tout entière, je voudrais adresser à chacund’entre vous les premières paroles de la ré-cente exhortation apostolique consacrée enparticulier aux jeunes:

«Il vit, le Christ, notre espérance et il estla plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce

page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

SUITE DE LA PA G E 2

Audience générale du 17 avril

de l’avant dans la douleur. Dans la difficulté,la prière est soulagement, don de soi, récon-fort. Dans l’abandon de tous, dans la désola-tion intérieure Jésus n’est pas seul, il est avecle Père. En revanche, dans nos Gethsémaninous choisissons souvent de rester seuls, aulieu de dire «P è re » et de nous remettre à Lui,comme Jésus, de nous remettre à sa volonté,qui est notre vrai bien. Mais quand dansl’épreuve nous restons fermés sur nous-mê-mes, nous creusons un tunnel en nous, undouloureux parcours d’introversion, qui a uneunique direction: toujours plus profondémenten nous-mêmes. Le plus grand problèmen’est pas la douleur, mais comment on l’af-fronte. La solitude n’offre pas d’issue; la priè-re oui, parce qu’elle est relation, elle est remi-se de soi. Jésus remet tout et se remet entière-ment au Père, en lui apportant ce qu’il res-sent, en se reposant sur Lui dans la lutte.Quand nous entrons dans nos Gethsémani —chacun de nous a ses propres Gethsémani oules a eus ou les aura — rappelons-nous ceci:quand nous entrons, quand nous entreronsdans notre Gethsémani, rappelons-nous deprier ainsi: «P è re ».

Enfin, Jésus adresse une troisième prière auPère, pour nous: «Père, pardonne-leur, parcequ’ils ne savent pas ce qu’ils font» (Lc 23,34). Jésus prie pour celui qui a été mauvaisavec Lui, pour ses bourreaux. L’Evangile spé-cifie que cette prière a lieu au moment de lacrucifixion. C’était probablement le moment

de la douleur la plus forte, quand on enfon-çait les clous dans les poignets et dans lespieds de Jésus. Là, au comble de la douleur,il parvient au sommet de l’amour: le p a rd o narrive, c’est-à-dire le don à la énième puissan-ce, qui brise le cercle du mal.

En récitant le «Notre Père» au cours deces journées, nous pouvons demander l’unede ces grâces: vivre nos journées pour la gloi-re de Dieu, c’est-à-dire vivre avec amour; sa-voir nous remettre au Père dans les épreuveset dire «papa» au Père et trouver dans la ren-contre avec le Père le pardon et le courage depardonner. Les deux choses vont de pair. LePère nous pardonne, mais il nous donne lecourage de pouvoir pardonner.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audiencegénérale du 17 avril, se trouvaient les groupesfrancophones suivants:

De France: Groupe de pèlerins du diocèsede Carcassonne et Narbonne; paroisse Saint-Luc, des Coteaux et de Tournon; groupe dejeunes lycéens, de Rennes.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venusde France et d’autres pays francophones, enparticulier les pèlerins de Carcassonne, Tour-non et Rennes. En ces jours saints, que leSeigneur nous apprenne à vivre chaque jourpour sa gloire, autrement dit avec amour, ànous confier à lui dans les épreuves, à rece-voir son pardon et le courage de pardonner.Que Dieu vous bénisse!

deuil. Que Lui, le Vivant, soit espérancepour le bien-aimé peuple syrien, victimed’un conflit qui perdure, et qui risque denous trouver toujours davantage résignés etmême indifférents. C’est plutôt le momentde renouveler l’engagement pour une solu-tion politique qui réponde aux justes aspira-tions de liberté, de paix et de justice, qui af-fronte la crise humanitaire et favorise le re-tour en sécurité des personnes déplacées etde celles qui se sont réfugiées dans les payslimitrophes, surtout au Liban et en Jorda-nie.

Pâques nous porte à tourner le regardvers le Moyen-Orient, déchiré par des divi-sions et des tensions continues. Que leschrétiens dans la région, avec une persévé-rance patiente, témoignent du Seigneur res-suscité et de la victoire de la vie sur la mort.J’ai une pensée particulière pour la popula-tion du Yémen, en particulier pour les en-fants épuisés par la faim et la guerre. Que lalumière pascale éclaire tous les gouvernantset tous les peuples du Moyen-Orient, àcommencer par les Israéliens et les Palesti-niens, et les incite à soulager tant de souf-frances et à poursuivre un avenir de paix etde stabilité.

Que les armes cessent d’ensanglanter laLibye où, de nouveau, des personnes sansdéfense meurent ces dernières semaines etoù de nombreuses familles sont contraintesà quitter leurs propres maisons. J’exhorte lesparties concernées à choisir le dialogue plu-tôt que l’oppression, en évitant que s’ou-vrent à nouveau les blessures d’une décenniede conflits et d’instabilité politique.

Que le Christ Vivant donne sa paix à toutle bien-aimé continent africain, encore par-semé de tensions sociales, de conflits et par-fois d’extrémismes violents qui provoquentl’insécurité, la destruction et la mort, surtoutau Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Ni-géria et au Cameroun. Ma pensée va égale-ment au Soudan, qui traverse un momentd’incertitude politique et où je souhaite quetoutes les instances puissent s’exprimer etque chacun s’efforce de permettre au paysde trouver la liberté, le développement et lebien-être auxquels il aspire depuis long-temps.

Que le Seigneur ressuscité accompagneles efforts accomplis par les autorités civileset religieuses du Soudan du Sud, soutenuespar les fruits de la retraite spirituelle vécue ily a quelques jours ici au Vatican. Puisses’ouvrir une nouvelle page de l’histoire dupays, dans laquelle toutes les composantespolitiques, sociales et religieuses s’engagentactivement pour le bien-être commun et laréconciliation de la nation.

Lors de cette fête de Pâques que trouvedu réconfort la population des régionsorientales de l’Ukraine, qui continue desouffrir du conflit encore en cours. Que leSeigneur encourage les initiatives humanitai-res et celles visant à atteindre une paix du-rable.

Que la joie de la Résurrection remplisseles cœurs de ceux qui, sur le continent amé-ricain, subissent les conséquences de situa-tions politiques et économiques difficiles. Jepense en particulier au peuple vénézuélien:à beaucoup de personnes privées des condi-tions minimales pour mener une vie digneet sûre, à cause d’une crise qui perdure ets’approfondit. Que le Seigneur donne àceux qui ont des responsabilités politiquesd’œuvrer pour mettre fin aux injustices so-ciales, aux abus ainsi qu’aux violences et de

faire des pas concrets permettant de guérirles divisions et d’offrir à la population lesaides dont elle a besoin.

Que le Seigneur ressuscité éclaire les ef-forts qui se font au Nicaragua en vue detrouver au plus tôt une solution pacifique etnégociée au bénéfice de tous les nicara-guayens.

Face aux nombreuses souffrance de notretemps, que le Seigneur de la vie ne noustrouve pas froids et indifférents. Qu’il fassede nous des constructeurs de ponts et nonpas de murs. Lui, qui nous donne sa paix,qu’il fasse cesser le bruit des armes, aussibien dans les situations de guerre que dansnos villes, et qu’il inspire les gouvernants

des nations afin qu’ils s’engagent à mettrefin à la course aux armements et à la diffu-sion préoccupante des armes, surtout dansles pays économiquement plus développés.

Que le Ressuscité, qui a ouvert grand lesportes du sépulcre, ouvre nos cœurs aux be-soins des personnes défavorisées et sans dé-fense, des pauvres, des sans-emploi, des per-sonnes marginalisées, de ceux qui frappentà notre porte à la recherche de pain, d’unrefuge et de la reconnaissance de leur di-gnité.

Chers frères et sœurs, le Christ vit! Il estespérance et jeunesse pour chacun d’e n t renous et pour le monde entier. Laissons-nousrenouveler par lui! Bonne Pâques!

SUITE DE LA PA G E 3

Message «urbi et orbi»

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 5

Messe chrismale du Jeudi Saint

Oints pour oindre«Nous avons été oints pour oindre»: c’est ce qu’a dit le Pape aux près de deux mille prêtres quiont concélébré avec lui la Messe chrismale dans la matinée du Jeudi Saint, 18 avril, dans labasilique vaticane. Au terme de la Messe, le Pape a remis aux concélébrants et aux diacres unecopie du livre La nostra fatica è preziosa per Gesù. Omelie nelle Messe crismali [Nos effortssont précieux pour Jésus. Homélies lors des Messes chrismales], qui rassemble ses homéliesprononcées lors des précédentes Messes chrismales célébrées en tant que Pape. Le Pape a égalementoffert une image qui lui est chère, celle de l’icône du monastère de Bose représentant un jeunemoine portant sur ses épaules un moine âgé.

Approfondissons un peu cette visionévangélique de la foule. Luc indique quatregrands groupes qui sont destinataires privi-légiés de l’onction du Seigneur: les pauvres,les prisonniers de guerre, les aveugles, lesopprimés. Il les nomme de manière généra-le, mais nous voyons ensuite avec joie que,au cours de la vie du Seigneur, ces person-nes ointes prendront un visage et des nomspropres. De même que l’onction avec l’huiles’applique sur une partie et que son actionbénéfique s’étend à tout le corps, de mêmele Seigneur, reprenant la prophétie d’Isaïe,nomme diverses «foules» auxquelles l’Espritl’envoie, suivant la dynamique de ce quenous pouvons appeler une «préférence in-clusive»: la grâce et le charisme qui sontdonnés à une personne ou à un groupe enparticulier, surabonde, comme toute actionde l’Esprit, au bénéfice de tous.

Les pauvres (ptochoi) sont ceux qui sontcourbés, comme les mendiants qui se cour-bent pour demander. Mais est pauvre (pto-chè) également la veuve qui oint de sesdoigts les deux pièces de monnaie quiétaient tout ce qu’elle avait ce jour-là pourvivre. L’onction de cette veuve pour faire l’au-mône passe inaperçue aux yeux de tous, saufà ceux de Jésus qui regarde avec bonté sapetitesse. Avec elle, le Seigneur peut accom-plir en plénitude sa mission d’annoncerl’Evangile aux pauvres. Paradoxalement, labonne nouvelle que de telles personnes exis-tent, les disciples l’entendent. Elle, la femmegénéreuse, ne se rend pas non plus comptedu fait qu’elle est «apparue dans l’Evangile»(c’est-à-dire que son geste serait mentionnédans l’Evangile): la joyeuse annonce que sesactions «ont du poids» dans le Royaume etcomptent plus que toutes les richesses dumonde, elle le vit en elle comme tant desaints et de saintes «de la porte d’à côté».

Les aveugles sont représentés par l’un desvisages les plus sympathiques de l’Evangile:celui de Bartimée (cf. Mc 10, 46-52), le men-diant aveugle qui a retrouvé la vue et qui, àpartir de ce moment, n’a eu des yeux quepour suivre Jésus sur la route. L’onction dure g a rd ! Notre regard, auquel les yeux de Jé-sus peuvent restituer cet éclat que seull’amour gratuit peut donner, cet éclat quinous est volé tous les jours par les imagesintéressées ou banales dont le monde nouss u b m e rg e .

Pour nommer les opprimés (t e t h ra u s m e -nous), Luc utilise une expression qui con-tient le mot «trauma». Celui-ci suffit pour

L’Evangile de Luc que nous venons d’en-tendre nous fait revivre l’émotion de ce mo-ment où le Seigneur fait sienne la prophétied’Isaïe, lorsqu’il la lit solennellement au mi-lieu des siens. La synagogue de Nazarethétait pleine de parents, de voisins, de con-naissances, d’amis... et de personnes moinsamies. Et tous avaient les yeux fixés sur lui.L’Eglise a toujours les yeux fixés sur Jésus,l’oint que l’Esprit envoie pour oindre lepeuple de Dieu.

Les Evangiles nous présentent souventcette image du Seigneur au milieu de lafoule, entouré et pressé par les gens qui luiamènent les malades, qui le prient de chas-ser les esprits malins, qui écoutent ses ensei-gnements et marchent avec lui: «Mes brebisécoutent ma voix; moi, je les connais, et el-les me suivent» (Jn 10, 27).

Le Seigneur n’a jamais perdu ce contactdirect avec les gens, il a toujours maintenula grâce de la proximité avec le peuple dansson ensemble, et avec chaque personne aumilieu de ces multitudes. Nous voyons celadans sa vie publique, et il en a été ainsi dèsle début: la splendeur de l’Enfant a attirédocilement bergers, rois et vieux rêveurscomme Siméon et Anne. Il en a été ainsiégalement sur la croix: son cœur attire toutle monde à lui (cf. Jn 12, 32): les Véronique,Cyrénéens, larrons, centurions...

Le mot «foule» n’est pas péjoratif. Peut-être à l’oreille de certains, la foule peut sem-bler une masse anonyme, indifférenciée...Mais nous voyons dans l’Evangile que lors-qu’elles communiquent avec le Seigneur —qui se place au milieu d’elles comme unpasteur dans le troupeau — les foules setransforment. Dans l’esprit des gens, le désirde s u i v re Jésus se réveille, l’admiration ger-me, le discernement prend forme.

Je voudrais réfléchir avec vous autour deces trois grâces qui caractérisent la relationde Jésus avec les foules.

La grâce de la sequela

Luc dit que les foules «le cherchaient»(Lc 4, 42) et «faisaient route avec lui» (Lc14, 25), le «pressaient» (Lc 8, 42), l’écra-

saient (cf. Lc 8, 45) et «accouraient pourl’entendre» (Lc 5, 15). Cette sequela des gensva au-delà de tout calcul, elle est une sequelasans conditions, pleine d’affection. Elle tran-che avec la mesquinerie des disciples dontl’attitude envers les gens frôle la cruautélorsqu’ils suggèrent au Seigneur de les con-gédier pour qu’ils cherchent quelque choseà manger. Ici — je crois — commence le clé-ricalisme: en voulant s’assurer la nourritureet son propre confort, en se désintéressantdes gens. Le Seigneur a mis fin à cette ten-tation. «Donnez-leur vous-mêmes à man-ger» (Mc 6, 37), a été la réponse de Jésus:«Prenez en charge les gens!».

La grâce de l’admirationLa seconde grâce que reçoit la foule lors-

qu’elle suit Jésus est celle d’une admirationpleine de joie. Les gens s’étonnaient de Jé-sus (cf. Lc 11, 14), de ses miracles, mais sur-tout de sa Personne même. Les gens ai-maient beaucoup le saluer sur la route, rece-voir sa bénédiction et le bénir, comme cettefemme qui, au milieu de la foule, a béni saMère. Et le Seigneur, de son côté, était ad-miratif de la foi des gens, il s’en réjouissaitet ne perdait pas une occasion pour le fairere m a r q u e r.

La grâce du discernementLa troisième grâce que reçoivent les gens

est celle du discernement: «Les fouless’aperçurent [où se trouvait Jésus] et le sui-virent» (Lc 9, 11). «Elles étaient frappées deson enseignement, car il les enseignait enhomme qui a autorité» (Mt 7, 28-29; cf. Lc5, 26). Le Christ, Parole de Dieu venue dansla chair, suscite chez les gens ce charisme dudiscernement; non pas sans doute un discer-nement de spécialiste sur des questions dis-putées. Quand les pharisiens et les docteursde la Loi discutaient avec lui, ce que lesgens reconnaissaient, c’était l’Autorité de Jé-sus: la force de sa doctrine capable d’e n t re rdans les cœurs, et le fait que les esprits ma-lins lui obéissent; et aussi que, pendant uninstant, il laisse sans voix ceux qui ont desdiscussions insidieuses: les gens se réjouis-sent de cela. Ils savent faire la différence, etils se réjouissent.

SUITE À LA PA G E 7

page 6 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

Frères dans le serviceMesse in Cena Domini avec les détenus de la prison de Velletri

Dans l’après-midi du 18 avril, Jeudi Saint, lePape François s’est rendu à la prison deVelletri, dans la province de Rome, où il aprésidé la Messe «in Cena Domini» avec letraditionnel rite du lavement des pieds dedouze détenus, début du Triduum pascal. Aprèsla proclamation de l’Evangile, le Pape aimprovisé l’homélie suivante.

Je vous salue tous et je vous remercie pourvotre accueil.

J’ai reçu une belle lettre, il y a quelquesjours, de certains d’entre vous qui ne serontpas là aujourd’hui, mais qui ont dit des cho-ses très belles et je les remercie pour cequ’ils ont écrit.

Dans cette prière, je suis profondémentuni à tous: à ceux qui sont ici et à ceux quisont absents.

Nous avons entendu ce qu’a fait Jésus.C’est intéressant. L’Evangile dit: «Jésus sa-chant que le Père avait remis tout entre sesmains», c’est-à-dire que Jésus avait tout lepouvoir, tout. Puis, il commence à faire cegeste de laver les pieds. C’est un geste quefaisaient les esclaves à cette époque, parcequ’il n’y avait pas de goudron sur les routeset quand les gens arrivaient, ils avaient de lapoussière sur les pieds: quand ils arrivaientdans une maison pour une visite ou un re-pas, il y avait les esclaves qui lavaient lespieds. Et Jésus fait ce geste: il lave les pieds.Il accomplit un geste d’esclave: Lui, quiavait tout le pouvoir. Lui, qui était le Sei-gneur, il fait ce geste d’esclave. Puis, il con-seille à tous: «Faites ce geste également par-mi vous». C’est-à-dire servez-vous les unsles autres, soyez frères dans le service, pasdans l’ambition, comme ceux qui dominentles autres, non, soyez frères dans le service.Tu as besoin de quelque chose, d’un servi-ce? Je te le rends. Voilà la fraternité. La fra-ternité est humble, toujours: elle est au ser-vice. Et moi j’accomplirai ce geste — l’Egliseveut que l’évêque l’accomplisse tous les ans,une fois par an, au moins le Jeudi Saint —pour imiter le geste de Jésus et aussi pourfaire du bien à travers l’exemple égalementà soi-même, parce que l’évêque n’est pas leplus important, mais il doit être le plus ser-viteur. Et chacun de nous doit être le servi-teur des autres.

Telle est la règle de Jésus et la règle del’Evangile: la règle du service, pas de la do-mination, de faire du mal, d’humilier les au-tres. Service! Un jour, alors que les apôtresse disputaient entre eux pour savoir «qui estle plus important parmi nous», Jésus pritun enfant et dit: «L’enfant. Si votre cœur

n’est pas un cœur d’enfant, vous ne serezpas mes disciples». Cœur d’enfant, simple,humble, mais serviteur. Et là, il ajoute unechose intéressant que nous pouvons relier àce geste d’a u j o u rd ’hui. Il dit: «Soyez atten-tifs: les chefs des nations dominent, maisentre vous, il ne doit pas en être ainsi. Leplus grand doit servir le plus petit. Quise sent le plus grand doit être serviteur».Nous tous également, nous devons être ser-viteurs. Il est vrai que dans la vie, il y a desproblèmes: nous nous disputons entre

Le Pape déjeune avec dixprêtres de RomeLe Jeudi Saint, jour où l’Eglise rappelle l’institutiondu sacerdoce, le Pape François a coutume de vivreun moment de communion avec des prêtres qui ac-complissent leur ministère dans le diocèse dont il estle pasteur. Cette année également, le Pape a mainte-nu cette tradition: au domicile du cardinal AngeloBecciu, préfet de la Congrégation pour les causesdes saints, il a déjeuné avec dix prêtres du diocèsede Rome, écoutant leurs expériences concrètes etéchangeant des points de vue et des conseils sur lavie pastorale.

nous... Mais cela doit être quelque chosequi passe, quelque chose de passager, parceque dans notre cœur, il doit y avoir toujourscet amour de servir l’autre, d’être au servicede l’a u t re .

Et que ce geste que je ferai aujourd’huisoit pour nous tous un geste qui nous aideà être davantage serviteurs les uns des au-tres, davantage amis, davantage frères dansle service. Avec ces sentiments, continuonsla célébration du lavement des pieds.

Donner un nouveau sens à la détention

cession d’hommes portant entre les mains desdons, fruits de leur travail.

François est arrivé vers 16h20 à la prison deVelletri, dont la population carcérale est ex-clusivement masculine et dont les postes deresponsabilité sont occupés par des femmes:la directrice, Maria Donata Iannantuono; lavice-directrice, Pia Palmieri; et le comman-dant de la police pénitentiaire, Maria LuisaAbossida. Etait également présent l’a u m ô n i e r,le père Franco Diamante.

Lors de la célébration de la Messe, aprèsles lectures, le Pape a improvisé une homéliesur l’importance du service. Des paroles quiont trouvé un écho concret dans le geste dulavement des pieds qui a suivi: à l’image del’humble geste de Jésus avec les apôtres, lePape s’est baissé pour laver et embrasser lespieds de douze hommes: neuf Italiens, unMarocain, un Brésilien et un Ivoirien. Le

plus jeune n’a pas encore vingt ans; le plusâgé en a un peu plus de cinquante. Certainsseront libérés sous peu, d’autres devront at-tendre encore au moins cinq ans.

Au terme de la célébration, la directrice aprésenté la réalité de la prison de Velletri, ensoulignant que «la prison est un lieu de souf-france, mais aussi de rachat et de change-ment», «creuset de légalité à travers des par-cours de rééducation et de réinsertion», enajoutant que le devoir de qui y travaille est deviser «à récupérer la centralité de la personnedétenue», notamment en lui permettantd’acquérir «une formation professionnelle àmettre à profit à l’extérieur», et elle a souli-gné également les difficultés découlant du«grave manque de personnel» et de la «sur-population» de la prison qui accueille pasmoins de 570 personnes pour une capacité de400 places.

GIANLUCA BICCINI

«Ta présence nous aidera àdonner un nouveau sens àla période vécue entre cesmurs». Toute la gratitudedes détenus de la prison deVelletri pour le Pape estcontenue dans un billet quilui a été remis au terme dela Messe «in Cena Domi-ni». Le Pape venait de don-ner la bénédiction finale,après avoir lavé les pieds dedouze détenus, quand acommencé sur l’autel instal-lé dans la salle de théâtrede la prison une petite pro-

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SUITE DE LA PA G E 5

Messe chrismale

Entretien avec sœur Bonetti, auteure des méditations de la Via Crucis

Avec un cœur de mèreNICOLA GORI

Avec un «cœur de mère» qui entend le cri debesoin de ses filles: tel est l’esprit avec lequelsœur Eugenia Bonetti, missionnaire de laConsolata et présidente de l’asso ciation«Slaves no more», a écrit les méditations dela Via Crucis au Colisée, dont nos lecteurstrouveront sur le site www.vatican.va le texteen français.

Dans quel état d’esprit avez-vous abordé ces mé-ditations?

Avec un cœur de mère. Combien de foisdans la rue, en voyant des jeunes filles, ai-jepensé à leurs mères. Je me disais: si cettemère était là, que ferait-elle? Je me souviensd’une jeune fille qui était arrivée depuis peuen Italie. Un jour, je l’ai cherchée de nuit,dans l’obscurité, avec une lampe de poche. Jene la trouvais pas, je continuais, je l’app elais.A un moment, j’ai vu un «tas» par terre.C’était elle, elle s’était endormie. «Mais quefais-tu ici?» lui ai-je demandé. «Mon Dieu jen’en peux plus, ma «madame» (proxénètendt) ne me laisse pas dormir. Je rentre à lamaison, elle me fait prendre une douche, elleme donne quelque chose à manger, et elle

sensibilité, notre amour pour essuyer ces lar-mes. Nous devons vivre notre maternité.Nous, religieuses, en particulier, avons besoinde la vivre pas seulement sur les livres ou enpriant. La prière indique le chemin où rencon-trer le Christ. Après que tu l’as rencontré dansla prière ou dans sa Parole, il te demanded’aller chercher ton frère, de faire le bon Sa-maritain, de voir qui il y a sur la route.

Quelle part y a-t-il de votre expérience concrètedans les méditations?

Dans la Via Crucis, il y a aussi l’histoire detrois jeunes filles qui ont été brûlées. Quel-qu’un a jeté un bidon de pétrole sur le feuqu’elles utilisaient en plein hiver pour se ré-chauffer. Elles ont été brûlées parce qu’elles se

trouvaient autour du feu. Nous avons accueillil’une d’elles dans notre maison, mais ce futvraiment difficile: non seulement pour recons-truire son corps, mais surtout pour l’aider àsurmonter le choc de se sentir brûlée par laviolence, par l’arrogance. Nous, femmes, de-vrions être les samaritaines d’a u j o u rd ’hui.Souvent, en parlant aux religieuses, je dis:mais si aujourd’hui, nos fondateurs et nosfondatrices étaient là, où les trouverions-nous?Pas assis confortablement devant la télévisionou un ordinateur, mais dans les rues.

Comment avez-vous vécu votre vocation mission-n a i re ?

Ma vie missionnaire a changé. Après êtrerevenue d’Afrique, j’ai été envoyée dans unfoyer d’accueil pour femmes immigrées. Audébut, j’avais l’impression d’avoir trahi ma vo-cation missionnaire. Je disais: pourquoi suis-jeici? Moi aussi j’ai eu besoin de la conversionet elle est arrivée à travers Marie, une femmenigériane. Elle était malade, elle avait besoind’aide. Quand j’ai tenté de lui poser quelquesquestions en anglais, j’avais à l’esprit une éti-quette: la femme qui était devant moi étaitune prostituée. Mais quand elle m’a crié:«Please help me, help me!», ma conversion acommencé. J’ai écouté ses sanglots et j’ai sentien moi ce que signifiait de me considérercomme une personne qui se vantait de sesqualités, se considérant supérieure à elle. Enrevanche, c’est précisément elle qui m’a con-vertie. Son histoire m’a fait comprendre ledrame du monde de la nuit dans la rue. Elle asuggéré à ses compagnes de venir chez nous.A Turin, j’ai rencontré plus de trois mille fem-mes. Parfois, le soir, j’allais à la gare, où cesfemmes revenaient de la rue et se traînaient,fatiguées et tristes. Dans ces moments, j’aip ensé à leurs mères que j’ai connues enAfrique, pleines de volonté de vivre, de joie.Et alors, je me suis dit: ma mission n’est plusen Afrique, mais ici.

Que peut-on faire aujourd’hui?

Nous devons ouvrir les portes de nos cou-vents, parce que c’est précisément là que leChrist veut entrer. Notre association effectuedes rapatriements assistés et financés, parceque l’on ne peut pas renvoyer dans son paysune personne dans le besoin. Il faut l’a i d e r.Au Nigeria, nous avons quatre instituts quenous soutenons financièrement, afin qu’ilspuissent travailler avec nous. Ils suivent desgroupes de jeunes filles rapatriées de Libye,dernièrement elles étaient vingt-sept. Certai-nes étaient enceintes et d’autres avec un bébé.Où vont-elles? Leurs familles n’en veulentplus, parce qu’elles sont stigmatisées. Nousavons créé une communauté à Lagos pour lepremier accueil et deux autres qui font de laprévention à travers l’éducation pour donnerun travail à ces femmes. Sans doute ce mo-ment que le Pape a voulu servira lui aussi àfaire connaître cette réalité.

évoquer la parabole, peut-être la préférée deLuc, celle du Bon Samaritain qui oint avec del’huile et bande les blessures (trauma: Lc 10,34) de l’homme qui avait été frappé à mort etqui gisait sur le bord de la route. L’onction dela chair blessée du Christ! Dans cette onctionse trouve le remède pour tous les traumatis-mes qui laissent des personnes, des familles etdes peuples entiers hors-jeu, comme exclus etinutiles, au bord de l’h i s t o i re .

Les p r i s o n n i e rs sont les prisonniers de guerre(aichmalotos), ceux qui étaient conduits à lapointe de la lance (aichmé). Jésus utiliseral’expression en faisant référence à la prison età la déportation de Jérusalem, sa ville bien ai-mée (Lc 21, 24). Aujourd’hui les villes sontemprisonnées non seulement avec des pointesde lances, mais avec les moyens plus subtilsde colonisations idéologiques. Seule l’onctionde notre propre culture, forgée par le travail etpar l’art de nos ancêtres, peut libérer nos vil-les de ces nouveaux esclavages.

Venons-en à nous, chers frères prêtres, nousne devons pas oublier que nos modèles évan-géliques sont ces «gens», cette foule avec cesvisages concrets que l’onction du Seigneur re-lève et vivifie. Ils sont ceux qui complètent etrendent réelle l’onction de l’Esprit en nous,qui avons été oints pour oindre. Nous avonsété pris au milieu d’eux et sans crainte nouspouvons nous identifier à ces gens simples.Chacun de nous a sa propre histoire. Un peude mémoire nous fera beaucoup de bien. Ilssont l’image de notre âme et l’image de l’Egli-se. Chacun incarne le cœur unique de notrep euple.

Nous, prêtres, nous sommes le pauvre, etnous voudrions avoir le cœur de la pauvreveuve lorsque nous faisons l’aumône et lors-que nous touchons la main du mendiant et leregardons dans les yeux. Nous, prêtres, nous

sommes Bartimée, et chaque matin nous nouslevons pour prier en demandant: «Seigneur,que je voie!». Nous prêtres, nous sommes, enquelque point de notre péché, nous sommesle blessé frappé à mort par les voleurs. Etnous voulons, nous d’abord, être entre lesmains compatissantes du Bon Samaritain,pour pouvoir ensuite, avec nos mains, avoircompassion des autres.

Je vous confesse que lorsque je confirme ouque j’ordonne, j’aime répandre le Chrêmeconvenablement sur le front et sur les mainsde ceux qui sont oints. En faisant convenable-ment l’onction, on fait l’expérience que là, sapropre onction est renouvelée. Cela veut dire:nous ne sommes pas des distributeurs d’huileen bouteille. Nous sommes oints pour oindre.Nous faisons l’onction en nous donnant nous-mêmes, en donnant notre vocation et notrecœur. En faisant l’onction, nous sommes denouveau oints par la foi et par l’affection denotre peuple. Nous faisons l’onction en noussalissant les mains en touchant les blessures,les péchés, les angoisses des gens. Nous fai-sons l’onction en nous parfumant les mains entouchant leur foi, leurs espérances, leur fidéli-té et la générosité sans réserve de leur dond’eux-mêmes que beaucoup de personneséminentes prennent pour de la superstition.

Celui qui apprend à oindre et à bénir seguérit de la mesquinerie, de l’abus et de lac ru a u t é .

Prions, très chers frères, en nous mettantavec Jésus au milieu de nos gens, c’est la pla-ce la plus belle. Que le Père renouvelle en nousl’effusion de son Esprit de sainteté et fasse ensorte que nous nous unissions pour implorer samiséricorde pour le peuple qui nous est confié etpour le monde entier. Ainsi, les foules réuniesdans le Christ pourront devenir l’unique Peu-ple fidèle de Dieu qui atteindra sa plénitudedans le Royaume (cf. Prière de consécration desp r ê t re s ).

m’envoie travailler. Je n’enpeux plus». A ce moment, samère m’est venue à l’esprit.Qu’aurait-elle dit?

Quelle station vous a le plusf ra p p é e ?

C’est l’image de Véroniquequi essuie le visage de Jésus.Nous, femmes, avons une gran-de richesse à partager: notre

Sœur Eugenia Bonetti

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO pages 8/9

L’archétyp ede tous les rejetés

RANIERO CA N TA L A M E S S A

«Méprisé, abandonné des hommes, homme dedouleurs, familier de la souffrance, il était pareil àcelui devant qui on se voile la face; et nous l’avonsméprisé, compté pour rien».

Voilà les paroles prophétiques d’Isaïe avec les-quelles la liturgie de la Parole a commencé au-j o u rd ’hui. Le récit de la Passion qui suit a donnéun nom et un visage à ce mystérieux homme desdouleurs, méprisé et rejeté par les hommes, et c’estle nom et le visage de Jésus de Nazareth. Nousvoulons aujourd’hui contempler le Crucifié précisé-ment en cette qualité: en tant qu’archétype et re-présentant de tous les rejetés, les déshérités et les«écartés» de la terre, ceux devant qui on se voilele visage pour ne pas voir.

Ce n’est pas seulement là, au cours de sa Pas-sion, que Jésus a commencé. Toute sa vie, il a étél’un d’entre eux. Il est né dans une étable car «il

la flagellation, ils posent un manteau de comédie;on lui attache les mains avec une corde rugueuseet dans l’une d’elles on met un roseau, symboledérisoire de sa royauté. Il est l’archétype de ceuxqui sont menottés, seuls, à la merci des soldats etdes voyous qui laissent ainsi éclater sur les pauvresmalheureux la colère et la cruauté qu’ils ont accu-mulées dans la vie. Torturé!

«Ecce homo!», «Voici l’homme!» s’exclame Pila-te, en le présentant peu après au peuple (Jn 19, 5).Un mot qui, après le Christ, sera scandé sans fin àl’égard de la foule sur les hommes et des femmesavilis, réduits à des objets, privés de toute dignitéhumaine. Si c’est un homme»: c’est le titre qu’achoisi l’écrivain Primo Levi pour le récit de sa viedans le camp de la mort d’Auschwitz. Sur la croix,Jésus de Nazareth devient l’emblème de toute cettehumanité «humiliée et offensée». On pourraits’exclamer: «Misérables, rejetés, parias de la terreentière: le plus grand homme de toute l’H i s t o i reétait l’un de vous! Quel que soit le peuple, la raceou la religion à laquelle tu appartiens, tu as ledroit de le revendiquer.

Un écrivain et théologien afro-américain — con-sidéré par Martin Luther King comme son maîtreet son inspiration dans sa lutte non-violente pourles droits civiques — a écrit un livre intitulé Jesusand the Disinherited, Jésus et les déshérités. Il ymontre ce que la figure de Jésus représentait pourles esclaves du Sud, dont il était lui-même un des-cendant direct. Dans la privation de tout droit etdans l’abjection la plus totale, les paroles del’Evangile que le ministre du culte noir répétait,dans l’unique réunion qui leur était autorisée, re-donnaient aux esclaves leur sentiment de dignitéd’enfants de Dieu.

C’est dans ce climat que sont nés la plupart deschants negro-spiritual qui, encore aujourd’hui,bouleversent le monde entier (Howard Thurman,Deep River and The Negro Spiritual Speaks of Lifeand Death, Friends United Press, 1975). Au mo-ment de la vente des esclaves, on a vécu la tragé-die de voir des épouses souvent séparées de leursmaris et des parents de leurs enfants, vendus à dif-férents maîtres. Il est facile de voir dans quel étatd’esprit les esclaves chantaient sous le soleil ou àl’abri dans leurs huttes: «Nobody knows the trou-ble I have seen. Nobody knows, but Jesus»: «Per-sonne ne sait ce que j’ai vu. Personne ne le sait,sauf Jésus».

Là n’est pas le seul sens de la Passion et de lamort du Christ, ni même le plus important. Le

sens le plus profond n’est pas le sens social, maisle sens spirituel. Cette mort a racheté le monde dupéché, elle a porté l’amour de Dieu jusqu’à l’en-droit le plus sombre et le plus lointain où l’huma-nité s’était cachée dans sa fuite de Dieu, c’est-à-di-re la mort. Là n’est pas, disais-je, le sens le plusimportant de la Croix, mais c’est celui que tous,croyants et non-croyants, peuvent reconnaître eta c c u e i l l i r.

Je répète, tous, pas seulement les croyants. Si,du fait de son incarnation, le Fils de Dieu s’est faithomme et s’est uni à l’humanité tout entière, parla m a n i è re dont il s’est incarné, il s’est fait l’un despauvres et des exclus, il a épousé leur cause. Il achoisi de nous en assurer lui-même, en affirmantsolennellement: «Ce que vous avez fait à l’affamé,à l’inconnu, au prisonnier, à l’exilé, c’est à moi quevous l’avez fait; ce que vous ne leur avez pas fait,c’est à moi que vous ne l’avez pas fait» (Mt 25, 31-46).

Mais nous ne pouvons pas nous en arrêter là. SiJésus n’avait eu que cela à dire aux déshérités dumonde, il n’en aurait été qu’un de plus, un exem-ple de dignité dans le malheur et rien d’autre. Ouplutôt, cela aurait été une nouvelle charge contreDieu qui permet tout cela. On connaît bien laréaction indignée d’Ivan, le frère rebelle des Fr è re sKaramazov de Dostoïevski, lorsque son pieux petitfrère Aliocha lui parle de Jésus: «Ah! oui, “le seulsans péché” et “qui a versé son sang”. Non, je nel’ai pas oublié, je m’étonnais, au contraire, que tune l’aies pas encore mentionné, car dans les discus-sions, les vôtres commencent par le mettre enavant, d’habitude» (Les frères Karamazov, V. 4).

En fait, l’Evangile ne s’arrête pas là; il dit autrechose, il dit que le Crucifié est ressuscité! En lui a

Célébration de la Passion

Dans l’après-midi du 19 avril, Vendredi Saint, le PapeFrançois a présidé dans la basilique vaticane lacélébration de la Passion du Seigneur. Après laproclamation de Jean (18, 1-19, 42), le prédicateur dela Maison pontificale a prononcé l’homélie suivante.

n’y avait pas de place pour eux dans la salle com-mune» (Lc 2, 7). Au moment de sa présentation auTemple, ses parents ont offert «deux tourterellesou deux jeunes pigeons», offrande prescrite par laLoi pour les pauvres qui ne pouvaient pas se per-mettre d’offrir un agneau (cf. Lv 12, 8). Un vérita-ble certificat de pauvreté en Israël à l’époque. Aucours de sa vie publique, il n’a «pas d’endroit oùreposer la tête» (Mt 8, 20), c’est un sans-abri.

Et nous arrivons à la Passion. Dans son récit, ily a un moment sur lequel on ne s’arrête pas sou-vent, mais qui est chargé de sens: Jésus dans leprétoire de Pilate (cf. Mc 15, 16-20). Les soldatstrouvent, dans une clairière tout près, un buissond’épines; ils en prennent une brassée et la lui po-sent sur la tête; sur ses épaules encore en sang de

SUITE À LA PA G E 10

Nous publions la prière composée et prononcée par lePape dans la soirée du 19 avril, Vendredi Saint, auterme de la traditionnelle Via Crucis au Colisée. Lestextes des méditations pour les quatorze stations ontété confiés par le Pape à sœur Eugenia Bonetti,missionnaire de la Consolata, présidente del’Association «Slaves no more» qui défend lespersonnes victimes de la traite d’êtres humains.

Seigneur Jésus, aide-nous à voir dans ta croix tou-tes les croix du monde:la croix des personnes affamées de pain etd’amour;la croix de personnes seules abandonnées mêmepar leurs propres enfants et leurs familles;la croix des personnes assoiffées de justice et depaix;la croix des personnes qui n’ont pas le réconfortde la foi;la croix des personnes âgées qui se traînent sous lepoids des années et de la solitude;la croix des migrants qui trouvent les portes fer-mées à cause de la peur et des cœurs blindés pardes calculs politiques;la croix des petits, blessés dans leur innocence etleur pureté;la croix de l’humanité qui erre dans l’obscurité del’incertitude et dans l’obscurité de la culture del’instantané;la croix des familles brisées par la trahison, par lesséductions du malin ou par la légèreté meurtrièreet par l’égoïsme;la croix des consacrés qui cherchent inlassablementà apporter ta lumière dans ce monde et se sententrejetés, moqués et humiliés;la croix des personnes consacrées qui, chemin fai-sant, ont oublié leur premier amour;la croix de tes enfants qui, croyant en toi et cher-chant à vivre selon ta parole, se retrouvent margi-nalisés et abandonnés même par leurs familles etpar leurs contemporains;

la croix de nos faiblesses, de nos hypocrisies, denos trahisons, de nos péchés et de nos nombreusespromesses rompues;

la croix de ton Eglise qui, fidèle à ton Evangile, adu mal à apporter ton amour même parmi les bap-tisés;

la croix de l’Eglise, ton épouse, qui se sent conti-nuellement assaillie de l’intérieur et de l’extérieur;

la croix de notre maison commune qui se flétrit sé-rieusement sous nos yeux égoïstes et aveuglés parla cupidité et par le pouvoir.

Seigneur Jésus, ravive en nous l’espérance de la ré-surrection et de ta victoire définitive contre toutmal et toute mort. Amen!

Toutes les croix du mondePrière du Pape au Colisée

Un cœur qui voit

«U

ne fois élevé de terre, j’attirerai tous les hom-mes à moi». Vendredi soir a été le moment del’élévation et tous les yeux du monde se sont

posés sur cette croix, le «trône» d’un roi qui n’estpas de ce monde.

Tous les yeux fixés, qui regardent; mais qui voientaussi? Quand Pasolini rencontra Mère Teresa deCalcutta, il écrivit sur son journal de l’Inde queMère Teresa est une petite religieuse albanaise qui,«quand elle regarde, voit».

Dans les méditations écrites par sœur EugeniaBonetti, cette petite religieuse milanaise, retournel’invocation «Seigneur, aide-nous à voir», que le Pa-pe a faite sienne dans sa réflexion orante par laquel-le s’est conclu le rite de la Via Crucis au Colisée.«Seigneur Jésus, aide-nous à voir dans Ta Croixtoutes les croix du monde», a répété le Pape, avantde décliner le catalogue des croix de ce monde.

Les chrétiens ont appris à voir dans les autrespersonnes des frères, à discerner dans le regard duprochain souffrant le visage du Christ, notre pre-mier-né. Vendredi soir, le Pape a invité les chrétiens,

mais aussi tous les hommes du monde, à contemplerle crucifix et donc à porter le regard vers les autrescroix présentes dans le monde, souvent si prochesqu’elles échappent à la vue d’un cœur distrait. Parceque le cœur est l’organe de la vue. Benoît XVI, danssa première encyclique, rappelle que le programmedu chrétien est «le programme du bon Samaritain,le programme de Jésus — est un cœur qui voit»(Deus caritas est, n. 31).

La première croix est celles «des personnes affa-mées de pain et d’amour», parce que «l’homme nevit pas seulement de paix», faim d’amour et soif dejustice et de paix. Mais il existe de nombreusescroix, chacune de ces seize catégories que le Pape aénumérées mériterait une profonde réflexion: il y ala croix de la solitude de ceux qui sont abandonnés«même par leurs propres enfants et leurs familles»,la croix sans doute la plus répandue dans les gran-des villes, en particulier pour les personnes âgées«qui se traînent sous le poids des années et de la so-litude». Il y a la croix «des petits, blessés dans leurinnocence et leur pureté» et la double croix desconsacrés, ceux qui sont fidèles à leur vocation qui«se sentent rejetés, moqués et humiliés» et ceux qui«chemin faisant, ont oublié leur premier amour» etle même schéma se répète pour tous les enfants deDieu, les marginalisés parce que fidèles et ceux quitombent sous le poids de la croix de leurs fragilitéset de leurs faiblesses. Il en est ainsi pour l’Eglise fi-dèle, mais également fatiguée, qui se sent «conti-nuellement assaillie de l’intérieur et de l’extérieur».Enfin, il y a ceux qui vivent hors de l’Eglise, il y ala croix «des personnes qui n’ont pas le réconfort dela foi», la croix «de l’humanité qui erre dans l’ob-scurité de l’incertitude et dans l’obscurité de la cul-ture de l’instantané».

La lutte se joue entre l’obscurité et la lumière.Une fois de plus, c’est une question de regard, devision, d’yeux et de cœur. Le cœur du pasteur quiéprouve de la compassion pour son troupeau, lepeuple de Dieu dans sa totalité qui contient ceuxqui résiste et demeurent fidèles et ceux qui tombe lelong du chemin. A l’opposé, il y a les «cœurs blin-dés» de ceux qui ne voient pas la croix des migrantset qui ferment leurs portes par peur, «yeux égoïs-tes» et «aveuglés par la cupidité et par le pouvoir»qui ne voient pas la croix «de notre maison commu-ne qui se flétrit».

Il ne suffit pas alors de regarder, ni de s’e f f o rc e rde le faire, il faut demander de l’aide à l’autre, àl’Autre, pour réussir enfin à voir.

ANDREA MONDA

page 10 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

SUITE DE LA PA G E 8

Vendredi de la Passion

Le Vendredi Saint du Pape François

Avec les victimes des nouveaux esclavages

eu lieu un renversement completdes rôles: le perdant est devenu levainqueur, le jugé est devenu lejuge, «la pierre méprisée de vous,les bâtisseurs, est devenue la pier-re d’angle» (cf. Ac 4, 11). La der-nière parole n’a pas été — et nesera jamais — l’injustice et l’op-pression. Jésus n’a pas seulementrestauré la dignité des déshéritésdu monde; il leur a donné une es-p é ra n c e !

Au cours des trois premiers siè-cles de l’Eglise, la célébration dePâques ne se composait pas com-me maintenant de: Vendredisaint, Samedi saint et Dimanchede Pâques. Tout était concentréen une seule journée. Au cours dela vigile pascale, on commémoraitautant la mort que la résurrectiondu Christ. Plus précisément: onne commémorait ni la mort, ni larésurrection, comme étant desfaits distincts et séparés; on com-mémorait plutôt le passage duChrist de l’une à l’autre, de lamort à la vie. Le mot «Pâques»(pessah) signifie passage: passagedu peuple juif de l’esclavage à laliberté, passage du Christ de cemonde à son Père (cf. Jn 13, 1), etpassage de ceux qui croient en luidu péché à la grâce.

C’est la fête du renversementopéré par Dieu et réalisé enChrist; c’est le début et la pro-messe du seul renversement tota-lement juste et irréversible dudestin de l’humanité. Pauvres, ex-clus, et vous qui appartenez auxdifférentes formes d’esclavage en-

core présentes dans notre société:Pâques est votre fête!

La Croix contient égalementun message pour ceux qui sontsur l’autre rive: pour les puis-sants, les forts, ceux qui se sen-tent à l’aise dans leur rôle de «ga-gnants». Et c’est un message,comme toujours, d’amour et desalut, et non de haine ou de ven-geance. Qui leur rappelle qu’à lafin, ils seront condamnés au mê-me sort que tout le monde faibleset puissants, sans défense et ty-rans, tous sont soumis à la mêmeloi et aux mêmes limites humai-nes. La mort, comme une épée deDamoclès, est suspendue au-des-sus de notre tête à tous, elle estsuspendue à un fil. Elle met engarde contre le pire mal pourl’homme qu’est l’illusion de tou-te-puissance. Il n’est nul besoinde remonter trop loin dans letemps, il suffit de repenser àl’Histoire récente pour se rendrecompte à quel point ce danger estfréquent et conduit individus etpeuples à la catastrophe.

Les Ecritures ont des parolesde sagesse éternelle, adressées auxdirigeants de la scène de ce mon-de: «Ecoutez donc, juges de toutela terre […] les puissants serontjugés avec puissance» (Sg 6, 1.6).

«L’homme comblé qui n’estpas clairvoyant ressemble au bé-tail qu’on abat» (Ps 48, 21).

«Quel avantage un homme au-ra-t-il à gagner le monde entier,s’il se perd ou se ruine lui-mê-me?» (Lc 9, 25).

L’Eglise a reçu le mandat deson fondateur d’être du côté despauvres et des faibles, d’être la

voix de ceux qui ne peuvent sefaire entendre et, Dieu merci,c’est ce qu’elle fait, surtout en lapersonne de son pasteur suprême.

La deuxième tâche historiqueque les religions doivent assumerensemble aujourd’hui, outre depromouvoir la paix, est de ne pasrester silencieuses devant le spec-tacle qui se déroule sous nos yeuxà tous. Quelques privilégiés surterre possèdent des biens qu’ilsn’arriveraient pas à consommer,dussent-ils vivre des siècles,quand des foules immenses depauvres n’ont même pas un croû-ton de pain ni une gorgée d’eau àdonner à leurs enfants. Aucunereligion ne peut rester indifféren-te, car le Dieu de toutes les reli-gions n’est pas indifférent à toutcela.

Revenons à la prophétie d’Isaïepar laquelle nous avons introduitcette méditation. Elle commencepar la description de l’humiliationdu Serviteur de Dieu, mais se ter-mine par la description de sonexaltation finale. C’est Dieu quiparle: «Par suite de ses tour-ments, il verra la lumière, […]parmi les grands, je lui donneraisa part, avec les puissants il parta-gera le butin, car il s’est dépouillélui-même jusqu’à la mort, et il aété compté avec les pécheurs,alors qu’il portait le péché desmultitudes et qu’il intercédaitpour les pécheurs» (Is 53, 11-12).

Dans deux jours, la liturgiedonnera un nom et un visage à cetriomphateur: Jésus, le Christ res-suscité! Veillons et méditons dansl’attente.

La prière du Pape retentit dans le cielde Rome comme un appel insistant àouvrir les yeux adressé à l’humanité.Au terme des quatorze stations de latraditionnelle Via Crucis du VendrediSaint au Colisée, le Pape dévoile «tou-tes les croix du monde»: celles des vic-times des nouveaux esclavages, de ceuxqui sont blessés dans le corps et dansl’âme par l’exploitation, par la traite,par l’abus, de ceux qui vivent la condi-tion dramatique de migrant, de ceuxqui sont écrasés par le poids de la mar-ginalisation, de la pauvreté et de la so-litude. Ce sont les croix de la planètetout entière, «notre maison commune»,exploitée de façon égoïste par avidité etpar pouvoir; et celles de l’Eglise «con-tinuellement assaillie de l’intérieur etde l’extérieur».

Dans le silence orant des milliers depersonnes rassemblées dans la soiréedu 19 avril sur la colline du Palatin,François, debout sous le baldaquin ins-tallé devant l’amphithéâtre Flavien, aélevé ainsi son invocation, aussi dou-loureuse qu’ouverte dans ses dernièresparoles à l’«espérance de la résurrec-tion».

Après la prière de conclusion, le Pa-pe a donné la bénédiction aux fidèlesrassemblés devant le Colisée et auxmillions de spectateurs qui ont suivi laprocession dans le monde, à travers latélévision, la radio et internet.

Dans l’après-midi, dans la basiliqueSaint-Pierre, la célébration de la Pas-sion du Seigneur s’était ouverte par legeste de François prosterné à terre de-vant l’autel de la confession, dans lapénombre silencieuse de la basiliquevaticane.

Se relevant, le Pape a pris place surle côté droit de la nef, face à la statuede saint Pierre et, au son de la prièreReminiscere miserationum tuarum Dominea commencé la liturgie de la Parole.

François a introduit la prière univer-selle: les intentions ont été élevées pourl’Eglise, pour le Pape, pour tous les or-dres sacrés et tous les fidèles, les caté-chumènes, pour l’unité des chrétiens,pour les juifs, les non-chrétiens et ceuxqui ne croient pas en Dieu, pour lesgouvernants et les personnes en diffi-culté, c’est-à-dire les malades, ceux quiont faim, les prisonniers, les oppriméset les migrants.

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 11

Veillée pascale du Samedi saint

La fête de l’enlèvement des pierresSamedi 20 avril, le Pape François a présidédans la basilique vaticane la solennelle veilléepascale de la Nuit sainte. Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie que le Pape aprononcée après la proclamation de l’Evangile.

1. Les femmes portent les aromates à la tom-be mais elles craignent que le trajet soit inu-tile car une grosse pierre barre l’entrée dutombeau. Le chemin de ces femmes, c’estaussi notre chemin; il ressemble au chemindu salut que nous avons parcouru ce soir.Sur ce chemin, il semble que tout vienne sebriser contre une pierre: la beauté de lacréation contre le drame du péché; la libéra-tion de l’esclavage contre l’infidélité à l’Al-liance; les promesses des prophètes contre latriste indifférence du peuple. Il en est ainsiégalement dans l’histoire de l’Eglise et dansl’histoire de chacun de nous: il semble queles pas accomplis ne parviennent jamais aubut. L’idée peut ainsi s’insinuer que la frus-tration de l’espérance est la loi obscure de lavie.

Mais nous découvrons aujourd’hui quenotre chemin n’est pas vain, qu’il ne se co-gne pas contre une pierre tombale. Unephrase ébranle les femmes et change l’his-toire: «Pourquoi cherchez-vous le Vivantparmi les morts?» (Lc 24, 5); pourquoi pen-sez-vous que tout cela ne serve à rien, que

personne ne puisse enlevervos pierres? Pourquoi cédez-vous à la résignation ou àl’échec? Pâques, frères etsœurs, est la fête de l’enlève-ment des pierres. Dieu enlè-ve les pierres les plus durescontre lesquelles viennents’écraser les espérances et lesattentes: la mort, le péché, lapeur, la mondanité. L’his-toire humaine ne finit pasdevant une pierre tombale,car elle découvre aujourd’huila «Pierre vivante» (cf. 1 P 2,4): Jésus ressuscité. Nous,comme Eglise, nous sommesfondés sur lui et, même lors-que nous perdons courage,lorsque nous sommes tentésde tout juger sur la base denos échecs, il vient faire tou-tes choses nouvelles, renver-ser nos déceptions. Chacun,ce soir, est appelé à retrou-ver, dans le Vivant, celui quienlève du cœur les pierresles plus lourdes. Deman-dons-nous avant tout: quelleest ma pierre à retirer, com-ment se nomme cette pierre?

Souvent la pierre de la mé-fiance entrave l’esp érance.

Huit personnesbaptisées par le Pape

Au cours de la célébration de la Veilléepascale, le Pape François a administré les troissacrements de l’initiation chrétienne à huitpersonnes: la moins jeune, née en 1958, estl’Indonésienne Anastasia Clara; le plus jeune,né en 1998, est l’Italien Giovanni Battista.Trois autres sont italiens: Marcelo et Alina,âgés tous deux de trente-quatre ans, et Silvana(40 ans). Avec eux également Alexandra Karla,de l’Equateur (28 ans), Mario Gefersson,péruvien (29 ans) et Adela, albanaise (30 ans).Selon la tradition, la veillée a commencé dansl’atrium par la solennelle cérémonie dulucernaire, c’est-à-dire la bénédiction du feu etl’allumage du cierge pascal. Les lectures ontété proclamées en français, en anglais, enespagnol et en italien, tandis que les psaumeset le passage évangélique ont été chantés enlatin. Au terme de la célébration, a étéentonnée l’antienne mariale du Regina caeli,tandis que François s’est arrêté devant la statuede la Vierge avec l’Enfant située à côté del’autel.

Quand l’idée que tout va mal prend del’ampleur, et qu’il n’y a jamais de fin au pi-re, nous en arrivons, résignés, à croire que lamort est plus forte que la vie, et nous deve-nons cyniques et moqueurs, porteurs de dé-couragement malsain. Pierre sur pierre nousconstruisons en nous un monument à l’insa-tisfaction, le tombeau de l’e s p é ra n c e . En nousplaignant de la vie, nous rendons la vie dé-pendante des plaintes, et spirituellementmalade. Une sorte de psychologie du tombeaus’insinue alors: toute chose finit là, sans es-pérance d’en sortir vivant. Voilà alors laquestion cinglante de Pâques: Pourquoi cher-chez-vous le Vivant parmi les morts? Le Sei-gneur n’habite pas dans la résignation. Il estressuscité, il n’est pas là; ne le cherche pasoù tu ne le trouveras jamais: il n’est pas leDieu des morts, mais des vivants (cf. Mt 22,32). N’enterre pas l’esp érance!

Il y a une seconde pierre qui souventscelle le cœur: la pierre du péché. Le péchéséduit, promet des choses faciles et rapides,bien-être et succès, mais il laisse ensuite, àl’intérieur, solitude et mort. Le péché, c’estchercher la vie parmi les morts, le sens de lavie dans les choses qui passent. P o u rq u o icherchez-vous le Vivant parmi les morts? Pour-quoi ne te décides-tu pas à abandonner cepéché qui, comme une pierre à l’entrée du

cœur, empêche la lumière divine d’e n t re r ?Pourquoi aux brillants éclats de l’argent, dela carrière, de l’orgueil et du plaisir, ne pré-fères-tu pas Jésus, la vraie lumière (cf. Jn 1,9)? Pourquoi ne dis-tu pas aux vanités mon-daines que ce n’est pas pour elles que tu vis,mais pour le Seigneur de la vie?

2. Revenons aux femmes qui vont autombeau de Jésus. Devant la pierre enlevée,elles restent abasourdies; en voyant les an-ges, elles sont, dit l’Evangile, «saisies decrainte», «le visage incliné vers le sol» (Lc24, 5). Elles n’ont pas le courage de lever leregard. Et combien de fois cela nous arrive-t-il à nous aussi: nous préférons rester pros-trés dans nos limites, nous terrer dans nospeurs. C’est étrange: mais pourquoi faisons-nous ainsi? Souvent parce que, dans la fer-meture et la tristesse, nous sommes les pro-tagonistes, parce qu’il est plus facile de res-ter seuls dans les pièces obscures de notrecœur que de nous ouvrir au Seigneur. Et ce-pendant lui seul relève. Une poétesse aécrit: «Nous ne connaissons jamais notretaille tant que nous ne sommes pas appelésà nous lever» (E. Dickinson, We never knowhow high we are). Le Seigneur nous appelleà nous lever, à nous redresser sur sa Parole,à regarder vers le haut et à croire que noussommes faits pour le Ciel, non pas pour laterre; pour les hauteurs de la vie, non paspour les bassesses de la mort: Pourquoi cher-chez-vous le Vivant parmi les morts?

Dieu nous demande de regarder la viecomme lui la regarde, lui qui voit toujoursen chacun de nous un foyer irrésistible debeauté. Dans le péché, il voit des enfants àrelever; dans la mort, des frères à ressusciter;dans la désolation, des cœurs à consoler. Necrains donc pas: le Seigneur aime cette viequi est la tienne, même quand tu as peur dela regarder et de la prendre en main. A Pâ-ques, il te montre combien il l’aime: aupoint de la traverser tout entière, d’é p ro u v e rl’angoisse, l’abandon, la mort et les enfers

SUITE À LA PA G E 12

page 12 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

REGINA CAELI DU LUNDI DE L’ANGE

Des actes inhumains jamais justifiablesChers frères et sœurs, bonjour!A u j o u rd ’hui et tout au long de cette semai-ne, la joie pascale de la résurrection de Jé-sus, dont nous avons commémoré l’événe-ment admirable hier, se poursuit dans la li-turgie, même dans la vie.

Au cours de la veillée pascale, ont retentiles paroles prononcées par les anges près dutombeau vide du Christ. Aux femmes quiétaient allées au sépulcre à l’aube le premierjour après le sabbat, ils dirent: «Pourquoicherchez-vous parmi les morts celui qui esten vie? Il n’est pas ici, il est ressuscité» (Lc24, 5-6). La résurrection du Christ constituel’événement le plus bouleversant de l’his-toire de l’humanité. Elle témoigne de la vic-toire de l’Amour de Dieu sur le péché et lamort et donne à notre espérance de vie unfondement aussi solide que le roc. Ce quiétait humainement impensable est arrivé:«Jésus de Nazareth […] Dieu l’a ressuscité,le libérant des douleurs de la mort» (Ac 2,22.24).

En ce Lundi de «l’Ange», la liturgie, avecl’Evangile de Matthieu (cf. 28, 8-15), nousramène au tombeau vide de Jésus. Celanous fera du bien d’aller en pensée au tom-beau vide de Jésus. Les femmes remplies depeur et de joie, partent en hâte pour allerannoncer aux disciples que le tombeau estvide; et à ce moment-là Jésus apparaît de-vant elles. Elles «se sont approchées et ellesont embrassé ses pieds et l’ont adoré» (v. 9).Elles l’ont touché: ce n’était pas un fantô-me, c’était Jésus, vivant, en chair, c’était lui.

mières et qui ont annoncé qu’Il était vivant.A u j o u rd ’hui, chers frères et sœurs, les pa-

roles de Jésus adressées aux femmes réson-nent aussi pour nous: «N’ayez pas peur; al-lez annoncer…» (v. 10). Après les rites duTriduum pascal, qui nous ont fait revivre lemystère de la mort et de la résurrection deNotre Seigneur, nous le contemplons main-tenant avec les yeux de la foi, ressuscité etvivant. Nous aussi nous sommes appelés àle rencontrer personnellement et à devenirses annonceurs et ses témoins.

Avec l’antique Séquence liturgique de Pâ-ques, nous répétons ces jours-ci: «Le Christ,mon espérance, est ressuscité!». Et en lui,nous aussi nous sommes ressuscités, passantde la mort à la vie, de l’esclavage du péchéà la liberté de l’amour. Laissons-nous doncrejoindre par le message consolateur de Pâ-ques pour qu’il nous enveloppe de sa lumiè-re glorieuse qui dissipe les ténèbres de lapeur et de la tristesse. Jésus ressuscité mar-che à nos côtés. Il se manifeste à ceux quil’invoquent et qui l’aiment. Avant tout dansla prière, mais aussi dans les joies simplesvécues avec foi et gratitude. Nous pouvonsaussi le sentir présent en partageant des mo-ments de cordialité, d’accueil, d’amitié, decontemplation de la nature. Que ce jour defête, dont la coutume est de profiter d’unpeu de temps libre et de gratuité, nous aideà faire l’expérience de la présence de Jésus.

Demandons à la Vierge Marie de pouvoirpuiser à pleine main la paix et la sérénité,dons du Ressuscité, pour les partager avecnos frères, en particulier avec qui a davanta-ge besoin de réconfort et d’esp érance.

Au terme du Regina Cæli du 22 avril, lePape a prononcé les paroles suivantes:

Chers frères et sœurs, je voudrai exprimerà nouveau ma proximité spirituelle et pater-nelle au peuple du Sri Lanka. Je suis trèsproche de mon frère, le cardinal MalcolmRanjith Patabendige Don, et de toute l’Egli-se archidiocésaine de Colombo. Je prie pourles très nombreux blessés et victimes et jedemande à tous de ne pas hésiter à offrir àce cher pays toute l’aide nécessaire. Jesouhaite, dans le même temps que tous con-damnent ces actes terroristes, actes inhu-mains, jamais justifiables. Prions la Vierge...Je vous salue Marie...

Dans le climat pascal qui caractérise cejour, je vous salue tous avec affection, les fa-milles, les groupes, les pèlerins venus d’Ita-lie et de toutes les parties du monde.

Je souhaite à tous de passer ces journéesde l’octave de Pâques dans la foi, dans la-quelle se prolonge le souvenir de la Résur-rection du Christ. Saisissez toutes les bon-nes occasions pour être témoins de la joie etde la paix du Seigneur ressuscité.

Bonne et Sainte Pâque à tous! S’il vousplaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bondéjeuner et au revoir.

Veillée pascale

pour en sortir victorieux et te dire: «Tu n’espas seul, aies confiance en moi!». Jésus estspécialiste pour transformer nos morts en vie,nos plaintes en danse (cf. Ps 30, 12): avec luinous pouvons accomplir nous aussi la Pâque,c’est-à-dire le passage: passage de la fermetu-re à la communion, de la désolation à la con-solation, de la peur à la confiance. Ne restonspas à regarder par terre, apeurés, regardonsJésus ressuscité: son regard nous insuffle l’es-pérance, parce qu’il nous dit que nous som-mes toujours aimés et que malgré tout ce quenous pouvons faire, son amour ne changepas. Ceci est la certitude non négociable dela vie: son amour ne change pas. Deman-dons-nous: dans la vie, où est-ce que je regar-de? Est-ce que je contemple des milieux sé-pulcraux ou est-ce que je cherche le Vivant?

3. Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi lesmorts? Les femmes écoutent l’appel des angesqui ajoutent: «Rappelez-vous ce qu’il vous adit quand il était encore en Galilée» (Lc 24,6). Ces femmes avaient oublié l’esp éranceparce qu’elles ne se rappelaient pas des paro-les de Jésus, son appel survenu en Galilée.Ayant perdu la mémoire vivante de Jésus, el-les restent à regarder le tombeau. La foi a be-soin de revenir en Galilée, de raviver le pre-mier amour avec Jésus, son appel: se souvenirde lui, c’est-à-dire revenir de tout cœur à lui.Revenir à un amour vivant avec le Seigneurest essentiel, autrement, on a une foi de mu-sée, non pas la foi pascale. Mais Jésus n’est

pas un personnage du passé, il est une per-sonne vivante, aujourd’hui; on ne le connaitpas dans les livres d’histoire, on le rencontredans la vie. Faisons aujourd’hui mémoire dumoment où Jésus nous a appelés, où il avaincu nos ténèbres, nos résistances, nos pé-chés; de la manière dont il nous a touché lecœur par sa Parole.

Frères et sœurs, retournons en Galilée.Les femmes, se souvenant de Jésus, quit-

tent le tombeau. Pâques nous apprend que lecroyant s’arrête peu au cimetière, parce qu’ilest appelé à marcher à la rencontre du Vi-vant. Demandons-nous: dans ma vie, vers quoiest-ce que je marche? Parfois nous allons tou-jours et seulement vers nos problèmes, qui nemanquent jamais, et nous allons vers le Sei-gneur seulement pour qu’il nous aide. Maisalors, ce sont nos besoins, et non Jésus, quinous orientent. Et c’est toujours chercher leVivant parmi les morts. Combien de fois,ensuite, après avoir rencontré le Seigneur, re-tournons-nous parmi les morts, rôdant ennous-mêmes pour raviver les regrets, les re-mords, les blessures et les insatisfactions, sanslaisser le Ressuscité nous transformer. Chersfrères et sœurs, donnons au Vivant la placecentrale dans notre vie. Demandons la grâcede ne pas nous laisser entraîner par le cou-rant, par l’océan des problèmes; de ne pasnous briser sur les pierres du péché et sur lesécueils de la méfiance et de la peur. Cher-chons-le, lui, laissons-nous chercher par lui,cherchons-le, lui, en toute chose et avanttout. Et avec lui, nous ressusciterons.

SUITE DE LA PA G E 11

Jésus chasse la peurde leur cœur et lesencourage encore plusà annoncer ce quis’est passé à leurs frè-res. Tous les évangilessoulignent le rôle desfemmes, Marie deMagdala et les autres,en tant que premierstémoins de la résur-rection. Les hommes,effrayés, étaient enfer-més au cénacle. Pierreet Jean, avertis parMadeleine, font seule-ment une sortie rapi-de au cours de laquel-le ils trouvent le tom-beau ouvert et vide.Mais ce sont les fem-mes qui ont rencontréle Ressuscité les pre-

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 13

Message de Pâques des patriarches de Terre Sainte

Paix à Jérusalem et dans le monde«Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme ill’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait»(Mt 28, 6)

Nous, patriarches et chefs des Eglises deJérusalem, vous adressons nos vœux de Pâ-ques au nom de Notre Seigneur ressuscité etSauveur Jésus Christ. Du cœur de Jérusa-lem et du centre du monde, nous procla-mons à nouveau: Christ est ressuscité; Il estvraiment ressuscité, Alléluia! Ces vœux dePâques nous ont été transmis par nos pèreset mères fidèles au fil des siècles. «Il n’estpas ici. Il est ressuscité...», telle a été l’an-

nonce de l’ange qui apparut aux femmesprès du tombeau, et proclama que ce n’estpas la mort qui a le dernier mot, mais leDieu de la vie.

Jésus dit: «Moi, je suis venu pour que lesbrebis aient la vie, la vie en abondance»(Jn 10, 10). En tant que croyants, nous som-mes appelés à marcher dans la vie de Jésusressuscité, une vie en abondance et non pasde disette. Par sa vie, sa mort et sa résurrec-tion, Jésus a suscité une nouvelle création etrestauré toutes choses, y compris l’image deDieu dans les êtres humains. La fête de la

Résurrection nous rappelle que la dignitéhumaine doit être respectée et honorée.

Les êtres humains sont créés à l’image deDieu et sont donc égaux devant Dieu. Pâ-ques est le moment où la famille humaineest célébrée à la lumière de la vie divine etde l’abondance. Jérusalem, la ville de la ré-surrection, est le phare de l’espérance et dela vie. Le tombeau vide nous rappelle cons-tamment les événements qui ont eu lieudans et autour de la ville sainte. Jésus estvenu pour offrir une vie abondante dans la-quelle le péché et la mort sont vaincus. Laville de la vie est aussi la ville de la paix etde la réconciliation. Par conséquent, le sta-tut multireligieux et multiculturel de Jérusa-lem doit être maintenu: puissent toutes lesconfessions abrahamiques trouver en elleune ville de paix et de quiétude. Nous con-tinuons à prier pour une paix juste et dura-ble à Jérusalem et dans le monde entier.

Entretien avec l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem

Encourager les pèlerinages sur la terre de Jésus

SUITE À LA PA G E 14

Dieu, ici, nous n’avons pas vécu les problè-mes de la Syrie et de l’Irak où, en quelquesannées, la présence chrétienne s’est réduite dedeux-tiers et même plus. Nous assistons plu-tôt à une usure constante de nos communau-tés, au sein de l’usure plus générale qui neconcerne pas seulement les chrétiens. Leschrétiens vivent les mêmes problèmes quetous les autres. En Israël, le nombre de chré-tiens arabes diminue en pourcentage, parceque les juifs et les musulmans font plus d’en-fants, mais pas en termes absolus. La situa-tion en Palestine est différente. Ici, l’émigra-tion est considérée souvent comme la seulevoie pour échapper aux difficultés. C’est sur-tout la classe moyenne qui s’en va, les jeunesentrepreneurs, disons; mais le départ de tellespersonnes a un poids spécifique élevé. Lesgens simples, en revanche, demeurent, parcequ’ils n’ont même pas les moyens de partir.D’autre part toutefois, les communautés chré-tiennes sont vivantes et actives, les espaces depratique confessionnelle sont garantis; la cré-dibilité et la réputation des chrétiens sont res-pectées par la majorité de la population aussibien musulmane que juive. Je répète toutefoisque les réalités sont très différentes: la situa-tion des chrétiens de Galilée ayant un passe-port israélien est très différente de celle deschrétiens de Jérusalem et encore plus deschrétiens de Bethléem ou qui vivent au-delà

du mur. Et puis encore plus Gaza... pour la-quelle il n’y a qu’un seul terme qui puissedonner le sens de la réalité: une tragédie...

Il y a ensuite le phénomène émergeant de la nou-velle immigration.

Oui, c’est vrai. En Jordanie (elle aussi sousla juridiction du patriarcat de Jérusalem), lesgens proviennent des Philippines et du SriLanka, en Israël, il y a de nombreux Philip-pins et Indiens. Beaucoup d’entre eux sontchrétiens; environs soixante mille. Au début,ils se sont réunis et coordonnés spontané-ment; à présent, nous avons préparé une pas-torale spécifique. Depuis quelques années, àcôté du vicariat pour les juifs catholiques,nous avons créé un vicariat spécifique pourles immigrés orientaux, avec la présence d’unprêtre philippin. Ils vivent souvent dans desconditions sociales et de travail très précaires.

Quelles sont les priorités aujourd’hui?

Pour commencer, j’espère que l’on arriverabientôt à la signature d’un Concordat entrel’Etat d’Israël et l’Eglise: les négociationssont en cours depuis longtemps. Non pas queles espaces de pratique religieuse soient remisen question; mais nous ressentons la précarité

FILIPPO MORLACCHIet ROBERTO CETERA

Entrer dans les longs et solen-nels salons du patriarcat latinde Jérusalem, en laissant der-rière soi le chaos de la portede Jaffa, est comme entrerdans une autre dimension.L’administrateur apostolique,l’archevêque franciscain Pier-battista Pizzaballa, nous ac-cueille.

Pouvons-nous dire que l’époqueactuelle représente l’un des mo-ments les plus difficiles de cesprès de huit cents ans de présencechrétienne en Terre Sainte?

Non, je ne pense pas. Ils’agit certainement d’un mo-ment très délicat. Mais je nepartage pas les lectures catas-trophiques de la présence chré-tienne en Terre Sainte. Grâce à

Nous prions sans relâchepour toutes les régions oùrègnent la violence et la dé-tresse, en particulier les ac-tes perpétrés contre les per-sonnes innocentes et leslieux de culte. Nous noussouvenons aussi dans nosprières de toutes les femmeset de tous les enfants quisont confrontés à la violenceet à l’injustice partout dansle monde. Nous appelonstous les peuples à respecterla dignité de chaque per-sonne humaine et à marcherensemble vers l’intégrité etla plénitude de la vie.

Nous invitons tous nosfrères chrétiens du mondeentier, et tout particulière-ment notre peuple de fidè-les de Terre Sainte et duMoyen-Orient, à affermirleur foi dans les célébrationspascales. Puissions-noustous être témoins de la ré-

surrection en promouvant les valeurs de No-tre Seigneur ressuscité, qui est le Chemin, laVérité et la Vie, et en nous impliquant acti-vement dans la vie de l’Eglise et de la socié-té en général.

Christ est ressuscité; Il est vraiment res-suscité, Alléluia! Alléluia! Alléluia!

Les patriarches et chefsdes Eglises de Jérusalem

Le message a été signé par Théophilos III(patriarcat grec orthodoxe; Nourhan Ma-nougian (patriarcat arménien apostoliqueorthodoxe); Mgr Pierbattista Pizzaballa (ad-ministrateur apostolique, patriarcat latin);Francesco Patton, OFM, (Custode de TerreSainte); Mgr Anba Antonious (patriarcatcopte orthodoxe, Jérusalem); Mgr GabrielDaho (patriarcat syrien orthodoxe); MgrAba Embakob (patriarcat éthiopien ortho-doxe); Mgr Yaser Al-Ayash (patriarcat grec-melkite-catholique); Mgr Mosa El-Hage(exarchat patriarcal maronite); Mgr SuheilDawani (Eglise épiscopale de Jérusalem etdu Moyen-Orient); Mgr Ibrahim Sani Azar(Eglise évangélique luthérienne de Jordanieet de Terre Sainte); Mgr Pierre Malki (exar-chat patriarcal syriaque-catholique); MgrKrikor-Okosdinos Coussa (exarchat patriar-cal catholique arménien).

Célébration du Dimanche des Rameaux à Jérusalem

page 14 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

Les 92 ans de Benoît XVI

La «voie pénitentielle» qui unit deux pontificatsANDREA TORNIELLI

Le Pape émérite atteint l’âge de 92 anset cette fois, son anniversaire s’accom-pagne d’un vif débat autour de l’un

de ses écrits, quelques-unes de ses «notes»,— comme lui-même les a appelées —, consa-crées au thème des abus sur mineurs. Dansce texte, Benoît XVI se demande quelles sontles réponses justes à la plaie des abus etécrit: «L’antidote au mal qui nous menace,ainsi que le monde entier, ne peut queconsister dans le fait de nous abandonner»à l’amour de Dieu. Il ne peut exister aucuneespérance dans une Eglise faite par nous,construite par les mains de l’homme et quicompte sur ses propres capacités. «Si nousréfléchissons à ce qu’il faut faire, il est clairque nous n’avons pas besoin d’une autreEglise inventée par nous». Aujourd’hui,«l’Eglise est en grande partie vue unique-ment comme une sorte d’appareil politique»et «la crise causée par de nombreux casd’abus par des prêtres pousse même à consi-dérer l’Eglise comme quelque chose de raté,que nous devrions décidément reprendre enmain nous-mêmes et reformer de manièrenouvelle. Mais une Eglise faite par nous nepeut représenter aucune espérance».

Il peut être utile de souligner, en célé-brant l’anniversaire de Joseph Ratzinger,l’approche que tant Benoît XVI que son suc-cesseur François ont eu face aux scandaleset aux abus sur les mineurs. Une réponse

peu médiatique et peu retentissante, qui nepeut être réduite à un slogan. C’est une ré-ponse qui ne repose pas sur les structures(même si nécessaires), sur de nouvelles nor-mes d’urgence (tout aussi nécessaires), ousur des directives toujours plus détaillés etsoignés pour garantir la sécurité des enfants(indispensables au demeurant): autant d’ins-truments utiles déjà définis ou en cours dedéfinition.

La réponse de Benoît d’abord, puis deFrançois ensuite, est une réponse profondé-ment et simplement chrétienne. Pour lecomprendre, il suffit de relire trois docu-ments. Trois lettres au Peuple de Dieu, enIrlande, au Chili et au monde entier, que

elle-même ne génère pas la transformation àlaquelle le Saint-Esprit nous pousse. Noussommes tenus de promouvoir conjointementune transformation ecclésiale qui nous con-cerne tous».

Le Pape Bergoglio insiste sur le fait quel’Eglise ne se construit pas d’elle-même, nerepose pas sur elle-même: «Une Eglise avecdes plaies ne se met pas au centre, ne secroit pas parfaite, ne cherche pas à couvriret à cacher son mal, elle s’en remet plutôtau seul qui peut guérir les blessures et qui apour nom Jésus Christ».

On arrive ainsi au 20 août 2018, à la let-tre de François au Peuple de Dieu sur lethème des abus. La première d’un Pape

E n t re t i e navec le père Pizzaballa

de vivre dans un sorte de «limbes juridiques».Malgré les discussions que l’on connaît sur laloi dite pour l’Etat juif, prévaut en Israël unsentiment laïc de respect et de tolérance, mêmesi le pays, vire, pour ainsi dire, à droite. Jérusa-lem et Tel Aviv sont aussi proches... que loin-taines. Mais, en revenant à la présence histo-rique des églises chrétiennes en Terre Sainte, leterrain d’affrontement principal entre les fac-tions, et qui nous implique nécessairement, estcelui de la terre. Il m’est arrivé de dire, pourdécrire la situation actuelle, que la guerre quiest en cours est essentiellement une «guerreimmobiliaire». N’oublions jamais qu’Israël estun pays relativement petit: l’affrontement con-cerne chaque mètre, chaque maison. Nousavons besoin, pour survivre, qu’aucun terrain,qu’aucune maison de l’Eglise, comme dechaque chrétien, ne soit cédé. Et c’est pour ce-la que la solidarité notamment matérielle desautres églises est très importante pour nous.

De quelle façon?

La collecte du Vendredi Saint qui est verséeà la Custodie franciscaine de Terre Sainte toutd’abord, mais il est tout aussi important que leflux des pèlerinages vers la terre de Jésus nes’interrompe pas. Il est bon de rappeler que lepèlerinage n’est pas seulement un signe tangi-ble du salut qui nous a été donné ici, maisqu’il est également une source de revenu et detravail pour des milliers de chrétiens qui viventici.

SUITE DE LA PA G E 13

Les vœux du Papeà son prédécesseur

aussi être réservée à l'adoration eucharis-tique». Prière, adoration, jeûne et pénitence.L’Eglise n’accuse pas des ennemis de l’exté-rieur, elle est consciente que l’attaque laplus forte arrive de l’intérieur et du péchéde l’Eglise. Et le remède proposé est la re-découverte de l’essentiel de la foi et d’uneEglise «pénitente», qui reconnaît avoir be-soin de pardon et de l’aide d’En-Haut. Lecœur du message, empreint d’humilité, dedouleur, de honte, de contrition, mais enmême temps ouvert à l’espérance, est le re-gard chrétien, évangélique.

Huit ans plus tard, le 1er juin 2018, uneautre lettre d’un Pape à un pays frappé parle scandale de la pédophilie est rendue pu-blique. Celle que François envoie aux Chi-liens. «Faire appel à vous, écrit-il, vous de-mander de prier n’était pas un recours fonc-tionnel usuel, ni un simple geste de bonnevolonté», mais au contraire, «je voulais pla-cer les choses à leur place, précise et pré-cieuse, et situer le problème là où il doitêtre: le statut du Peuple de Dieu... Le re-nouvellement de la hiérarchie ecclésiale par

adressée sur ce thème aux fidèles du mondeentier. Ce nouvel appel au Peuple de Dieuse conclut lui aussi de la même manière:«La prière et la pénitence nous aideront.J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu àl’exercice pénitentiel de la prière et du jeû-ne, conformément au commandement duSeigneur, pour réveiller notre conscience,notre solidarité et notre engagement en fa-veur d’une culture de la protection et du“jamais plus” à tout type et forme d’abus».

La prière et la pénitence, en outre, «nousaideront à sensibiliser nos yeux et notrecœur à la souffrance de l’autre et à vaincrel’appétit de domination et de possession,très souvent à l’origine de ces maux».

Encore une fois, François suggère un che-min pénitentiel, très éloigné de toute formede triomphalisme — comme il l’a répété lorsde l’homélie du Dimanche des Rameaux —,et de l’image d’une Eglise forte et protago-niste, qui cherche à cacher ses faiblesses etson péché. La même proposition que sonp r é d é c e s s e u r.

deux Papes ont écrites auplus fort des tensions enraison des scandales.

En écrivant aux fidèlesd’Irlande, en mars 2010,le Pape Ratzinger expli-quait que «les mesurespour faire face de maniè-re juste aux crimes indi-viduels sont essentielles,toutefois elles ne suffi-sent: il faut une nouvellevision pour inspirer lagénération présente et lesgénérations futures à tirerprofit du don de notrefoi commune».

Benoît XVI invitait tousles fidèles «à consacrer(leurs) pénitences duvendredi, pendant uneannée entière, d'au-jourd'hui jusqu'à laPâque 2011, à cette fin. Jevous demande d'offrirvotre jeûne, votre prière,votre lecture de la SainteEcriture et vos œuvres demiséricorde pour obtenirla grâce de la guérison etdu renouveau pourl'Eglise qui est en Irlan-de. Je vous encourage àredécouvrir le sacrementde la Réconciliation et àrecourir plus fréquem-ment à la force transfor-matrice de sa grâce».

«Une attention parti-culière, ajoutait-il, devra

Au début de la Semaine Sainte, le Pape François s’est rendu dansl’après-midi du lundi 15 avril au monastère Mater Ecclesiae pourapporter ses vœux de Pâques à Benoît XVI. La rencontre a égale-ment offert au Pape l’occasion de souhaiter, avec une affectionparticulière, un bon anniversaire au Pape émérite, qui a célébréses 92 ans mardi 16 avril.

numéro 17, mardi 23 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 15

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Cité du Vaticane d . f r a n c a i s e @ o s s ro m .v a

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ANDREA MONDAd i re c t e u r

Giuseppe Fiorentinov i c e - d i re c t e u r

Jean-Michel Couletrédacteur en chef de l’édition

Rédactionvia del Pellegrino, 00120 Cité du Vatican

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Collège épiscopalNominations

Le Saint-Père a nommé:

10 avril

S.Exc. Mgr JOSEPH SON SAM-SEOK, jusqu’àprésent auxiliaire du diocèse de Busan (Co-rée): évêque du diocèse de Busan (Corée), letransférant du siège titulaire de Fessei.le père DARLEY JOSÉ KUMMER, du clergé dudiocèse de Porto Alegre (Brésil), jusqu’à pré-sent curé de São Luiz Gonzaga à Canoas:évêque auxiliaire de l’archidiocèse de PortoAlegre (Brésil), lui assignant le siège titulaireépiscopal d’Elvas.

Né le 12 mai 1967 à Roca Sales, archidio-cèse de Porto Alegre, Etat du Rio Grande doSul (Brésil), il a été ordonné prêtre le 13 jan-vier 1996 pour le clergé de Porto Alegre. Il aexercé différentes fonctions pastorales au seinde son diocèse et également dans le domainede la formation sacerdotale en séminaire. Ilétait jusqu’à présent curé de São Luiz Gonza-ga à Canoas et vicaire épiscopal du vicariat deCanoas.

13 avril

S.Exc. Mgr BRIAN DUNN: archevêque coadju-teur de l’archidiocèse d’H a l i f a x - Ya r m o u t h(Canada), le transférant du diocèse d’Antigo-nish.

Né à Saint John’s, Newfoundland (Cana-da), le 8 janvier 1955, il a été ordonné prêtre le28 août 1980 pour le diocèse de Grand Falls(Canada). Après avoir été curé de quatre pa-roisses, il est devenu enseignant au séminaireet, le 9 octobre 2008, il a été ordonné évêque

et nommé auxiliaire de Sault Sainte Marie,jusqu’à son transfert au siège d’Antigonish le21 novembre 2009. En outre, il collaborait ausein de la commission pour la liturgie et lessacrements de la conférence épiscopale du Ca-nada.

le père RICARD O AUGUSTO RODRÍGUEZ ÁLVA -REZ, du clergé de l’archidiocèse de Lima (Pé-rou), jusqu’à présent curé de la paroisse «San-ta María de Nazareth»: évêque auxiliaire del’archidiocèse de Lima (Pérou): lui assignantle siège titulaire épiscopal d’Elie;

Né le 14 giugno 1962 à Lima (Pérou), il aété ordonné prêtre le 13 décembre 1987 et in-cardiné dans l’archidiocèse de Lima. Aprèsavoir exercé différentes fonctions pastoralesdans diverses paroisses de son diocèse, il étaitdevenu curé de Santa Maria de Nazareth àLima en 2016.

le père GUILLERMO TEOD ORO ELÍAS MILLA-RES, du clergé du diocèse de Carabayllo (Pé-rou), jusqu’à présent curé de la paroisse «ElSeñor de la Paz»: évêque auxiliaire de l’a rc h i -diocèse de Lima (Pérou), lui assignant le siègetitulaire épiscopal de Torri di Numidia.

Né le 16 novembre 1953 à Lima (Pérou), il aété ordonné prêtre le 8 décembre 1981 et in-cardiné dans l’archidiocèse de Lima. En 1996,lors de la création du diocèse de Carabayllo,démembré de l’archidiocèse de Lima, il a étéincardiné dans ce nouveau diocèse. Aprèsavoir été prêtre dans différentes paroisses, en2010 il était devenu curé de El Señor de laPaz et vicaire épiscopal de la commission ma-riage et famille dans le diocèse de Carabayllo.

16 avril

Mgr SERVERUS JJUMBA, du clergé du diocèsede Masaka (Ouganda), jusqu’à présent vicairegénéral: évêque de Masaka (Ouganda).

Né le 2 août 1962 à Katinnyondo-Kyanna-mukaala, dans le diocèse de Masaka (Ougan-da), il a été ordonné prêtre le 20 juin 1992pour le diocèse de Masaka. Il a été vicaire pa-roissial de Mpambire (1992-1993); formateur etéconome au petit séminaire de Bukalasa(1993-2000); économe diocésain (2000-2014).Depuis 2014, il était vicaire général et modéra-teur de curie.

le père PA S C UA L LIMACHI ORTIZ, du clergé dudiocèse de El Alto (Bolivie) et vicaire généraldu même diocèse: évêque auxiliaire de El Alto(Bolivie), lui assignant le siège titulaire de Be-lesasa.

Né le 5 mai 1963 à La Paz (Bolivie), il a étéordonné prêtre le 29 juin 1992 pour le clergéde son archidiocèse natal, puis en 1994, à lasuite de la création du diocèse de El Alto, dé-membré de celui de La Paz, il a été incardinédans ce nouveau siège résidentiel. Après avoirété curé de diverses paroisses de son diocèse,depuis 2009 il était curé de La Santísima Tri-nidad et, depuis 2015, vicaire général du dio-cèse de El Alto.

le père GERHARD SCHNEIDER, du clergé dudiocèse de Rottenburg-Stuttgart (République

fédérale d’Allemagne), jusqu’à présent recteurdu séminaire propédeutique Ambrosianum àTübingen et responsable du personnel du dio-cèse: évêque auxiliaire du diocèse de Rotten-burg-Stuttgart (République fédérale d’Allema-gne), lui assignant le siège titulaire épiscopald’Abbir Germaniciana.

Né le 22 janvier 1969 à Ulm, dans le diocè-se de Rottenburg-Stuttgart (République fédé-rale d’Allemagne), après avoir travaillé plu-sieurs années dans une banque, il est entré auséminaire et a été ordonné prêtre le 6 juillet2002 pour le clergé de Rottenburg-Stuttgart.De 2004 à 2009, il a exercé ses fonctions dansla formation des futurs prêtres au collègethéologique Wilhelmsstift de Tübingen et, en2009, il a été nommé directeur du séminairepropédeutique Ambrosianum de Tübingen.Depuis 2010, il était également responsable dupersonnel du diocèse de Rottenburg-Stuttgart.

Démissions

Le Saint-Père a accepté la démission de:

13 avril

S.Exc. Mgr ADRIANO TOMASI, O.F.M., évêquetitulaire d’Obbi, qui avait demandé à être re-levé de la charge pastorale de l’archidio cèsede Lima (Pérou).

16 avril

S.Exc. Mgr JOHN BAPTIST KA G G WA , qui avaitdemandé à être relevé de la charge pastoraledu diocèse de Masaka (Ouganda).

Erection de prélature

3 avril

Le Saint-Père a érigé la prélature apostoliquede Santiago Apóstol de Huancané (Pérou),avec un territoire démembré des prélaturesterritoriales d’Ayaviri et de Juli, le rendantsuffragant de l’archidiocèse d’A re q u i p a .

Le Pape a nommé premier évêque-prélat dela prélature territoriale de Santiago Apóstolde Huancané (Pérou) le père GI O VA N N I CE-FA I , M.S.S.P., curé de la paroisse «San PabloApóstol» dans l’archidiocèse d’Arequipa et su-périeur régional de la Société missionnaire deSaint-Paul au Pérou.

Né le 5 août 1967 à Zebbug, dans le diocèsemaltais de Gozo, en 1984, il est entré dans lasociété missionnaire de Saint-Paul à Malte. Ila été ordonné prêtre le 6 décembre 1997. Dansl’archidiocèse d’Arequipa, il a été curé de San-ta Cruz (2002-2013) et jusqu’à présent, il étaitcuré de San Pablo Apóstol, et également su-périeur régional de la Société missionnaire deSaint-Paul au Pérou.

Audiences pontificales

Le Saint-Père a reçu en audience:

11 avril

M. BAN KI-MO ON, ancien secrétaire généralde l’ON U, président de la commission éthiquede l’«International Olympic Committee».Leurs Eminences MM. les cardinaux:

— LEONARD O SANDRI, préfet de la Congré-gation pour les Eglises orientales;

— ROBERT SARAH, préfet de la Congréga-tion pour le culte divin et la discipline des sa-c re m e n t s ;

S.Exc. Mgr FERNAND O VÉRGEZ ALZAGA,évêque titulaire de Villamagna di Proconsola-re, secrétaire général du gouvernorat de l’Etatde la Cité du Vatican.M. ANDREA RICCARDI, fondateur de la com-munauté de Sant’Egidio.Sa Grâce JUSTIN WE L B Y, archevêque de Can-t e r b u r y.

page 16 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 23 avril 2019, numéro 17

Télégramme du Pape au lendemain du feu qui a frappé Notre-Dame de Paris

Tous mobiliséspour la reconstruction

Les larmes, l’espérance et la foi

La leçon cachéede l’incendie

ANDREA MONDA

Le monde entier s’est ému devant lesimages de Notre-Dame. C’est unbon signe. Soudain, les cathédrales

ont reconquis le centre de l’attention deshommes. Qu’est-ce qu’une cathédrale?Au-delà de l’étymologie du terme, déjàtrès intéressante, l’aspect le plus significa-tif est la dimension communautaire quidistingue les cathédrales comme œuvre dugénie humain. Au Moyen-Age, «obscur»autant qu’un vitrail gothique lui permetde l’être, la construction d’une cathédraleimpliquait la vie entière de la communau-té de la ville, non seulement dans l’espacedu territoire urbain, mais également dansle temps parce que souvent, l’e n t re p r i s edépassait la limite des générations et ungrand nombre de ceux qui avaient com-mencé le travail n’arrivaient pas à le voirterminé, ce qui revenait en revanche àleurs enfants et petits-enfants. Ils consa-craient leur vie à un travail gigantesquequ’ils ne devaient pas voir fini. Tout unpeuple collaborait à l’édification de la ca-thédrale, chacun jouant son rôle, chacunapportant sa pierre, un peu comme ce quia lieu dans les grand poèmes et les légen-des de l’antiquité: qui a écrit Les mille etune nuits? Qui se souvient des noms desarchitectes des cathédrales? Des cendresdu toit de Notre-Dame s’élève donc uneleçon d’humilité très précieuse pour au-j o u rd ’hui (surtout en raison des effets surle plan socio-politique), un enseignementqui semble radicalement à contre-courantde l’esprit du temps moderne marqué parl’hypertrophie de l’ego, par la présenceencombrante des archi-stars. Une vieilleanecdote illumine sans doute le secret ca-ché dans cette humilité générationnelle:on raconte qu’un artisan occupé à la cons-truction d’une cathédrale, tandis qu’ilsculptait un oiseau sur une poutre qui al-lait être recouverte par le toit répondit, àqui lui demanda: «Mais pourquoi perds-tu tant de temps pour quelque chose quepersonne ne verra?»: «Parce que Dieuvoit».

En relançant l’hashtag #NotreDame, aulendemain de l’incendie qui a détruit dansla soirée du lundi 15 avril une partie dela cathédrale de Paris, le Pape a assuréde sa proximité et de sa prièrel’archevêque de Paris, Mgr MichelAupetit, dans le télégramme suivant.

Suite à l’incendie qui a ravagé unegrande partie de la cathédrale Notre-Dame, je m’associe à votre tristesse,ainsi qu’à celle des fidèles de votre dio-cèse, des habitants de Paris et de tousles Français. En ces Jours Saints oùnous faisons mémoire de la passion deJésus, de sa mort et de sa résurrection,je vous assure de ma proximité spiri-tuelle et de ma prière.

Cette catastrophe a gravement en-dommagé un édifice historique. Maisj’ai conscience qu’elle a aussi affecté unsymbole national cher au cœur des Pa-risiens et des Français dans la diversitéde leurs convictions. Car Notre-Dameest le joyau architectural d’une mémoi-re collective, le lieu de rassemblementpour nombre de grands événements, letémoin de la foi et de la prière des ca-tholiques au sein de la cité.

En saluant le courage et le travaildes pompiers qui sont intervenus pourcirconscrire l’incendie, je forme le vœuque la cathédrale Notre-Dame puisseredevenir, grâce aux travaux de recons-truction et à la mobilisation de tous, cebel écrin au cœur de la cité, signe de lafoi de ceux qui l’ont édifié, église-mèrede votre diocèse, patrimoine architectu-ral et spirituel de Paris, de la France etde l’humanité.

Avec cette espérance, je vous accordede grand cœur la bénédiction aposto-lique, ainsi qu’aux évêques de France etaux fidèles de votre diocèse, et j’app ellela bénédiction de Dieu sur les habi-tants de Paris et sur tous les Français.

JEAN-MICHEL COULET

Lundi 15 avril 2019. 18h50. Des flammesrougeoyantes embrasentet enveloppent Notre-Dame.

Notre-Dame: notre maison à tous, croyants etnon-croyants, vers laquelle convergent chaque jour,chaque année, des millions de personnes.Notre-Mère à tous, aux pieds de laquelle chacundépose ses prières, ses joies, ses pensées, ses espoirset ses souffrances. Notre-Dame, carrefour de laFrance chrétienne, carrefour de l’Europe, du mondequi brûle. C’est le temple de la foi, mais ausside la rencontre, de l’histoire et de la civilisationde tous les temps qui est frappé.Scotché devant les médias sociaux, le monde sedécouvre impuissant et remet le sort de notre Maisonentre les mains d’une poignée d’hommes valeureux,les pompiers de l’humanité que l’on souhaiteraitenvoyer éteindre et dompter les autres flammesqui embrasent le monde.Et je pense: Notre-Dame, qui t’élèves au piedde la colonne du transept droit, sur toi il pleut descendres et des braises. Les orgues qui annonçaient

tous les dimanches la célébration de ton fils mortet ressuscité se sont tues. Seul le crépitementdes charpentes de bois embrasées troublent le silencedans lequel est plongé ta Maison. C’est le carême.Le début de la passion, de la Semaine Sainte.Mais du dehors te parviennent en ce triste momentles «Je vous salue Marie» chantés par une fouleinnombrable et recueillie, celle des grandes fêtes,celle des fêtes de la foi. Plus les flammes s’élèvent,plus les chants sont pénétrés de douleuret d’espérance. Un rosaire chanté à genoux,toutes générations confondues, dans les ruesde la ville. C’est le dépouillement, c’est le tempsde l’humilité et des larmes qui creusent les visages.Tous les regards sont tournés vers toi, devenuele centre du monde et chacun se rappelleque ce grand temple abrite notre foi à tous.«Cette cathédrale, nous la rebâtirons ensemble»s’est engagé solennellement le présidentde la République française, Emmanuel Macron.Tel est notre vœu et notre certitude. Rebâtirensemble pour pouvoir dire qu’aucune flammene viendra jamais à bout de ce que chacun portedans son cœur et qui nous unit.