20
T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI PLAN DU CHAPITRE DOCUMENTS OBJECTIFS DE SAVOIRS ET SAVOIR- FAIRE Introduction I. ORGANISATION DU TRAVAIL ET CROISSANCE A. Le travail organisé, facteur de croissance et révélateur de progrès social 1. L'organisation du travail est source d'efficacité productive et de croissance a) Des fondements de la division du travail... b) ...Aux organisations traditionnelles du travail * Le taylorisme * Le fordisme : mode d'organisation du travail et de régulation économique 2. L'invention de l'emploi dans le cadre de la société salariale a) L'apparition du condition ouvrière et sa précarité au XIXème siècle b) L'avènement de la société salariale et d'un droit du travail protecteur au XXème siècle B. Mais la montée du chômage et les mutations économiques et sociale des années 1970 ont conduit à la flexibilisation du marché du travail 1. Le travail organisé, entre autonomie et contraintes a) Le fordisme, symbole contesté de la société industrielle b) Le toyotisme, une NFOT qui tente d'apporter des réponses aux crises du fordisme c) Finalement, un mouvement tendanciel qui a mené vers davantage d'autonomie sous contraintes 2. La condition salariale est déstabilisée : ruptures et recompositions des normes d'emploi a) Une tendance à la flexibilité et à la fragmentation des normes d'emploi b) Une gestion de la main d’œuvre fondée sur les compétences II. CROISSANCE, PROGRÈS TECHNIQUE ET EMPLOI : LA QUESTION DU CHÔMAGE A. Le chômage, est un phénomène massif et une réalité complexe 1. D'un point de vue factuel : c'est un phénomène inégalitaire 2. D'un point de vue théorique a) La conception libérale du marché du travail b) La conception keynésienne c) Une tentative de synthèse : la théorie du déséquilibre B. La lutte contre le chômage soulève des enjeux multiples dans le cadre d'une conjoncture économique atone 1. Quelle croissance pour réduire le chômage ? 2. Quels sont les effets du progrès technique sur l'emploi ? 3. La flexibilité est-elle une solution efficace pour lutter contre le chômage ? p 341-342 p 93 Doc distribué p 78, 86 + 93 p 81 Documentaire « Il était une fois le salariat » d'A. Kunvari p 78, 105 p 106-107 P 79-82 p 100 à 104 p 108 à 111 p 112 à 114 p 116- 118 Croissance économique Organisation du travail Division du travail Taylorisme Fordisme Salariat Salaire Contrat de travail Droit du travail Conventions collectives Toyotisme DT entre entreprises, DIT Externalisation/Sous-traitance Post-taylorisme/Néo-taylorisme Précarité Flexibilité Rendements croissants Marchés interne/externe du travail Qualification/Compétences Tertiarisation Population active Chômage Marché (de biens et services) Coût du travail Marché du travail Relation croissance, gains de productivité et emploi Partage de la valeur ajoutée Politiques de l'emploi (actives/passives) 1

CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI

PLAN DU CHAPITRE DOCUMENTSOBJECTIFS DE SAVOIRS ET SAVOIR-

FAIRE

Introduction I. ORGANISATION DU TRAVAIL ET CROISSANCE

A. Le travail organisé, facteur de croissance et révélateur de progrès social 1. L'organisation du travail est source d'efficacité productive et de croissance a) Des fondements de la division du travail... b) ...Aux organisations traditionnelles du travail * Le taylorisme * Le fordisme : mode d'organisation du travail et de régulation économique 2. L'invention de l'emploi dans le cadre de la société salariale a) L'apparition du condition ouvrière et sa précarité au XIXème siècle b) L'avènement de la société salariale et d'un droit du travail protecteur au XXème siècle

B. Mais la montée du chômage et les mutations économiques et sociale des années 1970 ont conduit à la flexibilisation du marché du travail 1. Le travail organisé, entre autonomie et contraintes a) Le fordisme, symbole contesté de la société industrielle b) Le toyotisme, une NFOT qui tente d'apporter des réponses aux crises du fordisme c) Finalement, un mouvement tendanciel qui a mené vers davantage d'autonomie sous contraintes 2. La condition salariale est déstabilisée : ruptures et recompositions des normes d'emploi a) Une tendance à la flexibilité et à la fragmentation des normes d'emploi b) Une gestion de la main d’œuvre fondée sur les compétences

II. CROISSANCE, PROGRÈS TECHNIQUE ET EMPLOI : LA QUESTION DU CHÔMAGE

A. Le chômage, est un phénomène massif et une réalité complexe 1. D'un point de vue factuel : c'est un phénomène inégalitaire 2. D'un point de vue théorique a) La conception libérale du marché du travail b) La conception keynésienne c) Une tentative de synthèse : la théorie du déséquilibre B. La lutte contre le chômage soulève des enjeux multiples dans le cadre d'une conjoncture économique atone 1. Quelle croissance pour réduire le chômage ? 2. Quels sont les effets du progrès technique sur l'emploi ? 3. La flexibilité est-elle une solution efficace pour lutter contre le chômage ?

p 341-342p 93Doc distribuép 78, 86 + 93p 81

Documentaire« Il était une fois le salariat » d'A. Kunvari

p 78, 105p 106-107P 79-82

p 100 à 104p 108 à 111p 112 à 114p 116- 118

Croissance économique Organisation du travail Division du travail

TaylorismeFordisme

SalariatSalaireContrat de travailDroit du travailConventions collectives

ToyotismeDT entre entreprises, DIT Externalisation/Sous-traitancePost-taylorisme/Néo-taylorismePrécaritéFlexibilitéRendements croissantsMarchés interne/externe du travailQualification/CompétencesTertiarisation

Population activeChômageMarché (de biens et services)Coût du travailMarché du travail

Relation croissance, gains de productivité et emploi Partage de la valeur ajoutée

Politiques de l'emploi (actives/passives)

1

Page 2: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Ce que dit le programme :Durée indicative = 4 semaines Organisation du travail et croissanceEn liaison avec le thème précédent et pour en approfondir certains aspects, on montrera que l’accroissement de la productivité du travail résulte d’un progrès technique rendu possible par la mise en oeuvre de formes d’organisation spécifiques (division du travail à l’intérieur de l’entreprise et entre entreprises, types de spécialisation).On appuiera la réflexion sur la connaissance de quelques-unes des grandes étapes de la transformation de l’organisation du travail (taylorisme, fordisme, toyotisme...) et de leurs implications sur l’organisation des entreprises.On s’interrogera sur l’existence de deux modèles : l’un où l’obtention de gains de productivité est fondée sur l’augmentation de l’intensité du travail et la standardisation des produits, l’autre où les gains de productivité sont associés à une variété accrue de biens et services.On discutera de l’évolution du monde du travail en éclairant les questions suivantes : apparition, développement et mise en question du salariat, contenu, évolution du contrat de travail et place des conventions collectives, évolution de la durée individuelle du temps de travail et développement du travail en équipes, transformation des contenus et formes des emplois (tertiarisation, évolution des qualifications...).

Croissance, progrès technique et emploiOn montrera comment s’articulent gains de productivité et extension des marchés en examinant les rôles de la formation des prix et de la demande de biens et services : l’accent sera mis sur les effets de la baisse des prix et de l’augmentation des revenus réels. On soulignera que ces mécanismes qui déterminent la croissance économique en rendant compatible l’accroissement de l’offre avec celui de la demande peuvent se révéler défaillants, auquel cas la demande ne suit pas l’offre et le chômage se développe. Cette question sera discutée en se référant aux conditions de la répartition de la valeur ajoutée (rapports de forces, choix de politique économique).On discutera de la relation qu’entretient le progrès technique avec l’emploi.On s’interrogera sur les conditions dans lesquelles les gains de productivité, associés aux nouvelles technologies, peuvent se traduire par des baisses de prix et des hausses de salaires entraînant des accroissements de la demande et du volume de l’emploi. Cela permettra de montrer que les nouvelles technologies n’ont pas par elles mêmes d’effets négatifs sur le volume de l’emploi à moyen et long terme.La question de la flexibilité du travail sera débattue dans ses différentes dimensions (adaptabilité des conditions de travail dans l’entreprise, mobilité professionnelle et géographique, variabilité des salaires) en relation avec les conditions de la croissance. En s’appuyant sur des exemples, on soulignera la complexité des relations entre la flexibilité et l’emploi. On pourra ainsi montrer que, lorsqu’elle permet une meilleure affectation des ressources, la flexibilité est favorable à l’emploi et la croissance, alors qu’elle leur devient défavorable quand elle conduit à une amplification des inégalités. C’est ce qu’on observe quand une vulnérabilité accrue de la main d’oeuvre devient préjudiciable à la demande et à l’acquisition de nouvelles qualifications.

INTRODUCTIONAujourd'hui en France, d'après l'INSEE, le taux de chômage est élevé (= 9,6% au 2ème trimestre 2011, y compris les

DOM) et le contexte économique ralenti suscite des inquiétudes car il n'offre pas les moyens économiques et institutionnels suffisants permettant de le résorber.

Le concept de chômage tel que nous l'envisageons n'apparaît qu'à la fin du XIXème siècle ; il est contemporain de la société salariale qui émerge progressivement sous l'effet de l'industrialisation et de l'urbanisation. Il est donc le produit d'une organisation sociale dans laquelle l'emploi salarié devient la norme et dans laquelle le travail apparaît comme l'un des fondements de l'ordre social.

Nos sociétés occidentales sont ainsi, comme l'écrivait le philosophe J.Habermas, des « sociétés fondées sur le travail ». La notion de travail vient du latin tripaliare = torturer avec le tripalium, ce qui lui confère encore aujourd'hui le sens d'un labeur, d'une peine que l'on prend à faire quelque chose Nous retiendrons néanmoins la définition suivante : le travail désigne une activité rémunérée ou non en vue de produire un bien ou un service (on distingue le travail salarié, non salarié et l'activité domestique)

Toutefois, le travail n'est pas l'emploi : on désignera par emploi l’exercice d’un travail rémunéré auquel est attaché un statut social ( chômage = situation d'une personne qui n'a pas d'emploi mais qui en recherche un activement). En 2009, sur les quelques 26 millions d'emplois recensés en France, 2,4 millions seulement étaient occupés par des non salariés (travailleurs indépendants, professions libérales, exploitants agricoles etc.). Pour cette raison, ce chapitre concernera essentiellement le monde salarial.

Aussi, à la question de savoir « Pourquoi travaillons-nous ? », J. Fourastié répond en 1959 « Pour produire ».Le travail est ainsi un facteur de production qui s'achète et qui se vend sur le marché du travail, mais deux autres

dimensions peuvent y être juxtaposées : - le travail comme essence de l'homme

2

Page 3: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

- le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine la place des individus dans la société et continue d'être le principal moyen de subsistance.

En deux siècles, les conditions d'exercice du travail et l'activité concrète du travail ont considérablement changé.Rapide mise en perspective historique :

- XIXème siècle : misère de la condition ouvrière et naissance du droit du travail - 1930-1975 : mise en place de la société salariale (la PA devient salariée et le salariat ne se confond plus avec la

condition ouvrière)- fin des années 1960, protestations pour dire la lassitude de ceux qui perdent leur vie à la gagner.

Les Trente Glorieuses ont transformé les aspirations des Français en faveur d'un autre mode de vie : « ce n'est pas le travail qui a changé, ce sont les travailleurs qui ne sont plus les mêmes ».

- décennie 1980 : développement des NTIC et des principes de gestion à la japonaise ; la révolution bouscule le travail, non les travailleurs.

- années 1990 : le travail a changé de nature : plus immatériel, plis perméable aux événements mais davantage soumis aux pressions économiques et sociales.Les travailleurs ont changé eux aussi : féminisation de la PA, affirmation des travailleurs pauvres sur un fond de chômage persistant et d'individualisation des relations de travail.

Aujourd'hui, le caractère massif et durable du chômage, l'effritement de la norme d'emploi et la dégradation des conditions de travail rendent urgente la sécurisation des trajectoires professionnelles.

Problématiques centrales du chapitre : - Comment l'organisation du travail est-elle source de croissance économique ?- En quoi les transformations de l'organisation du travail ont-elles engendré des effets sur les conditions de l'emploi ?- Quelles sont les différentes causes et solutions possible pour remédier au chômage ?

I. ORGANISATION DU TRAVAIL ET CROISSANCE

Le capitalisme est, depuis ses débuts, un gigantesque laboratoire d'expérimentation du travail en groupe, pour le meilleur (intelligence et créativité du travail en commun) comme pour le pire (routine et dépendance). Il en résulte différentes formes d'organisation du travail (innovations organisationnelles)

C'est avec la généralisation du rapport salarial fordiste que la croissance a été la plus forte (croissance intensive fondée sur la réalisation de gains de productivité ; par exemple, l'heure de travail est 28 fois plus productive que celle de 1830), témoignant ainsi du rôle important du travail dans la croissance économique.

A. Le travail organisé, facteur de croissance et révélateur de progrès social

1. L'organisation du travail est source d'efficacité productive et de croissance

a) Des fondements de la division du travail...

Pré-requis : ne pas confondre organisation du travail et division du travail :- organisation du travail = différents systèmes, ensemble des méthodes et règles mis en place dans les entreprises

visant à rationaliser le travail pour accroître l'efficacité des moyens de production mis en œuvre => elle vise à tirer avantage de la spécialisation des tâches et des compétences de chaque travailleur

- division du travail = décomposition du processus de production qui consiste à répartir le travail entre des individus ou groupes spécialisés dans des activités complémentaires, tâches limitées et élémentaires

=> division technique du travail = décomposition du processus de production en tâches spécialisées, successives et complémentaires au sein de l'entreprise

=> division sociale du travail qui elle est une notion macrosociologique. Celle-ci consiste en la répartition dans la société des différentes activités entre les individus ou les groupes sociaux (par exemple, division du travail entre les castes ou les ordres des sociétés traditionnelles, aujourd'hui, les différents métiers). Cette division sociale du travail est souvent fondée sur des critères hiérarchiques (tâches plus ou moins prestigieuses et valorisées).

3

Page 4: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Au cours de l’histoire, on a assisté au passage de l’autonomie à l’hétéronomie : les individus étaient autrefois capables de réaliser la quasi totalité des produits qu’ils consommaient alors que de nos jours nous dépendons pour notre survie de la production des autres.

=> Accentuation progressive de la division sociale du travail et de la division technique du travail.

Cette accentuation de la division du travail est passée par trois étapes dans l’industrie :1ère étape (XVIIème-XVIIIème siècles) : c’est le règne du domestic system (faible DT)2ème étape : Au XVIIIème siècle, la manufacture se développe (la DT s'approfondit)3ème étape : Au XIXème siècle, le factory system, c’est-à-dire l’usine, devient le mode d’organisation dominant. Les

ouvriers sont professionnels et ne sont pas encore spécialisés dans des tâches répétitives.Ils ont un esprit de corps et sont souvent fortement syndiqués. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que Taylor va s’attaquer à ce type d’organisation.

Corollaire : Cette mise en usine s’est traduite pour les travailleurs par une dépendance (ils deviennent salariés), une soumission à l’ordre patronal (la réglementation de l’usine, le rythme de la machine, le respect de la ponctualité…) mais aussi par la naissance d’un collectif de travail (des travailleurs réunis dans un même lieu défendant leurs intérêts).

C'est Adam Smith, dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) qui, en décrivant la division technique du travail dans une manufacture d'épingles (exemple emprunté à l’encyclopédie de Diderot), va souligner l'effet positif de la division technique du travail sur les gains de productivité => innovation source de croissance

Smith présente la DT comme une conséquence du penchant naturel des hommes à l’échange. Ce faisant, il présente la DT elle-même comme naturelle, et il la justifie donc.

Manuel doc 2 p 341 + doc 3 p 342 Q5 et 6 p 345

Question 5, p. 345 : Quelle est la conséquence principale de la division du travail ? (doc. 2)Elle permet une hausse importante de l’efficacité du travail, c’est-à-dire de la productivité du travail.

Question 6, p. 345 : Pourquoi la division du travail permet-elle une augmentation de la productivité ? (doc. 3)La division du travail permet une augmentation de la productivité pour 3 raisons :

L’effet d'apprentissage (learning by doing) : En répétant sans cesse les mêmes gestes, les salariés acquièrent de l'habilité. Ils réalisent le produit en moins de temps ;

La réduction des temps morts (la « porosité du travail ») : en se spécialisant, les travailleurs réduisent les temps de fabrication qu’ils perdaient entre deux opérations (changement d'outils, déplacements). Le travail devient ainsi plus « intense » ;

La mécanisation : la simplicité des opérations permet d'inventer des machines simples qui aideront le travailleur à être plus rapide. La parcellisation rend le travail mécanisable.

Donc, la DT améliore la productivité grâce à l’accroissement de l’habileté de l’ouvrier. Spécialisé, il maîtrise mieux les gestes à réaliser. D’où des gains de temps, une réduction des temps morts.

Ces effets sur la productivité sont reconnus, même par Marx.Mais certains aspects vont être critiqués par Karl Marx (1818-1883) et Stephen Marglin (1974) pour qui la division parcellaire s'accompagne d'un abrutissement des ouvriers.

4

Page 5: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Ils voient plutôt dans la DT un moyen d'asseoir la domination du capital sur le travail.La division ne permet pas seulement d’améliorer la productivité, elle permet d’aussi d’augmenter la rentabilité du travail, en vertu du principe de Babbage : subdiviser le travail permet de ne payer, pour chaque tâche, que le salaire le plus faible nécessaire à l’accomplissement de cette tâche.

b) ...Aux organisations traditionnelles du travail

* Le taylorisme Manuel p93

Retenons : Frederik Winslow Taylor (1856-1915), fils de pasteur, va commencer sa carrière comme ouvrier. Il observe la tendance à la « flânerie systématique » des ouvriers de métiers qui ne sont pas incités à accroître leur productivité. Il engage donc une démarche fondée sur l’observation d’ouvrier dans une usine afin de définir une « démarche scientifique » permettant d’améliorer la productivité du facteur travail. Une fois devenu ingénieur, en 1893, Taylor va codifier ses principes dans deux livres : Shop management (1903) et The Principles of Scientific Management (1911). Il va mettre en place une organisation scientifique du travail (OST) qui est censée résoudre un double problème :

- les « ouvriers professionnels » ont tendance à cacher à la direction leur savoir faire pour maîtriser le rythme de leur travail ;

- l'arrivée dans les usines américaines d'un grand nombre de travailleurs migrants peu qualifiés ;- remédier à l'insuffisance de la main-d’œuvre qualifiée

Pour discipliner ces ouvriers et augmenter leur productivité, F.W.Taylor met en place une double division du travail :Une division verticale du travail entre les tâches de conception et les tâches d'exécution.

L'élaboration des méthodes de travail est désormais confiée à des ingénieurs du « bureau des méthodes » qui :- étudient scientifiquement tous les gestes des ouvriers ;- les simplifient en adoptant les outils au geste à accomplir ;- imposent la bonne façon de faire aux ouvriers qui ne sont « pas là pour penser » : the one best way ;- chronomètrent le temps nécessaire à l’accomplissement de la tâche pour déterminer le niveau de

productivité.- imposent une norme de productivité à chaque ouvrier qu’il doit respecter : si ce n’est pas le cas, il aura

des amendes, s’il la dépasse, il sera récompensé par des primes.

Le mode de production est donc organisé en amont par ces services spécialisés qui ont pour mission d’organiser de manière scientifique le mode de production qui sera adopté par l’entreprise. En aval, il ne restera plus aux services opérationnels qu’à appliquer les recommandations faites par le bureau des méthodes (l’ouvrier devient alors un simple exécutant).

Une division horizontale du travail qui consiste à parcelliser les tâches en opérations élémentaires qui pourront être confiées à des « ouvriers spécialisés » ne nécessitant aucune qualification ni aucune réflexion (l'ouvrier « n'est pas là pour penser » selon les mots de F.W.Taylor). En conséquence, l’entreprise organise sa production dans l’espace de manière à faciliter l’exécution de ces tâches élémentaires (le poste de travail doit être ergonomique afin de faciliter le travail de l’ouvrier).

Pour faire adhérer les ouvriers à sa méthode rationnellement pensée, F.W.Taylor impose le salaire au rendement ou aux pièces qui lie, de façon non proportionnelle, l'augmentation des salaires aux gains de productivité. Ainsi, Taylor peut à la fois satisfaire la principale motivation des travailleurs, qui selon lui, est la hausse des salaires et obtenir une baisse du coût salarial unitaire qui accroît les profits.

* Le fordisme : mode d'organisation du travail et de régulation économique

Vidéo (durée : 1min07) : Quelles sont les caractéristiques du fordisme ?

Retenons : Henry Ford (1863-1947), industriel américain, au début du XXe siècle, va prolonger le taylorisme et y ajoute 3 traits principaux :

1/ le travail à la chaîne qui présente les caractéristiques suivantes :* Les pièces et le produit à faire sont amenés par un convoyeur qui élimine les temps morts dus au déplacement et qui impose sa cadence ;* La parcellisation des tâches est ramenée à un seul geste répété des milliers de fois. Le fordisme est donc un prolongement du taylorisme ;

2/ Les pièces et les produits sont standardisés (le modèle unique de la Ford T de couleur noire) de telle façon que les

5

Page 6: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

ouvriers spécialisés ne perdent pas de temps dans leur adaptation aux outils et aux tâches à accomplir.

De plus, Henry Ford, pour s’assurer de la stabilité et de la qualité de ses approvisionnements, va mettre en place une intégration verticale de sa production. Ford fabrique son électricité, son acier, ses outils, sa peinture…Il maîtrise toute la chaîne de la production de l’amont à l’aval.

Ce modèle d’intégration verticale va s’imposer aux grandes entreprises des années vingt à la fin des trente glorieuses car il a l’avantage de relier production de masse et consommation de masse :

- réalisation d'économies d'échelle- production en masse d'objets de moins en moins coûteux

3/ Pour stabiliser les effectifs salariés, Henry Ford va utiliser les gains de productivité dégagés par sa méthode de trois façons différentes :* en augmentant les salaires, (moins vite cependant, que les gains de productivité) => le « 5 dollars day » fait passer le salaire de deux dollars par jours à 5 $ en 1914* en diminuant la durée du travail (de 9 h par jour à 8 h en 1914) ;* en diminuant le prix de sa Ford T afin de la rendre accessible aux classes populaires. Le temps d’assemblage de la Ford T est divisé par 6 ce qui permet une baisse des coûts de production répercutée dans le prix de vente (augmentation des ventes de 200 000 avant 1914 à plus d’un million en 1920 et à 5 millions en 1929).

Mécanismes : Complétez le schéma suivant afin d'expliquer le cercle vertueux de la productivité (ici version corrigée)

Le Fordisme parvient ainsi à concilier production de masse et consommation de masse , réservée toutefois à une élite ouvrière sélectionnée.

Mais si le fordisme est une forme d'organisation du travail, c'est aussi un mode de régulation économique.L’école de la régulation (Michel Aglietta, Bernard Billaudot, Robert Boyer, Benjamin Coriat, Alain Lipietz) a ainsi

qualifié le régime de croissance des Trente glorieuses de mode de régulation fordiste (ou compromis fordiste) car la croissance reposait notamment sur la transformation en hausses de salaire des gains de productivité très importants de la période (5% par an en France par exemple). Ce rapport salarial a permis la progression de la demande conjointement à l'offre.

Les effets positifs du tayloro-fordisme ont été nombreux => source d'efficacité et de croissance :- croissance régulière et équilibrée des trente glorieuses ;- hausse régulière des niveaux de vie, en particulier celui de la classe ouvrière ;- transformation des modes de vie : allègement des tâches domestiques grâce aux équipements électroménagers,

développement de la civilisation de l’automobile, des moyens de communication de masse (radio, télévision, etc.).

Transition : La mise en place de ces organisations du travail a accompagné et s'est accompagnée de modifications dans le monde du travail

6

Page 7: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

2. L'invention de l'emploi dans le cadre de la société salariale

Moyen : Travail à partir du documentaire « Il était une fois le salariat » d'Anne Kunvari (2006) et du manuel

Présentation du documentaire diffusé sur France 5 en 2006 : À l’occasion du centenaire de la création du ministère du Travail (1906), le documentaire dresse, à grands traits, le bilan d’un siècle d’histoire économique et sociale française à travers le prisme de la condition ouvrière, des luttes syndicales, de la protection sociale et de l’évolution de l’organisation du travail.Cette analyse dégage deux périodes :

«1906-1975», pendant laquelle le travail salarié est devenu central et encadré par les acquis sociaux, «1975-2006», où l’unité de la question économique et de la question sociale a volé en éclat en même temps que le statut

des salariés.

a) L'apparition de la condition ouvrière et sa précarité au XIXème siècle

* L'apparition de la condition ouvrière, prémisse du salariat

Dans Les métamorphoses de la question sociale (1995), le sociologue Robert Castel montre que la société salariale est une construction sociale correspondant à un moment précis de l'histoire économique. Elle s’est développée au moment de la Révolution industrielle au début du XIXe siècle et du triomphe d’une société capitaliste, qui allie la propriété privée des moyens de production, les lois du marché et l’accumulation du capital.

Salariat = statut d'activité dans lequel un travailleur est lié à un employeur dans le cadre d'un contrat de travail

Salarié = personne liée à une autre (l'employeur) par un contrat de travail qui prévoit une rémunération (le salaire) en contrepartie du travail fourni par le salarié (les salariés vendent leur travail à un employeur).

Remarque : Selon Karl Marx, le salariat est au coeur du système d'exploitation capitaliste.

Depuis l’industrialisation du XIXème siècle, on constate une salarisation croissante de la population active des pays industrialisés. Ce phénomène est mesuré par le taux de salarisation :

Depuis deux siècles, la salarisation s’est considérablement développée : en France, elle est passée d’environ 15 % au début du siècle (salariés de l’État, domestiques et salariés agricoles essentiellement) à 84 % actuellement (88 % de la population active occupée).

Cette progression s’explique :- par la quasi disparition des agriculteurs exploitants car la hausse de la demande de produits agricoles a été moins

importante que la hausse de la productivité des agriculteurs, ce qui a libéré des hommes pour l’industrie (exode rural).- par la diminution importante des artisans-commerçants, concurrencés par la grande industrie et les grandes

surfaces dont les coûts unitaires sont moins élevés grâce au phénomène des « économies d’échelle ».- par la concentration des entreprises qui augmente la taille des firmes ce qui développe toute une hiérarchie de

salariés (de l’ouvrier ou de l’employé de base aux cadres dirigeants).

* La précarité du salariat au 19ème siècle et début 20ème

Questionnaire su le documentaire Partie 1 du 2' à 10'201/ Décrivez les conditions de travail des ouvriers au début du XXème siècle.

La condition ouvrière est marquée par la précarité du travail et l'insécurité sociale :- l’entrée au travail se fait de façon précoce- la durée du travail est très longue (12 à 16 heures par jour soit 80 heures en moyenne par semaine) - les conditions de travail sont déplorables : le bruit, la chaleur, la poussière…les accidents du travail sont nombreux

et pas indemnisés- le contrat, qui lie le salarié à son employeur, est un contrat précaire- le salaire est journalier et assure le minimum vital physiologique : il dépend du prix du blé, du sexe et de l’âge (un

homme gagne le double du salaire féminin et le triple ou le quadruple du salaire d’un enfant- la protection sociale est réservée à une toute petite minorité de salariés (les fonctionnaires, les salariés des grandes

entreprises…) et ne couvre qu’une maigre retraite. Les pauvres et les indigents n’ont droit qu’à l’assistance sociale de la paroisse ou

7

Taux de salarisation=nombre de salariés

PA occupéex 100

Page 8: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

des œuvres charitables.

=> Le terme même de salarié recouvre, dès 1906, des réalités encore très différentes que le documentaire réduit parfois trop rapidement au seul prolétaire qui n’a que sa force de travail à vendre.

2/ R. Castel parle de « l’insécurité sociale » pour décrire la situation des travailleurs à cette époque. Qu’entend-il par cette expression ?

R. Castel parle d’insécurité sociale, car les travailleurs en cas de maladie par exemple, n’ont aucune autre ressource.Robert Castel dans L’insécurité sociale (2003) synthétise les grands traits de cette époque qui a vu la naissance du salariat industriel :

- Le triomphe de la propriété privée : à cette époque, c’est la propriété qui protège- L’insécurité sociale pour les non propriétaires- La prédominance d’un Etat minimal ou Etat gendarme : c’est un Etat de droit qui se concentre sur ses fonctions

essentielles de gardien de l’ordre public et de garants des droits et des biens des individus.

Donc, au 19ème siècle et début du XXe siècle, les relations entre les salariés et le patronat sont asymétriques puisque les patrons ont un pouvoir absolu dans l’entreprise et que les salariés ne sont pas protégés et n’ont pas le droit de se défendre (en France, la loi Chapelier de 1791 interdit les syndicats et le droit de grève).

b) L'avènement de la société salariale et d'un droit du travail protecteur 5'30 à 10'20

* La naissance du droit du travail et de la protection sociale au XXème siècle

Questions sur le documentaire : 1/ Pour J. Le Goff, la naissance du salariat repose sur la reconnaissance d’une caractéristique fondamentale. Laquelle ?

J. Le Goff affirme que la naissance du salariat repose sur la reconnaissance de l’inégalité, la dissymétrie entre la situation de l’ouvrier et celle du patron. On parle maintenant de contrat de travail, une situation de subordination.

2/ Quelles sont les avancées sociales obtenues à partir de 1906 ?

Les salariés ont pu obtenir une sécurisation de leur situation par :repos hebdomadairecréation du ministère du travail par Clémenceauallocation vieillesse à partir de 65 ansl'allongement de l'âge d'entrée au travail la réduction du temps de travail : 10 h par jour en 1904 ; 8 heures en 1919, 40 heures par semaine en 1936, 39 heures

en 1982, 35 heures aujourd'huile salaire minimum : le SMIG en 1950 qui s’est transformé en SMIC en 1970 en France.la protection sociale les délégués syndicaux (un seul syndicat en 1906 : la CGT)

On peut finalement classer en trois catégories la régulation juridique du monde des salariés qui prend corps durant cette période :la législation concernant l’organisation du travail (journée de 8 heures en 1919, accords Matignon, congés payés), celle concernant la protection sociale (allocations vieillesse en 1910, retraite obligatoire en 1928, sécurité sociale…), ela législation portant sur la syndicalisation et les relations entre ouvriers et patrons (lois sur les conventions

collectives en 1919-1936, comités d’entreprise en 1946).

Retenons : 1/ A partir de la fin du XIXème siècle, les salariés vont être peu à peu protégés dans leur relation avec le patronat et face aux aléas de la vie par trois institutions :

- le droit du travail - les conventions collectives = accord signé entre une ou plusieurs organisations syndicales et un employeur et fixant

les conditions d'emploi etc.- la protection sociale

8

Page 9: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

2/ Les conséquences de ces mesures pour la société salariale sont très importantes :Le travail est devenu l’emploi : en attachant des droits et des protections à la condition de salarié, le travail cesse

d’être une relation purement marchande entre un employeur tout puissant et un salarié démuni. L’emploi c’est un statut qui inclut des garanties non marchandes comme le droit à un salaire minimum, une couverture sociale, une protection contre l’arbitraire…La société salariale n’est pas seulement une société dans laquelle la majorité de la population active est salariée. C’est une société dans laquelle la plus grande partie de la population accède à la citoyenneté sociale.

Le salarié accède à la propriété sociale : par son travail le salarié acquiert des droits sociaux qui le protègent dans et hors de son travail.

Enfin, le contrat de travail devient un contrat négocié collectivement qui s’impose à l’entreprise et aux travailleurs. Ce contrat doit respecter la législation du travail tout en améliorant le sort des salariés.

* L'affirmation de la société salariale durant les Trente Glorieuses 29'15

➢ Le contexte : le régime de croissance fordiste Manuel p 94

Le capitalisme fordiste est ainsi caractérisé par 4 piliers principaux :- un rapport salarial fondé sur le compromis fordiste : les salariés acceptent l’organisation scientifique du travail

mais, en contrepartie, voient les salaires réels augmenter au même rythme que les prix et la productivité.- un Etat-Providence qui protège et intègre les salariés par l’accès à des droits - des politiques macroéconomiques de soutien de la demande : conformément aux principes keynésiens l’objectif

principal de l’Etat régulateur est de lutter contre le chômage. Pour cela, il va mener une politique monétaire et budgétaire active d’investissements publics et de redistribution de revenus aux ménages défavorisés qui ont une forte propension à consommer.

- une économie d’endettement : la Banque centrale, qui est contrôlée à l’époque par l’Etat, maintient des taux d’intérêt directeur à un niveau bas pour favoriser l’accumulation du capital. C’est le maintien de faibles taux d’intérêt qui incite les entreprises à s’endetter auprès des banques et à investir. Les ménages font de même pour accéder au logement. L’inflation rampante de l’époque efface une partie de la dette.

➢ Caractéristiques de l'emploi

Le rapport salarial fordiste qui va s’imposer pendant les « Trente glorieuses » repose sur deux principes : l’emploi typique et l’indexation des salaires sur les gains de productivité et les prix (les salaires augmentent quand les prix augmentent).

Objectif = la productivité

Des années 1950 jusqu’au début des années 1980, on a assisté à la montée en puissance, au sein du salariat d’une « norme d’emploi fordiste » que l’on peut résumer par l’emploi typique. C’est un modèle idéal qui ne correspond pas totalement à la réalité mais qui sert de référence et d’aspiration pour l’ensemble des salariés :

C’est un emploi stable dans la même entreprise ou dans la même administration . Il est garanti par un contrat à durée indéterminée (CDI). Le travailleur garde son emploi tant que l’entreprise a besoin de lui et bénéficie de droits lors de son licenciement (préavis, indemnités…).

C’est un emploi à temps plein, avec des horaires eux aussi normés et hautement prévisibles tant dans la journée (8-9 heures) que dans la semaine (5 jours, peu de travail le week-end et presque jamais le dimanche) et l’année (congés payés en été, souvent en août, de quatre semaines à partir de 1956, puis 5 semaines à partir de 1982).

C’est un emploi avec un seul employeur et un lieu de travail spécifique.C’est un emploi qui s’accompagne d’un système de promotion au cours de la carrière de l’individu.

Ex : L’ouvrier peut espérer devenir contremaître voire technicien. Le technicien peut, suivant les cours du soir accéder au statut d’ingénieur. L’employé peut espérer devenir cadre.

C’est un emploi qui bénéficie de la protection sociale. L’entreprise et le salarié cotisent à la Sécurité sociale pour être pris en charge en cas de maladie, de chômage et pour la retraite. une retraite que l’on pouvait prendre à taux plein à 65 ans, puis à 60 ans à partir de 1982 (sous condition de 150 trimestres de cotisations).

9

Page 10: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Transition : Le développement de la norme d'emploi typique s’explique par les conditions du marché du travail de l’époque c’est-à-dire l’absence de chômage et la nécessité, pour les employeurs, d’offrir de bonnes conditions de travail afin de fidéliser leurs salariés et d’obtenir des gains de productivité.Mais, à partir des années 70, ce modèle de développement semble rencontrer des limites importantes qui vont avoir pour conséquence une remise en cause des principes même du taylorisme et du fordisme, ce qui va conduire à flexibiliser l'organisation du travail et l'emploi, voie qui n'est pas sans limites (précarisation de l'emploi).

B. Mais la montée du chômage et les mutations économiques et sociales des années 1970 ont conduit à la flexibilisation du marché du travail

a) Le fordisme, symbole contesté de la société industrielle des années 1960

Idée : Si l'organisation tayloro-fordiste est facteur de croissance économique, ses effets peuvent s’essouffler et constituer un frein à la croissance.

Document :

Source : R. BOYER et J-P. DURAND, L'Après-fordisme, Syros, 1998Des techniques de production vieillissantes et inadaptées Le mode d'organisation et de coordination fordiste commence à se heurter, dès la fin des années 1960, à une série d'obstacles. Avec l'ouverture grandissante de la France sur l'économie internationale, l'exigence de compétitivité sape d'abord les fondements du compromis fordiste. Des augmentations rapides et régulières des salaires deviennent contradictoires avec les politiques de compétitivité par les coûts. Après 1968, ensuite, l'apparition d'attitudes nouvelles face au travail est le symptôme d'un malaise grandissant. Pourtant, cette première crise du taylorisme ne débouche pas sur une remise en question déterminante. Ce n'est qu'avec les années 1980 que la mise en place d'une automatisation flexible et la généralisation de nouvelles règles du jeu sur les marchés des produits (concurrence internationale plus vive, diversification de la demande, rôle déterminant de la qualité, différenciation accrue des biens, délais rapides de livraison, politique de service après-vente, course à l'innovation, etc.) poussent les entreprises les plus inventives à rompre avec les pratiques d'inspiration taylorienne. Les anciennes lignes de production fordiennes s'avèrent peu efficaces pour affronter les fluctuations du marché.

Olivier Galland et Yannick Lemel, La Société française, pesanteurs et mutations, Armand Colin, 2006.

Quelles limites du taylorisme sont apparues à la fin des années 60 ? Au cours des années 80 ?

Retenons : Crises de l'OST s'est manifestée par des limites économiques et sociales 1/ Une 1ère crise du fordisme : crise du travail et épuisement des gains de productivité

L’organisation taylorienne du travail est adaptée à une main-d’œuvre ayant un faible niveau de formation.Or, au cours des années, la massification scolaire implique une nouvelle génération d’ouvriers mieux formés, qui revendiquent plus

10

Page 11: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

d’autonomie dans leur travail.

Cette crise, annoncée dès les années 20 par l'Ecole des relations humaines (Elton Mayo) et par Georges Friedman (« Le travail en miettes ») (1956), s'est traduite par :

des limites sociales : abrutissement et aliénation des ouvriers qui sont dépossédés de leur savoir-faire et du fruit de leur travail, démotivation des ouvriers => turn-over, sabotages, fort taux d'absentéisme etc. => effets négatifs sur la productivité

des limites économiques : baisse des gains de productivité, c’est-à-dire par une moindre hausse de la productivité du travail et du

capital (sous utilisation de l'équipement, recul du travail posté, épuisement des ouvriers... ), mauvaise qualité des produits (rebus importants)augmentation des coûts baisse de la compétitivité des firmes au moment où la concurrence se faisait plus vive.

Remarque : Le partage salaire-profit se fait au détriment des profits à cette époque.

2/ Une 2ème crise : transformation des marchés et crise de la norme de consommation fordiste

La crise du Fordisme va s'accentuer dans les années 1980 lorsqu'un certain nombre de rigidités vont apparaître :- d’une part, saturation de la demande des biens de consommation de masse traditionnels (voiture, télévision…) car

la quasi-totalité des ménages en est équipée => la demande devient instable.- d’autre part, les consommateurs veulent se différencier => la demande est donc de plus en plus individualisée.- enfin, apparition de nouveaux concurrents sur le marché international (les japonais à cette époque).

En conséquence, les usines doivent devenir flexibles c’est-à-dire capables de s’adapter aux variations de la demande. => Remise en cause l’OST

Le Fordisme, bien adapté pour une production en grande série d'un produit peu différencié et de qualité moyenne (le modèle T de Ford), se révèle incapable d'affronter la compétitivité structurelle qui suppose des produits de qualité adaptés à la demande et fabriqués en petite série.

Conclusion : Force est de constater que dans les années 70, le modèle tayloro-fordien est dans une impasse, victime d’une crise tant sociale qu’économique puisqu’il ne permet plus de générer les gains de productivité nécessaires à sa survie.L’introduction de nouvelles façons d’organiser le travail répond alors d’une nécessité pour les entreprises de renouer avec des gains de productivité source de croissance mais surtout, de rendre l'organisation de la production plus efficiente.

b) Le toyotisme, une NFOT qui tente d'apporter des réponses au crises du fordisme

Idée : Les principes de base du « toyotisme » ou « ohnisme » permettent de remédier aux difficultés rencontrées par les anciennes formes d’organisation du travail.Objectifs :

- Une organisation du travail plus flexible rend le système productif plus compétitif, ce qui est favorable à la croissance dans un contexte de concurrence mondiale accrue

- Motiver les salariés

Manuel p 93 : Quelles sont les caractéristiques du toyotisme ?

Retenons : Le toyotisme est une méthode de production inventée par l’entreprise Toyota et fondée sur la rupture avec le taylorisme et partiellement avec le fordisme. C'est une organisation du travail fondée sur l'exigence de flexibilité = capacité pour une entreprise à adapter plus ou moins rapidement la production et l'emploi aux variations de la demande

Elle repose sur deux caractéristiques centrales : 1/ au niveau de l'organisation de la production => adaptabilité de la production à la demande :

l'offre doit s'adapter à la demande et non l'inverse => production différenciée, en petite série L'autonomation : c’est un néologisme créé à partir d'automation et d'autonome. C'est la capacité d'une

machine à s'arrêter dès qu'elle rencontre un problème. Cela permet à l'ouvrier de ne pas surveiller constamment cette machine et donc de pouvoir travailler sur plusieurs machines. C'est donc un instrument qui élève la productivité d'une façon très importante.

Le « juste à temps » ou « flux tendus » : l'aval de la production commande l'amont Objectif = réduction des coûts de production => compétitivité-prix.

Cette méthode se traduit par les cinq zéro :

11

Page 12: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

- Les stocks de matières premières et de produits finis sont considérablement réduits (zéro stock) - L'attente des produits pour la firme et pour le consommateur est limitée (zéro délai) ;- La circulation de l'information ne passe plus par le papier (zéro papier) => l'information circule grâce à la méthode

« kanban »- Les ouvriers sont obligés de vérifier le bon fonctionnement des machines pour que la production ne soit pas

interrompue- (zéro panne) ;- Les ouvriers sont obligés de surveiller la bonne réalisation du produit pour que la qualité soit totale (zéro défaut).

Amélioration continue des méthodes => « kaizen » (amélioration permanente)Remarque : étudiant l'industrie aéronautique américaine, le prix Nobel Kenneth Arrow a mis en évidence, dans une étude de 1962, un apprentissage par la pratique (learning by doing) qui fait que chaque avion est produit plus efficacement que le précédent.

2/ au niveau de l'organisation du travail : Le travail en équipe ou « teamwork » : Toyota définit les tâches en groupe => cela veut dire que la

rationalisation ne porte pas sur la minute qu'un ouvrier travaille à une voiture, mais sur les dix minutes que le groupe de dix hommes ont pour réaliser les opérations à la voiture. On va pouvoir ainsi réduire au maximum les temps morts car la pression du groupe et le partage des tâches vont permettre un travail plus intense.

La polyvalence des travailleurs objectif = motiver les ouvriers. On a donc :- une rotation des tâches : l'ouvrier change de poste de travail pour éviter la répétition

des tâches ;- l’élargissement des tâches : le salarié fait plusieurs opérations au lieu d'une ;- l’enrichissement des tâches : aux tâches d'exécution s'ajoutent des tâches de

préparation de programmation et de contrôle ;- le travail en groupe semi-autonome : les ouvriers s’organisent entre eux pour se répartir

les tâches à condition de remplir les objectifs de production.- L’organisation par projet : il s’agit de constituer une équipe dont la durée de vie

n’exèdera pas celle du projet. L’équipe constitue alors un réseau de personnes plus qu’une structure rigide, et les liens inter-personnels tissés lors d’un projet doivent pouvoir être réactivés lors d’un autre projet (ex : secteur tertiaire, dans les NTIC)

Le management participatif : - cercle de qualité- système de promotion interne

Objectifs de cette NFOT : - adaptabilité de la production à la demande grâce à la flexibilité => répondre aux besoins de la demande dès le

moment de leur apparition => compétitivité => croissance- impliquent plus les employés qui font plus attention à la qualité de la production. - diversifier les gammes de produits- favorisent la création de produits sur-mesure par des employés polyvalents et autonomes. Le toyotisme va donc

contribuer à l’apparition d’innovations de produit, ce qui renvoie à la compétitivité hors-prix.

Contexte : Manuel p 78 docs 1, 2 et 3 Q1 à Q2

Question 1, p. 79 : À quelles nouvelles contraintes les entreprises doivent-elles faire face ? (doc. 1)L’impératif de productivité et de compétitivité s’est progressivement imposé à l’ensemble des entreprises =>

utilisation accrue de la technologie, une exigence de qualité et la mise en place d’une nouvelle organisation du travail.

Contraintes de rythme liée à la demande

Mondialisation et globalisation financière ont accentué le degré d’incertitude de l’activité économique : plus erratique, celle-ci a contraint les entreprises à élaborer des stratégies productives mieux adaptées à ces fluctuations conjoncturelles déstabilisantes. L’externalisation, la délocalisation, la flexibilité du travail sont autant de réponses à cette situation. La nouvelle gestion de la main-d’œuvre participe ainsi à ce processus d’adaptation des entreprises à la nouvelle donne économique mondiale.

12

Page 13: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Question 2, p. 79 : Pourquoi l’organisation de la production à flux tendus permet-elle de faire face à ces nouvelles contraintes ? (doc. 2)

Organiser la production à flux tendus, c’est produire « juste à temps », sans délai, sans stock. C’est la demande qui déclenche la production. Les quantités produites et les caractéristiques des produits s’adaptent donc en permanence à la demande ce qui est nécessaire pour réduire les coûts et demeurer compétitif dans une économie mondialisée où la concurrence est très vive.

Remarque importante : l'exigence de flexibilité se traduit dans le fait que la division du travail dépasse aujourd'hui le cadre de l'atelier => DT entre entreprises.Cette division du travail entre entreprises se traduit aujourd'hui par 3 aspects :

1/ l'externalisation et la sous-traitance : externaliser = pour une entreprise, cela revient à se recentrer sur son activité principale (cœur de

métier) et faire réaliser par des intervenants extérieurs des ouvrages correspondant à des activités secondairesExemple : Toyota se concentre sur la conception des modèles, l'assemblage des voitures et la fabrication

de quelques pièces essentielles comme les moteurs. Le reste est sous-traité.

Elle peut se faire par : la sous-traitance = situation dans laquelle une entreprise (donneur d'ordres) fait exécuter par une autre

entreprise (sous-traitant) une prestationun partenariatun franchisage

Objectifs = l’optimisation de la production et la réduction des coûts. D'abord, il s'agit de diminuer les coûts des approvisionnements. Les salaires des ouvriers dans la sous-traitance sont

effectivement plus bas (absence de syndicats et d’avantages sociaux). Cette situation est employée par Toyota pour exiger de ces sous-traitants des baisses continuelles de prix (grâce à la mise en concurrence des fournisseurs), qui sont alors reportées sur le dos des travailleurs par une exploitation plus féroce.

Ensuite, Toyota s'adapte aux variations de la demande grâce à la sous-traitance. S'il y a une chute de la production, Toyota envoie alors ces salariés chez les sous-traitants de premier rang. Ceux-ci font de même avec les sous-traitants de second ordre. Et c'est au bas de l'échelle qu'on élimine des emplois et qu’on emploie des travailleurs précaires.

Ce processus d'externalisation se complète depuis les années 90 par des politiques de délocalisation (ex : Nike, hotlines) + organisation des entreprises en réseaux.

2/ La DIT (division internationale du travail)Chaque pays va se spécialiser dans la ou les productions pour lesquels ses coûts de production sont les plus faibles (ce que Smith appelle la théorie des avantages absolus) et pourra les échanger contre des produits provenant d’un autre pays qu’il n’est pas capable de produire à meilleur coût. C’est la raison pour laquelle on parle de Division Internationale du travail (ou DIT).

3/ La DIPP (division internationale des processus productifs)Intérêt : fabrication des pièces dans les pays où la main d'œuvre est moins chère, montage par des ouvriers spécialisés dans des pays à faibles coûts salariaux, conception dans des pays à main d'œuvre qualifiée et mieux payée etc;

Exemple : fabrication de la poupée Barbie ( plastique et cheveux = Taïwan et Japon, assemblage = Philippines, peinture = USA)

Avantages de la DIPP :- économies d’échelle (les coûts fixes se répartissent sur une plus grandes quantité : « amortissement ») > Baisse du

coût unitaire > baisse du prix- plus de choix pour s’approvisionner auprès des fournisseurs > concurrence > baisse du prix des consommations

intermédiaires > baisse du coût de production > baisse du prix - approfondissement de la spécialisation possible => abandon de certaines productions et recentrage sur son activité

principale où elle est la meilleure > hausse de l’efficacité => baisse du prix

Effets des NFOT : L'organisation du travail selon le principe du juste-à-temps a permis de séduire à nouveau des consommateurs lassés

par la standardisation des produits. On peut donc dire que, au moins en partie, les débouchés sont plus assurés par la qualité de l'offre que par la hausse des salaires.

Mais si les NFOT ont pu porter en partie la croissance après l’échec du fordisme, reste qu’à certains égards, elles peuvent apparaître comme contre productives.

13

Page 14: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

En effet, on remarque d’une part que si un des objectifs des NFOT était de réhumaniser le travail des salariés, force est de constater que les conditions de travail tendent à se dégrader depuis l’instauration de ces dernières, ce qui nuit à la productivité.

D’un autre côté, on constate aussi que le recours accru à la flexibilité contribue à la dégradation de la condition salariale, ce qui peut se répercuter sur la demande.

c) En dépit d'un mouvement qui a mené vers davantage d'autonomie sous contrainte, le tayloro-fordisme n'a pas disparu

Manuel p 81 docs 1 à 4, Q1 à Q5 sauf Q3

Question 1, p. 81 : Quelle tendance peut-on dégager du document 1 ?On observe une montée des contraintes de rythme imposées par une chaîne de montage ou une machine

automatique (de 8 à 9 % des salariés entre 1994 et 2003), mais surtout par la surveillance ou le suivi informatisé du travail (de 15 % des salariés en 1994 à 27 % en 2003).

Question 2, p. 81 : À l’aide des données précédentes et du document 2, montrez que le retour de l’autonomie dans l’organisation du travail est à fortement relativiser.

La polyvalence demeure circonscrite à des tâches élémentaires, qui sont imposées pour la plupart par le bureau des méthodes. L’opérateur doit surtout être capable de s’adapter aux nouvelles tâches simples et répétitives qu’on lui impose. Cette situation procède davantage de la flexibilisation des postes que d’un enrichissement.

De plus, on ne peut guère parler d’une véritable autonomie. La part de la prise de décision individuelle dans les activités quotidiennes de l’opérateur demeure très limitée.

Pour l’essentiel, c’est l’encadrement et la maîtrise qui assument les problèmes techniques. Les travailleurs sont loin de pouvoir prendre part aux décisions en matière d’investissement, de choix de fabrication, etc., qui relèvent uniquement de la direction.

En fait, il y a un décalage entre la mobilisation idéologique, qui a pour fonction de faire intérioriser par les salariés l’idée d’une plus grande autonomie, et l’organisation du travail, qui maintient largement l’ouvrier dans un rôle d’exécutant. On lui demande en fait de faire de l’autocontrôle.

Question 4, p. 81 : Pourquoi le « flux tendu » est-il selon J.-P. Durand, la forme la plus poussée de rationalisation du travail ? (doc. 3)Le flux tendu réunit à la fois l’efficacité du fordisme (le flux) et du taylorisme (la prescription des tâches), mais il

surpasse ces deux formes d’organisation du travail en éliminant leur principal défaut : l’absence de motivation des travailleurs. En effet, l’organisation à flux tendus obtient des travailleurs qu’ils s’impliquent d’eux-mêmes dans le maintien du flux. Il s’agit en fait d’une implication contrainte. C’est d’ailleurs le sens du titre du document 3 tiré du chapitre de l’ouvrage de J.-P. Durand.

Néanmoins, cette nouvelle forme d’organisation de la production et du travail peut en effet être considérée comme la forme la plus poussée de rationalisation du travail actuellement puisqu’elle dépasse en efficacité les méthodes tayloriennes et fordiennes. Sa supériorité tient aussi à la possibilité d’adapter en permanence la production à la demande, grâce à la priorité donnée à la demande qui déclenche la production et grâce à l’introduction des nouvelles technologies qui permettent la mise en place d’ateliers flexibles.

Question 5, p. 81 : Montrez comment s’exerce le contrôle du travail des caissières de supermarché. (doc. 4)Le contrôle du travail des caissières s’effectue de plusieurs façons :

c’est d’abord le flux des clients qui rythme le travail des caissières. Ce flux est organisé par la direction : gestion du nombre de caissières selon la fréquentation de l’hypermarché de façon à ce qu’elles n’aient pas de temps morts et qu’elles subissent en permanence la pression du flux des clients (longueur de la file d’attente).

ce sont ensuite les informations fournies par le système informatique (nombre d’articles passés à l’heure), qui permettent de mesurer la productivité du travail.

ce sont enfin les systèmes de vidéosurveillance qui servent à contrôler les comportements des caissières. Ces informations serviront notamment lors des évaluations annuelles, pour l’octroi de primes ou d’augmentations salariales.

Ce contrôle des travailleurs directement productif n’est pas spécifique à la gestion des supermarchés et se retrouve dans bien d’autres entreprises. Dans certaines d’entre elles, on trouve même des « tableaux d’honneur » présentant chaque mois la photo des travailleurs les plus performants (des méthodes déjà expérimentées plus tôt dans les pays de l’Est et l’ex-URSS).

14

Page 15: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Retenons : * D'un côté, le toyotisme semble s'opposer au taylorisme car il apporte des réponses aux crises du fordisme:

recomposition des tâches, qualification et responsabilisation des ouvriers, priorité à la demande et flexibilité de l'offre...Il s'agit en ce sens d'une organisation du travail post-taylorienne.

* Mais on peut se demander ce qui reste aujourd’hui des projets de re-qualification du travail ouvrier dans le cadre des organisations post-tayloriennes du travail en Europe. Les cercles de qualité ont déçu les ouvriers, qui n’ont pas toujours eu l’impression que leur avis comptait vraiment, ou qu’on puisse y remettre radicalement en cause le principe de la division du travail. Il se sont progressivement désolidarisés d’initiatives dont le but implicite était de remplacer la contrainte par la motivation, le contrôle direct par l’identification, l’adhésion à l’esprit d’entreprise.

* Mais d'un autre côté, seul le principe des flux tendus semble avoir été retenu des organisations du travail post-tayloriennes. Ce principe s’est imposé en Europe en même temps que s’est développée la flexibilité du travail. Au final, le travail ouvrier est aujourd’hui toujours largement taylorisé ( ainsi que le travail de toute une partie du tertiaire peu qualifié ) et de plus en plus flexible => d'où l'idée d'un « taylorisme flexible ».

Donc, les formes traditionnelles d’organisation du travail perdurent, et se sont étendus au secteur des services (tertiaire).Exemples :

- chez Mc Do- dans les centres d’appel, l’organisation du travail est aussi taylorisée. Chez Timing, un sous-traitant de

SFR, les 500 opérateurs répartis sur 5 niveaux traitent jusqu’à 80 000 appels par jour. 48 secondes: c’est la durée moyenne des communications avec 7 secondes de pause entre chaque appel

La DT change finalement de forme : les NFOT renouvelle les contraintes et répond à de nouvelles exigences (normes IS, flexibilité etc.) et s'accompagne d'effets négatifs en termes de conditions de travail (cfI.B)

Conclusion : Censé réconcilier efficacité productive et autonomie des salariés, le toyotisme accentue en fait l'intensification du travail. De ce point de vue, il est un perfectionnement du fordisme plus que son dépassement. Cependant, les principes du toyotisme peuvent aussi déboucher sur une organisation qualifiante du travail, faisant de l'apprentissage un facteur essentiel de l'efficacité.

=> Le toyotisme est plus un néo-taylorisme qu’un post-taylorisme.

L’impératif de flexibilité de la production et l’introduction massive des nouvelles technologies ont entraîné d’importants changements dans l’organisation de la production et du travail.En effet, dans les années 60, les méthodes d’organisation taylorienne et fordienne du travail sont devenues inadaptées face à ces nouvelles exigences ; de ce fait, l’organisation de la production et du travail ont été modifiées. La gestion de la production à flux tendus a été introduite, ce qui a nécessité de modifier l’organisation du travail.

Plus généralement, le travail tend à s'organiser par projets => 2 conséquences partiellement contradictoires :- d'un côté on valorise les initiatives individuelles et on rémunère les performances individuelles- d'un autre côté, l'engagement dans le collectif de travail demeure valorisé tout comme la loyauté et l'implication

collective.

2. La condition salariale est déstabilisée : ruptures et recompositions des normes d'emploi

Contexte : capitalisme actionnarial ou financier De 1'15 à 5'20

Questionnaire sur le documentaire, Partie II : Quels sont les changements du régime du capitalisme qui interviennent à partir du milieu des années 70 ?

Contexte : chômage de masse, internationalisation des marchés, dérégulation, croissance molle, inflation=> Impératif de productivité et de compétitivité dans un contexte de mondialisation.

A partir du milieu des années 1970, la régulation fordiste est en voie d’épuisement => la crise du capitalisme fordiste va se manifester par l’apparition de la « stagflation » c’est-à-dire une coexistence d’une forte inflation (à deux chiffres) et d’une montée du chômage.

A partir des années 1980, avec l’arrivée de Margaret Thatcher (1979) et Ronald Reagan (1981), ce sont des politiques libérales qui vont être mises en œuvre => néolibéralisme :

La lutte contre l’inflation prend le pas sur la lutte contre le chômage : en effet, selon la théorie monétariste de

15

Page 16: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Milton Friedman, « l’inflation est, toujours et partout, un phénomène monétaire ». A la rigueur monétaire (hausse du taux d’intérêt de la banque centrale, ralentissement de la croissance de la masse monétaire) va s’ajouter la rigueur salariale dans le cadre d’une politique de « désinflation compétitive ».

La régulation du marché prend le pas sur la régulation étatique : l’Etat n’est plus considéré comme la solution mais comme le problème (Reagan).

dérèglementation des marchés des biens (Ouverture des marchés réglementés, fin des monopoles publics, libre-échange, « Marché unique » européen…),

… du marché du travail (Remise en cause du droit du travail, développement des emplois précaires…) … et des marchés financiers (Diminution des contrôles étatiques, ouverture à de nouveaux produits

financiers et à de nouveaux acteurs financiers, fin du contrôle des changes,…).

L’Etat-providence doit réduire son champ d’intervention : il ne s’agit plus de soutenir la demande mais de libérer l’offre en diminuant la pression fiscale sur les entreprises et sur les ménages ce qui implique un ralentissement de la dépenses publiques, en particulier les dépenses sociales.Les comptes publics doivent tendre vers l’équilibre (« pacte de stabilité et de croissance »).

Retenons : Comme le note D. PLIHON dans son ouvrage Le nouveau capitalisme (2001), à partir de la fin des années 1970, en réaction à la crise du régime fordiste, les politiques économiques changent de cap dans les principaux pays industrialisés : o n est passé d’un capitalisme fordiste à un capitalisme actionnarial.Ses principales caractéristiques sont :

un nouveau partage des richesses au sein des entreprises le rôle primordial des marchés d'actions et des investisseurs institutionnels la prépondérance du pouvoir des actionnaires induisant de nouvelles formes de gouvernement d’entreprise enfin, la perte d’autonomie des politiques économiques face aux marches financiers.

a) Une tendance à la flexibilité du travail et à la fragmentation des normes d'emploi

➢ Différentes formes de flexibilité

Question sur le documentaire : Qu'est-ce que la flexibilité ? De 11'20 à 14'30

La notion de flexibilité renvoie à la capacité d’une entreprise à s’adapter rapidement aux transformations de son environnement : concurrence, variation de la demande, innovations technologiques, etc. ; et à adapter rapidement la quantité, la qualité et le coût du travail à la réalisation de la production effective. Manuel doc 2 p 105 Q2 p 106

Manuel p 78 « Définitions » : complétez le tableau A p 106 à l'aide des définitions de la p 78

Flexibilité Quantitative/ numérique Qualitative

InterneDéf : consiste à faire

varier le temps de travail et les postes

de travail des salariés en fonction

de la demande.

Déf : consiste à moduler les heures de travail en fonction de l'activité Ex : annualisation du temps de travail , heures supplémentaires

Appelée aussi flexibilité fonctionnelleDéf : consiste à employer des travailleurs polyvalents à des fonctions variables pour faire face aux mutations des marchés, des produits et des techniques Rotation des postesPolyvalence

Externe Déf : consiste à faire varier les

effectifs en fonction de la demande

Déf : consiste à faire fluctuer les effectifs de l'entreprise en fonction des besoins, ce qui suppose une liberté d'embauche et de licenciement Ex : recours à l'interim, CDD, stages

Autre forme de flexibilité très importante : la flexibilité salariale consiste à lier l'évolution des salaires aux résultats de l'entreprise => ajustement des salaires à la conjoncture.

Remarque : L'externalisation est une forme de flexibilité.Elle consiste à reporter sur une autre entreprise (le sous-traitant, l'entreprise intérim) le lien contractuel avec le travailleur afin de mettre hors du champ des conventions collectives ces travailleurs et de diminuer les charges en profitant de la souplesse du contrat commercial. A la limite, le salarié est contraint de devenir indépendant. Toute baisse de l’activité se traduira par une rupture du contrat commercial entre firmes.

16

Page 17: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

=> Comment expliquer le recours à la flexibilité ?

La flexibilité apparaît dans le discours patronal comme seule alternative à la crise.

Plusieurs raisons peuvent expliquer l’accroissement de la flexibilité (externe) :- l'existence d'un chômage de masse- la réduction des coûts de production et en particulier du coût du travail (ex : en ayant recours aux CDD et à

l’intérim, les entreprises économisent les coûts de licenciement)Remarque : coût du travail Manuel p 112

- réaliser le juste à temps en s’adaptant aux variations de la demande ce qui accroît la compétitivité des firmes.-tester les qualités professionnelles du travailleur avant de l'embaucher définitivement- mettre en concurrence les travailleurs ce qui peut casser « le collectif du travail » et provoque une désyndicalisation

qui profite au patronat.- pour l'Etat, la politique de "traitement social du chômage", qui consiste à développer les stages, les contrats aidés et

les contrats d’apprentissage et à faciliter la déréglementation du marché du travail, vise à offrir aux chômeurs une activité temporaire rémunérée, une formation ou une expérience professionnelle. Elle lui permet aussi de dégonfler les statistiques du chômage.

=> De façon plus générale, on assiste à une politique de déréglementation ou de libéralisation du marché du travail qui porte à la fois sur le temps de travail et sur l'emploi.

2/ Relevez des exemples de mesures ayant favorisé la flexibilité.Modulation des horaires de travail, fin des autorisations administratives de licenciement

Conséquence : A partir des années 80, le recours à la flexibilité s'est accentué et s'est accompagnée d'une précarisation de l'emploi.

➢ Une fragmentation des normes d'emploi : la précarisation croissante des emplois

La gestion de la main-d’œuvre est devenue entièrement dépendante des objectifs de rentabilité de la firme.Cela s’est traduit par un développement des emplois atypiques ou formes particulières d'emplois qui comprennent l'emploi précaire et le travail à temps partiel. Ces emplois sont atypiques pour trois raisons :

- la durée du contrat est limitée (le salarié ne bénéficiera donc pas des promotions réservées aux salariés permanents) mais temps plein

- le salarié peut avoir deux patrons au lieu d’un (intérim, sous-traitance) ;- le salarié peut être à temps partiel (dans 80% des cas des femmes) et ce temps partiel peut être imposé par

l’entreprise (temps partiel contraint).

Ne confondez pas emploi atypique et précaire : l'’emploi précaire est un emploi dont la durée est limitée à une courte période. Il comprend : les CDD, les contrats

intérim, les contrats aidés, les contrats d'apprentissageun emploi à temps partiel choisi est donc atypique mais pas précaire

Manuel docs 6 et 7 p 106Question 5, p. 106 : Caractérisez la progression des emplois atypiques depuis le début des années 1980.

Si le CDI demeure largement le statut principal des salariés en France aujourd’hui, celui-ci a toutefois nettement reculé devant le développement des CDD et autres contrats précaires. Ainsi, en 1982, 98 % des salariés du public et 94,9 % des salariés du privé étaient statutaires ou embauchés sur la base d’un CDI. En 2003, ce n’est plus respectivement le cas que de 86,4 % et 86,9 % (doc. 6).

Ce développement des CDD s’accompagne de la montée du temps partiel. Aujourd’hui, près d’un emploi sur cinq est à temps partiel (doc. 7).

En fait, le CDD et l’emploi temporaire deviennent la norme de recrutement à l’embauche (dans 7 cas sur 10). Ceci explique notamment la situation des jeunes entrant sur le marché du travail : primo-arrivants, ils ne se voient proposer essentiellement des emplois à statut précaire.

Parallèlement, un nombre accru d’anciens salariés travaille désormais comme indépendants mais pour le compte de leur

17

Page 18: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

ancien employeur dans le cadre d’un accord de sous-traitance qui les réduit le plus souvent à une relation de subordination aussi forte que lorsqu’ils étaient salariés, mais qui leur impose dans le même temps les contraintes de l’activité indépendante.

On observe donc une précarisation croissante d’une partie de la population active => pauvreté laborieuse

Question 6, p. 106 : Quelles sont les catégories d’actifs les plus touchées par la précarisation de l’emploi ? Justifiez. (doc. 6 et 7)

Le temps partiel concerne en priorité les femmes : plus de 30 % des femmes de 30 ans et plus, contre moins de 5 % pour les hommes appartenant à la même tranche d’âge (doc. 7)

Les emplois à temps partiel sont, pour la plupart, des emplois à faible qualification et rémunération. Les jeunes sont aussi davantage concernés par ce mode d’emploi (doc. 7) => ils sont surtout les premiers touchés par

les statuts précaires. Ex : en 2003, 31,5 % des 15-29 ans exercent un emploi sous contrat précaire, contre 13,1 % pour

l’ensemble des actifs du privé (doc. 6).

➢ Une segmentation ou dualisme du marché du travail

Manuel p 107 doc 9 Question 7, p. 106 : Montrez comment les logiques de flexibilité fragilisent les insiders et participent au développement d’une société duale.

En touchant particulièrement certaines catégories de la population plutôt que d’autres, la précarisation produit une fracture sociale entre ceux qui, déjà employés, bénéficient des avantages propres à la période de prospérité antérieure (les insiders), et ceux qui s’efforcent d’accéder à un emploi (les outsiders). La législation encore en place jusque récemment a largement contribué à protéger les insiders.

Toutefois, du fait de la déréglementation progressive et la généralisation des méthodes de flexibilité, ils sont à leur tour de plus en plus soumis à des conditions de travail pénibles et voient pour une partie, leurs avantages remis en cause. Pour préserver leur emploi, ces salariés protégés acceptent une intensification des rythmes, un accroissement des contraintes

Conséquence : développement d'une société duale => segmentation du marché du travail => travaux d'un groupe d'économistes de tradition « néo-institutionnaliste » comme M. PIORE et P. DOERINGER au début des années 70.Idée : le marché du travail est segmenté en 2 parties distinctes :

un marché interne qui concentre les emplois les plus stables (emplois typiques), niveau de salaire élevé, niveau élevé des qualifications moyennes, bonne qualité des conditions de travail

un marché externe qui rassemble les emplois soumis à la concurrence et au libre fonctionnement du marché => emplois précaires

Document : L'éclatement du marché du travail traduit une fragilisation de la condition salariale

Source : Manuel Bordas Edition 2010

Exemple : Le système d'emploi nippon qui fait coexister : - un système d'emploi rigide des « employés permanents » (emploi à vie, salaire et promotion à

l'ancienneté, protection sociale, formation, avantage en nature pour un quart des salariés qui, en contrepartie, doivent être d'une grande loyauté et accepter la mobilité à l'intérieur des filiales du groupe)

- une très grande flexibilité pour les salariés à temps partiel (pâto), pour les emplois précaires (arubaito) qui n'ont aucune protection sociale, peuvent être licenciés à tout moment et subissent de fortes variations de leurs horaires.

- enfin, pour tous les salariés, le salaire annuel peut fortement varier en fonction de l'importance du

18

Page 19: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

"bonus", qui dépend des résultats de l'entreprise.

b) Une gestion de la main d’œuvre qui n'est plus seulement fondée sur les qualifications mais aussi sur les compétences

Manuel p 80 doc 7 Question 8, p. 79 : Distinguez « qualification et compétence ».

* Qualification = ensemble des savoirs et savoir-faire d’un salarié validés par un diplôme ou acquis sur le terrain.

La qualification peut se définir comme l'ensemble des aptitudes acquises par l'individu ou requises pour occuper un emploi. Elle comprend :

La qualification de l'emploi, définie par l'employeur en fonction du poste de travail qu'il cherche à pourvoir. Cette qualification dépend du niveau technique et du type d'organisation du travail choisis par l'entreprise. Elle est définie au moment de l'embauche et elle est certifiée sur le contrat de travail.

La qualification individuelle, qui comprend l'ensemble des aptitudes personnelles de l'individu qui résultent de sa formation initiale (niveau de diplôme), de son expérience professionnelle acquise sur le tas (effet d'apprentissage) ou par la formation permanente, mais aussi de ses qualités personnelles => cf notion de « capital humain ».

* Compétence = qualification + savoir-être du salarié (comportements, attitudes face au travail : autonomie, initiative, capacité à travailler en groupe, etc.)=> Cela suppose que les travailleurs doivent être flexibles, autonomes, responsables, sociables, disponibles…

Analyse historique : 1/ Lorsque l’on étudie l’évolution des qualifications au cours des « Trente glorieuses », on peut observer des phénomènes contradictoires :

Une déqualification progressive des postes de travail liée aux méthodes de production taylorienne et fordienne qui enlèvent leur savoir faire aux ouvriers et aux employés. C’est la thèse du « Travail en miette » (1956) de Georges Friedman.

Une polarisation des qualifications : à la déqualification du travail des salariés d’exécution s’oppose la « surqualification » des salariés d’encadrement à qui sont confiées les tâches de conception, de programmation et d’organisation. C’est la thèse de Michel Freyssinet dans La division capitaliste du travail (1977).

Une montée progressive des qualifications individuelles et salariales : la massification de l’école et le développement de la formation professionnelle, les salariés sont mieux formés.

Pendant ces vingt dernières années, la montée des qualifications individuelle, de l’emploi et salariale semble se poursuivre. La croissance du nombre de diplômés a même été supérieure à celle des emplois qualifiés. Marie Duru-Bellat parle à ce propos de L’inflation scolaire (2006).

2/ Cependant, cette montée des qualifications doit être corrigée par un certain nombre d’observations :Le niveau de diplôme dépend de la génération : ce sont majoritairement les personnes non diplômées qui occupent

des postes non qualifiés (80% en 2001) mais aussi des postes qualifiés (50% de ces postes en 2001). Ceci correspond à la génération des trente glorieuses qui pouvaient accéder aux emplois qualifiés sans avoir de diplômes et progresser dans la hiérarchie au cours de leur carrière (le cadre autodidacte).

Cette mise en concurrence des diplômés et des non-diplômés aboutit à un processus d’exclusion du marché de l’emploi de ces derniers. En effet, un employeur préférera embaucher un diplômé pour une tâche peu qualifiée qu’un non diplômé en supposant le premier sera plus efficace que le second.

Dans les services, on observe une forte progression des emplois peu qualifiés (services à la personne, caissière etc.)=> explication : politiques successives d’allègements de « charges » sur les bas salaires

3/ Depuis les années 80, les entreprises ont remplacé la notion de qualification par la notion de compétence. Cette notion de compétence va permettre à la firme d’introduire un élément subjectif dans l’évaluation des salariés et donc d’individualiser les carrières et les salaires. Ceux qui auront obtenu de mauvaises notes au moment de l’évaluation pourront être licenciés en toute « objectivité ».

La logique de la compétence doit permettre : - une plus grande implication du salarié dans son travail. - une gestion du personnel beaucoup plus individualisée, ne s'insérant plus dans une logique de négociation collective =>

ex : individualisation de la rémunération- les qualités personnelles de l’individu et son comportement sont engagés

19

Page 20: CHAPITRE 2 : TRAVAIL ET EMPLOI · 2011. 11. 8. · T ES Chapitre 2 Année 2011-2012 - le travail comme système de distribution des revenus, des droits et des protections. Il détermine

T ES Chapitre 2 Année 2011-2012

Manuel p 82 docs 5 et 6Question 7, p. 82 : Quelle est selon l’auteur la vraie justification d’une hiérarchie des salaires et des activités

reposant sur les compétences ? (doc. 6)

Élisabeth Dugué pense que l’appel aux compétences n’est qu’un nouvel avatar du taylorisme. Les seuls savoirs reconnus aux salariés sont ceux nécessaires aux besoins de l’entreprise. Ce qui compte, ce ne sont pas les connaissances théoriques acquises à l’école mais les aptitudes à répondre aux contraintes de l’activité du moment.

=> L’autonomie n’est qu’apparente : l’initiative est sous contrôle.

Ainsi, la logique de la compétence est un outil de remise en cause des modalités de négociations des échelles hiérarchiques et des salaires.

En mettant l’accent sur l’évaluation et la négociation individuelle, la gestion des compétences rompt la démarche collective qui prévalait avec les qualifications. Elle place le salarié en concurrence avec les autres, seul face à la direction pour évaluer ses compétences.

Question 8, p. 82 : Comment expliquer le succès de la rémunération basée sur les compétences ? (doc. 6)La gestion des compétences s’appuie sur une idéologie positive qui valorise l’individu. Elle prétend davantage rémunérer les salariés à leur juste valeur, évite l’écueil des critères généraux qui favorisent les plus anciens et les moins dynamiques. Toutefois, cette évolution répond essentiellement aux intérêts des employeurs, qui ont plus de facilité à imposer leurs orientations face à des salariés divisés, de plus en plus éloignés de leurs intérêts communs.

Ces nouvelles formes de gestion de la main d’œuvre favorisent la précarisation de l'emploi

Conclusion B : Au début du XIXe siècle, la condition salariale est synonyme d’exploitation. L’histoire du mouvement ouvrier

s’appuie d’ailleurs principalement sur la conquête de nouveaux droits pour une amélioration des conditions de travail et de rémunération des salariés.

Or, depuis deux siècles, la salarisation s’est considérablement développée : en France, elle est passée d’environ 15 % au début du siècle (salariés de l’État, domestiques et salariés agricoles essentiellement) à 84 % actuellement (88 % de la population active occupée). La condition salariale, n’est plus donc un repoussoir ; elle est même devenue un modèle d’identification dans nos sociétés modernes.

Toutefois, depuis plus de deux décennies, l’impératif de productivité et de compétitivité face à l’exacerbation de la concurrence internationale s’est progressivement imposé à l’ensemble des entreprises. C’est pourquoi, pour faire face à l’incertitude croissante de l’activité économique, la flexibilité est devenue le maître mot de la gestion des entreprises et de la main-d’œuvre.

Le développement de nouvelles formes d’emplois induites par les stratégies de flexibilité provoque une précarisation d’un nombre accru d’actifs, fragilise le statut salarial et favorise la dualisation de la société dont les femmes, les jeunes, les immigrées non qualifiés sont les principales victimes.

Une telle évolution tend à bouleverser l’ordre économique et social sur lequel reposait depuis un demi-siècle le monde du travail et qui en faisait une des bases essentielles de la cohésion sociale de nos sociétés.

20