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Ann Cardiol Angéiol 2001 ; 50 : 245-51 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-3928(01)00026-9/SSU Article original Apport de l’étude électrophysiologique par voie transoesophagienne dans le diagnostic étiologique des tachycardies à QRS larges B. Brembilla-Perrot , O. Claudon, A.C. Vancon, L. Mock, D. Beurrier, P. Houriez Service de cardiologie, CHU de Brabois, hôpital d’adultes, rue de Morvan, 54500 Vandoeuvre-Lès- Nancy, France (Reçu le 29 décembre 2000 ; accepté le 11 juin 2001) Résumé Introduction – Une tachycardie à QRS larges doit évoquer un diagnostic de tachycardie ventriculaire (TV). Le diagnostic étiologique rétrospectif impose une étude électrophysiologique par voie endocavitaire. Cet examen est parfois difficile à mettre en oeuvre chez des sujets fragiles ou à l’inverse assez lourd pour un jeune patient à coeur apparemment sain. Le but de ce travail a été de savoir si une première évaluation par voie transoesophagienne permettait d’aider au diagnostic de la nature de la tachycardie. Patients et méthodes – Quarante patients, âgés de 16 à 85, ans ont été admis pour des tachycardies à QRS larges en dehors d’une phase aiguë d’infarctus du myocarde. L’étude électrophysiologique par voie transoesophagienne a consisté en une stimulation auriculaire fixe puis programmée, à l’état de base et sous perfusion de 20 à 30 μg d’Isoprotérénol ® . Chez 38 patients, une étude endocavitaire a également été réalisée. Résultats – Chez six patients, cette étude n’a pas permis de déclencher de tachycardie. L’étude endocavitaire est restée négative quatre fois et a permis de déclencher par stimulation ventriculaire une tachycardie ventriculaire (TV) chez un patient et une tachycardie supraventriculaire par réentrée dans un faisceau de Mahaim chez l’autre. Chez les autres patients, la stimulation auriculaire a déclenché une tachycardie à QRS larges reproduisant la tachycardie clinique qui était soit une tachycardie supraventriculaire avec aberration de conduction (n = 27), soit une tachycardie ventriculaire sensible au vérapamil ou une tachycardie ventriculaire par réentrée de branche à branche (n = 7); ces diagnostics ont été confirmés par l’étude endocavitaire à l’exception d’un cas. Conclusion – L’étude électrophysiologique par voie transoesophagienne a permis de reproduire la tachycardie clinique chez 34 des 40 patients et d’établir la nature exacte de la tachycardie à QRS larges, chez 33 des 34 patients. Cette technique facile à mettre en oeuvre doit être envisagée chez les patients où l’on hésite à proposer une étude endocavitaire, pour éviter de poser à tort un diagnostic de TV ou à l’inverse passer à côté de ce diagnostic. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS étude électrophysiologique / tachycardie supraventriculaire / tachycardie ventriculaire Summary – Interest of transesophageal electrophysiological study in the diagnosis of wide- QRS complex tachycardia. Correspondance et tirés à part.

Apport de l'étude électrophysiologique par voie transœsophagienne dans le diagnostic étiologique des tachycardies à QRS larges

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Ann Cardiol Angéiol 2001 ; 50 : 245-51 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS0003-3928(01)00026-9/SSU

Article original

Apport de l’étude électrophysiologique par voietransœsophagienne dans le diagnostic étiologique destachycardies à QRS larges

B. Brembilla-Perrot∗, O. Claudon, A.C. Vancon, L. Mock, D. Beurrier, P. Houriez

Service de cardiologie, CHU de Brabois, hôpital d’adultes, rue de Morvan, 54500 Vandœuvre-Lès-Nancy, France

(Reçu le 29 décembre 2000 ; accepté le 11 juin 2001)

RésuméIntroduction – Une tachycardie à QRS larges doit évoquer un diagnostic de tachycardieventriculaire (TV). Le diagnostic étiologique rétrospectif impose une étude électrophysiologique parvoie endocavitaire. Cet examen est parfois difficile à mettre en œuvre chez des sujets fragiles ou àl’inverse assez lourd pour un jeune patient à cœur apparemment sain. Le but de ce travail a été desavoir si une première évaluation par voie transœsophagienne permettait d’aider au diagnostic de lanature de la tachycardie.Patients et méthodes – Quarante patients, âgés de 16 à 85, ans ont été admis pour destachycardies à QRS larges en dehors d’une phase aiguë d’infarctus du myocarde. L’étudeélectrophysiologique par voie transœsophagienne a consisté en une stimulation auriculaire fixe puisprogrammée, à l’état de base et sous perfusion de 20 à 30 µg d’Isoprotérénol®. Chez 38 patients,une étude endocavitaire a également été réalisée.Résultats – Chez six patients, cette étude n’a pas permis de déclencher de tachycardie. L’étudeendocavitaire est restée négative quatre fois et a permis de déclencher par stimulation ventriculaireune tachycardie ventriculaire (TV) chez un patient et une tachycardie supraventriculaire par réentréedans un faisceau de Mahaim chez l’autre. Chez les autres patients, la stimulation auriculairea déclenché une tachycardie à QRS larges reproduisant la tachycardie clinique qui était soitune tachycardie supraventriculaire avec aberration de conduction (n = 27), soit une tachycardieventriculaire sensible au vérapamil ou une tachycardie ventriculaire par réentrée de branche àbranche (n = 7) ; ces diagnostics ont été confirmés par l’étude endocavitaire à l’exception d’un cas.Conclusion – L’étude électrophysiologique par voie transœsophagienne a permis de reproduire latachycardie clinique chez 34 des 40 patients et d’établir la nature exacte de la tachycardie à QRSlarges, chez 33 des 34 patients. Cette technique facile à mettre en œuvre doit être envisagée chez lespatients où l’on hésite à proposer une étude endocavitaire, pour éviter de poser à tort un diagnosticde TV ou à l’inverse passer à côté de ce diagnostic. 2001 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

étude électrophysiologique / tachycardie supraventriculaire / tachycardie ventriculaire

Summary – Interest of transesophageal electrophysiological study in the diagnosis of wide-QRS complex tachycardia.

∗ Correspondance et tirés à part.

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Introduction – A wide-QRS complex tachycardia is suggestive of a ventricular tachycardia (VT).Its diagnosis requires an intracardiac electrophysiological study. That study is sometimes difficult toindicate in old or very young patients. The purpose of the study was to evaluate the interest of arapid and noninvasive study by transesophageal route for the evaluation of the nature of a wide-QRScomplex tachycardia.Patients and methods – Forty patients, aged from 16 to 85 years, without bundle branch block(BBB) in sinus rhythm, were admitted for documented wide-QRS tachycardia. Transesophagealelectrophysiologic study (EPS) using one and two extrastimuli was performed in control state andafter infusion of 20/30 µg of Isoproterenol®. Intracardiac EPS was performed in a second time in 38of them.Results – The study was negative six patients; intracardiac EPS remained negative in four of them,induced a VT in one and a Mahaim-reentrant supraventricular tachycardia in another one. Clinicaltachycardia was induced in remaining patients: in 27 of them, the diagnosis of SVT with aberrancywas assessed; in other patients, the diagnosis of VT was assessed; The VT was a verapamil-sensitiveVT or a bundle branch reentry (n = 7). The diagnosis was confirmed by intracardiac study.Conclusion – Esophageal EPS was a means to reproduce the clinical tachycardia in 34 of 40patients and to evaluate the mechanism of wide-QRS tachycardia in 33 of 34 patients; this techniqueeasy to perform should be indicated in patients in whom intracardiac study is debatable to avoid todiagnose by excess a VT or in the opposite to miss this diagnosis. 2001 Éditions scientifiques etmédicales Elsevier SAS

electrophysiological study / supraventricular tachycardia / ventricular tachycardia

À l’heure du défibrillateur cardiaque automatiqueimplantable, il est impératif de ne pas passer à côtédu diagnostic de tachycardie ventriculaire. Une ta-chycardie à QRS larges doit évoquer en priorité cediagnostic [1]. Toutefois, quand l’ECG montre untrouble de conduction en rythme sinusal, quand l’as-pect électrocardiographique de cette crise n’a pas lescritères de tachycardie ventriculaire [2, 3] ou quandcette tachycardie survient chez un sujet jeune à cœursain, le diagnostic de tachycardie supraventriculaireavec aberration de conduction est facilement évo-qué. Dans ce cas, la méconnaissance du diagnosticde tachycardie ventriculaire est possible. L’explora-tion électrophysiologique par voie endocavitaire estactuellement la méthode de choix pour déclencherla tachycardie et affirmer sa nature [4, 5]. Il s’agitd’un examen invasif prolongé, qui peut être consi-déré comme agressif soit chez le sujet jeune à cœursain soit à l’inverse chez un sujet en état général trèsmédiocre ou très âgé.

Le but de ce travail a été d’évaluer l’intérêt d’uneinvestigation initiale par voie œsophagienne pourétablir la nature d’une tachycardie à QRS larges dontl’aspect ECG n’est pas typique d’une tachycardieventriculaire.

POPULATION ET MÉTHODE

La population d’étude comporte 40 patients âgésde 16 à 80 ans (moyenne : 53± 16), 15 femmeset 25 hommes, qui ont présenté un épisode detachycardie à QRS larges en dehors d’une phaseaiguë d’infarctus du myocarde. Ces patients nereçoivent pas d’antiarythmiques de classe I.

Les patients n’ont pas syndrome de Wolff–Par-kinson–White, ni de bloc de branche sur l’ECG enrythme sinusal.

Onze patients ont une cardiopathie sous-jacente,cardiomyopathie dilatée primitive (n = 5), cardiopa-thie valvulaire (n = 1), hypertensive (n = 1), car-diomyopathie hypertrophique (n = 1) ou séquellesd’infarctus du myocarde (n = 3). Les autres pa-tients ont un examen clinique normal, un ECG enrythme sinusal normal et n’ont pas de cardiopathieà l’échocardiographie bidimensionnelle. Une femmeest enceinte de six mois.

Méthodes d’étude

L’étude électrophysiologique a été pratiquée aprèsconsentement éclairé par voie transœsophagienne enl’absence de tout traitement arythmique. Une sondeœsophagienne à usage unique (Esosoft – Ela mé-dical, Teltin – Somedics, Sp8 – Prothia) ou a été

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utilisée et connectée à un stimulateur endocavitairecouplé à un amplificateur d’impulsion. L’étude élec-trophysiologique a consisté en une stimulation au-riculaire fixe à fréquences croissantes et une stimu-lation auriculaire programmée utilisant un et deuxextrastimuli délivré sur deux cycles imposés, 600 et400 ms. Si aucune tachycardie n’a été déclenchée, ceprotocole a été répété sous perfusion de 20 à 30 µgd’Isoprotérénol [6].

L’étude électrophysiologique a été répétée parvoie endocavitaire sauf chez deux patients (un sujetde 16 ans et la femme enceinte), selon un protocoleclassique [7]. Le protocole effectué par voie transœ-sophagienne a été répété dans l’oreillette droite.Une stimulation ventriculaire programmée utilisantjusqu’à trois extrastimuli délivrés sur deux cyclesimposés (600, 400 ms) a été faite dans l’apex et l’in-fundibulum. Si aucune tachycardie clinique n’étaitdéclenchée, la stimulation auriculaire et ventriculaireprogrammée était répétée sous perfusion de faiblesdoses d’Isoprotérénol® .

RÉSULTATS

L’étude électrophysiologique pratiquée par voie œso-phagienne est restée négative chez six patients. Uneaberration de conduction lors de la stimulation au-riculaire programmée était reproduite chez trois pa-tients, mais aucune tachycardie n’était déclenchée.

L’exploration par voie endocavitaire est restéeégalement négative chez quatre patients ; la stimu-lation ventriculaire programmée a permis de dé-clencher une tachycardie supraventriculaire avecconduction antérograde dans un faisceau accessoirenodoventriculaire dans un cas et une tachycardieventriculaire dans un autre cas.

Une tachycardie à QRS larges, similaire à la ta-chycardie clinique a été déclenchée chez 34 patients,à l’état basal 25 fois et sous Isoprotérénol® neuf fois.

L’apparition ou non d’une aberration de conduc-tion similaire à l’aspect en tachycardie lors del’épreuve de stimulation auriculaire à fréquencescroissantes, l’enregistrement de l’auriculogrammeœsophagien pendant la tachycardie, les effets de l’in-jection de 5 à 10 mg de « vérapamil » sur les tachy-cardies régulières avec conduction 1/1 aux oreillettesont permis de poser les diagnostics suivants :– il s’agissait d’une tachycardie supraventriculaireavec aberration de conduction chez 27 patients,flutter auriculaire(figure 1) ou tachycardie atriale

huit fois, tachycardie jonctionnelle paroxystique(fi-gure 2) par réentrée nodale 15 fois, utilisant unfaisceau de Kent latent de façon rétrograde deux foisou un faisceau de Mahaim de façon antérograde deuxfois. Chez ces patients, la stimulation à fréquencescroissantes provoquait une aberration de conductionidentique à l’aspect en tachycardie(figures 3, 4), saufchez un patient où l’aberration de conduction n’étaitprovoquée que par des extrastimuli à couplage court ;– chez sept patients, il s’agissait d’une tachycardieventriculaire comme le montrait l’apparition d’unedissociation auriculaire pendant la tachycardie(fi-gure 5). La tachycardie était à retard gauche dansdeux cas, à retard droit dans cinq cas. Elle a été dé-clenchée par stimulation auriculaire dans six cas etstimulation ventriculaire dans un cas. Le diagnosticde TV par réentrée de branche à branche a été posédans le cas de trois patients avec cardiomyopathiedilatée (n = 2) ou séquelles d’infarctus. Celui de TVidiopathique sensible au vérapamil a été posé chezquatre patients jeunes sans cardiopathie.

Ces différents diagnostics ont tous été confirméspar l’exploration endocavitaire à l’exception d’uncas. Il s’agissait d’une jeune femme de 24 ans sanscardiopathie chez laquelle la stimulation auriculaireprogrammée déclenchait des tachycardies régulièresà QRS fins, ou avec aspect de BBG ou aspect deBBD. Nous avions posé le diagnostic de tachycardiejonctionnelle avec ou sans aberration de conduc-tion, bien que la stimulation à fréquences croissantesn’ait pas provoqué d’aberration de conduction. L’en-registrement du potentiel hisien a montré que lestachycardies à QRS larges étaient de nature ventri-culaire. Cette jeune femme avaient des tachycardiespar réentrées nodales et des TV sensibles au vérapa-mil.

DISCUSSION

L’étude électrophysiologique par voie transœsopha-gienne est apparue comme une méthode simple,facile à mettre en œuvre, rapide et peu agressive pouraffirmer la nature d’une tachycardie à QRS larges.Bien qu’elle provoque une légère douleur thoraciquechez certains patients, elle a toujours été bien tolé-rée dans cette population, car elle a été de courtedurée ; certains patients âgés ont d’ailleurs mieuxtoléré ce mode d’exploration que la voie endoca-vitaire, du fait de difficultés de ponction fémoraleet d’une durée prolongée de l’étude endocavitaire,

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Figure 1. Déclenchement d’unflutter auriculaire par stimulation auriculaire rapide (recherche du point de Wenckebach sousIsoprotérénol®). Apparition d’un BBG lors duflutter 2/1.

Figure 2. Déchenchement d’une tachycardie jonctionnelle paroxystique par réentrée nodale (électrogramme œsophagien dans leQRS) avec BBG par stimulation auriculaire programmée.

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Figure 3. Apparition d’un BBG lors de la stimulation à fréquences croissantes chez le patient de lafigure 1.

Figure 4. Apparition d’un BBG lors de la stimulation à fréquences croissantes chez le patient de lafigure 2.

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Figure 5. Déclenchement d’une tachycardie ventriculaire par stimulation auriculaire à fréquences croissantes chez une femme avecséquelles d’infarctus ; aspect de BBG mais présence d’une dissociation auriculoventriculaire.

rendant pénible la position allongée immobile surune table peu confortable.

Elle a permis de reproduire la tachycardie chez34 des 40 patients (82,5 %) et d’en établir sa na-ture exacte chez 33 de ces 34 patients. L’explo-ration endocavitaire n’a été réellement contributiveau diagnostic de nature de la tachycardie que cheztrois patients, l’étude étant négative quelle que lavoie d’exploration chez quatre patients : chez deuxd’entre eux la tachycardie n’a été déclenchée que parvoie endocavitaire et chez la troisième patiente pourlaquelle la stimulation transœsophagienne déclen-chait des tachycardies à QRS fins ou à QRS larges,le diagnostic erroné de tachycardie supraventricu-laire avait été porté ; l’enregistrement de l’activitéhisienne seule a permis de montrer que cette pa-tiente avait des tachycardies de nature différentesassociées, tachycardies supraventriculares et tachy-cardies ventriculaires sensibles au vérapamil.

Une étude par voie œsophagienne n’est certaine-ment pas indiquée chez un patient avec très forteprésomption de tachycardie ventriculaire, notam-ment chez un sujet qui a des séquelles d’infarctusdu myocarde et un aspect électrocardiographiqueévocateur de tachycardie ventriculaire [2, 3]. En re-

vanche, lorsqu’il y a un doute sur la nature de latachycardie, cette technique peut être envisagée enpremière intention avant toute autre investigation in-vasive, car certaines d’entre elles sont bénignes oun’indiquent pas un traitement antiarythmique guidépar l’électrophysiologie. En effet, les tachycardiesà QRS larges ont des étiologies multiples [8]. Lesprincipales causes à côté des tachycardies ventricu-laires sont les tachycardies associées à un syndromede préexcitation ventriculaire [9], les tachycardies enrapport avec un effet arythmogène d’un antiaryth-mique de classe I avec unflutter auriculaire 1/1 [10],les tachycardies supraventriculaires avec aberrationde conduction.

La stimulation par voie transœsophagienne per-met de stimuler l’oreillette. La stimulation ventricu-laire est cependant possible dans 10 % des cas. Ledéclenchement d’une tachycardie à QRS larges parstimulation auriculaire transœsophagienne ne doitpas conduire obligatoirement au diagnostic de tachy-cardie supraventriculaire avec aberration de conduc-tion : en effet les tachycardies ventriculaires parréentrée de branche à branche [11, 12], les tachycar-dies ventriculaires sensibles au vérapamil [13 – 15]ou certaines tachycardies ventriculaires, survenant

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dans un contexte de cardiomyopathie très évoluéesont déclenchables par stimulation auriculaire [16].Pour ne pas méconnaître le diagnostic de tachycardieventriculaire, il faut vérifier qu’il n’y a pas de dis-sociation auriculoventriculaire, que les manœuvresvagales ou les drogues d’action nodale ne cassentpas la conduction rétrograde 1/1, si elle est présente.Les patients qui ont une tachycardie supraventri-culaire avec aberration de conduction développenthabituellement la même aberration au cours d’unestimulation auriculaire à fréquences croissantes pourun certain palier de fréquence ou reproduisent leuraberration de conduction au cours d’une stimulationauriculaire programmée pour un extrastimulus pré-coce.

L’absence d’enregistrement du potentiel hisiendurant l’examen œsophagien est le seul écueil quipeut conduire à méconnaître le diagnostic de tachy-cardie ventriculaire quand l’exploration déclenchedes crises de différentes natures. Or, l’association detachycardies supraventriculaire et ventriculaire chezun même patient a déjà été rapportée [17, 18].

En conclusion, l’étude électrophysiologique parvoie transœsophagienne est un moyen utile pouraider au diagnostic étiologique de tachycardie à QRSlarges a deux intérêts :– ne pas passer à côté du diagnostic de tachycardieventriculaire chez un sujet qui a présenté une tachy-cardie à QRS larges dont l’aspect ne répond pas àcelui d’une TV et qui peut faire penser à une tachy-cardie supraventriculaire ;– à l’inverse, imposer une étude endocavitaire àun sujet fragile, âgé ou peu symptomatique quia présenté une tachycardie supraventriculaire avecaberration de conduction et dont le pronostic n’estpas compromis par cette tachycardie.

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