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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    LES ANALYSES DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

    QUELQUES QUESTIONS THEORIQUES, METHODOLOGIQUES ET

    EPISTEMOLOGIQUES

    Karim Ben Kahla

    article prsentau colloque La flexibilit: condition de survie? organis par lISCAE, Tunis,

    10-11 mars, 1999.

    Lorsque Socrate trouve, en raison de sa bonne sant ou de sa maladie, le vin amer ou doux, faut-il dire que le

    vin a chang, que Socrate a chang, ou encore ni lun ni lautre

    Ce travail essaye de passer en revue la littrature concernant le changement de et

    dans les organisations. Nous proposons pour cela une typologie des analyses et relevons les

    questions fondamentales qui structurent chacun des axes ainsi dvelopps. En fait, il serait

    impossible de dresser un panorama complet des recherches sur ce thme tellement les

    paradigmes diffrents et les crits prolifrent renvoyant chaque fois des conceptions

    diffrentes des organisations et des approches que lon peut avoir de celles -ci. Nous avons

    donc dcider de faire un certain nombre de choix qui devraient nous simplifier cette miseen ordre dune littrature foisonnante :

    - tout dabord, nous nous intressons au champs particulier des thories des

    organisations;

    - ensuite, nous ne retiendrons dans cette analyse que la littrature qui nous a

    sembl tre la plus importante et la plus significative;

    - enfin, on sintressera moins exposer les dtails de la littrature que les

    antinomies rcurrentes, les questions et apories sous-jacente celle-ci et aux dynamiques

    du changement.

    Cette revue des thories dominantes et majeures du changement

    organisationnel permettra dans un deuxime temps daborder le volet de lorganisation et

    de la gestion du changement. Ces deux premires parties mettrons ainsi laccent sur la

    dialectique de lorganisation et du changement e t nous permettront de dgager les dualits

    et les ples thoriques qui nous paraissent structurer les analyses du changement

    organisationnel.

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    Enfin, nous aboutirons une rflexion mthodologique et pistmologique sur les

    difficults de ces analyses et sur les voies qui restent explorer.

    I. LE CHANGEMENT DE ET DANS LES ORGANISATIONS

    Les analyses du changement de et dans les organisations peuvent tre regroupes

    autour de huit thmes: les acteurs du changement; les objets du changement; les origines et

    sources du changement; les niveaux de celui-ci; les formes du changement; les moteurs et

    logique du changement; les tapes, stades et pisodes du changement et, enfin, les finalits

    et fonctions du changement.

    I.1- Les acteurs du changement

    Les analyses du changement et les thories des organisations ont souvent pos la

    question des relations entre les acteurs et le ou les systmes. Cette problmatique classique

    a t aborde soit en privilgiant un ple au dpend de lautre, soit en essayant de relever

    les marges de libert des acteurs, les stratgies dexploitation de ceux -ci par ces mmes

    acteurs ou, dans dautres cas, en relevant les oprations de construction ou de structuration

    mutuelles entre acteurs et systmes ou structures. Mme si les acteurs du changement sont

    souvent anonymes, diffus et difficilement identifiables, il nen demeure pas moins que

    trois groupes dacteurs dominent la littrature:

    - les ingnieurs ou techniciens des structures et des stratgies qui sont souvent des

    experts-consultants internes ou externes jouant le rle de prparateur et/ou de

    facilitateur du changement;

    - les hros et leader du changement (souvent rvolutionnaire ou prsent comme

    tel) qui se prsentent comme des constructeurs de sens et des innovateurs;

    - enfin, et par contraste avec ces deux figures gagnantes, on trouve les

    victimes du changement qui reprsentent des individus et/ou des organisations

    soumises lenvironnement.

    Les thories de la dcision et les thories de laction ont galement pens cette

    relation complexe entre acteur individuel ou collectif et systme construit ou instruit.

    Dans le domaine de la gestion, on a souvent reproch aux analyses les confusions

    faites entre lentreprise et son dirigeant.

    Les thories du leadership ont mis laccent sur la psychologie du dirigeant, sur

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    lmergence du leadership et sur le profil de linnovateur1. Dautres thories de la

    motivation mettent galement en relation les facteurs individuels avec la cohsion ou

    lclatement de lacteur ou des acteurs collectifs. Les figures du leader, de lentrepreneur

    et du mdiateur ont ainsi fait lobjet de plusieurs crits. Enfin, le rle de lacteur individuelou collectif comme initiateur ou comme suiveur du changement a galement t analys

    en relation aux rgimes de justification ou dargumentation de celui-ci. Lacteur du

    changement est un rhteur et est tout aussi engag dans des rgimes dargumentation quil

    lest dans ceux de laction.

    II. 2Les objets du changement

    Plusieurs travaux traitent du sur quoi et sur qui porte le changement ? .

    Les objets que lon gre (que lon change) afin de changer (dautres objets) sont, en

    premier lieu les acteurs de lorganisation ou de son environnement. Au-del de ces facteurs

    humains, les objets du changement peuvent tre soit matriels soit idels.

    Les objets matriels portent gnralement sur les structures et les contextes daction

    (exemple passer dune structure pyramidale une structure en rseau) ou sur les processus

    (exemple: passer de la standardisation la flexibilit).

    Pour leur part, les objets idels du changement relvent gnralement des orientations

    stratgiques des individus ou des organisations, de la culture (exemple passer dune culture

    base sur le contrle une culture valorisant la confiance) et/ou de la connaissance

    (exemple les dynamiques entre connaissances tacites et explicites).

    Il va sans dire que les changements des aspects idels sont intimement lis ceux des

    aspects matriels et que les uns peuvent prparer ou dcouler des autres.

    II 3 - Les origines du changement

    Les recherches peuvent tre regroupes autour de trois axes dominants:

    - le premier groupe met laccent sur les forces exognes et sur limpact delenvironnement. Il sagit essentiellement du courant de lcologie des organisations

    dinspiration lamarckienne ou darwinienne avec un dterminisme environnemental

    plus ou moins fort (Hannan et Freeman, 1977) et des approches institutionnalistes

    (Aldrich, 1993, Scott, 1995) qui, contrairement au courant prcdant, mettent laccen t

    sur les dimensions culturelles, symboliques et imaginaires des organisations.

    1Linnovation tant considre comme la caractristique dominante de lentrepreneur.

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    Linstitutionnalisation des organisations prsupposerait alors certains mcanismes

    disomorphisme (Oliver, 1988).

    - Le deuxime groupe sintresse aux forces endogne et met en avant lerle des interactions entre composantes de lorganisation dans le changement. Les

    analyses ont alors souvent port soit sur les relations fonctionnelles (ou

    dysfonctionnelles) entre la totalit (du systme) et les parties ou composantes de celui-

    ci (Gouldner, 1959) soit sur les mouvements de contradiction et/ ou de renforcement de

    forces et/ ou dimpratifs qui finissent par constituer des configurations plus ou moins

    stables (Miller, 1987; Mintzberg, 1990). Le premier groupe de recherches analyse les

    relations totalits/parties en mettant laccent sur le fait que le systme existe en

    fonction de lintgration de ses parties (de sa cohrence) alors que les units tendent

    bnficier et prserver un minimum dautonomie fonctionnelle. Pour leur part, les

    recherches configurationnelles interprtent le changement comme un rsultat dun

    manque de cohrence des choix organisationnels.

    - Le troisime groupe remet en cause la distinction interne/externe etsinterroge sur la notion de frontire de lorganisa tion et sur les oprations de

    dfinition, redfinition et construction de lorganisation et de ses changements.

    Llment pertinent de lanalyse devient alors non pas lunit, ou lorganisation, mais

    le rseau dinterdpendances (Quinn et Cameron, 1988: 46 ).

    II.4 - Les niveaux du changement

    La littrature organisationnelle est traverse par des analyses portant sur le niveau

    de la tche, de lacteur, celui du groupe, celui de lentreprise, celui du groupe dentreprises

    (approches sectorielles, stratgiques ou configurationnelles), celui des populations et enfin,

    celui du changement en lui-mme (on sinterroge alors sur les possibilits et les conditions

    dun changement du changement).

    Les analyses du changement au niveau de lentreprise ont mis laccent sur les

    volutions de lorganisation, ceux de la stratgie, ou encore celui dun niveau plus gnral

    et plus gnrique: les configurations.

    A leur tour les changements de lorganisation peuvent concerner sa culture, sa

    structure, ses systmes et/ou les personnes. Pour sa part, le changement de la stratgie peut

    porter sur la vision, le portefeuille dactivits, le positionnement stratgique, les

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    programmes et/ou les ressources (Mintzberg et Westley, 1995)

    Ces configurations ont t prsentes comme des construits rsultants de

    limbrication de trois niveaux de structure: linfrastructure technologique, la socio -

    structure relationnelle et politique et la superstructure des cultures et des valeurs

    (Fombrum, ; Desreumaux, 1995). La question devient alors danalyser les processus

    dimbrication, de structuration et dvolution de ces diffrents niveaux. Lapproche

    structurationniste de Giddens (1987) prsente lune des analyses les plus discutes de ces

    imbrications.

    II.5- Les formes de changement

    Plusieurs auteurs distinguent entre un changement du type 1 qui serait

    reproducteur et volutionnaire et un changement du type 2 qui serait transformateur ou

    rvolutionnaire (Watzlawick 1981 et Miller et Friesen, 1984 ont t les auteurs les plus

    cits dans cette perspective).

    Selon Tushman et Romanelli (1985), la vie des organisations est caractrise par

    de longues priodes stables de convergence, o le changement est restreint des

    ajustements incrmentaux qui consolident les orientations stratgiques dj choisies

    suivies par des changements rvolutionnaires dans des priodes courtes et peu frquentes

    appeles rorientations.

    Alors que les adaptations/volutions2

    graduelles semblent correspondre des

    environnements voluant de faon prvisible, les changements radicaux

    (rvolution/ajustement)3

    ont reu plusieurs explications. Dans certains cas, des ajustements

    marginaux successifs seraient susceptibles de conduire la transformation radicale du

    systme lui-mme. En effet, soit les ajustements partiels et incrmentaux des sous units

    conduisent une refonte de lensemble de lorganisation, soit ces ajustements sont

    lorigine dune perte progressive et continue dalignement de lorganisation davec son

    environnement. Dans cette deuxime situation, les managers risquent dtre incapables de

    percevoir la drive stratgique de lorganisation tant que celle-ci na pas conduit un tat

    2La thorie de la contingence structurelle privilgie les adaptations, lcologie des organisations, lvolution,

    les thories de lacteur, lajustement.3Rvolution peut signifier que tout change en mme temps mais aussi et surtout quun ou quelques lments

    trs importants changent rapidement.

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    de crise et ce nest que lorsquun tel tat est atteint que le changement radical devient

    ncessaire. Enfin, les forces perturbatrices internes ou externes peuvent faire voluer le

    systme si loin de ses paramtres dquilibre initiaux que leur rtablissement devient

    improbable. A cet instant, un changement infime - qui, normalement, ne provoquerait pasde transformation majeure - entrane le systme vers une nouvelle configuration

    (Vandangeon-Dermez, 1998). Ainsi, plus les composantes dune organisation seraient

    fortement interdpendantes, plus celle-ci rsisterait aux changements et plus on aurait du

    mal identifier un lment isol responsable de la russite ou de lchec de celle -ci

    (Miller et Friesen, 1984) et plus le changement sera alors retard jusqu ce que le cot de

    non-restructuration devienne suffisamment lev pour justifier un grand mouvement

    touchant un grand nombre dlments la fois

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    : cest le changement quantique.

    Par ailleurs, impliquant la modification de plusieurs lments la fois, le

    changement quantique est gnralement coteux. Il sensuit quen vue de minimiser la

    priode de transition, dviter au plus vite lescots supports cause de linadaptation de

    lancienne configuration et de bnficier des avantages de celle nouvelle, ce type de

    changement devrait tre rare et rapide. Ainsi, le changement quantique au dbut, toutes

    les chances dtre dramatique et donc rvolutionnaire.

    Mise part la situation de crise profonde, trois circonstances paraissent

    particulirement favorables ce changement rvolutionnaire (que lon pourrait qualifier de

    changement du changement) (Gersick, 1991):

    - le vieillissement du systme. En effet, avec le temps, les systmes humains

    tendent dpasser les structures profondes qui gouvernaient leur action. Celles-ci

    peuvent avoir t influences par linexprience des innovateurs (entrepreneurs), leur

    empressement sengager (un sens dmesur de lentrepreneuriat ou un optimismeexcessif), ainsi que par des attentes dplaces. Cette structure profonde peut galement

    se rvler caduc du fait de la ralisation des objectifs auxquelles elle tait destine, ou du

    fait de son inaptitude faire face de nouvelles exigences.

    - Larrive dune forte personnalit externe tel quun nouveau dirigeant ou un

    nouveau consultant. Cette personnalit apporte une nouvelle vision des choses et une

    4

    Cot de non restructuration ou de manque dadaptation de la situation actuelle cot de changement de lasituation actuelle (pertes des avantages de la situation actuelle) + cots daccs la nouvelle situation (efforts

    ncessaires pour changer).

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    charge psychologique et motionnelle susceptible de rconforter les membres du systme

    en crise et de leur faciliter lacceptation dun changement de la structure profonde.

    - larrive du systme des bornes temporelles importantes qui constituent des

    points focaux o on a tendance faire le bilan de ce qui a t fait et de ce qui reste faire.

    Cest ainsi, par exemple, que les remises en cause tendent tre plus vigoureuses au dbut

    et la fin dun projet.

    Certaines questions mriteraient davantage de recherches: les rvolutions

    seraient-elles plus rentables que les simples volutions ? Y aurait-il des situations ou

    des contextes organisationnels ou environnementaux associs un type de changement

    plutt qu un autre ? Les types de changements se combinent-ils ? Se suivent-ils ? Etc.

    II.6- Les moteurs et logiques de changement

    Pour Aristote, le changement peut avoir quatre causes: matrielle (lairain pour la

    statue), formelle (la notion dfinissant la chose), efficiente (le pre pour lenfant), finale

    (la sant pour la promenade) (Popelard et Vernant, 1997).

    Les moteurs du changement peuvent se situer lintrieur ou lextrieur de

    lorganisation et tre plus ou moins matris par les acteurs internes ou externes de celle-

    ci. Gnralement, les moteurs renvoient lexistence dun dsquilibre, dincertitude(s),

    de tension(s) ou de la recherche dun ou de plusieurs avantages. Miller (1987) parle

    dimpratifs (environnement, structure, leadership et stratgie) dont la dynamique

    expliquerait le changement.

    Il propose alors de classer les organisations selon leur impratif dominant, avant

    de procder des recherches plus approfondies sur les relations entre stratgie, structure,

    environnement et personnalit du dirigeant.

    Pour leur part Van de ven et Poole (1995) dgagent quatre familles de moteurs du

    changement selon que celui-ci est prescrit ou construit, quil porte sur un lment isol ou

    sur plusieurs (avec donc le risque de conflits): le cycle de vie (croissance organique);

    lvolution (survie comptitive); dialectique (opposition, conflit); tlologie (coopration

    volontaire).

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    Famille Cycle de vie.

    (Croissance

    organique).

    Comte; Spencer;

    Piaget...

    Evolution.

    (Survie comptitive)

    Lamarck; Darwin;

    Mendel...

    Dialectique.

    (Opposition, conflit)

    Hegel; Marx; Freud...

    Tlologie.

    (Coopration

    volontaire)

    Mead; Weber;

    Simon...

    Logique Programme

    immanent;

    squence

    ncessaire,

    ordonne;

    dadaptation

    conformiste,

    unitaire

    Slection naturelle au

    sein dune population.

    Forces contradictoires:

    thse, antithse,

    synthse. Le pouvoir

    relatif dune antithse

    peut mobiliser une

    entit organisationnelle

    un degr suffisant

    pour remettre en cause

    la thse ou ltat

    courant et prparer une

    synthse.

    Etat final attendu;

    construction sociale

    des buts en fonction

    des actions passes;

    quifinalit

    (diffrentes faon

    datteindre un

    objectif).

    Progressiondvnement

    Linaire etirrversible;

    squence dtapes

    prescrites (passage

    dun point de

    dpart un point

    darrive).

    Squence rptitive,cumulative et

    probabilistique de

    variation, slection, et

    rtention dvnements

    au sein dentits dans

    une population donne.

    Squence rcurrente,discontinue de

    confrontation, conflit et

    synthse entre des

    valeurs et vnements

    contradictoires.

    Squence/cyclercurrent, discontinu

    de formulation

    dobjectifs, mise en

    oeuvre, valuation et

    adaptation/modificati

    on des objectifs bas

    sur ce qui a t appris

    et sur les tats finaux

    dsirs..

    Force

    gnratrice

    Programme (code)

    naturel, logique ou

    institutionnel

    prescrit les

    contenus

    spcifiques des

    tapes.

    Pnurie, raret et

    comptition;. On peut

    prvoir la probabilit de

    changement des

    caractristiques

    dmographiques de la

    population occupant une

    niche.

    Conflit et confrontation

    entre des entits, forces

    opposes, intrts ou

    classes.

    Enactment

    construction sociale

    volontaire des

    membres de lentit.

    consensus sur les

    moyens;

    coopration/symbiose

    .

    conditions

    dexprience

    Une entit subit le

    changement mais

    maintient son

    identit. Elle passe

    au travers dtapes

    distinguables en

    forme ou fonction.

    Une population dentits

    existant ensemble (dans

    une situation physique

    ou sociale avec des

    ressources limites). Des

    mcanismes identifiables

    existent pour la

    variation, slection etrtention des entits

    dans la population.

    Au moins deux entits

    existent (chacune ayant

    sa propre identit) qui

    soppose ou est en

    contradiction avec

    lautre.

    Individu ou groupe

    agissant comme

    entit unie

    sengageant dans une

    action volontaire afin

    de construire

    socialement et de

    partagercognitivement un tat

    final ou objectif.

    Deux pistes de recherches nous paraissent appeler une meilleure exploration : les

    complmentarits/oppositions des diffrents moteurs et larticulation/combinaison de

    ceux-ci (moteurs oprants diffrents niveaux de lorganisation et dans diffrents

    contextes; quilibre relatif entre les diffrents moteurs et possibilits de combiner ceux-ci).

    I.7- Les tapes, stades, squences et pisodes du changement

    Les analyses qui se sont intresses aux tapes, stades et pisodes du changement

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    relvent gnralement dune conception dterministe de la vie des organisations. Deux

    grandes tendances traversent la rflexion concernant ceux-ci.

    La premire dcoule du courant du dveloppement organisationnel. Cest ainsi,

    par exemple, que Dussault (1993) rcence plus dune cinquantaine de modles de

    dveloppement des entreprises5. Ces modles prsentent gnralement trois cinq stades

    dvolution qui peuvent ou non tre marqus par des crises administratives ou

    organisationnelles et focalisent soit sur les caractristiques des entrepreneurs soit sur le

    rle des crises. Les recherches de Chandler (1972) de Rumelt (1974) et dAnsoff (1968)

    sur larticulation des changements de stratgies et des changements de structure peuvent

    tre rattaches ce premier courant de rflexion. Ces modles prsentent plusieurs

    inconvnients que nous rsumons dans le tableau suivant :

    confusion entre lvolution des organisations et celle des tres humains voire mme celle des produits; linarit des modles: le dveloppement dune entreprise ne correspond pas toujo urs une progressioncontinue;

    absence dinformations concernant la priode de transition entre les stades; faible vrification empirique des modles; non ralisme de certains modles; absence de consensus sur les caractristiques et le nombre de stades de dveloppement: certainsconsidrent la croissance comme un stade part entire, dautres la considrent comme le passage dun

    stade lautre, de mme on trouve des modles trois, quatre, cinq voir mme dix stades (mme si la

    majorit prsentent entre trois et cinq stades);

    la nature et ltendue descriptives des stades varient dun modle lautre;

    manque dhomognit et duniversalit entre les modles; certains modles ignorent certains stades; peu de modles qui parlent de la phase de pr-dmarrage; toutes les entreprises ne passent pas ncessairement par tous les stades et dans lordre dfini; absence de consensus sur les variables qui refltent le dveloppement dune entreprise (chiffre daffaire,taille, effectif, complexit des agencements, Etc.);

    difficult de mettre en vidence les seuils critiques de passage dune tape lautre; les modles proposs sont souvent le rsultat dune analyse rtrospective de lvolution: le pass nedtermine pas toujours le future (sauf cder une forme dvolutionnisme);

    toutes les entreprises ne rencontrent pas toutes les crises de faon successive et ordonne. Celles-cipeuvent tre vites, combines, rptes, Etc.

    Le deuxime courant sintresse aux processus concrets du changement au sein

    des organisations et des populations. Le modle le plus rcurrent est celui de la variation,

    slection, rtention ou de la cristallisation, decristallisation, recristallisation ( ).

    Certains auteurs ont tent damender ce schma en proposant dautres formes de

    squences.

    5Parmi les modles les plus connus citons ceux des thoriciens du cycle de vie de lorganisation et celui de

    Greiner (1972)

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    Cest ainsi que le modle de Weick (1979) se prsente de la faon suivante (Stacey, 1993):

    changement cologique + mise en scne + slection + rtention

    (+, - )

    + (+, - )

    - le changement cologique: concerne le changement dans les marchs ou dans

    lenvironnement gnral;

    - La mise en scne des actions des individus de lorganisation6: les acteurs de

    lorganisation se basent sur leur perception de lenvironnement et peuvent influencer les

    caractristiques de celui-ci. Lorganisation invente un environnement et le met en

    oeuvre. La ralit laquelle lorganisation rpond est socialement construite.

    - La rtention: concerne la mmoire partage par les acteurs de lorganisation

    permettant dentamer ou de freiner une action. La rtention et lammoire de lorganisation

    seraient les quivalents de la culture de celle-ci;

    - la slection: concerne le processus par lequel les acteurs se concentrent

    uniquement sur certaines significations ou certaines perceptions de leurs propres actions

    ainsi que des actions des autres intervenants. Les prophties auto-ralisatrices peuvent se

    manifester par des cercles vertueux ou vicieux. Les managers sengagent dans certaines

    actions, constatent le rsultat de leurs actions , comprennent ce quils ont fait et se ngagent

    dans dautres activits en rponse ces comprhensions et ces reprsentations. Les acteurs

    creraient donc une signification pour ce quils fonts de faon rtrospective.

    Pour sa part, Vandangeon-Derumez (1998) considre que le changement prescrit

    est caractris par le fait que la rtention, rsultant de la mise en oeuvre du projet de

    changement est suivie dune activit de slection afin de ne pas perdre le cadre de

    cohrence initial. Ce nest que par la suite que la variation vient relancer une dynamique

    plus autonome permettant dviter de conduire lorganisation vers un nouvel tat dinertie

    relative. Dans un processus de changement construit, lactivit de variation, rsultant

    de la mise en oeuvre du projet de changement, est suivie d une activit de slection.

    6

    Le terme mise en scne est utilis la place de celui daction pour indiquer que les personnes danslorganisation ne font pas quanticiper, ragir ou sadapter ce que les acteurs de lenvironnent font

    objectivement.

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    Celle-ci permet de formaliser la nouvelle vision et de capitaliser les expriences vcues

    (activit de rtention).

    Vandangeon-Derumez (1998) prsente trois phases de changement:

    Phase Activits. Dimensions. Dimensions.Identification dun stimulus opportunit problme.

    Recherche dinformation. tude prospective. audit.

    Maturation Sensibilisation lide du

    changement.

    annonce. implication

    Mise en mouvement de

    lorganisation.

    contrle. non contrle.

    Dfinition des grands axes

    du changement.

    vision/cadre organisationnel. dmarche.

    Finalisation du projet de

    changement.

    projet formalis. projet peu formalis.

    Communication du projet de

    changement.

    annonce interaction

    Mise en oeuvre du projet brutale progressive

    Gnration de nouvelles

    ides.

    induite autonomie

    Dveloppement dinitiatives. par la hirarchie par la base

    Dracinement Evaluation/slection. cadre non-cadre

    Suivi de la mise en oeuvre. hirarchique interhirarchique

    Formation. axe sur les outils axes sur la rflexion

    Accompagnement du

    changement.

    ponctuel structurel

    Evaluation-bilan des actions

    engages

    directive interactive

    Mise en cohrence desactivits.

    de foisonnement. daccompagnement

    Enracinement Correction des actions

    engages.

    rorientation. ajustement

    Changement durable. implantation dun cadre de

    travail stable

    formalisation de la

    vision

    Les recherches devraient donc porter davantage sur les caractristiques des

    diffrentes phases mais galement sur larticulation de ces phases et de ces tapes : y a t il

    un ordre dominant ou une squence idale de changement? La russite dun projet de

    changement dpend-elle de la russite de lensemble des tapes? Etc.

    I.8- Les finalits/fonctions du changement:

    Plusieurs approches considrent le changement comme lune des missions des

    dirigeants. Le dirigeant performant serait celui qui serait capable de changer les choses

    dans le bon sens. Le changement serait donc une manifestation de comptence et de

    pouvoir. Cette conception est la plus dominante et sert notamment convaincre les

    dirigeants actuels et futurs (encours de formation) de lutilit de la rflexion sur le

    changement organisationnel.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Deux courants traversent la littrature: soit le changement est conu de faon

    technocratique afin damliorer ou de (r)former un systme donn; soit ce changement est

    abord partir dune approche politique et critique dont la finalit consiste moins

    rformer le systme pris en compte qu le changerde faon plus ou moins radicale.

    La conception technocratique et fonctionnaliste du changement considre celui-ci

    comme tant un processus de construction dune certaine cohrence organisationnelle

    (interne ou externe, intrinsque ou extrinsque) ou, alternativement, comme tant lui-

    mme le produit de la dynamique de la cohrence organisationnelle. Dans le premier cas,

    on se concentre sur la notion de convergence, dans le deuxime, la notion mise en avant

    est celle de co-volution.

    Pour sa part, la conception politique du changement fait appel la sociologie des

    conflits et diffrentes formes dinteractionnisme. Elle considre que la littrature

    managriale est non seulement non-critique (ou a-critique) mais encore anti-critique. Cette

    conception politique ou critique du changement vise lmancipation, lautonomie et la

    responsabilisation des individus. Les valeurs et le sens, gnralement prsents comme

    pr-requis ou rsultats dun bon changement, ne seraient que des transfigurations et des

    voiles jets sur des rapports de pouvoir et de force. Le changement serait la fois la preuve

    et le rsultat dune domination que la littrature managriale (notamment celle portant sur

    le changement) ne fait que conforter et occulter.

    II.LORGANISATION DU CHANGEMENT

    Lorganisation et la gestion du changement sont intimement lies aux diffrentes

    conceptions de celui-ci. Toute action organise prsuppose une dialogique du changement

    et de lorganisation.

    Organisation Changement

    Figure 1: dialogique organisation/ changement

    Il sagit ici de relever certains des thmes fondamentaux concernant la gestion du

    changement. Schmatiquement, la littrature relevant de ce volet part dun a priori

    volontariste et est le plus souvent prescriptive. Des versions plus ou mois contextualises

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    et relativises du one best way continuent alimenter une littrature fort abondante

    quil serait difficile de synthtiser. Notons nanmoins, quune grande partie de cette

    littrature considre que le non changement , le refus, ou la rsistance au changement

    constituent une sorte danomalie, un danger, une faiblesse ou, dans dautres cas, et faute demieux, un refuge provisoire, un stade que le leader est suppos remettre en cause.

    Pour Bayard et Delobel (1997), la gestion du changement peut focaliser soit sur la

    tche ou la mission, soit sur les individus et les facteurs humains:

    Priorit la mission, linstitution du point de vue

    des dirigeants

    Priorit donne la situation humaine et sociale

    Conception cyberntique de la transformation

    organisationnelle: changement de lorganisation.

    Prminence idologique des objectifs de

    lorganisation, le but est de maintenir un systme depouvoirs et les bases de la hirarchie, la

    transformation est dcide, planifie, lindividu est

    appel sadapter aux situations nouvelles, les

    consquences humaines et sociales sont des output

    non dsirs du processus dinnovation.

    Conception auto-organise du changement:

    changement organisationnel.

    Prminence idologique est donne aux

    considrations humaines et sociales, le but estdaccepter une remise en cause ventuelle des rles

    et des statuts, de reconsidrer les structures

    hirarchiques, la ngociation est essentielle, le

    management est centr sur les buts et attentes des

    acteurs concerns par la transformation

    Deux approches des organisations et du changement (Bayard et Delobel, 1997)

    La littrature concernant cette organisation du changement nous semble

    comporter cinq thmes rcurrents: lapprentissage et le dsapprentissage du changement,

    les routines organisationnelles; les rsistances au changement et linertie; les outils du

    changement et, enfin, la recherche-action.

    II.1- Lapprentissage et le dsapprentissage du changement

    Ce thme recouvre le management des connaissances et des contextes de

    linnovation au sein des organisations. Plusieurs questions pourraient tre dveloppes afin

    de mieux comprendre ces phnomnes:

    - peut-on et comment grer lapprentissage? Comment articuler apprentissage et

    dsapprentissage?

    - comment articuler innovation et apprentissage, exploration et exploitation?

    Quels sont les mcanismes et les tapes de lapprentissage?

    - comment combiner apprentissage individuel et apprentissage collectif?

    Comment se combinent ou saffrontent diffrents apprentissages diffrents niveaux

    dune organisation?

    II.2- les routines organisationnelles

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Celles-ci sont penses au niveau organisationnel mais galement au niveau

    individuel (modles mentaux et discursifs). Les routines permettent dacclrer certains

    processus (notamment de remmoration), de se spcialiser dans certaines activits, de

    scuriser (par les certitudes quelles apportent) et/ou de coordonner les actions. Il nendemeure pas moins que cette unit de base de lactivit organisationnelle reste souvent

    mconnue:

    - quelles distinctions peut-on faire entre routinisation, programmation et

    spcialisation?

    - comment combiner routinisation et innovation?

    - quels sont les avantages et les inconvnients du recours des routines? A partir

    de quel moment peut-on affirmer quune routine est devenue dysfonctionnelle?

    - quels relations doit-on tablir entre routinisation des actions, des reprsentations

    et des rationalisations?

    - comment lacteur sapproprie-t-il les routines et quelle est sa marge de libert

    par rapport celles-ci?

    - comment articuler routines au niveau individuel et routines au niveau

    organisationnel?

    II.3- les rsistances au changement et linertie organisationnelle

    Ces deux derniers points peuvent tre abords trois niveaux: les causes des

    rsistances ou de linertie, les consquences de celles-ci et les solutions ou remdes

    proposs.

    La rsistance au changement peut tre plus ou moins active et plus ou moins

    consciente. Elle peut avoir pour origine des contraintes structurelles trop fortes ou

    paradoxales; une incomprhension de la part des acteurs dinjonctions ambigus,

    ambivalentes ou incertaines; dun sentiment dinjustice face aux changements imposs

    et/ou dun manque de motivation des acteurs supposer que ces acteurs soient conscients

    du besoin de changement. Ceux-ci compareraient alors le cot du statu quo au cot du

    changement et peuvent ou non dcider dadhrer celui-ci en fonction de leur estimation

    de ces mmes cots pour les autres groupes de lentreprise.

    Carnal (1990) affirme que, face un changement, il y a gnralement

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    dclenchement dun processus en cinq tapes:

    - tape 1: on renie limportance, lutilit ou la pertinence du changement;

    - tape 2: lindividu essaye de dfendre son territoire;

    - tape 3: on carte la vision passe et on commence voir que le changement est

    la fois invitable et/ou ncessaire;

    - tape 4: on essaye de sadapter au changement;

    - tape 5: on internalise le changement.

    Llaboration dun systme dinformation performant, lcoute et la

    communication permettraient dacclrer ce processus. De mme, la tolrance

    lambigut par les acteurs permettrait de mettre en place des systmes organisationnels

    plus flexibles et plus flous (Airaudi, 1998; Perret, 1998) permettant darticuler la structure

    fonctionnelle du systme avec sa structure profonde (Gersick, 1991). Cest cette structure

    profonde qui fixe des frontires durables pour la rationalit, les reprsentations et les

    significations (Bonami et al, 1993).

    Alors que la rsistance aux changements relve du niveau de lacteur ou du

    niveau du groupe, linertie concerne le niveau de lentreprise. Plusieurs contraintes psentsur ladaptation organisationnelle (Haveman, 1992; Desreumaux, 1994):

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Contraintes internes Contraintes externes

    - investissements dans des immobilisations, quipements et

    personnel spcialis; investissements et cots enfouis sous

    forme dinvestissements initiaux de toute nature (affectifs ou

    conomiques),

    - limites des informations internes reues par les dcideurs;

    information traite par la structure interne et tendance du

    systme dinformation perptuer les mmes reprsentations

    de la ralit: ntant pas inform sur son manque

    dinformation, lignorance signore elle-mme et lorganisation

    en vient, sans sen douter, se couper de sa ralit,

    - contraintes politiques internes en faveur des intrts investis;

    - lhistoire organisationnelle qui justifie les actions passes et

    empche de considrer des alternatives

    - rsistances au changement et aux rallocations des ressources

    - cots du changement de procdures,

    - institutionnalisation des buts (afin de rpondre aux besoins defiabilit et de prvisibilit des diffrents groupes dintrts),

    - forte interdpendance et complmentarit entre les

    composantes dune organisation, (un changement touchant

    quelques lments risque de provoquer une absence de

    cohrence dautant plus coteuses, quil est difficile de

    dterminer avec certitude quelle partie ou processus sont

    responsables du succs ou de lchec de lorganisation.)

    - existence de ressources en rserve (slack-resources)

    (permettant de diffrer le changement),

    - planification ou programmation trop rigide des oprations

    (souci lev de rationalisation domination dun groupe charg

    de la planification),

    - barrires lgales, fiscales et

    conomiques lentre dans de nouvelles

    aires dactivit;

    - contraintes sur linformation externe

    recueillie par les dcideurs;

    - considrations de lgitimit;

    - problme de la rationalit collective et

    de lquilibre gnral

    - fragmentation de la coalition politique

    et de ses objectifs,

    - neutralisation mutuelle des diffrents

    groupes dintrts,

    - domination dun groupe qui na pas

    intrt ce que les choses changent,

    - tat du march et des barrires aux

    redploiements,-barrires lentre ou la sortie,

    - contraintes de lgitimit ou

    dinstitutionnalisation que

    lenvironnement impose;

    - slection environnementale favorisant

    les entreprises capables de se stabiliser et

    de routiniser leurs actions,

    - accords et engagements pris et que lon

    ne peut remettre en cause; Etc.

    Linertie a t analyse en termes dinteractions entre des variables

    organisationnelles (Miller, 1990, Labourdette, 1992), de systmes sous ou sur-organiss

    (Harl et Jouanneault, 1983), de degr de couplage entre groupes (Weick, 1979) et de

    cercles vicieux bureaucratiques (Crozier et Friedberg, 1977). Ces analyses ont montr que

    linertie peut avoir un rle fonctionnel, quelle peut dans certains cas tre utile et quil

    sagit le plus souvent dun problme de changement du changement (changement boucle

    double) et non de changement boucle simple.

    II.5- les outils de mise en oeuvre du changement

    Il sagit des outils susceptibles de grer aussi bien les apprentissages, les routines,

    les rsistances que linertie.

    Plusieurs techniques et modes se sont dveloppes autour de lobjectif dune

    gestion efficace du changement. Souvent inspires du management japonais, ces

    techniques constituent ce que lon pourrait appeler la famille des ing : reingeneering,

    benchmarking, coaching, downsizing, Etc.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Afin que ces outils ne se rduisent pas un ensemble de recettes ludant ou

    touffant toute forme de conflit ou prtendant le canaliser en tant que source dnergie

    positive, ils faudrait viter de les considrer comme des systmes ferms, indpendants de

    lorganisation. Il y aurait en effet une co-construction de lorganisation et des outils(David, 1998). Cette dialectique organisation-outils conduit des exigences paradoxales

    puisque les quatre lments dj cits (apprentissage, routines, rsistance, inertie) peuvent

    se renforcer mutuellement ou tre indpendants les uns des autres et que, faute dune

    progression linaire, on est souvent oblig davoir recours et des grilles de lectures

    privilgiant le fonctionnement spiral et dialectis.

    II.6- la recherche-action

    Le dernier thme gnrique relevant de la gestion du changement, pose de faon

    beaucoup plus directe la question de limplication du chercheur dans cette gestion.

    Il sagit ici desdiffrentes formes de recherche action qui relvent chacune dune

    conception diffrente de la ralit organisationnelle et sociale et de la relation que le

    chercheur peut et doit avoir ou construire avec son terrain.

    Quatre type de recherche-action peuvent tre proposs : la recherche

    exprimentale, diagnostic, critique et apprciative.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Exprimentale Diagnostic Critique Apprciative

    Inspiration Positivisme Interactionnisme Thorie critique7 Constructivisme

    Nature de la

    ralit

    Donne

    dcomposable,

    rptitive

    Construite, par les

    acteurs, systmique et

    ouverte au

    changement

    Expression dune

    structure sociopolitique

    alinante

    Construite,

    imagine

    Problme Dfini a priori Dfini en situation

    dans linteraction est

    une co-laboration du

    collectif de recherche

    Dfini en situation

    comme lexpression de

    mcanismes

    fondamentaux dont les

    agents ne sont pas tout

    fait conscients

    Non dfini, seules

    les images

    fortes ou

    positives sont

    recherches

    Contexte de

    lintervention

    Contrl par le

    chercheur, artificiel

    La situation naturelle

    redfinie dans

    linteraction.

    Contexte en partie

    ngoci au sein ducollectif de recherche

    La socit. La

    recherche est expose

    aux dterminations

    sociales

    Contrle, le

    langage, les

    images du groupe

    Rapport du

    chercheur son

    objet

    Extriorit,

    sparation

    (positivisme)

    Interaction

    dynamique entre

    savoirs et pratiques

    Solidarit du chercheur

    et de son terrain

    (co-dtermination

    structurelle, objectif de

    rompre ensemble

    davec le rseau

    idologique alinant)

    Interaction

    dynamique,

    optimiste

    Dmarche

    pistmologique

    Traduction dune

    thorie en un

    dispositif adquat

    permettant detester la thorie de

    dpart

    Elaboration spirale

    de la thorie et des

    contenus empiriques

    Dvoilement Elaboration

    spirale slective

    Vise thorique Dveloppement,

    mise lpreuve

    Gnration, mise

    lpreuve

    Dveloppement,

    illustration

    Progrs des

    reprsentations

    Type de

    connaissance

    Explicative,

    prdictive

    Explicative,

    prdictive

    Interprtative,

    mancipatrice

    Interprtative,

    slective,

    manipulatrice

    Modle Newton Darwin Freud Watzlawick

    Typologie des recherches-action ( partir de Koenig, 1998)

    La recherche-action apprciative constitue une tentative de manager la culture du

    et pour le changement. Elle repose sur lhypothse que cest en changeant les images, les

    reprsentations et les discours que lon change la ralit. Le rle du chercheur consisterait

    alors fouiller , mettre en avant et dgager les images et les discours positifs , qui

    vont dans le bon sens , dans la direction du changement prn (Bushe, 1998). On met en

    avant les meilleurs intentions des individus et leurs aspirations les plus nobles tout en

    laissant de cot voire en occultant les lments ngatifs . La mission du chercheur

    7La thorie critique se caractrise par une pistmologie qui dialectise le rapport entre thorie et pratique par

    une vise rvolutionnaire.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    consistera alors crer une situations ou les acteurs partageront les mmes rves

    partir dimages significatives et fortes. Les prophties auto-ralisatrices permettent de

    penser quil est possible de crer un changement en accordant plus dattention ce que

    lon prfre plutt quen accordant de lattention aux problmes et aux difficults.Lamplification par le chercheur de ces points positifs passe par le dialogue optimiste.

    III. LES DIMENSIONS STRUCTURANTES DES ANALYSES DU CHANGEMENT

    ORGANISATIONNEL

    Les analyses descriptives et typologiques du changement de et dans les

    organisations ainsi que celles normatives de lorganisation et de la gestion des

    changements nous semblent tre structures par certaines dualits fondamentales:

    volontarisme / dterminisme; changement construit / prescrit; changement simple /

    complexe.

    III.1- Le dbat volontarisme/ dterminisme

    Ce dbat structure une grande partie des recherches en thorie des organisations

    (Astley et Van de ven, 1983; Mbengu, 1998; Guilhon, 1998). Alors que certains

    considrent que le volontarisme et le dterminisme sopposent, sont mutuellement

    exclusifs et prennent partie plus ou moins ouvertement pour lune de ces conceptions de

    laction des organisations (Astley et Van de ven, 1983), dautres auteurs sont plus nuancs

    et relativisent la ligne de dmarcation entre volontarisme et dterminisme. Cest ainsi, par

    exemple, que selon Hrebiniack et Joyce (1985) ces deux conceptions de laction ne

    constituent pas deux alternatives contradictoires, mais deux dimensions indpendantes qui

    peuvent donc se combiner et se superposer. Pour leur part, Quinn et Cameron (1988)

    considrent que le dterminisme et le volontarisme dpendent eux-mmes de diffrentes

    contingences (exemple de ltape du cycle de vie de lentreprise). De mme, en affirmant

    affirme que cest lentreprise qui enacte sont environnement, Weick (1979) renvoi aux co -

    dterminations, co-volutions et co-naissances dune organisation caractrise par un

    volontarisme dtermin ou encore un dterminisme volontaire . Enfin, Perret et

    Ramantsoa (1996) prsentent un modle de dmarcation/appui qui met laccent sur la

    nature duale du changement. Lide principale est que si le changement ne se dcrte pas,

    le dcret reste une dimension essentielle de celui-ci (Dion, 1994).

    La combinaison du volontarisme et du dterminisme relve soit de la complexit

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    des micro-interactions qui se cristallisent en des orientations relativement nettes un

    niveau plus gnral, soit de la logique politique, voire mme politicienne du recours la

    justification et de la recherche de lalibi. Le choix ou la dtermination (environnemental)

    relveraient alors du pouvoir et du jeu des dmonstrations de forces et/ou de faiblesses.Dans le premier cas de figure, il sagirait de (d)montrer sa capacit (et son p ouvoir)

    imposer sa propre volont. Lacteur (le dirigeant) serait alors le hros du changement.

    Dans le deuxime cas de figure, le dterminisme permettrait dinvoquer son impuissance

    afin de justifier des actions contestes. Ainsi, au-del de laffirmation que lenvironnement

    est une construction dacteurs, il sagira de montrer que tous les acteurs ne disposent pas

    des mmes ressources pour construire celui-ci et, surtout, quils ne disposent pas des

    mmes ressources pour imposer leurs propres constructions. Limpuissance et ledterminisme seraient donc lun des registres discursifs stratgiques des puissants, de ceux

    dont la volont simpose aux autres et qui monopolisent alors les dbats autour du

    volontarisme et du dterminisme.

    III.2- Changement prescrit / construit

    Les recherches positivistes et structuro-fonctionnalistes sattachent analyser un

    changement prescrit existant en tant quobjet de recherche concret, indpendant et

    dcomposable. Ces recherches postulent quil est possible davoir une vi sion claire de

    lavenir de lorganisation, quil suffit de mettre en oeuvre une certaine rationalit (limite,

    procdurale ou substantive) afin de minimiser les incertitudes et, dans le meilleur des cas,

    daboutir une certaine planification (et applanification ) de lavenir de lentreprise. Ce

    changement prescrit peut tre soit volontariste (on met alors laccent sur la main visible du

    dirigeant), soit impos par une main invisible, une force transcendante pouvant tre

    lexpression de contraintes concurrentielles ou de dterminations propres lentreprise lui

    imposant des lois , un destin du changement. Deux drives vhiculant une

    conception organiciste et dterministe de lorganisation menacent cette approche du

    changement: lvolutionnisme et lhistoricisme.

    Lvolutionnisme sinspire de la biologie et met laccent sur des tats et des

    tapes irrversibles par lesquels les organisations passeraient.

    Pour sa part, lhistoricisme recherche des lois universelles du changement

    permettant ainsi la prvision.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Ces dterminismes considrent que lhistoire a une logique immanente qui

    dtermine la trajectoire et le rsultat du dveloppement social.

    Pour sa part, le changement construit relve des conceptions constructivistes des

    organisations. La littrature comporte trois variantes de ce constructivisme.

    - Un constructivisme que lon pourrait qualifier dinteractionniste rvlantet relevant des interactions entre acteurs et entre acteurs et structures (il sagit alors

    dun constructivisme structurationniste au sens de Piaget).

    Contrairement la conception du changement prescrit, ces acteurs nont pas

    une vision claire de lavenir et mettent en oeuvre des interactions caractrises par le

    flou et lambigut. Ceux-ci permettent de maintenir des zones potentielles de libert et

    de pouvoir. Les modes de structurations des champs daction et de connaissance des

    acteurs permettent la co-construction et la co-diffusion du changement;

    - Un constructivisme que lon pourrait qualifier dinterprtatif ou decognitif mettant en action les effets des positions et des prdispositions des acteurs

    (Friedberg, 1993) mais, galement, des chercheurs qui construisent le changement

    partir de processus cognitifs plus ou moins conscients et aboutissent une co-naissance

    de celui-ci et du savoir y affairant. L invention de la ralit passe alors par des

    processus de simplification , remplissage (maquillage) et interaction (Reger

    et Huff, 1993);

    - Un constructivisme que lon pourrait qualifier de discursif et qui metlaccent sur le rle des conversations, des rcits et de la communication dans la

    construction de la ralit organisationnelle. Le changement rsulterait des liens qui

    stablissent entre diffrents discours et diffrents jeux de langage en changeant ce qu i

    est en train tre dcrit (Ford, 1998). La description nest plus quune simple

    transcription, elle est galement cration. Lordre (et le dsordre) de la rationalisation

    prend alors le pas sur celui de la rationalit et la structure du rel se ddouble d une

    toile , dun rseau de conversations. Il devient alors important de relever les modes

    de construction des discours, les routines narratives (Christian et Boudes, 1998) et

    les structures des rcits fondateurs de la communication et de rflchir ainsi nos

    propres modes de construction du rel. Cest un peut cette stratgie qui sera mise en

    uvre dans les recherches sur la diffrance derridinne relevant du courant post -

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    moderne de dconstruction des rcits. La dialogique au sens de Bakhtine et la thorie

    de lagir communicationnel de Habermas constituent les oeuvres majeures de ce

    constructivisme discursif plus ou moins critique.

    Signalons, enfin, que la construction du changement prsuppose une

    participation plus ou moins ouverte et plus ou moins volontaire des acteurs. Il sagirait

    alors danalyser les conditions concrtes, les contraintes et les limites de cette

    participation.

    III.3- Changement simple / complexe

    Cest par leur conception de lunit et du changement que les thories de la

    complexit diffrent des thories plus classiques de lcologie des organisations ou des

    thories de la contingence.

    Adaptation par choix Adaptation par slection

    comptitive

    Approche alternative

    liens de cause effet clairs et

    distincts ; prvisibilit. (

    variables, construits,

    participants, etc.; identifiables

    mme si cest partiellement ).

    liens de cause effet clairs et

    distincts . prvisibilit. ( variables,

    construits, participants, etc.;

    identifiables mais de faon

    partielle).

    liens de cause effet circulaires, et

    trop nombreux menant des rsultats

    imprvus.

    les rsultats long terme sont

    voulus par la coalitiondominante.

    les rsultats long terme sont

    dtermins par slectioncomptitive: par lenvironnement

    et linertie de lorganisation.

    les rsultats long terme mergent

    la fois de lauto-organisationspontane et de la slection

    comptitive: partiellement mergeants

    et partiellement intentionnels.

    les organisations cherchent

    intentionnellement un quilibre

    adaptatif, un processus

    transformationnel.

    les organisations sont

    slectionnes selon des critres

    dadaptation quilibre;

    processus volutionnaire.

    les organisations sont des systmes

    non quilibrs avec des dynamiques

    dsordonnes

    le dsordre vient de lextrieur. le dsordre vient de lextrieur. le dsordre nest pas simplement le

    rsultat de linertie, de lincomptence

    ou de lignorance mais est une

    proprit vitale et fondamentale des

    systmes cratif.

    feed-back ngatif qui gouvernele systme (lorganisation

    individuelle).

    feed-back ngatif guide lesystme (les populations

    dorganisations).

    systmes non linaires complexesayant des feed-back ngatifs et

    positifs; auto-organisation spontane

    et destruction crative.

    Tableau : Le problme de ladaptation dans les thories classiques et dans les thories

    de la complexit (Stacey, 1995).

    Les thories de la complexit reposent sur un certain nombre de principes dont,

    notamment (Morin, 1991):

    - le principe dialogique: toute unit est constitue de dualits, de termes la fois

    complmentaires et opposs (lordre et le dsordre, la vie et la mort, la diffrenciation et

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

    23

    lintgration, etc.).

    - le principe de rcusions organisationnelles ou dauto-organisation: leffet

    produit sa cause. Il sagit dune boucle de feed-back gnralise et qui aboutit une

    causalit complexe o cest moins la direction de la causalit qui compte que lauto -

    organisation de lunit duale (lacteur produit le systme qui la produit, la rgle produit le

    comportement qui la reproduit, lide produit laction qui la produit, etc.).

    - le principe hologrammatique : les parties sont dans le tout et vice versa. La

    totalit et les parties ne peuvent se concevoir indpendamment (la cellule compose

    lindividu mais lindividu se retrouve dans la cellule; lindividu est une partie de

    lorganisation mais lorganisation est une partie de lindividu; lorganisation est une partie

    de la socit mais la socit est dans lorganisation, etc.).

    IV. LES ANALYSES DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL: QUELQUES

    DIFFICULTES METHODOLOGIQUES

    Les analyses du changement organisationnel font face un certain nombre de

    difficults mthodologiques dont, notamment, celles qui concernent la construction de

    lobjet de recherche et les interactions chercheurs/acteurs; les approches diachroniques ou

    synchroniques que les chercheurs devraient privilgier et, enfin, la difficult de prise en

    compte de la temporalit du changement ou encore ce que nous allons qualifier de la

    recherche du temps vcu .

    IV.1- La construction de lobjet de recherche

    Cette construction passe le plus souvent par une hypothse plus ou moins

    implicite: toute chose est gale par ailleurs. En effet, cest au prix de ce reniement du

    changement que le chercheur peut mobiliser des mthodes autour dun ou de plusieurs

    objets afin desprer aboutir des conclusions relativement stables et contextualises.

    La construction de lobjet de recherche fait face plusieurs difficults dont

    notamment:

    les changements que celui-ci subit;

    la puret des classifications et des distinctions;

    le degr de distanciation de lanalyse et larticulation des niveaux danalyse (local/global,

    particulier/gnral, etc.);

    limpact de lchelle du temps et de la granularit sur la perception des discontinuits;

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    les diffrences de sensibilit lcoulement du temps des diffrents lments intgrs dans les analyses (il

    faudrait comparer du processus ou des variables dont les sensibilits seraient proches);

    les boucles de feed-back et les dcalages entre actions et ractions;

    le compromis entre gnralit, simplicit et prcision (Weick, 1979)

    laccs aux entreprises en cas de crise (cest en ces priodes que ltude du changement serait la pluspertinente);

    le dcalage entre actions et discours et, plus fondamentalement, entre intentions, motivations, actions

    (intentionnelles ou non intentionnelles), les rationalisations de laction, les consquences intentionnelles ou

    non de celles-ci et les rationalisations de ces consquences par les acteurs (Giddens, 1987).

    IV.2Approches diachroniques ou synchroniques

    Dans le domaine des mthodes, tout comme dans celui des thories, il ny a pas

    de one best way : toute recherche est, dune faon ou dune autre, et plus ou moins

    manifestement, opportuniste et clectique . La prfrence pour les mthodes

    qualitatives ou quantitatives, diachroniques ou synchroniques ne peut donc tre absolue.

    Synchronie Diachronie

    - favorise une conception cohrente et stable de

    lorganisation;

    - certaines variables peuvent tre considres comme

    plus ou moins stables court terme (routinises);

    - identifier sil y a eu des changements;

    - identifier le moment du changement (lorsquil y a

    dysfonctionnement);- identifier la direction du changement (volution vers

    lquilibre);

    - favorise par les conceptions fonctionnalistes et

    structuralistes des organisations.

    - favorise une vision htrogne et permet de saisir les

    ambivalences et paradoxes;

    - vocation dynamique et gnalogique;

    - identifier les variables les plus importantes;

    - risque lev de prophties auto-ralisatrices;

    - comprendre comment les changements ont lieu;

    - temps construit par le chercheur et dpendant duprotocole de recherche plutt que temporalit propre

    lentreprise;

    - favorise par les conceptions dialectiques,

    historiques et interprtatives des organisations.

    Le choix dune approche dpend du problme pos, du niveau de la recherche, du

    contexte, des moyens et des finalits de celle-ci, etc.

    Selon Tort (1989) il y aurait mme une alternance entre priodes ou dominerait

    linterprtation systmatique (synchronique) et priodes ou dominerait linterprtation

    gnalogique (diachronique).

    Pour Granger (1960) la science est dans un premier temps navement

    diachronique, elle dcrit et explique les phnomnes comme droulements temporels.

    Dans un second moment, elle passe la description synchronique purement et simplement

    statique: la science se dbarrasse de llment idologique inhrent toute vision

    historique mais elle rejette en mme temps ce par quoi le fait humain peut faire lobjet

    dune praxis rationnelle. Le troisime et dernier moment consiste en un retour la

    diachronie par le biais dune laboration difficile de concepts statiques antrieurement

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    dvelopps. La vise scientifique fondamentale de lexplication par des modles est alors

    conserve. Si lon peut penser que les sciences des organisations ont dpass le premier

    stade, il nous semble quelles ne sont pas encore tout fait celui troisime.

    IV.3La recherche du temps vcu

    Si les savoirs prtendument universels et transversaux ont comme logique

    dessayer dliminer ou du moins de matriser le temps, les savoirs plus modestement

    relatifs construisent une temporalit artificielle limite tant par la prcarit des

    phnomnes, de la mmoire et de la cognition, que par les possibilits restreintes

    daccder au rel ou de construire celui-ci. Le temps nest pas une variable neutre. Au -

    del du fait quil soit un construit social, il sagit dun enjeu. La connaissance, laction,

    lorganisation et la stratgie sont des tentativesde matriser le temps, dimposer sa propre

    temporalit ou dinstaller un prsent permanent (Borella, 1990). Le dirigeant est celui

    qui synchronise les diffrentes pendules et fait passer de la chronomtrie la

    chronologie en fixant des bornes et des repres qui font que lhistoire soit autre chose

    quun cafouillage, un vritable rcit pisodes. Cest ainsi, par exemple, que Mintzberg

    (1987) affirme que la stratgie consiste en une tentative de grer la stabilit et non pas le

    changement.

    Le temps, ressource rare dans toute organisation bien gre, achet ou vendu,

    investi ou perdu, reste absent de la plupart des recherches sur le changement. Le temps

    implique et comporte, bien videmment, une dimension financire. Celle-ci est dautant

    plus difficile valuer que le temps est galement un lment de renforcement du

    sentiment dappartenance et quil est indissociable du contrle dautrui (Busino, 1993). En

    effet, le contrle et le quadrillage disciplinaire de lespace-temps constituent un des

    piliers de la modernit bureaucratique. Ce quadrillage correspond deux fonctions: enpremier lieu il permet dviter la formation de grands groupes qui pourraient favoriser le

    dveloppement dune volont indpendante ou dune opposition; en second li eu, il permet

    de manipuler directement les activits des personnes et ce faisant dviter limprcision et

    lindtermination qui accompagnent souvent des rencontres plus fortuites. Selon Foucault,

    il se crerait alors un espace analytique dans lequel il serait possible de surveiller,

    dvaluer, de mesurer, de rationaliser les qualits des personnes qui sy trouvent (Giddens,

    1987).

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Toute recherche se doit de faire face au problme de lintgration du temps

    vcu et dchapper aux conceptions simplistes ou linarisantes de celui-ci en

    rflchissant aux moyens de prendre en compte ses fonctions conomiques, politiques,

    symboliques, culturelles et psychologiques.

    V. LES ANALYSES DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL: QUELQUES REPERES

    EPISTEMOLOGIQUES

    On peut se demander si les thories du changement changent de faon rcursive le

    changement, si elles justifient le statu quo ou si elles nont aucun impact sur le cours rel

    des choses.

    Au-del de la recherche dune pistmologie autre que celle positiviste, le

    problme du changement soulve des apories de fond: Comment penser le changement

    partir de notions ou de concepts dont la signification serait fixe ou stabilise? Comment

    penser ltre et le devenant? Comment comprendre ou matriser un changement lui-mme

    en perptuel changement?

    On se rend compte, en posant ces questions, que les analyses du changement

    concernent moins le mouvement, la dynamique et laction que la volont plus ou moins

    explicite de stabiliser des reprsentations, des explications ou des comprhensions de

    tenter de construire des zones de certitude , des lots dordre .

    En fait, tout changement implique une relation soi et lautre. Relation soi qui

    assure le maintien de ce qui change car sil devenait radicalement diffrent, radicalement

    autre, ce soi ne changerait plus (car il nexisterait plus). Relation autre chose: le

    changement serait donc un rapport soi de ce qui change par rapport tout ce qui ne

    change pas.

    En tant que tel, le changement est source danxit et cel a explique peut tre le

    besoin de penser celui-ci comme une tape entre deux tats stables, un pisode enserr

    entre un dbut et une fin.

    Cest justement cette conception qui est la plus remise en cause par les approches

    post modernes qui proposent de sortir des approches de ltre celles du devenant.

    Pour certains tenants de ce courant, notre vocabulaire, en dissociant les noms des

    verbes, les tats des actions, ne reflterait pas suffisamment les tensions et les dynamiques

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    du rel, on propose alors des notions tel que organisaction , observacteur ,

    rflaction et glocal afin de mettre laccent sur la complexit du rel et sur les

    continuits, les tensions et les relations dialogiques qui unissent les couples et les ples

    permettant de lanalyser.

    Une autre voie a explorer consisterait repenser le rle du chercheur.

    Malheureusement le courant post-moderne risque de voiler une sorte de dmission, un

    scepticisme voire mme le nihilisme. Au-del de linertie des organisations, cest le risque

    dune forme dinertie des ides qui guette les recherches sur le changement.

    La conception constructiviste du changement par le chercheur ou, du moins

    lobservateur (qui est ainsi observacteur) permet denvisager un nouveau rle pour le

    chercheur : celui de partenaire du changement. Pour sa part, la conception complexe nous

    invite non seulement relativiser les objets, phnomnes et concepts par rapport au temps

    et lespace mais, galement, prendre ce temps et cet espace eux -mmes comme des

    concepts relatifs.

    Rao et Pasmore (1989) (cits dans Thitart et coll, 1999) montrent que les tudes

    portant sur les organisations peuvent tre conues soit comme un savoir instrumental, un

    outil et un moyen, soit comme un dialogue entre chercheurs (Kuhn, 1983). Les thories qui

    se veulent opratoires confrontent donc la thorie aux faits et risquent alors de dvier vers

    lhyperempirisme, dun autre ct, si on conoit les tudes sur lorganisation comme des

    dialogues entre chercheurs et que le progrs passe par la confrontation des thories issues

    de ces tudes, on risque alors de considrer la connaissance comme le produit dune

    communaut dinterprtations et, tout en se dispersant entre des ples divergents

    dinterprtation, de privilgier la thorie au dpend de son aspect opratoire (Thitart et

    coll, 1999, p 27). En fait, ni la thorie ni la ralit nexistent en tant que tels, il ny a quedes discours et des chos de discours qui se confrontent, sopposent se compltent et

    disent la thorie ou la pratique. Cela conduit llaboration dune mthodologie

    configurationnelle. Le chercheur devient ici mdiateur/animateur dun dbat entre tous

    ceux qui sont susceptibles de faire la thorie. Il sagit dune mthodologie

    configurationnelle ou en essaye de prendre tout en en mme temps , de confronter

    plusieurs discours et prsentations de la ralit. Cette totalit est la fois qualitative et

    quantitative, elle relve dune phnomnologie de la connaissance plutt que duneconception analytique de celle-ci. La mthodologie configurationnelle concerne la

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    dmarche, la dynamique de la recherche plutt quune tat fini, une totalit fige.

    experts/spcialistes

    thorie et chercheurs chercheur acteurs/dirigeants

    autres acteurs concerns par

    la question de recherche

    La mthodologie configurationnelle.

    Enfin, on peut sinterroger sur les modes mme de connaissance du changement,

    sur notre logique et notre faon daccder la vrit de celui-ci.

    Il sagit ici de rflchir la logique et danalyser en quoi une logique qui serait

    Trialectique pourrait, en tant que logique des processus, complter ou remplacer la

    dialectique et la logique formelle qui seraient des logiques du temps ou de lespace.

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

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    Logique formelle Dialectique Trialectique Complexit

    Loi de lidentit:

    une chose est

    identique elle-

    mme (exemple: le

    sens dune

    proposition est le

    mme).

    Loi du changement: le

    changement quantitatif

    aboutit un changement

    qualitatif (exemple: la

    chenille se transforme en

    papillon, la socit

    capitaliste se transforme

    en socit socialiste).

    Loi de mutation: le

    changement rsulte de

    ruptures, de bonds

    dun tat dquilibre un

    autre (exemple:

    lapparition soudaine de la

    forme fractale; lbullition

    de leau).

    Principe dialogique: toute

    unit est constitue de

    dualits, de termes la fois

    complmentaires et opposs

    (lordre et le dsordre, la vie

    et la mort, etc.).

    Loi de

    contradiction: une

    chose ne peut tre le

    contraire de ce

    quelle est

    (exemple: deux

    propositions

    opposes nepeuvent tre en

    mme temps vraies)

    Loi des opposs: les

    choses changent parce

    quelles contiennent en

    elle-mme la

    contradiction. Le

    changement rsulte des

    contradictions et des

    conflits entre des forcesopposes.

    Loi de circulation entre

    des ples apparemment

    opposs mais

    complmentaires. (La

    contradiction est une

    apparence) (exemple: le

    jour et la nuit).

    Principe de rcusions

    organisationnelles, de feed-

    back gnralis ou dauto-

    organisation: (leffet produit

    sa cause) lauto-organisation

    de lunit duale est plus

    importante que la direction

    de la causalit (lacteurproduit le systme qui la

    produit).

    Loi du tiers exclu:

    une chose ne peut

    avoir en mme

    temps deux

    proprits

    exclusives

    (exemple: une

    proposition est

    ncessairement soit

    vraie soit fausse).

    Loi de la ngation de la

    ngation: le nouveau

    implique la destruction

    de lancien. Toute thse

    suscite une antithse et

    de leur conflit va rsulter

    quelque chose de

    nouveau: une synthse

    qui reprend la part de

    vrit dans la thse et

    dans lantithse.

    Loi dattraction

    ascendante ou

    descendante. Le

    mouvement est d

    lchange dnergie entre

    diffrents tats dquilibre.

    Une force active entre en

    action parce quil y a une

    force attractive qui

    lappelle. (exemple: les

    germes qui poussent dans

    un effort datteindre la

    lumire du soleil).

    Principe

    hologrammatique : les

    parties sont dans le tout et

    vice versa. (la cellule

    compose lindividu mais

    lindividu se retrouve dans la

    cellule; lindividu est une

    partie de lorganisation mais

    lorganisation est une partie

    de lindividu).

    Logique de

    lespace, de

    classification,

    dordonnancement,

    dhirarchisations,

    danalyse.

    Logique du temps, de la

    nouveaut, de la

    critique, du doute, de la

    contradiction, de

    lexclusion, de la lutte,

    du progrs.

    Logique des processus, de

    linclusion, des

    interactions, de la

    coopration, de lunit, de

    la totalit.

    Logique du dsordre, de

    lincertain, de louverture,

    des formes de la destruction

    cratrice, de lirrversibilit.

    Ces diffrentes logiques fondent diffrentes conceptions et approches du

    changement organisationnel. Le trialectique et la complexit viennent formaliser une

    logique qui nous semble sous-jacente au courant de la complexit et, dune certaine faon

    celui de la postmodernit. L aussi, le risque est daborder la jungle des relations de

    pouvoir avec une thorie de la bergerie . Le raisonnement risque non de procder en

    spirales mais de senfermer en des raisonnements circulaires sans relle substance. La

    remise en cause de lidentit et de la causalit est, de fait, une remise en cause du sens de

    la causalit et risque alors daboutir une pure et simple perte du sens, du sens du

    changement.

    CONCLUSION

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    Karim Ben Kahla, Les analyses du changement organisationnel.

    Cette recherche avait pour but de proposer une typologie qui permette de

    synthtiser la littrature descriptive et normative concernant le changement des et dans les

    organisations. Le premier volet (que nous avons appel le changement de et dans les

    organisations) ainsi que le second (qui portait sur la gestion du changement desorganisations) renvoient des thories vhiculant des choix particuliers par rapport

    certaines questions de fond qui reviennent en filigrane de toutes les recherches :

    changement volontaire et/ou dtermin, prescrit et/ou construit, simple et/ou complexe.

    Nous avons complt cette revue de la littrature thorique par une discussion des

    aspects mthodologiques et pistmologiques qui, au-del des dbats conceptuels, fondent

    les recherches sur le changement organisationnel. Ceci nous a permis de relever la

    ncessit de renoncer rechercher des lois du dveloppement ou du changement des

    organisations et de se contenter de lobjectif dlaborer des thories de moyenne porte.

    Par ailleurs, cette premire concession thorique est double dune aporie qui, au -del

    des logiques du raisonnement et du changement que nous avons prsentes, nous semble

    tre fondamentale : comment penser le changement partir du changement et non partir

    dlments matriels et conceptuels en quilibre ?