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BAT’ CARRÉ NUMÉRO 2 // OCTOBRE - NOVEMBRE 2011 VOYAGE DANS LE PATRIMOINE À LA RÉUNION rendez-vouS avec chriStian vaiSSe rencontre Sonia ribeS Shanghai la ville monde

Bat'Carré N°2

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En un clic, Bat’carré nous plonge dans l’océan Indien à la découverte de ce carrefour d’influences à découvrir, à savourer, à partager… Bat’carré : Allons faire un tour avec un beau magazine qui met en relief paysages cultures et personnages inédits !

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BAT’ CARRÉ

NUMÉRO 2 // OCTOBRE - NOVEMBRE 2011

VOYAGE DANS LE PATRIMOINEÀ LA RÉUNION

rendez-vouS

avec chriStian vaiSSe

rencontreSonia ribeS

Shanghaila ville monde

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ÉVASION CULTURELLEBEAUX LIVRES, ÉVASION JEUNESSE, ROMANS DU MONDEVOYAGE DANS LE PATRIMOINE RÉUNIONNAISDE LA PIERRE AU VOYAGE DANS L’OCÉAN INDIENLE MADOI, L’ART DE RAYONNERKOUR KRÉOL, UNE INVITATION AU VOYAGELAURATET, LEVER DE RIDEAU SUR LE CHÂTEAUL’ODYSÉE DE LAPÉROUSE, UNE EXPOSITION73 MARCHES CONDUISANT AU CHEMIN DE RONDEREGARDS CROISÉS ET PERSPECTIVESRENDEZ-VOUS AVEC CHRISTIAN VAISSEMADAGASCAR EN PIROGUECHRONIQUE AKOUTLABSYNC, DE LA TÊTE AUX PIEDSCOUP DE CŒURTAM-TAMESPACE PHOTOEDGAR MARSY ET THIERRY HOARAURENCONTRESONIA RIBES, LA GRANDE EXPLORATRICEHORIZON SAUVAGEDANS LES ENTRAILLES DU VOLCANEXPÉRIENCE DURABLELA SAISON DES BALEINESVOYAGE-VOYAGESHANGHAI, LA VILLE MONDESEPTIÈME ARTHOMMAGE À SIDNEY LUMETFESTIVAL DU CINÉMA, LES AUDACES DE LA SEPTIÈME ÉDITIONRÉUNIONNAIS DU MONDESÉBASTIEN PAYET, UNE ENVIE DE GRANDS ESPACESTOTAL DANSETOTAL DANSE & COMPAGNIESJEUXPAPILLES EN FÊTEROUGAIL MORUE À TOUTES LES SAUCESRÉSULTATS DES JEUX

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Couverture Photo Christian VaisseÉditeur BAT’CARRÉ bimestriel Adresse 16, rue de Paris97 400 Saint-DenisTel 0262 28 01 86www.batcarre.comISSN 2119-5463

Directeur de publication Anli [email protected] 29 47 50Directrice de la rédactionFrancine [email protected] 28 01 86RédacteursBéatrice Binoche, Véronique LauretValérie Boulares, Stéphane MaïconGuillaume Peroux, François GaertnerFrancine George

Secrétaire de rédactionAline BarreDirecteur artistique P. Knoepfel, Crayon noirPhotographes André Blay, Christian VaisseEdgar Marsy, Thierry HoarauJean-Noël Enilorac, Stefan Maïcon Illustrateurs PL, Yann TafanelExécution graphique Crayon noir

Vifs remerciements pour leur collaboration Bernard Leveneur, Michel HösslerAnne Giroud, Gwen BesrechelMarc Danguy, Sonia RibesVincent Dunogué, Gaetan HoarauThierry-Nicolas TchakaloffFlore Baudry, Frédéric ViguerieFabienne Redt, Sébastien PayetJean-Pierre Laurent Grandpré

Développement web Anli DarouechePublicitéFrancine George : 0262 28 01 86Anli Daroueche : 0692 29 47 50DistributionFlash card - Francis FoissardImpression Graphica 305, rue de la communauté97440 Saint-André

Remerciements spéciaux à La caisse Locale du Crédit Agricole partenaire de ce numéro sur le patrimoine réunionnais et à Monsieur Alain-Marcel Vauthier.

Tous droits de reproduction même partiels des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

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Juste un mot pour vous dire : Voyagez !

Juste à côté de chez vous, le voyage peut commencer...

Le voyage permet de prendre du recul, et de découvrir aussi ce qui est proche de nous et que nous ne regardons même pas.

Le patrimoine à La Réunion offre, en ce sens, un formidable voyage où l’impromptu est au rendez-vous.

Le livre, la musique, la scène de spectacle, le cinéma nous transportent dans des univers inconnus et nous apportent les nourritures de l’âme nécessaires à notre bien-être.

Nous vous proposons dans ce deuxième numéro de Bat’Carré de voyager ! voyager ! voyager !

Francine George

rendez-voussurwww.

batcarre.com

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EVASION CULTURELLE

NOUS VOUS PROPOSONS, TOUS LES MOIS, UNE SÉLECTION DE LIVRES QUE NOUS AVONSAIMÉS, SANS FORCÉMENT SUIVRE L’ACTUALITÉ LITTÉRAIRE OU LE DIKTAT DES MEILLEURESVENTES. SEULE NOUS ANIME L’ENVIE DE PARTAGER AVEC VOUS NOS SURPRISES LITTÉRAIRES.SI VOUS SOUHAITEZ NOUS JOINDRE VOS PLAISIRS DE LECTURE, ENVOYEZ VOTRE TEXTE DE PRÉSENTATION SUR WWW.BAT’CARRÉ.COM. BONNE LECTURE !

Beaux livres 100 ans au service de la littérature

TITRE GALLIMARD 1911-2011, UN SIÈCLE D’ÉDITION - EDITEUR BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE / GALLIMARD

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Mais plonger dans l'histoire des éditions Gallimard,c'est avant tout plonger dans l'histoire plus géné-rale de la littérature en France. Entre courriers,archives et fiches de lecture, c'est tout un monde quiprend forme sous nos yeux, dont les principauxprotagonistes ont pour nom Antoine de Saint-Exupéry, André Malraux, Raymond Queneau,Marcel Proust, pour ne citer qu'eux. Ouvrir celivre-hommage, c'est aussi découvrir que derrièreles éditions aux couvertures couleur crème, il ya des hommes animés par une vraie passion pourla littérature. Des hommes qui se trompent aussiparfois, comme lorsque Jean Schlumberger refuse,en 1913, À la recherche du temps perdu de MarcelProust : « la plus grave erreur de la NRF ». Une er-reur vite réparée puisque, dès 1917, Proust entreau catalogue Gallimard.Aujourd'hui, Gallimard, c'est un groupe de 1000salariés qui attire toujours les grands noms de lalittérature française et étrangère et continue sontravail de découvreur de talents. Gallimard, un nomqui compte, inscrit dans le patrimoine français àjamais.

1911-2011: un siècle que la maison d'éditionGallimard fait la part belle à la littérature. Celavalait bien un livre. Et quel livre ! Un objet somp-tueux que tous les amoureux des livres rêventd'avoir dans leur bibliothèque. Une plongée dansun siècle d'édition : la création de la maison (dontle nom premier est La Nouvelle Revue Françaiseet ce, jusqu'en 1961), son ascension, la naissancedes collections, les auteurs qui en ont fait le pres-tige. Gallimard, c'est un nom qui force le respectdans l'édition française, avec au catalogue 35 prixGoncourt, 36 écrivains ayant reçu le Prix Nobelde littérature et 10 écrivains récompensés du prixPulitzer.

LA RUBRIQUE DE VÉRONIQUE LAURET

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Connaissez-vous l’histoire de ces curieux baobabsenlacés que l’on trouve à Madagascar ? Maïwenn Vuittenez en a imaginé une tendre quifait la part belle à l’entraide et à l’amour. S’ilpeut faire déplacer les montagnes, pourquoi nepourrait-il pas faire s’aimer les baobabs ?

LES BAOBABS AMOUREUX

ZANIMO RÉUNION

Un petit livre à découvrir de mille façons : par lesillustrations pleines d’humour de Yann Tafanel,par les textes imagés de Florence Demarche, ouencore en jouant aux devinettes pour épater lesbambins. Un livre ludique et pédagogique pourdécouvrir la faune de l’île.

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AUTEUR MAÏWENN VUITTENEZ - EDITEUR OCÉAN JEUNESSE

Adolescent de 16 ans, le narrateur entre dans unerage folle lorsqu’il découvre que son père a lu sonblog. Impossible de lui pardonner cette intrusiondans son intimité ! Il décide de ne plus adresserla parole à son père car trop, c’est trop.

BLOG

AUTEUR JEAN-PHILIPPE BLONDEL - EDITEUR ACTES SUD JUNIOR

AUTEUR FLORENCE DEMARCHE & YANN TAFANELEDITEUR EPSILON JEUNESSE

MAMIE A BESOIN DE BISOUS

Mamie a une grande maison avec plein de cham-bres. Alors, quand elle vient habiter chez lesparents de Maïté, celle-ci n’a pas très envie delui prêter sa chambre. Mais mamie perd un peula tête, beaucoup les mots, et ne peut plus vivreseule. Toute la famille va s’unir pour rendre sonquotidien plus facile. Un livre plein d’amour et degestes tendres sur le thème de la vieillesse et lamaladie d’Alzheimer.

AUTEUR ANA BERGUA & CARME SALA - EDITEUR OCÉAN JEUNESSE

Pour tenter de renouer le dialogue, le père laisseun soir à son fils un vieux carton, jusqu’ici entre-posé au grenier. A l’intérieur, quelques vieillesphotos et des carnets : les journaux intimes de sonpère adolescent. Pas forcément heureux de cemarché « j’ai violé ton intimité, je t’offre la mienne »,le jeune homme se prend finalement au jeu de lalecture. Et c’est un père qu’il ne connaît pas qu’ilva découvrir. Un jeune homme aux rêves briséset au lourd secret, un événement si douloureuxqu’il l’a caché à ses enfants, rayé de sa vie maissûrement pas de son cœur. Roman sur l’écriture del’intime, Blog évoque avec justesse l’adolescenced’aujourd’hui et le paradoxe de ces nouvellestechnologies qui mettent à nu l’intime. Vie publiqueou vie privée, où est la limite quand elles s’étalentsur Internet ?Roman sur la filiation aussi, Blog déroule les filsde l’amour paternel, fraternel, du lien qui existemalgré tout.

BRÈVESLA RÉUNION SALUÉE PAR OUESSANTCETTE ANNÉE ENCORE LES LIVRES JEUNESSE ONT SÉDUIT LES JURYS DU SALON DU LIVRE INSULAIRED’OUESSANT.

MODESTE MADORÉ ET LAURENCE COULOMBIERONT DÉCROCHÉ LE PRIX JEUNESSE DANS LA CATÉGORIEALBUM POUR MAKI CATTAPARU CHEZ OCÉAN JEUNESSE.

QUANT AU SAGE MOUTON IMAGINÉ PAR FRED THEYS DANSLES ZAZOUS… 1- L’INITIATION,PUBLIÉ CHEZ ORPHIE, IL EST REPARTI AVEC UNE MENTION SPÉCIALE.

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romans du monde

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À part le plaisir des longs repas familiaux, toutsemble séparer les Kazanci et les Tchakhmakhian :entre les Turcs et les Arméniens, il y a un génocidepassé sous silence. Pourtant, et malgré la distance- une famille en Turquie, l’autre aux Etats-Unis -des liens se sont subrepticement tissés entre elles.La rebelle Zeliha Kazanci a donné naissance à 19ans à Asya, né de père inconnu. De l’autre côtédu monde, Rose, l’épouse américaine de BarsamTchakmakhian quitte son mari, emportant avec

elle leur fille Armanoush… et épouse un Turc,Mustafa Kazanci. Devenue étudiante, Armanoushdécide d’aller en secret retrouver ses racinesarméniennes à Istanbul. Roman foisonnant, Labâtarde d’Istanbul est rempli d’odeurs de cuisine,de ragots de bonne femme, de personnages hauten couleur et d’amour. Elif Shakaf aborde l’histoirede son pays et celle du génocide arménien - quilui a valu des menaces d’emprisonnement - àtravers deux familles que l’Histoire a dressé l’unecontre l’autre. Et toute la force de ce livre résidesans doute ici : un ton enlevé, enjoué, une tramequi vous emporte, des personnages attachants etderrière la légèreté apparente, un coup de pieddans les consensus.

LA BÂTARDE D’ISTANBUL GOURMANDISE TURQUE

AUTEUR ELIF SHAKAF - EDITEUR 10/18

BRÈVESLes éditeurs s’amusent Certains livres ont la tranche colorée, comme le dernier opus de James Frey, d’autres sontà découper soi-même comme dans la collection de poésie chez Fata Morgana. Et puis, il y a le livre nouvellegénération imaginé par les éditions Point 2. Un format ultra compact et un poids mini, une nouvelle façon de lire aussi,de haut en bas, pour un bel objet qui tient dans une seule main.

De l’amour au goût de soufre Entre enquête policière et dissolution d’un amour, Joëlle Ecormier offre avec sondernier roman, B(r)aises, un huis-clos tout en tension et en sensualité dans les vapeurs du Piton de la Fournaise.B(r)aises de Joëlle Ecomier, Océan Editions.

Le goût du sel… Avec ce premier roman, digne des romans du XIXe siècle par sa langue flamboyante et sa passionmalheureuse, Gisèle Pinaly explore, à travers l’histoire de Louise et d’Axel, l’histoire plus large de La Réunion, de lasociété de l’époque où se mêlent toutes les origines. Axel, le jeune paludier breton et Louise de Lygnes, l’aristocratede dix ans son aînée, femme délaissée qui tente de garder à flot une exploitation héritée de son père. Sur feuille songe… de Gisèle Pinaly, Editions L’Harmattan.

Vers soi Entre la campagne lyonnaise et le Japon des années 1860, le rythme étonnant de ce conte épique, maissuccinct, développe cette idée du voyage où se révèle aussi la partie intime de soi. Soie d’Alessandro Barrico,Éditions Folio.

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SUR UNE IDÉE DE PL À La Réunion, la pierre est l’héritage majeur de ce qui a façonné l’île émergéedu volcan. Le socle des maisons créoles, le perron, le barreau, le bassin, l’allée, le caniveau, le murde clôture sont taillés dans la pierre. L’escalier, tout comme la route, doit trouver son chemin au milieu dela roche volcanique. Nous foulons sous nos pieds des trésors de travail soigné, sans nous en apercevoir.Un hommage mérite d’être rendu à tous ces tailleurs de pierre qui, au marteau et au burin, ont réalisédepuis l’origine ces travaux d’Hercule, avec une minutie exemplaire.

LE VOYAGE DANS LE PATRIMOINE Pour la 28e édition des Journées européennes du patrimoine,le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a choisi le thème du voyage : « L’art de bâtir s’est toujoursnourri des imaginaires, des échanges de savoir-faire, des influences de l’ailleurs et du partage desrêves. » Dans cet esprit du voyage, La Réunion va accueillir le premier colloque international sousl’égide de l’UNESCO, sur le patrimoine de l’océan Indien. Une trentaine de spécialistes et une quin-zaine de pays vont se réunir au Grand Marché du 2 au 4 novembre 2011 pour débattre et échangersur les moyens de valoriser le patrimoine urbain, architectural, matériel, et immatériel de l’océanIndien. La voie est ouverte à la définition de cet espace culturel au travers de la ville patrimonialepour commencer. L’objectif étant d’identifier les moyens de coopération internationale à mettre enplace pour préserver ce patrimoine spécifique de l’océan Indien.

APPORTER SA PIERRE À L’ÉDIFICE Par ailleurs, la Région, avec le MADOI, organise du 15 au 17décembre dans le cadre de l’année des Outre-mer, un « colloque international sur le néoclassicismedans les colonies européennes » en portant un autre regard sur cet espace culturel océano-indien àdéfinir. Dans une logique de proximité et de façon pragmatique, La Région a d’autre part lancé unprogramme d’envergure pour accompagner les vingt-quatre communes de l’île dans la rénovationde leur patrimoine bâti. La participation financière s’élève à 70 %, voire 80 %, des dépenses éligibles.Plan de relance de la commande publique, qui doit conduire à la redynamisation de l’emploi, ce vasteprogramme touche autant les équipements culturels et sportifs, que les écoles et le patrimoine bâtiet architectural.

BAT’CARRÉ AUX JOURNÉES DU PATRIMOINE Retour sur ce week-end du mois de septembre.Nous vous proposons de vous promener dans le temps et dans l’espace, à l’occasion de ce tempsfort qui permet de se familiariser avec l’histoire de La Réunion sous plusieurs facettes, mémoireagricole, langage des objets décoratifs, trace des grandes expéditions, témoignage de l’art pictural,influences botaniques, vie de château...

De la pierre au voyagedans l’océan Indien

TEXTE FRANCINE GEORGE - ILLUSTRATION PL

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VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

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Sur une idée de PL,

un hommage

aux tailleurs de pierres.

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TEXTE FRANCINE GEORGEPHOTOGRAPHIE THIERRY HOARAU

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

LE RAYONNEMENT INTÉRIEUR

Le MADOI s’est installé sur les vestiges réhabilitésdu XVIIIe siècle de la seule plantation de café deLa Réunion. En arrivant dans ces lieux - les écuriesrénovées - l’atmosphère change, les époques sejuxtaposent. L’enveloppe du bâtiment est là,comme une peau qui habille un corps, mais lecorps n’est plus. Le soleil joue dans les gouttièresà persienne et dessine sur le mur badigeonnéd’ocre une frise de pointillés. L’air reste frais et lesfleurs du caféier s’ouvrent à peine. Le calme sereinde pleine campagne est parfois perturbé par lecaquetage impromptu des poules. D’une tassede café prise dans la cour intérieure s’échappel’arôme subtil du bourbon pointu. Le maître deslieux nous accueille pour une visite guidée.Le contraste avec l’extérieur est saisissant. Pourpréserver le textile et les objets précieux, la lumi-nosité avoisine la pénombre, et le froid devientpresque polaire. D’entrée de jeu, une carte dumonde trace les itinéraires des grands explora-teurs. À la route terrestre de la soie s’est substituéela route maritime des épices, inaugurée par lesPortugais en 1498, partis de Lisbonne pour installerdes comptoirs sur le littoral ouest de l’Inde. Puis,les flottes hollandaises, britanniques, persanes ethindoues sillonnèrent l’océan Indien jusque versles côtes de Chine. La collection inestimable dumusée met à jour toutes ces influences qui s’inté-graient dans les modes de vie et les savoir-faireau fil des siècles. Après avoir mis en scène le Jardin des lettrés sousles Ming et les Qing, les influences persanes dansl’art textile en Inde, la nouvelle exposition tempo-raire nous convie à découvrir l’art du siège. Cetteexposition poursuit son exploration des modes devie au XVIIIe siècle à La Réunion en s’appuyant surquatre dimensions : « l’art du bois, les essences,l’alchimie des couleurs et la céramique pourdéboucher sur le génie créole. »

LE MADOI, MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

DE L’OCÉAN INDIEN, A OUVERT SES PORTES EN 2008

SUR LE DOMAINE DE MAISON ROUGE À SAINT-LOUIS.

LABELLISÉ MUSÉE DE FRANCE, GRÂCE À L’IMPLICATION

DE LA RÉGION ET À LA TÉNACITÉ DE SON CONSERVATEUR

THIERRY NICOLAS TCHAKALOFF, L’ENSEMBLE DES COLLECTIONS

REPRÉSENTE UN FONDS DE PRÈS DE 2 000 PIÈCES, MEUBLES,TEXTILES, MÉTAUX, CÉRAMIQUES

ET OBJETS D’ART. UN VOYAGE INTIME DANS L’ART

DE VIVRE SOUS LES TROPIQUES.

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LeMADOIl’art de rayonner

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LE RAYONNEMENT INTERNATIONAL

Dans le cadre de l’année des Outre-mer, laRégion organise sous l’égide du MADOI uncolloque international sur « le néoclassicismedans les colonies européennes aux XVIIIe et XIXe

siècles ». Ce colloque se tiendra du 15 au 17décembre à Montgaillard pendant le FestivalLiberté Métisse. L’objectif de cette manifestationest double : « Assurer dans un premier temps unrayonnement des collections et fédérer des groupesde chercheurs afin d’établir les bases d’un corpusde vocabulaire adapté à l’art de vivre créole. » Ily a nécessité sur une île comme La Réunion d’êtretrès pointu et en avance sur la recherche pourexister : « L’organisation de ce colloque fait partiedes missions dévolues à un musée de France etpermet de positionner le MADOI comme un centrede recherche de référence en histoire de l’art. »Plusieurs pays ont répondu présent à cet appel.L’originalité de la démarche intéresse de nom-breuses institutions et des centres universitairesde recherche internationaux. Quelques exemplespour se faire plaisir : Le Musée du Louvre à Paris,le musée Masséna à Nice, Le National Muséumde Dehli, Le Museu de Arte Antiga à Lisbonne, lemusée des arts décoratifs de Louisiane et dePhiladelphie, l’Institut National de l’histoire de l’artà Paris, diverses universités de Londres à Paris, enpassant par New York...Le MADOI est un des quatre musées appartenantà la Région. La politique muséographique étantde les positionner en vecteurs de développementculturel et touristique. La volonté affirmée est aussid’accompagner les projets qui tendent à valoriserle patrimoine de l’île. Classé au titre des monu-ments historiques, le MADOI est né d’un longprocessus préparatoire qui a permis de rénoverle patrimoine architectural, construire les collec-tions et organiser des expositions. Thierry NicolasTchakaloff, arrivé comme VAT il y a 25 ans sur l’îlepour s’occuper de la filière bois à Saint-Louis, aconsacré toute son énergie à ce projet en écumantarchives et conservatoires... Il a ainsi, avec beau-coup de pugnacité, tissé des liens avec ses homo-logues aux quatre coins de la planète. Ainsi, leMADOI en tant que Musée de France, fait desprêts à de grandes institutions, comme le muséedu Quai Branly qui, en 2015, va exposer sur 600 m2

ses collections. Une nouvelle vitrine qui permettraà La Réunion d’exister au regard du monde.

Le bois est difficile à travailler. L’art du siège faitappel à une palette de métiers différents, menui-sier, sculpteur, peintre-doreur, tapissier... En Inde,les sculpteurs sont rompus à cet art. Ce fauteuilrond en Ébène incrusté d’ivoire en témoigne. ÀLa Réunion, il a fallu tout inventer. Les menuisiers,principalement charpentiers de marine, n’avaientni le savoir-faire, ni les outils adéquats : « Les sculpteurs indiens avaient un niveau de raf-finement qui n’existait pas en Europe, sauf peut-être à Venise. » Il faut une grande expérience pourarriver à façonner les bois tropicaux réputés ex-trêmement durs. « L’inventivité créole va, peu àpeu, mettre à profit ces contraintes pour les trans-former en valeur esthétique. » Le dossier à angledroit en est l’illustration, à côté de ces sièges auxcourbures sophistiquées ou ces banquettes oùl’on s’assoit à l’indienne. D’autre part, la canne nepousse pas à La Réunion. Venus d’Inde, ou deChine, des paquets de rotin traversent l’océandans la cale des vaisseaux pour servir au tres-sage de l’assise et du dossier. Escale sur la routedes Indes, le mobilier est aussi importé du Capde Bonne-Espérance, d’Indonésie ou des comp-toirs de l’Inde...pour les familles les plus riches. Changement de décor. Face à nous, une immensegrille ouvragée dont les arabesques convergentau centre, on ne sait par quel cheminement, endessinant une étoile ajourée. « La perfection ! »souligne le conservateur. Cet écran de fenêtre engrès rouge sculpté, provenant de la région d’Agraen Inde, date de la fin du XVIe siècle. Une invitationà poursuivre la visite pour entrer dans un mondede couleurs. Tissus chamarrés de la côte deCoromandel, teinture de Chine en taffetas de soiepeint, représentations florales du monde persan,évocation du paradis...un enchantement ! Tabledes Philippines en bois de palissandre, banquettede Pondichéry, fauteuil canné sur roulettes à longbras avec repose-pied mobile, raffinement dutrompe-l’oeil sur un bois de pomme... Les formeset les couleurs évoluent dans un univers où chaqueobjet, pièce rare, raconte une longue histoire.

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

Musée

des Arts décoratifs

de l’Océan Indien

17 chemin Maison Rouge

97 450 Saint-Louis

Tél : 0262 91 24 30

Heures d’ouverture

Du mardi au vendredi

de 9h30 à 12h00

et 14h00 à 17h00

Samedi

de 14h00 à 17h00

Le premier dimanche

du mois

de 14h00 à 18h00

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Pièces raresJali Moghole

Palampore des Indes

Siège Créole à angle droit

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K O U RK R É O Lune invitation au voyage

TEXTE VANESSA BOULARÈSPHOTOGRAPHIE ANDRÉ BLAY

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

C’EST UN PATRIMOINE PLUS CONFIDENTIEL, DISCRET, INTIMISTE… UN PATRIMOINE COLORÉ ET PARFUMÉ QUI HABILLE LA PLUS MODESTE DES CASES : LE JARDIN, LA « KOUR KRÉOL ». EN S’Y ATTARDANT, ON EST SURPRIS. CHAQUE FLEUR, CHAQUE PLANTE,CHAQUE ARBRE ÉVOQUE DES CONTRÉES LOINTAINES : L’ASIE, L’AFRIQUE, L’AMÉRIQUE. NOS ORCHIDÉES, NOS BOUGAINVILLIERS, NOS LETCHIS ET NOS MANGUES ONT BIEN DES VOYAGES À NOUS FAIRE VIVRE…

manger aux cochons. » L’homme de 72 ans, au-jourd’hui retraité, continue de voyager, rien qu’ense promenant dans son jardin.

UNE HISTOIRE D’HOMMES

Un fruit à pain retient son attention : « Il vient desMoluques, un archipel de l’Est de l’Indonésie. Le fruità pain est arrivé à La Réunion avec Pierre Poivre. »Le fruit à pain mais aussi le letchi, le manguier, lebadamier, le mangoustan ou encore le longanier.On est en 1767, Pierre Poivre, botaniste et explo-rateur, est nommé Intendant des Iles de France(Maurice) et de Bourbon (Réunion). En moins de10 ans, l’homme va introduire et acclimater dansles Mascareignes un nombre considérable d’arbresfruitiers, d’espèces végétales ainsi que de trèsnombreuses épices comme le girofle, la muscade,le poivre ou la cannelle. Ces plantes proviennentdu monde entier, elles débarquent dans nos îlesà la faveur d’une escale sur la route des Indes.

Nous sommes dans les hauts de Saint-Denis, àLa Bretagne. Yves Colette nous reçoit chez lui,dans sa cour, protégée du regard du passantderrière une palissade fermée par une grille. Ce passionné, qui pendant quinze ans fut paysa-giste, sourit quand on lui demande combien deplantes agrémentent son jardin. Il a arrêté de lescompter, il y en a tant ! Au premier regard, c’estun délicieux fouillis de vert teinté par-ci, par-làde touches de couleurs vives. Une invitation au voyage… « Quand vous regar-dez cette cour, vous êtes aussi bien en Amériquedu Sud que du côté du Pacifique ou de l’Inde.»

Volubile, il nous fait visiter les lieux agencés dansla plus pure tradition réunionnaise : un coinpour les plantes ornementales, un autre pour lesfruitiers et les légumes, un enfin pour les aro-mates et les épices. « Vous n’avez aucune plantetypiquement de La Réunion ici, sauf ce palmier.C’est un « palmiste cochon » comme dit kréol. Iln’est pas comestible ; les gens le donnaient à

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Profitant d’un climat tropical chaud et humide,elles s’adaptent à leur nouvel environnement. Lamagie de la nature s’est associée à la volonté deshommes : Pierre Poivre est aidé dans sa tâchepar le botaniste réunionnais, Joseph Hubert.

« Les premières plantes introduites à La Réunionsont essentiellement vivrières, des arbres fruitiersnotamment. » Hermann Thomas est conseiller-écologue au Parc National de La Réunion. « Audébut de la colonisation, il n’y avait que deux plantescomestibles sur l’île : les lataniers et les bois depomme. Le reste était sans utilité. Or, il fallaitnourrir les hommes. » La Compagnie des IndesOrientales donnera aux espèces importées unevaleur commerciale.

LA RÉUNION, UNE TERRE D’ACCUEIL

Retour dans le jardin d’Yves Colette. Sur la routedes épices, le voyage continue : il nous emmèneun peu plus loin sur son terrain. Il s’abaisse, grattela terre et découvre du gingembre et du curcuma,le safran péi, « deux épices qui nous viennent del’Inde et qui aujourd’hui font partie intégrante dela cuisine réunionnaise.» L’Inde, pays d’origineégalement du kaloupilé, cet arbre dont les feuillesentrent dans la préparation du massalé et qui futintroduit dans l’île en 1848 par les engagés indiens.Hermann Thomas alimente lui aussi le carnet devoyage : « le piment vient d’Amérique Latine, lepersil et le thym de la Méditerranée, l’ail de la MerCaspienne, la pomme de terre du Pérou, la tomated’Amérique du Sud comme la patate douce ou encorele manioc, dont la culture fut encouragée dès 1734

Ambiance de la kour kréol restituée

par André Blay

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par Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais,alors gouverneur des Iles de France et de Bourbon. »

L’histoire nous rattrape encore... la géographieégalement. Dans le jardin d’Yves Colette, Mada-gascar n’est pas très loin. « Le multipliant quevous voyez là est un endémique de Madagascar.Comme le flamboyant d’ailleurs, qui n’est pas unarbre de La Réunion » même si aujourd’hui,l’arbre aux fleurs rouges symbolise Noël dansnotre île. Il est devenu réunionnais au milieu duXIXe siècle à peine, tout comme le bougainvillieroriginaire quant à lui du Brésil. La Réunion, Yves Colette aime le souligner, estune terre d’accueil. L’auteur de « Paysages etIdentité » est affirmatif : « l’histoire du peuplementde La Réunion se lit à travers l’introduction desvégétaux. Tout cela renvoie au passé. » Unehistoire que les Réunionnais se sont appropriée.« Le letchi est chinois. La mangue est indienne,l’ananas brésilien et le chouchou mexicain ! Il n’ya rien d’endémique là-dedans et pourtant, ça faitpartie de notre patrimoine !»

LA PASSION DES PLANTES ORNEMENTALES

Et ça vaut aussi pour les fleurs et les plantesornementales. Elles ont connu leur essor cheznous en 1972, date des premières Floralies del’océan Indien au Jardin de l’Etat, à Saint-Denis.Yves Colette était de la fête bien sûr. Plus de deuxsiècles après sa création comme jardin d’accli-matation pour les nouvelles espèces végétalesnécessaires à la Colonie, le site expose et proposeà la vente les nouvelles plantes qui garniront lesjardins des Réunionnais. Depuis, les pépinièresont fleuri et pas un week-end ne passe dans l’îlesans une bourse aux plantes. Depuis, les jardinsont continué de s’enrichir de nouvelles variétés.Ce fut le cas avec l’orchidée, fleur emblématiquede la kour kréol. « La Réunion, rappelle HermannThomas, compte pas moins de 250 espèces indi-gènes, des orchidées des bois. Celles que l’on re-trouve dans nos jardins sont africaines, austra-liennes, américaines. » Avec ses fleurs mauves etblanches, le Franciscea orne lui aussi les jardinsréunionnais. Celui d’Yves Colette ne fait pas excep-tion. Il est pourtant brésilien tout comme l’Heliconia,le fameux Bec de Perroquet aux couleurs cha-toyantes.

À l’heure de la mondialisation, alors que les voyagesse sont démocratisés, il est facile de ramener desquatre coins du globe un brin, une graine debeauté. Pourtant, selon Hermann Thomas, ce n’estpas sans danger. « La Réunion compte environ1000 espèces endémiques contre 3000 exotiquesdont une centaine pose ou pourrait poser pro-blème. » L’hortensia par exemple, cette planteeuropéenne très prisée des Réunionnais a quitténos jardins. Aujourd’hui, elle se propage dans lesForêts de Bébour et Bélouve. Hermann Thomasinsiste : « Il faut être prudent : notre milieu naturelindigène est fragile. »

UN PATRIMOINE EN PLEINE MUTATION.

Fragile aussi la kour kréol. Michel Watin, Profes-seur à l’Université de La Réunion, est un spécia-liste de l’habitat créole. Il le souligne, « la cour estun espace spécifique de la société créole : ni privé,ni public, les deux à la fois. » Dans les cases lesplus modestes comme les plus nobles, la cour sedécline en deux temps, deux lieux : l’avant etl’arrière. « Les deux parties sont accessibles etsont traitées de façon différente. Si l’arrière estréservé à la famille, l’avant est destiné au public.C’est un espace figé dans le temps, toujours par-faitement brillant, prêt à recevoir. C’est le siègedes plantes ornementales et le domaine de lafemme.»

Fragile donc la kour kréol, car un jardin commecelui d’Yves Colette se fait rare. Michel Watinnuance, la kour kréol n’est pas en perdition, mais« elle s’atténue. L’industrialisation de la construction,nécessaire pour faire face à la démographie del’île, transforme l’espace de la famille. » Les maisonsdeviennent mitoyennes, l’appartement remplacela case. « Des efforts ont été faits et le sont encorepour adapter les nouveaux logements au mode devie des Réunionnais » mais « quand on habite enappartement, il n’y a quasiment pas de possibilitéde produire cette partition chère à la kour kréolentre l’avant et l’arrière.» Alors la tradition seperpétue autrement. Il n’est pas rare de voirfleurir les balcons des immeubles. Les accordsse font plus discrets: on réinvente le jardin. Levoyage que nous racontent les plantes se poursuitnéanmoins.

« La Réunion,

une société en

pleine mutation »

sous la direction

d’Eliane Wolff et

Michel Watin

aux Editions

« Anthropos

Economica »

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Laurate�lever de rideau sur le château

TEXTE FRANCINE GEORGEAVEC LA COLLABORATION DE BERNARD LEVENEUR & ALAIN-MARCEL VAUTHIERPHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

LE JOUR SE LÈVE SUR LE CHÂTEAU LAURATET. LE VENT SOUFFLE À PEINE CE MATIN ET LE BRUISSEMENT DE LA FONTAINE SE FAIT LÉGER. DANS LE JARDIN, JOLI PARC AMÉNAGÉ, LES GRANDES FEUILLES DE PALMIERS CARESSENT LES BRANCHAGES DU FLAMBOYANT. LA PELOUSE SOIGNEUSEMENT TAILLÉE PERD LENTEMENT SON PARTERRE DE ROSÉE. LE BOUGAINVILLIER S’ÉTIRE CONTRE LES MARCHES DU PERRON. L’HEURE A SONNÉ AU 44, RUE ALEXIS DE VILLENEUVE. LA DEMEURE MAJESTUEUSE OUVRE SES PORTES À LA COUR RÉGIONALE DES COMPTES.

L’HISTOIRE DU CHÂTEAU

Dans un autre temps, le château Lauratet était unerésidence bien plus modeste malgré ses dépen-dances. François Lécolier est le premier propriétairerecensé dans les années 1770. La maison en pierre,qui correspond aujourd’hui aux trois pièces cen-trales, était composée d’un grand salon au centre,entouré d’une chambre de part et d’autre. Au-dessus de ces trois pièces, se trouve un étageayant la même distribution. Concernant les dépen-dances, deux pavillons en pierre donnent sur larue et une cuisine a été construite dans la partiesud où se trouve une seconde cour avec des écu-ries. Seul un de ces pavillons subsiste à l’Est,l’autre a été détruit pour laisser place à un parking.

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En 1787, Jean-Joseph Pajot, substitut du procureurgénéral, en fait l’acquisition. Il y vit avec sa femmeUrsule Lagourgue et leurs neuf enfants, à l’excep-tion de quelques années durant lesquelles il laloue à l’administration pour en faire le tribunal deSaint-Denis. La maison se situe non loin de la pri-son centrale de la rue du Conseil (J. Dodu).

Durant la première moitié du XIXe siècle, plusieursfamilles se succèdent dans ces lieux, sans yapporter de modifications. Le 28 janvier 1876,Louise Anaïs Labarchède, épouse d’un des plusimportants négociants de Saint-Denis, RichevilleLauratet, achète la demeure. Ce sont eux quifont ajouter à l’avant de la maison la magnifiquefaçade néo-classique inspirée de celle du MuséeLéon Dierx construit en 1842, et du ChâteauMorange construit en 1860. La richesse ornemen-tale, avec des vases Médicis sur la corniche et lagrille en fer forgé, unique en son genre, restentspécifiques au château Lauratet : « Cette demeuresera le dernier exemple des folies architecturalesconstruites à La Réunion sous le Second Empire »(Bernard Leveneur 1).

La légende orale veut que le chantier ait été réa-lisé par des ouvriers italiens habitués à travaillerle stuc. Ces ouvriers piémontais avaient creuséle tunnel du Mont-Blanc et on les avait fait venirpour la construction du chemin de fer. Mais il esttout à fait possible que la façade du châteauLauratet et le somptueux portail sur la rue soientl’œuvre d’artisans réunionnais.La famille Lauratet va occuper les lieux pendantprès de trente ans, jusqu’à ce que le château soitvendu au début du 20e siècle à Robert Le Coatde Kerveguen, puis à l’imprimeur Fernand Cazal,qui finalement le cèdera au ministère de l’Économieet des Finances le 16 octobre 1984.

UN PETIT TOUR DU PROPRIÉTAIRE

À la fin du XIXe siècle, l’inventaire des meublesdu « château Lauratet », répertorié par le notairemaître Coulhac-Mazérieux, montre que les famillesbourgeoises de l’époque panachaient les modeset les styles de différents continents pour aménagerleur foyer.

Et si vous aviez poussé la porte en ce temps-là ?

Imaginez-vous sous la varangue. Vous avez le choixentre un canapé en acajou rotiné ou un canapérecouvert de reps. Vous posez négligemment votreverre de citronnade sur le marbre de la tableronde en attendant l’heure du dîner. Vous prêtezattention aux notes de musique qui s’échappent dusalon contigu, où votre fille fait ses gammes sur legrand piano à queue. Votre époux vous rejoint. Ilpréfère, quant à lui, se détendre dans l’un de cessix fauteuils renversés provenant d’Inde. Un lustreen zinc doré éclaire faiblement ce moment d’in-timité. Demain, c’est votre tour de bridge. Vous aimezparticulièrement la fraîcheur du salon dans l’après-midi, lorsque le soleil devient trop brûlant. Vousamies viennent d’arriver. Toute joyeuse, vous lesinstallez dans les canapés en palissandre autourde la table de jeu. Au mur, les tableaux d’AdolpheLeroy et trois grandes glaces encadrées de boisdoré renvoient la scène qui pourrait être celled’un autre peintre. Une pendule en cuivre bronzémarque le temps. La partie n’est pas facile au-jourd’hui et la nervosité vous gagne. Soudain, lachaleur vous pèse, vous agitez votre éventail avecnervosité. Vous vous déconcentrez. Votre regards’attarde sur une boîte à jetons de Chine poséesur une petite table en acajou, tandis que sur latable jumelle repose une boîte à thé laquée.Quelle est son histoire ? Votre esprit s’évade peuà peu, le prochain pli est perdu d’avance. Peuimporte, vous contemplez les chaises et fauteuilsen soie rouge agencés dans la pièce, et vous êtessatisfaite d’avoir pu dénicher cette tonalité-là.Au centre, le lustre de cuivre à bougies est assezdiscret. Des vases du Japon, et d’autres en porce-laine peinte, contiennent des fleurs fraîchementcoupées. Vous êtes fière des bouquets que vouscomposez au gré des saisons, avec des variationsde couleurs qui égayent les tonalités sombres duparquet. Fin de partie !Au dîner, vous avez demandé à ce que l’on vousprépare du canard manille au poivre vert. Leurslianes sont en fruit actuellement. Toute la familleest réunie autour d’une table en chêne qui peutrecevoir douze convives. Les chaises sont en boispays. Le buffet en chêne fait face au buffet en boisde natte. Votre vaisselle s’expose dans unegrande vitrine, elle aussi en bois de natte. Et dis-crètement, une petite horloge américaine témoignequ’ici, à La Réunion, vous êtes au pays des grandsvoyageurs.

1 Bernard Leveneur,

historien de l’art,

est un grand

passionné

de l’histoire

de La Réunion.

Nous tenons

à le remercier ici

pour son importante

contribution

à l’élaboration

de ce dossier

patrimoine.

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L’ENGAGEMENT DE LA POSTE POUR LE PATRIMOINE RÉUNIONNAIS

Dès le tout début, La Poste s’est engagée àsoutenir le dossier de candidature de LaRéunion au classement du patrimoine mondial deL’UNESCO en s’associant au Parc national de LaRéunion, porteur du dossier Pitons, Cirques etRemparts. La Poste, en partenariat avec tous lesacteurs concernés et l’Association de Philatélie del’Océan Indien, est allée au cœur de chacun destrois cirques, au plus près des habitants, animerdes week-ends de festivités et mettre en scène ladiversité des richesses locales, entre autres actionset manifestations organisées tout au long ducheminement de cette prestigieuse candidature.De plus, La Poste a édité deux collectors de tim-bres pour faire découvrir les trésors divers etvariés de La Réunion :En 2009, La Réunion comme j'aime. Cette planchede dix timbres éditée à 35 000 exemplaires s’estinscrite dans le concept national des collectorsdes régions de France et a été épuisé en dix moisà peine.

DEPUIS 2009, LA POSTE A LANCÉ SUR LE PLAN

NATIONAL UNE OFFRE DE TIMBRES « LA FRANCE COMME J’AIME » QUI SE COMPOSE DE TIMBRES NATIONAUX ET DE TIMBRES

RÉGIONAUX. LA POSTE DE LA RÉUNION S’EST EMPARÉE DE CETTE

OPPORTUNITÉ POUR GRAVER DANS LES ESPRITS LES IMAGES

DE SES PAYSAGES D’EXCEPTION.

PUBLI-REPORTAGE

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La Postepour des paysages d’exception

Des timbres d’exception

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2011 L’ANNÉE DE L’OUTRE-MER

Cette année, l’accent est mis sur les territoires etdépartements d’Outre-mer, notamment avec ladépartementalisation de Mayotte. Douze timbresde ces régions, entre paysage et tradition, serontprésentés au public à la fin du mois de novembre...à découvrir donc !

DES PROJETS PLEIN LES « BOÎTES »

Un collector commun aux départements d’Outre-mer va être édité en 2012..., un timbre unique auxîles de l’océan Indien, avec une date de sortieidentique sur l’ensemble des territoires.Par ailleurs, La Poste soutient d’ores et déjà lesinitiatives régionales et accompagne les entreprisesdans leurs démarches de promotion et de per-sonnalisation de leurs événements. La philatélie,porteur d’image et d’émotion, reste un vecteurformidable de communication. La Poste de LaRéunion tient à jouer son rôle dans la dynamiqueémergente sur la zone océan Indien.

En 2011, Le Parc comme j’aime pour fêter la pre-mière année du classement au patrimoine mon-dial de l’UNESCO. Ce collector, sorti cette fois à50 000 exemplaires sur le thème patrimoine fauneet flore de La Réunion, connaît un succès compa-rable à celui de 2009. Seuls, quelques exemplairessont encore en vente dans les bureaux de postede l’île. À chaque opus, dix timbres chantent les richesseset la diversité du patrimoine de La Réunion touten gardant leur fonction première : oblitérer unelettre prioritaire de 20 grammes maximum à des-tination de la métropole avec une validité perma-nente. Ainsi, de belles images de La Réunions’envolent pour prendre place, au gré du courrier,dans les foyers de toutes les régions de France.

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Un rouleau

de vignettes

autocollantes

à l’effigie des Pitons

cirques et remparts

pour les colis

à poster

soi-même.

La Poste

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L’odyssée de LapérouseUne exposition

TEXTE STÉPHAN MAÏCON - PHOTOGRAPHIE THIERRY HOARAU

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

CELA FAIT DÉJÀ QUELQUES MOIS QUE LE MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE ACCUEILLE EN SES MURS UNE EXPOSITION CONSACRÉE AU COMTE DE LAPÉROUSE ET À SA CÉLÈBRE EXPÉDITION. ITINÉRAIRE HISTORIQUE, MAIS AUSSI PARCOURS TRÈS LUDIQUE, ELLE NOUS PLONGE AU CŒUR DE L’UNIVERS DES GRANDES DÉCOUVERTES ET DE L’AVENTURE. RÉALISÉE EN PARTENARIAT AVEC LE MUSÉE DE L’HISTOIRE MARITIME DE NOUVELLE-CALÉDONIE, ELLE SE VEUT AUSSI LE REFLET DES PRÉOCCUPATIONS TRÈS PRÉCOCES DE LOUIS XVI QUANT À UN SUJET D’ACTUALITÉ : LA BIODIVERSITÉ.

En effet, c’est sous les ors de Versailles que LouisXVI, roi géographe, organise une explorationscientifique destinée à rendre le monde connuplus grand, jusqu’aux confins de La Terre. Il confiera cette tâche à Jean-François de Galaup,comte de Lapérouse, officier de marine. Un peuplus loin, l’on découvre ce qui pourrait être lejour du départ de l’expédition. Scindée en cinqkakémonos, la reproduction d’un tableau de Jean-François Hue figure l’intérieur du port de Brest,d’où l’expédition démarre en 1785. Au premierplan, l’animation est à son comble. Des hommesdiscutent, travaillent, devant une multitude desuperbes voiliers qui masquent l’horizon.

LE CONTEXTE DES GRANDES EXPÉDITIONS

Dès ses premiers pas, le visiteur profane estimmédiatement replacé dans le contexte histo-rique grâce à de fort belles vitrines. La première,intitulée « Voyages et explorations au XVIIIe

siècle », situe la vie de notre homme en sontemps. La seconde abrite la reproduction d’unetoile de Nicolas Monsiau, montrant Louis XVIdonnant ses instructions à Lapérouse devant unecarte du monde. Elle porte le titre : « Le rêve deLouis XVI ». Enfin, c’est dans une troisièmevitrine que l’on découvre les maquettes de deuxbeaux trois-mâts : La Boussole et L’Astrolabe,« Les bateaux de Lapérouse ».

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L’odyssée de Lapérouse

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Le voyage de Monsieur de Lapérouse Muséum d’histoire naturelle

Jardin de l’état à Saint-Denis

Du mardi au dimanche de 9h30 à 17h30

Jusqu’en avril 2012

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Le chemin muséographique invite ensuite à uneflânerie, comme une promenade sur les quais,au milieu des caisses de bois, des barils et dessacs de toile contenant vivres et objets néces-saires à ce long voyage. Leur contenu est visiblepar des trous taillés dans le bois, une idée lumi-neuse ! Armement, matériel de navigation ouvaisselle laissent entrevoir leurs secrets.

À FOND DE CALE

Maintenant que chacun possède son ticketd’embarquement, l’on monte à bord et découvreune cale de navire reconstituée. Et tout y est :boiseries, poutres, jusqu’aux madriers cintrésreconstituant les flancs courbes de la coque. Surles côtés, des fenêtres donnant sur l’océan et, auplafond, au travers d’un croisillon de bois, le ciel, quelques nuages et les mouettes. Pour rendrecette ambiance maritime plus présente encore,une bande son diffuse les craquements du bois,typiques des vieux voiliers, et le grincement desamarres qui se tendent et se détendent, uneréussite !

La pénombre au fond de cette cale reconstituéepermet d’éclairer plus subtilement les vitrinesprésentant le travail des scientifiques accompa-gnant l’expédition : naturalistes, botanistes,jardiniers, astronomes, géographes et bibliothé-caires. Ici encore, de nombreux objets d’époque,manuscrits et planches viennent étayer le pro-pos. Et puis, surtout, une partie de la pièce estoccupée par trois mannequins, un matelot, sonperroquet et deux nobles en perruque, réunisautour d’un baril. Entre les verres de rhum quiy sont posés, une pression de la main déclencheune nouvelle bande son qui relate la conversationentre les trois personnages : Le Bihan, le matelot,Raulin, un médecin et un astronome. Il y estquestion des conditions de vie à bord, trèséprouvantes, du contact avec les populationsindigènes, pas toujours évident, et même de perteshumaines, le tout ponctué des caquètements duperroquet, soit un épisode très vivant.

LE MYSTÈRE DE LA FIN

Pour clore l’exposition, une dernière vitrine pré-sente la gravure d’un naufrage sur laquelle untexte narre la fin terrible de la belle expédition.« C’est peut-être en 1788 qu’une tempête jetteLa Boussole et L’Astrolabe sur les récifs de l’îlede Vanikoro, dans la partie la plus orientale desîles Salomon. (…) Seules des bribes de cette fa-buleuse histoire se retrouvent dans les légendestransmises de bouche à oreille par les indigènesau fil des générations. (…) Le mystère reste entier ».

Afin d’éclairer quelque peu le visiteur sur cettefin mystérieuse, un dernier panneau, incrusté detrois petits écrans, diffuse des images des fouillesterrestres et sous-marines ayant eu lieu dans lesparages supposés du lieu du naufrage. Comme pour beaucoup de récits lointains, lalégende est venue nourrir l’histoire. En y ajoutantdes données scientifiques, cette exposition nepeut que ravir l’explorateur qui sommeille enchacun de nous.

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Le « Warren Hastings », mis en service en 1894,était un vapeur de 4000 tonnes équipé de moteurscapables de le propulser à plus de 17 nœuds. Au début de mois de janvier 1897, il quitta Le Capà destination de Maurice et de Bombay, avec àson bord 219 hommes d’équipage et 1043 passa-gers. Parmi ces derniers, se trouvaient notam-ment des femmes d’officiers, quelques enfants,ainsi que des soldats du deuxième bataillon duYorkand Lancaster et d’autres du King Royal Rifles.

Le « Warren Hastings » passa au large de LaRéunion au soir du 13 janvier. Avant d’aller secoucher, le commandant Holland donna à sesofficiers de quart l’ordre de faire route à distanceraisonnable de La Pointe de la table, que le bateaudevait doubler aux alentours de 3 heures du matin.Ses calculs tenaient compte des instructions nau-tiques et des courants habituellement observésdans ces parages. La mer était belle et le navire

AU FOND DE L’OCÉAN

Selon les sources, les chiffres varient quelque peu,mais l’on estime à environ deux cents le nombred’épaves gisant par les fonds marins réunionnais.À Saint-Philippe, où s‘est écrite une des pages lesplus célèbres de l’histoire maritime de La Réunion,la population s’est littéralement appropriée lerécit du naufrage du « Warren Hastings ». Il fautsouligner que ce sont les villageois qui ont se-couru les naufragés. Mais c’est aussi, comme l’a faitremarquer Eric Venner, membre de l’associationde La confrérie des gens de la mer, parce que« c’est le point commun de toutes les communautésde l’île : elles sont venues par bateau ».

73 marchesconduisant au chemin de ronde

TEXTE STÉPHAN MAÏCON - PHOTOGRAPHIE STÉPHAN MAÏCON

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

LORS DES DERNIÈRES JOURNÉES DU PATRIMOINE, LA VILLE DE SAINTE-SUZANNE A CHOISI DE METTRE EN VALEUR SON PHARE, LE SEUL QUI ÉCLAIRE ENCORE LE LITTORAL RÉUNIONNAIS. NOMBREUX SONT LES VISITEURS QUI ONT GRAVI LES SOIXANTE-TREIZE MARCHESCONDUISANT AU CHEMIN DE RONDE. LES YEUX PLEINS DE CES BELLES IMAGES DE MER, ILS ONT PU SE PLONGER DANS LES EXPOSITIONS, COMME CELLE DÉDIÉE À L’HISTOIRE DU NAUFRAGE DU « WARREN HASTINGS », VAPEUR ANGLAIS ÉCHOUÉ DANS LA MARINE DE SAINT-PHILIPPE, LA NUIT DU 13 AU 14 JANVIER 1897.

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73 marches

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À terre, on avait entendu le fracas du naufrage,« comme un coup de tonnerre », déclarèrent lespêcheurs. Il n’y eut pas d’autres bruits : ni mugis-sements de sirène, ni sifflet, ni appel, rien. Malgrétout, quelques curieux s’armèrent de fanaux pourdescendre vers le rivage.Le spectacle qui les attendait avait de quoi sur-prendre et même effrayer. Là, planté droit au milieude la marine, une rangée de lumières surmontaitune silhouette sombre estompée par la pluie. Pasun son, pas un cri, comme si le vaisseau échouéétait un vaisseau fantôme. Les pêcheurs se mirentalors à lancer des appels et à agiter leurs lanternes,jusqu’à ce qu’enfin, un coup de clairon soit lancédu navire.Le « Warren Hastings » était trop malencontreu-sement échoué pour que l’on puisse utiliser lesembarcations de sauvetage. Fort heureusement,son avant n’était qu’à quelques mètres de la côte,ce qui permit aux passagers et à l’équipage dedébarquer sans trop de difficultés. Les naufragéssont accueillis par les habitants de Saint-Philippe.Les hébergements s’organisent dans toutes lesmaisons, les salles municipales et les ancienslogements dédiés aux engagés. La nourriturearrive par charrettes entières. En moins de tempsqu’il n’en faut pour le dire, la modeste communedu sud compte 1262 habitants supplémentaires.Les soldats qui n’ont pas trouvé d’hébergementvont à pied et s’écroulent parfois de fatigue dansles fourrés environnants. Le maire fait alors appelà la commune voisine, Saint-Joseph, et demande del’aide à Saint-Denis par télégraphe. Les sinistrésseront transportés par trains spéciaux jusqu’à laPointe des Galets, d’où ils embarqueront pourl’Angleterre. Dans son rapport à la hiérarchie, lecommandant Holland saluera le caractère désin-téressé et aimable de la population. Plus d’un siècle plus tard, l’épave du « WarrenHastings » gît toujours par 15 mètres de fond.

filait 18 nœuds. Néanmoins, vers une heure du matin,l’horizon s’obscurcit et un rideau de pluie vintlimiter la visibilité à quelques dizaines de mètresseulement. Le commandant Holland ne fit pasralentir la marche pour autant.

Cette nuit, La Fournaise gronde et embrase leciel austral. Ces bouleversements magnétiquesont-ils affolé les compas ?

« Le 13 janvier, j’avais eu la latitude à midi et lalongitude à trois heures du soir. J’étais donc surma route. D’après les livres donnant les instructionssur les atterrissages de Bourbon, je savais queles courants portaient à l’ouest. J’ai donc tracé etdonné la route pour passer à 7000 de la pointede Saint-Philippe, où je devais me trouver par letravers à 3 heures du matin. Pendant la nuit, letemps s’est couvert et une pluie abondante s’estmise à tomber, masquant la vue. J’étais sur la pas-serelle avec le deuxième lieutenant Walter et letroisième lieutenant Windham. Avec nos jumelles,nous regardions de tous côtés sans rien voir. La merétait belle, lorsqu’à 2 heures 20, le navire a touché »,raconta par la suite le commandant Holland.

Dans son malheur, le transport anglais avait unechance incroyable : il avait fait naufrage dans lepetit port de Saint-Philippe. Quelques dizaines demètres plus loin, il se serait écrasé contre les fa-laises environnantes.

« ET POURTANT, CETTE ANNÉE-LÀ, BIEN PLUS AU NORD, BRILLAIT DÉJÀ LE PHARE DE SAINTE-SUZANNE. »

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Ces deux hommes aujourd’hui disparus, il est in-téressant d’écouter Denis Baillif, fils de Jean, sesouvenir de cette vie en autarcie, un peu commecelle d’un gardien de phare breton situé en pleinemer : « La journée, mon père entretenait le phare.Peinture, nettoyage, rénovation, réparations. Le soir,vers 18 heures, il remontait les stores, des rideauxde grosse toile verte qui protégeaient la lanterne.A l’époque où un contrepoids faisait tournerl’optique, mon père lançait le mouvement puisdescendait au plus vite allumer le phare. Toutautour, s’étalaient jardins, potager et verger.

Chacun mettait la main à la pâte pour produireun peu de tout : salades, légumes, brèdes,manioc, bananes… Il y avait même le cochonqu’on engraissait, les poules et les lapins. En yajoutant les produits de la chasse et de la pêche,nous n’étions pas à plaindre et vivions repliés surnous-mêmes. Ma sœur et moi avons pâti de cettevie de châtelains, protégés de l’extérieur. Lespermissions de sortie étaient rares, tout commeles visites. La cour du phare était respectée, n’yentrait pas qui voulait. »Voilà sûrement la raison pour laquelle cette per-mission de visite, autorisée pour les journéesdu patrimoine, a autant attiré les curieux. En effet,durant ce week-end, l’on faisait la queue depuis lepied de l’escalier jusque dans les jardins. L’at-tente se faisait dans le calme, avec le souriremême. Il faut dire que bon nombre étaient arrivéssur les lieux en calèche, comme pour mieuxs’immerger dans ce passé. Les ateliers de dessinet de peinture réjouissaient et inspiraient les en-fants, tandis que les parents attendaient patiem-ment de découvrir ce nouveau panorama.L’arrivée de la nuit ne faisait qu’amplifier le phé-nomène, chacun espérant deviner, du haut decette tour, les feux d’un navire dansant sur lesflots, ou les lumières de la ville, si rassurantes pourle marin en perdition.Comme quoi, le phare et son gardien demeurentdes symboles forts dans l’imaginaire collectif.Sa tâche est noble : en illuminant la nuit, il pré-vient du danger, mais surtout, il signale la vie.

Aujourd’hui, il n’existe plus de phare habité…

EN HAUT DU PHARE

En effet, en 1843, un appareil lenticulaire est en-voyé à Bourbon pour la construction d’un phareà Bel Air. Débutés en 1844, les travaux durerontdeux ans. Le 15 octobre 1846, le plus grand pharede l’île et de l’océan Indien est mis en service.Ce système de signalisation maritime signalait laprésence menaçante de deux récifs affleurant :Le Cousin et La Marianne. Aux termes d’un avisen date du 10 octobre 1846 de la direction des Pontset Chaussées de l’Île Bourbon, Phares et Fanaux,les navigateurs étaient prévenus qu’à partir du15 octobre 1846 un feu fixe du deuxième ordreserait allumé pendant toute la durée des nuits ausommet de la tour récemment construite sur laPointe du Bel Air. L’élévation du feu est de 20, 25mètres au-dessus du sol et de 45, 83 mètres au-dessus de l’océan. Sa lumière pourra être aperçuepar temps clair jusqu’à une distance de 18 millesmarins. Les salles qui abritent aujourd’hui des expositionsn’étaient autres que l’habitation du gardien duphare. Au fond du couloir, une porte étroite laisseentrevoir quelques marches peintes de couleursvives : l’escalier en colimaçon qui conduit au che-min de ronde. Ses 73 marches étaient autrefoisen bois. Durant la courte ascension, de petites fe-nêtres laissent entrevoir la mer. Avant de décou-vrir le chemin de ronde, il faut passer une toutepetite porte qui exige une génuflexion. Difficilede ne pas être pris de vertige lorsque l’on se re-dresse : à perte de vue, l’océan paraît plus vasteencore. L’air iodé et le vacarme du ressac pren-nent le visiteur à bras-le-corps et, une main surla balustrade, l’on se prendrait presque pour uncapitaine de frégate.

Après avoir été happé par le paysage maritime,l’on poursuit son tour sur le chemin de ronde trèsétroit et l’on découvre les cases de Sainte-Suzanneet, dans le lointain, les sommets de l’île. Impossible d’évoquer le phare sans parler de lafamille Baillif qui a offert à ce monument patrimonialses deux derniers gardiens. Le tout dernier futJean Baillif qui remplaça son père à la même placeen 1947. Il le restera jusqu’en 1984, date à laquellele feu du phare s’éteindra avant de fonctionner ànouveau en 1989, équipé cette fois-ci d’un systèmeentièrement automatisé.

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

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TEXTE BÉATRICE BINOCHEICONOGRAPHIE COLLECTION DU MUSÉE LÉON DIERX

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

Lorsque les Réunionnais Marius et Ary Leblond 1

créent le musée Léon Dierx 2 en 1911 (ouvert en1912), celui-ci propose les œuvres d’artistescontemporains. La volonté de ses fondateurs estd’offrir aux visiteurs une approche de l’art pictu-ral de leur époque, que l’on qualifie aujourd’huide « modernes ». Au fil des ans, le fonds initials’est enrichi des dons de plusieurs famillesréunionnaises - dont la fameuse donation le Coatde Kervéguen -, de celle d’Ambroise Vollard 3

en 1947 et des acquisitions faites par le musée. Cézanne, Gauguin, Renoir, Odilon Redon,Picasso, Maurice Denis, Georges Rouault, Dufy,Vlaminck, Valtat ou encore Bourdelle… côtoient,dans les réserves et sur les cimaises du musée,les Réunionnais Adolphe Le Roy, Louis AntoineRoussin, Adèle Ferrand… Plus de 600 œuvrespicturales et 3 000 estampes composent la collec-tion du musée qui, contemporaine de son époqueà sa création, est largement inscrite dans le XIXe

siècle.

PORTRAITS ET PAYSAGES

Le nouvel accrochage proposé depuis quelquessemaines nous invite à une promenade chrono-logique dans l’histoire de la peinture de cettepériode en privilégiant le portrait et le paysage,qui, genre pictural mineur, explose au XIXe : c’estle fil conducteur du parcours muséographiquequi offre la part belle aux paysages réunionnais,ceux des villes, des ravines ou des berges derivières. Scènes de vie, jardins, monuments, océandéchaîné, les représentations de l’île dévoilentles visions de leurs auteurs et la multiplicité desperspectives que sa géographie propose.Le cheminement évoque différents courants etécoles, du romantisme à la peinture bourgeoisedes salons, l’école de Barbizon, celle de Pontaven,les impressionnistes.

DES TOILES SOMBRES ÉCLAIRÉES D’UN UNIQUE FAISCEAU DE CLARTÉ À CELLES, LUMINEUSES,

QUI, À GRANDS TRAITS DE COULEURSFONT VIBRER LA LUMIÈRE, LE NOUVEL ACCROCHAGE « PORTRAITS ET PAYSAGES »

DE LA COLLECTION DU MUSÉE LÉON DIERX À SAINT-DENIS,

NOUS EMBARQUE DANS UN VOYAGE À TRAVERS L’HISTOIRE DE LA PEINTURE

DU DÉBUT DU XIXe AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE.

1 Georges Athénas (Marius Leblond 1877-1953)

et Aimé Merlo (Ary Leblond 1880-1958),

prix Goncourt 1909 pour « En France ».

Créateurs du musée pour lequel ils recueillent

dons d’artistes et de galeries.

2 Léon Dierx, 1838-1912.

Poète, peintre et sculpteur, ami intime des Leblond,

Léon Dierx a laissé son nom au musée.

Après une enfance réunionnaise,

il s’installe à Paris dans les années 1850.

Ses poésies parnassiennes contribuent

à sa renommée au cours de la seconde moitié

du XIX e siècle,

conduisant ses amis à le consacrer

« Prince des poètes » en 1898.

3Ambroise Vollard,

1866-1939. Né à Saint-Denis de La Réunion,

Ambroise Vollard a été le plus célèbre

marchand d’art parisien,

de la fin des années 1890 à sa mort en 1939.

Cézanne, Picasso, Gauguin, Van Gogh,

l’avant-garde artistique

qui a façonné l’art du XX e siècle expose chez lui.

En 1947, le musée Léon Dierx

hérite d’une petite partie

de sa collection.

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et pe

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sésRegards croisés et perspectives

Adolphe Leroy

La rivière Saint-Etienne

1876

Adolphe Leroy

La gorge de la rivière du Mât

1877

Numa Desjardins

Marine devant Saint-Denis

1854

Frédérick-Carl Frieseke

Nu sous un arbre

1900-1910

Ernest Quost

Les Phlox

1900-1910

Adèle Ferrand

Portrait présumé de G.H. Le Coat de Kerveguen

1848

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dans le renouveau des arts sacrés des années20/30 : une proposition en demi-teinte, fragile,dont la poésie est accentuée par les couleurstranslucides. On découvre une édition des Poèmesde Francis Thomson, publication posthume deVollard, illustrée par Maurice Denis ainsi qu’uneesquisse de Les Muses, tableau de la collectiond’Orsay.

ROCK CREEK PARK, LE JARDIN POP

Quoi de plus naturel pour un musée qui, à sacréation présentait les œuvres des contempo-rains du début du XXe , de poursuivre ce travailavec les créateurs du XXIe ?Après Yan-Pei Ming, Chen Zen, Jean Le Gac,Ange Leccia… et plus récemment Weng Fen etses Fossiles vivants qui nous révélaient lespaysages mutants d’une Chine en occidentali-sation/mondialisation, le collectif Qubo gaz - avecson expo Rock Creek Park - nous a récemmententraînés dans une approche poétique et ludiquede l’espace de la nature, un paysage en volumeset sons qui s’articulait judicieusement avec lesautres salles. Le wall drawing de plusieurs mètres,tour à tour horizon, clairière, foisonnement de ver-dure, répondait par ses larges aplats de couleursaux détails soignés et minutieux des dessins etdes broderies. Par curiosité, sans doute, on auraitenvie de voir quelques-unes de ces œuvres s’im-miscer au milieu de l’accrochage des « anciens ».

2012, LE MUSÉE A 100 ANS

Portraits et paysages nous fait remonter dans letemps, celui où l’on ne se préoccupait pas encorede préservation, de protection, un temps aucharme délicieusement suranné. C’est tout letalent de cette proposition. Elle donne envie deprendre son temps, de le perdre en se posant, ens’attachant aux détails, à ses impressions, à ladouceur tendre d’un ciel gris, au regard sombred’un enfant, à la légèreté palpitante d’un prin-temps, à la volupté des jardins. On traverse libre-ment les époques, leurs représentations et l’onrevient réjoui de cette balade au milieu d’unsiècle d’histoire de la peinture.

La circulation douce, sans pollution visuelle, nousconduit de la première salle aux trois galeriescirculaires en passant par le tout récent cabinetdes estampes.Le patio central présente une esquisse de Huetréalisée en 1863 d’un tableau aujourd’hui au muséed’Orsay. Il côtoie des paysages de La Réunionpeints par Le Roy - dont une marine, Naufragedevant Saint-Denis, tragique et forte représenta-tion de la lutte d’un navire contre la tempête - ainsiqu’un paysage de Madagascar par Charles Merme(1848). Les portraits d’Adèle Ferrand ponctuentcette salle de leurs regards posés et sombres,des compositions sages, une peinture de salonacadémique, de facture classique. Le parcours se poursuit dans les galeries aurythme de l’évolution des courants artistiques.Nus, marines, villes, berges de fleuves et de lacs,sous-bois sont présentés par thèmes, îlots,ponctués de quelques bustes en volume signésLouis Joseph Daumas (Maquette pour un monumentà Mahé de Labourdonnais), Jules Dalou (Baigneuse),Henri-Louis Cordier. Un petit effet magique, léger, bucolique, se dé-veloppe dans la dernière partie de l’exposition,espace dédié au poète Léon Dierx qui fut aussipeintre et dont on remarque les toiles tout au longdes cimaises. Nous sommes au jardin, en com-pagnie des muses et des nymphes, évanescenceet poésie sont au rendez-vous.

LE PRÉCIEUX CABINET

L’élément fort de cette exposition permanente estle tout nouveau cabinet d’estampes. Réalisé dansles règles de l’art de la conservation (éclairagemoins de 50 lux, hygrométrie,…), cet espaceprécieux est destiné à recevoir - par vague, tousles trois mois - le cœur de la collection du musée,ces 3000 dessins, gravures, lithographies, œu-vres sur papier … dont la centaine d’œuvres dela collection du grand marchand d’art que fut leRéunionnais Vollard. Le premier invité de « l’ex-position dans l’exposition », Maurice Denis, estreconnu comme le théoricien du mouvementNabi, ami de Vuillard, Paul Sérusier, Pierre Bon-nard ou encore Paul Ranson. Les lithographies(de la série Amour) reflètent son travail inscrit

VOYAGE DANS LE PATRIMOINE REUNIONNAIS

Visite virtuellel’exposition permanente

via le site internet

http://www.cg974.fr/

culture/leon-dierx

Portraits et paysagesexposition permanente

Musée Léon Dierx

28, rue de Paris

Saint-Denis

0262 20 24 82

Ouvert du mardi

au dimanche,

de 9h30 à 17h30

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QUEL ENTHOUSIASME JOYEUX !

Christian vient de se marier avec Jacqueline, sa compagne depuis delongues années, la maman de leur fils Thibault. Un défi lancé au temps. Ce bel homme à la stature athlétique né à Dole en 1947, a vécu son enfance,sa jeunesse, et une partie de sa vie d’adulte à Madagascar, le pays deson cœur. Il s’installe à La Réunion en 1975. La trentaine passée, il reprendses études, obtient une licence d’ethnologie et devient professeurd’histoire-géographie. Il peut alors donner libre cours à sa passion pourla photographie.Globe-trotter dans l’âme, il pose son regard sensible sur le monde, commeun grand sourire qu’il offre en partage. De ses nombreux voyages à larencontre de l’inconnu, il ramène des souvenirs portés par un humanismehors du commun. L’agence Hoa-Qui du groupe Gamma-Rapho publie ses photos de grandreporter dans la presse nationale et internationale. Reporters sans frontièreslui dédie le calendrier de l’année 2009. Christian publie aussi de beauxouvrages, comme le livre Madagascar… Grands voyageurs aux éditionsdu Chêne, ou celui sur L’art de vivre à La Réunion chez Flammarion. Au fil du temps, il devient spécialiste de l’océan Indien, titre d’un magnifiquelivre dont il est l’un des principaux photographes aux éditions du Chêne.Sa dernière publication La Réunion, en collaboration avec Bernard Grollier,René Carayol et Rémy Ravon édité par Glénat, est sorti en septembre.Christian n’aura pas eu la possibilité de le voir, il est décédé dans le creuxdu mois de juillet, après s’être battu comme un tigre pour vaincre le malqui le rongeait. Ces dernières années, il organisait ses voyages entre deuxchimiothérapies… toujours serein, prêt à découvrir encore quelquenouveauté.En hommage à son talent, en hommage à sa personnalité, nous allonsretrouver Christian dans chaque numéro de Bat’carré pour qu’il resteaussi longtemps que possible ce merveilleux compagnon de route auregard chantant. Premier rendez-vous : Madagascar, cela va de soi. Christian nous proposeun tour de l’île rouge en pirogue, qui débute en couverture par Nosy be.

RENDEZ-VOUS AVEC CHRISTIAN VAISSE

TEXTE FRANCINE GEORGEPORTRAIT DE CHRISTIAN RENÉ CARAYOLPHOTOGRAPHIE CHRISTIAN VAISSE

MADAGASCAREN

PIROGUE

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La machine n'est plus un simple outil passif.L'ordinateur « écoute », interagit, propose. Notrecollaboration homme/machine est simple : onvise le 50/50. Je te donne un exemple : tu entendsune grosse basse « wobble », qui ondule dansles graves, comme dans le dubstep. Tu te dis« ça sonne électro, c'est un sample ». Nous, onfait en sorte que ce soit le bassiste qui jouecette « wobble bass », en interaction avec l'ordi-nateur. C'est bien plus qu'un « effet standard ».La clef, c'est la synchronisation : avec le tempo,avec la structure du morceau et avec les autresmusiciens et leurs effets respectifs. On pour-rait imaginer une pieuvre omnisciente, à la foischef d'orchestre, musicien et ingénieur du son,une pédale d'effet au bout de chaque tentacule.

C'EST QUOI LABSYNC ?Jérôme : Le projet Labsync - pour « LaboratoireSynchronisé » - est né à Mayotte en 2008 de larencontre de cinq potes /musiciens autourd'une idée simple : la technologie est accessibleet créative. L'ordinateur n'a de limite que notreimagination. À partir de là, on peut tout faire.Alors on a creusé... On avait tous à la base desinfluences très variées. Jazz, rock alternatif,progressif, psychédélique, groove, punk, elec-tro, rap, maloya, reggae... enfin un peu tout fi-nalement. Notre musique, c'est le mélange detout ça, plus la magie de l'informatique. On aappelé ça de l'électro-fusion.

Labsyncde la tête aux pieds

PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME PEROUX - PHOTOGRAPHIE DEENICE

CHRONIQUE AKOUT

NÉ DE LA RÉUNION DE CINQ MUSICIENS AUX HORIZONS VARIÉS, LABSYNC(POUR LABORATOIRE SYNCHRONISÉ ) A ÉTÉ FONDÉ EN DÉCEMBRE 2008 À MAYOTTE.��MIXANT INSTRUMENTS ET ÉLECTRO, LEUR MUSIQUE S’INSCRIT DANS UN COURANT RÉSOLUMENT ACTUEL. ET POURTANT… L’ENCLAVEMENT AÉRIEN DE MAYOTTE ET SON DÉBIT INTERNET PLAFONNANT À 56K FONT DE LEUR DÉMARCHE UNE EXPÉRIENCE SEMI-AUTARCIQUE.ELOIGNÉS DES SCÈNES MUSICALES NOVATRICES, CES MUSICIENS N’ONT POUR INFLUENCES QUE LEURS DISCOTHÈQUES ET LEURS SOUVENIRS. DE CETTE SITUATION RETIRÉE ÉMERGE UNE MUSIQUE LIBRE, REFLET SONORE DES GOÛTS ÉCLECTIQUES DU GROUPE. PINK-FLOYD, ERIC TRUFFAZ, HERBIE HANCOCK, NILLS PETER MOLVAER, DANYEL WARO, APHEX TWIN... ROCK, JAZZ, « LOUNGE », MALOYA, ELECTRO... AUTANT DE PISTES À EXPLORERQUE DE SONS À SYNCHRONISER.�LABSYNC S’OUVRE À L’OCÉAN INDIEN. UN CD 4 TITRES SORTI ENAOÛT 2010 SOULIGNE CETTE ENVIE, ET PROPOSE UNE VISION EN RÉSUMÉ DE SON UNIVERS.

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Jérôme : oui, parce que c'est ça l'idée, faire dela musique pour la tête ET pour les pieds !

QUATRE DATES À LA RÉUNION EN SEPTEM-BRE DERNIER (LES POTIRONS, LA CERISE, LEMANAPANY SURF FESTIVAL ET LA 1ÈRE PARTIEDE NO JAZZ AU KERVEGUEN). ALORS, HEUREUX ? Jérôme : Ravis ! Nous avionsdéjà été accueillis et salués à Saint-Benoît enmai et décembre 2010 à La Clameur desbambous. Nous y avions rencontré des organi-sateurs adorables et disponibles et un nouveaupublic ouvert et généreux. Nous étions donctrès motivés pour cette tournée et nous avonsété comblés ! Nous remercions du fond ducœur le public Réunionnais d'être venu à notrerencontre. A Mayotte, où le public est particu-lièrement restreint, nous étions plutôt habituésà jouer devant des potes... La Réunion a été lelieu de rencontres et d'échanges dont nousavons beaucoup appris. Plus d'ouverture etd'exigences, un tissu culturel très actif, descollaborations efficaces... le lieu idéal pours'ouvrir au monde ! Rien n'aurait été possiblesans Guillaume Peroux, le travailleur de l'ombre,directeur de Akout (www.akout.com). Merciégalement à Pierre Macquart de nous avoirouvert les portes du Manapany et du Kerveguen.Et merci à tous ceux qui nous ont encouragés,supportés, suivis, conseillés. Les ami(e)s, lesartistes, les organisateurs, les inconnu(e)s.

ET ENSUITE ? Thomas : On se projette dans lelive, la scène. Parallèlement à notre quêtemusicale, nous avons encore beaucoup à ap-prendre du public. Ensuite viendra le tempsdu renouveau, où nous incorporerons le Vdjing(mixage vidéo en temps réel, comme un DJavec des sons). Cette idée de mélanger sonset images est là depuis le début, mais faute detemps et de technicité, nous sommes restéscentrés sur la musique. D'ailleurs, pouvons-nous profiter de vos pages pour lancer unappel à contribution ? Si quelqu'un, quelquepart, féru d'images animées et inspiré parnotre musique, souhaite partager son talent,qu'il n'hésite pas à nous contacter via la pagewww.labsync.fr, nous serions très heureux dele rencontrer et pourquoi pas, faire naître unenouvelle collaboration !

C'est ça Labsync. Des instruments, un ordi etdes câbles dans tous les sens. Depuis 2008,côté humain, on a pas mal brassé. Des départs,des arrivées. Notre claviériste, Sébastien Gallasest allé voler vers d'autres horizons, et troisbassistes se sont succédé : Benjamin Acquier,avec qui nous avons initié le projet, GregoryFlavion que l'on peut entendre sur nos quatretitres, et aujourd'hui Kamel Rami. Sommesrestés fidèles au poste Willy Ramboatinarisoaà la trompette, Thomas Begrand à la batterie etmoi-même, Jérôme Menninger à la guitare et àl'électro. Côté console de mixage et co-pro-duction, nous travaillons depuis la premièreheure avec Denis Ligier, directeur de DeeniceProd.

ET VOTRE MUSIQUE, JE LA RANGE OÙ DANSMA DISCOTHÈQUE ? Thomas : Aïe... pas facile...On nous colle souvent une étiquette « expéri-mental », à mi-chemin entre le très grand mondede l'électro (break-beat/lounge/indus/hip-hop/tech/...) et le non-moins grand monde du restedes musiques actuelles. Je pense personnelle-ment que nous nous situons dans la lignée desscènes dub/rock et electro/jazz. High Tone,Ez3kiel, Eric Truffaz, Bugge Wasseltoft, Jojo Mayer& Nerve... C'est plus un constat de « l'air du temps » qu'unesuite de références. Je crois qu'on a ça en communde puiser dans l'électro de ces 30 dernièresannées pour élargir notre champ d'expression.On a tous « flashé » sur les beats robotiques dela New Wave, sur la Jungle épileptique, sur lesmontés de 32 mesures Techno/House,... On atous bougé la tête sur du Hip Hop, plané sur duLounge... Notre premier CD 4 titres (août 2010) ne reflèteque partiellement cette volonté de s'enrichirde ces nouveaux canons. Notre musique étaitencore bien « dans la tête », pas assez « dansles pieds », pas assez efficace. Puis un jour,Willy est arrivé en répétition avec cette compo...Un truc terrible qui nous a tous fait bouger. Eton a réalisé que ce n'était ni le tempo ni l'har-monie qui faisait le job, mais uniquement unson ! Un gros synthé massif, granuleux, groovy.Un pur produit de la tradition électro, qui techope, te soulève et t'enlace irrémédiablement.Depuis, c'est là qu'on cherche. On a déplacénotre « laboratoire » dans cette région sonorequi parle directement au corps et on continuebien sûr à cultiver l'équilibre entre expressioninstrumentale et matière électro.

Retrouvez

LABSYNC sur

www.akout.com/labsync

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TEXTE FRANCINE GEORGEILLUSTRATION ©ZÉDITION

COUP DE CŒUR

UN THÉÂTRE MUET QUI RACONTE PLEIN D’HISTOIRES

Les mains ne parlent pas. Un gant glissé dans lamain gauche, un autre dans la main droite, et hop,debout, une figurine marche, danse, semble taperdans le ballon. Ça c’est pour les petits, mais il y aaussi pour les plus grands des scènes acroba-tiques, la marionnette corporelle, des doigts enpersonnages, des lettres qui virevoltent, l’incon-tournable panier en osier qui accompagne lamarionnette à fil, le style cabaret avec musiciens,le théâtre de poche et même la scène érotiqueproposée aux plus de dix-huit ans. Une vingtainede compagnies, dont le Théâtre des Alberts avecson célèbre Tigouya, se sont produites dans desregistres divers et variés que le pouvoir évocateurdu geste a su magnifier. Histoire d’émouvoir, derire, de rêver ou d’explorer de nouveaux espaces...

UNE BELLE INITIATIVE AU CŒUR DU CIRQUE

Cette année, la compagnie des Alberts a réitéréson édition décentralisée, des spectacles partoutdans l’ouest, et surtout là où personne ne se produit.Direction Mafate donc, le groupe arrivé en héli-coptère a cheminé à pied d’îlet en îlet pendantun très long week-end. Un formidable accueilfut réservé à ces trois compagnies téméraires,Dromosofista, Hugo E Ines et le Montreur. Anima-tions dans les écoles, ateliers suivis aussi par lesparents, et le soir spectacle pour tous, étaient aumenu de chaque passage dans un îlet. Portés parl’enthousiasme, la fatigue s’est fait oublier. Spon-tanément, il y a même eu des randonnées orga-nisées pour accompagner les marionnettistes unbout de chemin. Hors les murs chez TAM-TAM,c’est aussi aller à la rencontre du public dans lesécoles, dans les marchés, et dans les hauts... Nouveauté cette année, Mathieu Braunstein, dumagazine Télérama, est venu couvrir le festival,signe que Tam-Tam fait déjà partie du cercle desmanifestations culturelles prisées. D’ailleurs, leministère de la Culture lui a décerné le labelManifestation Artistique de Qualité. Autre nouveautéappréciable, le P’tit Journal, imaginé par FloreBaudry et Olivier Giron en collaboration avecl’équipe de PILS. Un rendez-vous mis en lignetous les matins sur le site www.tamtam.re etdistribué en version papier sur les lieux du festi-val. De belles chroniques pour prolonger cesinstants de magie et donner des idées à ceux quin’ont pas encore eu la chance de voir un spectacle.

LES COMPAGNIES VENANT DU MONDE ENTIER, DE LA CHINE À L’ARGENTINE EN PASSANT PAR L’EUROPE,

ET LES COMPAGNIES DE L’OCÉAN INDIEN,

ONT RIVALISÉ D’INGÉNIOSITÉ POUR ÉMERVEILLER LE PUBLIC

DES TOUT PETITS AUX PLUS GRANDS.ORGANISÉ PAR LE THÉÂTRE DES ALBERTS, LE FESTIVAL

DE MARIONNETTES TAM-TAMA INVESTI L’ESPACE LECONTE DE LISLE

AINSI QUE TOUT LE TERRITOIRE DE L’OUEST EN OFFRANT

UNE BELLE PROGRAMMATION SUR UN MOIS COMPLET DE LA MI-SEPTEMBRE

À LA MI-OCTOBRE.

TAM-TAM

vos impressionsau sujet de

tam-tamsur www.

batcarre.com

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ESPACE PHOTO

EDGAR MARSY

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THIERRY HOARAU

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« CE MUSÉE EST À L’IMAGE DE SA CONSERVATRICE, AIMABLE ET LUMINEUX, ON A ENVIE D’APPRENDRE ! » C’EST AINSI QUE LE MINISTRE DE LA CULTURE FRÉDÉRIC MITTERRAND QUALIFIE, LORS DE SA VISITE EN AVRIL DERNIER, LE MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE DE LA RÉUNION, OÙ SE PROLONGE LE VOYAGE DE LAPÉROUSEQUI A REÇU LE LABEL D’EXPOSITION D’INTÉRÊT NATIONAL. UNE CONSÉCRATION EN QUELQUE SORTE POUR SONIA RIBES, LA CONSERVATRICEPÉTILLANTE DE JEUNESSE QUI EST AUSSI UNE GRANDE EXPLORATRICE. FEMME PASSIONNÉE, TRÈS EXPERTE DANS SES DOMAINES D’INTERVENTION,ELLE PARLE AVEC FOUGUE DE SON MÉTIER, DE SON CHAMP D’EXPLORATION ET DE SON BESOIN DE TRANSMETTRE AU PUBLIC TOUTES SES DÉCOUVERTES. ET TOUT ÇA, AVEC UN GRAND SOURIRE, MALGRÉ LE TEMPS QUI PASSE ET LE TRAVAIL QU’ELLE NE PEUT PAS ACCOMPLIR TANT QUE VOUS LUI POSEZ DES QUESTIONS !

RENCONTRE

SoniaRibes

la grande exploratrice

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGEPORTRAIT JEAN-NOËL ENILORAC

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« JE SUIS UNE FILLE DE LA MER, OCÉANOGRAPHE DE FORMATION ET PAR PASSION. J’AI FAIT MA THÈSE SUR LES RÉCIFS CORALLIENS DE SAINT-GILLES-LA SALINE, ET JE ME SUIS TOUJOURS IMPLIQUÉE DANS LA PROTECTION DE CE PATRIMOINE MARIN NATUREL. »

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« JE SUIS UNE FILLE DE LA MER, OCÉANOGRAPHE DE FORMATION ET PAR PASSION. J’AI FAIT MA THÈSE SUR LES RÉCIFS CORALLIENS DE SAINT-GILLES-LA SALINE, ET JE ME SUIS TOUJOURS IMPLIQUÉE DANS LA PROTECTION DE CE PATRIMOINE MARIN NATUREL. »

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L’EXPOSITION LAPÉROUSE EST UN GRAND SUCCÈS, ELLE A MÊME ÉTÉ PROLONGÉE JUSQU’EN 2012 ?

Oui, c’est un grand succès ! L’expo a été prolongée jusqu’à fin juin 2012. En août, on comptabilisait40 000 visiteurs, et nous avons été obligés de prolonger, car il restait encore beaucoup de projetsavec les classes. Nous avons voulu apprendre aux enfants à décoder l’exposition comme s’il s’agissaitde lire un livre. Nous avons monté des dossiers pédagogiques pour les enseignants, et des cyclesde conférence en complément. L’exposition est conçue en trois parties : la partie historique quiretrace le contexte de cette première expédition scientifique française à travers le monde, commandéepar Louis XVI ; ensuite la reconstitution du quai d’embarquement avec les caisses, la cargaison,chaque objet à la place qui lui est due. Et enfin, à l’intérieur du navire, la vie à bord avec les différentsscientifiques mis en scène comme si le visiteur faisait partie de l’expédition. J’avais bien spécifiédans ma commande au scénariste que je ne voulais pas de panneaux, je voulais une immersioncomplète.

QU’EST-CE QUI VOUS A MIS SUR LA PISTE DU VOYAGE DE LAPÉROUSE ?

Plusieurs facteurs conjugués. En premier lieu, je suis allée à titre personnel en Nouvelle-Calédonieet j’ai visité le Musée de l’Histoire Maritime dont une partie des expositions est consacrée àLapérouse. J’ai pu faire la connaissance et sympathiser avec Valérie Vattier, la directrice de ce musée.En second lieu, l’UNESCO proclame l’année 2010 Année Internationale de la biodiversité, et laFrance a répondu à cet appel en déclarant la biodiversité cause majeure. Je me trouvais naturellementconcernée pour avoir consacré plusieurs expositions et publications sur ce thème. Et enfin, j’aiparticipé au grand programme sur dix ans d’expéditions naturalistes « La Planète Revisitée » sousl’égide de Philippe Bouchet, Professeur au Muséum National d’Histoire naturelle, en charge desgrandes expéditions. Ce vaste programme est principalement financé par la Fondation Albert II deMonaco et la fondation Total. Ces expéditions menées récemment montrent qu’en 2010, comme en1785, on doit prospecter, ramasser, trier, collecter et étudier. En revanche, en 1785, on découvrait lemonde tandis qu’aujourd’hui, il est urgent de décrire des espèces avant qu’elles ne disparaissent. Ily a donc un lien avec Lapérouse et le concept de biodiversité, même si le mot a été inventé en 1984seulement, par le biologiste américain Edward Wilson. Je me suis donc dit qu’il était intéressant detraiter le sujet sous l’angle historique plutôt que sous l’angle du rapport de l’homme à la nature. Le18e siècle est effectivement le siècle des voyages scientifiques. Les grandes expéditions, commecelle de James Cook avant celle de Lapérouse, partaient explorer la Terre avec des savants et desérudits. C’est ce que nous avons voulu montrer, le volet historique de la biodiversité. Et puis, unesorte de clin d’œil à l’histoire, car Lapérouse avait un lien avec Les Mascareignes où il rencontre safemme Louise Éléonore Boudrou alors qu’enseigne de vaisseau, il fait escale en 1773 à l’île de France(île Maurice) et à Bourbon (île de La Réunion) dans un périple vers les Indes. Louise est une trèsbelle jeune fille qui vient d’avoir dix-huit ans, il en a quinze de plus. Les familles s’opposent radicale-ment à leurs amours. Il faudra attendre dix longues années de fiançailles avant que le mariage n’aitlieu, en juillet 1783. Deux ans plus tard, Éléonore est enceinte, mais perd l’enfant tandis que son mariest déjà parti dans cette grande expédition.

RACONTEZ-NOUS LES COULISSES DE CETTE AVENTURE :

Tout d’abord, il faut préciser que cette exposition sur le Voyage de Lapérouse est le fruit d’unecollaboration entre la Nouvelle-Calédonie et La Réunion, ce qui est fort bienvenu dans l’année desoutre-mer (2011) !

RENCONTRE

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Une exposition, c’est avant tout une belle aventure humaine. C’est l’histoire de toute une équipe, unevingtaine, en effervescence permanente durant plusieurs mois. C’est un travail colossal, je dors àpeine, nous sommes tous sur le qui-vive, mais j’adore ce temps-là. Il y a un grand stress, maisbeaucoup de complicité et d’humour aussi. Le muséographe François Aulas et le scénographeGilles Courat ont tout de suite capté ce que je voulais. L’idée de la cale du bateau s’est imposée trèsvite, par exemple. Nous l’avons réalisée en quinze jours seulement. Tout est flottant, car nous sommesdans un musée classé monument historique, il fallait imaginer un système entre le sol et le mur quisoit solide et aux normes de sécurité pour recevoir le public. Tout a été fabriqué ici. La cale du bateauest en bois de cryptomeria. Je trouvais ça très beau et je voulais le garder tel quel, mais j’ai vite étéremise dans la réalité de ce que nous voulions produire : « Mais Sonia, ce n’est pas un chalet suisse ! »Le bois a donc été teinté pour refléter au mieux l’ambiance d’un bateau... Sur le papier, tout est évident,mais quand nous passons à la réalisation, il y a de sacrés écarts. Et ce qui est formidable, c’est l’énergieque met toute l’équipe, chacun à son niveau, pour trouver des solutions. Lorsque par exemple, nousavons reçu les mannequins, ils étaient bien trop beaux pour ressembler à des marins de l’époque,il a fallu les « balafrer ». Le maquilleur Cyrille a rajouté des joues et façonner quelques cicatricessur le visage. Le jour où Valérie est arrivée avec la caisse contenant les objets venant de Nouvelle-Calédonie - elle l’a convoyée par avion - ce fut un grand moment. Il y a eu des moments plus difficiles.Un matin, François (Aulas) s’est blessé. Nous sommes partis aux urgences, quatre points de suture.L’après-midi, nous étions revenus sur le chantier. Pas le temps de souffler. L’après-midi même, c’estCyrille qui a failli s’empoisonner. Heureusement, il a eu les bonnes réactions. On a appelé le centreantipoison quand même. La veille de l’inauguration, nous avons fini à minuit... Le lendemain, ce futl’apothéose, toute l’équipe était habillée en costume d’époque, marquis, duchesses, nous avionsbelle figure !

VOUS ÊTES VOUS-MÊME UNE GRANDE EXPLORATRICE ?

Pour la petite histoire, je me suis remise à la plongée sous-marine il y a deux ans, pour une missiond’inventaire de la biodiversité marine dans les îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie. Un vrai défi ! Mais,j’étais très enthousiaste de faire cette expérience, car je connais bien les fonds de l’océan Indien,et je découvrais ceux du Pacifique. Des moments merveilleux. J’ai voulu restituer cette connaissancede la biodiversité récifale à travers une exposition présentée dans chacune des îles Loyauté et unlivre qui vient d’être imprimé et qui va être distribué dans toutes les écoles.

« J’AI TOUJOURS CE SOUCI : LA SCIENCE CE N’EST PAS QUE POUR LES SCIENTIFIQUES »

Sinon, j’ai fait partie des équipages sur le Marion Dufresne, j’avais une trentaine d’années. Dans le cadrede la planète revisitée, j’ai participé à deux missions à Madagascar, l'une hauturière à Nosy-Bé (en2009 et l'autre côtière à Fort Dauphin (en 2010). Nous recherchions à faire l’inventaire de la flore etde la faune d'une région où se rencontrent des espèces tropicales comme à La Réunion, et tempéréescomme en Afrique du Sud. Et on a découvert de nouvelles espèces. Les campagnes sur un bateaude recherche sont des moments très intenses. De 5 à 19 heures, nous étions sur le pont. Lorsque ladrague ou le chalut arrivait, il fallait aller vite, nettoyage des poissons et autres animaux marins, tri,mise en alcool (ou formol), photos. Entre deux chaluts, nous échangions entre scientifiques d’horizonsdifférents...quand certains n’avaient pas le mal de mer ! En 2007, je suis partie avec une équipepluridisciplinaire de dix scientifiques sur la goélette Antsiva, en cabotage près de Nosy be et desîles malgaches, du Canal du Mozambique jusqu'à Juan de Nova, aux îles éparses, Il s'agit à chaquefois de faire avancer la connaissance sur la faune et de compléter les collections du musée. En 1990,lorsque j’ai pris la direction du Muséum, le fonds du musée comptait 12 000 spécimens, aujourd’hui

un avissur l’expolapérousesur www.

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il y en a plus de 40 000. En privilégiant la constitution d'une collection de référence de la faune desîles de l'océan Indien occidental, il nous sera plus facile de faire comprendre au public les liens entreles différentes espèces de la zone et leur évolution. Faire du terrain permet aussi de restituer plusaisément les informations lorsque nous devons faire des expositions.Mais, le plus bouleversant de tout, sans aucun doute, a été la découverte des poissons abyssauxaprès l’explosion du volcan de la Fournaise en 2007. C’était une ambiance apocalyptique. Trois centsspécimens sont collectés à la surface par les chercheurs de l'ARVAM et de l'Aquarium de La Réunion.Une première identification par Patrick Durville et Thierry Mulochau de l'Aquarium a montré quenous avions affaire à des poissons inconnus. Le Muséum d'Histoire Naturelle décide alors de fairevenir un ichtyologue qui connaît bien cette faune pour l'avoir déjà étudiée lors de la campagne océa-nographique sur le Marion Dufresne, Jean-Claude Quéro. Au final, c'est quarante-cinq espècesnouvelles pour La Réunion dont treize à l’échelle de la planète. Ça n’arrive jamais ! Les espècesnouvelles ont été envoyées aux spécialistes de certaines familles à Cape Town, au Danemark...une belle collaboration scientifique pour une sacrée découverte !

EN COMPLÉMENT DE TOUTES CES ACTIVITÉS, VOUS ÉDITEZ ÉGALEMENT DES OUVRAGES DESTINÉS AU GRAND PUBLIC SUR LES RÉSULTATS DE VOS RECHERCHES. VOUS AVEZ OBTENU LE PRIX DU LIVRE INSULAIRE À OUESSANTDANS LA CATÉGORIE BEAUX LIVRES.

C’est toujours cette volonté de transmettre les connaissances ! J’ai d’abord commencé avec les animauxdes jardins créoles, fruit d’observations familiales dans le jardin. Ensuite, les poissons des récifscoralliens avec Patrick Durville chez Océan Editions. Puis, les animaux des récifs coralliens. En 2008,le Muséum a publié un coffret collectif sur la biodiversité à La Réunion dont j'ai assuré la coordinationscientifique et écrit quelques livrets. C'est ce coffret qui a obtenu le prix Ouessant. Actuellement, nouspréparons avec quelques scientifiques un livret sur les échinodermes de la Réserve NaturelleMarine... Oui, j’ai attrapé le virus !

VOUS ÊTES ÉGALEMENT PRÉSIDENTE DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE LA RÉSERVEMARINE…

C’est une longue histoire ! La réserve a été créée en 2007 suite à un constat réalisé par les scienti-fiques qui tirent la sonnette d’alarme, car depuis la fin des années 1970 les récifs se dégradent àgrande vitesse. La réserve marine a pour objectif de concilier préservation des récifs et activitéshumaines. Il ne s'agit pas de mettre les récifs sous cloche. Nous essayons de faire vivre cette relationpour que la réglementation des usages soit en adéquation avec le milieu. Et il est important quel'usager appréhende au mieux une biodiversité, par bien des facettes, exceptionnelle. Sait-on parexemple que la richesse en espèces de coraux est presque équivalente à celle de la PolynésieFrançaise, dont le territoire est bien plus vaste ? La biodiversité des récifs, c’est aussi notrepatrimoine, qu'il est impératif de transmettre aux générations futures.

ET VOTRE POSITION CONCERNANT LES RÉCENTES ATTAQUES DE REQUINS ?

Il est urgent de parfaire notre connaissance sur la biologie et l'écologie des requins de notre île.

RENCONTRE

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Si, comme eux, vous souhaitez partager votre passionen exposant dans cette rubriquevos photos préféréesprises dans la nature,contactez-nous surwww.batcarre.com

VINCENT DUNOGUÉ, GÉOMÈTRE DU CADASTRE DE SON MÉTIER, ET GAETAN HOARAU, PROFESSEUR DE PHYSIQUE, SE SONT PASSIONNÉSPOUR LE VOLCAN, NOTAMMENTLORSQUE LA PLAINE DES SABLES A FAILLI ÊTRE DÉCLASSÉE DU DOSSIERPATRIMOINE DE L’UNESCO À CAUSED’UN PROJET DE GÉOTHERMIE. DEPUIS, ILS EXPLORENT SOUVENT LES TUNNELS DE LAVE GRÂCE À DES AUTORISATIONS EXCEPTIONNELLES,CAR C’EST INTERDIT AU PUBLIC. ILS NOUS RAMÈNENT DE LEUR DERNIÈRE EXPÉDITION, EN AOÛT 2011, CES PHOTOS FABULEUSES PRISES DANS LES BOYAUXDE LA COULÉE MYTHIQUE DE 2007.

HORIZON SAUVAGE

Dans les entrailles du volcan

PHOTOGRAPHIE VINCENT DUNOGUÉ & GAETAN HOARAU

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HORIZON SAUVAGE

ILS EXPLORENT SOUVENT LES TUNNELS DE LAVEGRÂCE À DES AUTORISATIONS EXCEPTIONNELLES,

CAR C’EST INTERDIT AU PUBLIC

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Dans le tunnel

qui mène au cœur

de la coulée de 2007

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LES BALEINES À BOSSE APPARAISSENT DANS LES RÉCITS DES MARINS DE TOUS LES TEMPS.LE SPECTACLE DE CES GIGANTESQUES CRÉATURES BONDISSANT HORS DE L’EAU DEVAITLEUR SEMBLER FASCINANT ET, SANS DOUTE, QUELQUE PEU EFFRAYANT. ELLES SONT À L’ORIGINE DE CERTAINS MYTHES MARINS, DE MONSTRES ET DE SIRÈNESQUI CHARMAIENT LES NAVIGATEURS PAR LEURS CHANTS. POUR AUTANT, CES MASTODONTESGÉNÉRALEMENT CURIEUX DES OBJETS DE LEUR ENVIRONNEMENT S’APPROCHENT VOLONTIERS DES BATEAUX ET TOURNENT AUTOUR, D’OÙ CET ENGOUEMENT POUR LE TOURISME D’OBSERVATION (WHALE WATCHING). LA RÉUNION, DONT LES EAUX SONT DE PLUS EN PLUS FRÉQUENTÉES PAR CES MAMMIFÈRES MARINS, N’ÉCHAPPE PAS À CETTE RÈGLE…

plaisanciers. Les observations avaient lieu depuisla côte, un évènement qui continue de susciterattroupements et bouchons !

Il faut dire aussi que jusqu’en 2007, seule une ving-taine de spécimens étaient repérés autour de l’île.Depuis 2008, ce chiffre est passé à plus de 80 pouratteindre les 126 en 2010, des données que l’on doità Globice, association née en 2001. Après avoir envisagé la théorie d’un réchauffementdes eaux, les scientifiques pensent aujourd’hui quecette hausse de fréquentation serait plus vraisem-blablement due à l’arrêt de la chasse, il y a 25 ans.

Si la baleine est donc actuellement un animalprotégé par décret, certains voient dans le whalewatching une nouvelle menace pour l’animal. Lamanne financière que représente cette activitémultiplie les approches désorganisées, ce quidérange la tranquillité des animaux et engendremême dans certains cas des blessures. Pour tenter de canaliser cet afflux, Globice aélaboré une charte d’approche, cosignée par leSyndicat professionnel des activités de loisirs de

Mais cette pratique demeure récente. Il y a encorequelques années de cela, l’observation des grandscétacés était l’apanage des scientifiques de la merbénéficiant de la logistique nécessaire. Le temps,peut-être, que la baleine change de statut et passede monstre marin à celui de géant débonnaire.Et puis, qui ne se souvient des premières imagesde Greenpeace relatant les épisodes sanglantsde cette chasse inutile ? C’est au début des années 90 que le tourismed’observation des baleines s’est développé unpeu partout dans le monde. Parmi les sites lesplus connus, citons la côte pacifique américaineau large de l’État de Washington, de Vancouveret de l’Alaska, le Golfe de Gascogne en France, laBaie de Byron au large de Sydney, la Nouvelle-Angleterre, la baie de Skjálfandi à Húsavík enIslande, le Golfe du Saint-Laurent au Québec, leGolfe de Guinée le long des côtes du Gabon oul'île Sainte-Marie à l’est de Madagascar. Chez nous,cet emballement pour les grands cétacés s’estfait plus graduellement. Jusqu’à ces dernièresannées, les rencontres avec les baleines étaient lefruit du hasard et réservées aux pêcheurs ou aux

EXPERIENCE DURABLE

la saisonTEXTE STÉPHANE MAÏCON - ILLUSTRATION YANN TAFANEL

des baleines

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l’Aquarium de La Réunion, le Muséum d’histoirenaturelle, la Direction régionale de l’environne-ment, la Brigade nature Océan Indien, l’Officenational de la chasse et de la faune sauvage, laRéserve naturelle marine, Kélonia et quelquesvétérinaires. Les données collectées seront trans-mises au Réseau national d’échouage en lien avecle Centre de recherches sur les mammifèresmarins de La Rochelle.

Pour l’association, la saison 2011 est une véritablecatastrophe en matière d’approche touristique. « L’intérêt suscité par les cétacés engendre uneénorme pression sur les animaux », affirmeLaurentMouysset, responsable administratif de Globice.« Nous avons parfois repéré une vingtaine debateaux autour d’une baleine. Ces phénomènesd’encerclement génèrent stress et désorientation.La charte d’approche, censée limiter l’impact del’Homme sur l’animal, n’est pas ou peu respectée.Il semble évident que nous nous dirigeons versdes mesures plus restrictives. Pour autant, il nenous revient pas de légiférer à ce sujet. C’est auxpouvoirs publics qu’il incombe de prendre desresponsabilités ».Des propos nuancés par l’association Abyss,fondée en 2009 et tournée, au contraire, vers le tou-risme scientifique et le contact avec les baleines. « Force est de constater que la répression nefonctionne pas », déclare Fabrice Schnöller,fondateur de l’association Abyss. « Pour respec-ter un animal, il faut éprouver de l’empathie à sonégard, avoir envie de le comprendre. Pour y arriver,rien ne remplace le contact ».Et c’est ainsi que cet ingénieur du BTP a découvertsa passion pour les baleines.« Je devais convoyer un voilier de La Réunion àMaurice. En pleine mer, nous sommes tombéssur un banc de cachalots. Nous nous sommesmis à l’eau et nous sommes allés nager avec eux.Ce fut un véritable électrochoc ! Abyss est néede cette expérience. Il fallait absolument que jepuisse revivre cette rencontre, mieux préparé,mieux équipé ».Quelques mois plus tard, Fabrice décrochaitun master en biologie et créait Planète Nature,« pour avoir des horaires plus souples et retour-ner en mer le plus souvent possible. Aujourd’hui,j’y suis au moins deux fois par semaine ».Pourtant, Abyss ne fonctionne pas comme unsimple club de sorties en mer. En effet, chaqueparticipant devient membre de l’association.

l’île et le préfet Pierre-Henry Maccioni, en juin2009. Elle stipule que dans un rayon de 300 m, lesbateaux doivent passer au ralenti, sans approcherpar l’arrière, ni couper la route de la baleine. Dans un rayon de 100 mètres, les moteurs desembarcations doivent être à l’arrêt. Elles nedoivent jamais être plus de cinq autour d’unmême animal et toujours du même côté.

Deux ans plus tard, le comportement des plai-sanciers s’est aggravé et le nombre de bateauxnaviguant au plus près des cétacés n’a fait qu’aug-menter ! Face à ces débordements, certains, àl’image de Globice, préconisent plus de répres-sion, voire l’interdiction, tandis que d’autres, commel’association Abyss, sont pour une approche plusraisonnée et mieux accompagnée.

DEUX APPROCHES DIFFÉRENTES

Il faut dire que la vocation de Globice n’est nulle-ment d’emmener des touristes au contact desbaleines, mais bien de sensibiliser le public quantà la protection des mammifères marins et de leurmilieu. Ces campagnes pédagogiques visent toutautant les scientifiques que les profanes, les sco-laires constituant à ce propos une large audience.Pour ce faire, l’association utilise de nombreuxmoyens : conférences, formations auprès des pro-fessionnels, jeux vidéos, quizz, fiches pédago-giques, films…

L’autre mission de Globice est avant tout scienti-fique. À longueur d’année, et plus particulièrementlorsque les baleines sont présentes le long de noscôtes (de mai à octobre), l’association met en placedes protocoles de prises de données et surveillentl’évolution des effectifs. Des renseignements quiseront communiqués à la Commission baleinièreinternationale (CBI) qui les intègrera aux stocksmondiaux. Pour repérer les différents spécimens,Globice a privilégié la signature caudale. En effet,en photographiant la nageoire caudale du cétacéau moment où il sonde, il est possible d’en établirune carte d’identité. En recoupant les données récoltées avec lesautres instances de la zone océan Indien, il serapossible de suivre les parcours des individus« matchés ».Enfin, l’association est, à La Réunion, le référentdu « réseau-échouage », en partenariat avec

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Nous insistons auprès de nos touristes sur le faitque cette sortie n’est pas un pur produit de consom-mation. Nous avons fréquemment constaté uneréelle frénésie photographique à l’approche descétacés, chacun désirant être figé devant unebelle caudale ou un souffle. Nous leur expliquonsque la sortie est filmée, que tous auront leursimages et qu’en attendant, ils peuvent se rendreutile sur le bateau ».Abyss se distingue également par son projetscientifique. Au lieu d’identifier les baleines parleur nageoire caudale, l’association étudie lessignaux sonores émis par les cétacés. FabriceSchnöller s‘est d’ailleurs lancé dans la conceptiond’appareils de monitoring acoustique et de géo-localisation, du matériel qui permet de connaîtrela position d’un animal en temps réel, grâce auxsons qu’il émet. A terme, ces appareils permet-tront aussi d’établir une carte d’identité sonorepropre à chaque individu.

Titulaire d’un brevet de guide de randonnée enapnée, chaque encadrant délivre au néophyte lesclés du bon comportement à adopter.

« Pour voir une baleine, il faut s’en donner letemps. Il est certain que lorsque l’on n’a qu’uneheure ou deux, le pire est à craindre. Nous pre-nons au moins une demi-journée. Lorsque nousrepérons une baleine, nous nous mettons à l’eau.Si elle sonde, nous attendons de voir si elle remonte.Si elle fait surface au même endroit, elle noussignifie que nous ne la dérangeons pas. Si elleremonte 200 m plus loin, c’est qu’elle ne voulaitpas nous voir et, dans ce cas, nous n’insistons pas.Ce que nous souhaitons, c’est la rencontre. Et pourêtre accepté, il ne faut pas gêner. L’animal choisitde venir et non l’inverse. C’est une question de bonsens. Imaginez-vous poursuivi par un inconnu. Ily a de quoi prendre la fuite !

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Mais aujourd’hui, ceux qui l’interprètent et l’appli-quent rendent le plus mauvais des services auxbaleines. A moins de délibérément l’attaquer, unnageur ne peut en aucun cas déranger une baleine :elle peut s’éloigner de lui sans difficulté et il n’ypourra rien changer ! Au contraire, les images sous-marines de baleines ont une influence très impor-tante sur le public, et leur rendent un immenseservice. »

« Nous voulons sortir de cette querelle de chiffres »,poursuit Jérôme Raimbault, actuel président d’Abyss.« Il faut arrêter de compter les baleines, la CBI s’enoccupe déjà. D’autant que ce n’est pas parce quel’on ne voit pas une baleine qu’elle n’est pas dansles parages de notre île, mais peut-être plus aularge. Il nous semble plus judicieux d’apporterde nouveaux moyens d’études. Essayons plutôtde comprendre pourquoi un spécimen va venirspontanément vers nous, tandis qu’un autre fileradans le bleu. En ce sens, le langage des cétacésnoussemble être une piste intéressante à explorer ».Pour mieux comprendre l’esprit qui anime Abyss,plongeons-nous dans cette citation de Roger Payne,scientifique mondialement reconnu et acteurmajeurde l’arrêt de la chasse à la baleine : « Je rêve d’unfutur où les baleines et les hommes pourront mul-tiplier les rencontres. Cela n’arrivera pas aux USAparce que c’est interdit. Je suis conscient de l’objectifinitial de cette loi (j’ai participé à sa création), et ellea le mérite d’exister et de protéger les baleinesdes inconscients (et l’inverse).

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commentairessurwww.

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VOYAGE - VOYAGE

Shan ghaiTEXTE FRANCINE GEORGEAVEC LA COLLABORATION DE MICHEL HÖSSLER DE L’AGENCE TERPHOTOGRAPHIE ANNE GIROUD & MARC DANGUY

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Shan ghaila ville monde

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VOYAGE - VOYAGE

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BAT’CARRÉ À L’EXPO UNIVERSELLE DE SHANGHAI

L’exposition 2010 est sans doute celle du gigan-tisme à l’image de ce que fut l’exposition univer-selle de 1900 où le métro parisien a été inauguré,ou bien celle de 1889 qui permit à l’ingénieurEiffel d’imposer sa tour. Aujourd’hui, les exposi-tions universelles ne cherchent plus à mettre enscène le monde industriel ou les technologies,mais à révéler les innovations qui tendent vers lebien-être, qui vont augmenter la qualité de vie,c’est le thème de l’exposition de Shanghai : Better city, better life. Le terrain de 5,28 km2 a étéaménagé sur un ancien chantier naval entre lesponts Nanpu et Lupu le long du fleuve Huangpu.Des années de travaux, 65 000 personnes dépla-cées à la périphérie, une pollution accrue par leschantiers dans tout le cœur de la ville. Tout a étémis en œuvre pour faire de cette expositionl’événement du siècle. Près de 80 000 bénévolessur le site, une organisation gigantesque pourrecevoir une centaine de millions de visiteurs ethéberger 246 participants (pays, organisationsrégionales).

SHANGHAI VEUT RENOUER AVEC SESHEURES DE GLOIRE DU TEMPS DES AN-NÉES FOLLES. CENTRE ÉCONOMIQUEDES GRANDES COMPAGNIES INTERNA-TIONALES, LA VILLE S’ACTIVAIT JOUR ETNUIT À LA BELLE ÉPOQUE. UNE MASSED’IMMIGRANTS DÉBARQUAIENT DES QUA-TRECOINS DU MONDE EN RÊVANT DE SEFAIRE UNE PLACE AU SOLEIL. MAUDITEPENDANT LA RÉVOLUTION CULTURELLEPOUR AVOIR FLIRTÉ AVEC LE CAPITA-LISME, LA VILLE S’EST TOTALEMENT EN-DORMIE. IL Y A VINGT ANS, LE CENTRED’AFFAIRES DE PUDONG EN PASSE DEDEVANCER CELUI DE LA BIG APPLE, ÉTAITUN VASTE TERRAIN VAGUE. AUJOURD’HUI,LES TOURS LES PLUS HAUTES DU MONDERIVALISENT D’AUDACE ET D’INNOVATIONPOUR ESSAYER DE TOUCHER LES ÉTOILES.L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 2010DONNE À SHANGHAI L’OCCASION D’AC-CÉLÉRER SA CROISSANCE. DES SOMMESCOLOSSALES ONT ÉTÉ INVESTIES POURCONSTRUIRE DE NOUVELLES INFRASTRUC-TURES, RÉALISER LES AMÉNAGEMENTSURBAINS, RÉNOVER LES QUARTIERS AN-CIENS DU CENTRE VILLE. UN NOUVEAUMONDE EST À SHANGHAI EN TRAIN DE SEMETTRE EN PLACE.

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LES PAVILLONS DU MONDE

Le pavillon de la Chine, trois fois plus haut queles autres, marque l’entrée. Visible à perte de vue,cette pagode inversée, ou « couronne orientale »,conçue par l’architecte He Jingtang, met en scènela puissance de la culture chinoise, l’art du jardin,de la calligraphie, la couleur rouge hautementemblématique du palais impérial de la CitéInterdite, les 56 dougongs 1 sur le toit représentantles différentes ethnies chinoises. Pavillon inac-cessible, le quota de visiteurs était rempli dessemaines à l’avance ! La plupart des pays ont déployé toute leur ingé-niosité pour présenter des pavillons aux formesles plus originales, comme la grosse bulle rosedu pavillon japonais toute droite sortie d’un mangaou les dunes de sable de l’Arabie Saoudite, lapiste cyclable du Danemark, le téléphérique dela Suisse, la gigantesque mosaïque de couleursdu pavillon coréen, le Kremlin stylisé du pavillonrusse... Tous avaient comme contrainte de fairepasser au minimum 6 000 visiteurs à l’heure sansautre choix technique que le colimaçon ou la

Une marée humaine composée à 95 % de Chinoisa donc envahi le site du 1er mai au 31 octobre2010. Ces Chinois venus de toutes les provincesn’auront peut-être pas l’occasion de voyager. 189pays distinctifs représentés, le monde s’offre àeux ! En s’armant de patience ! Un minimum dedeux à quatre heures de queue pour une visitede tout au plus un quart d’heure dans chaquepavillon. Très dociles, pratiquant néanmoins l’artde resquiller, les Chinois serpentaient avec persé-vérance dans les files d’attente, munis de leur petitsiège pliable, reposoirs d’un instant. Équipés dupasseport de l’expo, ils refaisaient la queue pourobtenir le tampon du pavillon visité avant d’ensortir. Une grande avenue sur deux niveaux tra-versait le site. Sur la partie haute, la vue panora-mique était ponctuée d’une myriade d’ombrellesmulticolores. Sur la partie basse, de nombreusesfamilles se reposaient ou se restauraient à l’om-bre. Parfois des escadrilles de militaires avan-çaient au pas cadencé, suivies des heureux élusallant visiter le pavillon de la Chine.

1 Pièce

de construction

en bois

spécifique

à l’architecture

chinoise

© M

arc

Dan

guy

À l'intérieur du pavillon de la Grande-Bretagne

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En tout état de cause, le succès de l’exposition adépassé les espérances, un musée à la gloire del’expo devrait bientôt voir le jour.

LE PAVILLON DE LA FRANCE

Le pavillon de la France est un des rares pavillonsavec les pavillons italien, russe et celui de l’ArabieSaoudite à ne pas disparaître après l’exposition.Et bien évidemment, le pavillon de la Chine qui ade nouveau ouvert ses portes aux visiteurs.L’équipe retenue pour le concours, l’architecteJacques Ferrier et le paysagiste Michel Hösslerde l’agence Ter, ont répondu au thème de la Villesensuelle. Que peut-on attendre de la France dansle monde et en particulier, en Chine ? Le roman-tisme à la française ! Alain Delon, adulé en Chine,en était le parrain. Le pavillon français a innovéen proposant une structure sobre en résille et unjardin à la verticale, nature luxuriante qui sedéploie dans la cour intérieure. « La structurelosangée va paraître très fine tout en jouant son

pente montante et descendante. Les plus grandessurprises sont venues, en fait, des scénographiesintérieures. Écrans géants pour raconter la vie,décoration sens dessus dessous, le sol au pla-fond, la mise en scène du design pour la Suèdeou des matériaux comme le bois pour le Canada.Une des scénographies les plus impressionnantesest sans aucun doute celle de l’Espagne, enve-loppée de pannes d’osier naturel. À l’intérieur, unimmense boyau vous avale en projetant des scènesdont la succession d’images provoque des effetsde surprise, comme l’encensoir qui se balancetout à coup au milieu des spectateurs, le rougede la corrida qui enflamme l’écran, et le flamencoqui devient vivant sur scène. Avant la sortie, ungros bébé kitsch pleure et rit en interactivité avecle public. La Grande-Bretagne est aussi sortie dulot avec son cube formé de 60 000 tiges en plexi-glas à l’intérieur desquelles sont enfermées desgraines différentes, destinées à préserver lanature. Un contre- sens pour certains qui estimentque cette « cathédrale mortuaire » ne peut enrien préserver la nature qui, par essence, doitrester vivante.

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successifs, très subtil, et on a du mal à imaginerque les tours de Pudong se situent à peine à dixminutes de là. Chaque pierre, chaque arbre, chaquefleur porte une signification que nous ignorons.Le jardin chinois est source de raffinement, despiritualité et c’est cette ambiance que nousavons essayé de capter et de restituer. » Un vraidéfi ! Michel Hössler, avec son équipe est doncparti à la recherche des valeurs emblématiquesde la France, à transmettre et à revisiter. « Nousavons voulu nous ancrer dans l’histoire. Le jardinde Le Nôtre à Versailles s’est imposé avec sesperspectives, ses plans d’eau et ses parterres debroderie composés de buis dans lequel s’insè-rent des motifs de couleur. En fait, les parterresétaient dessinés pour être vus par le roi de sonlit. Sa chambre se trouvait au premier étage avecune vue plongeante dessus. Nous avons doncimaginé redonner cette perspective, mais à laverticale et nous avons modernisé la géométrie,loin des arabesques du XVIIe siècle, en optantpour une géométrie qui rend compte de notreépoque, le dessin d’un circuit imprimé. Une ré-interprétation du jardin à la française sans effet

rôle structural. Elle va traduire cette idée desensualité et montrer que ce qui est techniquepeut avoir une dimension poétique » expliquel’architecte Jacques Ferrier, accompagné de sadirectrice de projet Pauline Marchetti. En effet, lematériau, du béton mélangé à des fibres deverre, offre un toucher velouté dont la couleur vaprendre la patine du temps. Michel Hössler revient, pour nous, sur la démarchequi a abouti à la conception de ce jardin vertical,point d’orgue du pavillon français. « L’idée de départ était d’accueillir dans un jardin.Mais il fallait prendre conscience qu’en Chine,l’art du jardin appartient comme l’art de la calli-graphie et l’art de la poésie, aux arts sacrés. Qu’est-ce que l’on veut donner comme image dela France aux yeux du monde, mais aussi auxyeux des Chinois qui sont passés maîtres dans laconception des jardins ? Lorsque vous allez vouspromener dans le jardin de Yu, par exemple, vousne pouvez pas rester insensible à la magie dulieu. Dans ce bazar reconstruit à l’identique, lejardin de Yu créé en 1559, est un havre de paix.On est devant un tableau avec un jeu de plans

© A

nne

Giro

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Un grand sourire souligne la satisfaction d’avoirréussi malgré toutes les difficultés du chantier :« J’aime bien cet effet ! »La terrasse est le départ du jardin qui tombe endrapé pour s’évanouir au sol composé d’un pland’eau rétractable, miroir de ce jardin intérieur quireproduit les lignes d’un circuit imprimé. Autregrande innovation, par rapport aux murs végé-taux collés comme sur la façade du musée Branly,les panneaux de plantes sont visibles recto et versoavec des arrangements de couleur selon l’endroitoù ils se trouvent. En d’autres termes, d’en hautsur la terrasse ou d’en bas près du plan d’eau lejardin se déploie, mais aussi à l’intérieur, sur toutle parcours scénographique, avec d’autres cou-leurs et d’autres sensations. La fraîcheur du jardin,la gamme des couleurs participent à l’éveil dessens que la scénographie a voulu interpréter ; àl’extérieur les drapeaux style colonne de Buren,dans le patio, des sculptures et notamment le LostDog de l’artiste Aurèle en plantes dépolluantes,à l’intérieur, des œuvres exposées du muséed’Orsay... Un immense succès au final, et le pavillon de laFrance va devenir une résidence d’artistes.

pastiche avec, nous aussi, un art inventif à propo-ser » et d’ajouter avec son humour sympathique« Et, de fait dans ce jardin du pavillon de la France,nous sommes tous rois ! »La terrasse est aussi une belle réussite. « Nousvoulions nous inscrire dans la ville et ne pasproposer, comme la plupart des autres pavillons,une boîte noire qui pouvait se trouver n’importeoù ailleurs. » La terrasse en lattes de bambous,inclinée, est à première vue un moutonnementde haies jusqu’à ce que les premiers visiteursarrivent et suivent le tracé en zigzag : « Je voulaisune déambulation perpétuelle, un décalage quicontraint le visiteur à s’imprégner des lieux, desdifférents angles sur le site de l’expo, sur la villede Shanghai. Cette déambulation est aussi uneréponse à la mise en scène des jardins chinoisqui subtilement font s’emboîter des scènes lesunes après les autres.» Une architecture deverdure qui s’inspire aussi de l’organisation dujardin à la chinoise. Ce n’est pas simple de passerde l’idée à la réalisation.

retrouvezles bonnes

adresses deshanghaisur www.

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À sa mort, le 9 avril dernier, après 60 ans d'unecarrière affreusement dévalorisée, Sidney Lumetn'a pas eu les honneurs qu'il méritait dans la pressenationale, sans doute trop occupée à fourbir lesplaques commémoratives du grand hommagerendu cette année à Stanley Kubrick par la Ciné-mathèque française. Il faut dire que Lumet n'a jamaisexercé sur le public, la critique ou les éruditsd'académie, la même fascination que les grandsallumés cultes, psychotiques et irascibles ducinéma moderne - Kubrick ou Coppola, pour neciter qu'eux. Aimable, ouvert, bienveillant, il sedémarque dès ses débuts d'acteur dans leBroadway des années 40, des futures légendesdu cinéma New Yorkais en se faisant virer dumythique Actor's Studio, qui formera Brando,De Niro, Pacino, James Dean, Kevin Spacey etd'autres grandes figures oscarisées. Il se méfiede l'accent mis par cette école radicale sur lesémotions violentes et la transformation physiquedans le jeu des comédiens.Rapidement attiré par la mise en scène, il déve-loppe une méthode plus nuancée, fondée sur ledialogue et un long travail de répétitions, qu'il

RETOUR SUR UN PATRIMOINE CINÉMATOGRAPHIQUE MAJEUR

En 2005, l'Académie des Oscars et le Festival duFilm de Savannah (Géorgie, USA) ont cru bonde remettre à Sidney Lumet, alors fraîchementoctogénaire, des récompenses honorifiques pourl'ensemble de son œuvre. Poliment, Sidney Lumetaccepta ces lots de consolation, attribués chaqueannée à des doyens longtemps boudés par leurspairs, histoire de rattraper le coup avant les ob-sèques. Quelques semaines plus tard, l'un destrophées fut retrouvé planqué dans un bosquetd'arbres bordant un carrefour de Brooklyn ; onignore toujours où se trouve l'autre. Sidney Lumetvenait de commencer à travailler sur son derniercoup de maître, « 7h50 ce samedi-là», qui s'ouvresur une belle scène érotique, crue et vivace,comme pour grogner, dans un orgasme : Je suisencore vivant ! Cet amusant pied-de-nez futl'ultime élégance du maître d'un cinéma natura-liste, discret, voué tout entier à l'art subtil de lanarration et qui a, désormais, presque absolumentdisparu outre-Atlantique.

87 ANS, 1,65 M, 43 LONGS MÉTRAGES POUR LE CINÉMA, 5 NOMINATIONS AUX OSCARS, 1 LIVRE CULTE : SIDNEY LUMET N'ÉTAIT PAS N'IMPORTE QUI. MORT EN AVRIL DERNIER À NEW YORK, IL RESTE L'UN DES GRANDS MAÎTRES LES PLUSSOUS-ESTIMÉS DU CINÉMA MODERNE. IL LAISSE DERRIÈRE LUI DES CHEFS-D’ŒUVREDISCRETS TROP SOUVENT ABSENTS DES RÉBARBATIVES SÉLECTIONS DES MÉDIAS ET DES SITES INTERNET SPÉCIALISÉS.

SEPTIEME ART

TEXTE FRANÇOIS GAERTNER

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H O M M A G Eà Sidney Lumet

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disco-funk adaptée du Magicien d'Oz, avec DianaRoss en Dorothy nunuche et Michael Jackson enmode « robot dance » dans le rôle de l'Épouvantail.Ce qui lui a valu une réputation d'irrégularité, lesbouderies de la critique snob et lui a fermé lesportes du Panthéon des cinéastes mythiques, endépit d'une imposante liste de chefs-d'œuvreinoxydables : 12 hommes en colère, Point Limite,Serpico, Network, Un après-midi de chien, LeVerdict, Q&A, A bout de course, 7h50 ce samedi-là.��

Sans jamais se proclamer « artiste engagé »,Sidney Lumet a réalisé quelques-unes desœuvresles plus acerbes et les plus justes sur la moder-nité (Network), la famille (Long voyage vers la nuit,À bout de course), le pouvoir de l'argent ou lacorruption du système judiciaire (Serpico, Leverdict, Contre Enquête, Le prince de New York).Surtout, sans frime, sans tour de force et sans dé-monstration technique, il a peaufiné tout au longde sa vie un style sobre qui ne sert qu'à porterses histoires, à mettre en valeur ses acteurs, là oùla plupart des grands réalisateurs encore enexercice ont fini par se livrer à la surenchère de

met en œuvre pour la première fois au cinémaen 1957 avec Douze hommes en colère, huisclos judiciaire épatant de simplicité tenant uni-quement sur les dialogues et la profondeur despersonnages. Sans coups de gueules à la Coppola,sans harceler ses actrices comme Hitchcock ouKubrick, sans effets de manche, il obtient endouceur des performances d'une justesse stupé-fiante qui valent à dix-sept des comédiens qu'ildirige des nominations majeures aux Oscars :Al Pacino dans Serpico, Katharine Hepburn dansLong voyage vers la nuit, Peter Finch, WilliamHolden et Faye Dunaway dans Network, etc. ��Artisan dénué de pédanterie, Lumet se disaitcapable de tourner un film juste pour garder lamain : « Si je ne dispose pas d'un scénario qui mepassionne, j'en fais un que je trouve passable. S'iln'y en a pas de passable, je fais un film avec unacteur que j'aime bien ou qui présente une diffi-culté technique intéressante. » Ce pragmatismepeu regardant, il faut bien le dire, l'a conduit àsigner une poignée de navets, dont le ridiculeThe Wiz en 1983, kitschissime comédie musicale

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travellings impossibles, de subterfuges numé-riques et de tics de mise en scène qui caractérisentle cinéma américain contemporain. Mine de rien,malgré ses mauvais films, anodin planqué dansl'ombre des dieux hollywoodiens, c'est peut-êtreencore lui qui incarne le mieux l'âge d'or d'uneindustrie qui, de la fin des années 60 au milieudes années 80, produisait de formidables diver-tissements populaires à la fois audacieux, beaux,passionnants, riches et dénués de lourdeur.

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SEPTIEME ART

Douze Hommes en colère1957�

Avec : Henry Fonda, Lee J. CobbAu terme d'un expéditif procèspour meurtre, un jury délibèrepour décider du sort de l'accusé,un Hispano-américain de 18 ans.Parmi les 12 jurés, un seul hommetente de voir au-delà des élémentsaccablant le jeune homme pour lui épargner la peine de mort. Ce huis clos électrique en noir et blanc, rythmé uniquement par les dialogues, dissèque avecprécision les idées préconçuesdes personnages et reste un génialplaidoyer pour la présomptiond'innocence - moins barbant, en tout cas, que l'affaire qui a alimenté ces derniers temps le show médiatique à coup de volte-face hypocrites.

Serpico1973�

Avec : Al PacinoDans le New York hippie des 70's,un flic intègre dénonce la corruption rampante dans le NYPD malgré les menaces de ses collègues ripoux. Tiré d'une histoire vraie, Serpicodéveloppe l'un des thèmes favorisde Lumet : l'absurdité et la corruption des autorités et de la justice. Deux raisons de (re)voir ce grand film : Al Pacino jeune avec une grossebarbe et des cheveux longs, et des plans magnifiques sur des endroits rarement filmés àNew York (Greenwich Village), qui changent des cartes postalesstériles et mille fois resservies par des réalisateurs en manqued’inspiration : le survol obligatoirede Manhattan en hélicoptère, la balade à Times Square de nuit,la contre-plongée sur l'EmpireState Building, le bal des voituressur le Brooklyn Bridge, etc.

Network, main basse sur la TV1976�

Avec : Faye Dunaway, Peter Finch, William Holden�Quand il apprend son licenciementimminent, un présentateur de JThas-been promet en direct aux téléspectateurs de se suiciderà l'antenne une semaine plus tard,puis se lance dans un monologuehalluciné sur la société américaine, ce qui a pour effet immédiat de faire exploser l'audience. Flairant le bon coup,une jeune cadre cynique (Faye Dunaway, parfaite) décidede le maintenir à l'antenne, en dépit de troubles mentaux manifestes. A mi-chemin entre la charge sociale et la science- fiction, Network est un film visionnaire sur l'évolution de la télévision à la fin du XXe siècle,où l'on voit naître avec vingt ansd'avance la tentation de la téléréalitéet du voyeurisme sur fond de déshumanisation, d'hégémoniecapitaliste et d'aliénation. ��

COURS DE RATTRAPAGE :EN QUATRE FILMS

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7h50 ce samedi-là2007�

Avec : Philip Seymour Hofman,Marisa Tomei, Ethan HawkeDeux frères fauchés commanditentle casse de la bijouterie de leursparents pour éponger leurs dettes.De mauvais choix en guignes sévères, les choses tournent au drame, puis au sordide. Ce n'est pas le meilleur film de Lumet, mais il faut le voir pourson extraordinaire intelligence narrative, pour les décors décalésoù l'on découvre le New York banlieusard bâti à plat autourd'échangeurs autoroutiers et de centres commerciaux, et pour la parfaite direction des acteurs, qui sont tous excellents.

SIDNEY LUMET

cinéphilespartagez vosimpressions

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FESTIVAL DU CINÉMA

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SEPTIEME ART

Ce n’est donc pas un hasard si la plage desBrisants à Saint-Gilles est le théâtre privilégié dela Carte blanche donnée à un acteur ou à unmetteur en scène. Trois films de son choix y sontprojetés sur un écran géant de 24 mètres.Le festival du film de Fabienne Redt prend sonenvol avec de nouveaux paris audacieux : offrirà ceux qui sont dans un lieu clos une possibilitéde s’ouvrir à un autre monde, comme une maintendue pour une seconde chance. Il va donc yavoir des projections dans les prisons. Autre lieu,l’hôpital psychiatrique pour braver les peursque la folie engendre. « Le cinéma est vecteurd’émotion et de réflexion, notre idée est de fairesortir de leur enfermement ces publics en situa-tion difficile. » Dernier défi, les enfants à l’hôpital,parce qu’ils sont souvent coupés de leur cellulefamiliale. Il va donc y avoir cette année une pro-jection accompagnée du réalisateur et des acteursdans un hôpital d’enfants. Une façon de mettre uncoup de projecteur sur la carence de bénévolespour tenir compagnie à des enfants éloignés deleurs parents.Ce temps fort du cinéma est avant tout unehistoire de rencontres, d’échanges, où les jeunespublics, les scolaires dans l’après-midi notam-ment, peuvent côtoyer des stars, s’éveiller auseptième art dans un cadre privilégié, où le débatremplit la salle dès que les lumières s’allument.Et si le cinéma pouvait changer le regard sur lemonde ?

LE FESTIVAL DU CINÉMA DE LA RÉUNION VA DÉROULER SON TAPIS ROUGE DU 2 AU 5 NOVEMBRE 2011. POUR SA SEPTIÈME ÉDITION, CHIFFRE MAGIQUE, FABIENNE REDTPREND SON ENVOL ET S’ADRESSE, EN MARGE DES FESTIVITÉS, AUX PUBLICS EN SITUATION D’ENFERMEMENT.

Le programme n’est pas encore dévoilé, le nomdu président du Jury reste masqué, mais dans leprogramme officiel de l’année de l’Outre-mer, lefestival de Fabienne Redt figure en bonne et dueplace. Derrière le tapis rouge, les stars du cinémavenues à la rencontre du public réunionnais, et lafête du cinéma pendant trois jours, il y a une femme,Fabienne Redt, et toute une organisation. « Sept ans c’est la maturité, il fallait construire desbases solides, maintenant on peut aller plusloin encore » dit-elle en substance. Son regard,toujours sur le qui-vive, montre une hyperactivitéderrière un sourire lisse et le geste tranquille. Ellerayonne de savoir qu’elle a eu raison d’êtreexigeante. Le ministre de la Culture, FrédéricMitterrand, souligne cette flamme intérieure quil’anime, lorsqu’il lui remet en avril l’insigne deChevalier dans l’ordre des Arts et des�Lettres :« N’oublions pas que l’écran individuel ne rem-placera jamais la puissance poétique et esthé-tique de l’image projetée sur grand écran, l’émotioncollective qu’elle provoque et le frisson qu’ellesuscite. Cette idée du grand écran, je sais quevous la partagez. Cette idée, je sais qu’elle vousanime et qu’elle vous fait franchir les montagneset traverser les océans. »

les audaces de la septième édition

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RÉUNIONNAIS DU MONDE

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SÉBASTIEN PAYET EST PARTI VIVRE AU CANADA EN RÊVANT DE GRANDS ESPACES. IL SE CONSIDÈRE AUJOURD’HUI PLEINEMENT INTÉGRÉ DANS LA SOCIÉTÉCANADIENNE ET PROFITE, DEPUIS MAINTENANT SIX ANS, D’UNE EXPÉRIENCE ENRICHISSANTE AU SÉNAT EN TANT QU’ASSISTANT EXÉCUTIF D’UN PARLEMENTAIRECANADIEN. MAIS LE CANADA, LE QUÉBEC, EST SURTOUTPOUR LUI LE LIEU DE RENCONTRE DE SON ÂME SŒUR,MÈRE DE SES DEUX ENFANTS. EN 2011, IL OBTIENT LA NATIONALITÉ CANADIENNE.C’EST L’ENVIE DE S’INTÉRESSER AUX AUTRES, ET DE SE DÉCOUVRIR LUI-MÊME, QUI LUI A PERMIS DE S’IMMERGER AUSSI RAPIDEMENT. IL GARDE DE SA RÉUNION NATALE LES SOUVENIRS HEUREUX DE SON ENFANCE, LE GOÛT DES BONNESCHOSES, ET UN HUMOUR RAFRAÎCHISSANT.

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGEPHOTOGRAPHIE SÉBASTIEN PAYET

une envie de grands espaces

VOYAGER C’EST L’APTITUDE

A ECOUTER L’AUTRE

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QUEL EST TON PARCOURS ? Je suis né à la Réunion en 1977 – l’année du décès d’Elvis Presley !Ce que ma mère me racontait

toujours avec un sourire sachant que mon père en était un grand fan… J’ai passé mon Bac ES en 1996 et, poussé par l’envie

de découvrir de nouveaux horizons, je suis parti à Marseille faire une école de Commerce. Je me suis retrouvé très vite face

à moi-même, avec les angoisses d’un étudiant dans un environnement inconnu et l’obligation de m’ouvrir aux autres. Suite à

mon stage programmé de six mois à La Réunion, j’avais encore deux années d’études pour obtenir mon diplôme. Je quitte

alors mon île pour le Canada.

POURQUOI LE CANADA ? J’avais une envie de grands espaces, de déconnexion complète avec La Réunion. Un rêve

secret de paysages comme dans la Petite maison dans la prairie où coule la rivière...

AU DÉBUT, ÇA S’EST PASSÉ COMMENT ? En fait, tout est allé très vite pour moi : décembre 98, soit quatre mois après mon

arrivée, j’ai rencontré l’âme sœur, celle qui deviendra la mère de mes enfants. Au début, j’ai été très déçu par l’atmosphère

de Hull (maintenant Gatineau)… ville universitaire en bordure de rivière pourtant. Je suis arrivé dans un groupe de jeunes,

nous étions une vingtaine, fiers de notre identité française, qui nous poussait à « moukater » gentiment notre environnement

d’accueil. En 2000, il ne restait plus que deux Créoles, deux amis. Et, c’est là où j’ai appris à écouter, à apprécier la musique

de la langue. Car voyager c’est aussi çà. Au-delà des paysages, il faut s’ouvrir aux autres, écouter leur histoire.

TON PREMIER BOULOT En 2003, je fais mon entrée sur la colline parlementaire d’Ottawa pour collaborer aux travaux d’un

député fédéral québécois. Quelle excitation et quel stress de se retrouver là ! J’ai tout de suite ressenti le besoin d’apprendre

sur le pays, son histoire, sa géographie, son économie… et occuper ma place dans cette société.

ET MAINTENANT ? En 2004, naissance de ma fille. Je sais dorénavant que le Canada est plus qu’une porte d’entrée vers une

nouvelle expérience, c’est ma vie. Je deviens citoyen canadien en mars 2011 et je porte maintenant fièrement mes deux na-

tionalités. Je suis depuis 2005 attaché à un bureau de Sénateur. Nous partageons mon ami et moi (deux réunionnais au Sénat !)

les réflexions de cet homme politique de grande expérience dont le souci est de construire le genre de société qui permet,

entre autres, d’accueillir et intégrer en son sein des petits créoles soucieux de bâtir un avenir loin de leurs origines. Le plus

gratifiant de cette expérience reste la recherche pointue et l’attention constante qui nous est demandées. Je ne me considère

pas pour autant « politisé », au sens premier du terme, mais je comprends aujourd’hui beaucoup mieux ce milieu et l’inves-

tissement dévoué d’une grande majorité de ses acteurs. J’observe aussi, à distance pour être bien honnête, le dynamisme de

la vie associative des réunionnais au Québec. Réunionnais du Québec Nou lé là ! en est le parfait exemple, association qui est

très active. Eh oui, la Réunion fait son chemin là-bas, notre patrimoine s’exporte !

TON IMPRESSION SUR LE CANADA Pour les grands espaces, je ne suis pas déçu. Les gens sont très chaleureux. La langue,

l’accent, ça m’a tout de suite plu. J’habite une ville, qui une fois apprivoisée, n’est pas dénuée de charmes : espaces verts, pistes

cyclables, rivière qui coule et nous sépare d’Ottawa, la capitale fédérale. Sur chaque rive une langue différente domine : français,

rive québécoise, et anglais, rive ontarienne…mais les deux sont reconnues officiellement par la Constitution du pays !

Le pays s’installe profondément en moi. Oui, j’éprouve de plus en plus l’envie de le découvrir avec mes enfants, ma conjointe,

même si jusqu’à présent je ne profitais que du passage de mes parents pour le faire. J’y suis bien avec ma conjointe et mes deux

enfants… c’est notre monde.

QU’EST CE QUI TE MANQUE DE LA RÉUNION ? Le créole na point retrouv’ son carry ! Les odeurs m’ont beaucoup manqué

et me manquent encore. Le géranium, le vétiver, le parfum de ma grand-mère dans ses vêtements ; les couleurs aussi, le

flamboyant à Noël. Cela va paraître sûrement un peu « niaiseux » (ridicule), mais je me suis quelquefois surpris à pleurer

en écoutant Mon Île de Jacqueline Farreyrol. Je me suis même empêché quelque temps d’écouter cette chanson, sinon

c’était le spleen assuré ! Ma famille m’a évidemment beaucoup manqué au début et puis ça s’est estompé un peu quand

j’ai commencé à construire la mienne. Autre date importante dans ma vie, 2008, la naissance de mon fils.

TON REGARD SUR LA RÉUNION QUAND TU Y REVIENS ? Je conserve de mon île des sensations fortes, Saint-Gilles, la plage,

les filaos, la chasse aux oursins. Même si l’urbanisme a rasé quelques-unes de mes places favorites et que l’asphyxie me

guette, je reste définitivement attaché à mes racines. Quand je vais me promener dans les hauts, à Mafate par exemple, c’est

encore plus vivace. La Réunion du patrimoine UNESCO, c’est La Réunion de mon enfance.

ET SI C’ÉTAIT À REFAIRE ? J’ai eu beaucoup de chance, j’ai un ami qui est resté proche de moi et j’ai tout de suite trouvé

l’âme sœur. Jamais je n’ai été oppressé par la différence culturelle. Le plus dur a été l’adaptation au froid. La première année,

c’est marrant, mais la deuxième, quand il faut une heure de temps pour déneiger la voiture...

QUELS CONSEILS DONNES-TU AUX JEUNES RÉUNIONNAIS QUI VEULENT PARTIR ? Il faut partir avec un plan d’étude et

se poser la question « d’après ». Les doutes arrivent très vite. Diplôme reconnu en France ? Partir seul ?... À La Réunion, il

existe déjà quelques organismes qui aident à organiser un « plan de voyage« au Canada, mais pas « un plan de vie. »

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Le TEAT propose Les Rencontres de Pils. À la finde chaque spectacle, vous pouvez échanger vosimpressions près du bar, sans autre formalité quele verre de l’amitié. Quelques nouveautés du côtéde chez Pils, des vidéos d’interview live sur lesite, un Pils pocket mensuel gratuit versionpapier, histoire d’accrocher le planning desfestivités sur le réfrigérateur, pour ne zapperaucun spectacle.

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PASCAL MONTROUGE A VOULU « OFFRIR UNE MULTITUDE DE BULLES D’AIR » À CE DERNIERTRIMESTRE DE L’ANNÉE. UNE PROGRAMMATION QUI MÉLANGE HARDIMENT ARTISTES LOCAUX ET ARTISTES INTERNATIONAUX, ARTISTES ÉMERGENTS ET GRANDES POINTURES VENANT DU MONDE ENTIER. À COMMENCER, EN SEPTEMBRE, PAR LE GRAND AUTEUR ET SCÉNARISTE LIBANAIS WAJDI MOUAWAD QUI A ENTHOUSIASMÉ UNE SALLE ARCHI COMBLEAVEC SA PIÈCE SEULS. EN OCTOBRE, DANYEL WARO OUVRE LE BAL AVEC LE GROUPE CORSE A FILETTA ET FRANÇOISE GUIMBERT FÊTE SUR SCÈNE SES QUARANTE ANS DE CARRIÈRE. EN NOVEMBRE, C’EST LA FÊTE DE LA DANSE. DANSE CONTEMPORAINE, DANSE URBAINE,DANSE BUTÔ... LA PAROLE EST DONNÉE AU LANGAGE DU CORPS AVEC SES RÉSONNANCES PUISÉES DANS L’HISTOIRE COLLECTIVE OU DANS LA TRAJECTOIRE PERSONNELLE.

FESTIVAL À L A UNE

TEXTE FRANCINE GEORGEPHOTOGRAPHIE YANG WANG

PLACE AU FESTIVAL TOTAL DANSE

Le bal Tamoul ouvre les festivités le 10 novembreau TEAT de Champ Fleuri, qui s’adonne au TotalDanse du 15 au 26 novembre ! Les contours duprogramme : en danse urbaine, une chorégra-phie engagée de la compagnie brésilienneMembros ; en solo contemporain, Pierre Rigal,ancien athlète, métamorphosé en danseur cho-régraphe, et un hymne à Cédric Andrieux l’auto-biographie dansée par Jérôme Bel ; Shaun etParker & Company, venant tout droit d’Australie,jouent à neuf les virtuoses sur le thème du bon-heur ; Valérie Berger, Gaby Saranouffi et SelloPesa, trois chorégraphes-danseurs d’Afrique dusud, de Madagascar et de La Réunion ; les com-pagnies réunionnaises avec Nadjani en dansecontemporaine ; Cirquons Flex en cirque de rue,le théâtre Talipot et bien d’autres surprises en-core, comme par exemple, le documentaire deWim Wenders sur Pina Baush... En bouquet final,SanKai Juku, « compagnie emblématique de ladanse butô. ». De nombreux rendez-vous à nepas rater !

et compagnies

Info billetterie

02 62 419 325

www.theatreunion.re

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La grille du jeu est compose e de 9 lignes, 9 colonnes

et de 9 regions (les 9 carre s).

La grille du jeu contient toujours des chiffres de 1 a 9 et des cases vides,

le but est donc de remplir entie rement la grille de manie re logique.

La regle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et region

ne doit contenir qu’une seule fois tous les chiffres de un a neuf.

Formule autrement, chacun de ces ensembles doit contenir

tous les chiffres de un a neuf.

La plupart du temps, le jeu est propose sous la forme d’une grille de 9×9,

et compose de sous-grilles de 3×3, appelees « regions ».

Quelques cellules contiennent des chiffres, dits « de voiles ».

Le but est de remplir les cellules vides, un chiffre dans chacune,

de facon a ce que chaque rangee, chaque colonne

et chaque region soient composees d’un seul chiffre allant de 1 a 9.

En consequence, chaque chiffre dans la solution apparait une seule fois

selon les trois « directions »,

d’ou le nom « chiffre unique ». Lorsque qu’un chiffre peut s’inscrire

dans une cellule, on dit qu’il est candidat.

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Sévèrement. Truc. Partie nulle.

Partie du corps. Terme de psychologie. Augmente le mérite.

On y dort sur ses deux oreilles. Culot. Note. Choisis.

Non loin de Dijon. Epopée familiale. Heureuse en Dieu.

Protester.

Epée en vers. Parole. Général. Localité de la Seine-Maritime.

Acre. Recoin. Porta assistance.

Fit payer trop cher. Prêt à pleurer. Largeur.

Sa vallée est fertile. Habitant de l’étang.

Prise dans l’eau. Lieu fortifié.

Mise à l’abri. Ruminant de nos bois. Lieu où l’on est.

S’alimente.

Marqué sa joie. Appartient au lion. Sacrement. Vis.

Saillies. Protesta. Mammifères du Nord.

Mystérieuse. Partie vitale. Discrétion.

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Mal habillés. Huileux.

Episode. Consolé.

Haut personnage. Récriminer. Point névralgique.

Grandes divisions. Tremper.

Possessif. Souhait latin. Laps de temps.

Outrancière. Est enterré.

Bon parcours. Réfléchit.

Pareil. Elle a une belle-mère. Unité de mesure.

Avalée vivement. Interjection de dédain. La sienne.

Moutard. Mieux vaut en avoir dans la tête que dans l’aile.

Faire à la hâte. Il vit sans le savoir.

Petit cheval. Pronom personnel. Nid de Sioux.

Sérail. Récolte d’ouvrières.

Elément d’archipel. Maison du peuple.

Refus anglais. Graisse. Introduit.

Reprise sur le ring. Monolithe funéraire.

Truqué. Sans peine. Mesure du temps.

Satellite ou planète. Possédé.

Eminence de links. Ses appels partaient en fumée. Cheville.

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partagezvos recettes

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Dans les pays nordiques, les pêcheurs utilisaientdu sel pour conserver les poissons, ou ils lesdécoupaient en bâtonnets appelés stockfish qu'ilsséchaient au grand vent des îles Lofoten.

Chaque pays a sa manière de préparer la morueou le stockfish : le goût anglais diffère du goûtnormand, bordelais, basque, portugais, marseil-lais, niçois ou vénitien, en fonction de la prove-nance et de la quantité de sel, de la durée de lasalaison ou du séchage.

Pour préparer un rougail dans les règles de l’art,gardons présent à l’esprit qu’il ne se composeque d’oignons et de tomates en quantité, de pi-ments et d’un peu d’ail, juste ce qu’il faut pourtempérer la puissante saveur de la morue. Maisen aucun cas de gingembre et encore moins decurcuma. Le poisson conservera un bel aspect, àcondition de le tailler en morceaux plutôt qu’enmiettes. Enfin, le secret du rougail morue résidedans le croûtage des sucs qui révèleront lecaractère de ce plat relevé. Un rougail morue sedéguste sec !

Les Catholiques sont invités, certains jours, à faireabstinence de viande. Cet usage vise à se privertemporairement de la chair délicieuse des animauxterrestres sans pour autant se priver de tous lesaliments.C'est l'origine du succès de la morue, poissondes mers froides consommé au sud de l'Europe,puis diffusé tout autour du monde par ce peuplede navigateurs catholiques que sont les Portugais.Chacun en consomme encore sept kilogrammespar an, préparés en autant de recettes, dit-on, quedejours dans l'année. Sans eux, pas d'acras, de féroceou de chiquetaille aux Antilles, ni de moqueca oude frigideira au Brésil, de cari de morue à lamode de Goa, sans oublier notre fameux rougail.Au nord de l'Europe, le lait ou la crème adoucis-sent la morue, en Méditerranée c'est l'huiled'olive, sous les tropiques le lait de coco, mais aufeu du sel répond celui du piment.

MORUE EST UN NOM VERNACULAIRE DÉSIGNANT DES POISSONS DE PLUSIEURS ESPÈCESDE L’ORDRE DES GADIFORMES. GROS MODÈLE DES MERS FROIDES, CONSOMMÉ FRAIS SOUS LE NOM DE CABILLAUD (DU NÉERLANDAIS KABELJAUW), SÉCHÉ ET SALÉ SOUS LE NOM DE MORUE, IL EST, DANS NOTRE ÎLE, L’INCONTOURNABLECOMPAGNON DES FINS DE SEMAINE ET DE TOUS LES CARÊMES. EN MIETTES OU EN FILETS, IL FINIRA IMMANQUABLEMENT EN ROUGAIL, AGRÉMENTÉ DE GROS PIMENTS ET SURTOUT DE FLEURS D’OIGNONS. MAIS SI L’ON SORT LA TÊTE DE SA BARQUETTE, L’ON CONSTATERA AVEC PLAISIR QU’IL EST, AILLEURS, ACCOMMODÉ DE BIEN D’AUTRES MANIÈRES.

PAPILLES EN FÊTE

TEXTE STÉPHANE MAÏCON - ILLUSTRATION YANN TAFANEL

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Rougail moru�à toutes les sauces

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• Pour 4 personnes• 600 g de morue sèche• 500 g de pommes de terre à chair ferme• Un demi-litre de lait• Huile d'olive, 3 oignons, 3 gousses d'ail• Piment, persil, olives noires

• Préparation• Faire dessaler la morue pendant 24 heures • en changeant souvent l'eau • La pocher un quart d'heure à l'eau frémissante,• puis l'effilocher en éliminant arêtes et peau • Faire cuire ces fragments pendant une heure• dans le lait frémissant• Cuire les pommes de terre à l'eau, • les éplucher et les couper en rondelles• Faire dorer à l'huile dans une cocotte • les oignons et l'ail, ajouter la morue, • les pommes de terre, le piment, les olives• noires dénoyautées et grossièrement hachées • Bien mélanger le tout, puis faire gratiner au four• dans la cocotte ou dans un plat • pendant 15 minutes• Servir brûlant parsemé de persil plat ciselé.

• Pour 4 personnes• 500 g de morue• 2 gros oignons• 8 tomates bien mûres• 2 gousses d’ail• 4 tiges de fleurs d’oignons• 4 gros piments• 4 piments verts• 1 branche de thym• 4 cuillers à soupe d’huile• Sel selon convenance

• Préparation• Dessaler la morue la veille au soir• Faire bouillir 30 minutes et passer à l’eau froide• Effilocher la morue et retirer les arêtes• Hacher les oignons, les tomates, • les fleurs d’oignons et les gros piments• Ecraser ail et piments verts avec le sel• Chauffer la marmite et y verser l’huile• Ajouter morue et oignons. Faire dorer• Verser les épices écrasées et remuer• Ajouter les tomates, remuer et laisser croûter • En fin de cuisson, ajouter gros piments • et fleurs d’oignons

ROUGAIL MORUE

MORUE AU FOUR À LA PORTUGAISE

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NOS PARTENAIRES

NOUS TENONS À REMERCIER NOS PARTENAIRES QUI ONT CONTRIBUÉ À LA RÉALISATION DE CE NUMÉRO. VOUS TROUVEREZ PROCHAINEMENT L’ÉQUIPE DE PILS, D’AKOUT ET DE RÉUNIONNAIS DU MONDE SUR LA NOUVELLE VERSION DE WWW.BATCARRE.COM QUE NOUS SOMMES EN TRAIN DE FAIRE ÉVOLUER.

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