Benjamin-1931-Petite Histoire de La Photographie

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    Le brouillard qui stend sur les commencements de la photographienest pas tout fait aussi pais que celui qui recouvre les dbuts delimprimerie; plus distinctement que pour celle-ci, peut-tre, lheuretait venue de la dcouverte, plus dun lavait pressenti; des hommesqui, indpendamment les uns des autres, poursuivaient un mme but:

    fixer dans la camera obscura ces images, connues au moins depuis Lo-nard1. Lorsque ce rsultat, aprs environ cinq ans defforts, fut accorden mme temps Nipce et Daguerre, ltat, profitant des difficultsdes inventeurs pour dposer un brevet, sen saisit et, aprs ddomma-gement des intresss, en fit chose publique2. Ainsi furent poses lesconditions dun dveloppement sans cesse acclr, qui excluait pourlongtemps tout regard en arrire. Cest pourquoi les questions histo-riques ou, si lon veut, philosophiques que suggrent lexpansion et le

    dclin de la photographie sont demeures inaperues pendant desdcennies. Et si elles commencent aujourdhui revenir la conscience,cest pour une raison prcise. Les ouvrages les plus rcents3 saccordentsur le fait frappant que lge dor de la photographie lactivit dunHill ou dune Cameron, dun Hugo ou dun Nadar correspond sapremire dcennie4. Or cest la dcennie qui prcde son industrialisa-tion. Non que, ds les premiers temps, bonimenteurs et charlatans nese fussent empars de la nouvelle technique pour en tirer profit; ils lefirent mme en masse. Mais ce point appartient plus aux arts de la foire

    o, il est vrai, la photographie a jusqu prsent t chez elle qulindustrie. Celle-ci ne conquit du terrain quavec la carte de visite pho-tographique, dont le premier fabricant, cest significatif, devint

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    W a l t e r B E N J A M I N

    Petite histoirede la photographie

    Fig. 1.Ouverture de laPetite histoiredans Die Litera-rische Welt.La premireet la troisimeillustration sonttires de Bossert

    & Guttmann, laseconde et laquatrime deSchwarz (cf. bibl.).

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    millionnaire5. Il ne serait pas tonnant que les pratiques photogra-

    phiques, qui attirent aujourdhui pour la premire fois les regards surcet ge dor prindustriel, aient un lien souterrain avec lbranlementde lindustrie capitaliste6. Cest pourquoi il nest pas facile, pourconnatre vritablement leur nature, de partir du charme des imagesque nous prsentent les beaux ouvrages rcemment publis7 sur la pho-tographie ancienne*. Les tentatives de matriser thoriquement la chosesont extrmement rudimentaires. Et quoique de nombreux dbats aientt mens au sicle dernier ce propos, ceux-ci, au fond, ne se sont paslibrs du schma bouffon grce auquel une feuille chauvine, leLeipzi-ger Stadtanzeiger[sic], pensait devoir combattre de bonne heure cet artdiabolique venu de France. Vouloir fixer les images fugitives du miroir,y lit-on, nest pas seulement chose impossible, comme cela ressort derecherches allemandes approfondies, mais le seul dsir dy aspirer estdj faire insulte Dieu. Lhomme a t cr limage de Dieu et aucunemachine humaine ne peut fixer limage de Dieu. Tout au plus lartisteenthousiaste peut-il, exalt par linspiration cleste, linstant desuprme conscration, sur lordre suprieur de son gnie et sans laide

    daucune machine, se risquer reproduire les divins traits de lhomme8. Ici se montre dans toute sa pesante balourdise le concept trivial dartauquel toute considration technique est trangre et qui sent venir safin avec lapparition provocante de la nouvelle technique. Sans sen aper-cevoir, cest contre ce concept ftichiste et fondamentalement anti-technique que les thoriciens de la photographie se sont battus pen-dant prs de cent ans, naturellement sans le moindre rsultat. Car ilsnentreprenaient rien dautre que de justifier le photographe devant le

    tribunal que celui-ci mettait prcisment bas. Un tout autre souffleanime lexpos par lequel le physicien Arago prsente et dfend lin-vention de Daguerre, le 3 juillet 1839 devant la Chambre des dpu-ts. Cest la beaut de ce discours que de tisser des liens avec tous lesaspects de lactivit humaine. Le panorama quil esquisse est suffisam-ment ample pour que limprobable justification de la photographie face la peinture, qui ne manque pas non plus, paraisse insignifiante, alorsque se dvoile lide de la vritable porte de linvention. Quand des

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    tudes photographiques, 1

    * Helmuth Th. Bossert et Heinrich Guttmann, Aus der Frhzeit der Photographie, 1840-1870(200 fig.), Francfort/Main, Societts-Verlag, 1930 ; Heinrich Schwarz,David Octavius Hill,der Meister der Photographie (80 fig.) Leipzig, Insel-Verlag, 1931 [note de W. B.].

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    observateurs, dit Arago, appliquent un nouvel instrument ltude de

    la nature, ce quils en ont espr est toujours peu de chose relative-ment la succession de dcouvertes dont linstrument devient lori-gine9. Le discours dploie grands traits le domaine de la nouvelletechnique, de lastrophysique la philologie: ct de la perspectivede photographier les toiles, on rencontre lide denregistrer uncorpus dhiroglyphes gyptiens.

    Les clichs de Daguerre taient des plaques argentes recouvertesdiode exposes dans la camera obscura, quil fallait incliner en tous sensjusqu ce que, sous un clairage appropri, lon puisse reconnatre uneimage dun gris tendre10. Elles taient uniques; une plaque cotait enmoyenne 25 francs-or en 1839. Il ntait pas rare quon les conservtcomme des bijoux dans des crins. Mais dans la main de nombreuxpeintres, elles devinrent une technique dappoint. Tout comme Utrillo,soixante-dix ans plus tard, devait excuter ses fascinantes vues des mai-sons de la banlieue de Paris non sur le vif, mais daprs cartes postales,lAnglais David Octavius Hill, portraitiste renomm, ralisa une longuesrie de portraits pour sa fresque du synode de lglise cossaise. Mais

    il fit ces photographies lui-mme11. Et ce sont ces images sans valeur,simples auxiliaires usage interne, qui confrent son nom sa placehistorique, alors quil sest effac comme peintre12. Sans doute, plusencore que la srie de ces ttes en effigie, quelques tudes nous fontpntrer plus profondment dans la nouvelle technique: non des por-traits, mais les images dune humanit sans nom. Ces ttes, on les voyaitdepuis longtemps sur les tableaux. Lorsque ceux-ci demeuraient dansla famille, il tait encore possible de senqurir de loin en loin de liden-

    tit de leur sujet. Mais aprs deux ou trois gnrations, cet intrt stei-gnait: les images, pour autant quelles subsistaient, ne le faisaient quecomme tmoignage de lart de celui qui les avait peintes. Mais la pho-tographie nous confronte quelque chose de nouveau et de singulier :dans cette marchande de poisson de Newhaven13, qui baisse les yeuxau sol avec une pudeur si nonchalante, si sduisante, il reste quelquechose qui ne se rduit pas au tmoignage de lart de Hill, quelque chosequon ne soumettra pas au silence, qui rclame insolemment le nom decelle qui a vcu l, mais aussi de celle qui est encore vraiment l et ne

    se laissera jamais compltement absorber dans lart. Et je demande :comment la parure de ces cheveux/Et de ce regard a-t-elle envelopples tres passs ! /Comment a embrass ici cette bouche o le

    Pet i te histoi re de la photographie

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    dsir/Absurde comme fume sans flamme senroule14 ! Ou bien londcouvre limage de Dauthendey15, le photographe, pre du pote, lpoque de ses fianailles avec la femme quil trouva un jour, peu aprsla naissance de son sixime enfant, les veines tranches dans la chambre coucher de sa maison de Moscou16 [fig. 2]. On la voit ici ct de lui,on dirait quil la soutient, mais son regard elle est fix au-del de lui,

    comme aspir vers des lointains funestes. Si lon sest plong assez long-temps dans une telle image, on aperoit combien, ici aussi, les contrairesse touchent: la plus exacte technique peut donner ses produits une

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    Fig. 2. K. Dauthendeyet sa fiance,le 1er septembre 1857,Saint-Ptersbourg,autoportrait.

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    valeur magique, beaucoup plus que celle dont pourrait jouir nos yeuxune image peinte. Malgr toute lingniosit du photographe, malgrlaffectation de lattitude de son modle, le spectateur ressent le besoinirrsistible de chercher dans une telle image la plus petite tincelle dehasard, dici et maintenant, grce quoi la ralit a pour ainsi dire brlde part en part le caractre dimage le besoin de trouver lendroit invi-

    sible o, dans lapparence de cette minute depuis longtemps coule,niche aujourdhui encore lavenir, et si loquemment que, regardant enarrire, nous pouvons le dcouvrir17. Car la nature qui parle

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    Fig. 3. C. Rudolf,Palucca,illustration dePeinture Photo-graphie Film deMoholy-Nagy(1925).

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    lappareil est autre que celle qui parle lil18 ; autre dabord en ce que,

    la place dun espace consciemment dispos par lhomme, apparat unespace tram dinconscient. Sil nous arrive par exemple courammentde percevoir, ft-ce grossirement, la dmarche des gens, nous ne dis-tinguons plus rien de leur attitude dans la fraction de seconde o ilsallongent le pas. La photographie et ses ressources, ralenti ou agran-dissement19, la rvlent. Cet inconscient optique, nous ne le dcouvronsqu travers elle, comme linconscient des pulsions travers la psycha-nalyse. Les structures constitutives, les tissus cellulaires avec lesquels latechnique ou la mdecine ont coutume de compter tout cela est audpart plus proche de lappareil photo quun paysage vocateur ou unportrait inspir. Mais en mme temps, la photographie dvoile dans cematriel les aspects physiognomoniques, les mondes dimages qui habi-tent les plus petites choses suffisamment expressifs, suffisammentsecrets pour avoir trouv abri dans les rves veills, mais qui, ayantchang dchelle, devenus nonables, font dsormais clairement

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    Fig. 4. Pou (agrandissement),illustration de Peinture Photographie

    Film de Moholy-Nagy (1925).

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    apparatre la diffrence entre technique et magie comme une varia-

    tion historique. Ainsi Blossfeldt*, avec ses tonnantes photos deplantes, a rvl la vue, sous la prle, la forme des colonnes antiques,sous la fougre, la crosse piscopale, derrire des pousses de marron-nier ou drable grossies dix fois, des totems, sous le chardon, un tym-pan gothique20. Cest pourquoi les modles de Hill, pour qui le ph-nomne de la photographie constituait encore une grandeexprience mystrieuse , ntaient pas trs loin de la vrit mme sice mystre se rduisait au sentiment de poser devant un appareil quipouvait engendrer en un temps trs court une image du monde visible,aussi vivante et aussi vraie que la nature elle-mme21 . On a dit de lap-pareil de Hill quil faisait preuve dune grande discrtion. Mais sesmodles ne sont pas moins rservs; ils gardent une certaine timiditdevant la chambre photographique, et le leitmotiv dun photographeultrieur de lge dor : ne regardez jamais lappareil22 semble dcou-ler de leur attitude. Il nest pas question ici de lacheteur impudemmentimpliqu par le on te regarde danimaux, de personnes ou denfants,et auquel il nest de meilleure rponse que lexpression du vieux Dau-

    thendey propos de la daguerrotypie: On nosait pas dabord, rap-porte-t-il, regarder trop longtemps les premires images quil produi-sait. On avait peur de la prcision de ces personnages et lon croyaitque ces minuscules figures sur les images pouvaient nous apercevoir,tant lon tait impressionn par linsolite prcision, linsolite fidlit despremires images daguerriennes23.

    Ces premiers humains reproduits entrrent dans lespace visuel dela photographie sans antcdents ou pour mieux dire sans lgende. Le

    journal tait encore un objet de luxe que lon achetait rarement et quonlisait plutt au caf, le procd photographique ntait pas encoredevenu lun de ses instruments, et peu nombreux taient les gens quivoyaient leur nom imprim. Du visage humain manait un silence danslequel reposait le regard. En bref, toutes les potentialits de cet art duportrait tenaient ce que le contact ntait pas encore tabli entreactualit et photographie24. De nombreux portraits de Hill ont t ex-cuts dans le cimetire des frres franciscains ddimbourg: rien nestplus significatif de cette poque si ce nest quel point les modles

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    * Karl Blossfeldt, Urformen der Kunst (intr. Karl Nierendorf), 120 fig., V. Ernst Wasmuth,Berlin [1928] [note de W. B.].

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    semblent sy sentir chez eux. Sur une image de Hill, ce cimetire lui-mme apparat vritablement comme un intrieur, une pice isole etclose o les monuments funraires slvent du sol, poss contre le murmitoyen, la faon dune chemine dont le foyer accueillerait des ins-criptions au lieu de flammes [fig. 5]. Mais jamais ce lieu naurait pu pro-duire un tel effet si son choix navait repos sur des dterminations

    techniques25. Avec la faible sensibilit des plaques anciennes, unelongue exposition en extrieur tait indispensable26. Ce qui supposaitpour loprateur de sinstaller le plus lcart possible, dans un endroit

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    tudes photographiques, 1

    Fig. 5. D. O. Hillet R. Adamson,

    Dans le cimetire,dimbourg, v. 1845(ill. tire de Bos-

    sert & Guttmann,non reproduite

    dans Die Litera-rische Welt).

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    o rien ne dranget ses

    prparatifs. La synthsede lexpression, obtenuepar la longue pose dumodle, dit Orlik de laphotographie ancienne,est la principale raison pourlaquelle ces preuves, mal-gr leur simplicit, produi-sent un effet plus pntrantet plus durable que desphotographies plusrcentes, lgal de bonsportraits dessins oupeints27. Le procd lui-mme requrait que lemodle vive, non endehors, mais dans linstant :

    pendant que durait la prise de vue, il pouvait stablir au sein de limage dans le contraste le plus absolu avec les apparitions qui se manifes-tent sur une photographie instantane. Celle-ci reprsente lexpressiondun environnement modifi dans lequel, comme le remarque perti-nemment Kracauer, il dpend dune fraction de seconde aussi brveque celle du temps de pose qu un sportif devienne suffisammentclbre pour que les photographes le fassent poser pour les journauxillustrs28. Dans les anciennes images, tout tait fait pour durer ; non

    seulement les incomparables groupes que formaient les personnes etdont la disparition fut certainement lun des symptmes les plus pr-cis de ce qui se passait dans la socit de la seconde moiti du [dix-neuvime] sicle , mme les plis que faisait un vtement duraient pluslongtemps. Quon observe simplement la redingote de Schelling ; ainsivtu, celui-ci peut accder en toute confiance lternit: les formesquelle a prises son contact ne sont pas indignes des rides de son visage[fig. 6]. En bref, tout donne raison la supposition de Bernhard [sic]von Brentano29 selon laquelle un photographe de 1850 est la hau-

    teur de son instrument, pour la premire et la dernire fois, avantlongtemps.

    Pet i te histoi re de la photographie

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    Fig. 6. Anon.,Schelling (1775-1854), 3e ill. dela Petite histoire,tire de Bossert& Guttmann.Les fameux plisont tous tentirementredessins.

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    II

    Pour rendre plus prsent lextraordinaire effet du daguerrotype ses dbuts, il faut se souvenir que la peinture de plein air avait com-menc dvoiler de toutes nouvelles perspectives aux peintres les plusavancs. Conscient que ctait prcisment dans ce domaine que la pho-tographie prendrait le relais de la peinture, Arago, lorsquil renvoie danssa rtrospective historique aux travaux pionniers de Giovanni BattistaPorta30 [sic], dclare explicitement: Quant aux effets dpendant delimparfaite diaphanet de notre atmosphre, et quon a caractris par

    le terme assez impropre de perspective arienne, les peintres exercseux-mmes nespraient pas que, pour les reproduire avec exactitude,la chambre obscure [cest--dire la copie des images qui y apparaissent]

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    tudes photographiques, 1

    Fig. 7. Dbut dela seconde

    livraison de laPetite histoire.Alors quelle esten partie consa-cre Atget, lesillustrations sont

    des photos deGermaine Krull

    appartenant Benjamin.

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    pt leur tre daucun secours31. linstant mme o il fut accord

    Daguerre de pouvoir fixer les images de la chambre obscure, le tech-nicien dit adieu au peintre. Pourtant, la vritable victime de la photo-graphie ne fut pas la peinture de paysage mais le portrait en miniature.Les choses se dvelopprent si rapidement que, ds 1840, la plupartdes innombrables miniaturistes embrassrent la profession de photo-graphe, dabord accessoirement, puis plein temps32. Cest moins leursqualits dartistes qu leurs capacits dartisans quon doit la haute qua-lit de la production photographique dalors. Cette gnration de tran-sition devait seffacer petit petit; il semble quune sorte de bndic-tion biblique ait repos sur ces photographes : les Nadar, Stelzner,Pierson, Bayard ont tous approch les quatre-vingt-dix ou cent ans33.Finalement, les commerants se pressrent de partout pour accder ltat de photographe, et quand se rpandit la retouche sur ngatif,revanche du mauvais peintre sur la photographie, on assista un rapidedclin du got34. Ce fut le temps o les albums de photographies com-mencrent se remplir. On les trouvait de prfrence dans les recoinsles plus glacs des maisons, sur la console ou le guridon de la chambre

    damis : relis de cuir avec de rpugnants fermoirs en mtal et des pagesdores sur tranche grosses comme le doigt, o se distribuent des figurescomiquement fagotes oncle Alex et tante Rika, Gertrude quand elletait petite, papa en premire anne de facult et enfin, comble de honte,nous-mme en Tyrolien de salon, jodlant, agitant son chapeau sur descimes peintes, ou en marin dlur, la jambe dappui bien droite, lautrelgrement plie, comme il se doit, appuy sur un montant poli35. Lesaccessoires de tels portraits pidestal, balustrade, table ovale rap-

    pellent le temps o, cause de la longue dure de lexposition, il fallaitdonner aux modles un point dappui, pour quils demeurent immobiles.Si lon stait content au dbut dappuis-tte ou de supports, les tableauxclbres et le dsir de faire artistique inspirrent bientt dautres acces-soires. En premier lieu la colonne et le rideau. Les plus clairs dnon-crent ces excs ds les annes 1860. Ainsi pouvait-on lire dans unefeuille spcialise anglaise: En peinture, la colonne a une apparencede vrit, mais la faon dont elle est employe en photographie estabsurde, car elle est habituellement pose sur un tapis. Chacun sera

    pourtant convaincu quune colonne de marbre ou de pierre ne peut avoirun tapis pour fondation36. Cest cette poque que sont apparus cesateliers avec leurs draperies et leurs palmiers, leurs tapisseries et leurs

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    chevalets, mi-chemin de la reprsentation et de lexcution, de la salle

    du trne et de la chambre de torture, dont un portrait du jeune Kafkafournit un tmoignage poignant37 [fig. 8]. Debout dans un costume den-fant trop troit et presque humiliant,charg de passementeries, le garonnet,g denviron six ans, est plac dans undcor de jardin dhiver. Des rameaux depalmier se dressent larrire-plan. Etcomme pour rendre ces tropiques capi-tonns encore plus touffants, le modletient dans sa main gauche un chapeaudmesur larges bords, comme en por-tent les Espagnols. Sans doute dispara-trait-il dans cet arrangement, si les yeuxdune insondable tristesse ne dominaientce paysage fait pour eux.

    Cette image, dans son infinie dsolation, est un pendant desanciennes photographies, sur lesquelles les gens napparaissaient pas

    encore abandonns et seuls au monde comme ce garonnet. Il y avaitune aura autour deux, un mdium qui confrait leur regard, lorsquily pntrait, plnitude et sret. L encore, lquivalent technique est porte de main, et repose dans labsolu continuum de la lumire la plusclaire lobscurit la plus noire38. L encore est prserve la loi selonlaquelle la technique nouvelle pousse la prcdente son summum39,puisque lancienne peinture de portrait, avant son dclin, avait produitune floraison de mezzotinto. Il sagissait l bien sr dune technique de

    reproduction, ainsi quen attestera plus tard son union avec la photo-graphie. Chez Hill comme sur les gravures en mezzotinto, la lumirese fraie malaisment un chemin hors de lombre: Orlik parle de cette accumulation lumineuse due la dure de lexposition, qui confreaux premires photographies leur grandeur40. Et parmi les contem-porains de linvention, Delaroche remarquait dj une impression gn-rale jamais atteinte auparavant, prcieuse, et qui ne nuit en rien latranquillit des masses41. Ainsi en va-t-il de la dtermination techniquedu phnomne auratique. Certains portraits de groupe, tout particu-

    lirement, retiennent encore un certain bonheur dtre ensemble, quiapparat pour un court instant sur la plaque, avant de disparatre sur letirage original. Cest ce cercle de vapeur, qui sinscrira parfois joliment

    18

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    Fig. 8. Anon.,portrait de Kafkaenfant, apparte-nant Benjamin

    (ill. non repr. dansDie Literarische

    Welt).

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    et judicieusement dans lovale dsormais pass de mode de lencadre-

    ment. De sorte quon se trompe, propos des incunables de la photo-graphie, en soulignant leur got ou leur perfection artistique. Cesimages ont t ralises en des endroits o, pour chaque client, le pho-tographe reprsentait un technicien de la nouvelle cole, mais ochaque client tait, pour le photographe, le membre dune classe mon-tante42 dont laura venait se nicher jusque dans les plis de la redingoteou de la lavallire. Car cette aura nest certes pas le simple produit dunappareil primitif. Bien plus, il existait alors entre lobjet et la techniqueune correspondance aussi aigu que devait ltre leur opposition dansla priode du dclin. Bientt, en effet, les progrs de loptique devaientfournir des instruments qui allaient chasser compltement lobscuritet fournir un reflet fidle des phnomnes. Mais, partir des annes1880, cette aura que le refoulement de lobscurit par des objectifsplus lumineux avait refoule de limage tout comme la croissante dg-nrescence de limprialisme bourgeois lavait refoule de la ralit les photographes voyaient comme leur tche de la simuler par tous lesartifices de la retouche, en particulier lusage de la gomme bichroma-

    te43. Ainsi vit-on advenir, du moins dans le style Art nouveau, la modede tons crpusculaires, traverss de reflets artificiels ; pourtant, malgrcette pnombre, se dessinait de plus en plus clairement une posturedont la raideur trahissait limpuissance de cette gnration devant leprogrs technique.

    Et pourtant, ce qui demeure dcisif en photographie, cest toujoursla relation du photographe sa technique44. Camille Recht la caract-ris dans une belle mtaphore: Le violoniste, dit-il, doit dabord crer

    la note, il doit la chercher, la trouver en un clair, tandis que le pianistefrappe sur une touche: la note retentit. Le peintre comme le photo-graphe ont un instrument leur disposition. Lusage du dessin et ducoloris correspondent la cration du violoniste ; le photographe par-tage avec le pianiste laspect mcanique, soumis des lois contrai-gnantes auxquelles chappe le violon. Aucun Paderewski ne recueillerajamais la gloire ni nexercera la magie lgendaire dun Paganini 45. Pour-tant pour filer la mtaphore il est un Busoni46 de la photographie,et cest Atget. Tous deux taient des virtuoses, en mme temps que des

    prcurseurs. Ils partagent un panouissement sans exemple dans leurart, li la plus haute prcision. Mme leurs choix respectifs ne sontpas sans parent. Atget tait un comdien qui, dgot par son mtier,

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    renona aux fards du thtre pour dmaquiller la vrit47. Il vivait Paris,

    pauvre et inconnu, et bradait ses photos des amoureux gure moinsexcentriques que lui. Il est mort rcemment, laissant derrire lui uneuvre de plus de quatre mille images48. Berenice Abbot, de New York,a rassembl ces preuves et un recueil dune remarquable beaut, ditpar Camille Recht, vient de paratre*. Les journaux de son temps igno-raient tout de lhomme qui faisait souvent le tour des ateliers avec sesphotographies, les distribuant pour quelques sous, souvent pour le prixdune carte postale, de celles qui montraient si joliment la ville plon-ge dans la nuit bleue, avec une lune retouche. Il avait atteint le plede la matrise suprme, mais sur cette matrise acharne dhomme degrand mtier, lui qui vivait toujours dans lombre avait oubli de plan-ter son drapeau. Cest pourquoi certains peuvent penser avoir dcou-vert le ple quAtget avait atteint avant eux49. De fait, les photos pari-siennes dAtget annoncent la photographie surraliste avant-garde dela seule colonne vritablement importante que le surralisme ait russi mettre en branle. Cest lui qui, le premier, dsinfecte latmosphretouffante quavait propage le portrait conventionnel de lpoque du

    dclin50. Il lave, il assainit cette atmosphre : il entame la libration desobjets de leur aura mrite incontestable de la plus rcente cole pho-tographique. Quand les revues davant-gardeBifurou Varit51 publient,sous les intituls Westminster, Lille, Anvers ou Breslau, de simplesdtails ici, un morceau de balustrade et la cime dun arbre chauve dontles branches sentrecroisent devant un lampadaire gaz; l, un murmitoyen ou un candlabre avec une boue de sauvetage sur laquelle onpeut lire le nom de la ville elles ne font que pointer littrairement des

    motifs dcouverts par Atget. Il recherchait ce qui se perd et ce qui secache, et cest pourquoi ses images contredisent la sonorit exotique,chatoyante, romantique des noms de ville : elles aspirent laura du relcomme leau dun bateau qui coule. Quest-ce au fond que laura ? Unsingulier entrelacs despace et de temps: unique apparition dun loin-tain, aussi proche soit-elle. Reposant par un jour dt, midi, suivreune chane de montagnes lhorizon, ou une branche qui jette sonombre sur le spectateur, jusqu ce que linstant ou lheure ait part leurapparition cest respirer laura de ces montagnes, de cette branche. Il

    20

    tudes photographiques, 1

    * [Eugne] Atget, Lichtbilder (dit par Camille Recht), d. Henri Jonquires, Paris,Leipzig, 1931 [note de W. B.].

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    Fig. 9. Eugne Atget, March des Carmes, place Maubert (ill. tire de Lichtbilder, 1931).

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    y a en effet aujourdhui une propension aussi passionne rapprocher

    les choses de soi, ou plutt des masses, qu triompher en chaque occa-sion de lunicit par leur reproduction. Jour aprs jour, le besoin se faitplus pressant de possder la plus grande proximit avec lobjet danslimage ou plutt dans sa copie. Et la copie, telle que la livrent journauxillustrs ou actualits filmes, se distingue videmment de limage. Uni-cit et permanence sont aussi troitement lies dans celle-ci que fuga-cit et reproductibilit dans celle-l. Dbarrasser lobjet de son enve-loppe, en dtruire laura, est la marque dune perception dont le sens delgalit sest dvelopp de telle faon quelle lapplique galement lunicit par la reproduction. Atget est presque toujours pass ctdes belles vues et des soi-disant curiosits52 mais pas dune longuerange de bottines [fig. 9], ni dune cour parisienne o salignent en rangdu matin au soir les charrettes bras, ni dune table aprs le repas, quandla vaisselle na pas encore t range, comme il sen trouve au mmeinstant des centaines de milliers, ni du bordel rue ***, n 5 dont le

    22

    tudes photographiques, 1

    Fig. 10.Dbut de la

    3e livraison de laPetite histoire

    Les illustrationssont tires de

    Sander (cf. bibl.).

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    cinq est crit en grand quatre endroits diffrents de la faade. Pour-

    tant, curieusement, presque toutes ces images sont vides. Vide la portedArcueil prs des fortifs, vides les escaliers dhonneur, vides les cours,vides les terrasses des cafs, vide, comme il se doit, la place du Tertre53.Non pas dserts mais mornes ; sur ces images, la ville est vacue,comme un appartement qui na pas encore trouv de nouveau locataire.Ces capacits sont celles par lesquelles la photographie surraliste ins-talle une salutaire distance entre lhomme et son environnement. Ellelaisse le champ libre au regard politiquement duqu, devant lequeltoute intimit cde la place lclaircissement du dtail.

    III

    Il est clair que ce nouveau regard trouvera moins son profit l o lona t le plus ngligent : dans le portrait commercial officiel. Dun autrect, renoncer la figure humaine reprsente pour la photographie lob-jectif le plus irralisable. celui qui lignorerait, les meilleurs films russesont appris que le milieu54 et le paysage ne se dvoilent que pour celuiqui, parmi les photographes, sait les saisir dans leur manifestation ano-

    nyme sur un visage. Cependant, la condition de cette possibilit reposepresque exclusivement sur celui qui est reprsent. La gnration quine tenait pas absolument passer la postrit par la photographie,mais se retranchait avec pudeur dans son espace vital loccasion duntel crmonial comme Schopenhauer enfonc dans son fauteuil surle portrait excut en 1850 Francfort a laiss pour cette raison cetespace vital avec elle sur la plaque: cette gnration na pas transmisses vertus. Cest alors que, pour la premire fois depuis plusieurs dcen-

    nies, les films russes permirent de laisser agir des gens devant une camrasans en faire un usage photographique. Immdiatement, sur la plaque,la figure humaine dvoilait une nouvelle, une incommensurable signi-fication. Mais ce ntait plus du portrait. Qutait-ce? Cest lminentmrite dun photographe allemand que davoir rpondu cette ques-tion. August Sander* a rassembl une srie de ttes qui ne le cde enrien la puissante galerie physiognomonique dun Eisenstein ou dunPoudovkine et il la fait dun point de vue scientifique. Son uvreglobale est constitue de sept groupes correspondant une classe

    sociale dtermine ; il doit tre publi sous la forme denviron quarante-

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    * August Sander,Antlitz der Zeit, Munich, Kurt Wolff, 1929 [note de W. B.].

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    cinq albums comprenant chacun douze photographies55. Pour lins-

    tant, un recueil comprenant un choix de soixante reproductions est dis-ponible, qui offre une matire inpuisable lobservation. Sander com-mence par les paysans, les hommes attachs la terre, puis conduitlobservateur travers toutes les couches et tous les mtiers jusquauxreprsentants de la plus haute civilisation et redescend jusquauxidiots56. Lauteur na pas abord cette tche considrable en savant,inspir par des thories raciales ou sociales, mais, comme le prciselditeur, en observateur direct57. Cette observation est certainementsans prjugs, audacieuse mais aussi tendre au sens du mot de Goethe : Il existe une tendre exprience qui sidentifie intrieurement lobjetet devient ainsi une vritable thorie58. Ainsi nest-il pas surprenantquun observateur comme Dblin sintresse prcisment aux aspectscientifiques de cette uvre et remarque: De mme quil existe uneanatomie compare, clairant notre comprhension de la nature et delhistoire de nos organes, de mme Sander nous propose-t-il la photo-graphie compare: une photographie dpassant le dtail pour se pla-cer dans une perspective scientifique59. Ce serait piti que les condi-

    tions conomiques empchent la poursuite de la publication dun corpusaussi extraordinaire. En sus de cet encouragement sur le fond, on peuten adresser un autre, plus prcis, lditeur. Des uvres comme cellede Sander peuvent acqurir du jour au lendemain une actualit impr-vue. Les changements de pouvoir qui nous attendent60 requirentcomme une ncessit vitale damliorer et daiguiser le savoir physio-gnomonique. Que lon soit de droite ou de gauche, il faudra shabituer tre examin tout comme soi-mme on examinera les autres. Luvre

    de Sander est plus quun recueil dimages: cest un atlas dexercices61

    .Il nexiste notre poque aucune uvre dart que lon considreaussi attentivement que son propre portrait photographique, ceux deses parents, de ses amis ou de ltre aim62, crivait ds 1907 AlfredLichtwark, ramenant ainsi linvestigation du domaine des distinctionsesthtiques vers celui des fonctions sociales. Ce nest qu partir de lquelle peut poursuivre son avance. Il est significatif que le dbat sesoit le plus souvent fig autour dune esthtique de la photographiecomme art, alors quon naccordait par exemple pas la moindre atten-

    tion au fait social nettement plus consistant de lart comme photogra-phie. Pourtant, les effets de la reproduction photographique desuvres sont dune tout autre importance pour la fonction de lart que

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    la ralisation dune photographie plus ou moins artistique dans laquelle

    lvnement se transforme en prise photographique. De fait, lama-teur rentrant chez lui avec son butin dpreuves artistiques originalesnest pas plus rjouissant quun chasseur qui ramnerait une telle massede gibier quil faudrait ouvrir un magasin pour lcouler. Le jour nestpas loin o il y aura plus de journaux illustrs que de vendeurs de gibieret de volaille. Mais oublions le shooting. Que lon se tourne vers laphotographie comme art ou vers lart comme photographie, laccent sedplace sensiblement. Chacun a pu faire lobservation selon laquelleune reprsentation, en particulier une sculpture, ou mieux encore undifice, se laissent mieux apprhender en photo quen ralit. La ten-tation est grande de repousser cela comme un dclin du sens artistique,une dmission de nos contemporains. Mais ceux-ci doivent constatercombien, avec lapprentissage des techniques de reproduction, sestmodifie la perception des grandes uvres. On ne les peroit pluscomme la cration dun individu: elles sont devenues des productionscollectives, si puissantes que pour les assimiler, il faut dabord les rape-tisser. En fin de compte, les procds de reproduction sont des tech-

    niques de rduction qui confrent un certain degr de matrise desuvres qui, sans cela, deviendraient inutilisables63.

    Si lon cherchait la caractristique majeure des relations contem-poraines de lart et de la photographie, ce serait linsupportable ten-sion que leur impose la photographie des uvres dart. Nombre deceux qui, en tant que photographes, influent sur la physionomie decette technique, viennent de la peinture. Ils lui ont tourn le dos aprsavoir cherch rapprocher dune faon vivante et vidente ce moyen

    dexpression de la vie actuelle. Plus tait vive leur attention au contem-porain, plus leur point de dpart leur devenait problmatique. Commeil y a quatre-vingts ans, la photographie a pris le relais de la peinture.Le potentiel crateur de la nouveaut, dit Moholy-Nagy, est sou-vent recouvert par les formes, les instruments ou les catgoriesanciennes, que lapparition du nouveau rend dj caduques, mais qui,sous sa pression mme, produisent une dernire floraison euphorique.Ainsi, par exemple, la peinture futuriste (statique) nous livra une pro-blmatique clairement dfinie (qui sannula elle-mme plus tard) de la

    simultanit cintique, de la mise en forme du moment temporel, etcela une poque o le cinma existait dj, sans avoir fait cependantlobjet dune rflexion srieuse. [] Enfin on peut avec prudence

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    considrer certains des peintres qui mettent aujourdhui en uvre des

    moyens de reprsentation figuratifs (noclassicisme et peintres de laNeue Sachlichkeit) comme les prcurseurs dun nouvel art optique figu-ratif qui nutilisera bientt plus que des moyens mcaniques et tech-niques64. Et Tristan Tzara, en 1922: Quand tout ce quon nommeart fut bien couvert de rhumatismes, le photographe alluma les mil-liers de bougies de sa lampe, et le papier sensible absorba par degrsle noir dcoup par quelques objets usuels. Il avait invent la force dunclair tendre et frais qui dpassait en importance toutes les constella-tions destines nos plaisirs visuels65. Ceux qui ne sont pas venus desbeaux-arts la photographie par opportunisme, par hasard ou par com-modit forment aujourdhui lavant-garde parmi les spcialistes, parceque leur parcours les protge peu prs du plus grand danger de laphotographie actuelle : la tendance dcorative. La photographiecomme art, dit Sasha Stone, est un domaine trs dangereux66.

    Si la photographie saffranchit du contexte que fournissent un San-der, une Germaine Krull ou un Blossfeldt, si elle smancipe des int-rts physiognomoniques, politiques ou scientifiques, alors elle devient

    cratrice. Laffaire de lobjectif devient le panorama; lditorialistemarron de la photographie entre en scne. Lesprit, surmontant lamcanique, interprte ses rsultats exacts comme des mtaphores dela vie67. Plus la crise actuelle de lordre social stend, plus ses momentssinguliers sentrechoquent avec raideur dans un antagonisme total, plusla cration dont le caractre fondamental est la variabilit, la contra-diction le pre et la contrefaon la mre devient un ftiche dont lestraits ne doivent lexistence qu lalternance des clairages la mode.

    Le monde est beau68

    , telle est sa devise. En elle se dissimule la pos-ture dune photographie qui peut installer nimporte quelle bote deconserve dans lespace, mais pas saisir les rapports humains dans les-quels elle pntre, et qui annonce, y compris dans ses sujets les pluschimriques, leur commercialisation plutt que leur connaissance.Mais puisque le vrai visage de cette cration photographique est lapublicit ou lassociation, son vritable rival est le dvoilement ou laconstruction. La situation, dit Brecht, se complique du fait que, moinsque jamais, une simple reproduction de la ralit nexplique quoi que

    ce soit de la ralit. Une photographie des usines Krupp ou AEG nap-porte peu prs rien sur ces institutions. La vritable ralit est reve-nue la dimension fonctionnelle. La rification des rapports humains,

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    Fig. 11. Man Ray, Salle manger, rayogramme(illustration de lalbum lectricit, 1931).La citation de Tristan Tzara est extraite de saprface de 1922 lalbum Les Champs dlicieux,

    compos de rayogrammes de Man Ray texte traduit par Benjamin en 1924pour la revue G, et premier tmoignagede son intrt pour la photographie.

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    cest--dire par exemple lusine elle-mme, ne les reprsente plus. Il ya donc bel et bien quelque chose construire, quelque chose darti-ficiel, de fabriqu 69. Le mrite des surralistes est davoir prparla voie une telle construction photographique. Une seconde tapedans laffrontement entre photographie construite et photographiecratrice fut le cinma russe. Rien l que de plus normal: les perfor-

    mances de ses ralisateurs ntaient possibles que dans un pays o laphotographie ne repose pas sur lexcitation et la suggestion, mais surlexprimentation et lapprentissage. En ce sens, et en ce sens seule-ment, peut-on encore donner une signification laccueil grandilo-quent que fit en 1855 le peintre dides mal dgrossi Antoine Wiertz la photographie : Il nous est n, depuis peu dannes, une machine,lhonneur de notre poque, qui, chaque jour, tonne notre pense eteffraie nos yeux. Cette machine, avant un sicle, sera le pinceau, la

    palette, les couleurs, ladresse, lhabitude, la patience, le coup dil, latouche, la pte, le glacis, la ficelle, le model, le fini, le rendu. []Quon ne pense pas que le daguerrotype tue lart. [] Quand ledaguerrotype, cet enfant gant, aura atteint lge de maturit ; quandtoute sa force, toute sa puissance se seront dveloppes, alors le gniede lart lui mettra tout coup la main sur le collet et scriera : moi !Tu es moi maintenant ! Nous allons travailler ensemble 70.

    Les mots par lesquels Baudelaire annonce la nouvelle technique seslecteurs quatre ans plus tard, dans son Salon de 1859, sont autrement plus

    froids, voire pessimistes. Pas plus que ceux quon vient de citer, on nepeut les lire aujourdhui sans en dplacer laccent. Mais comme ils for-ment le pendant de lenthousiasme de Wiertz, ils ont gard la valeur

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    Fig. 12.WaldemarTitzenthaler,Ruhrgebiet(illustration tire

    de Das DeutscheLichtbild, 1930).

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    aigu dune dfense contre toutes les usurpations de la photographie

    artistique. Dans ces jours dplorables, une industrie nouvelle se pro-duisit, qui ne contribua pas peu confirmer la sottise dans sa foi [],que lart est et ne peut tre que la reproduction exacte de la nature [].Un Dieu vengeur a exauc les vux de cette multitude. Daguerre futson messie71. Et: Sil est permis la photographie de suppler lartdans quelques-unes de ses fonctions, elle laura bientt supplant oucorrompu tout fait, grce lalliance naturelle quelle trouvera dans lasottise de la multitude. Il faut donc quelle rentre dans son vritabledevoir, qui est dtre la servante des sciences et des arts72.

    Mais une chose est passe inaperue de Wiertz comme de Baude-laire, cest linjonction qui repose dans lauthenticit de la photogra-phie. Si un reportage dont les clichs nont dautre effet que de sasso-cier par le biais du langage permet de lescamoter, cela ne sera pastoujours possible. Lappareil photo deviendra toujours plus petit, tou-jours plus prompt saisir des images fugaces et caches, dont le chocveille les mcanismes dassociation du spectateur. Ici doit intervenir lalgende, qui engrne dans la photographie la littralisation des condi-

    tions de vie, et sans laquelle toute construction photographiquedemeure incertaine. Ce nest pas en vain que lon a compar les clichsdAtget au lieu du crime73. Mais chaque recoin de nos villes nest-il pasle lieu dun crime? Chacun des passants nest-il pas un criminel? Lephotographe successeur de laugure et de lharuspice na-t-il pas ledevoir de dcouvrir la faute et de dnoncer le coupable sur ses images ? Lanalphabte de demain ne sera pas celui qui ignore lcriture, a-t-ondit, mais celui qui ignore la photographie74. Mais ne vaut-il pas moins

    encore quun analphabte, le photographe qui ne saurait pas lire sespropres preuves? La lgende ne deviendra-t-elle pas llment le plusessentiel du clich? Telles sont les questions par lesquelles les neufdcennies qui sparent les contemporains de la daguerrotypie dchar-gent leurs tensions historiques. Cest la lueur de ces tincelles, sor-tant de lombre du quotidien de nos grands-pres, que se montrent lespremires photographies, si belles et inapprochables.

    Walter BENJAMIN(Traduit de lallemand par Andr Gunthert)

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    Le texte est traduit partir de ldition originaleparue dans Die Literarische Welt, qui prsentequelques diffrences de dtail avec la version desGesammelte Schriften (ci-dessousGS). Les divi-sions correspondent aux trois livraisons de larticle, les18 septembre, 25 septembre et 2 octobre 1931. Les notesde Walter Benjamin sont signales par des astrisques,celles du traducteur par des appels de note en chiffres.

    Les rfrences des ouvrages cits en abrg sont dtaillesdans la bibliographie (voir p. 36).

    Le traducteur tient remercier pour leur concoursClment Chroux, Olivier Lugon et Jean-Claude

    Lebensztejn. Ldition critique du texte a t labore loccasion dun cours au dpartement Image photo-

    graphique (Paris VIII), durant lanne universitaire1995-1996.

    1. Le dbut de larticle est fortement ins-pir du texte de SCHWARZ, auquel sontnotamment empruntes la comparaison de

    la photographie et de limprimerie (que lonretrouve dans plusieurs autres ouvragesdhistoire de la photographie allemands delpoque, cf. Erich STENGER, Geschichte der Pho-tographie, Berlin, VDI Verlag, 1929), ainsi quelide du caractre inluctable de linvention( lheure tait venue ) elle-mmeemprunte lhistoriographie de limprime-rie et promise, viaFREUND (1936), un grandavenir. La fin de cette premire phrase( fixer dans la camera obscura ) est reprisepresque mot pour mot de MATTHIES-MASU-REN, p. 19.

    2. ffentliche Sache, jeu de mots delatiniste, est lquivalent allemand du fameux

    Res publica. Benjamin oublie curieusement desituer, par lindication dun millsime, lesdctiques temporels de son introduction.Les cinq ans defforts correspondent lapriode de collaboration officielle entreNipce et Daguerre, inaugure par contraten 1829 et interrompue en 1833 par la mortde Nipce, six ans avant la divulgation dudaguerrotype, en 1839.

    3. Cf. BOSSERT & GUTTMANN ( dater decette poque, [les] crations [de la photo-graphie] sont tellement fausses et prten-tieuses, et si loin de notre conceptionactuelle, quil faut sabstenir de reproduire desphotographies postrieures 1870, s. p.[p. 3]) ; galement ORLIK, p. 36-37 etSCHWARZ, p. 20.

    4. Dans cette premire partie du texte, les

    units historiques forges par Benjamin man-quent singulirement de prcision. Lapriode que suggrent ses exemples pourraitrecouvrir grossirement les annes 1850-1860, soit la deuxime (et non la premire)dcennie aprs la divulgation du daguerro-type. Toutefois, David-Octavius Hill (etRobert Adamson) ayant pratiqu la photo-graphie entre 1843 et 1847, Charles-VictorHugo en 1852, Flix Nadar partir de 1854et Julia Margaret Cameron partir de 1860,il est impossible de runir leurs travaux sousla mme dcennale. la dcharge de Benja-min, les sources quil utilise proposent sou-vent une chronologie confuse, en particulierlors de la mention des procds ngatif-posi-tif (ou photographie proprement dite, paropposition lhliographie et au daguerro-type): Quelques chercheurs placent lori-gine de la photographie vers 1860; cettepoque la daguerrotypie fut supplante par

    le ngatif sur plaque de verre et le tirage surpapier (BOSSERT & GUTTMANN, s. p. [p. 3]).

    5. Il sagit dAndr-Adolphe Disdri (1819-1889), qui dpose en 1854 le brevet de lacarte de visite photographique (cit notam-ment par SCHWARZ). On notera encore unefois le caractre hasardeux de la chronologieesquisse par Benjamin.

    6. Dclenche aux tats-Unis en octobre1929, la crise conomique atteint lAlle-magne fin 1930 et bat son plein au momentde la rdaction de cet article (le nombre dechmeurs y passe de 3,7 millions en

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    NOTES

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    dcembre 1930 6 millions en dcembre1931).

    7. La Petite histoire doit probablementson existence cette rare conjonction dito-riale : la parution coup sur coup de troisrecueils dimages consacrs la photogra-phie ancienne (BOSSERT & GUTTMANN,SCHWARZ, ATGET ; pour une situation histo-riographique de ces ouvrages, voir MartinGASSER, Histories of Photography, 1839-1939, History of Photography, vol. 16, n 1,

    printemps 1992, p. 55-57), elle-mmecontemporaine de la publication de plusieursautres albums remarquables (BLOSSFELDT,RENGER-PATZSCH, SANDER). Benjamin avaitconsacr ds 1928 une premire note de lec-ture louvrage de Blossfeldt (Neues vonBlumen, cf. bibl.), et le premier projet de laPetite histoire consiste probablement enun compte rendu group desdites parutions.

    8. Anon., Leipziger Anzeiger, v. 1840, cit

    daprs DAUTHENDEY, p. 39-40 (cf. note 15).Lerreur de Benjamin (Stadtanzeiger pourAnzeiger) correspond laccentuation ducaractre local du journal. Corrige dans laversion des GS, cette erreur conduit JoanFontcuberta dnier toute ralit lextraitcit (puis se tromper son tour, en inter-vertissant Karl et Max Dauthendey, cf. JoanFONTCUBERTA,Le Baiser de Judas. Photographie etvrit, Arles, Actes-Sud, 1996, p. 22-23).

    9. ARAGO, p. 500. Contrairement cequindique la note correspondante des GS,Benjamin nutilise pas ici la version du dis-cours traduite par Josef-Maria EDERdans saGeschichte der Photographie de 1905 (il na appa-remment pas consult cet ouvrage), maiscelle de ldition allemande des uvres com-pltes dARAGO (Smtliche Werke, d. de W. G.Hankel, Leipzig, V. Otto Wigand, 1854-1856, t. VII). Gisle Freund, qui nhsite pas,dans sa thse de 1936, piller plusieursreprises la Petite histoire, reprend parexemple textuellement lexpression de Ben-jamin concernant Arago (cf. FREUND, p. 39.

    Rappelons ce propos que Walter Benjaminet Gisle Freund ne feront connaissancequen 1932, prs dun an aprs la publicationde la Petite histoire).

    10. Passage repris presque mot pour mot deDAUTHENDEY, p. 32.

    11. Reproduisant une tendance bien tabliedepuis le pictorialisme, les ouvrages alle-mands de lpoque minimisent largement(quand ils ne loublient pas tout fait) lerle du photographe Robert Adamson

    (1821-1848). Benjamin ne fait ici que suivreses sources: MATTHIES-MASUREN, ORLIK,SCHWARZ ou BOSSERT & GUTTMANN.

    12. Cf. SCHWARZ : Son nom est oubli, sestableaux ont disparu, rien ne pourrait lestirer de loubli, sil navait laiss derrire luiune uvre photographique incomparable(p. 20).

    13. Il sagit de la seconde des quatre repro-ductions qui illustrent la premire livraisonde larticle de Benjamin dans laLiterarische Welt(voir fig. 1), tire de louvrage de SCHWARZ(fig. 26) : le portrait de Mrs Elizabeth (Johns-tone) Hall (cf. Sara STEVENSON,D. O. Hill and

    R. Adamson, dimbourg, National Gallery ofScotland, 1981, p. 196). Devant lloquencede Benjamin, il est intressant de noter quilne connat de cette image (comme toutes lesphotographies historiques auxquelles il estfait allusion dans cet article) que les

    mdiocres reproductions publies (pour les-sentiel, dans SCHWARTZ ou BOSSERT & GUTT-MANN).

    14. Citation des quatre derniers vers dupome Standbilder. Das sechste de StefanGEORGE (cf. bibl.). Linterrogation formulepar ces vers suit, au quatrain prcdent, ladescription dimpressionnants portraits( Peur et dsir veillent les noms son-nants/De puissants princes et chefs en or etrubis/Leurs ttes me regardent dans descadres craquels/Dans leur obscurit argen-te et leur ple carmin).

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    15. Karl Dauthendey (1819-1896), pion-nier du daguerrotype en Allemagne. Sonfils, le pote Max Dauthendey, lui consacreraun livre de souvenirs, souvent mentionncomme un ouvrage de rfrence sur les pre-miers temps de la photographie (cf. ORLIK,p. 33, BOSSERT & GUTTMANN, s. p. [p. 4]). Ledouble portrait auquel fait allusion Benjamin,reproduit daprs BOSSERT & GUTTMANN (fig.128, date 1857), constitue la premire illus-tration de larticle. La surenchre interprta-tive laquelle donne lieu ce trs banal por-trait datelier prend visiblement sa source,beaucoup plus que dans limage, dans le texteautobiographique de Dauthendey (cf. notesuivante).

    16. Benjamin opre ici une confusion extr-mement intressante. Le livre de souvenirs deMax Dauthendey relate brivement le dcs,en 1855, de la premire femme de son pre,Karl (cf. DAUTHENDEY, p. 114). Le rcit

    enchane immdiatement sur la descriptiondune photographie plus ancienne du jeunecouple, conserve par la demi-sur de Max,commente en ces termes : On ne voitencore aucune trace du malheur futur sur cetteimage, sinon que le mle regard de mon pre,sombre et appuy, trahit une brutalit juv-nile, susceptible de blesser cette femme quile contemple attentivement. (Ibid., p. 115).Mais il ne sagit pas de la mme femme: celle

    qui figure aux cts du photographe dans lou-vrage de BOSSERT & GUTTMANN est la secondefemme de Karl Dauthendey, Mlle Friedrich(1837-1873), quil pousera deux ans plustard. Superposant la description narrativedune photographie limage quil a sous lesyeux, Benjamin confond les deux pouses, et,empruntant au rcit du pote sa technique deprophtie rtrospective, il la dplace duregard masculin au regard fminin produi-sant sur cette image une construction com-plexe, mais absolument fantasmatique (cf. A.GUNTHERT, Le complexe de Gradiva,tudesphotographiques, n2, mai 1997, p. 118-121.

    17. Souvenir des petites perceptions deLeibniz: On peut mme dire quen cons-quence de ces petites perceptions le prsentest plein de lavenir et charg du pass []et que dans la moindre des substances, desyeux aussi perants que ceux de Dieu pour-raient lire toute la suite des choses de luni-vers (Gottfried Wilhelm LEIBNIZ,Nouveaux

    Essais sur lentendement humain (d. J. Brunsch-wig), Paris, Flammarion, 1990, p. 42).

    18. Le passage qui souvre ici (et se clt avec

    la mention de Blossfeldt) reprend un dve-loppement similaire de Malerei PhotographieFilm de Lszl MOHOLY-NAGY (1925, p. 22).Si lon doit bien Benjamin lexpressiondinconscient optique (Optisch-Unbewuss-ten), celle-ci apparat comme le pendant du devenir-conscient (Bewusstwerden) deMoholy-Nagy (ibid.).

    19. Zeitlupen oder Vergrsserungen , dit le texte(hardiment traduit par. ralenti et acclr

    par Maurice de Gandillac). Si lagrandisse-ment (Vergrsserung) correspond bien unprocd photographique, que vient faire ici

    Zeitlupe (ralenti, par opposition Zeitraffer:acclr), terme de lunivers cinmatogra-phique ? Il semble bien que Benjaminconfonde ce mot, demploi relativementrcent en allemand, avec le substantif quiexprime leffet visuel darrt sur image: lins-tantan (Momentaufnahme). Outre le sens lit-

    tral du terme (loupe temporelle), qui lerapproche tout naturellement de Vergrsse-rung, le texte de Moholy-Nagy, duquel sins-pire ce passage (voir note ci-dessus), sarti-cule bel et bien autour de deux typesdexemples: ceux issus de lanalyse scienti-fique du mouvement (marche, saut, galop),ceux dus lagrandissement (formes zoolo-giques, botaniques et minrales), appuys surplusieurs illustrations (MOHOLY-NAGY,1925, p. 22). Le fait que Moholy utilise ga-lement quelques pages plus loin le terme de

    Zeitlupe (p. 29) peut venir confirmer cettehypothse.

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    20. Cf. BLOSSFELDT, respectivement p. 17,123, 37, 39, 99. Passage repris avec quelquesmodifications de W. B., Neues von Blu-men, p. 153.

    21. SCHWARZ, p. 42.

    22. Henry H. SNELLING, The History andPractice of the Art of Photography, 1849,cit daprs SCHWARZ, ibid.

    23. DAUTHENDEY, p. 46-47.

    24. Cf. W. B., Nichts gegen die Illustrierte(1925).

    25. Ce passage sinspire dORLIK : Cest jus-tement cette faiblesse dune nouvelle tech-nique ses dbuts qui rend ses effets artis-tiques si puissants (p. 38).

    26. Il sagit bien sr dune approximation his-torique. Comme on sait, les procds utili-sables en extrieur furent longtemps beau-coup moins sensibles que ceux quirequraient la proximit immdiate du labo-

    ratoire.27. ORLIK, p. 38-39. Emil Orlik (1870-1932)est un dessinateur et graphiste berlinois.

    28. KRACAUER, p. 94.

    29. Bernard von Brentano (1901-1964),journaliste, crivain et ami de W. B. est alorscorrespondant de laFrankfurter Zeitung. Nousnavons pu retrouver lorigine de la citation.

    30. Giambattista Della Porta (v. 1535-

    1615), physicien italien.31. ARAGO, p. 465.

    32. Le passage sur le portrait en miniatureest emprunt presque mot pour mot MAT-THIES-MASUREN, p. 4-6 ( Sa premire vic-time fut le portrait en miniature. La chose sedveloppa si vite que la plupart des miniatu-ristes actifs autour de 1840 devinrent photo-graphes, etc.).

    33. Flix Nadar (1820-1910), Carl Ferdi-nand Stelzner (1805-1894), Louis Pierson(1822-1913), Hippolyte Bayard (1801-1887): Benjamin trouve ces informations

    dans les lgendes des illustrations de BOSSERT& GUTTMANN (qui donne faussement 1818pour date de naissance Pierson, lui faisantatteindre 95 ans).

    34. Emprunt manifeste, l encore, Licht-wark dans MATTHIES-MASUREN (p. 7, Benja-min croit bien faire en ajoutant la prcisionsur ngatif, quil reprend BOSSERT &GUTTMANN, s. p. [p. 3]). dire vrai, la thsede la monte de la retouche comme signe dedcadence de la photographie est la convic-tion la mieux partage des sources consultespar W. B. (voir galement ORLIK, p. 37;SCHWARTZ, p. 38). Cette thse est videm-ment dnue de tout fondement historique,et repose sur la vieille maldiction qui frappela pratique toujours honteuse, mais toujoursatteste de lintervention manuelle sur lesubjectile photographique (voir notammentla controverse opposant Paul Prier EugneDurieu dans les colonnes duBulletin de la Socit

    franaise de photographie en 1855, extraits cits

    in Andr ROUILL, La Photographie en France.Textes et controverses: une anthologie. 1816-1871,Paris, Macula, 1989, p. 272-276).

    35. Plusieurs photographies du dbut dusicle, issues de lalbum familial des Benjamin(comprenant notamment Walter en Tyrolienou en marin) ont t publies, voir notam-ment BRODERSEN, p. 19-21 et SCHEURMANN,p. 16-17.

    36. Henry Peach ROBINSON, PhotographicNews, 1856, cit daprs MATTHIES-MASUREN,p. 22 (lensemble du passage sur les acces-soires est fortement inspir du mmeouvrage, p. 55-57).

    37. Le premier ouvrage consacr FranzKafka (Hellmuth KAISER,Franz Kafkas Inferno,Vienne, 1931) vient de paratre. Benjamin,qui sintresse depuis longtemps cet auteuret a notamment prononc cette mme anneun expos radiophonique consacr la paru-tion du recueil La Muraille de Chine (FranzKafka: Beim Bau der chinesischen Mauer,expos du 3 juillet 1931, Frankfurter Rund-

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    funk, GS, t. II, vol. 2, p. 676-683), est entr

    en possession dune photographie de Kafkaenfant. La description quil en fournit dans laPetite histoire sera reprise et dveloppe plusieurs endroits, en particulier lanne sui-vante dans un texte pourEnfance berlinoise, oBenjamin sidentifie au sujet de limage (DieMummerehlen/La commerelle, cf. bibl.).

    38. Le dveloppement sur la manire noireest emprunt, parfois mot pour mot, SCHWARZ, p. 38-39.

    39. Il sagit de la citation de Moholy-Nagyque Benjamin fera plus loin (cf. infra, p. 25).

    40. ORLIK, p. 38.

    41. Paul DELAROCHE, cit daprs SCHWARZ,p. 39. Celui-ci propose une adaptation alle-mande (retraduite ici), qui inverse le sens dutexte original (cf. ARAGO p. 493 : [] le finidun prcieux inimaginable ne trouble en rienla tranquillit des masses, ne nuit en aucunemanire leffet gnral).

    42. Cf. ORLIK, p. 37.

    43. Quoique reposant sur des informationsissues dORLIK (pour les objectifs) ou MAT-THIES-MASUREN (pour les pratiques de laretouche), le dveloppement sur laura appa-rat bel et bien comme une hypothse propre Benjamin. Faut-il y voir la raison de lex-trme confusion du passage? Lassociationdes paramtres techniques ou sociologiques

    eux-mmes hasardeux quil propose nerenvoie aucune ralit identifiable de lhis-toire de la photographie.

    44. Ide adapte de SCHWARZ, p. 13.

    45. Ignace Paderewski (1860-1941) fut pia-niste virtuose. Niccol Paganini (1782-1840) est le plus clbre violoniste de tousles temps. Camille Recht, in ATGET, p. 9. Laconclusion du parallle est la suivante: A-t-on jamais compar un pianiste virtuose avec

    un matre du violon? (Ibid.)46. Ferruccio Busoni (1866-1924) pianistevirtuose, sinstalle Berlin partir de 1894.

    47. Emprunt Camille Recht : [Atget] en

    avait assez du thtre. Lui qui avait t forcpendant de longues annes [] de mimer lespres nobles ou les tratres, avec le maquillageet la barbe postiche des intrigants, se jeta avecla joie de la dlivrance [] sur les petits sujets:les gens, les maisons, les boutiques, les cafs les choses du quotidien (ATGET, p. 9).

    48. On croit pouvoir affirmer que ses cli-chs atteignent un nombre de plusieurs mil-liers entre six et huit mille, ibid., p. 26.

    49. Ibid., p. 8.50. Lopposition que formule ici Benjaminpuise peut-tre lune de ses dterminationsdans un fort contraste ditorial: face lava-lanche de portraits nostalgico-romantiquesque prsentent les recueils tels ceux deSCHWARTZ ou BOSSERT & GUTTMANN, lico-nographie dATGET parat en effet dunegrande sobrit.

    51. Cf. W. B., Surrealistische Zeitschriften

    (1930).52. ATGET, p. 17.

    53. Ibid., respectivement fig. 7, 87, 15, 64,63, 89, 44, 34, 65.

    54. En franais dans le texte : il sagit duterme issu de la thorie naturaliste (voirnotamment mile ZOLA,Le Roman exprimen-tal, Paris, Charpentier, 1881, p. 185 sq.).

    55. SANDER(cit dans la traduction de La

    Marcou), p. 1.56. Ibid.

    57. Ibid (mme en omettant les guillemets,Benjamin continue de citer lannonce dito-riale de louvrage).

    58. GOETHE, p. 435. Cette pense fait suite deux rflexions concernant lagrandisse-ment (n 507 et 508).

    59. SANDER(cit dans la traduction de La

    Marcou), p. 14. Sur la prface de Dblin, voirVincent Lavoie, Effeuillage du visage etperte de soi,La Recherche photographique , n14,printemps 1993, p. 42-43.

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    60. Plusieurs changements de gouverne-

    ment (dont un en octobre 1931, le mois dela parution de la troisime livraison de laPetite histoire) maillent une priodetrouble, qui a notamment vu les nazis obte-nir 107 siges au Reichstag en septembre delanne prcdente.

    61. On notera la grande cohrence du pas-sage qui dbute avec la troisime livraison,et son absence de lien avec les dveloppe-ments prcdents lments qui indiquent

    une rdaction spare, qui pourrait tre cellede la note de lecture sur louvrage de Sander,incorpore aprs coup dans lensemble formpar la Petite histoire.

    62. MATTHIES-MASUREN, p. 16. Auteur de laprface dun des ouvrages les plus sollicitspar Benjamin pour la rdaction de sa Petitehistoire, Alfred Lichtwark (1852-1914),clbre historien dart, tait le directeur de laKunsthalle de Hambourg, o il organisa en

    1893 la grande exposition pictorialiste Lartde la photographie qui fleurit secrtement.

    63. Cest loccasion de son compte rendude louvrage de Blossfeldt (Neues von Blu-men) que Benjamin avait engag la rflexionsur lagrandissement et la rduction. Esquis-se ici de faon assez sommaire, cette pro-blmatique culminera dans Luvre dart.

    64. MOHOLY-NAGY (1925), p. 22 (traduc-tion adapte de Catherine Wermester, p. 92).

    65. TZARA, p. 416. La traduction que fit Ben-jamin en 1924 de la prface de Tzara pourlalbum de photogrammes de Man Ray (LesChamps dlicieux, Paris, Socit gnrale dim-primerie et ddition, 1922), dont il reprendici un extrait, constitue la premire trace deson intrt pour la photographie (cf. W. B.,Die Photographie von der Kehrseite).

    66. Cf. Sasha STONE, Photo-Kunstgewebe-reien, Das Kunstblatt, vol. 12, 1928, p. 86.Comme Germaine Krull, le photographeSasha Stone tait un ami personnel de W.Benjamin.

    67. Nous navons malheureusement pu

    retrouver lorigine de cette citation, qui faittoutefois penser aux critiques qui accueilli-rent le clbre ouvrage dAlbert Renger-Patzsch (cf. Carl Georg HEISE, [Einleitung],RENGER-PATZSCH, p. 11, et Olivier LUGON,

    La Photographie en Allemagne, Nmes, d. J.Chambon, 1997, p. 135-159).

    68. Allusion au titre de louvrage de RENGER-PATZSCH :Die Welt ist schn.

    69. BRECHT, p. 469. Exprimant la mme ide

    un an plus tt, Brecht lattribue au marxisteSternberg propos des usines Ford (ibid., p.443-444).

    70. W IERTZ , p. 309 (voir galementROUILL, op. cit., p. 245). Forme de termesdun vocabulaire trs spcialis, la longuenumration de Wiertz ntait pas facile traduire, et Benjamin a trbuch surquelques mots: sa version oublie ficelle,confond model avec modle (Vorbild) et

    traduit rendu par extrait (Extrakt). Mau-rice de Gandillac ayant retraduit ce passagede lallemand (comme toutes les autres cita-tions de textes franais de la Petite his-toire, lexception du Salon de Baude-laire), il est amusant de constater que lesnotes de ldition Pliade des uvres com-pltes de Baudelaire citent leur tour cettetraduction de traduction hasardeuse (cf.BAUDELAIRE, p. 1391). Publie en recueil en

    1870, luvre littraire du peintre belge estpourtant trs facilement accessible laBibliothque nationale, o Benjamin lui-mme la consulta.

    71. Ibid., p. 616-617.

    72. Ibid., p. 618.

    73. Cf. ATGET, p. 18.

    74. MOHOLY-NAGY (1928), p. 5 (cit dans latraduction de Catherine Wermester, p. 195).Benjamin avait dj cit ds 1928 la cl-brissime formule du professeur du Bauhaus,dans son article sur Blossfeldt (Neues vonBlumen, p. 151).

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    I. Walter Benjamin

    a) ditions de la Petite histoire

    Kleine Geschichte der Photographie,DieLiterarische Welt, 7eanne, n38, 18 septembre,p. 3-4 ; n 39, 25 septembre, p. 3-4 etn 40, 2 octobre 1931, p. 7-8 [premiredition du texte, qui a servi ici de rfrence pour latraduction].

    Kleine Geschichte der Photographie,Gesammelte Schriften (d. Rolf Tiedemann,Hermann Schweppenhuser et al.), Franc-fort/Main, Suhrkamp, 1982, t. II, vol. 1,p. 368-385 ; notes : vol. 3, p. 1130-1143[dition allemande de rfrence, qui comporte une di-tion critique, malheureusement lacunaire et parfois

    fautive].

    Petite histoire de la photographie, Essais1 (1922-1934) traduction franaise par

    Maurice de Gandillac, Paris, Denol-Gon-thier, 1983, p. 149-168 [rdition de la premiretraduction franaise, parue en 1971, souvent brillante,mais qui comporte de nombreuses erreurs et ne corres-pondait plus aux exigences actuelles de ltablissementdun texte].

    b) Autres textes de W. B.sur la photographie

    Die Photographie von der Kehrseite (tra-duction allemande par W. B. de larticle deTristan Tzara, La photographie lenvers,cf. ci-dessous, II, b),G -Zeitschrift fr Elementare Ges-taltung, 1924, n 3, p. 29-30.

    Nichts gegen die Illustrierte [1925], GS,t. IV, vol. 1-2, p. 448-449.

    Neues von Blumen [ Die Literarische Welt,1928], GS, t. III, p. 151-153, traduction fran-aise par Christophe Jouanlanne, Du nou-

    veau sur les fleurs, in W. B., Sur lart et la pho-tographie, Paris, Carr, 1997, p. 69-73.

    Pariser Tagebuch (4. Feb.) [Die Literarische

    Welt, 1930], GS, t. IV, vol. 1-2, p. 580-582.

    Surrealistische Zeitschriften [Die Literari-sche Welt,1930],GS, t. IV, vol.1-2, p.595-596.

    Die Mummerehlen [1932], Berliner Kind-heit um Neunzehnhundert, GS, t. IV, vol. 1,p. 260-263; traduction franaise par JeanLacoste, La commerelle, Sens unique prcdde Enfance berlinoise, Paris, MauriceNadeau, 1988 (2e d. revue), p. 67-71.

    Ein Kinderbild, Franz Kafka. Zur zehntenWiederkehr seines Todestages [1934], GS, t. II,vol.2, p. 416-425.

    Daguerre oder die Panoramen [1935],Das Passagen-Werk, GS, t. V, vol. 1, p. 48-49;traduction franaise par Jean Lacoste,Daguerre ou les panoramas,Paris, capitale duXIXe sicle, Paris, Cerf, 1993, p. 37-38.

    Pariser Brief II. Malerei und Photographie

    [Die Literarische Welt, 1936], GS , t. III,p. 495-507 ; traduction franaise par Marc B.de Launay, Peinture et photographie,

    Les Cahiers dart du Centre Georges Pompidou, n 1,1979, p. 40-45.

    Gisle Freund. La Photographie en Franceau dix-neuvime sicle [Die Literarische Welt,1936], GS, t. III, p. 542-544.

    Das Kunstwerk im Zeitalter seiner tech-nischen Reproduzierbarkeit [1936], GS,t. I, vol. 2, p. 431-508; traduction franaisepar Pierre Klossowski, Luvre dart lpo-que de sa reproduction mcanise [1936],

    crits franais (d. J.-M. Monnoyer), Paris,Gallimard, 1991, p. 140-171; par Maurice deGandillac, Luvre dart lre de sa repro-ductibilit technique [1971],Essais 2 (op. cit.),p. 87-126 ; par Christophe Jouanlanne,Luvre dart lpoque de sa reproductibi-lit technique, in W. B., Sur lart et la photogra-

    phie, op. cit., p. 17-68. Y. [Die Photographie] [v. 1928-v. 1937],

    Das Passagen-Werk,GS, t. V, vol. 2, p. 824-846 ;

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    BIBLIOGRAPHIE

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    traduction franaise par Jean Lacoste, Y. [Laphotographie], Paris, capitale duXIXe sicle,Paris, Cerf, 1993, p. 685-703.

    ber einige Motive bei Baudelaire (XI)[1939], GS, t. I, vol. 2, p. 644-650; traduc-tion franaise par Maurice de Gandillac,revue par Jean Lacoste, Sur quelques thmesbaudelairiens (XI), Charles Baudelaire. Unpote lyrique lapoge du capitalisme, Paris, Payot,s.d. [1982], p. 196-205.

    Quelques autres mentions apparaissent et l

    dans luvre de Benjamin propos de photographiemais, en lespce, son travail de loin le plus importantreste la Petite histoire. Nombre de textes postrieurs(en particulier Luvre dart) ne font que reprendreses principaux dveloppements.

    II. Sources cites par W. B.

    a) Sources historiques

    Franois ARAGO, Le Daguerrotype,uvres compltes (d. J.-A. Barral), t. VII, 1858,p. 455-517.

    Charles BAUDELAIRE, Salon de 1859, uvrescompltes, t. II (d. Cl. Pichois), Paris, Galli-mard, 1976, p. 608-682.

    Stefan GEORGE, Standbilder. Das Sechste[1898], Smtliche Werke, t. V, Stuttgart, Klett-Cotta, 1984, p. 58.

    Johann Wolfgang von GOETHE, Maximen

    und Reflexionen (509), Werke (d. W.Weber, H. J. Schrimpf et al.), Munich, Beck,1973 (7e d.), vol. 12, p. 435.

    Antoine WIERTZ, La Photographie[1855], uvres littraires, Paris, Librairieinternationale, 1870, p. 309-310.

    b) Sources contemporaines

    Eugne ATGET, Lichtbilder (intr. CamilleRecht), Paris, Leipzig, d. Jonquires, 1930.

    Karl BLOSSFELDT, Urformen der Kunst (intr.Karl Nierendorf) [1928], Dortmund,Harenberg, 1995 (12e d.).

    Helmuth BOSSERT, Heinrich GUTTMANN,Aus der Frhzeit der Photographie. 1840-1870,Francfort/Main, Societts-Verlag, 1930.

    Bertolt BRECHT, Der Dreigroschenprozess.Ein soziologisches Experiment [1930],Werke(d. W. Hecht), Francfort/Main, Suhrkamp,1992, t. XXI,p. 448-469.

    Max DAUTHENDEY, Der Geist meines Vaters[1912], Munich, Langen, 1925.

    Siegfried KRACAUER, Die Photographie[1927],Aufstze, t. II, Francfort/Main, Suhr-kamp, 1992, p. 83-98; traduction franaisepar Susanne Marten et Jean-Claude Mouton,La Photographie, Revue desthtique, n25,1994, p. 189-199.

    Fritz MATTHIES-MASUREN, KnstlerischePhotographie (intr. Alfred Lichtwark), Berlin,Marquardt, 1907.

    Lszl MOHOLY-NAGY,Malerei PhotographieFilm, Munich, Langen, 1925 [traduction fran-

    aise de ldition de 1927 par C.Wermester, J. Kempf et G. Dallez, Peinture

    Photographie Film, Nmes, d. JacquelineChambon, 1993].

    Lszl MOHOLY-NAGY, Fotografie istLichtgestaltung,Bauhaus, vol. II, n 1, jan-vier 1928, p. 2-9 [traduction franaise par C.Wermester, Photographie, mise en forme dela lumire, inLszl Moholy-Nagy. Compositionslumineuses, 1922-1943, Paris, Centre Georges

    Pompidou, 1995, p. 193-197].

    Emil ORLIK, ber Photographie, KleineAufstze, Berlin, Propylen, 1924, p. 32-42.

    Albert RENGER-PATZSCH, Die Welt ist schn(d.C.G.Heise), Munich, Kurt Wolff, 1928.

    August SANDER, Antlitz der Zeit (intr.Alfred Dblin) [1929], Munich, Paris,Schirmer/Mosel, 1990 [traduction franaisepar L. Marcou, Visage dune poque, mme d.].

    Heinrich SCHWARZ, David Octavius Hill(1802-1870). Der Meister der Photographie ,Leipzig, Insel V., 1931.

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    Sasha STONE, Photo-Kunstgewebereien,Das Kunstblatt, vol. 12, 1928, p. 86-87.

    Tristan TZARA, La photographie lenvers[prface de lalbum de Man Ray,Les Champsdlicieux, 1922], uvres compltes (d. HenriBhar), Paris, Flammarion, 1975, t. 1, p. 415-417.

    c) Sources consultes aprs lapublication de la Petite histoire

    Eugne DISDRI, Manuel opratoire de photo-graphie sur collodion instantan, Paris, A. Gaudin,1853.

    Louis FIGUIER, La Photographie au Salon de1859, Paris, Hachette, 1860.

    Gisle FREUND,Entwicklung der Photographiein Frankreich et La Photographie au point de vuesociologique, manuscrits, 1935.

    Gisle FREUND,La Photographie en France auXIXe

    sicle, Paris, Maison des Amis du livre,1936.

    NADAR (Flix TOURNACHON, dit), Quandjtais photographe, Paris, Flammarion, 1900.

    Camille RECHT (dir.),Die alte Photographie,Paris, Leipzig, d. Jonquires, 1931.

    Wolfgang SCHADE (d.), Historische Pho-tos aus den Jahren 1840-1900, Europische

    Dokumente, t. XIV, 1934.

    III. tudes (slection)

    a) tudes biographiques

    Momme BRODERSEN, Spinne im eigenen Netz.Walter Benjamins Leben und Werk, Bhl-Moos,Elster V., 1990.

    Ingrid & Konrad SCHEURMANN (dir.), FrWalter Benjamin, Francfort/Main, Suhrkamp,1992.

    Bernd WITTE, Walter Benjamin, une biographie(trad. de lallemand par A. Bernold), Paris, d.du Cerf, 1988.

    b) W. B. et la photographie

    Hubertus von AMELUNXEN, Dun tatmlancolique en photographie. WalterBenjamin et la conception de lallgorie(trad. de lallemand par V. Meyer),Revue dessciences humaines, t. LXXXI, n 210, avril-juin1988, p. 9-23.

    Alain BUISINE, Aura et halo,Eugne Atget oula mlancolie en photographie, Nmes, d.Jacqueline Chambon, 1994, p. 115-122.

    Andr GUNTHERT, Le temps retrouv.

    Walter Benjamin et la photographie, in coll.Jardins dhiver. Littrature et photographie, Paris,Presses de lcole normale suprieure, 1997,p. 43-54.

    Philippe IVERNEL, Passages de frontires:circulations de limage pique et dialectiquechez Brecht et Benjamin, Hors-Cadre, n 6,1987, p. 139-140.

    Catherine PERRET, La beaut dans le

    rtroviseur,La Recherche photographique , n 16,printemps 1994, p. 74-78.

    Rainer ROCHLITZ, Walter Benjamin et laphotographie. Exprience et reproducti-bilit technique, Critique, n 459-460, aot-septembre 1985, p. 803-811.

    Rainer ROCHLITZ, Destruction de laura:photographie et film, Le Dsenchantement delart. La philosophie de Walter Benjamin, Paris,Gallimard, 1992, p. 174-194.

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