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Actesjuin2006 - efus.eu · Christine Lazerge sur les actions des Contrats Action Prévention (CAP) des conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD). L’étude a porté

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À l’heure de l’avenir incertain de la prévention de la délinquance – projet de loi annoncé depuis 2003, enquêtes menées par l’Inspection Générale de l’Administration et la Cellule Interministérielle d’Animation et de Suivi des Contrats Locaux de Sécurité et des Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance – le Forum Français pour la Sécurité Urbaine a souhaité lui consacrer deux journées de réflexion et de débats.

« 12 heures pour la prévention de la délinquance » n’ont pas été de trop pour dresser le

bilan de la prévention et de ses outils, et envisager leurs perspectives d’avenir. Qui mieux que les élus et les techniciens des collectivités territoriales aurait pu s’exprimer sur ces questions ? Le Forum Français a fait appel à leurs expériences. Cinq tables rondes leur ont permis de présenter les actions innovantes mises en œuvre par leurs collectivités, et de partager leurs points de vue sur les problématiques qu’ils abordent au quotidien. Des temps d’expression ont également été ménagés aux experts de la prévention. Le Forum Français a tenu à participer activement à ces réflexions. Il a élaboré et diffusé un questionnaire1 auprès des collectivités qui composent son réseau. Bertrand BINCTIN, Adjoint au Maire du Havre et Vice-Président du Forum Français a présenté les résultats de ce questionnaire lors de l’introduction des journées des 18 et 19 octobre 2005. Ils ont apporté des premiers éléments de réponse aux questions abordées lors du colloque. Le Forum Français tient à remercier celles et ceux qui, par leur intervention ou leur présence, ont enrichi les débats et donné à la réflexion sur la prévention de la délinquance toute l’importance que l’actualité de ces dernières semaines lui confère. Plus que jamais, les grandes orientations issues des débats des 18 et 19 octobre doivent guider l’action publique et servir de fondement à une politique de prévention de la délinquance renouvelée.

Jean-Pierre BALDUYCK Maire de Tourcoing Président du FFSU

1 Le Forum Français pour la Sécurité Urbaine a fait parvenir aux membres de son réseau, en août 2005, un questionnaire destiné à dresser un état des lieux des politiques locales de prévention. 57 collectivités (soit 5 931 241 habitants) y ont répondu, dont 14 communautés d’agglomération. A l’exception de deux, toutes les collectivités sont adhérentes au Forum Français, ce qui représente un taux de retour de près de 50% du réseau.

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SOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRE

DDDDÉÉÉÉFINIR LA PRFINIR LA PRFINIR LA PRFINIR LA PRÉÉÉÉVENTIONVENTIONVENTIONVENTION ................................................................................................................................................................................................................................................ 7777

INTERVENTION DE FRANCK SINA ....................................................... 9 INTERVENTION DE PHILIPPE ROBERT ............................................... 13 INTERVENTION DE MICHEL MARCUS ................................................ 17

PRPRPRPRÉÉÉÉVENIR LA DVENIR LA DVENIR LA DVENIR LA DÉÉÉÉLINQUANCE, QUELS ACTLINQUANCE, QUELS ACTLINQUANCE, QUELS ACTLINQUANCE, QUELS ACTEURSEURSEURSEURS ???? ............................................................................................ 18181818

INTERVENTION DE FRANÇOISE NICOLAS ........................................... 21 INTERVENTION DE ANNE GIROND.................................................... 23 INTERVENTION DE MICHEL DEBOST ................................................. 26 INTERVENTION DE ANNICK RICHARD................................................ 28 RéACTIONS................................................................................ 31

PARTAGER L’INFORMATIPARTAGER L’INFORMATIPARTAGER L’INFORMATIPARTAGER L’INFORMATION, GAGE D’UNE MEILLON, GAGE D’UNE MEILLON, GAGE D’UNE MEILLON, GAGE D’UNE MEILLEURE EFFICACITEURE EFFICACITEURE EFFICACITEURE EFFICACITÉÉÉÉ DE DE DE DE LA PRLA PRLA PRLA PRÉÉÉÉVENTIONVENTIONVENTIONVENTION ???? ................................................................................................................................................................................................................................................................................ 33333333

INTERVENTION DE FRANÇOIS PUPPONI ............................................ 35 INTERVENTION DE THIERRY COUVERT-LEROY.................................... 37 INTERVENTION DE ALEXANDRA ABBASSI........................................... 40 INTERVENTION DE MARIE RAYNAL................................................... 43 RéACTIONS................................................................................ 45

LA PRLA PRLA PRLA PRÉÉÉÉVENTION EN EUROPEVENTION EN EUROPEVENTION EN EUROPEVENTION EN EUROPE.................................................................................................................................................................................................................... 49494949

INTERVENTION DE BERNARD RIBIOLLET ........................................... 50 INTERVENTION DE MICHEL MARCUS ................................................ 52

L’AVENIR DES POLITIQL’AVENIR DES POLITIQL’AVENIR DES POLITIQL’AVENIR DES POLITIQUES CONTRACTUELLES EUES CONTRACTUELLES EUES CONTRACTUELLES EUES CONTRACTUELLES EN MATIN MATIN MATIN MATIÈÈÈÈRE DE RE DE RE DE RE DE PRPRPRPRÉÉÉÉVVVVENTION ET DE SENTION ET DE SENTION ET DE SENTION ET DE SÉÉÉÉCURITCURITCURITCURITÉÉÉÉ............................................................................................................................................................................................................ 55555555

RéACTIONS................................................................................ 59

RENOUVELER LES OUTILRENOUVELER LES OUTILRENOUVELER LES OUTILRENOUVELER LES OUTILS DE LA PRS DE LA PRS DE LA PRS DE LA PRÉÉÉÉVENTIONVENTIONVENTIONVENTION............................................................................................................ 61616161

INTERVENTION DE LILIAN ZANCHI ................................................... 63 INTERVENTION DE GEORGES LEFÈVRE ............................................. 64 INTERVENTION DE LUC-ÉTIENNE MOLLIÈRE ....................................... 65 INTERVENTION DE ÉRIC LENOIR ..................................................... 67 INTERVENTION DE EMMANUEL DUPONT ............................................ 70 RéACTIONS................................................................................ 72

LA GOUVERNANCE DE LALA GOUVERNANCE DE LALA GOUVERNANCE DE LALA GOUVERNANCE DE LA PR PR PR PRÉÉÉÉVENTIONVENTIONVENTIONVENTION.................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.

INTERVENTION DE JEAN-MARIE BOCKEL ........................................... 75 INTERVENTION DE GUY GEOFFROY ................................................. 75 INTERVENTION DE JEAN-LUC DEROO ............................................... 77 INTERVENTION DE NICOLAS PERRUCHOT ......................................... 78 INTERVENTION DE FRANCK CANNAROZZO........................................ 81 RéACTION ................................................................................. 83

CONCLUSIONCONCLUSIONCONCLUSIONCONCLUSION ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 85858585

INDEXINDEXINDEXINDEX .................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................... 88887777

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Définir la préventionDéfinir la préventionDéfinir la préventionDéfinir la prévention

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« 12 heures pour la prévention de la délinquance », 18 et 19 octobre 2005 Forum Français pour la Sécurité Urbaine

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Cette première table ronde a eu pour ambition de définir la prévention de la délinquance telle qu’elle est conçue aujourd’hui par les différents acteurs qui œuvrent dans ce champ, de mettre en exergue les grandes évolutions qui la traversent depuis plus de 15 ans, ainsi que les infléchissements et les directions nouvelles vers lesquelles elle s’oriente. Ces différents aspects ont permis aux intervenants d’aller plus avant vers la définition de la prévention de la délinquance, une prévention qui se singularise tant par son objet que par ses moyens d’actions.

*** Les résultats du questionnaire réalisé par le Forum Français ont apporté un premier éclairage. À propos de l’évolution des politiques locales de prévention de la délinquance ces 10 dernières années, 77% des collectivités interrogées déclarent que le partenariat a évolué. De même, 62% d’entre elles déclarent que leurs méthodes de travail ont évolué. Enfin, 52% déclarent que les objectifs de leur politique locale ont évolué. La délimitation des territoires d’intervention, la détermination des publics cibles et la définition du budget restent majoritairement stables. La majorité des collectivités interrogées attribuent comme objectif prioritaire à leur politique locale de prévention la lutte contre les violences faites aux personnes. À cet objectif sont associées la lutte contre les incivilités et la lutte contre le sentiment d’insécurité. La lutte contre les violences exercées contre les biens, privés comme publics, est un objectif qui ne concerne que le tiers des collectivités interrogées. Le territoire communal demeure l’échelle privilégiée des actions de prévention (pour près de 50% des répondants). C’est ensuite le territoire intercommunal qui est privilégié, et seulement enfin le territoire infra-communal. La majorité des collectivités interrogées déclare ne pas mener d’actions de prévention la nuit. Seulement 12% en mènent beaucoup, 39% un peu. Le temps de la nuit demeure un moment où les individus ont recours aux services d’urgence classiques, et au premier titre desquels la Police. Le dispositif des correspondants de nuit est encore peu développé. 25% des collectivités interrogées déclarent y avoir recours. Lorsque ce dispositif existe, il est cependant très utilisé. 87% des collectivités déclarent mener des actions de prévention sur le moyen terme. Les actions menées à court terme sont en général celles destinées à répondre à des situations de crise. Seulement 27% des collectivités déclarent mener des actions de prévention sur le long terme. Concernant les principales thématiques des actions de prévention menées par les collectivités, celles-ci mettent l’accent sur 5 thématiques : l’aide aux victimes, les conduites à risque, l’accès au droit, la parentalité et la déscolarisation. Une minorité de collectivités traite les thématiques des violences dans le sport, dans les transports, à caractère racial, ou les grands événements. En matière de publics cibles des actions de prévention, toutes les collectivités interrogées déclarent cibler les jeunes mineurs. Viennent ensuite les jeunes majeurs, ciblés par 94%. 71% des collectivités interrogées ont pour cible les femmes. Viennent ensuite les anciens détenus et les gens du voyage.

*** Intervenants

- Président de la table ronde : Michel MARCUS, Magistrat et Délégué général du Forum Français pour la Sécurité Urbaine,

- Franck SINA, Directeur Général Adjoint des Services à Saint-Herblain, - Philippe ROBERT, Directeur de recherches au Centre National de la Recherche

Scientifique (CNRS) et Directeur du Groupe Européen de Recherche sur les Normativités (GERN).

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE FFFFRANCK RANCK RANCK RANCK SINASINASINASINA Directeur Général Adjoint des Services à Saint-Herblain

Cette intervention s’appuie sur une recherche effectuée de 1997 à 2002, sur les contrats locaux de sécurité (CLS) engagés durant cette période. En France, il y a 2 modèles dominants : la prévention sociale d’une part, la prévention situationnelle d’autre part. La prévention sociale vise toujours les individus. On s’interroge alors sur l’individu et à partir de quand on doit prendre en compte cet individu ou les groupes sociaux. La prévention situationnelle introduit une rupture dans cette logique : le paradigme situationnel prend en compte l’espace public. Si on brosse à grands traits le portrait des politiques locales, on constate que : - de 1977 à 1994, la prévention sociale est le modèle dominant, en France, pour construire des actions ;

- à partir de 1995, on voit émerger, notamment avec la LOPS, une préoccupation pour l’espace public et une prise en compte de ce dernier dans une logique situationnelle.

Dans l’étude que j’ai menée, j’ai regardé si on pouvait constater cette évolution dans les CLS, dans quelles proportions, et si on pouvait en dégager des lignes de lecture politiques. L’idée de la prise en compte des espaces publics existait déjà au temps du rapport Bonnemaison, même si elle n’était pas encore traduite dans les faits. Sur la prise en compte de l’espace public, 5 actions avaient été retenues lors de l’évaluation réalisée par Christine Lazerge sur les actions des Contrats Action Prévention (CAP) des conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD). L’étude a porté sur 173 villes, soit 5 978 650 habitants (c’est-à-dire 29% de la population sous contrat fin 2000 et 10% de la population métropolitaine), 51 contrats (dans des villes en zone Police, en zone mixte pour les contrats intercommunaux, et en zone Gendarmerie). L’échantillon qui a été analysé représente un volume de 596 283 crimes et délits, soit 16,7 % de la criminalité au moment de l’étude. Dans cet échantillon, j’ai regardé plus précisément 1767 actions. 3 étapes : - les actions elles-mêmes – essayer de les définir à partir de leurs référents (qui porte l’action ?) ;

- les cibles ; - l’objectif de l’action. J’ai aussi travaillé sur le territoire concerné, le coût de l’action, ces deux derniers thèmes ne pouvant être exploités, les résultats n’étant pas tout à fait fiables.

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Les référents des fiches action Il y a 6 groupes de référents des fiches action : - 1er groupe : les services de l’État : 41,9% du total de l’échantillon des actions sont portés par les services de l’État, essentiellement Police et Gendarmerie, Justice et Éducation nationale ;

- 2ème groupe : les villes : 40,8% ; - 3ème groupe : les associations : 6,1% ; - 4ème groupe : les bailleurs : 5,3% ; - 5ème groupe : les transporteurs : 4,3% ; - 6ème groupe : les départements : 1%. 82,8% des actions sont en fait directement portés par les services de l’État ou ceux des villes. Or, au sein des services de l’État, ce sont essentiellement la Police, la Gendarmerie et la Justice qui, à 69%, portent des fiches. L’Éducation nationale 24%. Ce sont essentiellement les services de l’État identifiés sur une mission répressive qui sont impliqués. Ce qui est étonnant, c’est l’absence, ou la très faible participation, des autres services de l’État. Sont également très peu impliqués les conseils généraux, ce qui nous amène à nous interroger sur la continuité entre la prévention et le traitement de la délinquance, les conseils généraux ayant la compétence légale en matière de prévention spécialisée, d’aide sociale à l’enfance, de protection, etc.

Les cibles des actions des CLS Dans un premier temps, les 5 cibles identifiées par Christine Lazerge dans l’étude menée en 1990 ont été reprises pour cette enquête. Christine Lazerge a mené une étude sur les actions réalisées dans le cadre des CCPD et des CAP. De cette analyse étaient ressortis 5 publics privilégiés : le public tout venant, le public quartier, le public à problèmes, le public Justice, et le public victimes, auxquels il fallait ajouter les actions directes visant la formation des professionnels et la communication. On ne peut repartir sur ces 5 cibles car la réalité des CLS est beaucoup plus large. On a une prise en compte de l’espace public qui n’apparaissait pas dans les CAP, et on a des situations de conflit beaucoup plus ciblées autour des transports, des regroupements dans les cages d’escalier, etc. Il a donc fallu élargir la palette. Les cibles des actions des CLS, ont été regroupées en 3 familles : - les professionnels : 17,4% des actions : améliorer leurs conditions de travail, leurs compétences ;

- l’espace public : 25,6% des actions : modifier la perception de l’espace public par une présence humaine notamment, de façon à ce que cet espace public soit contenant ;

- les individus ou groupes : 56,8% des actions : les scolaires 234 sur les 1005 actions, les publics problèmes 171, les mineurs 139, les habitants des quartiers 137, les victimes, les auteurs connus, les parents, les personnes toxicomanes, les gens du voyage.

Les objectifs des actions des CLS

Sur l’échantillon, 18 objectifs sont clairement identifiés, qui n’ont pas tous la même prépondérance. Du moins important au plus important, on recense : « renforcer la santé mentale », « développer les services de proximité », « renforcer la sécurisation », « prévenir la maltraitance », « faire baisser le sentiment d’insécurité », « renforcer la

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propreté », « diminuer les conduites addictives », « améliorer les conditions de vie en collectivité », « prévenir l’échec scolaire », « développer l’insertion », « développer les aménagements », « prévenir la récidive », « développer les observatoires », « développer la prévention primaire » 170, « renforcer la présence » 170, « développer la justice de proximité » 179, « développer l’animation sociale » 198, « développer les polices de proximité » 308. À côté de ces objectifs, il y a : des porteurs, qui sont plutôt des services répressifs, des publics cibles, avec 3 grandes catégories, et des actions.

Les types d’actions des CLS Si on prend les actions et qu’on les classe, 3 groupes d’actions se distinguent : - des actions de type A en amont du traitement de la délinquance avérée, 317 actions, 17,7% de l’échantillon : ces actions visent essentiellement les parents et les scolaires, pour faire de l’animation sociale et de la prévention du décrochage. Ce sont des actions clairement identifiées, de la prévention sociale primaire, très en amont de la délinquance, sans lien avec un public repéré. C’est le long terme qui est envisagé, et les actions ne sont quasiment jamais évaluées ;

- des actions de type B centrées sur la prise en compte de l’occupation de l’espace public, 462 actions, 26,4% de l’échantillon : le but de ces actions est le plus souvent d’empêcher le passage à l’acte, de mettre sur le terrain les forces régaliennes ou la médiation (qui joue sur un registre différent, notamment la proximité sociale). La sécurisation des espaces publics par du personnel de sécurité privée est marginale dans les CLS ;

- des actions de type C de prévention sociale visant les individus ou les groupes en relation avec la délinquance avérée, 992 actions, 56,4% de l’échantillon.

À partir de ces actions, les acteurs locaux construisent leur politique locale. Ce qui détermine le profil d’un CLS, c’est la proportion des différents types d’actions. 3 groupes de CLS se distinguent : - 1er groupe : 25 villes, caractérisées par les actions de type C, ciblées sur les publics à risque : 68% d’actions de type C, 17,3% d’actions de type A et 14,5% d’actions de type B ;

- 2ème groupe : 52 villes, caractérisées par les actions de type A et B. On a plus d’animation sociale et d’occupation de l’espace public. L’hypothèse que j’ai formulée est la suivante : pour les élus et les partenaires locaux, le traitement des publics repérés est du domaine régalien ;

- 3ème groupe : 96 villes. Ce groupe traduit selon moi le plus fortement l’évolution des politiques locales. Les actions de type B sont proportionnellement les plus importantes, les actions de type A sont proportionnellement faibles.

La différence fondamentale entre l’étude menée en 1990 et celle réalisée en 2002, c’est l’émergence d’un type de politique fondé sur la prévention situationnelle, et la prise en compte très forte de l’espace public dans ces politiques. C’est le fait le plus marquant. Ces 3 types de CLS ne renvoient pas à 3 types de politiques aux frontières étanches.

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Permanence de la prévention sociale et apparition de la prévention situationnelle

Selon moi, les 2 modèles prévention sociale et prévention situationnelle ne sont pas opposés ; ils sont complémentaires. Par contre, ils ne répondent pas aux mêmes objectifs de temps et de public. La prévention sociale joue sur le long terme : c’est l’idée de faire société en croyant en l’individu. C’est l’idéal humaniste, en pensant que des projets d’éducation, de formation de l’individu sont de nature à ce que l’individu intègre la contrainte et soit lui-même le meilleur garant d’un non passage à l’acte. La prévention situationnelle part du constat que la nature humaine est ainsi faite, c’est l’idéal républicain. Ces deux registres peuvent être complémentaires pour peu qu’ils soient articulés. J’ai formulé deux hypothèses : - sur le déplacement de l’objet politique entre 1990 et 2002 : les actions s’élargissent, elles visent à aborder dans le même temps l’espace public et les individus. On peut supposer que c’est là la meilleure façon d’articuler prévention, répression et solidarité. La volonté de ne pas lâcher prise sur l’espace public est la matrice générale sur laquelle vont pouvoir s’appuyer les actions de prévention primaire ;

- sur la maîtrise de l’espace public dans une logique sécuritaire, et détachée de sa dimension humaniste : la responsabilité individuelle remplace toute prévention qui viserait à rétablir certaines inégalités. Avec ce type de politique, dans une société non totalitaire, il est impossible de contraindre chaque parcelle à une surveillance. Il en découle des espaces surveillés et des espaces délaissés ; une mosaïque d’espaces : les espaces des riches protégés et les espaces des pauvres délaissés ; les espaces publics dignes d’attention sous haute surveillance face à des espaces publics sous haute tension.

Une loi pour la prévention

À propos de la loi, nous sommes dans une situation délicate. Ce qui est inquiétant dans cette situation, c’est l’absence de doctrine de l’État : aucune ligne directrice pour les acteurs locaux, baisse drastique des crédits de l’axe 3 de la politique de la ville ; il y a une vacuité qui n’est pas sérieuse. Qui peut dire aujourd’hui ce que l’État pense de la prévention ? Par exemple, la police de proximité existe-t-elle toujours ? À une période, nous étions sûrs que c’était la doctrine que l’on nous demandait de mettre en œuvre. Aujourd’hui, qui peut répondre sérieusement à cette question ? Dans le même temps où l’on nous dit qu’un projet de loi sur la prévention va arriver, on lance, dans le cadre des programmes de renouvellement urbain, des dispositifs fondamentaux qui touchent au cœur même des quartiers de périphérie, qui bénéficiaient bien souvent des politiques de prévention. Toujours dans le même temps, nous engageons les dispositifs de réussite éducative : si ça ce n’est pas de la prévention, qu’est-ce que c’est ? Si le ministère de l’Intérieur ne parvient pas à articuler son action avec celle du ministère de la Politique de la ville, s’il y a des problèmes de calendrier, ce n’est pas le problème des politiques locales. Le cloisonnement artificiel des objets politiques ne correspond en rien au cloisonnement ou au décloisonnement des faits sociaux sur le terrain. Tout le monde s’accorde pour dire que l’articulation prévention/répression/solidarité a été à la base

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d’un grand pas en avant dans la pratique des acteurs locaux. Revenir en arrière ne serait pas sérieux. La question sur le terrain est de tracer des orientations, de dire ce que l’État pense de ces questions, quelle est sa perspective, comment compte-t-il « faire société », comment compte-t-il articuler l’idéal républicain et l’idéal humaniste, bref où va-t-on ?

Intervention de Philippe ROBERTIntervention de Philippe ROBERTIntervention de Philippe ROBERTIntervention de Philippe ROBERT Directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique et Directeur du Groupe européen de recherche sur les normativités

La difficulté de la prévention, c’est qu’on peut mettre tout ce qu’on veut dedans. C’est tout ce qui peut empêcher la délinquance d’avoir lieu. Et comme on ne sait pas trop ce qui peut l’empêcher de se produire, c’est un peu tout et rien. D’où l’importance cruciale de l’évaluation, peut-être plus même que dans n’importe quel autre domaine des politiques publiques. Sans évaluation, il ne peut y avoir de façon durable une action qui tienne la route. Seule l’évaluation permet de dire si ce que l’on fait a une vertu préventive ou non. Et à défaut d’évaluation, parce qu’il n’y en a pratiquement pas, au moins des travaux d’analyse sont extrêmement précieux : ils permettent d’avoir une idée concrète de la diversité de ce qui se fait, de la façon dont cela s’organise, des choix que font les différents acteurs sur le terrain.

Prévention et Politique de la ville Quand on regarde la situation française, la première curiosité, c’est que, depuis la fin des années 1980, la prévention est nichée dans un ensemble plus vaste, la politique de la ville. La politique de la ville est une sorte de politique sociale territorialisée dont l’objectif général est de prendre pour cible un certain nombre de zones urbaines qui cumulent des déficits, avec le souci de ne pas les laisser s’enfermer dans leur relégation sociale et urbaine. C’est cela qui fait la toile de fond dans laquelle se niche la prévention à la française depuis une quinzaine d’années. L’ensemble de la politique de la ville prétend à une vertu préventive. Mais à vrai dire, on ne dispose pas de mesures qui nous permettent de dire si oui ou non elle a cette vertu préventive, si certains de ses morceaux ou d’autres l’ont ou pas. Nous disposons d’une seule évaluation sur l’action de la politique de la ville, réalisée par l’INSEE sur la période inter-censitaire 1990-1999. On a regardé si le sort relatif des zones urbaines sensibles s’était amélioré ou dégradé : les résultats sont assez mitigés. Il s’est amélioré dans un gros cinquième ou un petit quart des cas, il s’est aggravé dans les autres. Ce qui fait que ce cadre d’ensemble dans lequel se situe la prévention en France laisse, du moins d’après cette évaluation, une impression mitigée. D’un côté, sa seule existence témoigne d’un souci de solidarité nationale, d’un refus d’abandonner les zones et les populations en difficulté. Mais, d’un autre côté, elle semble peiner à produire des résultats massivement significatifs. Il serait intéressant de savoir pourquoi. Je formule plusieurs hypothèses, qui ne sont pas exclusives les unes des autres : - est-ce que la politique de la ville est trop indécise ou trop ambiguë ? - est-ce qu’elle a reculé devant le prix à payer pour une action décisive, qui serait probablement très chère ?

- est-ce qu’elle a pâti d’une conception trop locale ? Ce n’est pas parce que les problèmes sont très localisés que tous les remèdes le sont nécessairement.

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- est-ce qu’elle s’est enfermée dans une conception trop administrative, qui pense qu’il suffit de commander au centre et que la périphérie fera ce qu’on lui propose, sans plus de difficultés ?

- est-ce qu’elle a avec constance privilégié les actions sur le bâti, sur l’immobilier, plus faciles à mettre en œuvre, servies par de puissantes corporations au sein même de l’État, au détriment du social ?

- n’était-elle tout simplement pas de taille à inverser les tendances lourdes qu’elle prétendait combattre ?

En tout cas, on peut dire pour le moment que la politique de la ville jette une bouée à l’homme tombé à la mer, mais qu’elle ne le remonte pas à bord. Et il est trop tôt pour savoir si les nouvelles mesures de cohésion sociale seront de nature à modifier ce diagnostic.

Prévention et marché privé de la sécurité

La prévention, si on la prend dans son sens précis, ne se limite pas aux actions étatiques. Bien au contraire, la prévention, c’est d’abord le recours au marché privé de la sécurité. Le développement tout à fait remarquable, depuis la fin des années 1970, des trois branches du marché privé de la sécurité (l’assurance, les fournisseurs de personnel, les fournisseurs de matériel), a permis de construire de véritables bulles de sécurité, qui protègent les galeries commerciales, les grandes surfaces, les équipements collectifs, et depuis le milieu des années 1990 les grandes manifestations sportives ou ludiques. C’est probablement la plus grande action préventive. Le développement de ce marché de la sécurité a permis aussi, aux particuliers qui en avaient les moyens, de diminuer les risques d’intrusion dans leurs domiciles, et de diminuer jusqu’à un certain point les risques d’enlèvement de leurs véhicules. Nous pensons que l’érosion du cambriolage depuis le milieu des années 1980, et l’érosion des vols de véhicule, s’expliquent en grande partie par l’augmentation de ces équipements anti-intrusion ou anti-enlèvement. Ils ont eu une conséquence inattendue : en échange, où voulez-vous prendre si vous avez plus de mal à entrer dans les appartements ou à déplacer les véhicules ?, eh bien sur l’individu qui passe dans la rue. Il est la cible la plus facile à atteindre, d’où une augmentation des vols violents. Ces vols sont probablement un effet de déplacement, de développement de cette sorte de prévention. Les démunis n’ont pas eu accès à cette ressource payante, ils n’ont pas eu accès à l’assurance (ce sont les 20% qui ne sont pas assurés contre le vol), avec des concentrations remarquables dans certaines zones. Ce sont ceux qui ne peuvent acheter tous les dispositifs anti-intrusion. Et ceux-là n’ont pas du tout bénéficié de cette sorte d’action préventive. Il y a aussi un autre perdant, c’est l’espace purement public. L’espace mi-public mi-privé (les galeries commerciales par exemple) est dans l’ensemble très bien protégé. L’espace purement public est beaucoup moins bien protégé, et cela en raison d’une mutation historique : quand on a créé la police moderne au 19ème siècle, on ne l’a pas du tout créée pour chasser le délinquant, mais pour patrouiller l’espace public et veiller à ce qu’il soit un espace que chacun peut emprunter en toute sécurité mais que personne ne peut s’approprier. Cette fonction est presque totalement à l’abandon, par un effet inattendu de la professionnalisation de la fonction policière, de sa motorisation et du perfectionnement de ses moyens de transmission.

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La police municipale, une chance « à moitié perdue » Les collectivités territoriales ont réagi devant cette situation en recréant, sans demander la permission de personne initialement, les polices municipales qui avaient été étatisées en 1941 sous l’occupation allemande. Il n’est pas sûr que cet essai ait été transformé en ce qui concerne la réoccupation de l’espace public. En fait, on ne savait pas trop ce qu’on voulait faire de cette police municipale. On en a pour l’essentiel abandonné la formation et la direction à des leçons venant de la police d’État, de telle sorte que très normalement la plupart de ces polices municipales regarde vers les façons de faire de la police d’État, ce qui n’est pas le meilleur moyen pour elle de combler ce que la police d’État a laissé vacant, et qui est essentiellement cette occupation de l’espace public. Pour le moment, c’est plutôt une chance qui a été à moitié perdue.

L’apparition des métiers de la médiation D’où le recours depuis la fin de la décennie précédente à toutes sortes d’emplois à statut précaire chargés d’assurer, dans l’espace public, dans les transports, une fonction d’intermédiaire et de médiation qui n’est plus assurée. C’est un gros enjeu. Mais a-t-on donné les moyens, la stabilité, les façons de faire suffisantes à ces nouveaux intervenants pour qu’ils reprennent efficacement cette fonction ? Je ne sais pas, et on n’a pas d’évaluation pour savoir où l’on en est en la matière. En outre, les emplois qui servent de base à la plupart de ces fonctions ont été très fragilisés par les perpétuels revirements de l’action gouvernementale à leur propos.

Prévention proactive et évolution de la prévention spécialisée Jusqu’à présent, en regardant les actions préventives, j’ai surtout listé des choses défensives. On protège une série d’espaces (grands magasins, galeries commerciales, grandes manifestations musicales, équipements collectifs). On essaie de reconquérir l’espace public là où le problème se pose : là où il n’y a pas de problème, l’espace public est simplement devenu un vaste parking. Mais pas un enjeu. Ce qui me frappe, c’est que, dans tout cela, ce qui apparaît le moins, c’est la prévention proactive. Il y a beaucoup de mesures préventives recroquevillées sur une posture défensive, et pas beaucoup, ou pas autant qu’on pourrait l’imaginer, d’actions proactives. Le point qui me semble crucial, c’est l’accompagnement à la socialisation des adolescents et des jeunes adultes en difficulté, et notamment en difficulté à partir de leur parcours scolaire. Là, il y a un déficit d’investissement. Cela n’apparaît pas comme une priorité clairement identifiée et sur laquelle on investit lourdement. Je crois que c’est dans nos pratiques de prévention ce qui nous manque actuellement le plus. Et c’est d’autant plus paradoxal que, dans les années 1960 et 1970, nous avions une très solide formule en la matière, ce qu’on appelait à l’époque la prévention spécialisée sur la base des clubs et équipes de prévention, qui était typiquement axée sur ce type de problèmes. Cette formule n’a pas disparu, bien entendu, mais elle a été d’abord déstabilisée par le retournement du marché du travail. Il faut bien voir qu’elle était adossée au fait qu’il était très facile de trouver un emploi stable, en CDI, même pour un loulou sans grande qualification. On n’avait pas nécessairement uniquement besoin de personnel très qualifié : on acceptait volontiers n’importe qui, et on lui donnait un emploi stable qui lui conférait un statut social. À partir du moment où le marché du travail s’est dualisé, à partir du milieu des années 1970, et où il n’accorde plus à ceux sans qualification que la perspective peu exaltante et

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surtout peu socialisatrice d’une série d’emplois précaires à répétition (et encore c’est l’hypothèse favorable), le débouché du travail de prévention spécialisée devient très difficile. On n’est plus dans une perspective de récupérer ceux qui faisaient l’école buissonnière, mais de gérer des situations de précarité qui peuvent être durables. Cela est beaucoup plus difficile et a énormément déstabilisé le travail de prévention spécialisée. Il y a eu aussi un phénomène institutionnel : la prévention spécialisée a changé de tutelle. Avec les lois de décentralisation dans les années 1980, elle est passée de la tutelle de l’État à celle du Département, ce qui a déstabilisé beaucoup d’équipes. La tutelle de l’État était une tutelle bienveillante mais lointaine. Celle du Département pouvait être plus proche mais les départements n’ont pas toujours eu d’emblée une idée claire de ce qu’il fallait faire avec ce nouvel outil. Les compétences des conseils généraux ne les portaient pas du tout à avoir acquis un savoir en la matière. Le fait, dans tout ça, c’est que le grand point faible, c’est la prévention proactive ciblée sur l’accompagnement du parcours de socialisation de ceux qui sont en difficulté de ce point de vue. Il existe beaucoup d’expériences qui témoignent ici ou là d’un effort novateur des collectivités territoriales, du secteur associatif et d’autres partenaires. Mais on se demande où est le chef d’orchestre. Or, on dit toujours « le travail de prévention, c’est essentiellement du local ». Oui mais mon expérience me montre que ça ne marche bien que dans les pays où s’instaure un dialogue solide entre les pôles locaux, qui sont en effet les responsables de l’action, et un pôle central, qui lui est responsable de la cohérence de l’ensemble des politiques, de l’évaluation des différentes actions, de l’impulsion et de la consolidation des bonnes pratiques. Or, ce pôle, on ne le voit que très faiblement.

Combiner répression, prévention et politiques sociales Les politiques de sécurité sont toujours un policy mix qui doit combiner dans des proportions variées la répression, la prévention et les politiques sociales. Seulement, dans cette combinaison, il y a plusieurs problèmes, et notamment celui de la proportion. Si vous avez un des axes qui devient disproportionné tandis que les autres restent chétifs, ça marche mal. Il y a aussi le problème, très important, de la non contradiction. Or, cette non contradiction ne va pas de soi, il faut la bâtir. La répression, la prévention et les politiques sociales ne sont pas naturellement en harmonie. Le troisième risque est le fagocitage. Oui, on fera bien de la prévention, mais à condition que ce ne soit qu’une annexe de la répression et des institutions qui en ont la charge. Or, le rôle essentiel du pilote national est de veiller à ce que ces trois branches soient proportionnées, qu’il n’y ait pas contradiction entre les différentes actions et qu’il n’y ait pas non plus fagocitage d’une des branches par l’autre.

La mobilisation de la population Il me semble que les actions de prévention en France sont souvent peu mobilisatrices des populations. Elles essaient plutôt de faire pour les gens que de faire avec les gens. J’ai été frappé dans beaucoup de terrains par la coexistence d’un tissu associatif assez développé et assez vivant et d’une série d’actions, mais qui ne se rencontraient pas du tout. Le fait que les actions de prévention ne cherchent pas à mobiliser le tissu local

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existant m’a paru quand même quelque chose de bizarre. Il y a là un sujet de réflexion pour vos débats.

L’importance cruciale de l’évaluation Depuis la fin des années 1980, on parle partout en France d’évaluation, mais personne n’en fait. Les cas où il y a vraiment eu évaluation de politiques publiques se comptent sur les doigts de la main. Le dispositif créant le RMI est à peu près le seul où il y a eu une vraie évaluation, prévue par la loi d’ailleurs. Et ce essentiellement parce que les corps d’inspection administratifs se sont jetés sur l’évaluation en pensant que si on la laissait se développer, ça deviendrait un dangereux concurrent. Ils ont fait une OPA sur l’évaluation. Or, ces corps ne sont pas du tout en position de faire de l’évaluation car ils sont à l’intérieur même de ce qu’ils veulent évaluer. On ne peut s’évaluer soi-même. Le résultat est que, sous couleur d’évaluation, on a de l’audit interne. On a donc le plus souvent de l’analyse de ce qui s’est fait, au mieux de la confrontation entre les objectifs de départ et les productions. Mais l’évaluation commence quand on compare les objectifs et les produits à l’impact extérieur, et y compris à l’impact inattendu, aux effets pervers. Et cela ne peut se faire que de l’extérieur du dispositif d’action. Quand vous êtes dans l’action, vous être très mal placé pour voir les impacts inattendus ou parallèles. Le résultat de tout ça, qui est dramatique, c’est que nous n’avons pratiquement pas d’évaluation, sauf dans les discours. Et en matière de prévention, c’est absolument catastrophique car à peu près tout peut servir à la prévention, mais on ne peut le savoir qu’en vérifiant si ça marche ou pas de ce point de vue.

Intervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUS

Magistrat et Délégué général du Forum Français pour la Sécurité Urbaine

Le pilote de la politique de prévention Qui pilote ? Une réponse institutionnelle à cette question du pilote est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. L’autre approche à avoir est une approche plus collective, sur des objectifs communs. C’est à partir d’une discussion collective que peut se constituer un bon instrument.

Définir la prévention de la délinquance Quelle définition de la prévention, par rapport aux politiques sociales notamment ? Les politiques sociales forment l’arrière plan de l’ensemble des actions de prévention, du développement de l’individu, du développement sociétal, mais la prévention de la délinquance est un objet en soi. Quand la prévention spécialisée dit qu’elle ne fait pas de la prévention de la délinquance, j’estime qu’elle se trompe. Ce n’est peut-être pas son objectif principal mais, à un moment donné, si la prévention spécialisée a un objectif commun qu’elle partage avec la Police, la Justice, ou les médiateurs, elle fait de la prévention de la

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délinquance. A ce moment-là, il faut avoir une méthodologie pour rentrer dans un tronc commun. Tant que les rôles de chacun sont définis a priori sans qu’on se confronte dans un travail collectif autour des objectifs, on est toujours dans cette déshérence. Nous sommes aussi coupables de rester dans cette indistinction de la prévention de la délinquance. Il faudrait que l’on arrive à une typologie des actions, que l’on sache exactement de quoi on parle quand on est entre nous : le décrochage scolaire par exemple, on ne peut l’inclure dans la prévention de la délinquance dans l’intégralité de la question. Sauf qu’à partir du moment où ça concerne un certain nombre de jeunes qui ont déjà eu maille à partir avec la loi, et bien ça concerne la prévention de la délinquance.

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La deuxième table ronde a eu pour objet d’identifier les acteurs de la prévention. Les intervenants représentaient la diversité des professionnels œuvrant dans le champ de la prévention de la délinquance. Le positionnement propre à chacun a permis de donner une vue d’ensemble des professionnels de la prévention, de leur rôle et des relations qu’ils entretiennent. Ces interventions ont suscité des réactions parmi l’assemblée.

***

Les résultats du questionnaire réalisé par le Forum Français font état du partenariat au niveau local, des acteurs impliqués, du dynamisme dont ils font preuve, ainsi que des moyens humains mobilisés par les collectivités. À la question « La Justice participe-t-elle à la politique de prévention ? », 86% des collectivités interrogées répondent par l’affirmative. Néanmoins, seuls 23% de ces collectivités estiment que la Justice participe « tout à fait » à cette politique et 63% répondent « plutôt oui ». 96% des collectivités interrogées font état de la bonne participation de la Police à la politique locale de prévention, dont 58% qui estiment qu’elle y participe « tout à fait ». 60% des collectivités interrogées font état de la bonne participation de l’Administration pénitentiaire à la politique locale de prévention. 5 partenaires publics sont mis en avant par les collectivités interrogées : l’Éducation nationale (pour 90% des personnes interrogées), les bailleurs publics (90%), les transporteurs publics (83%), le Département (79%) et la structure intercommunale (67%). Sont des partenaires ensuite, par ordre décroissant, les représentants des préfectures et la Région. Parmi les partenaires privés de la prévention, les associations sont citées par 94% des collectivités interrogées, et en priorité par 76% d’entre elles. Viennent ensuite les bailleurs (77%), les transporteurs (62%) et les structures sportives (58%). Sont moins associés à la prévention les commerçants (48%), le secteur médical (42%), les entreprises privées de sécurité (37%) et la recherche (17%). Les collectivités recourent majoritairement à 3 types d’acteurs : les éducateurs d’abord, les policiers municipaux ensuite, et les médiateurs sociaux enfin. Les autres moyens humains que sont les travailleurs sociaux en commissariat et les correspondants de nuit sont moins utilisés. Seules 25% des collectivités interrogées disposent sur leur territoire d’un dispositif de correspondants de nuit.

*** Intervenants

- Présidente de la table ronde : Françoise NICOLAS, Maire de Vandœuvre-lès-Nancy, - Anne GIROND, Chargée de mission Sécurité au Conseil Général du Val d’Oise, - Michel DEBOST, Directeur de la Tranquillité publique à Dijon, - Annick RICHARD, sous-Préfète chargée de mission pour la politique de la ville à la

préfecture de la Moselle.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE FFFFRANÇOISE RANÇOISE RANÇOISE RANÇOISE NICOLASNICOLASNICOLASNICOLAS Maire de Vandœuvre-lès-Nancy

Présentation de la collectivité Vandœuvre-lès-Nancy est une ville de 33 000 habitants, deuxième ville de l’agglomération nancéenne et deuxième ville du département. Je suis responsable, en tant que vice-présidente de la Communauté urbaine du Grand Nancy (270 000 habitants et 20 communes), de la politique de la ville, et dans celle-ci du volet sécurité.

Définir la notion de prévention de la délinquance Il m’apparaît utile, pour introduire et organiser le déroulement de cette table ronde, de fixer le cadre de notre débat à partir de deux préalables. Pour le premier préalable, je m’appuierai sur le texte du Conseil National des Villes élaboré à l’issue des rencontres d’octobre 2003, qui donne une définition de la prévention : « La réalité de l’insécurité, ainsi que sa perception, ont sensiblement changé en 20 ans et requièrent des stratégies revisitées. La situation nécessite un gros effort de prévention primaire, prévention générale pour lutter contre l’exclusion. Ce doit être une préoccupation constante, portée par tous, reposant d’abord sur les moyens de droit commun. Mais au-delà, la prévention de la délinquance relève de stratégies complémentaires de prévention et de répression, plus ciblées en direction de ceux qui présentent un risque sérieux de commettre des actes délictueux, et des victimes. Elle repose sur un nombre d’acteurs plus restreint : polices nationale et municipale, Justice, services extérieurs de la PJJ et de l’AP, prévention spécialisée, ainsi que selon les cas d’autres acteurs tels que médiateurs, gardiens d’immeuble, enseignants… La population doit être partie prenante de la tranquillité publique et de la sécurité. Elle doit dire ce qu’elle attend dans ce domaine, mais aussi prendre sa part dans la résolution des problèmes. Le partenariat doit être appuyé sur un système de références et de valeurs partagées, porté par tous. Cela suppose coordination et cohérence entre tous ceux qui symbolisent le contrat social et sont chargés de rappeler les principes qui l’animent ». Le manifeste des villes pour la sécurité urbaine et le rapport de la commission des maires de 1982 ne disaient pas autre chose 15 ans plus tôt. Le second préalable correspond aux préoccupations majoritairement exprimées ce matin dans le questionnaire. L’objectif prioritaire de la politique locale de prévention consiste à lutter contre les violences aux personnes. Ce qui conduit à dire que les actions de prévention sont avant tout destinées aux personnes, auteurs mais aussi victimes. Et lorsque l’on évoque les auteurs, c’est majoritairement des mineurs et des jeunes majeurs dont on parle et auxquels on s’adresse.

Ces préalables posés, je souhaiterais rappeler quelques textes de référence : - le texte fondateur du contenu des contrats locaux de sécurité, 1997, définit les principales actions à entreprendre, et en outre, les conditions d’intervention de la Police et de la Gendarmerie. La mise en œuvre repose sur l’État, les collectivités territoriales, sur une coordination renforcée, sur le développement et la diversification

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de l’accueil et du suivi par les institutions ou associations compétentes, et par l’optimisation des moyens des différents partenaires. La population y est associée. Enfin, les actions doivent donner lieu à concertation entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire ;

- 7 juin 1999, le premier bilan des CLS fixe à nouveau les orientations et les actions prioritaires. Il précise à nouveau les acteurs, élargit et diversifie le partenariat. Depuis 1999, les services de l’État, la Police, la Gendarmerie et également les magistrats du siège, les services déconcentrés du ministère de la Justice, la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les services de l’Éducation nationale, Jeunesse et Sport, la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales, la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, les collectivités et les conseils généraux, les organismes à vocation sociale (les bailleurs sociaux essentiellement), les partenaires sociaux et économiques (en particulier les grandes surfaces) et les transports publics sont les partenaires de la prévention. On demande de développer la concertation avec la population et une meilleure information des acteurs. On demande de promouvoir des actions nouvelles ;

- la circulaire du 6 novembre 1998 relative à la délinquance des mineurs, rappelle la nécessité d’agir sur l’environnement des jeunes (familles, parents, prévention par l’école, accès des jeunes à l’emploi), de protéger les mineurs des effets de certains médias, de s’attaquer aux trafics, de drogue notamment. Cette circulaire demande d’apporter une réponse systématique, rapide et lisible à chaque acte de délinquance ; de mobiliser les services de l’État, les instances partenariales ; et d’établir un dispositif de soutien aux parents ;

- la circulaire du 2 octobre 1998 relative à la lutte contre la violence en milieu scolaire précise les actions à mener en direction des mineurs, ainsi que les acteurs à mobiliser.

Les acteurs de la prévention

On a donc un cadre juridique qui parle, jusqu’en 2003, d’un certain nombre d’acteurs, déjà à ce moment-là multiples et nombreux, et qui sont impliqués dans la prévention de la délinquance. Il s’agit cependant d’un catalogue, et dans celui-ci, tout le monde ne travaille pas forcément en même temps. Il arrivera aussi que, dans certaines villes, certains acteurs soient concernés par un sujet particulier, et le maire préférera travailler avec tel service plutôt qu’avec un autre. Les partenaires à mobiliser ne sont pas les mêmes selon que l’on vise les auteurs, les victimes, ou les faits commis. La nature de l’acte et sa gravité, le statut de l’auteur imposent tels ou tels partenaires. Par exemple, les atteintes aux règles de la vie en société relèvent des parents, de l’éducatif, mais aussi de la collectivité, qui peut aborder ce sujet par ses actions péri-scolaires ou ses relais associatifs.

Les acteurs et les actions de l’agglomération nancéenne 5300 logements sociaux, 14% de chômage. Une partie en politique de la ville. Depuis 2000, un CLS et un CISPD pilotés par la communauté urbaine. La communauté urbaine organise régulièrement les réunions du CISPD, elle a des commissions thématiques dont la commission « prévention routière », la commission « sécurité des bâtiments et sécurité de l’urbanisme ». Elle est aussi un maillon financier important du contrat de ville.

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Au titre des acteurs de la prévention que la collectivité gère en direct, il y a 12 agents de police municipale, qui ont prioritairement un rôle de proximité et de prévention tous azimuts ; des éducateurs et des animateurs sportifs. Des actions issues de la politique de la ville : construction d’un lieu associatif, géré par un médiateur. Des actions ponctuelles comme la remobilisation des adultes femmes : attirer, par le milieu associatif, des femmes qui ne sortent jamais ; leur apprendre la nutrition, pour faciliter l’intégration. La ville accepte des jeunes effectuant un travail d’intérêt général (TIG) le dimanche matin : ces jeunes se sentent valorisés. Des actions avec l’Éducation nationale : un atelier-relais pour le collège, la réussite éducative et des équipes pluridisciplinaires de soutien. Des actions de prévention secondaire avec la Police nationale : réunions hebdomadaires, échanges d’informations nominatives. Des actions avec les bailleurs : cellule de veille avec deux bailleurs principaux où s’échangent des informations nominatives, en présence de la Police si nécessaire. Le groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) se réunit tous les 2 mois, en présence de la Police, des bailleurs, du Procureur, des collèges, des petits commerçants et de la Poste. Seule ombre au tableau, nous avons une réelle difficulté avec le club de prévention spécialisée.

IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE AAAANNE NNE NNE NNE GIRONDGIRONDGIRONDGIROND Chargée de mission Sécurité au Conseil Général du Val d’Oise

Je vais vous présenter ce que le Conseil Général du Val d’Oise fait en matière de prévention de la délinquance.

Les chiffres clés du Département du Val d’Oise 185 communes. Plus d’un million d’habitants. Un taux de criminalité de 84 ‰. Baisse du nombre de faits constatés. Mais le département du Val d’Oise reste le second département d’Ile-de-France, derrière la Seine-Saint-Denis, en termes de taux de criminalité. En termes de faits constatés, nous sommes le cinquième département de France. Un sentiment d’insécurité élevé et une forte victimation. Quand on regarde les enquêtes de victimation de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-de-France à l’échelle de l’Ile-de-France, on est, depuis 2001, de manière régulière sur les trois enquêtes, le département avec les niveaux de préoccupation par rapport à la sécurité et de peur, chez soi notamment, numéro 1 d’Ile-de-France. 18 CLSPD. Un département très contrasté : 2 parcs naturels régionaux et une zone dense et urbaine avec des problématiques fortes relatives à la délinquance et à la sécurité.

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La politique de sécurité au Conseil Général Pourquoi une telle politique alors que le Conseil Général est a priori hors compétence dans ce domaine ? La consultation citoyenne effectuée en 2003 a mis en exergue la sécurité, préoccupation majeure des Val d’oisiens. Cet aspect était déjà pris en compte depuis 1999 : la volonté politique du Président s’est concrétisée à ce moment-là par un accord cadre (resté unique en France) signé par le Président du Conseil Général, le Préfet et le Procureur de la République sur l’amélioration de la sécurité dans le Val d’Oise. La sécurité a ainsi été définie comme une politique prioritaire du Département. La sécurité est toujours une politique prioritaire dans la mesure où l’on a validé en 2004 un projet à horizon 2015. 14 priorités ont été retenues, dont l’amélioration de la sécurité des Val d’oisiens. Cette priorité comporte deux points forts : l’affirmation de la transversalité (l’un des rôles du chargé de mission Sécurité en interne) et la promotion du partenariat.

Les principes d’action et les axes majeurs Prévention / sanction / réparation et aide aux victimes, sont les trois pôles de la sécurité dans le Val d’Oise. Quand on prend en compte une thématique, on cherche à avoir des actions sur ces trois leviers. Nous travaillons depuis 1999 sur plusieurs axes majeurs : le renforcement du partenariat avec les services de l’État ; l’affirmation du partenariat avec les communes ; la confirmation du rôle des associations et des acteurs de la prévention ; la formalisation d’un partenariat avec la chambre du commerce et de l’industrie. Un cofinancement existe avec la chambre du commerce et de l’industrie pour un poste d’animateur sécurité. Celui-ci avait pour le moment en charge la sécurité des commerces (interface avec les commerçants, identification des problématiques spécifiques des professions à risque). Il aura bientôt une compétence pour tout ce qui concerne le secteur économique, et notamment les zones d’activité.

La prévention spécialisée En 10 ans, le budget a été multiplié par 62,5%. Ce qui signifie qu’en 2005, on est à environ 140 équivalents temps plein, pour un budget qui dépasse les 8 millions d’euros. Une question s’est posée il y a un an et demi : que fait-on de la prévention spécialisée ? À quoi sert-elle ? Sert-elle vraiment ? Veut-on continuer à avoir 8 millions d’euros consacrés à la prévention spécialisée ? Ont été engagées une phase de diagnostic, puis une phase de réflexion en interne (concertation avec les élus du département et l’ensemble des services pour définir les priorités départementales de la prévention spécialisée). Le Conseil Général souhaite continuer à financer la prévention spécialisée et à garder les effectifs actuels. Cependant, il entend lui donner une orientation différente : accentuer la lisibilité des associations, et notamment pour les élus qui souhaitent ne plus avoir une vision seulement locale de la prévention spécialisée. Les éducateurs de la prévention spécialisée sont considérés comme des coproducteurs de la prévention de la délinquance. Ils ne sont pas pour autant responsables de la sécurité d’un territoire. Le Conseil Général souhaite aussi que la prévention spécialisée soit centrée avant tout sur un public collégien (les jeunes et leurs familles), mais également sur la tranche d’âge des 16-18 ans. Le CLSPD doit être un des outils d’évaluation de la qualité du partenariat pour la prévention spécialisée.

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La mise en place d’actions dans les collèges Nous souhaitons développer deux éléments majeurs : les actions éducatives (prévention des conduites à risque, promotion de la citoyenneté) et le réseau d’accompagnement à la scolarité. Un cahier d’actions éducatives a été rédigé avec l’Inspection académique, proposé à l’ensemble des établissements du département. Il suffit qu’ils s’inscrivent auprès du Conseil Général pour pouvoir bénéficier de ces actions. En ce qui concerne le réseau d’accompagnement à la scolarité, une vingtaine de collèges, sur les 101 existants, sont inscrits dans ce réseau. Il faut le développer pour pouvoir relayer l’action des villes dans ce domaine. Une synergie est à construire. Le Conseil Général a aussi la volonté de diminuer la taille des établissements scolaires : on a parfois des effectifs de 1000 élèves, le Conseil Général vise maximum 600 élèves par collège. En termes de prévention de la violence, c’est aussi un élément important.

Le Conseil Général, un acteur aux côtés des communes Le Conseil Général est un partenaire financier des communes et des EPCI. Il apporte un soutien important aux polices municipales, et aux politiques de lutte contre les graffitis (nettoyage, campagnes de communication, actions dans les établissements scolaires). Chaque année, le Conseil Général subventionne les communes et les EPCI à hauteur de 4 à 5 millions d’euros. Le Département joue un rôle dans la coordination au niveau départemental : le Conseil Départemental de Prévention est actif (signature d’un protocole départemental sur l’échange d’informations en juillet 2005 ; convention de prévention et de sécurité dans l’habitat social ; projet de schéma départemental d’aide aux victimes et d’accès au droit). Il existe un Contrat départemental de sécurité dans les bus : le Conseil Général, à la demande des transporteurs et de l’Inspection académique, a un rôle de mise en synergie des actions de prévention dans les établissements scolaires. Le Conseil Général mène des actions de soutien aux côtés des services de l’État, notamment sur le volet Aide aux victimes, Accès au droit, et Peines de travaux d’intérêt général. Il finance l’association d’aide aux victimes, le Conseil Départemental d’Accès au Droit, ainsi que les chantiers pour l’éducation des peines de travail d’intérêt général (TIG) mis en place par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, et les communes qui accueillent les TIG. Les priorités actuelles du Conseil Général sont la réussite scolaire et éducative. Le levier premier de la politique de prévention, c’est le collège. Le Conseil Général a la volonté d’être plus cohérent sur les thèmes de la restauration de la fonction parentale, de la réussite éducative, et de la prévention de la marginalisation. Son rôle est d’impulser, d’analyser, et de mettre en synergie.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE MMMMICHEL ICHEL ICHEL ICHEL DEBOSTDEBOSTDEBOSTDEBOST Directeur de la Tranquillité publique à Dijon

Présentation de l’agglomération dijonnaise Dijon est une ville de plus de 150 000 habitants. Le Grand Dijon compte 210 000 habitants. Des problèmes de délinquance existent dans quelques quartiers identifiés. Il y a sur Dijon environ 10 000 logements sociaux, répartis sur deux grands quartiers qui souffrent plus que les autres, ainsi que quelques poches installées dans l’espace urbain (habitat social ou copropriété).

La ville, un acteur de la prévention Aucun texte n’affirme le rôle de la ville en matière de prévention, mais il est sûr que les habitants attendent de leur maire qu’il s’occupe de la prévention et de la sécurité. Comment la ville répond-elle aux attentes des habitants ? La ville effectue déjà un travail de fond en matière de prévention sociale, qui renvoie à toutes les problématiques qui concourent à ce qu’on prenne en compte et qu’on se donne comme objectif le développement du lien social, du vivre ensemble dans une ville. Sur Dijon, cet axe a été régulièrement affirmé par la municipalité : ce qui est prioritaire est d’avoir une politique d’aménagement urbain et de rénovation urbaine fondée sur la recherche d’une mixité sociale. Cela suppose de travailler sur la durée, sur le remodelage de la composition sociologique des quartiers. C’est un enjeu très important, au niveau de la ville elle-même et de l’agglomération. Le financement, dans le cadre du contrat de ville, d’actions directement ciblées ou qui concourent à la prévention de la délinquance (accompagnement social des personnes en difficulté, lutte contre l’exclusion, accès au droit, soutien scolaire, accès à la culture), permet également de travailler sur le développement du lien social. En matière de lien social, la ville a aussi recours au recrutement d’agents locaux de médiation sociale et de correspondants de nuit. Les correspondants de nuit sont recrutés par une association, bénéficiant d’une délégation de service public par la Communauté d’agglomération de Dijon. Ils travaillent sur le même terrain que celui où interviennent prioritairement les ALMS, mais dans des tranches horaires décalées (19h30/20h – 2h). L’adoption d’un projet éducatif local, largement fondé sur l’adoption d’un contrat éducatif local signé avec la CAF, est encore un des volets de la prévention sociale. Ce PEL a comme public cible les adolescents et jeunes adultes, soit les 14/18 ans. Depuis des années, c’était un angle mort de l’intervention sociale sur la ville de Dijon. Ce PEL est porté par une direction de la Jeunesse créée au niveau de la ville. Il s’agit de donner aux jeunes les moyens de leur épanouissement à travers le développement d’activités de toutes sortes, à caractère sportif ou culturel. Au niveau du croisement des dispositifs, notre PEL s’articule avec le CLS ; il est son volet préventif. La ville peut également travailler dans le champ de la prévention situationnelle. L’action de la police municipale, intégrée dans un dispositif plus large qui est la Direction de la Tranquillité publique en charge du CLS, permet d’avoir une présence dans l’espace public.

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Il faut mobiliser de façon transversale les services techniques de la ville pour rappeler que l’éclairage public est aussi un outil de prévention en termes de sécurité. Il en va de même pour l’aménagement des parcs et jardins : la façon dont on paysage un espace vert présage ensuite de la façon dont il sera occupé. La prévention situationnelle, c’est aussi des systèmes de contrôle d’accès et des lieux où l’on réfléchit à l’installation de la vidéosurveillance.

La place du coordonnateur au sein du partenariat J’anime non seulement les travaux, sous la présidence d’un élu du CLSPD, mais aussi des structures territorialisées de quartier, que l’on appelle des comités de prévention et de sécurité de quartier. S’y retrouvent les membres des organismes qui siègent au sein de l’instance plénière du CLSPD. Il s’agit d’avoir des échanges entre le haut et le bas, les territoires, et de façon horizontale également. Je participe aux instances d’échanges. Les acteurs étatiques de la prévention sont la PJJ et l’Inspection académique. Je travaille beaucoup avec la Police nationale sur l’échange d’informations, l’échange de faits et d’événements. Sur la question de la prévention par la présence dans l’espace public, c’est un peu moins possible : confrontée à la nécessité de présenter des chiffres, le souci de la Police nationale est aujourd’hui d’aller vers les auteurs d’actes délinquants et non de mobiliser des personnels qui seront présents dans l’espace public à des fins strictement préventives. Ce rôle est maintenant de plus en plus dévolu à la Police municipale.

Les acteurs locaux

Les services municipaux sont des acteurs de la prévention. Sur Dijon, un certain nombre sont regroupés dans le département des services à la population, avec une logique de réponse à des attentes, dans lesquelles la prévention est très présente. Ce département regroupe notamment la Direction de la Politique de la ville et de la Vie associative, qui gère le contrat de ville et les crédits de la prévention de la délinquance, la Direction de la Jeunesse et des Sports, la Direction de l’Éducation, qui pilote le péri-scolaire et le PEL. Nous travaillons également avec l’Inspection académique, surtout sur les questions de prévention de la violence dans les écoles et collèges, avec la PJJ. Un service de prévention spécialisée a été délégué à l’association ACODEGE. Ses représentants participent aux instances de quartier du CLS, mais leur activité générale est intimiste. Dijon et l’agglomération représentent près de la moitié de la population du département de la Côte d’Or. L’autre moitié relève du rural profond. Les conseillers généraux représentent à 70% ce rural profond. En termes de préoccupations immédiates des élus, vous sentez bien comment peut se faire l’équilibre au moment des arbitrages. Il n’y a pas de CISPD sur Dijon. Le Grand Dijon a en charge le pilotage des correspondants de nuit, du dispositif d’accueil des gens du voyage, et la délégation de mission à une société de transports publics. Il gère la politique de rénovation urbaine dans le cadre de la contractualisation avec l’ANRU. Il apparaît fortement dans le champ de la prévention à travers des instances où se fait le pilotage de ces thèmes-là : sécurité dans les transports, aménagement urbain, correspondants de nuit, etc. Les bailleurs sociaux et les sociétés de transport public sont très présents au sein du CLS et dans les politiques partenariales.

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De grandes associations sont également impliquées dans les actions de prévention : l’ACODEGE, qui a en charge la prévention spécialisée pour le compte du Conseil Général ; une association qui prend en charge les questions de lutte contre les exclusions avec un souci permanent que la prévention et la prise en charge des personnes soient bien assurées ; la SEDAP qui fédère un certain nombre d’acteurs dans la lutte contre la toxicomanie, et qui est porteur d’un centre de ressources régional sur les problèmes de toxicomanie.

Intervention de Annick RICHARDIntervention de Annick RICHARDIntervention de Annick RICHARDIntervention de Annick RICHARD Sous-Préfète chargée de mission pour la politique de la ville

à la préfecture de la Moselle

N’ayant pas de background théorique en la matière, je me suis permis, pour avoir un fil conducteur, de poser une définition de la prévention, puis de classer les actions de l’État en fonction de cette définition. La prévention est l’ensemble des actions qui visent à régler les problèmes à la source.

Le réseau des acteurs étatiques de la prévention de la délinquance Cette définition m’a permis de positionner les acteurs étatiques au niveau local. J’ai classé les acteurs étatiques de la prévention de la délinquance en tenant compte de deux critères : un critère de proximité par rapport à la population, et un critère de temporalité dans l’action. Le cœur du dispositif, ce sont les services de l’État les plus proches des habitants, et qui agissent tous les jours auprès de ceux-ci. Cet ensemble regroupe les enseignants, les forces de police (Police nationale, Gendarmerie, Renseignements généraux), les éducateurs, à savoir la Protection Judiciaire de la Jeunesse et le SPIP. Ce premier cercle regroupe donc les administrations d’État qui interviennent de façon quotidienne. Le deuxième cercle regroupe la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports, la Direction Départementale de l’Équipement, la Direction Départementale des Affaires Sanitaires, la Justice. Ces institutions n’interviennent pas directement, et leurs actions se développent sur un temps assez long. Le troisième cercle regroupe la Direction Départementale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle : essayer de mettre au travail, de donner des formations participent à la prévention, mais là le temps est beaucoup plus long. Le pilote de l’État au niveau local est le Préfet. Il est amené à assurer la cohérence entre la vision départementale, la vision des territoires, et la vision des actions de prévention. J’ai ajouté le Préfet et les sous-Préfets car, de mon expérience sur le terrain en Moselle, nous avons 4 contrats de ville. Chaque sous-Préfet est responsable de la politique de la ville dans son arrondissement. Et il est très important pour moi qui suis sous-Préfète Ville d’animer ce réseau, d’avoir une vision cohérente des actions des uns et des autres, et d’avoir des objectifs communs. Les actions de prévention sont des actions de proximité, et dans le réseau d’État, le sous-Préfet est l’agent de proximité de l’État. Les politiques en matière de prévention associent donc les sous-Préfets d’arrondissement. La prévention pour nous, c’est aussi l’anticipation des évolutions. En matière de prévention, nous ne pouvons pas vivre dans des territoires figés. Il y a des territoires qui s’améliorent, il y a des territoires où des problèmes peuvent naître, il faut donc que nous essayons d’anticiper et de mettre en œuvre des actions.

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Les acteurs nationaux, ce sont la DIV, les politiques ministérielles qui nous touchent directement. Je prends un exemple : le ministère de l’Intérieur cherche en ce moment à développer l’accueil des victimes dans les commissariats et dans les gendarmeries. L’accueil des victimes rentre-t-il a priori dans le champ de la prévention ? Si nous parlons du sentiment d’insécurité, il est sûr que l’on rejoint cette problématique d’accueil des victimes. Le terme de prévention, c’est aussi des mesures nationales dont la mise en œuvre nous touche directement et nous amène à travailler différemment. « Nous » représente le réseau d’État. Mais ce qui est le plus important, ce sont les relations que nous mettons en place avec les autres acteurs locaux.

Les acteurs locaux de la prévention de la délinquance Les premiers acteurs locaux, ce sont les élus des collectivités locales. Effectivement, c’est par les élus que nous avons l’information sur l’évolution des territoires. Cela peut être parfois, hélas, une réaction dans l’urgence parce qu’il se pose un problème dans telle ou telle commune. Mais, si nous pouvons prendre un peu de recul, c’est bien par les élus, eux qui sont sur le terrain. C’est grâce à leur proximité avec le terrain que nous pouvons voir que tel quartier se dégrade, que telle association a du mal à assurer ses fonctions, etc. Les élus sont bien les maîtres de leur territoire. Ce sont eux qui gèrent la prévention locale. Et ils nous permettent d’adapter notre politique. L’ensemble des services des collectivités font aussi partie de ce réseau. Le Conseil Général est un acteur incontournable dans le jeu des relations au niveau local. Il a en charge des politiques sociales importantes, il a des moyens importants en la matière, et il est impossible d’ignorer dans l’action les positionnements du Conseil Général. En Moselle, il n’y a pas un positionnement net en faveur de la prévention. Ceci dit, toutes les actions qui relèvent de la parentalité, du soutien scolaire, toutes ces actions autour de l’enfant et de l’environnement familial, le Conseil Général s’y positionne naturellement. Les bailleurs sociaux et les associations sont également des acteurs de la prévention.

L’évolution des pratiques depuis 10 ans

De nouveaux dispositifs ont été créés. Depuis 10 ans, nous avons créé plusieurs dispositifs tels que la veille sociale, la veille éducative, les GLTD, les CLSPD. C’est peut-être le moment d’avoir une réflexion sur tous ces dispositifs, à défaut d’en avoir une évaluation. Effectivement, les moyens mêmes de la politique de la ville ont baissé. Ceci dit, si on regarde l’effet de levier de la politique de la ville, il est loin d’être négligeable. Pour la Moselle, en termes de fonctionnement, la politique de la ville représente 2 millions d’euros par an. Avec ces 2 millions, c’est 12 millions : nous multiplions par 6 l’effet de levier. S’y ajoutent toutes les actions de droit commun et tous les financements des collectivités locales. Sur un département qui a 35 communes en politique de la ville et à peu près 100 000 habitants en ZUS, ces 12 millions par an ne sont pas négligeables. Qu’avons-nous fait avec ces 12 millions ? Nous avons renforcé les moyens humains (agents d’ambiance, gardiens d’immeuble, adultes relais), nous avons mis du monde sur le terrain. L’évolution des pratiques, c’est aussi mettre du monde sur le terrain.

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Ce qui nous a permis d’avancer, à travers tous les dispositifs existants, c’est la concertation et la communication pour favoriser la cohésion des actions. Toutes ces réunions permettent aux différents acteurs de se rencontrer, de préciser à chacun leur rôle, et d’avoir une définition commune des actions. Par contre, ce qui est extrêmement important, c’est que chacun joue son rôle dans son métier. Chacun doit connaître le métier de l’autre, jusqu’où il va aller et jusqu’où il ne peut pas aller. Un autre exemple de développement, ce sont les référents Police Gendarmerie dans les établissements scolaires. En Moselle, nous avons 96 collèges. L’an dernier, en avril, nous avons essayé de mettre en place des référents Police ou Gendarmerie dans les collèges. Nous avons eu 5 refus, 20 collèges qui ont tardé à répondre, 70 ont donc répondu assez rapidement. À ce jour, nous avons 75 référents mis en place.

Les enjeux en matière de prévention Les enjeux en matière de prévention sont de 3 ordres. Il s’agit d’abord d’agir pour prévenir le sentiment d’insécurité. Comment agir sur ce sentiment d’insécurité ? La gestion du quotidien est loin d’être négligeable. Le fait qu’un quartier ou qu’une commune a sur ses murs des graffitis, voit des encombrants traîner dans les couloirs ou dans les rues, tout cela relève de la gestion du quotidien. La vidéosurveillance est un outil qui participe à la prévention du sentiment d’insécurité. Autre aspect de l’action pour prévenir le sentiment d’insécurité, ce sont toutes les actions qui concernent la vie sociale et le respect de l’autre, ce qui concourt à la citoyenneté. La gestion de l’émotion : nous sommes dans une société ouverte, tout se répand extrêmement vite et le moindre incident peut faire l’objet d’une rumeur. La gestion de ce type d’événements va se faire grâce au relationnel qui s’est créé à ce moment-là entre les forces de police, les éducateurs et les enseignants. L’information qui a provoqué la rumeur doit être contrebalancée par une information qui circule aussi vite entre ceux qui sont chargés de gérer les situations. Il s’agit ensuite de favoriser la mixité sociale et culturelle. Les opérations de rénovation urbaine sont aussi des occasions de mailler le territoire et de faire participer les forces de Police et de Gendarmerie. Il est important qu’elles se prononcent sur ce schéma pour voir si la voirie ne leur posera pas de problème dans la gestion quotidienne. Doit être envisagé également à cette occasion le traitement des ordures ménagères, pour éviter les fameux feux de poubelle ou de container. Lutter contre les discriminations est un axe sur lequel il faut continuer à travailler pour favoriser la mixité sociale et culturelle. Il s’agit enfin de maintenir des objectifs de santé publique, et en particulier la lutte contre le développement des conduites addictives.

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RRRRééééactionsactionsactionsactions JJJJOSY OSY OSY OSY POUEYTO,POUEYTO,POUEYTO,POUEYTO, ADJOINTE AU MAIRE DE LA VILLE DE PAU Les correspondants de nuit comme les ALMS sont aussi le trait d’union entre la prévention spécialisée et la Police. Aujourd’hui, qu’en est-il du statut des CDN ? Se pose également le problème de la pérennisation de ces postes. S’il n’y a pas d’aides pour la pérennisation de ces postes, ce type de service peut être amené à disparaître. Je regrette la diminution, ou le gel, des reliquats des crédits des contrats de ville. On a 25% de gelé pour le contrat de ville de la ville de Pau. On part donc l’année prochaine sur ce montant amputé de 25%. A un certain moment, on va peut-être continuer à attendre beaucoup de la prévention et des dispositifs, mais avec des moyens diminués et un désengagement de l’État de plus en plus important. Les acteurs locaux risquent de se retrouver autour d’un constat et le regret de devoir abandonner certaines choses. RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE AAAANNICK NNICK NNICK NNICK RICHARDRICHARDRICHARDRICHARD Sur la partie pérennisation des financements, c’est un vrai problème, avec une infinité de situations et de modes de fonctionnement. Je ne peux donner de règles sur tel ou tel département puisque les parts de subventions des uns et des autres sont variables. Il faut quand même reconnaître qu’il faut se poser la question de ce qui peut être pérennisé et de ce qu’il faut mettre en priorité. Ce sont des questions que nous allons nous poser à l’horizon 2007-2008. Sur la partie gel des crédits, effectivement, nous avons eu un gel de crédits, dont une partie devrait être dégelée. MMMMICHEL ICHEL ICHEL ICHEL MARCUS,MARCUS,MARCUS,MARCUS, DéLéGUé GéNéRAL DU FFSU Quelle est la visibilité pour l’instance publique de délibération de la politique locale, quand elle a face à soi une association qui a elle-même un conseil d’administration et une association de 500 salariés ? Où se fait à ce moment-là la détermination de la politique publique ? Dans les budgets, quelles sont les parts rigides et les parts flexibles ? La réinvention d’actions ou la mise en place d’actions pour faire face à des évolutions de situation sont de plus en plus paralysées. Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Adjoint au Maire de Villeurbanne, délégué à la sécurité et à la prévention Parmi les acteurs de la prévention, il en manque un qui est important, c’est la CAF. Personne n’en a encore parlé alors qu’elle finance les centres sociaux et des politiques importantes relatives aux familles et à l’accompagnement de l’enfant. La décision d’un conseil d’administration peut parfois modifier des politiques locales : nous le subissons. Alors, on ne peut pas dire que l’on soit véritablement acteur partenaire. En matière de politique de prévention, nous avons plusieurs exemples : nous subissons tous le recul financier des contrats de ville ; en matière de VVV, dans les villes, nous ne maîtrisons pas grand chose sur les orientations. On nous demande de faire de la mixité alors que l’on sait pertinemment que, dans un certain nombre de quartiers, la mixité sera difficile, ou ne pourra se faire que dans un deuxième temps. Des financements sont supprimés parce qu’on ne rentre plus dans les clous d’une politique qui n’est pas définie par nous… Quelles sont les marges de manœuvre pour la définition d’une véritable politique partenariale de prévention, qui ménage une place aux acteurs locaux quand ceux-ci ne sont souvent que les

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coordinateurs de politiques de prévention décidées par d’autres et dont ils ne maîtrisent qu’une infime partie ? RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE FFFFRANÇOISE RANÇOISE RANÇOISE RANÇOISE NICOLASNICOLASNICOLASNICOLAS À propos de la CAF, il y a des disparités d’un département à l’autre. Depuis 4 mois, en Meurthe-et-Moselle, il y a un désinvestissement très important de la CAF sur tout ce qui est vacances et activités sportives. Et c’est vraiment la catastrophe. La ville se retourne sur elle-même pour proposer au budget 2006 ce que la CAF donnait pour les vacances ou les loisirs des jeunes, qui sont une partie de la prévention. Sur les marges de manœuvre, il nous faut des partenaires. Les marges de manœuvre sont aussi ce qu’on se donne. Cette année, les villes à quartiers sensibles ont ou vont toucher une dotation de solidarité urbaine très importante, destinée au fonctionnement, et non à l’investissement. La DSU va aussi servir à augmenter les politiques de prévention. Personnellement, j’ai prévu des actions supplémentaires, par les associations d’ailleurs. On vient d’initier un réseau d’assistantes maternelles d’écoute. Il faut innover, il faut inventer. Il ne faut pas de lassitude, ni du public (les habitants), ni de nous-mêmes. Il faut aussi compter sur les habitants, car la prévention, c’est aussi ce que les habitants en font au quotidien. RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE AAAANNE NNE NNE NNE GIRONDGIRONDGIRONDGIROND Sur la partie budgétaire, nous fonctionnons à partir d’un certain nombre de dispositifs qui ont été votés par l’assemblée départementale. Après, c’est en fonction des projets des villes que le budget est redimensionné. Il y a eu une volonté politique forte, affichée sur le thème de la sécurité, avec des dispositifs votés. À partir du moment où les villes répondent aux critères qui ont été définis, le budget suit. Sur la question des marges de manœuvre sur la définition d’une politique de prévention, nous sommes sur 2 initiatives : d’une part, dans le cadre de la politique d’insertion, (depuis janvier, le Conseil Général est pilote en matière d’insertion), j’anime un groupe de projet sur la prévention de l’exclusion. D’autre part, on a au niveau du Conseil Général un certain nombre d’acteurs qui agissent dans le domaine de la prévention, et notamment sur la prévention de la violence. RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE AAAANNICK NNICK NNICK NNICK RICHARDRICHARDRICHARDRICHARD Nous fonctionnons par objectifs. Nous rencontrons une fois par an les associations, et nous repositionnons les objectifs des uns et des autres en fonction des souhaits et des moyens de chacun. Ces associations, compte tenu de leur masse salariale, sont importantes car elles sont des outils non négligeables du point de vue de la pérennisation des emplois. Ce qui est extrêmement important en matière de prévention, quelle que soit l’instance dans laquelle on se trouve, c’est d’avoir des objectifs clairs sur les sujets sur lesquels on compte agir. À partir de ce moment-là, le dialogue peut s’engager. Les objectifs que l’on peut avoir dans une commune pourront avoir une hiérarchie différente de celle établie par les acteurs étatiques, mais un dialogue pourra s’instaurer. C’est à partir de là que chacun pourra faire des concessions.

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Cette troisième table ronde a permis d’aborder les questions récurrentes qui se posent à propos du partage de l’information. Ont été envisagés les raisons de l’échange d’informations nominatives entre professionnels, les obstacles et les limites à poser à cet échange, l’opportunité d’encadrer l’échange en recourant à la loi.

*** Le questionnaire du Forum a permis d’identifier les partenaires de l’échange d’information tel qu’il est aujourd’hui pratiqué par les collectivités. Sur une vingtaine de partenaires cités par les collectivités interrogées, 5 ressortent clairement de la masse pour les partenaires de l’échange d’informations générales, 4 pour ceux de l’échange d’informations nominatives. La Police arrive au premier rang, quel que soit le type d’informations partagées. C’est le premier interlocuteur. Ainsi, pour l’échange d’informations générales, 77% des collectivités déclarent échanger des informations avec la Police, et 78% d’entre elles le faire en priorité. Pour l’échange d’informations nominatives, 58% des collectivités déclarent échanger des informations avec la Police, et 67% d’entre elles le faire en priorité. En matière d’échanges d’informations générales, après la Police, c’est avec la Justice (37%), les bailleurs (35%), l’Éducation nationale (31%) et les transporteurs (27%) que les collectivités interrogées déclarent échanger le plus d’informations. En matière d’échanges d’informations nominatives, après la Police, c’est avec les bailleurs (38%), l’Éducation nationale (35%) et la Justice (31%) qu’elles échangent le plus d’informations. La catégorie des travailleurs sociaux et celle de la prévention spécialisée ont été citées essentiellement au titre des partenaires de l’échange d’informations nominatives. 12% des collectivités ont cité chacune de ces deux catégories. Au titre des principaux outils contractuels des actions de prévention, les protocoles sur l’échange d’informations ne sont cités que par 23% des collectivités interrogées. 60% des collectivités interrogées déclarent effectuer des échanges ponctuels d’informations nominatives.

***

Intervenants

- Président de la table ronde : François PUPPONI, - Thierry COUVERT-LEROY, Membre de l’Association des Travailleurs Sociaux en

Commissariat et en Brigade, - Alexandra ABBASSI, Chargée de mission Prévention à Poitiers, - Marie RAYNAL, Directrice du département « Ville et Éducation » au Centre National de

la Documentation Pédagogique.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE FFFFRANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS PUPPONIPUPPONIPUPPONIPUPPONI Maire de Sarcelles

Le partage de l’information est un sujet sur lequel j’ai beaucoup évolué. Lorsqu’on a mis en place, à Sarcelles, le Conseil Local de Prévention et de Sécurité (CLPS), je me suis retrouvé à deux ou trois reprises face à un problème. On avait mis en place un CLPS assez opérationnel avec le Procureur et le Commissaire de Police. Au départ, ce contrat était beaucoup sur la partie sécurité et la gestion des problèmes. Concernant Sarcelles, c’était principalement des phénomènes de règlements de comptes entre bandes. C’était le thème principal de l’insécurité en ville, avec des situations dramatiques puisque, entre 1997 et 2001, il y a quand même eu 2 morts, un par arme à feu et un par arme blanche, et quelques dizaines de blessés, tous ces morts et ces blessés étant des mineurs. Quand, en tant que Maire, on vous appelle pour aller constater le décès d’un gamin de 17 ans qu’on retrouve dans la rue, tué par arme blanche par les gens de la rue d’en face, cela vous interpelle. Surtout que, quand on a fait l’historique pour essayer de comprendre comment cela s’était passé, on a découvert que c’était parti d’un simple conflit dans un collège, entre adolescents, à propos d’un problème de casquette volée. On n’a pas été capable, dans un premier temps, de trouver le bon moyen, en tant qu’adultes et responsables, de mettre un terme à ce petit conflit qui a dégénéré rapidement. Devant cette situation, un système a été mis en place, qui nous paraissait le plus performant possible : avec le Procureur, le Commissaire, le représentant de l’Éducation nationale, les bailleurs et les transporteurs, on se voyait au moins une fois par mois pour faire le point sur les problèmes. Dans toutes ces réunions, nous arrivions au moment où il fallait communiquer des noms. Souvent, les jeunes qui squattaient dans les cages d’escaliers étaient les mêmes qui perturbaient la vie du quartier, et étaient souvent les mêmes qui participaient aux bandes. Les jeunes qui perturbaient l’Éducation nationale, ceux qui perturbaient les bailleurs, ou le commissariat, étaient souvent à peu près les mêmes. Très vite, nous nous sommes donc interrogés sur la manière de partager l’information sans faire de fichiers. Il fallait trouver un moyen de parler concrètement d’individus identifiés, afin que l’on soit plus efficace et performant, pour essayer d’abord de sauver ces jeunes (notre volonté était de faire en sorte qu’il n’y ait plus jamais un drame), et ensuite d’arriver tous ensemble à rentrer en contact avec ces jeunes pour tenter de régler les problèmes. Nous avons mis en place un système qui consistait, pour le Maire, à convoquer dans son bureau, avec l’accord du Procureur et de l’Éducation nationale, tous les jeunes en situation d’absentéisme scolaire au niveau du collège, avec le sentiment que si le Maire convoquait les parents et les adolescents, cela pouvait avoir quelques effets. On ne s’est pas forcément trompé. Dans le cadre de ces réunions, j’ai rencontré des parents et des adolescents. À l’occasion d’une de ces rencontres, un jeune est venu accompagné par un adulte, qui n’était pas son père mais s’est révélé être l’éducateur spécialisé qui le suivait depuis 2 ans. Cette situation était révélatrice du fait que, globalement, l’ensemble des institutions qui s’occupent d’un jeune sur un territoire comme la ville de Sarcelles, ne parlent pas ensemble de ce jeune pour essayer d’avoir une appréhension globale de son problème. Une fois ce constat fait, j’ai pensé, naïf, qu’il fallait que l’on se parle. Nous avons organisé des colloques. Nous avons beaucoup écouté les éducateurs spécialisés et les spécialistes de la prévention, qui ont souligné que le partage de l’information n’était pas

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si simple. Il est compliqué de donner des noms : d’abord il y a des problèmes de déontologie, ensuite des élus n’ont pas à les connaître, enfin si on commence à divulguer ces noms on perd peut-être la capacité de travailler avec certains jeunes. On en arrive à un constat aujourd’hui : les élus disent « nous sommes demandeurs d’avoir des noms, dans un cadre juridique très précis, mais on ne pourra pas s’occuper d’individus sans à un moment prononcer leurs noms ». Ce dossier est fondamental pour la politique de prévention. Sur un territoire donné, on ne pourra pas continuer à s’occuper de prévention si, à un moment, des responsables ne sont pas capables de se parler et d’aborder sereinement, en respectant des règles de déontologie, et le droit de tout individu d’être respecté, les problèmes. Ce problème de la circulation de l’information, on l’a non seulement avec les éducateurs spécialisés, mais aussi avec certains juges. Cette question concerne donc tous les acteurs qui sont impliqués dans les problèmes de délinquance et de prévention. Globalement, ce problème-là n’est plus un problème entre la Police et la mairie. Quand un événement se produit dans la ville, je dois, en tant que Maire, en être informé. Après, ils font ce qu’ils veulent, ils gèrent l’enquête et décident. Je veux simplement être tenu au courant de ce qui se passe en ville. C’est le cas avec le Procureur, mais pas encore avec la prévention spécialisée ou le juge. Je prendrai un exemple pour illustrer les difficultés que nous avons aussi à partager l’information avec les juges. Suite à ces événements de règlements de comptes entre bandes, la bande qui avait commis l’agression est interpellée. Quatre mois après, le directeur d’une maison de quartier m’appelle affolé, les jeunes venaient de saccager le bureau. Je me déplace et me retrouve en face des 15-16 ans qu’on a l’habitude de voir. Ils expliquent alors que les jeunes de la bande d’en face ont été libérés. J’appelle le commissaire qui, comme moi, affirme que ces jeunes n’ont pas été libérés. Or, il s’est avéré qu’ils l’avaient bien été ! Et personne n’avait pris la précaution d’appeler le Maire ou le Commissaire pour les prévenir. Car quand ces jeunes, juste libérés, reviennent dans la rue, ils sont en danger de mort, les jeunes d’en face ne comprennent pas pourquoi ils sont là et pas en prison. Si l’institution téléphone pour prévenir que les jeunes ont été libérés, dans ce cas, le Commissaire et le Maire mettent en place les différents réseaux (Police, animateurs, responsables des maisons de quartier) et prennent des précautions. Il faut qu’à un moment on soit capable, quand on gère tous ensemble un problème de délinquance, de se parler. Ma vision sur le partage de l’information a évolué, car depuis que l’on en parle, j’entends les arguments des autres, et ceux de la prévention spécialisée en particulier. Il faut qu’on arrive assez rapidement à trouver une solution, acceptable par tout le monde, pour que ce sujet tabou de la communication et du partage de l’information soit levé, et que plus efficacement on puisse travailler sur les territoires qui sont les nôtres.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE TTTTHIERRY HIERRY HIERRY HIERRY COUVERTCOUVERTCOUVERTCOUVERT----LEROYLEROYLEROYLEROY Membre de l’Association des Travailleurs Sociaux

en Commissariat et en Brigade

Les origines du dispositif des travailleurs sociaux en commissariat Ce dispositif a été mis en place au début des années 1990 et est toujours expérimental. 25 postes, 23 en commissariat et 2 en brigade. Ce dispositif est donc encore très marginal. Ces postes reposent sur un partage de l’information entre la Police et les institutions sociales au sens large, pour essayer d’optimiser la réponse sociale et de guider l’action. Il m’a paru important d’essayer de comprendre pourquoi on a voulu mettre un travailleur social dans un commissariat, puisque, a priori, ce n’est pas le premier lieu où on l’imaginait. Dans les années 1970-1980, il commence à y avoir en France, avec un peu de retard sur les pays anglo-saxons, des chercheurs, des hommes politiques, des services d’inspection qui réfléchissent sur l’activité de la Police nationale. On a différents regards, et je vais m’arrêter sur celui du rapport Belorgey1 du début des années 1980. Ce rapport apporte un nouveau regard sur la place de la police et son image. Il fait apparaître que l’essentiel de l’activité de la police n’est ni à connotation judiciaire, ni à dominante maintien de l’ordre, mais profondément à dominante sociale. Alors que si on regarde les statistiques de la police, les faits constatés, les affaires résolues, le nombre de gardes à vue, les manifestations, on s’aperçoit que tout un pan de l’activité de la police n’était jusqu’alors jamais exploité. C’est à tout le substrat social du travail de la police qu’on a voulu s’intéresser. Le rapport Belorgey fixe que ce substrat social serait positionné entre 60 et 85% de l’activité de la Police nationale. La police est un lieu ouvert 24 heures sur 24, et comme tous les lieux qui le sont, c’est un lieu révélateur : les crises s’y expriment, les gens viennent chercher un secours.

Le dispositif du travailleur social en commissariat Le travailleur social est au cœur d’un dispositif centré sur le citoyen, c’est-à-dire s’intéressant au sujet, comme entité individuelle ou groupale, qui essaie de mettre en lien la police et les services œuvrant pour la solidarité nationale. Il se situe au carrefour des connexions entre les services publics et les services associatifs chargés de traiter des situations individuelles difficiles ou en voie de le devenir. L’objectif est bien de créer au quotidien, avec les policiers de terrain, une meilleure relation entre tous ces dispositifs. Ce poste s’inscrit dans une dimension de service public, offrant aux personnes qui se présentent dans les services de police une réponse immédiate par une écoute approfondie de leur demande et de leur situation. Les missions permettent d’anticiper sur la dégradation de situations de personnes pour lesquelles l’événement qui les touche a donné lieu ou pourrait donner lieu à une intervention de police. Elles s’inscrivent dans une dynamique plurielle de partenariat avec une finalité de prévention générale. L’action du travailleur social est axée sur le court terme et doit permettre le cas échéant de faire assurer la prise en charge de la personne par des intervenants spécialisés. Cette orientation ne se substitue pas à une prise en charge de droit commun qui aurait

1 Jean-Michel BELORGEY, Pré-rapport du parlementaire en mission sur les problèmes de police, Paris, Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, 1982.

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échoué, mais vient en complément ou en facilitation. Cela répond à une volonté d’apporter en temps réel un soutien aux personnes se présentant ou étant amenées à se présenter devant la police, de les accompagner au long de la procédure au commissariat. L’objectif est d’orienter les gens vers les structures existantes. Il s’agit d’être dans une certaine souplesse et d’essayer de nouer des liens avec les partenaires professionnels les plus adaptés. Ce sont des missions d’accueil, d’écoute, et d’orientation. Les personnes sont repérées par les mains courantes, par les policiers, par l’accueil, et également par les partenaires extérieurs. Le service est intégré au fonctionnement du commissariat. Les collègues de travail sont donc des policiers, ainsi que tout un réseau de partenaires mis en place au gré des situations et de l’analyse. L’orientation des personnes reçues peut être double, selon qu’elles adressent leur demande à la Police ou qu’elles ont des demandes floues et ambiguës. Dans ce cas, on peut les réorienter, au sein du commissariat sur le dépôt d’une main courante ou d’une plainte, ou vers une structure d’accueil et de prise en charge. Les demandes sont multiples : des demandes d’aide financière, des demandes alimentaires. Cela paraît surprenant, mais le travail au quotidien fait que cela le devient moins. Parmi les appels passés à Police secours, on demande l’adresse d’un électricien, celui d’un plombier, et parmi ces appels il y a effectivement une victime qui appelle parce qu’elle vient d’être agressée. Cela demande donc une certaine mobilisation et une certaine attention de la part des policiers. Quand on a partagé ça avec eux, on apprend une certaine humilité sur la réponse qu’on attendait d’eux à ce moment.

Partage de l’information et confiance entre ses différents protagonistes

Échanger de l’information suppose d’avoir confiance. Sans cette confiance, on n’échange que l’écume de l’information, c’est-à-dire l’information qui circule déjà entre tout le monde. L’intérêt premier du partenariat mis en place via ce poste est d’être immergé avec les policiers. La difficulté est de ne pas oublier que l’on n’est pas policier. En général, on ne l’oublie pas car nous n’avons ni la même grille de lecture, ni la même place. Il faut essayer de renouer avec les partenaires du travail social, de leur expliquer la place que l’on a, et que la confiance que l’on a des policiers on doit l’avoir d’eux. Les relations se nouent très vite grâce aux situations. La période d’arrivée est toujours difficile : on vous teste, il faut se montrer efficace. Il faut rappeler à ses collègues que l’on se conforme aux règles d’éthique édictées par le Code de déontologie du travail social. Le secret professionnel est un élément constitutif de notre action, et comme tout travailleur social nous n’y dérogeons pas. Ce qui me paraît important, c’est le droit de l’usager et la confiance qu’on doit lui accorder. Transmettre des informations nominatives pourrait laisser penser que l’on n’en a pas parlé avec la personne. Or, dans la pratique, je me suis aperçu très rapidement que, quand on demande à une personne si elle veut rencontrer une assistante sociale de secteur, si elle en rencontre déjà une et si l’on peut la contacter pour échanger avec elle des informations délivrées au cours de l’entretien au commissariat, très souvent, pour ne pas dire tout le temps, la personne accepte.

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Les obstacles au partage de l’information Je ne me souviens pas qu’une personne ait refusé que je transmette les informations dont elle m’avait fait part. Certaines personnes disent non, mais vous sentez très bien que c’est de votre faute car vous n’avez pas réussi à la mettre en confiance au cours de l’entretien. Quand on se retrouve dans un commissariat de police, face aux crises, on est aussi confronté à la procédure et on côtoie de l’information à caractère judiciaire. L’échange d’informations du policier vers le travailleur social est plus délicat. On a souvent des situations de femmes victimes de violences conjugales. Le travailleur social se demande qui a déposé plainte, ce qui a déclenché un début de procédure. Lorsqu’on demande au policier ce type d’information, il se demande à quoi cela pourrait bien vous servir. Lorsque vous prenez le temps de lui expliquer que savoir si une femme a déposé plainte, c’est savoir si elle est dans un processus pour s’en sortir, alors que la plainte qui vient d’un voisin ou autre, c’est que la femme n’est pas porteuse de la dynamique, très généralement le policier délivre l’information et donne la permission de la divulguer. Pour lui, dans l’avancée de la procédure judiciaire, délivrer cette information n’a pas d’importance. Les personnes sont de plus en plus seules, et la Police est un des lieux où finalement, même dans une banlieue sensible, lorsque l’on a un problème, c’est la première institution vers laquelle on se dirige. Effectivement, on se retrouve avec de jeunes gardiens de la paix, déçus de la réalité du travail de terrain qu’ils produisent ou des problématiques auxquelles ils sont confrontés, ils découvrent ce qu’est le réel travail de la Police nationale. Cela crée souvent de grandes incompréhensions. Nous travaillons sur un public victime, mais aussi sur un public auteur. En tant que travailleur social, nous n’avons pas à nous positionner sur le délit. Nous apportons une réponse à toute demande d’aide exprimée au commissariat, quelle que soit la personne dont cette demande émane. De fait, les auteurs sont marginaux puisque ce n’est pas devant la Police qu’ils viennent exprimer leur demande d’aide et de soutien.

Les obligations du travailleur social

Le travailleur social a pour obligation de signaler à la Justice les faits commis sur des mineurs de moins de 15 ans, les faits commis sur les personnes vulnérables, et les crimes. J’invite les professionnels qui reçoivent du public à être clairs avec les personnes reçues pour éviter toute surprise. Lorsque l’on demande aux gens s’ils veulent transmettre de l’information, cela ne pose jamais de problème, aussi j’invite les professionnels à faire confiance aux usagers qu’ils reçoivent. Jamais un policier ne m’a demandé une information à caractère confidentiel sur l’un des dossiers que j’ai suivi. Cela invite à réfléchir sur le travail que le travailleur social et le policier ont à faire ensemble.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE AAAALEXANDRA LEXANDRA LEXANDRA LEXANDRA ABBASSIABBASSIABBASSIABBASSI Chargée de mission Prévention à Poitiers

Présentation de la communauté d’agglomération de Poitiers Poitiers est une communauté d’agglomération de 128 000 habitants. Il y a 12 communes, 5 en zone Gendarmerie et 7 en zone Police. Poitiers est la ville centre, avec 83 000 habitants. Il y a 2 équipes de prévention spécialisée, l’une rattachée directement au Conseil Général et présente sur 2 quartiers de la ville, l’autre de forme associative, également présente sur 2 quartiers de la ville. Nous avons un contrat de ville intercommunal, avec 5 quartiers prioritaires qui se trouvent sur la ville centre et 2 communes. Nous avons également un CLS intercommunal, signé en juillet 1998, et qui n’a pas été réactualisé depuis, ainsi qu’un CLSPD intercommunal créé en avril 2003. C’est dans le cadre du CLSPD que nous nous sommes penchés sur la question du partage de l’information. Lors de l’assemblée constitutive, nous avons mis en place 3 groupes de travail : le premier sur la veille éducative, le deuxième sur la lutte contre les conduites addictives, et le troisième sur le partage de l’information. Ce dernier groupe s’est mis en place, non parce que nous avions des problèmes au niveau de l’échange d’informations, mais plutôt parce que deux personnes ont été sensibilisées à cette question. Il s’agit du procureur de la République, qui participait au groupe de travail national sur les échanges d’informations, la Justice et les maires, et de l’Adjoint au Maire délégué à la politique de la ville et à la prévention de la délinquance sensibilisé à cette question dans le cadre des travaux menés par le Forum Français.

Les objectifs du groupe de travail Les objectifs du groupe de travail ont évolué. Lors de la constitution de l’assemblée plénière, les gens ont été invités à s’inscrire à ce groupe de travail sur une thématique qui était celle du secret professionnel auquel sont soumis la Police, la Gendarmerie et la Justice. Le groupe de travail s’est révélé plus large que prévu : on y retrouvait la Gendarmerie, la Police, le procureur de la République, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, mais également des travailleurs sociaux, et notamment une responsable des assistantes sociales de la ville, le directeur de l’équipe de prévention spécialisée associative, le directeur de la mission locale, un office HLM, un centre d’animation, une MJC et des élus. L’objet du groupe de travail s’est par conséquent élargi à la question du partage de l’information entre tous ces acteurs. Les inscriptions à ce groupe de travail étaient libres. Personne de l’Éducation nationale ne s’est inscrit. Lors de la première réunion, chacun a exprimé ses attentes par rapport au groupe de travail ainsi que ses différentes réflexions. Cela a donné lieu à plusieurs groupes. Un premier groupe, celui des travailleurs sociaux, des animateurs et des directeurs de missions locales : ces acteurs ont pris conscience qu’ils détenaient des informations importantes et avaient toujours été jusque là réticents à les transmettre, et qu’il fallait peut-être à un moment donné rentrer dans une dynamique de partage, notamment avec les forces de l’ordre. En même temps, ils voulaient bien sûr ne pas passer pour des délateurs auprès de leurs publics.

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Un second groupe composé des forces de Police, de Gendarmerie et de la Justice, très demandeurs d’informations. Au-delà de l’échange d’informations, d’autres attentes sont revenues assez souvent. Le problème du retour de l’information d’une part : les animateurs font des signalements mais ne connaissent pas les suites qui y sont données. La nécessité d’une confiance réciproque entre les acteurs d’autre part.

La genèse de la charte Nous avons fixé des règles de fonctionnement, dont la confidentialité. Le procureur a décrété que les personnes présentes à la première réunion constituaient le groupe de travail, à l’exclusion des autres personnes. Nous ne sommes pas partis de textes de doctrine ou de jurisprudence, mais de la pratique. Si nous voulions que les échanges soient les plus libres possibles, il fallait qu’une dynamique de groupe s’instaure, ce qui explique l’exclusion des personnes non inscrites ou inscrites mais non présentes à la première réunion. Nos réflexions ont débuté à partir de 4 cas, présentés par des personnes membres du groupe de travail. Le premier cas a été présenté par le directeur du centre hospitalier : il s’est trouvé détenteur d’une information relative à la commission d’un délit et n’a pas su quoi en faire. Le deuxième cas a été présenté par un capitaine de Gendarmerie : un travailleur social avait transmis une information, ce qui avait permis d’élucider une affaire en matière de stupéfiants. Le troisième cas a été présenté par une animatrice de maison de quartier : un signalement collectif a été fait dans un quartier à propos d’une famille soupçonnée de maltraitance, mais aucun retour n’a eu lieu. Le quatrième cas a été présenté par le directeur de la mission locale : il s’est retrouvé dans son bureau nez à nez avec la Police, qui lui demandait des informations sur un jeune fréquentant la mission locale. Une fois ces cas présentés, chacun a produit une contribution écrite, à partir desquelles la charte a été élaborée. La charte tient en 4 pages. Elle a été signée le 23 septembre dernier par le Préfet, le Président de la Communauté d’agglomération de Poitiers, le procureur de la République, l’Inspecteur d’Académie et le Président du Conseil Général.

Le contenu de la charte

Un préambule rappelle les 4 grands objectifs de la charte : encadrer les pratiques ; donner aux personnes présentes sur le territoire une culture commune du partage de l’information ; concilier secret professionnel, cohérence et efficacité de l’action publique ; améliorer les conditions de circulation de l’information. Une première partie rappelle le cadre juridique général en matière de secret partagé, ainsi que le cadre réglementaire particulier (secret de l’enquête, secret médical, etc). Le corps du document concerne les grands principes qui régissent le partage de l’information, à savoir la délicatesse, la prudence, la loyauté, la confidentialité et l’intérêt de la personne. L’échange d’informations doit placer la personne au cœur des dispositifs mis en place. Ont été mis en place des référents, au sein de chaque institution. Ils sont garants du partage de l’information. Ce dispositif répond à l’impératif de confiance réciproque entre les acteurs, qui est un préalable important.

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On a tenté de définir les modalités de l’échange, notamment par rapport à la nature de l’information et aux espaces de partage de l’information. Nous sommes restés assez vagues : nous n’avons pas dit que l’échange était écrit et se faisait dans un lieu unique. Au contraire, c’est en fonction de l’information que l’on détermine si l’échange se fait de manière écrite ou orale. Sont concernés par la présente charte les événements causant un trouble à l’ordre public, les informations dont la transmission à un partenaire peut améliorer l’efficacité de l’action publique, conformément aux orientations définies dans le cadre du CLSPD. Cet échange pourra notamment concerner la protection des mineurs, des jeunes adultes et des personnes vulnérables. Concernant les espaces de l’échange d’informations, la présente charte s’applique à tous les espaces où se pratique le partage de l’information, que ce soit dans le cadre de la politique de la ville, et notamment des dispositifs de sécurité et de prévention de la délinquance, ou dans le cadre d’échanges informels bilatéraux ou multilatéraux. Un article de cette charte concerne le retour de l’information. Celui qui reçoit une information s’engage, dans la limite du secret professionnel, à faire un retour à celui qui lui a fourni l’information. Nous mettons également en place un comité d’éthique pour les cas où il y aurait un litige sur une information à partager ou non. L’évaluation de la charte doit avoir lieu à l’issue d’une période de 3 ans.

Quelques remarques Cette charte a eu plusieurs effets. Un premier effet, que l’on a constaté sur les participants au groupe de travail. Le groupe était assez hétérogène, ce qui a permis de répondre à l’objectif d’acquérir une culture commune en matière de partage de l’information. Un deuxième effet, par rapport aux dispositifs de veille éducative et de réussite éducative. Les personnes de l’Éducation nationale qui n’ont pas participé au groupe de travail se sont néanmoins bien emparées du document et ont même demandé à pouvoir s’en servir pour régir le partage de l’information dans les cellules de veille. La charte a donc été diffusée au-delà des membres du groupe de travail. Un troisième effet est à venir, et peut-être est-ce à ce moment-là que nous rencontrerons les premiers obstacles. Nous souhaitons diffuser cette charte de manière plus large, en animant cette diffusion par l’organisation de tables rondes. Nous rencontrerons à ce moment les travailleurs sociaux de terrain. Dans le groupe de travail, nous avions certes des travailleurs sociaux, mais il s’agissait des responsables de services et des directeurs de structures.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE MMMMARIE ARIE ARIE ARIE RAYNALRAYNALRAYNALRAYNAL Directrice du département « Ville et Éducation »

au Centre National de la Documentation Pédagogique

Je traiterai la question du partage de l’information d’un double point de vue : d’une part, le point de vue du professeur de ZEP que j’ai été, qui connaît bien la question de la prévention et de ses effets sur l’avenir des jeunes ; d’autre part, le point de vue de la conceptrice de la démarche de veille éducative que j’ai conçue en 1999 quand j’étais conseillère technique de Claude Bartolone alors Ministre délégué à la ville. La question de la confidentialité continue de se poser dans les programmes de réussite éducative. Cette question est tout à fait légitime et conditionne pour moi le bon déroulement de la démarche. Cependant, cette question se pose pour de bonnes et de mauvaises raisons. L’histoire de la veille éducative permet de poser les enjeux et de mieux comprendre de quoi il est question. Nous sommes partis de la réalité des faits : une formidable négligence éducative dans notre pays, depuis longtemps et qui continue ; une perte de sens du mot prévention ; la nécessité de trouver des réponses concrètes.

La négligence éducative Je vais vous présenter quelques résultats d’une recherche récente qui porte sur la situation scolaire en 2002 d’un panel de 16 701 élèves entrés en sixième en 1995. Seulement 27% des élèves issus de l’immigration préparent un baccalauréat général, contre 40% des élèves issus de familles non immigrées. Inversement, ils sont 55%, contre 40% des élèves de parents français, dans les filières technologiques et professionnelles. Enfin, les trois quarts d’entre eux appartiennent à une famille dont la personne de référence est ouvrière, employée de services ou inactive, ce qui n’est le cas que pour un tiers des autres enfants. Concernant la proportion des sorties sans qualification du système éducatif, un rapport est paru en juin dernier, disponible sur le site du ministère de l’Éducation1 : Sorties sans qualification. Analyse des causes, des évolutions et des solutions pour y remédier. On a l’impression, d’année en année, d’avoir rapport sur rapport, tandis que la question continue d’être posée. Ce rapport tire encore la sonnette d’alarme. Je cite : « Aujourd’hui, le système de formation n’est pas suffisamment organisé pour réduire de manière significative le nombre de jeunes sans qualification, que cela soit dans le repérage de ces jeunes, dans la prévention des sorties prématurées du système de formation, dans les remédiations quand ces sorties ont eu lieu ». 150 000 jeunes par an sortent du système scolaire sans aucune qualification. Cet échec scolaire provoque une inflation des difficultés, tout à fait impossible à endiguer, avec des souffrances et des violences en cascade. Les raisons de cette relégation éducative sont nombreuses. Chacun a sa part de responsabilité. Ce tableau clinique est à l’origine de la veille éducative. A-t-on avancé depuis ? Je n’en suis pas tout à fait sûre.

1 Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale et de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation Nationale et de la Recherche, « Sorties sans qualification. Analyse des causes, des évolutions, des solutions pour y remédier. », juin 2005, ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/igaen/rapports/sortie_s_qualif_2005.pdf

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Une perte de sens du mot prévention Les mots donnent du sens à l’action, ils l’orientent. J’ai senti la nécessité d’inventer un autre mot lorsque celui de prévention m’a paru avoir perdu son sens propre. Il était dévoyé : on ne parlait plus vraiment de prévention mais de réparation. Il manquait une expression pour désigner une réalité très simple : éviter la casse, anticiper concrètement sur les situations d’échec, refuser la stratégie du remède ou de l’après-coup. C’est pour cela que j’ai inventé l’expression « veille éducative ». La veille est entre la surveillance et la bienveillance ; être en veille signifie faire attention. C’est une tension douce qui, lorsqu’elle est maintenue, évite la casse. Tous ceux qui sont décrocheurs ou décrochés manquent cruellement de 3 choses indispensables pour « grandir droit ». Ils ont besoin d’un lieu d’accueil. Ils ont besoin d’un emploi du temps qui structure leur quotidien. Ils ont enfin besoin d’un projet. Les cellules de veille éducative se sont mises en place progressivement. Cela a bien marché parce qu’on avait le sentiment de travailler sur un concept renouvelé, qui permettait de relancer l’action.

La nécessité de trouver des réponses concrètes

La réponse concrète aux problèmes des enfants et des jeunes doit être organisée au niveau des quartiers, avec les gens de ces quartiers, qui connaissent les enfants et la ville, et qui savent quels sont les besoins. Les cellules de veille éducative ont été placées sous l’égide des maires. Ils savent quels jeunes ont besoin d’aide. Ils savent organiser les réseaux d’acteurs. Or, pour les membres de la communauté éducative, cela a été terrible de passer la main au Maire. Les cultures professionnelles sont différentes : quand on est enseignant, on ne connaît pas les travailleurs sociaux. Parfois même, les cultures sont antagonistes : les fonctionnaires territoriaux sont mal perçus par les enseignants, ceux-ci pensent qu’ils vont attaquer l’Éducation nationale. En tant qu’enseignante, j’ai pu constater que la règle de la confidentialité, pour ne pas avoir été édictée de façon générale, est respectée par chacun mais à sa manière. Les enseignants réalisent des chartes, chacun à leur manière. Il faudrait se dépêcher d’établir ces chartes, et de réglementer le partage de l’information, car pendant ce temps, les enfants passent à travers les mailles du filet.

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RéactionsRéactionsRéactionsRéactions Alain CARRAL, Alain CARRAL, Alain CARRAL, Alain CARRAL, Responsable du secteur Éducation Jeunesse de la ville de Ramonville-Saint-Agne L’échange d’informations est un vrai prétexte pour ne pas travailler, et pour conserver sa posture institutionnelle. Ce qu’il est important de travailler, avant de travailler les chartes, c’est la formalisation du partenariat. Pour que la démarche ne soit pas vaine, il faut qu’elle soit portée par l’ensemble des acteurs. Il faut un vrai mandat politique pour travailler ensemble. Réponse de François PUPPONIRéponse de François PUPPONIRéponse de François PUPPONIRéponse de François PUPPONI Il faut aussi savoir qu’il y a des territoires plus relégués que d’autres. Et dans ces territoires, on ne se pose plus la question. Certaines situations présentent de telles difficultés que tout le monde s’accorde avec le principe de réalité selon lequel, pour s’en sortir, il faut travailler tous ensemble. Deux exemples. Sur l’est du Val d’Oise, il y a 500 élèves de maternelle et de primaire signalés par l’Éducation nationale comme devant être pris en charge par le secteur pédo-psychiatrique. La moitié des familles accepte de prendre rendez-vous, et elles sont reçues dans un délai de 12 à 24 mois. Généralement, 24 mois après, ces familles ont oublié et elles ne se présentent pas. Il n’y a donc pas de prise en charge. Nous avons un autre problème. Dans certaines classes, 60 à 80% des élèves sont issus de l’immigration, et pour une bonne partie non francophones. Il ne s’agit plus de l’immigration post-coloniale, mais d’une immigration de travail. À la demande de l’Éducation nationale, la ville doit embaucher des traducteurs. Le directeur ne parvient pas à communiquer avec les parents. On arrive parfois à des situations ubuesques : le directeur convoque les parents et c’est l’enfant qui leur traduit les propos du directeur. Dans ces cas, on ne s’est pas posé le problème de la confidentialité. Maud PEREAUDAU, Maud PEREAUDAU, Maud PEREAUDAU, Maud PEREAUDAU, Directrice de la prévention et de la sécurité à la ville de Montereau-Fault-Yonne Une fois qu’on passe le cap du partage de l’information, qu’on arrive à faire travailler les gens ensemble, il y a le problème de la mutualisation de l’information. On en arrive à des fiches sociales sur un individu. Si on fait de la prévention, ça signifie qu’on fait du suivi. On a un ensemble de données, tout le chemin de vie d’une personne. Pour le moment, ce problème n’est jamais abordé, alors qu’il peut poser des problèmes de déontologie. RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE FFFFRANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS PUPPONIPUPPONIPUPPONIPUPPONI Je pense qu’il n’y a qu’une loi qui peut cadrer tout ça. Certains maires peuvent détenir des informations et les utiliser, voire mettre des populations à l’index. Toutes les dérives sont possibles. Dans ce domaine, il faut que l’on soit extrêmement attentif, y compris pour soi-même. AAAALAIN LAIN LAIN LAIN DUHAMI,DUHAMI,DUHAMI,DUHAMI, ADMINISTRATEUR D’UNE ASSOCIATION DE PRéVENTION SPéCIALISéE DU NORD Il existe une peur de l’échange d’informations. Si on appelle cela secret partagé, ça pose un souci. Si un secret est partagé, ça n’en est plus un. En prévention spécialisée, les éducateurs ont forcément peur des réactions du public qui ne comprend pas pourquoi un travailleur social

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rencontre la Police. Il ne faut pas l’oublier. Face à cette réalité, il faut être extrêmement prudent. Une minorité de travailleurs sociaux se cache derrière le secret professionnel. Certains clubs de prévention ne font peut-être par leur boulot, et ce sont ceux-là qu’il faut pointer du doigt, pas l’ensemble de la prévention spécialisée. Quel type d’informations doit-on échanger ? Face à une situation de crise, se mettre autour d’une table et réagir avec des informations justes pour contrer les rumeurs qui circulent, c’est important. Certaines informations ne servent à rien, et ne font pas avancer les choses, notamment dans le cadre de la prévention de la délinquance. Selon les instances, ce ne sont pas les travailleurs sociaux qui sont présents mais les chefs de service et les directeurs. L’éducateur ne va pas divulguer auprès de son responsable des informations qui n’ont pas d’importance et qui le lient au public. Abdelkader Abdelkader Abdelkader Abdelkader BRAHIMI, BRAHIMI, BRAHIMI, BRAHIMI, Coordinateur du service prévention médiation de la ville de Creil Il est plus pertinent de parler de déontologie que de secret professionnel. En tant que coordinateur, j’ai très souvent été amené à faire intervenir mes agents de médiation, qui comprenaient les tenants et les aboutissants des problématiques parce qu’ils cotoyaient très souvent le public. Ce qu’on constate, c’est que quand on se réunit entre partenaires, l’information n’est pas toujours vraie. L’information vient du public. Le partage d’informations est très important mais il est aussi important de connaître ses partenaires et ses angles de vue. Nous avons tous une culture professionnelle différente, dont il faut tenir compte. L’information peut être partagée, en fonction de la situation et du cadre. Les informations qui n’ont pas un rapport direct avec la situation évoquée n’ont pas nécessairement à être transmises. Lita Lita Lita Lita ARNAUARNAUARNAUARNAUDDDD, , , , Coordonnatrice de la veille éducative pour la ville de Paris Ce qui me semble essentiel, c’est de savoir les objectifs poursuivis. Le partage de l’information vise essentiellement à légitimer des bonnes pratiques. On essaie de mettre en place un système qui rend habituel des choses que l’on fait quand on travaille bien. Après, chaque personne est libre de sa collaboration. De toutes façons, chacun dira ce qu’il souhaite dire et gardera pour lui les informations qui ne lui semblent pas utiles. Il ne faut pas oublier que le préalable est l’adhésion des personnes à propos desquelles des informations sont échangées. Il ne s’agit pas de raconter des choses dont la famille ne serait pas au courant mais de dire à cette famille que c’est un service qui est proposé, qui implique un partage d’informations sur la condition de l’enfant. Il faut demander aux familles si elles sont intéressées par ce service, la veille éducative. Si elles sont intéressées, elles savent qu’on parlera de leur enfant. Il n’y a pas violation de l’intimité de la famille. RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE MMMMARIE ARIE ARIE ARIE RAYNALRAYNALRAYNALRAYNAL Dans les établissements scolaires, il y a déjà des conseils de classe qui partagent largement les informations, et ce en présence des parents d’élèves et des représentants des élèves. Dans le partage d’informations entre les partenaires, la différence est qu’il y a plusieurs institutions concernées, et qu’à ce moment des décloisonnements institutionnels vont se produire. Il faudrait, pour être sûr que cette question est réglée, élaborer une charte nationale, validée par les différentes institutions. Une fois qu’elle serait là, on ne pourrait plus arguer de la confidentialité pour ne pas s’occuper des enfants. Il serait nécessaire d’élaborer une telle charte pour faire avancer les choses rapidement.

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RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE FFFFRANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS RANÇOIS PUPPONIPUPPONIPUPPONIPUPPONI L’élément nouveau dans la circulation de l’information, c’est, depuis quelques années, l’arrivée du politique local dans les débats sur la sécurité et la prévention. C’est au politique de convaincre les uns et les autres que l’on peut travailler ensemble. La circulation de l’information sera obligatoire dans le cadre des projets de réussite éducative, qui financeront des actions après désignation de l’élève qui en bénéficiera. Ce sont les caisses des écoles, dont le Maire est président, qui seront le lieu où les subventions seront versées. Et la subvention ne sera versée que si l’on a une liste nominative des enfants concernés. LaurentLaurentLaurentLaurent----Xavier GRIMA, Xavier GRIMA, Xavier GRIMA, Xavier GRIMA, Coordonnateur Prévention à la Communauté d’agglomération du Grand Toulouse Sur le territoire du Grand Toulouse, nous avons réglé le problème avec des chartes de déontologie. Après un partenariat identifié, les gens ont l’habitude de travailler ensemble, et il suffit de fixer sur le papier la charte. Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Adjoint au Maire de Villeurbanne, délégué à la prévention et à la sécurité Sur la problématique du secret, en tant qu’élu et conseiller général, et vous, en tant que Maire, nous signons, pour toutes les familles qui aujourd’hui n’arrivent plus à payer l’école ou la restauration scolaire, des mandats de rappel qui nous arrivent par le trésorier, et nous avons tous les noms. Les maires sont présidents des CCAS, et nous signons les entrées. Je suis conseiller général et je préside la commission locale d’insertion : je connais les noms et les situations des 3 000 RMIstes de ma ville. Et en plus, je travaille avec les services pour trouver des solutions d’insertion professionnelle et sociale. En tant que conseiller général, je préside la commission d’attribution des aides sociales pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Je voulais simplement soumettre cela à la réflexion de chacun. Il ne faut pas opposer élus et techniciens. Chacun à son niveau doit savoir certaines choses, les informations utiles aux uns et aux autres, et c’est tout. Il n’y a pas d’un côté ceux qui doivent savoir, et de l’autre ceux qui ne doivent pas savoir. En tant qu’élu, je ne siège pas aux commissions des cellules de veille. Je laisse cela aux professionnels. Il y a d’autres actions dont je dois avoir connaissance, j’estime que c’est de mon niveau et là je suis au courant. Il ne faut pas s’opposer les uns et les autres.

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la prévention en europela prévention en europela prévention en europela prévention en europe

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Ce temps d’expression consacré à la prévention en Europe a été l’occasion pour ses deux intervenants, Bernard RIBIOLLET, Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville, et Michel MARCUS, Magistrat et Délégué Général du Forum Européen pour la Sécurité Urbaine, de présenter le Réseau Européen de Prévention de la Criminalité, d’en souligner les atouts et les faiblesses.

***

Une partie du questionnaire du Forum était consacrée à l’Europe. Qu’attendent les collectivités territoriales françaises d’une politique européenne de prévention ? 88% des collectivités interrogées attendent d’une politique européenne de prévention davantage d’échanges de pratiques.

73% des collectivités attendent des financements européens.

44% des collectivités attendent un partenariat renforcé avec les villes jumelles en matière de prévention.

42% des collectivités souhaitent une consolidation du Réseau européen de prévention de la criminalité.

38% des collectivités attendent une méthodologie européenne.

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Intervention de Bernard RIBIOLLETIntervention de Bernard RIBIOLLETIntervention de Bernard RIBIOLLETIntervention de Bernard RIBIOLLET Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville

Historique du Réseau Européen de Prévention de la Criminalité Depuis le traité de Maastricht, la prévention de la criminalité fait partie du troisième pilier des compétences européennes. Cette matière relève donc des États membres, qui ont l’obligation de coopérer et d’harmoniser leurs politiques en matière de prévention. C’est à l’issue du sommet de Tempere (Finlande) de 1999 qu’il a été préconisé de monter un réseau d’échange de bonnes pratiques en vue de développer la prévention de la criminalité. Ce réseau a été officiellement institué le 28 mai 2001 par la décision 2001/427/JAI du Conseil, sous l’impulsion de la France et de la Suède. Les objectifs étaient les suivants : - identifier les bonnes pratiques ; - partager les expériences acquises en matière de prévention ; - améliorer l’échange d’idées ; - développer les contacts et faciliter la coopération entre les États membres. Une attention toute particulière a été accordée à la prévention de la délinquance juvénile, de la criminalité liée à la drogue, et tout ce qui est criminalité urbaine.

Le fonctionnement du REPC et son articulation avec le niveau français

Le secrétariat du réseau est assuré par la Commission européenne. Actuellement, c’est un Italien qui s’en charge. La présidence du réseau est tournante. Actuellement, c’est l’Angleterre, puis ce sera l’Autriche au mois de janvier. Au niveau national, chaque État

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possède une antenne chargée de diffuser l’information, de favoriser les échanges et de développer des actions de coopération. L’articulation en France est simple. La DIV représente officiellement le réseau et en coordonne les activités. En plus, tous les États membres ont l’obligation de définir et de nommer trois points de contact. Avec la DIV, deux autres points de contact ont été désignés : - le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU), qui nous permet de faire le lien avec les collectivités territoriales ; - Monsieur René LEVY du Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP), qui nous permet de faire le lien avec les chercheurs. Les représentants nationaux se réunissent deux fois par an. Des conférences de bonnes pratiques se tiennent une fois par an. Elles sont suivies de la remise du prix européen de prévention de la criminalité. Le Prix européen de prévention de la criminalité récompense le meilleur projet européen. Chaque pays participant soumet un projet, celui-ci pouvant émaner d’un large éventail de parties prenantes (autorités locales, forces de police, associations locales, organisations de jeunesse). Les projets nominés sont jugés notamment que l’importance qu’ils accordent à la prévention de la délinquance quotidienne. Il importe en outre que le projet soit transposable. Chaque année, une pratique innovante est sélectionnée par un jury interministériel au niveau français, et transmise au jury européen. Il existe également de nombreux sous-groupes de travail, parmi lesquels un sous-groupe de travail sur la prévention de la délinquance juvénile, un sur les difficultés consécutives à l’édiction d’une loi (ce groupe envisage la manière dont on peut empêcher que les délinquants ne tournent la loi à leur profit), un sur l’établissement d’une méthode commune d’évaluation des bonnes pratiques, un sur l’élaboration d’un glossaire des termes-clés en matière de prévention, un sur les mesures administratives qu’on peut prendre pour lutter contre la délinquance (sous-groupe de travail lancé à l’initiative de la Hollande). À côté de ces thèmes, les représentants nationaux ont décidé de travailler cette année sur des projets spécifiques. Les sujets retenus sont entre autres : la prévention de la violence dans le domaine public ; la mise en place d’un glossaire contenant des mots clés relatifs à la prévention, utilisés dans chaque État, et qui seront traduits en langue anglaise ; les mesures administratives pour lutter contre la délinquance.

UN Réseau favorisant le partenariat européen

La façon de concevoir la prévention diffère selon les pays. Les pays anglo-saxons ont une approche plus situationnelle, c’est-à-dire réduire les occasions de passage à l’acte par une action sur les lieux (éclairage, visibilité, etc), tandis que la France a une approche plus globale, c’est-à-dire tenter de concilier répression, prévention et éducation. Le réseau peut être l’occasion pour ces pays de prendre conscience que leurs multiples manières d’aborder les problèmes de délinquance ne sont pas toujours incompatibles mais peuvent au contraire se compléter. Les échanges sont donc primordiaux. Le travail des sous-groupes permet ces échanges d’expériences. En septembre 2005, le sous-groupe travaillant sur la délinquance juvénile a visité des infrastructures de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, une Brigade de

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Prévention de la Délinquance Juvénile de la Gendarmerie et des unités de la Police nationale chargées de la prévention. Cette visite a permis de présenter le savoir faire particulier de la France. Contrairement aux pays anglo-saxons, les ministères de la Justice et de l’Intérieur sont très impliqués dans la prévention de la délinquance.

Les difficultés françaises de l’animation du REPC La première difficulté est liée à la langue. Nous ne sommes pas bons en anglais ! La diffusion des bonnes pratiques n’est par conséquent pas bonne. Lorsque l’on reçoit un document en anglais, on ne le lit pas. C’est un véritable frein à notre travail. Deuxième difficulté, le manque de chercheurs en matière de prévention de la délinquance. Nous avons des recherches de très bonne qualité, mais nous n’avons pas suffisamment de chercheurs, et ces recherches ne sont pas suffisamment offensives sur le plan européen. Aujourd’hui, à chaque fois que des recherches sont lancées au niveau de la Commission européenne, les appels d’offre passent en France complètement inaperçus, et ce sont systématiquement des chercheurs anglo-saxons qui répondent. Nous avons donc une vision anglo-saxonne de la prévention de la délinquance. Troisième difficulté, l’évaluation. En France, nous n’évaluons pas nos bonnes pratiques. Nous sommes incapables de mesurer l’impact d’une bonne pratique. Au sein du REPC, nous sommes les seuls avec l’Italie et l’Espagne à ne pas le faire.

Intervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUSIntervention de Michel MARCUS Magistrat et

Délégué Général du Forum Européen pour la Sécurité Urbaine

En quête d’un interlocuteur français sur la prévention de la délinquance

Il y a selon moi une quatrième difficulté, celle d’identifier qui représente la prévention de la criminalité en France. Heureusement, la France a eu l’originalité d’avoir un ministère de la Ville, et elle a surtout une Délégation interministérielle à la ville qui assure le contact avec la prévention de la délinquance. Cependant le discours officiel sur la prévention de la délinquance n’est pas tenu par la DIV mais plutôt par le ministère de l’Intérieur, ou accessoirement par le ministère de la Justice. Il y a donc un vrai problème d’interlocuteur, à la fois au niveau national et au niveau international. C’est un obstacle politique majeur, notamment lorsqu’il faut prendre des initiatives par rapport au REPC qui a des difficultés d’existence (la Commission lui assure un secrétariat réduit au strict minimum, le réseau ne fonctionne que sur un réseau de bonnes volontés). La France est créatrice de ce réseau avec la Suède, et ces pays sont aujourd’hui soutenus par la Hollande, la Grande-Bretagne et l’Autriche. Cependant, par rapport à l’extension à 25 de l’Europe, il y a un challenge pour la France, qui doit promouvoir son approche de la prévention de la criminalité, une approche qui peut être utile pour des pays comme la Pologne ou la Hongrie. La question de la langue est rédhibitoire : il y a de vrais problèmes de retransmission de pratiques.

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Des villes françaises peu investies dans les programmes européens Le FFSU avait beaucoup milité, au moment de la création du réseau, pour que le réseau adopte une forme de fonctionnement originale : les trois points de contact : un représentant officiel, la société civile, les chercheurs. Tous les pays n’ont pas désigné ces points de contact. Le Forum Français, en tant que tel, doit avoir une dimension européenne. L’ensemble des villes du comité exécutif doit s’impliquer dans cet accrochage européen. Je constate, à partir des programmes que le Forum Européen développe depuis 15 ans et de ses réseaux d’échange, qu’à chaque fois que l’on répond à des appels d’offre de la Commission européenne, le noyau des villes françaises acceptant d’entrer dans des programmes d’échange est assez restreint. Il faut que l’on arrive à élargir ce noyau. Autant les villes françaises s’impliquent assez bien sur les questions de la politique de la ville au sein d’Urban et d’Urbact, autant en matière de prévention de la délinquance, les villes hésitent à s’investir. Quand je fais le bilan sur 15 ans du FESU, je dirais que l’on tourne avec une quinzaine de villes qui ont participé à des programmes d’échange.

L’harmonisation des politiques nationales de prévention et de sécurité

Cette politique européenne qui s’ébauche a eu une répercussion avec la réponse au référendum. Le traité de Maastricht avait prévu la compétence des États pour le troisième pilier, mais un passage devait s’opérer avec la Constitution, la Commission européenne devant bénéficier de compétences directes en matière de prévention de la criminalité. Sur le trafic des êtres humains, une question divise les pays : quelle est la durée des visas de séjour que l’on peut accorder à une jeune femme prostituée qui accepte de collaborer avec la Police pour dénoncer son réseau ? A-t-elle droit à un visa ? Des pays le lui refusent. Elle peut obtenir des autorisations temporaires. Des pays le lui accordent. Mais pour quelle durée ? 1 mois, 3 mois, 6 mois ? Des pays déclarent même qu’il n’y a pas de limitation de durée parce que cette jeune femme est avant tout une victime et qu’elle doit être perçue en tant que victime avant de l’être en tant qu’alliée du processus pénal. Si la Constitution avait été adoptée, la Commission aurait eu la compétence pour imposer aux États une durée du visa. Il faut, à terme, un fonds structurel participant au financement des actions de prévention de la délinquance. La question de la traite des êtres humains concerne un ensemble de villes (celles de départ, celles de transit et celles d’arrivée) et il y a un ensemble de mesures communautaires à prendre et des financements communautaires qui devraient voir le jour.

Criminalité organisée et petite délinquance : des liens à établir Il faut envisager le lien entre la criminalité organisée et la petite délinquance. Pour l’instant, l’Europe est construite sur un noyau plus ou moins développé de coopération autour des questions de terrorisme et de criminalité organisée. Et, à côté, il y a ce magma de la petite délinquance, de la délinquance des jeunes et des violences urbaines, organisé autour d’un vague concept de prévention. En matière de criminalité organisée, un constat assez pessimiste est dressé : un certain nombre de problématiques échappe aux instances chargées de ces questions. Certains pays comme la Hollande poussent à l’unification de ces deux champs de réflexion. La politique européenne pourrait être plus englobante.

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La question de la criminalité organisée n’apparaît pas dans les contrats locaux de sécurité. Or, pour les élus hollandais ou suédois, cet aspect entre toujours en compte. Les documents qui font office de CLS dans ces pays ont des volets concernant la criminalité organisée. C’est un domaine qu’il faudrait envisager dans nos contrats en France.

Terrorisme et prévention au niveau local Il est intéressant de positionner les villes par rapport à cette question de la criminalité organisée, mais aussi par rapport à celle du terrorisme. Les terroristes vivent dans nos villes. S’apercevoir que les terroristes peuvent être des jeunes des différentes banlieues doit nous interpeller par rapport à nos dispositifs sociaux. Qu’est-on capable de développer en termes de politique locale ? Cette question n’est pas simplement une question policière, de service spécialisé. C’est une vraie question qui nous traverse tous et qui doit être au cœur de notre réflexion sur la prévention de la délinquance en particulier, et de la prévention en général.

Les financements européens

Les financements au niveau européen sont quantité négligeable. Ce n’est pas avec ces faibles moyens que l’on construit une politique européenne. C’est de l’essaimage. La Commission européenne réfléchit à l’installation d’une structure de financement plus pérenne, avec des objectifs clairs. La Commission a demandé au Forum Européen d’organiser une audition à Bruxelles, en février 2006, au Parlement européen. Elle doit réunir l’ensemble des responsables européens et des représentants des États. Nous inviterons également des maires. À la suite de cette audition, il y aura des débats internes, pouvant déboucher, à la fin de l’année, sur l’annonce, par le commissaire européen chargé des questions de justice, de sécurité et de liberté, d’une politique européenne en matière de prévention de la délinquance. Ce serait une étape importante. ÉÉÉÉRIC RIC RIC RIC LENOIR,LENOIR,LENOIR,LENOIR, CHARGé DE MISSION A LA DéLéGATION INTERMINISTéRIELLE à LA VILLE Un prix européen de prévention de la criminalité existe depuis 4 ans. La France ne l’a cependant jamais remporté. Par rapport aux projets présentés par les autres pays européens, c’est la manière de présenter les nôtres, et la capacité à identifier précisément la situation à l’origine du projet (diagnostic de départ), les objectifs, les indicateurs d’évaluation et de résultats, qui font la différence. J’ai participé à deux jurys et l’intérêt de nos projets n’était pas en cause. La différence, c’est surtout la capacité à dire comment on mesure les résultats de l’action mise en œuvre. Nos partenaires, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Suède notamment, ont une faculté à présenter les choses de manière plus concrète et à mettre en exergue l’impact de leurs projets. C’est surtout ce point qu’il faut travailler. C’est notre faculté à présenter l’impact de nos projets qui est en cause.

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l’avenir des politiques contractuelles en l’avenir des politiques contractuelles en l’avenir des politiques contractuelles en l’avenir des politiques contractuelles en

matière de prévention et de sécuritématière de prévention et de sécuritématière de prévention et de sécuritématière de prévention et de sécurité

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Jacques Donzelot, sociologue et maître de conférence en sciences politiques, a suivi la politique de la ville depuis sa naissance dans les années 1980. Accompagnant les différentes phases de son développement, il nous livre aujourd’hui le fruit de ses réflexions à un moment où l’avenir de la politique de la ville est sur le point de connaître de nouveaux infléchissements.

La politique contractuelle en matière de prévention et de sécurité a-t-elle atteint ses limites ? Les contrats locaux de sécurité sont-ils caducs ? Pourquoi poser cette question ? Quelles perspectives pour un temps post-contractuel ? Ayant suivi simultanément les politiques de sécurité, les politiques de la ville et les politiques sociales, il me semble que les politiques contractuelles sont en train de disparaître dans le domaine urbain. Les contrats de ville et les contrats État-Région sont en train de mourir ou sont morts. Il y a une quasi suppression de la contractualité dans le domaine de la politique de la ville, pour une raison que vous avez tous observé, c’est la substitution des opérations de rénovation urbaine aux grands projets de ville qui s’inscrivaient dans les contrats de ville, lesquels s’inscrivaient dans les contrats de plan, et perpétuaient le règne d’un mode de gouvernementalité inventé par la gauche au début des années 1980 avec les rapports fondateurs des politiques de Développement Social des Quartiers, de prévention de la délinquance et d’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ce mode de gouvernementalité est mort. La disparition de la formule du contrat n’est pas due au seul fait d’un ministre désireux de produire des résultats rapides et spectaculaires ; la politique contractuelle est aussi morte de sa belle mort. Elle est morte de toute une série de constats qui émergent maintenant, et dont il serait intéressant de savoir si, s’agissant des contrats locaux de sécurité, on peut établir les mêmes.

Multiplicité et inégalité des cocontractants Le premier constat est que la multiplicité des contractants rendait cette politique illisible. On ne sait pas qui la mène, et quand on ne le sait pas, eh bien peu de gens la mettent en œuvre. Les bénéfices escomptables sont minces parce que chacun tire de son côté des effets d’affichage. Dans la mesure où les engagements sont faits en fonction d’une multiplicité de partenaires (État, Conseil Régional, Conseil Général, ville, etc), ceux-ci s’engagent au moment de la réunion. Après, les effets sont très incertains. L’argent ne vient pas. Les partenaires se ralentissent les uns les autres. Opacité, lenteur. L’idée de contractualité signifie qu’on signe un document entre partenaires qui sont à la même hauteur. Qu’est-ce que ça veut dire « L’État et les collectivités locales sont à la même hauteur, sont partenaires ? ». Au final, cela ne veut pas dire grand chose. Parce que, dans le domaine urbain, cela donne un État qui, dans le domaine des contrats de ville, n’est pas en capacité par ses services de faire un diagnostic et des propositions compétitives par rapport à celles que les élus locaux peuvent faire, et en tous cas de moins en moins capable. Il n’a ni les services, ni les modes d’organisation pour cela. Il n’a pas non plus la propension à s’organiser de façon à être en capacité de cela. Si bien que l’on a des services d’État qui sont par vocation destinés à faire respecter la règle et à qui on dit qu’il faut mettre la règle en sourdine. La contractualité, dans le rapport État / collectivités locales, s’est traduite, pour l’essentiel, par un sentiment de dépossession de la part des services de l’État, un renoncement relatif, une montée des élus locaux en la matière. Les sous-préfets ville sur lesquels on avait beaucoup compté ne se sont pas révélés très dynamiques.

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Les avatars de l’État animateur L’idée de coproduction entre les services de l’État et ceux des collectivités locales était un gigantesque progrès par rapport aux modes de gouvernement antérieurs. On avait l’idée d’un État plus animateur, plus dynamisant. C’était une formule plus économique : on obtient plus de résultats en déployant moins de pouvoir. Le pouvoir des années 1960-1970, ce pouvoir périphérique qui était en réalité le pouvoir des préfets et des administrations de mission (comme la DATAR ou le Commissariat au Plan), déployait une énergie énorme, une capacité à imposer très forte. Tout passait par lui, d’où l’idée d’un État impérieux et modernisateur. Avec l’État contractuel, on pensait qu’il y avait une suite honorable et une alternative positive à cet État impérieux passé de mode. Ce nouvel État permettrait d’établir, après les lois de décentralisation, une forme de gouvernement où l’initiative appartiendrait au local, mais serait partagé avec les représentants locaux de l’État, de façon à ce que les objectifs de l’État soient bien pris en compte par les partenaires locaux. C’est étrange ce jeu où l’on doit, tout en n’étant pas à la même hauteur, regarder dans la même direction. Il y a donc eu un problème. Voilà pourquoi cette forme de gouvernement a été abandonnée. L’idée de fausse égalité a sauté.

Les politiques contractuelles de prévention et de sécurité La contractualité en matière de prévention et de sécurité a-t-elle connu le même parcours ? D’une certaine manière, les politiques contractuelles en ce domaine ont vécu la même ascension et connaissent actuellement le même déclin. Les contrats d’action prévention, ce sont les années 1980. Ils ont échoué un peu de la même manière que les contrats relatifs au développement social des quartiers. Ils n’ont pas été à la hauteur : le problème des banlieues est resté le même, et s’est même davantage cristallisé sur la question de l’insécurité. S’est ensuite imposée une nouvelle formule contractuelle : les contrats de ville. Ils ont plus d’envergure, on les leste de plus d’actions. On met tous les domaines dans la même corbeille. Les contrats locaux de sécurité font de même : la Police, les enseignants et autres sont impliqués. Ces CLS n’étaient pas véritablement des contrats. La métaphore du contrat servait à habiller pendant un moment un transfert relatif de la capacité d’initiative aux collectivités locales. On voulait que les élus locaux se comportent comme s’ils étaient des sur-gens de l’État, à la faveur du contrat, comme s’ils étaient faits de la même eau, comme s’ils pensaient pareil, comme si leurs motivations étaient les mêmes. C’était comme si le sens de l’intérêt général habitait équitablement les représentants de l’État et les élus locaux. Le caractère plus formel que réel des engagements pris dans les CLS, on le retrouve de la même manière que dans les contrats de ville. La lenteur de la mobilisation des moyens pareillement, le caractère bidon des diagnostics préalables de même. Quant à la dimension contractuelle, coproductive, ce n’était pas tant de l’ordre du contractuel que du contactuel. Tout cela dépendait du type de contact entre chaque partenaire. Or, le contactuel est très aléatoire. La multiplicité des responsables des contrats locaux de sécurité compromet le bon fonctionnement du dispositif. Ce qui marche bien, c’est quand il y a un leader, quelqu’un qui prend ses responsabilités sur un territoire délimité et qui est jugé sur le résultat.

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De la coproduction de la sécurité à la sélection des projets locaux par l’État

L’analyse que je vous présente ici, je l’emprunte en partie à Renaud Epstein, qui a développé l’idée de « gouvernement à distance ». Par quoi remplacer le gouvernement contractuel ? Par une forme de gouvernement qui ne met plus en relation l’administration avec les élus locaux pour qu’ils coproduisent, mais une agence gouvernementale, voire para-gouvernementale (sur le modèle de l’ANRU), qui désigne un certain nombre de priorités ou de lieux cibles, et qui fait un appel à projet. Dans un appel à projet, le contrat que vous passez n’est pas un contrat résultant d’une coproduction, mais un contrat établi parce que le projet présenté intéresse. Cela signifie un rapport entre le local et le central tout à fait différent. Un rapport où le local est beaucoup plus autonome. Les élus locaux font leur projet, et en même temps on leur demande de se responsabiliser par rapport à des objectifs qui sont énoncés par le Gouvernement, et qui font qu’ils entrent dans un jeu de punition ou de récompense. Cette idée d’autonomisation et de responsabilisation est un mode de gouvernement. On a une économie de gouvernementalité. On évite la trame de l’administration et ses lourdeurs. Ce qui compte, c’est le projet des élus. Cette démarche est fondamentalement utilitariste. Elle est le mode de gouvernement anglo-saxon. Cette forme de gouvernement est extrêmement cynique. Elle ne prend pas en compte la question de la citoyenneté. Ce jeu d’autonomisation et de responsabilisation des élus par rapport à des impératifs de gouvernement est vertical. Pour qu’il soit intéressant et crédible, surtout s’agissant d’une matière comme la prévention et la sécurité, il faut qu’elle soit accordée avec un registre horizontal, celui effectivement de la citoyenneté, de la confiance et du civisme, qui va jouer au niveau local, infra-communal, avec des formes d’action qui peuvent être déterminées seulement à ce niveau, et des formes plus élargies, supra-communales, tout cela se situant sur un niveau horizontal.

NB : Depuis cette intervention, le Premier Ministre a annoncé la création d’une Agence de la cohésion sociale et de l’égalité des chances (Assemblée Nationale, séance du mardi 8 novembre 2005, Déclaration du Gouvernement sur la situation créée par les violences urbaines).

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RéactionsRéactionsRéactionsRéactions PPPPIERRE IERRE IERRE IERRE COHEN,COHEN,COHEN,COHEN, MAIRE DE RAMONVILLE-SAINT-AGNE, DéPUTé DE LA HAUTE-GARONNE Vos propos me mettent mal à l’aise. Tout ce que vous avez dit est principalement l’argumentation des gens qui sont contre la politique de la ville. À l’Assemblée nationale, il y a toute une force anti-politique de la ville, en particulier des ruraux, qui pèse énormément, et qui considère que tout sous mis sur la politique de la ville est de l’argent jeté par les fenêtres. Et même parmi les élus des villes, certains considèrent qu’il y a seulement une poignée de gamins qui mettent le bazar, et qu’il suffirait de traiter ce problème pour que la politique de la ville n’existe plus. Globalement, il y a massivement des gens qui considèrent que la politique de la ville est inutile, est un gâchis. Il faut faire attention à ce que l’on véhicule. La fin des contractualisations est aussi une volonté politique et idéologique d’arrêter un engagement de l’État. Au début des années 1980, l’État a accepté de dire qu’il ne pouvait pas tout en matière de prévention de la délinquance et de politique de la ville. Je suis un fervent défenseur des contrats de ville. On s’est aperçu petit à petit que le périmètre était trop étroit. On s’est aperçu que les politiques de développement social des quartiers faisaient surtout de la gestion du peuplement, ce qui aboutissait à mettre tout le monde dans le même quartier. Le problème de la discrimination ou de l’emploi était lui aussi un facteur très fort, lié au fait qu’il y avait une sorte de haine montante ou de violence ou de difficulté à régler les problèmes en profondeur, donc il fallait impliquer tous les acteurs. Après le périmètre, il fallait aussi le droit à l’innovation. L’objectif est de rentrer l’innovation dans le droit commun. Et l’innovation malheureusement, elle ne sort pas des corps de l’État, ni des communes. La dernière génération des contrats de ville s’est également fondée sur le constat que l’on était en autarcie et que l’on ne s’occupait pas assez des citoyens. Depuis 4 ans, on a beaucoup parlé de l’ambition de faire des citoyens une partie prenante des contrats de ville, mais cela n’a pas avancé. Cela a même reculé par rapport aux associations puisqu’on les a tuées en leur retirant les moyens qu’on leur avait donnés. Vous avez raison sur l’analyse de ce qui se passe. Cependant, pour moi, ce ne serait pas pour cautionner une remise en cause, mais bien pour dire ce qui n’a pas marché et ce qui doit être dépassé pour que tout fonctionne. Sur le fond, je pense que l’on a raison d’enclencher ce qu’on a enclenché, et on a tort de n’avoir pas réalisé ce qu’on n’a pas réalisé. Réponse de Jacques DONZELOTRéponse de Jacques DONZELOTRéponse de Jacques DONZELOTRéponse de Jacques DONZELOT Je propose de prolonger le mouvement né avec les politiques contractuelles et de l’amplifier. Et de l’amplifier au-delà d’une politique contractuelle qui paralysait cette dynamique par tout ce qu’elle avait de faux et d’encombrant. Et d’augmenter les moyens de la politique de la ville également. à

HHHHééééLLLLèèèèNE NE NE NE LIPIETZ,LIPIETZ,LIPIETZ,LIPIETZ, CONSEILLèRE RéGIONALE VERT à LA RéGION ÎLE-DE-FRANCE La Région Île-de-France a la particularité d’avoir une politique régionale de sécurité. Je suis secrétaire de la commission politique de la ville / sécurité. Un des problèmes récurrents dans les débats sur la sécurité, c’est qu’il y a la dichotomie entre qui décide la politique de sécurité et qui la finance, sans qu’il y ait un grand ordonnateur. Par exemple, l’ANRU décide des démolitions et demande que l’argent vienne de la Région sans nous demander notre avis.

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Nous sommes en train de réfléchir, depuis un an, non pas à une politique contractuelle, mais à une nouvelle sorte de politique, avec ce qu’on appelle la conditionnalité. Maintenant, et notamment en matière de politique de sécurité où la Région n’a aucune légitimité, nous essayons d’inventer de nouvelles formes de partenariat. Nous définissons des critères d’éligibilité aux financements régionaux. Mais le problème est que ces critères sont très mal perçus par les maires, les transporteurs publics ou même l’État. Une des premières choses que nous demandons, c’est l’évaluation, a priori et a posteriori. Pour les partenaires, cette demande paraît totalement aberrante. Nous sommes actuellement à un tournant. Effectivement, le contrat n’est plus tout à fait dans l’air du temps. Il y a de nouvelles formes de gouvernance qui sont à inventer.

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La quatrième table ronde a permis à ses intervenants d’envisager l’avenir des dispositifs contractuels et des instances partenariales actuels, ainsi que la plus value apportée par les nouveaux outils de travail que constituent les observatoires et les enquêtes de victimation.

*** Le Forum a interrogé ses collectivités adhérentes sur les différents outils qu’elles utilisent aux différentes étapes de leur politique de prévention (élaboration et mise en œuvre). En matière de diagnostic, 96% des collectivités interrogées déclarent avoir réalisé un ou plusieurs diagnostics. Dans la majorité des cas, ces diagnostics ont été réalisés soit par un service interne, soit par un cabinet privé, soit par les deux conjointement. Lorsque 48% des collectivités déclarent avoir réalisé un diagnostic, il s’agit bien souvent du diagnostic initial à partir duquel le CLS a été élaboré. En matière d’évaluation, seules « certaines des actions » menées par les collectivités sont en général évaluées. Et de manière « régulière » d’après les répondants. Si elles sont évaluées par un service interne, pour 83% des collectivités interrogées, c’est parce qu’elles le sont souvent à l’occasion des réunions des personnes concernées par leur mise en œuvre. Les outils techniques phares des politiques locales de prévention sont les observatoires de la délinquance et les campagnes d’information. 79% des collectivités interrogées déclarent mener des campagnes d’information, et 71% utiliser un observatoire. Viennent ensuite la cartographie, la vidéosurveillance, les alarmes et la télésurveillance. En termes de relais des actions de prévention, 4 relais se démarquent nettement. 69% des collectivités interrogées déclarent utiliser les cellules de veille éducative comme relais de leurs actions de prévention. Et elles sont 42% à les utiliser en priorité. Les relais suivants sont les centres culturels et de loisirs, les centres communaux d’action sociale, et les maisons de la justice et du droit. Sont ensuite utilisés, mais à une moindre échelle, dans l’ordre décroissant : les classes relais (pour 44% des collectivités interrogées), les points écoute (42%), les centres sportifs (38%), les CDAD (33%) et les maisons de l’adolescence (13%). Les CLSPD et les réunions restreintes de sécurité sont les structures phares des politiques de prévention. 94% des collectivités interrogées ont cité les CLSPD, 75% les réunions restreintes. Ces dispositifs sont largement acceptés, et leur utilité reconnue. Deux autres structures sont citées par la majorité des personnes interrogées : les cellules de veille éducative et les conseils de quartier. Sont ensuite utilisés, par ordre décroissant : les GLTD, les conseils départementaux de prévention, les commissions locales d’insertion, les conférences départementales de sécurité, les commissions citoyennes, les commissions départementales d’accès à la citoyenneté et les conseils départementaux de santé. Les dispositifs départementaux sont fortement marginalisés : ils sont peu cités par les collectivités. Les CLS et les contrats de ville sont cités au premier rang des outils contractuels utilisés en matière de prévention : respectivement par 90% et 81% des collectivités interrogées. Sont ensuite cités par la majorité des collectivités interrogées les contrats éducatifs locaux. Viennent ensuite par ordre décroissant les conventions d’objectifs avec les conseils généraux, les plans départementaux d’action et de sécurité routière, les protocoles d’accord sur l’échange d’informations et les plans État-Région. Les CLSPD et CLS sont considérés comme des outils utiles à la prévention par 96% des collectivités interrogées. 52% estiment qu’ils sont « tout à fait utiles », 44% qu’ils sont « assez utiles ».

***

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Intervenants

- Président de la table ronde : Lilian ZANCHI, Adjoint au Maire de Villeurbanne, délégué à la prévention et à la sécurité,

- Georges LEFÈVRE, Préfet et Responsable de la Cellule interministérielle d’animation et de suivi des CLS et CLSPD,

- Luc-Étienne MOLLIÈRE, Coordinateur Prévention-Sécurité à Brest, - Éric LENOIR, Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville, - Emmanuel DUPONT, Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville.

IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE LLLLILIAN ILIAN ILIAN ILIAN ZANCHIZANCHIZANCHIZANCHI Adjoint au Maire de Villeurbanne,

délégué à la prévention et à la sécurité

Pour introduire cette table ronde, je voudrais m’appuyer sur les résultats de l’enquête du Forum. Sur la question des outils de la prévention, deux caractéristiques se dégagent. Il y a d’une part les outils des actions, et d’autre part les outils de l’évaluation des actions que l’on mène. 96% des villes ayant répondu au questionnaire ont déclaré avoir fait un diagnostic, et en même temps 48% d’entre elles déclaraient avoir seulement fait un diagnostic initial. Se pose alors la question de l’évaluation des politiques menées en matière de prévention et de sécurité. La mise en place d’observatoires, d’enquêtes et de bilans suffit-elle ? Ne faut-il pas plutôt s’appuyer sur une évaluation avec des indicateurs de réussite, qui envisage les coûts et les avantages ? Il faut peut-être dépasser les formes actuelles, non seulement de contractualisation, mais aussi des actions. Une question fondamentale est celle de savoir à quel public on s’adresse. À qui s’adressent aujourd’hui les actions que l’on met en place ? Selon l’enquête du Forum, l’aide aux victimes est l’une des principales thématiques des actions de prévention. Je suis un peu surpris que cette réponse arrive en premier. Non pas que je ne pense pas que ce soit le souci des uns et des autres de s’occuper des victimes, mais je suis surpris quand on regarde comment on évalue les politiques, et quelles sont les politiques mises en place en faveur des victimes. Les CLS et les contrats de ville répondent-ils aujourd’hui véritablement à la problématique des victimes ? Ne répondent-ils pas plutôt à la problématique de la délinquance, comment on fait en sorte qu’il n’y ait pas de passage à l’acte, comment faire en sorte qu’il n’y ait pas récidive ? Les CLS et les actions menées sont majoritairement tournés vers la problématique du délinquant, et pas forcément vers celle de l’aide aux victimes.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE GGGGEORGES EORGES EORGES EORGES LEFÈVRELEFÈVRELEFÈVRELEFÈVRE Préfet et Responsable de la Cellule interministérielle

d’animation et de suivi des CLS et CLSPD

Remarques à propos des premiers résultats du questionnaire sur les CLSPD

Nous avons lancé au début de cette année une vaste enquête. Nous avons eu un taux de réponses relativement important. Sur 818 CLSPD créés depuis 2002, 717 ont été installés. Nous avons eu un taux de réponse de 89%, soit 635 questionnaires, que nous sommes en train d’exploiter. Nous avons fait la même chose avec les CLS. Nous avons reçu 432 questionnaires sur les 652 CLS signés depuis 1997. L’absence de retour correspond sensiblement au nombre de contrats caducs, non renouvelés, ou déclarés en sommeil. Je tire un enseignement de cette étude : beaucoup de CLS fonctionnent bien. Il existe des avenants, les contrats sont articulés avec les CLSPD. Cela me conduit à penser que, s’il est bien d’avoir toujours le souci de l’innovation, dans certains cas, il faut s’interroger sur les raisons du succès ou de l’échec de tel dispositif dans telle ville. Ne serait-il pas suffisant, en capitalisant des expériences et des habitudes, de faire un nouveau type de contrat local de sécurité, tirant les enseignements de ceux qui ont bien marché et de ceux qui n’ont pas bien marché ? Dans certains cas d’ailleurs, la cause du dysfonctionnement ou de la déception n’a rien à voir avec autre chose que le manque d’engouement local. On voit déjà pourquoi certains dispositifs ont bien fonctionné. Tout le monde sait très bien que là où il y a un binôme élu / coordonnateur qui joue le rôle de leader, le dispositif fonctionne mieux. On peut faire évoluer le CLS, et on n’est pas obligé de renoncer à la contractualisation. Le développement de la contractualisation est lié au fait que si l’on décentralise, l’État est tout de même obligé d’avoir une politique. Et le meilleur moyen de mettre en œuvre cette politique, c’est de passer par des formules qui ressemblent à un contrat.

Vers un nouveau type de contrat Ce que l’on peut aller chercher chez nos voisins nous montre des voies intéressantes à suivre pour concevoir un nouveau type de CLS. La première chose à faire est que chacun des partenaires ait des exigences, que le contrat concrétisera. En matière de mise en place de moyens d’animation autour de l’élu, les contrats belges sont précis. En matière d’évaluation, il n’y a bien que nous qui sommes en retard. Voilà autant de choses qui peuvent être introduites dans un nouveau type de CLS. Un guide pratique est quelque chose d’indispensable car cela donne une sorte de bible à laquelle chacun pourra se référer. C’est déjà un moyen d’établir un langage commun. Cette démarche doit être poursuivie.

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Intervention de LucIntervention de LucIntervention de LucIntervention de Luc----Étienne MOLLIÈREÉtienne MOLLIÈREÉtienne MOLLIÈREÉtienne MOLLIÈRE Coordinateur Prévention-Sécurité à Brest

Présentation de la communauté brestoise La ville de Brest est une ville de 150 000 habitants, dans une agglomération de 231 000 habitants. 8 communes composent la communauté urbaine de Brest, Brest Métropole Océane. Nous avons créé en 1985 un Conseil communal de prévention de la délinquance, dont le fonctionnement et l’animation ont été confiés au Conseil communal d’action sociale. Avec l’évolution de la délinquance, et notamment de la part des dégradations volontaires, et l’apparition de violences urbaines à partir de 1996-1997, le Maire a souhaité inscrire la ville dans la démarche des contrats locaux de sécurité. Un contrat a été élaboré, avec un diagnostic réalisé d’abord en interne puis avec le cabinet ERM. Il a été signé après des négociations serrées entre le Maire, le Préfet et le Procureur de la République, en septembre 1999. L’évolution de la délinquance a incité les maires de la communauté urbaine à intégrer le CCPD de Brest. On a donc créé en octobre 2003 un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Ce conseil a la particularité de reprendre les 8 communes de la communauté urbaine, mais il est maintenu sur le périmètre de la ville. Nous avons donc deux dispositifs qui coexistent, sans lien hiérarchique ou fonctionnel entre le CISPD et le CLS. Le CLS de Brest est relativement opérationnel et pragmatique. Le CISPD de l’agglomération brestoise reprend plus généralement les axes ou les thèmes abordés jusqu’à présent dans le CCPD : c’est-à-dire plutôt une orientation en matière d’aide aux victimes, de prévention de la récidive et de prévention des conduites déviantes. Le CLS de Brest est beaucoup plus opérationnel, avec des instances très précises. Nous sommes à la centième réunion d’une cellule qui se réunit toutes les trois semaines. Elle réunit le procureur de la République, le substitut chargé des mineurs, le Commissaire principal, et la ville. Nous abordons de manière pragmatique les problèmes de délinquance des mineurs, et notamment de la réitération.

Les points forts du CLS Le premier point fort est la participation active des partenaires institutionnels, et notamment du Préfet, du Procureur et du Maire. Le contrat a suscité une grosse émulation avec nos partenaires urbains, bailleurs, transporteurs, et autres. Un des points importants du CLS de Brest est le positionnement clair des partenaires. D’abord, sur la volonté de répondre à la légitime attente de sécurité des Brestois. Sur l’analyse partagée dans le strict respect des compétences de chacun : il n’y a ni mélange de rôles, ni ingérence dans le fonctionnement des uns et des autres. Une volonté du Maire et des équipes municipales qui se sont succédé est de ne pas créer de Police municipale. Ce qui fait que la coopération avec la Police nationale est beaucoup plus importante et renforcée. Le CLS repose sur un observatoire. Un tableau de bord est envoyé tous les mois aux signataires du CLS, qui recoupe les indicateurs Police, Justice, Éducation nationale, transporteur public, bailleur public, etc. Un indicateur rend compte des rencontres qui ont eu lieu dans le cadre du CLS. Cela permet d’avoir une vision très claire de l’activité du CLS et un tableau de bord statistique très régulier permettant de mesurer l’évolution de la situation locale. Ce tableau de bord est enrichi depuis quelques années par les cellules de veille qui se réunissent mensuellement dans chaque quartier de la ville. Ces

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cellules sont constituées de l’Adjoint au Maire et du chef de secteur de police de proximité. Chaque année, nous avons une actualisation de l’ensemble des données de nos partenaires. Nous diffusons un « CLS-info », qui reprend toutes les informations de l’Éducation nationale, de la Justice (les suites données aux poursuites judiciaires, les alternatives à l’incarcération), de la Police nationale et d’un certain nombre de partenaires. Depuis 2 ans, nous rendons compte également de l’évolution du travail des associations d’aide aux victimes (la prise en compte des victimes sur le territoire de Brest), ainsi que des faits marquants qui ont défrayé la chronique et les suites judiciaires apportées.

Les freins au CLS L’une des principales difficultés de la contractualisation est que le Maire s’engage auprès de ses administrés sur des objectifs mais qu’il ne maîtrise pas l’ensemble des données du problème, et notamment par rapport aux effectifs de la Police nationale. Il y a une véritable difficulté car c’est un engagement sur des moyens et des résultats, et le Maire ne peut maîtriser l’ensemble des données. C’est d’abord un problème d’engagement politique et de répercussion par rapport à la population. Il me semble de plus en plus difficile de mesurer l’impact du CLS sur la délinquance et le sentiment d’insécurité. D’une part, on manque d’outils d’analyse : on mesure difficilement l’impact du CLS. D’autre part, dans une politique locale, et le CLS en fait partie, on peut difficilement voir ce qui relève de la politique ou de la contractualisation, et ce qui relève de politiques sectorielles ou des différents ministères. Par exemple, pour Brest, en matière de délinquance des mineurs, nous avions une part de la délinquance sous les 28% en 2000. Depuis, la part des mineurs dans la délinquance est descendue à 16%. On peut imaginer que la baisse de ce taux soit une conséquence du travail de la cellule opérationnelle du CLS, mais la politique pénale en direction des mineurs joue également un rôle. L’évaluation des politiques contractuelles est par conséquent complexe. La question qui se pose aussi est le respect des engagements de l’État et les politiques de l’État, notamment en matière de police. La réforme de la police de proximité est remise en cause aujourd’hui, ce qui peut aussi remettre en cause à terme les coopérations locales instaurées en la matière. Pour nous, le CLS reste un outil pragmatique et opérationnel, à partir du moment où une logistique est susceptible de le faire fonctionner. Le CLS reste un outil incontournable en matière d’analyse partagée d’une situation, et de recherche de mesures adaptées aux nouveaux troubles que l’on observe sur une ville. On n’hésite pas à réunir l’ensemble des partenaires lorsque l’on voit apparaître de nouveaux phénomènes, qui posent problème par rapport aux réponses apportées jusqu’à présent par les différents partenaires.

Le CISPD Le CISPD regroupe les 8 communes de la communauté urbaine. Nous avons dans un premier temps passé du temps à mettre à niveau l’ensemble des élus et des partenaires qui composent le conseil. Aujourd’hui, nous partons sur un développement de commissions thématiques et de groupes de travail. L’intérêt par rapport à d’autres communes est que le même service organise le CLS et le CISPD. Les approches entre les deux niveaux sont cohérentes. Nous ne sommes pas liés à une équipe de contrat de ville. Les personnes de la mission prévention – sécurité

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sont mises à disposition. Les choses sont plus simples. Il n’y a pas d’enjeu économique ou de pouvoir en la matière.

Les freins au CISPD Il s’agit d’une grosse machine. C’est toujours difficile de faire en sorte que ce ne soit pas seulement un dispositif de concertation mais que cela devienne aussi un outil de proposition et de préconisation pour apporter des réponses complètes aux demandes des habitants.

Intervention de Éric LENOIRIntervention de Éric LENOIRIntervention de Éric LENOIRIntervention de Éric LENOIR Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville

L’enquête sur 4 observatoires locaux de la délinquance S’agissant de la question des observatoires locaux, nous avons confié au cabinet Suretis, en lien avec l’Observatoire national de la délinquance et les directions ministérielles concernées, une étude comparative sur 4 observatoires locaux de la délinquance (Blanc Mesnil, Besançon, Lyon, et l’agglomération de Vienne), dans le cadre de la politique de la ville. Notre souhait était, dans le cadre de la mise en place de l’Observatoire national des Zones urbaines sensibles, de disposer des éléments d’analyse des observatoires existants, de comprendre leur finalité, leur organisation, les questions posées par la construction d’un partenariat (la nature des données retenues), l’utilisation de ces démarches. La circulaire de 1990 sur les contrats d’action et de prévention pour la sécurité dans la ville (CAPS) faisait déjà référence à un projet d’observatoire local. Se faisant, leur mise en œuvre est relativement récente puisque la création de ces observatoires s’est essentiellement formalisée depuis la mise en œuvre des CLS en 1997. D’ailleurs, le choix des 4 sites concernés par l’étude a aussi été motivé par l’antériorité de leur création (ils ont tous au moins 5 ans d’existence), leur lien avec les dispositifs locaux et la pérennité de leur fonctionnement. Une enquête organisée en lien avec la cellule CIAS CLS-CISPD référençait au total une cinquantaine d’observatoires locaux, dont on voit que le contenu, le fonctionnement, les partenaires et les finalités sont souvent très différents. Beaucoup d’observatoires sont encore au stade du projet. Certains se cantonnent à des démarches d’échange d’informations en lien avec des cellules de veille. La construction d’observatoires en tant qu’outil, reposant notamment sur des outils cartographiques, des logiciels, et avec un pilotage en continu par un professionnel, est plus réduite. Il y a probablement en France guère plus d’une vingtaine de territoires dotés d’observatoires de ce type. En mars 2001, la circulaire interministérielle relative aux financements des CLS faisait du soutien à l’ingénierie locale (dont les observatoires locaux) un des axes prioritaires. Toutefois, aucun texte de référence ne définit à ce jour le rôle des observatoires de la délinquance ni leur contenu. La question de l’observation renvoie aux liens avec les diagnostics et les évaluations, et la nécessité de construire des outils permanents qui permettent d’actualiser les données

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et de dépasser le strict cadre statistique émanant des données de la Police et de la Gendarmerie.

Les enseignements de l’étude Les 4 observatoires concernés par l’étude répondent aux appellations suivantes : - observatoire de la délinquance de la ville de Lyon ; - observatoire de la délinquance du CLS de Vienne-Pont-Evêque-Chasse-sur-Rhône ; - observatoire de la sécurité de la ville de Besançon ; - observatoire de la sécurité et du cadre de vie de la ville de Blanc-Mesnil.

Les 4 observatoires ont été créés en lien avec les CLS. En référence au concept de « coproduction de la sécurité », ils reposent sur l’idée de co-observer pour co-analyser et co-produire, ce qui suppose d’organiser le partenariat à cet égard. Ces observatoires locaux (OLS) sont appréhendés comme des outils de coproduction des savoirs, permettant d’acquérir une connaissance globale dans le temps et l’espace du phénomène local d’insécurité (pluralité d’outils de connaissance). Ils proposent une analyse des phénomènes d’insécurité, mais ne livrent pas d’évaluation des moyens engagés (humains, matériels ou financiers). Seul l’observatoire de Lyon désigne comme un de ses objectifs l’évaluation et l’adaptation des actions du CLS. Mais, l’utilisation des données de l’observation pour construire une méthodologie d’évaluation pertinente reste encore clairement à approfondir. Ces OLS sont également présentés comme des outils d’aide à la décision et à l’action stratégique et opérationnelle : mise en œuvre de politiques concertées de prévention et de sécurité, aide à l’orientation et au redéploiement des moyens, voire fonction d’alerte et démarche de résolution de problèmes. Les maires et les coordonnateurs de CLS jouent un rôle pivot dans la mise en œuvre et l’animation de l’observatoire. Un noyau de partenaires (Police, Éducation nationale, bailleurs, transporteurs, services sociaux départementaux) est toujours présent. La Justice est associée mais pas toujours forcément dans les mêmes conditions (PJJ à Vienne ; PJJ, SPIP, MJD à Lyon ; Parquet et Siège au Blanc Mesnil). A la faveur d’un partenariat spécifique avec le TGI de Bobigny (mise en place d’un correspondant Justice emploi jeune), l’observatoire a pu bénéficier de données relatives aux suites judiciaires du Parquet et du Siège pour les mis en cause. Les indicateurs le plus souvent retenus dans le cadre des OLS sont les suivants : données factuelles, indicateurs robustes provenant en particulier de l’état 4001, données tant qualitatives que quantitatives, indicateurs de résultats. Les outils de fonctionnement supposent un investissement non négligeable (base de données, logiciel cartographique, SIG, emploi d’un géographe à Lyon). La fréquence de transmission des données, et d’exploitation de celles-ci, est assez contrastée : dans certains cas, les fréquences sont trimestrielles, dans d’autres cas elles sont mensuelles, dans d’autres cas encore elles sont hebdomadaires. La diffusion de ces données se fait également de manière différenciée : en fonction de leur nature, elle peut être restreinte ou plus large. Dans tous les cas, il s’agit de données non nominatives. Les données peuvent aussi s’adosser à des études complémentaires : le groupement d’intérêt

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public de Toulouse (la Mission d’Observation de la Délinquance de l’Agglomération Toulousaine, MODAT) s’adosse à une équipe d’universitaires, qui permet de focaliser sur un certain nombre de points révélés par l’observation. Les observatoires sont par ailleurs très souvent reliés aux démarches des cellules de veille territoriales, avec en tous cas une volonté d’approche infra-territoriale. Les zones urbaines sensibles ne sont pas prises en compte jusqu’à aujourd’hui dans ce cadre, ce qui pose la question de l’articulation entre la démarche nationale et les démarches locales. Par ailleurs un certain nombre de questions récurrentes se posent sur : - les conditions d’un bon fonctionnement de ces démarches (dispositif de pilotage partenarial, lien avec le CLSPD) ;

- la capacité à construire un cadre autour de la transmission d’information, reposant à la fois sur la confiance et la déontologie (établissement de protocoles d’échanges de données) ;

- l’articulation entre l’observation portant sur les thématiques de la prévention et de la sécurité et les autres champs du contrat de ville (comment et sous quelles conditions croiser et interpréter des données relatives à la sécurité, à l’éducation, à l’emploi, à la santé, au logement ?) ;

- les moyens pris en compte dans le cadre des politiques locales de prévention et de sécurité ;

- les liens avec l’évaluation qui restent à construire (notamment dans la perspective de nouveaux CLS) ;

- les outils nouveaux constitués par les enquêtes de victimation qui, à l’instar des expériences conduites localement avec le soutien du FFSU ou au niveau national avec l’OND, peuvent, sous certaines conditions, enrichir les données des observatoires ;

- l’articulation à développer entre les démarches nationales d’observation (ONZUS et OND) et les démarches locales.

En vertu de la loi Borloo du 1er août 2003, l’observatoire national des ZUS a été créé en 2004. Celui-ci regroupe différents indicateurs thématiques afférents à la politique de la ville. Sur la thématique « sécurité et tranquillité publique », le rapport 2005 de l’Observatoire présente pour la 1ère fois des données spécifiques aux faits constatés sur les ZUS (comparés à la situation des villes et agglomérations de référence). En vertu d’un accord passé avec les services compétents de la Police et de la Gendarmerie nationales, 28 index de l’état 4001 ont été sélectionnés rassemblant les faits les plus significatifs (72% de l’ensemble des infractions recensées). Pour l’ensemble de ces infractions, le total des faits constatés dans les ZUS situées en zone de police s’élève en 2004 à 68 faits pour 1000 habitants en moyenne (contre 65,6 pour 1000 dans l’ensemble des circonscriptions de sécurité publique d’appartenance de ces ZUS et 47,3 pour 1000 en France métropolitaine). La sur-délinquance constatée en ZUS est plus prononcée pour les actes de vandalisme, certains actes de violences aux personnes ou certaines catégories de vols (avec ou sans violence).

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Intervention de Emmanuel DUPONTIntervention de Emmanuel DUPONTIntervention de Emmanuel DUPONTIntervention de Emmanuel DUPONT Chargé de mission à la Délégation Interministérielle à la Ville

Présentation de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles

C’est un observatoire interministériel, créé il y a maintenant 2 ans, qui a pour mission de travailler sur les écarts de développement et les inégalités à un niveau urbain. L’urbain est entendu de façon restrictive comme étant les villes faisant l’objet d’un contrat de ville. Nous travaillons sur ces zones urbaines couvertes par les contrats de ville, et notre approche est essentiellement statistique. L’objectif principal de l’observatoire est de travailler, d’une part, sur les inégalités entre les villes, les écarts en matière de développement social et urbain, et, d’autre part, sur les inégalités au sein des villes, les villes étant ici entendues comme les agglomérations. Cet observatoire a une approche territoriale des problèmes. Cette approche vise d’abord à travailler la notion floue de cumul de handicaps et de difficultés. Nous juxtaposons des approches thématiques (le logement, les transports, la délinquance, l’emploi). À terme, il s’agit de croiser ces thématiques pour essayer de mieux cerner ce que l’on entend par « cumul », si tant est que cette notion ait une pertinence théorique et pratique. Surtout, notre observatoire a la caractéristique, dans le paysage français de l’observation, de travailler sur l’infra-communal. Nous partons des ZUS et nous essayons de décliner notre approche infra-communale au-delà des ZUS pour appréhender la question des agglomérations.

Les finalités de l’observation des ZUS Une première finalité est de décrire la situation. La deuxième est de mesurer les politiques publiques menées sur les territoires de la politique de la ville. Cet exercice est assez difficile dans la mesure où l’appareillage statistique en France sur les moyens des politiques publiques est très déficient. Nous avons un fort handicap puisqu’on nous demande de traiter principalement la question de l’action menée sur les ZUS : il est extrêmement difficile de trouver une action menée spécifiquement sur les ZUS. Il y a donc un problème d’adéquation en matière de mesure des politiques publiques sur les territoires qui sont l’objet de notre étude. Une troisième finalité est de travailler sur la localisation et le périmètre des ZUS. Il s’agit de savoir si ces ZUS doivent être maintenues, transformées, élargies, etc.

Les axes de développement Nous avons deux axes de développement. Le premier, c’est le rapport annuel à rendre au Parlement sur l’évolution des ZUS et des villes. Cette année, ce rapport comportera pour la première fois de façon exhaustive des données sur les faits de délinquance recensés par l’état 4001. Le second, c’est le développement de l’observation locale. La loi créant l’observatoire fait obligation aux collectivités territoriales de procéder à l’observation de leur ZUS et de produire un rapport annuel. Notre démarche consiste à soutenir ces observatoires. Nous essayons de développer les observatoires d’agglomération, car cette échelle nous paraît être la meilleure pour saisir les inégalités entre les territoires. Ces observatoires ont vocation à donner aux collectivités les moyens de mesurer l’action de l’État sur leur territoire. C’est aussi un instrument de gouvernement local dans la mesure où l’un des

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objectifs de la création de ces observatoires est de poser la question de la solidarité locale et des réponses apportées. Par rapport à la création de ces observatoires locaux, notre démarche est de proposer un système d’information géographique. Nous fournissons aux collectivités territoriales toutes les données statistiques que nous détenons. Nous avons mis en place un répertoire des observatoires locaux qui couvre l’ensemble des thématiques de la politique de la ville. Nous encourageons assez peu le rapprochement des observatoires de la délinquance avec les observatoires ZUS. Il doit exister des observatoires généralistes d’agglomération, au service de l’intercommunalité. Les observatoires de la délinquance sont très particuliers : les services de l’État y sont très présents, une très forte pression politique et événementielle pèse souvent sur ces territoires, qui est assez peu propice au développement de l’analyse et de la réflexion. Les observatoires de la délinquance ont vocation à collaborer avec les observatoires urbains, mais pas à fusionner. Une sorte de parasitage est à l’œuvre : quand on donne trop d’importance aux questions de délinquance et de sécurité, on n’analyse plus les phénomènes urbains.

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RéactionsRéactionsRéactionsRéactions Bernard LUSTIÈRE, Bernard LUSTIÈRE, Bernard LUSTIÈRE, Bernard LUSTIÈRE, Chargé de mission prévention à la ville de Saint-Nazaire Rendre le CLSPD intercommunal était censé rationaliser les choses, mais au quotidien ce n’est pas si facile. Il y a une telle disparité entre les territoires de l’agglomération, que les choses se compliquent plutôt qu’elles ne sont rationalisées. Notre commune représente 70% de la délinquance de l’ensemble de l’agglomération, et les problématiques de l’ensemble des partenaires font que nous avons été obligés de revenir, de manière informelle, sur des structures communales. Le cadre actuel du contrat pose la question de la légitimité de l’État pour relancer un nouveau CLS ou les actualiser. Comment faire des CLS efficaces, alors qu’il y a aujourd’hui une demande au niveau de l’agglomération ? Les problématiques ne sont pas les mêmes. D’après moi, l’État est le mieux placé pour arbitrer et définir les critères de territoire sur lesquels devraient s’articuler les CLS. Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Lilian ZANCHI, Adjoint au Maire de Villeurbanne, délégué à la prévention et à la sécurité Aujourd’hui, les deux outils principaux, ce sont les CLS et les contrats de ville. Ce qui montre le lien financier entre le CLS et le contrat de ville. À chaque fois que nous avons demandé au Préfet délégué à la sécurité un certain nombre de financements d’actions, il s’est retourné vers son collègue sous-Préfet à la politique de la ville pour lui demander de financer les actions. Nous avons donc un problème d’entrée territoriale : les actions sur les territoires en ZUS par exemple sont financées par la politique de la ville, mais quels sont les financements pour les autres quartiers ? Quel est le niveau de décision, avec d’un côté des politiques définies au niveau national, avec leurs propres orientations, et de l’autre des problématiques locales ? RRRRééééPONSE DE PONSE DE PONSE DE PONSE DE EEEEMMANUEL MMANUEL MMANUEL MMANUEL DUPONTDUPONTDUPONTDUPONT Au niveau de l’observatoire, l’enjeu se résume en deux questions : où va l’argent ? Comment l’État a les moyens de savoir quelles villes il faut aider en priorité ? L’État est complètement aveugle sur son système de péréquation. Actuellement, en matière de politique de la ville, l’État ne sait pas s’il aide les villes qui ont vraiment des charges sociales et urbaines fortes. Nous avons commencé à travailler sur cette question, et nous nous apercevons que l’État finance énormément de petites villes ou de grosses villes relativement aisées. Les villes doivent jouer le jeu de la péréquation. Il faut complètement revisiter ce système et l’observation devrait normalement avoir pour but d’apporter des éléments sur cette redistribution qui n’a pas lieu dans les meilleures conditions.

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la gouvernance de la préventionla gouvernance de la préventionla gouvernance de la préventionla gouvernance de la prévention

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La cinquième et dernière table ronde a permis aux représentants politiques des collectivités territoriales et des associations d’élus d’exprimer leurs attentes relatives à l’avenir de la prévention. Ces attentes concernent tant le partage des responsabilités et la répartition des compétences entre les différents acteurs de la prévention, au premier titre desquels l’État, que les moyens que ces acteurs souhaitent allouer aux politiques locales de prévention. Enfin, ces responsables politiques ont fait valoir leur point de vue quant à l’opportunité et la nécessité d’une loi qui viendrait régir la prévention.

***

Le questionnaire du Forum a permis de recueillir quelques avis sur la gouvernance de la prévention. Un consensus large se dégage. En effet, 90% des collectivités interrogées appellent de leurs vœux une nouvelle répartition des compétences. Elles souhaitent une répartition claire et déterminée des compétences qui permettrait aux acteurs locaux de la prévention de légitimer leur position en la matière. Les acteurs locaux de la prévention pourraient prendre appui sur des textes leur conférant des pouvoirs et/ou des missions définies. Cette nouvelle répartition des compétences doit permettre aux acteurs locaux de la prévention de se singulariser par rapport aux autres services de la ville qui peuvent mener des actions connexes à celles de prévention. Cette répartition permettrait aussi d’affirmer le rôle des villes et communautés de villes par rapport aux autres collectivités territoriales, et par rapport à l’État. Cette volonté d’être reconnus comme acteurs à part entière de la prévention est encore réaffirmée par celle d’attribuer clairement à la prévention un budget à la fois national et local. 92% des collectivités interrogées sont en effet favorables à la détermination d’un budget pour la politique de prévention.

***

Intervenants

- Président de la table ronde : Bernard VINCENT, Adjoint au Maire d’Aubervilliers et Vice-Président du Forum Français pour la Sécurité Urbaine,

- Jean-Marie BOCKEL, Sénateur Maire de Mulhouse et Président de l’Association des Maires des Grandes Villes de France,

- Guy GEOFFROY, Député Maire de Combs-la-Ville, - Jean-Luc DEROO, Maire d’Halluin et Représentant de l’Association des Maires Ville et

Banlieue de France, - Nicolas PERRUCHOT, Député Maire de Blois et Représentant de la Fédération des

Maires des Villes Moyennes, - Franck CANNAROZZO, Adjoint au Maire d’Aulnay-sous-Bois.

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Intervention de JeanIntervention de JeanIntervention de JeanIntervention de Jean----Marie BOCKELMarie BOCKELMarie BOCKELMarie BOCKEL SéNATEUR MAIRE DE MULHOUSE

PRéSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DES GRANDES VILLES DE FRANCE

La gouvernance et les contrats locaux de sécurité Nous avons là une méthode de travail qui, selon les lieux et les territoires, fonctionne plus ou moins bien. Mais, pour l’avoir initiée dès le départ, je pense que, à partir du moment où le maire joue pleinement son rôle dans cette démarche, il faut reconnaître que l’esprit de Villepinte souffle toujours. Dans ma ville, s’il n’y avait pas eu la méthode du CLS, un certain nombre d’innovations en matière de prévention, telles que les coordinations territoriales ou la maison des parents par exemple, n’auraient pu être faites.

Les moyens financiers de la prévention et les crédits de la politique de la ville

Les principaux crédits auxquels il est fait appel en matière de prévention ont un effet levier : pour 1 euro de versé, c’est 6 euros d’investis. Lorsque l’on se désengage, et c’est ce qui se passe en ce moment, ce n’est pas 1 euro que l’on retire, mais 6.

Le projet de loi sur la prévention De ministre en ministre, des versions de texte circulent, quelques réunions ont été organisées conviant parfois certains élus n’appartenant pas à la majorité. Tout le monde serait gagnant à ce qu’il y ait une véritable concertation, organisée avec les différentes instances existantes. Dans les semaines à venir, il faut qu’un vrai travail associant chacun des acteurs concernés se fasse.

Intervention de Guy GEOFFROYIntervention de Guy GEOFFROYIntervention de Guy GEOFFROYIntervention de Guy GEOFFROY Député Maire de Combs-la-Ville

Le projet de loi sur la prévention Tout d’abord, une politique de prévention, pour mériter son nom, ne peut qu’être proche du terrain. Et à ce titre, qu’elle soit guidée, orientée, mise en cohérence par des textes législatifs et réglementaires venant d’en haut, pourquoi pas, mais qu’elle soit uniquement dictée par la déclinaison d’orientations et de définitions nationales, certainement pas. Ensuite, qui contacte-t-on quand plus rien ne va, en estimant que c’est son affaire ? C’est le maire. Cela ne veut pas dire que le maire doit disposer de tous les pouvoirs et que c’est vers lui que doit converger un ensemble de compétences aujourd’hui réparties entre plusieurs acteurs, mais c’est au maire que reviennent incontestablement le pilotage, la mise en cohérence et la définition des orientations politiques à négocier avec l’ensemble des partenaires.

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Enfin, je pense qu’il ne faut pas se situer face à l’État. Il faut se situer à ses côtés. Si on engage une politique de prévention fondée sur des rapports de force entre les différents partenaires, et sur l’idée qu’il y aurait obligatoirement un bras de fer à mener avec l’État, on ne s’en sortira pas. La responsabilité majeure des maires est bien celle-là : celle de piloter, et donc par essence de considérer que tous les partenaires, au-delà de leurs propres attributions, sont à part égale autour de la table, dans une même direction.

La définition d’une politique locale de prévention La politique locale de prévention doit-elle être identifiée ? Ne doit-elle pas l’être ? Doit-elle être ponctuée par un budget qui permettrait de l’identifier ? Ne le doit-elle pas ? Je serais tenté de dire les deux. La politique locale de prévention doit être identifiée car elle n’aurait pas de véritable existence si elle n’était que l’agglomération de différentes politiques locales. Ce ne serait pas sérieux. Mais inversement, il ne serait pas moins irresponsable de prétendre tout régler en matière de prévention en confiant l’unique responsabilité à un service spécifique, créé de toutes pièces, dont l’existence exonérerait les autres secteurs de la vie municipale d’une part de responsabilité dans l’action globale. Il faut donc à la fois identifier et ne pas identifier la politique locale de prévention. Et la pratique est bien celle-là : c’est nous qui pilotons le dispositif municipal, qui est à la fois une source et une déclinaison du dispositif intercommunal, c’est nous qui à ce titre pilotons le dispositif de veille éducative, et personne n’a nié que la commune était la seule placée pour le faire. Tout le monde a convergé, certes un peu dans la douleur parce qu’il n’est pas facile d’accepter de ne plus être seul à estimer qu’on a des choses à dire. Mais on y arrive, et on y arrive parce que c’est la commune qui pilote. Et lorsque l’on envisage de mettre en place, dans le prolongement de la veille éducative, un dispositif de réussite éducative, de la même manière, c’est le secteur de la prévention qui s’impose naturellement. Il faut un secteur prévention identifié, bénéficiant de moyens, mais ce secteur ne doit pas résumer à lui seul et pour solde de tout compte la politique communale de prévention de la délinquance. Ceci doit faire partie d’une toile de fond. Dans une politique communale, il y a deux toiles de fond : la politique environnementale, et la politique de prévention. Quand on a ces deux toiles de fond, qui se recoupent parfois d’ailleurs, tout le reste s’inscrit dans cette grande mosaïque.

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IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE JJJJEANEANEANEAN----LLLLUC UC UC UC DEROODEROODEROODEROO Maire d’Halluin

Représentant de l’Association des Maires Ville et Banlieue de France

La ville d’Halluin est une ville de 20 000 habitants, du nord de la France, située dans la communauté urbaine de Lille. Si l’équipe municipale n’avait pas décidé de porter le dossier Prévention de la délinquance, rien ne se ferait. La Police resterait dans son commissariat, les bailleurs sociaux dans leurs bureaux, les chefs d’établissements scolaires dans leurs écoles, les associations chercheraient toujours des partenaires, les travailleurs sociaux resteraient silencieux... Manifestement, c’est à l’initiative des élus que le dossier Prévention de la délinquance est pris en charge.

Qui a autorité pour piloter la politique locale de prévention ? L’autorité ne vient pas de la théorie mais bien de la pratique : au fil des pratiques, les politiques se renouvellent et l’autorité des différents acteurs s’affirme. C’est grâce aux élus locaux que les CLS vivent, et ce parce que nous décidons de les faire vivre. Il nous revient donc de dire ce que l’on fait, de mailler l’intervention locale avec des pratiques, de susciter l’innovation et également les réseaux. Nous sommes sur une démarche empirique : cette démarche empirique est une démarche d’expérimentation, qui conduit à des réussites et qui nous permet aussi d’analyser les échecs.

Les 4 piliers de la gouvernance • 1er pilier : Réunir les partenaires Il faut réunir autour d’une même table ceux qui interviennent dans la dynamique des actions, à la fois pour défendre mais aussi pour circonstancier l’action, car l’information qui est recueillie et partagée oriente et engage. • 2ème pilier : Assurer la proximité des réponses Les personnes en cause sont souvent connues, et il est possible d’entrer en relation avec elles. C’est la raison pour laquelle se réfugier derrière un discours disant qu’on ne peut évoquer des situations connues, c’est se voiler la face. On doit à un moment donné dire pour pouvoir approcher. • 3ème pilier : Mettre en œuvre un partenariat Être partenaire, c’est reconnaître l’autorité, mais aussi faire en sorte que les structures qui participent à la mise en œuvre des actions organisent leurs propositions en fonction de leurs projets. Ces projets doivent à un moment donné s’inscrire dans le cadre d’objectifs. • 4ème pilier : Hiérarchiser les difficultés et les nuisances Il s’agit d’établir la hiérarchie des difficultés et des nuisances. Ce qui nous oblige à savoir communiquer avec la population et savoir qui, à un moment donné, intervient.

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4 principes pour une loi sur la prévention Si la loi doit se mettre en place, elle doit répondre à un certain nombre de principes : • 1er principe : Le principe de la reconnaissance : Sur quels champs et avec qui la politique de prévention s’établit-elle ? • 2ème principe : Le principe de subsidiarité : Qui intervient, si ce n’est celui qui est proche de l’endroit où il faut intervenir ? • 3ème principe : L’aspect politique : Quels sont les référentiels pertinents ? Quels sont les référentiels qui permettent la confrontation des pratiques ? • 4ème principe : Le financement : À partir de quand s’appliquent les règles du droit commun et comment s’appliquent-elles ? La loi doit permettre le financement d’actions lourdes telles que les enquêtes sur le sentiment d’insécurité, les enquêtes de victimation ou bien encore l’évaluation des politiques.

IIIINTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NTERVENTION DE NNNNICOLAS ICOLAS ICOLAS ICOLAS PERRUCHOTPERRUCHOTPERRUCHOTPERRUCHOT

Député Maire de Blois Représentant de la Fédération des Maires des Villes Moyennes

La gouvernance : 3 angles d’approche • Les attentes des élus en matière de prévention Dans l’exemple de Blois, j’ai été au départ impressionné par ce que l’on peut appeler le maquis de la prévention. Il y avait beaucoup d’acteurs (impossible d’en établir une cartographie), disséminés, qui dépendaient de la mairie, du conseil général, du conseil régional, des pouvoirs régaliens. Parfois, nous avions le sentiment que nos actions et nos objectifs n’étaient pas partagés par tous. De ce point de vue, je crois que la loi du 17 juillet 2002, qui confère au maire un rôle de coordination, notamment des CLSPD, est une mesure importante. La bicéphalité qui existait jusque là, avec un pouvoir partagé entre le maire et le préfet, et à laquelle s’est aujourd’hui substituée une coordination par le maire, est une bonne chose. J’en veux pour preuve les réunions du CLSPD que j’organise régulièrement où je suis entouré du Préfet et du procureur, qui viennent à chaque réunion, et où on peut deviser ainsi de manière plus simple. Je partage l’ordre du jour avec les services de l’État, et les choses se passent bien. Il y a un partage des objectifs, et donc de nos responsabilités. Qui paie décide, et en matière de prévention, malheureusement jusque là c’est principalement les villes qui « banquent ». Il y a eu une avancée importante, et comme mes collègues, nous revendiquons, et c’est bien légitime, le droit à tout le moins de coordonner un certain nombre de politiques publiques en matière de prévention.

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• Le partage des responsabilités Cette nouvelle donne, le fait que le maire soit placé au cœur du dispositif de prévention, impose que l’on respecte les pouvoirs régaliens de l’État, notamment ceux de la Justice, de la Police ou de la Gendarmerie, mais qu’il y ait aussi un respect de ce qu’est l’action publique de proximité, et à travers elle l’action du maire et des autres instances qui participent de ces conseils. Parfois, c’est vrai, et notamment dans le secteur associatif, sans vouloir stigmatiser personne, il n’y a pas toujours un partage des objectifs que l’on peut assigner au CLSPD ou à ses commissions. Sur le plan des bailleurs sociaux, j’ai pu constater depuis quelques années que parfois on traîne un peu des pieds ou que l’on ne partage pas des objectifs clairs. À l’arrivée, quand on essaie d’avoir une action qui met en coordination un certain nombre d’acteurs, il est plus difficile de mobiliser certains acteurs plutôt que d’autres. Le partage des responsabilités est à mon avis un partage essentiel. En matière de réussite éducative, le partage des responsabilités était clair dès le départ, entre le Département et la Ville notamment, et les choses se mettent en place de manière intelligente. Chacun a compris son rôle et a décidé de partager un certain nombre de responsabilités. Il reste bien entendu toujours la question du financement, et nous savons très bien qu’on finit toujours par demander à la Ville en dernier ressort ce qu’il manque. • La répartition des compétences Le régalien (Justice, Police) reste centralisé. Je ne revendique pas en tant que Maire, et encore moins en tant que parlementaire, le fait de vouloir exercer quelque pouvoir régalien que ce soit en la matière. Je crois qu’il faut que les choses soient bien claires. Néanmoins, les collectivités, et elles seules, ont dans leurs clauses générales de compétence la capacité de faire ou de ne pas faire un certain nombre de choses en matière de prévention. Cela revient uniquement aux collectivités locales et il faut donc qu’on l’assume. Néanmoins, il faut avoir une réflexion approfondie sur le cadre de la loi. La loi devrait conférer un rôle de pivot au maire. Je crois que c’est une bonne chose et qu’il faut le revendiquer. De toute façon, quand il y a des problèmes liés à la délinquance ou à l’insécurité, on vient toujours à la mairie. On a le sentiment que la mairie est la strate à compétences multiples. Nous avons organisé nos services (fonctionnement 365 jours par an, astreintes importantes) et nous avons la capacité d’avoir, dans l’action de proximité que nous menons, des actions et des objectifs que l’on se doit de tenir. J’ai constaté à Blois que la prévention de la délinquance participait d’une politique qui doit pouvoir permettre d’améliorer les dispositifs, notamment liés à la sécurité.

Quelques questions à aborder Une question importante est celle des types de métier que l’on souhaite référencer dans le champ préventif. Il faut parler du rôle des éducateurs, des policiers municipaux, des médiateurs, des correspondants de nuit. Je ne sais pas si la loi doit définir de manière précise ces métiers mais les décrets au moins doivent le faire. Je souhaiterais que la question puisse être posée, et une définition précise et claire des missions, des rôles et des responsabilités de chacun élaborée. Le champ préventif s’en trouvera mieux

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organisé. Et parfois, on peut constater sur le terrain, qu’entre ces quatre acteurs que je viens de citer, les définitions ne sont pas toujours très claires, notamment pour ce qui est de la police municipale. Il faut profiter de la réflexion législative qui va être menée pour redéfinir le rôle et les compétences de chacun. Quels types d’actions veut-on mettre en œuvre pour le bien des administrés, pour tenter de trouver des alternatives pour le retour à une logique de vie des délinquants ou des pré-délinquants qui, à un moment donné, dans la chaîne que l’on gère les uns et les autres, se retrouvent devant nous ? Comment donner une ligne de conduite aux métiers de la prévention sans déresponsabiliser les habitants des villes, parce qu’ils ont aussi un rôle essentiel, et sans non plus enfermer les professionnels du champ de la prévention qui ont dans leur métier des responsabilités importantes ?

Les travailleurs sociaux et l’évolution de leur métier Il faut reconnaître que le rôle des maires n’est pas de jouer celui des autres. Si les travailleurs sociaux sont mal à l’aise par rapport à la loi, c’est important qu’ils interpellent les parlementaires, et qu’ils considèrent l’évolution de leur métier comme une étape essentielle dans la prévention de la délinquance. À partir du moment où le champ de la délinquance a évolué, où celui de la prévention est en train de s’organiser autour d’un texte législatif, il est légitime et honnête de dire que le champ des acteurs sociaux doit lui aussi pouvoir évoluer. Il ne s’agit pas dans notre esprit de faire en sorte qu’on échange des listes de noms.

Des indicateurs pour la prévention Il faut peut-être aussi considérer, dans le cadre de la LOLF, de voir quels types d’indicateurs on pourrait arrêter sur la prévention, qui est un champ difficile. Si on pouvait les uns et les autres s’engager sur des indicateurs précis, cela permettrait d’abord d’avoir une égalité territoriale plus importante en matière de prévention et de traitement de la délinquance. Cela permettrait également sans doute à l’État d’orienter et de flécher des moyens vers les collectivités qui en ont le plus besoin. Cela permettrait enfin aux acteurs de terrain de mieux orienter l’argent municipal en ayant le courage de remettre en cause des actions que l’on continue parfois à financer alors qu’elles ne servent plus à rien.

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Intervention de Franck CANNAROZZOIntervention de Franck CANNAROZZOIntervention de Franck CANNAROZZOIntervention de Franck CANNAROZZO Adjoint au Maire d’Aulnay-sous-Bois

Les attentes des élus en matière de prévention Dans la répartition des compétences, ce qui est avant tout important pour les élus, c’est la pertinence territoriale. Il y a un distinguo à faire entre les grandes agglomérations, et le tissu plus rural. Quand on fait des enquêtes, globalement 70% de notre délinquance est endogène. Il paraît donc évident que l’unité territoriale de traitement de la délinquance est la ville. C’est donc le maire qui est le mieux placé. Ce qu’attendent avant tout les élus, c’est le principe d’efficacité. On ne se réunirait pas si on pensait que toutes les actions étaient efficaces. Il n’est pas évident que tous les dispositifs soient efficaces sur le terrain. Quelquefois, la cohérence du dispositif d’ensemble ne saute pas aux yeux. Une difficulté majeure existe, malgré les améliorations apportées par les textes : il y a une grande différence entre être pilote et être responsable. Il est difficile de respecter les contrats, y compris les CLS : qui n’a pas 2 ou 3 fiches qu’aucun partenaire ne respecte ? Voyez-vous le Maire ou quelqu’un d’autre assigner l’un des partenaires devant un tribunal pour lui faire respecter les actions qu’il a voulu concrétiser deux ans plus tôt par une signature ? Il y a une difficulté majeure : nous avons tous beaucoup de volonté, mais cela ne se concrétise pas toujours sur le terrain. Or, il est important que les choses se concrétisent, le rôle des élus est de faire en sorte que les actions soient visibles et lisibles par la population. L’évaluation des dispositifs de prévention est aussi nécessaire si l’on veut que les citoyens y croient. La difficulté vient aussi de ce que les tutelles sont différentes. L’Éducation nationale pratique en son sein un certain nombre d’actions de prévention, qui apparaissent coordonnées à travers le CLS. Pour autant, je n’ai pas vu beaucoup de CLS dans lesquels l’influence du pilote qu’est le maire a fait en sorte que les choix de l’Éducation nationale, en son propre sein, et sur la ville, aient changé. La différence de tutelle est importante et elle est un frein. Le maire est le mieux placé, face à la population, pour parler de la prévention, parce qu’il est quasiment le seul sur son territoire à avoir cette vision transversale. Les autres institutions ont des actions parcellaires sur le territoire, et c’est normal. Les maires sont aujourd’hui mis en première ligne par leurs administrés sur cette question, et qu’ils le veuillent ou non, ils doivent y veiller. L’actuel rôle de pilote me semble trop difficile au regard des difficultés évoquées, et il paraît opportun de faire du maire l’autorité de la prévention plutôt que le pilote.

Les jeunes, public cible des actions de prévention Un point important est de mettre l’accent, dans cette politique de prévention, sur les plus jeunes. On a une prévention extrêmement forte, notamment à travers la prévention spécialisée, sur les adolescents en déshérence, les délinquants ou les pré-délinquants, où finalement on essaie de faire une prévention de la récidive. Aujourd’hui, il faut axer essentiellement sur les plus jeunes.

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L’autorité de tutelle de la prévention spécialisée Dans le domaine de la prévention spécialisée, malgré tout le travail fait par les conseils généraux, le rôle du maire doit être étendu. Exemple : à travers le CLS, on a beaucoup travaillé sur les TIG et le fait que la ville reçoive des tigistes aulnaisiens. Car ceux qui finissent par être condamnés à des TIG, la plupart du temps on les connaissait avant, nos services les suivaient déjà et ils les suivront encore après. En termes de cohérence et d’efficacité du fonctionnement, il était important que les TIG accueillis dans les services soient des jeunes de la ville, de manière à avoir une continuité du traitement. Pour la prévention spécialisée, c’est un peu la même chose. Si on veut avoir une meilleure cohérence, il vaut mieux que ce soit placé sous la même autorité.

Le partage de l’information Aulnay-sous-Bois, c’est 80 000 habitants, 250 métiers. Des travailleurs de tous genres manipulent des données sensibles tous les jours, et je n’en ai pas encore vu manifester contre la volonté des élus d’accaparer ces données sensibles. Il ne faut pas se tromper de débat : si aujourd’hui certains maires souhaitent que la prévention spécialisée soit plus placée sous leur autorité, il ne faut pas penser pour autant que leur volonté est d’acquérir des connaissances sensibles. C’est la cohérence et l’efficacité qui doivent guider notre action. Si on me démontre que le système actuel est plus efficace, je n’y vois aucun problème. J’en veux pour preuve que, chaque fois que l’on a sur ma ville des cellules de veille pour essayer de se prémunir d’un certain nombre d’incidents majeurs, on a une participation très soutenue de l’ensemble des acteurs, y compris de la prévention spécialisée. Mais on n’est pas toujours enclins à un partage très précis des données. Pour autant, chaque fois qu’on réunit une cellule de crise après un événement grave, on assiste à un déballage complet de toutes les informations. Cela me paraît dommage, il est souvent trop tard, c’est une fois au pied du mur qu’on se met à laisser tomber les barrières et à partager l’ensemble des données.

Une loi pour la prévention En conclusion, pour des questions d’efficacité des actions et de pertinence territoriale, il me paraît opportun que la loi désigne le maire comme autorité en matière de prévention. Dans le même temps, les financements devraient être prévus par action, et non par institution partenaire, afin d’éviter les montages complexes et par conséquent chronophages. Enfin, l’accent doit être mis sur la prévention précoce, de façon à limiter l’impact sur le futur et pallier les insuffisances de la prévention spécialisée telle qu’elle existe aujourd’hui.

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RéactionRéactionRéactionRéaction Pierre COHEN, Pierre COHEN, Pierre COHEN, Pierre COHEN, Maire de Ramonville-Saint-Agne, Député de la Haute-Garonne Vous êtes intervenus pour dire qu’il était nécessaire de faire jouer au Maire un rôle important, avec des mots différents : pilotage, animation, coordination. Il me semble que derrière chacun de ces mots, nous n’avons pas tous la même qualification et les mêmes compétences. Une loi qui définirait la prévention de la délinquance serait extrêmement utile parce qu’il y aurait un débat. Il y a des visions différentes de la prévention de la délinquance. Je ne suis pas favorable à une prévention essentiellement à disposition de la répression. La prévention ne sert-elle qu’à empêcher quelqu’un de devenir délinquant, ou entre-t-elle en jeu lorsqu’il y a des dysfonctionnements pour amener une personne à trouver un emploi, à devenir un citoyen ? Il y a une définition de la prévention à trouver : selon moi, la thématique de la prévention doit être autour du rôle éducatif, au sens de la co-éducation que l’on est en train de définir actuellement (Éducation nationale / parents / communes). Le rôle de l’État reste essentiellement la cohérence. Une fois la prévention définie, il faut faire en sorte de ne pas avoir une mosaïque de préventions, différentes selon les territoires. La dynamique de partenariat aboutit à des compétences affichées, mais il faut les reconnaître. Il est nécessaire d’identifier le pilote. Surtout ne pas tomber dans la responsabilité, la tutelle ; les freins seraient dix fois plus importants qu’avant.

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ConclusionConclusionConclusionConclusion

Jean-Pierre BALDUYCK Président du Forum Français pour la Sécurité Urbaine

Maire de Tourcoing Plutôt qu’une nouvelle prévention, la tonalité de ces deux jours est plutôt de confirmer ce qui est engagé, de l’amplifier, de le faire connaître. Les élus locaux sont d’accord pour être davantage coordinateurs de ces actions tout en posant la question des moyens financiers pour 2006. Nous refusons que le débat se limite aux périodes électorales. A été fortement évoquée la nécessité de l’analyse, de l’évaluation du sentiment d’insécurité, des réponses à y apporter, de la concertation avec les citoyens. Dans les villes où il y a des conseils de quartier, ses citoyens engagés sont peut-être prêts maintenant à aborder sans démagogie ce débat sur la sécurité. A propos de la question de la parentalité, personne n’a dit que les parents étaient dépassés. Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de resituer les parents par rapport à leurs responsabilités, à la hauteur de ce qu’ils peuvent, et tout en les aidant. Il faut impliquer les départements, car là où ils s’impliquent, leur soutien est efficace, et notamment en matière de prévention spécialisée, bien que les situations soient inégales en France. La réussite éducative permet d’aborder dans la prévention des thèmes nouveaux, qui sont au cœur de celle-ci mais que nous n’avons pas analysés, comme le thème de la santé notamment. Nous approuvons les objectifs de la réussite éducative, même si dans beaucoup de villes les crédits nouveaux ne sont rien d’autre que l’arrêt d’autres politiques du contrat de ville ou du contrat éducatif local. C’est plutôt une modification des actions que des moyens nouveaux. Mais sur les objectifs de la réussite éducative, il y a incontestablement une démarche que nous approuvons. Il faut resituer la Police et la Justice dans la prévention. En matière de secret partagé, les expériences de terrain montrent que l’on fait avancer cette notion de confiance plus que ne le fait le débat théorique. La notion d’assistance à personne en danger est totalement inscrite dans cette notion de secret partagé. Je suis de ceux, mais c’est un choix partisan, qui pensent qu’il faudrait aller vers une charte. La rédaction d’une charte serait une réponse à ces expériences de terrain qui montrent que le terrain est une bonne source. Il ne faut pas se priver de la dimension européenne : il vaut mieux regarder là où ça marche, s’appuyer sur des expériences positives plutôt que de mettre en place de nouvelles organisations qui ne seront pas forcément plus efficaces. Il ne faut pas attendre 2007 pour renouveler ce débat national de qualité. Nous devons de suite exiger d’être consultés sur un éventuel texte de loi.

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Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance : 27, 62, 64, (intercommunal) 65, 66. Contractualisation : (contractualité) 56, (État contractuel) 57, 64. Contrat local de sécurité : 57, 62, 64, 65, 66, 75. Correspondants de nuit : 26, 31. Éducation nationale : 20, 34. Élus locaux : 29, 36, 57, 64, 77, 78. Espace public : 12, 14, 15. État : 12, (services de) 28, (contractuel) 57. Évaluation : 13, 17, 52, 63. Justice : 10, 20, 34. Maire : 75, 78, 79, 81. Observatoire : 65, 67, 68, (national des zones urbaines sensibles) 70, 71. Partage de l’information : 34, (informations nominatives) 38, (information à caractère judiciaire) 39, 40, (charte) 41, (charte nationale) 46. Police : 10, (municipale) 15, 20, 34. Politique de la ville : 13, 29, 56, 59. Prévention : 13, (proactive) 15, (actions de) 16, 17, 21, 27, (acteurs de) 31, 37, 44, 50, 75. Prévention situationnelle : 9, 11, 12, 26. Prévention sociale : 9, 12, 26. Prévention spécialisée : 15, 17, 24, 45, 82. Sécurité : 14, (politique de) 16, 24.

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