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1 Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement (CAFRAD) ********** Communication sur le thème : Principes de base et fondements du contrôle, audit, inspection et évaluation des services de l’Etat : pourquoi le contrôle et quelles institutions contrôler ? » ********* Présentée par : M. Mamadou Hady SARR, Président de la Commission de Vérification des Comptes et de Contrôle des Entreprises publiques- Cour des Comptes du Sénégal Rabat, du 29 au 31 octobre 2012

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Centre Africain de Formation et de Recherche

Administratives pour le Développement

(CAFRAD)

**********

Communication sur le thème : Principes de base et fondements du

contrôle, audit, inspection et évaluation des services de l’Etat :

pourquoi le contrôle et quelles institutions contrôler ? »

*********

Présentée par : M. Mamadou Hady SARR, Président de la

Commission de Vérification des Comptes et de Contrôle des

Entreprises publiques- Cour des Comptes du Sénégal

Rabat, du 29 au 31 octobre 2012

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Permettez-moi tout d’abord de vous remercier d’avoir convié la

Cour des Comptes du Sénégal à votre forum et d’examiner avec

mes autres collègues les défis actuels et surtout les obstacles qui

empêchent un bon audit des institutions de l’Etat.

Je vais tenter de m’y employer autour du thème sur lequel vous

avez bien voulu me demander d’intervenir : Principes de base et

fondements du contrôle, audit, inspection et évaluation des

services et institutions de l’Etat : pourquoi le contrôle et quelles

institutions contrôler ? »

L’intérêt de ce sujet est manifeste en ce sens qu’il est au cœur de la

problématique du contrôle des finances publiques.

En effet, la bonne gouvernance, la transparence dans la conduite et

la gestion des affaires publiques impliquent un contrôle adéquat

exercé par des institutions indépendantes, dotées de moyens

conséquents. Cette exigence se trouvait déjà exprimée dans la

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en son

article 15 qui dispose : « la société a le droit de demander compte à

tout agent public de son administration ».

Quels sont les fondements du contrôle et de l’évaluation ? Quelles

sont les institutions habilitées à contrôler ou auditer les services

publics ? Quel est le champ d’application du contrôle ; en d’autres

termes, quelles institutions contrôler ?

Telles sont les principales questions posées auxquelles je tenterai

de répondre en m’inspirant, à chaque fois que de besoin, de

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l’expérience du Sénégal. Auparavant, je m’évertuerai brièvement à

définir les concepts de contrôle, d’audit, d’inspection et

d’évaluation pour que nous en ayons tous la même acception.

I. Concepts de contrôle, audit, inspection et évaluation

1.1. Le contrôle

Selon le dictionnaire de l’Académie française (édition 1986), le mot

contrôle est issu de contre rôle (composé de contre et de rôle),

c’est-à-dire un registre que l'on tenait en double.

Ainsi, le contrôle peut se définir comme une activité tendant à

vérifier la conformité ou la compatibilité des actes ou des

opérations aux prescriptions légales ou réglementaires, aux

instructions, aux procédures de gestion en vigueur dans une entité.

Le contrôle est un élément indispensable d'un système de

régulation qui a pour but de signaler, en temps utile, les écarts par

rapport à la norme ou les atteintes aux principes de la conformité

aux lois, de l'efficience, de l'efficacité et de l'économie de manière à

ce que l'on puisse, dans chaque cas, prendre des mesures

correctives, préciser la responsabilité des parties en cause, obtenir

réparation ou prendre des mesures pour empêcher, ou du moins

rendre plus difficile, la perpétration d'actes de cette nature.

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1.2. L’audit

L’audit peut être défini comme une démarche d’investigation et

d’évaluation à partir d’un référentiel, une activité indépendante et

objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré

de maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les

améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée. L’essence de

cette activité est une comparaison entre la situation réelle et une

norme, la situation idéale.

L’audit aide une organisation à atteindre ses objectifs en évaluant,

par une approche systématique et méthodique, ses processus de

management des risques, de contrôle et de gouvernement

d’entreprise et en faisant des propositions pour renforcer son

efficacité.

1.3. L’inspection

L’inspection peut être défini comme un examen a posteriori,

effectué de façon inopinée, des pratiques, procédures et processus

de gestion administrative, financière et comptable d’une entité ou

d’une activité, en vue d’apprécier leur conformité aux lois,

règlements, politiques et directives.

1.4. L’évaluation

Pour l’INTOSAI, l’évaluation « est l'utilisation de méthodes de

recherche systématiques pour constater et apprécier les effets

directs et indirects d'un programme, d'une politique ou d'une action

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publique. Ce constat et cette appréciation sont opérés par rapport

aux objectifs fixés ou implicites de ces programmes, politiques ou

actions ou moyens utilisés pour leur mise en œuvre. »

L’évaluation d’une politique publique a pour objet d’apprécier

l’efficacité de cette politique en comparant des résultats aux

objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre.

Si le contrôle vise avant tout à user de moyens d’investigations

pour déceler des écarts entre la gestion et la comptabilité d’une

entité et une norme, dans une posture principalement critique,

l’évaluation, quant à elle ne cherche pas à blâmer, encore moins à

désigner des responsables.

Elle part d’un a priori neutre et cherche autant à valoriser les

aspects positifs qu’à critiquer les aspects négatifs. Elle peut aider à

conforter une politique publique ou remettre en cause son

existence même, si cette politique n’apparaît pas pertinente.

II. Fondement et nécessité du contrôle

2.1. Fondements

Le contrôle des organismes publics se fonde essentiellement sur

quatre principes considérés comme des conditions minimales sur

lesquelles repose cet exercice : l’obligation de rendre compte, la

transparence, le mandat et l’indépendance.

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2.1.1. Obligation de rendre compte

La reddition des comptes est une condition nécessaire pour le

contrôle des organismes publics. Comme le mentionne la

Fondation canadienne pour la Vérification intégrée (FCVI), « la

reddition des comptes s’entend de l’obligation de répondre de

l’exercice d’une responsabilité qui a été conférée. »

Dans de nombreux pays, le concept de responsabilité se limite au

système comptable ou évoque l’obligation d’établir des rapports.

Dans d’autres, le terme anglais « accountability » renvoie à des

notions plus générales : les modalités par lesquelles ceux qui sont

investis de l’autorité publique sont tenus de rendre compte de leurs

actes.

La responsabilité est l’obligation faite à des individus ou des

organisations, élus ou nommés, et détenant un mandat public, de

rendre compte aux populations qui les ont investis de ce pouvoir,

des actions menées et des décisions prises dans l’exercice de ce

mandat.

Les ressources publiques étant la propriété des citoyens d’un pays,

leur utilisation par des personnes désignées doit faire l’objet d’un

compte rendu aux citoyens. C’est le fondement de la reddition des

comptes, objet de l’article 15 de la Déclaration des Droits de

l'homme et du citoyen du 26 août 1789: « La Société a le droit de

demander compte à tout Agent public de son administration. »

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Comment mener un contrôle des organismes publics si leurs

responsables ne rendent pas compte de leur gestion, en déposant

leurs comptes auprès de la juridiction financière ou en mettant à la

disposition des vérificateurs toutes les informations dont ils ont

besoin et en informant le citoyen sur la manière dont les ressources

publiques sont gérées ?

Selon la norme 1.0.20 de l’INTOSAI, les postulats de base du

contrôle des finances publiques stipulent que :

« A mesure que s’opère une prise de conscience de l’opinion

publique, celle-ci exige de façon croissante que les personnes ou

organismes chargées de gérer les deniers de l’Etat rendent compte

de leur gestion, ce qui montre la nécessité de mettre en œuvre une

procédure leur faisant obligation de rendre des comptes. »

C’est dire donc que le principe de base de toute gestion,

notamment publique, est la reddition des comptes.

La reddition des comptes présuppose l’existence d’au moins deux

parties : une qui attribue des responsabilités et une autre qui

s’engage, à faire rapport sur la façon dont elle les a exercées. Elle

implique, d’une part, que les pouvoirs et responsabilités des

gestionnaires soient clairement définis à l’égard des ressources qui

leur sont confiés et, d’autre part, que des mécanismes de reddition

de comptes soient prévus.

C’est au nom de la nécessaire reddition des comptes que les

organismes publics, dans le cadre de la gouvernance

institutionnelle, sont dotées d’un organe délibérant, qui peut

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s’appeler conseil régional, municipal ou rural, conseil

d’administration ou de surveillance, selon le cas, qui donne mandat

à l’organe dirigeant et à qui celui-ci rend compte de sa gestion pour

recevoir, le cas échéant, quitus.

2.1.2. Transparence

La transparence peut être définie par le fait de « mettre à la

disposition du public sans réserve l’information sur la structure et

les fonctions des administrations publiques, les visés de la

politique des finances publiques, les comptes du secteur public et

les projections budgétaires »

Les postulats de base du contrôle des finances publiques stipulent

que « l'instauration au sein de l'administration de systèmes

appropriés d'information, de contrôle, d'évaluation et

d'établissement de rapports facilitera la mise en œuvre de

l'obligation de rendre compte. Les gestionnaires sont responsables

de l'exactitude et du caractère suffisant de la forme et du contenu

des informations financières ou autres. » (voir paragraphe 6d-

INTOSAI).

Selon le manuel du Fonds Monétaire international sur la

transparence des finances publiques, le public doit être pleinement

informé de l’activité financière passée, présente et prévue et des

principaux risques financiers. La transparence des finances

publiques exige une information exhaustive et fiable sur les

activités passées, présentes et futures des administrations

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publiques pour contribuer à la prise de décisions de politique

économique et améliorer la qualité de ces décisions.

La transparence des finances publiques contribue également à

mettre en lumière les risques qui peuvent peser sur les

perspectives budgétaires, et peut ainsi favoriser une réaction plus

rapide et mieux adaptée à l’évolution des conditions économiques

et réduire du coup l’incidence et la gravité des crises.

La transparence des finances publiques permet à la société

d’obtenir les informations dont elle a besoin pour veiller à ce que

les autorités répondent de leurs choix.

2.1.3. Mandat de l’institution de contrôle

Le mandat est le fondement légal ou la base juridique qui permet à

un organe de contrôle de réaliser ses missions de contrôle. Le

mandat régit, entre autres, la manière dont une institution peut

contrôler une entité.

La loi ou le règlement portant création de l'organe de contrôle

stipule généralement la forme que doit revêtir celle-ci (cour, conseil,

commission, ou inspection), les modalités d'exercice de sa

mission, la durée de son mandat, ses pouvoirs, ses obligations, ses

attributions et l'ensemble des responsabilités qui lui incombent.

Elle édicte également les autres règles relatives à

l'accomplissement des fonctions dévolues à l'ISC.

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Très souvent, les équipes de contrôle sont confrontées à des

difficultés de plusieurs ordres, à savoir :

- dilatoire dans la production des pièces demandées par les

contrôleurs (délais dans les réponses et qualité des informations

produites par les responsables de l’entité contrôlée) ;

- rétention de l’information ;

- agressions verbales voire même physiques de la part de certains

dirigeants ;

- destruction de preuves ou de pièces.

Ainsi, seule l’existence et la claire compréhension par les contrôlés

du mandat de l’organe de contrôle, permettent de surmonter ces

difficultés.

Le mandat permet, en effet :

- d’avoir accès à tous les locaux et à toutes les pièces

justificatives ;

- d’obtenir auprès des gestionnaires des organismes publics ou

d’autres personnes morales ayant une quelconque relation avec

l’unité contrôlée, les informations souhaitées ;

- de proposer des recommandations pour sanctionner les auteurs

d’irrégularités ou de fautes de gestion et améliorer la qualité de

la gestion.

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2.1.4. Indépendance de l’institution de contrôle

Dans tout pays, quel que soit le système politique adopté,

l’indépendance des organes de contrôle est d’une importance

capitale pour mener avec objectivité le contrôle des organismes

publics. Un degré d’indépendance approprié est nécessaire à la

bonne conduite des missions de contrôle si l’on souhaite que les

résultats soient crédibles.

Un institution de contrôle crédible ne peut accomplir ses tâches de

manière objective et efficace que s’il est indépendant du service

contrôlé et s’il est soustrait aux influences extérieures.

Pour renforcer leur crédibilité, les institutions de contrôle doivent

pouvoir jouir de l'indépendance, institutionnelle, fonctionnelle et

organisationnelle nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches.

Concernant les juridictions financières, leur indépendance

nécessite la réunion de diverses conditions :

(i) l’indépendance doit constituer un statut officiellement

proclamé à l’égard de la juridiction financière ;

(ii) les membres de la juridiction financière doivent être

reconnues capables d’exercer leurs activités de contrôle en

toute impartialité et objectivité.

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Selon les normes déontologiques de l’INTOSAI, les ISC ne doivent

être assujetties à aucune directive du corps législatif ou exécutif en

ce qui concerne l’élaboration, la programmation ou la conduite de

la vérification.

Toutefois, l’indépendance de la juridiction ne signifie pas pour

autant l’impossibilité pour l’exécutif de lui proposer de contrôler un

organisme public quelconque à condition que l’ISC ait la possibilité

d’accéder ou non à ces demandes. La juridiction doit élaborer

librement son programme d’activités au titre de l’année. Mais, dans

le cadre de sa mission d’assistance, elle peut répondre

favorablement aux demandes de contrôle que lui adressent le

Parlement et l’Exécutif.

Elle doit également être indépendante pour exécuter ce programme

selon son propre calendrier, qui est annoncé aux gestionnaires, à

l’approche du lancement de la mission.

Un autre élément, et non des moindres, qui confère l’indépendance

fonctionnelle ou opérationnelle est le fait que, de part leur statut,

les vérificateurs ne soient pas assujettis, dans l’exécution de leurs

missions, à des restrictions en ce qui concerne l’accès à

l’information ou le choix du secteur de vérification.

D’une façon générale, les normes déontologiques de l’IINTOSAI

stipulent que les vérificateurs sont tenus de faire preuve

d’indépendance dans l’exercice de leurs fonctions. L’indépendance

du vérificateur se traduit par l’adoption d’un point de vue impartial

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dans la mise en œuvre de sa stratégie de contrôle, dans l’évaluation

de ses résultats et dans la production du rapport. Le vérificateur a

la liberté de décider du contenu de son rapport.

De plus, lorsqu’un vérificateur a des attaches avec les

gestionnaires de l’unité contrôlée, - d’ordre social, personnel ou

autres- risquant de nuire à l’objectivité de l’ISC, la mission de

contrôler cette unité ne doit pas lui être confiée. Pour renforcer

l’indépendance des vérificateurs, il leur est souvent interdit

« d’avoir, sous quelque forme que ce soit, directement ou par

personne interposée, des intérêts dans un organisme sur lequel

s’exercent les contrôles de la Cour » ( cf. Art 12 de loi organique sur

la Cour des Comptes du Sénégal ».

2.2. Nécessité du contrôle

Au delà de ces fondements généraux, il a lieu de constater

l’existence de facteurs structurels et conjoncturels qui rendent plus

que nécessaire le contrôle. On peut citer, à titre d’exemples :

- une gouvernance déficiente dans un contexte de pauvreté,

d’où la nécessité d’améliorer la transparence dans les

finances publiques, de minimiser la mauvaise gestion et la

corruption et d’utiliser de manière plus efficiente et efficace

le budget public ;

- une crise d’efficacité et même de légitimité des

administrations publiques, entraînant un certain manque de

confiance des citoyens et une mauvaise qualité du service

public ;

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- une forte demande en services sociaux de base ;

- une récurrence de déficiences dans le contrôle et la gestion

des organismes publics (phénomènes bureautiques,

circulation de l’information, dysfonctionnement dans la

gestion des ressources humaines, contrôle interne, risque,

etc.) ;

- une rareté des ressources financières destinées au

financement des actions et des programmes publics, d’où

la nécessité d’une gestion de plus en plus rationnelle de

ces ressources. Ceci implique la mise en place d’un

système de contrôle, de suivi et d’analyse des risques ;

- une nécessité de s’assurer du « du bon emploi des fonds

publics », notion ayant permis à beaucoup d’ISC de faire

évoluer leur mission vers le contrôle de la gestion. Ce

contrôle du bon emploi des fonds publics, qui étend le

contrôle de la régularité à un jugement sur l’opportunité

des choix de gestion, ouvre la voie à l’évaluation des

politiques publiques par laquelle est appréciée la relation

entre les objectifs, les moyens et les résultats d’une

politique.

Le fondement et la nécessité du contrôle étant précisés, il convient

maintenant de s’attarder sur les institutions qui doivent assurer le

contrôle des services publics.

III. Institutions de contrôle

Relativement au contrôle, il faut noter que les opérations de

recettes et de dépenses publiques font l’objet d’une multitude de

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contrôles qui répondent chacune à des considérations

particulières. La classification la plus simple consiste à distinguer

les contrôles internes à l’administration (Exécutif) et les contrôles

externes (Cours/Chambres des comptes et Parlement).

Dans cette présentation, il sera mis l’accent sur la Cour des

Comptes, institution supérieure de contrôle des finances publiques,

même si elle n’elle pas seule, dans un système démocratique, le

contrôle externe des finances publiques qu’il partage avec le

Parlement.

3.1. Organes de contrôle interne

On distingue :

les organes de contrôle a postériori :

► les inspections des départements ministériels qui effectuent

pour le compte du Ministre, des missions de vérification des

services administratifs et autres entités du ministère. Ils

n’’effectuent pas directement un contrôle a priori sur les

opérations budgétaires et financières ; toutefois, ils peuvent

signaler au Ministre, tout manquement constaté dans la

gestion financière, à l’occasion de leurs missions de

vérification.

► l’Inspection générale des Finances, chargée de contrôler, a

posteriori, le respect par les services du ministère de

l’Economie et des Finances, de la législation et de la

réglementation financières, des opérations budgétaires,

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financières et comptables de l’État ainsi que de la gestion de

la trésorerie de l’État ;

► l’Inspection générale d’Etat, institution administrative placée

sous l’autorité directe et exclusive du Président de la

République, chargée, notamment de contrôler, dans tous les

services publics de la République, l’observation des lois et

règlements qui en régissent le fonctionnement administratif,

financier et comptable ; d’apprécier la qualité du

fonctionnement de ces services, la manière dont ils sont

gérés et leurs résultats et de vérifier l’utilisation optimale des

ressources, des biens et services des entités vérifiées. Elle

est également chargée de vérifier et d’évaluer les projets de

développement, les Agences et Autorités de régulation, les

programmes et les fonds.

► l’Agence de Régulation des marchés publics (ARMP) chargé

d’assurer la régulation du système de passation des marchés

publics et des conventions de délégation de services publics ;

à ce titre, elle peut, notamment faire réaliser des audits

techniques et/ou financiers en vue de contrôler et suivre la

mise en œuvre de la réglementation en matière de passation,

d’exécution et de contrôle des marchés.

les organes de contrôle a priori :

On peut en distinguer :

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► le Contrôleur des opérations financières, qui effectue pour le

compte du ministère de l’économie et des finances, le

contrôle de la phase administrative de la dépense publique ;

► le Contrôle financier, qui suit, de manière permanente, les

opérations budgétaires et de trésorerie de l’Etat, la gestion

financière des collectivités locales et la gestion financière des

établissements publics, des sociétés nationales et des

sociétés anonymes à participation publique majoritaire. Le

Contrôle financier exerce un contrôle a priori sur les

opérations financières de l’État. A ce titre, tout projet de loi,

d’acte réglementaire ou de contrat, ayant une incidence

financière est soumis à son avis préalable ;

► la Direction centrale des marchés publics (DCMP) a pour

mission, notamment d’assurer le contrôle a priori des

procédures de passation et d’attribution des marchés publics

et d’émettre des avis sur les décisions concernant l’attribution

des marchés et d’accorder à la demande des autorités

contractantes, les autorisations et dérogations nécessaires

lorsqu’elles sont prévues par la réglementation.

La vocation de ces structures successives peut se résumer ainsi :

superviser le bon fonctionnement de la gestion administrative et

financière tant au niveau de l’Administration qu’à celui des

entreprises et établissements publics ou organismes assimilés.

Étant des organes exécutifs, ces différentes institutions ne rendent

compte qu’au gouvernement et à ses membres et les résultats de

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leurs missions de contrôle ne sont souvent pas publics même s’ils

peuvent (et c’est rarement le cas) déboucher sur des poursuites

judicaires.

3.2. La Cour des Comptes

Le contrôle externe est essentiellement assuré par la Cour des

Comptes qui :

► exerce un contrôle juridictionnel :

La mission légale de la Cour des comptes, dont la compétence est

d’ordre public, est d’apurer les comptes retraçant l’emploi des

fonds publics, qu’il s’agisse de gestions patentes ou de

maniements irréguliers. La compétence de la Cour est commandée

par la nature des deniers au moyen desquels ont été effectuées les

opérations.

L’article 92 de la loi constitutionnelle de 2001 dispose que la Cour

des comptes du Sénégal « juge les comptes des comptables

publics. Elle déclare et apure les gestions de fait. Elle sanctionne

les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat, des collectivités

locales et des organismes soumis à son contrôle ».

► Assiste le Parlement et l’Exécutif

La Cour des comptes a également pour mission d’assister le

Président de la République, le Gouvernement et le Parlement dans

le contrôle de l'exécution des lois de finances.

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► exerce un contrôle de la gestion

L’article 92 de la Constitution dispose également que la Cour

« vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s’assure du

bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de

l’Etat ou par les autres personnes morales de droit public. Elle

assure la vérification des comptes et de la gestion des entreprises

publiques et organismes à participation financière publique ».

L’analyse des mandats des principaux organes de contrôle permet,

par déduction logique, de définir le champ d’application du contrôle

et d’indiquer quelles sont les institutions à contrôler.

IV. Champ d’application du contrôle

Le contrôle exercé par les institutions de l’Etat intéresse, d’une

façon générale, tous les rouages de l’Administration, qu’il s’agisse

de l’administration d’état, des collectivités locales ou les

établissements publics ou assimilés.

Une analyse du champ d’application du contrôle peut faire

référence aux sujets et aux activités contrôlés.

4.1. Les sujets

Il ressort de la présentation ci-dessus faite que le champ de

contrôle des institutions ou organes porte sur les entités du secteur

public et parapublic, à savoir :

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les administrations de l’État qui prennent en charge des

activités d’intérêt général (administrations centrales, services

déconcentrés de l’Etat …) ;

les collectivités locales (région, commune, communauté

rurale,) ;

les institutions de sécurité sociale, y compris les organismes

de droit qui assurent en tout ou en partie la gestion d’un

régime de prévoyance ou de retraite légalement obligatoire ;

les entreprises publiques ou, plus précisément, les

entreprises dans lesquelles une personne publique détient la

majorité du capital. Comme catégories d’’entreprises

publiques visées par le contrôle de la Cour, on distingue :

► les établissements publics à caractère industriel et

commercial qui sont des personnes morales de droit

public spécialisées dotées d’un patrimoine propre et de

l’autonomie financière et ne bénéficiant d’aucun apport

privé à leurs fonds de dotation ;

► les établissements publics à caractère scientifique et

technologique (Institut de recherche agricole ; Institut de

technologie alimentaire…) ;

► les établissements publics professionnels (ordre des

avocats, ordre des médecins, ordre des experts

comptables, ….)

► les établissements publics de santé (hôpitaux,

établissements non hospitaliers, par exemple,) ;

► les sociétés nationales qui sont des sociétés par actions de

droit privé dont le capital est entièrement souscrit par l’Etat

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et, le cas échéant, par d’autres personnes morales de droit

public ;

► les sociétés anonymes à participation publique majoritaire,

sociétés dans lesquelles une ou plusieurs personnes

publiques possèdent directement ou indirectement au

moins 50% du capital social.

Les agences d’exécution, des personnes morales de droit public

dotées de l’autonomie financière, sont également soumises au

contrôle de la Cour.

De même, le compte d’emploi des ressources collectées auprès du

public, dans le cadre des campagnes menées à l’échelon national

par tout organisme public ou privé faisant appel à la générosité

publique peuvent faire l’objet, au Sénégal, du contrôle de la Cour ou

de l’Inspection générale d’Etat. Il en est de même de tout organisme

bénéficiant, sous quelque forme que ce soit, du concours financier

ou de l’aide économique de l’Etat, de l’UEMOA ou des organismes

publics qui relèvent de la compétence de la Cour des comptes.

En outre, lorsque l’importance économique, l’intérêt stratégique de

l’activité, l’étendue des aides ou le montant de la participation

publique le justifient, les personnes morales bénéficiant du

concours financier de la puissance publique (les sociétés

anonymes à participation publique minoritaire, les associations

reconnues d’utilité publique, les fondations ou les groupements

d’intérêt économique) peuvent être soumises, à titre exceptionnel

sur autorisation présidentielle, au contrôle de la Cour, à travers la

Commission de Vérification des Comptes et de Contrôle des

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Entreprises publiques, troisième chambre de la Cour des Comptes

du Sénégal. Dans ce cadre, la CVCCEP contrôle, notamment

l’exécution des conventions ou cahiers des charges, par lesquels

des aides ou facilités financières, sous une forme quelconque, leur

ont été accordées par l’Etat.

De même, compte tenu du développement des partenariats public-

privé, la Cour s’intéresse au contrôle des délégations ou

concessions de service public.

En dehors de ces cas, où la Cour n’est pas totalement

indépendante pour programmer un contrôle, il faut évoquer le cas

de services de sécurité ou défense, domaines où les rapports

d’audit externe ne sont souvent pas publiés.

Au Sénégal, en l’état actuel des textes régissant la Cour des

Comptes, aucune disposition particulière ne soustrait les services

de défense et de sécurité de son contrôle.

Il découle de cette analyse, qu’en principe, tous les services de

l’Etat sont soumis au contrôle des institutions créées à cet effet.

4.2. Les activités

Si on analyse le champ d’application à partir des activités, l’on peut

constater que le contrôle est général en ce qu’il porte à la fois sur

l’activité administrative, c’est-à-dire sur l’organisation et le

fonctionnement des organismes publics, sur la gestion financière et

comptable, sur la gestion technique, etc.

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A titre d’exemple, l’article 67 de la loi organique n°99-70 du 17

février 1999 sur la Cour des Comptes dispose : « Le contrôle

exercée par la Cour (…) englobe tous les aspects de la gestion. La

Cour apprécie la réalisation des objectifs assignés, l’adéquation

des moyens utilisés, les coûts des biens et services utilisés, les

prix pratiqués et les résultats financiers. Le Contrôle porte

également sur la régularité et la sincérité des comptabilités ainsi

que la matérialité des opérations qui y sont décrites… »

Conclusion

Le contrôle des services publics pose des problèmes de portée

générale intéressant à la fois la structure et la réalité de la vie

publique. Interviennent à la fois les traditions du pays, l’état de la

conscience politique et les jeux des principales forces politiques :

groupes d’intérêt, presse, opinion publique. Il en résulte que

chaque pays a son propre système de contrôle.

Avec ce monde de plus en plus complexe et en mutation rapide, et

une exigence renforcée du besoin de reddition manifesté par les

citoyens, les responsables du secteur public doivent en dernier

ressort rendre compte de leur intégrité et de leur efficience dans

l’usage qu’ils font des ressources publiques.

Dans un environnement où la tradition de contrôle n’est pas encore

bien ancrée, le contrôle peut susciter une appréhension irraisonnée

chez certains décideurs publics, tentés de soustraire du contrôle,

certains services ou institutions. Dans la majorité des cas, ces

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décideurs n’ont pas conscience que le contrôle peut donner lieu à

des recommandations pertinentes destinées à rendre la gestion des

services publics économique, efficiente et efficace.

D’où la nécessité, pour les institutions de contrôle, de s’efforcer de

communiquer sur leurs procédures et objectifs de contrôle, les

pratiques de gestion en cours dans les organismes publics, ainsi

que sur les facteurs de contre-performance des politiques et

programmes publics, et les propositions de redressement.

Je vous remercie de votre aimable attention.

Bibliographie

1. « Reddition des comptes, rapports sur la vérification de

performance et vérification intégrée ; une vue d’ensemble » ;

Fondation canadienne de la vérification intégrée, 1996

2. Loi organique n°99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des

comptes du Sénégal

3. Contrôle de l’administration publique sénégalaise ; RIPAS ;

1986

4. Normes de Contrôle des finances publiques, INTOSAI, XIVe

Congrès, 1992

5. Manuel sur la transparence des finances publiques, Fonds

Monétaire international, 2007