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Clémence Madeleine- Perdrillat La Vie de Château Aurélia Georges La Place d’une Autre Gégé, Régine, Jean-Paul, Jeannot et tous les autres. Non, non. Ce n’est pas le titre d’un film des Rencontres ! Ce sont quelques noms de nos très très précieux bénévoles. Il y a aussi, Michèle, Estelle, Jacques et bien d’autres encore. Une centaine cette année. Dévoués. Engagés. Avec le sourire. Les plus jeunes sont au lycée. Après les cours et le week-end, à donner de leur temps. Il y a aussi des septuagénaires. Certains viennent en famille (trois générations). En couple. Entre amis. D’autres prennent une semaine de vacances. Quelques uns sont présents depuis la première heure du Festival (1998 !) 70 % sont des femmes. Cette année, de nombreux nouveaux visages sont apparus. Près de 40 % ... Cette joyeuse équipe est coordonnée avec douceur et professionnalisme par Jérôme. Sans nos BÉNÉVOLES, nos rencontres n’existeraient pas. Merci à eux ! Sébastien Gayet Édito 15h30 L’invitée 22h L’invitée Les cascadeuses au cinéma Les cascadeuses exercent l’un des métiers les moins féminisés du cinéma. Longtemps ce sont des hommes, affublés de perruques, qui doublent les actrices. Eh oui ! C’est seulement dans les années 70 que le milieu s’ouvre aux femmes... Mais ça ne veut pas dire que s’engager dans une carrière de cascadeuses est facile pour autant ! En 2018, Deven MacNair dénonce cette pratique encore courante après s’être vu remplacer par un homme sur une cascade jugée trop dangereuse. Parmi les grands noms de la profession, il y a la légendaire Jeannie Epper, la doyenne du milieu. Elle a joué dans plus de 200 films et productions TV ! Née en 1941, elle est connue pour avoir doublé Lynda Carter dans la série Wonder Woman. En 2007, elle est la 1ère femme à recevoir le Taurus Lifetime Achievement Award pour l’ensemble de sa carrière. Zoë Bell, elle, c’est une néo-zélandaise badass qui débute en doublant Lucy Lawless, l’interprète de Xena, la guerrière. L’an dernier, elle a fait parler d’elle en lançant le Boss Bitch Fight Challenge où plusieurs actrices et cascadeuses célèbres s’affrontent dans une baston virtuelle sur les médias sociaux. Au cinéma, elle a souvent travaillé avec Quentin Tarantino ; d’ailleurs, c’est elle qui double Uma Thurman dans Kill Bill. Elle reçoit même deux Taurus World Stunt Awards pour le second opus, avec sa collègue Monica Staggs et doubleuse de Daryl Hannah. En France aussi les cascadeuses ont la cote ! C’est dans la ville du Cateau- Cambrésis (59) qu’est situé le Campus Univers Cascade, présenté comme l’une des meilleures écoles. Là-bas, près d’un tiers des élèves sont des femmes, et les diplômées travaillent souvent dans des productions américaines, de plus en plus avides d’héroïnes emblématiques. Malgré tout, elles sont souvent habillées de tenues légères et contraintes à garder une silhouette «féminine» pour coller aux canons de beauté des actrices qu’elles doublent. Il reste encore un long chemin à parcourir pour la reconnaissance des cascadeuses... Dalila Charles-Donatien FEMMES ET CINEMA Votre film est une adaptation libre du roman The New Magdalen de Wilkie Collins. Pourriez-vous nous indiquer ce qui vous a touché dans ce livre ? Je connaissais les deux célèbres romans de Wilkie Collins, Pierre de lune, et La Dame en blanc, avec lesquels il a inauguré le roman policier anglais. Son art du récit est mis au service de la critique sociale. J’ai eu un très grand plaisir de lecture en découvrant The New Magdalen (Passion et Repentir). Plus je tournais les pages, plus je trouvais que le mélange du suspense, du puissant conflit moral qu’il met en scène, et de l’émotion que j’y décelais, pouvaient faire la matière d’un film. En particulier cette relation si particulière entre une grande bourgeoise d’âge mûr et une fille d’origine très populaire. Pour votre troisième long métrage, nous plongeons en pleine Première Guerre Mondiale. Il y a donc de votre part une volonté de réaliser un film d’époque. Pourriez-vous nous en dire plus sur le choix de cette période en particulier ? 1914 est une époque que les spectateurs d’aujourd’hui peuvent se représenter : nous en avons images filmées, des éléments urbains conservés, et une familiarité (pour certains, comme pour moi, c’est la jeunesse de leurs grands-parents). Pour le récit, il fallait une guerre, période de « crise » où les destins se redessinent, où les trajets tout tracés sortent de leurs rails, où des rencontres improbables deviennent possibles. Les questionnements sociaux de La Place d’une Autre font écho à notre société actuelle. Était-ce l’intention première du film ? Bien que les contrastes sociaux soient, dans le livre, ancrés dans leur époque (l’Angleterre victorienne de 1863), et encore présents en 1914, j’ai perçu leur dimension toujours actuelle. Les places restent marquées par la naissance et par l’éducation. On peut en changer, mais on est alors un transfuge, c’est-à-dire quelqu’un qui change de milieu, et dans ce mot, il y a la trace de la trahison, et aussi de la fuite. C’est dire toute la souffrance qui y est associée. D’ailleurs, l’héroïne finit par se réclamer de son origine, et de son nom. Et surtout, elle fait preuve de dignité. C’est cette droiture intérieure qui me paraît intéressante aujourd’hui. L’aspect le plus moderne, à mes yeux, ce sont ces trois femmes qui reprennent leur vie en main. L’émancipation féminine est posée comme possible grâce aux choix, à l’éducation, à la pensée. La Vie de Château est un film d’animation qui raconte l’histoire de Violette, 8 ans, qui part vivre avec son oncle Régis, agent d’entretien au château de Versailles, suite au décès de ses parents. Tout en douceur, le film aborde des thématiques graves sur un fond d’histoire contempo- raine et passée. Bien que le film soit à destination du jeune public, vous n’hésitez pas à aborder des thématiques très difficiles : le décès des parents d’un enfants, les attentats... Pensez-vous qu’il soit important que les films que nous montrons aux enfants soient un miroir de la vie, dans son intégrité parfois brutale ? Oui, l’important pour nous est de ne pas choquer les enfants, de ne pas les prendre par surprise en les effrayant. On a veillé à aborder des thématiques lourdes, contemporaines avec délicatesse et douceur. Dans Totoro, la maladie de la maman des héroïnes est traitée avec une intelli- gence incroyable, alors que c’est un thème extrêmement dur. C’était vraiment une référence pour nous. On ne s’y trompe pas : le film se déroule à entre Paris et le château de Versailles,des boulevards haussmanniens au hameau de Marie-Antoinette... Pourquoi avoir choisi un décor aussi marqué comme toile de fond, au risque qu’il perde de son potentiel évocateur en province ? On a choisi Versailles car dans un récit aussi douloureux, on avait envie d’un endroit qui fasse rêver, qui rappelle le conte : l’ogre, le château, le labyrinthe (avec l’araignée), même Geneviève est une sorte de bonne fée finalement ! Voir les coulisses de Versailles permet de ramener des éléments ludiques à cette atmosphère parisienne atteinte par les attentats. L’alchimie entre un adulte bourru et solitaire amené à côtoyer un enfant indocile, c’est un ressort classique au cinéma. On pense à plusieurs films de Clint Eastwood, dont Cry Macho actuellement en salle, À la rencontre de Forrester, Léon, mais aussi en animation à Là-haut... Exploitez-vous ce genre de manière délibérée et qu’en attendez-vous ? Oui, j’aime beaucoup les duo improbables qui font le sel de beaucoup de films. Je pensais aussi à un film d’Eastwood que j’aime beaucoup : Un monde parfait dans lequel l’adulte - Kevin Costner - s’adresse toujours à l’enfant en se mettant à sa hauteur. Régis se met à la hauteur de Violette en permanence. Pour finir en couleurs... Il y a un contraste fort entre les décors aux coloris éteints et la vigueur des personnages (rousseur éclatante de Violette et veste d’ouvrier bleue de son oncle). Quelles directives avez-vous données à Nathaniel H’Limi qui a réalisé les graphismes du film ? Nous avons travaillé toutes les étapes ensemble, main dans la main. Nathaniel me donnait son avis sur le scénario, et moi sur ses dessins, puis nous avons pensé la mise en scène, le choix des plans et des montages image et son, de la musique, ensemble. Pour la couleur, nous avons travaillé avec la merveilleuse Isabelle Merlet, très connue pour son travail en BD, nous voulions une ambiance de mois de novembre, éclairée par la rousseur de Violette, les dorures de Versailles. Le film est dans cette veine, à la fois réaliste et poétique. Deux courts-métrages accompagnent le film : Parapluies de José Prats et Álvaro Robles et Pompier de Yulia Aronova pour former une séance poétique, avec un point commun : l’amour qui relie les êtres... Propos recueillis par Julie Ramel Dessin de Laureline Fusade Comment s’est passé le choix des comédiens et comédiennes, notamment Lyna Khoudri et Sabine Azéma ? J’ai découvert Lyna Khoudri dans Papicha et son interprétation m’a saisie par son énergie, sa sincérité et sa précision. J’aime sa sobriété, sa façon de faire monter l’émotion, sa capacité à incarner le secret, tout en restant expressive. Et aussi cette part d’enfance que son visage contient encore, et qui confère au personnage son innocence radicale. Sabine Azéma est l’une de mes actrices favorites depuis toujours, d’abord pour ses rôles dans les films d’Alain Resnais, puis pour la fantaisie et la liberté dont elle fait preuve chez les Larrieu, par exemple dans Le voyage aux Pyrénées, ou chez Noémie Lvovsky, où elle est exceptionnelle dans Faut qu’ça danse. J’ai pensé qu’elle pouvait apporter beaucoup à ce personnage de grande dame sévère, et je n’ai pas été déçue, nous nous sommes très bien comprises. Maud Wyler aussi m’a impressionnée par sa manière de s’emparer du personnage de Rose Juillet, dans tous ses contrastes, sa rage surgissante, mais aussi sa sensibilité et sa finesse. Laurent Poitrenaux a su donner au pasteur toute la profondeur et la complexité nécessaires. J’ajoute que tous les rôles secondaires et petits rôles sont très importants pour moi et que j’ai adoré travailler avec tous ceux qui sont venus prêter leur talent à ce film. Le mot de la fin ? J’aimerais voir les spectateurs retrouver le chemin des salles : la France a la chance d’en avoir tant, d’avoir un cinéma si riche et si divers, qu’il serait dommage de laisser la crise du Coronavirus et les plateformes numériques détruire tout ça. Propos recueillis par Lucie Moreau Dessin de Marion Ribardière

Clémence Madeleine- Perdrillat La Vie de Château L’invitée

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Clémence Madeleine- PerdrillatLa Vie de Château

Aurélia GeorgesLa Place d’une Autre

Gégé, Régine, Jean-Paul, Jeannot et tous les autres. Non, non. Ce n’est pas le titre d’un film des Rencontres ! Ce sont quelques noms de nos très très précieux bénévoles. Il y a aussi, Michèle, Estelle, Jacques et bien d’autres encore. Une centaine cette année. Dévoués. Engagés. Avec le sourire. Les plus jeunes sont au lycée. Après les cours et le week-end, à donner de leur temps. Il y a aussi des septuagénaires. Certains viennent en famille (trois générations). En couple. Entre amis. D’autres prennent une semaine de vacances. Quelques uns sont présents depuis la première heure du Festival (1998 !)70 % sont des femmes. Cette année, de nombreux nouveaux visages sont apparus. Près de 40 % ... Cette joyeuse équipe est coordonnée avec douceur et professionnalisme par Jérôme. Sans nos BÉNÉVOLES, nos rencontres n’existeraient pas. Merci à eux !

Sébastien Gayet

Édito

15h30L’invitée

22hL’invitée

Les cascadeuses au cinéma

Les cascadeuses exercent l’un des métiers les moins féminisés du cinéma. Longtemps ce sont des hommes, affublés de perruques, qui doublent les actrices. Eh oui ! C’est seulement dans les années 70 que le milieu s’ouvre aux femmes... Mais ça ne veut pas dire que s’engager dans une carrière de cascadeuses est facile pour autant ! En 2018, Deven MacNair dénonce cette pratique encore courante après s’être vu remplacer par un homme sur une cascade jugée trop dangereuse.

Parmi les grands noms de la profession, il y a la légendaire Jeannie Epper, la doyenne du milieu. Elle a joué dans plus de 200 films et productions TV  ! Née en 1941, elle est connue pour avoir doublé Lynda Carter dans la série Wonder Woman. En 2007, elle est la 1ère femme à recevoir le Taurus Lifetime Achievement Award pour l’ensemble de sa carrière.Zoë Bell, elle, c’est une néo-zélandaise badass qui débute en doublant Lucy Lawless, l’interprète de Xena, la guerrière. L’an dernier, elle a fait parler d’elle en lançant le Boss Bitch Fight Challenge où plusieurs actrices et cascadeuses célèbres s’affrontent dans une baston virtuelle sur les médias sociaux. Au cinéma, elle a souvent travaillé avec Quentin Tarantino ; d’ailleurs, c’est elle qui double Uma Thurman dans Kill Bill. Elle reçoit même deux Taurus World Stunt Awards pour le second opus, avec sa collègue Monica Staggs et doubleuse de Daryl Hannah.

En France aussi les cascadeuses ont la cote ! C’est dans la ville du Cateau- Cambrésis (59) qu’est situé le Campus Univers Cascade, présenté comme l’une des meilleures écoles. Là-bas, près d’un tiers des élèves sont des femmes, et les diplômées travaillent souvent dans des productions américaines, de plus en plus avides d’héroïnes emblématiques.Malgré tout, elles sont souvent habillées de tenues légères et contraintes à garder une silhouette «féminine» pour coller aux canons de beauté des actrices qu’elles doublent. Il reste encore un long chemin à parcourir pour la reconnaissance des cascadeuses...

Dalila Charles-Donatien

FEMMES ET CINEMA

Votre film est une adaptation libre du roman The New Magdalen de Wilkie Collins. Pourriez-vous nous indiquer ce qui vous a touché dans ce livre ?Je connaissais les deux célèbres romans de Wilkie Collins, Pierre de lune, et La Dame en blanc, avec lesquels il a inauguré le roman policier anglais. Son art du récit est mis au service de la critique sociale. J’ai eu un très grand plaisir de lecture en découvrant The New Magdalen (Passion et Repentir). Plus je tournais les pages, plus je trouvais que le mélange du suspense, du puissant conflit moral qu’il met en scène, et de l’émotion que j’y décelais, pouvaient faire la matière d’un film. En particulier cette relation si particulière entre une grande bourgeoise d’âge mûr et une fille d’origine très populaire.

Pour votre troisième long métrage, nous plongeons en pleine Première Guerre Mondiale. Il y a donc de votre part une volonté de réaliser un film d’époque. Pourriez-vous nous en dire plus sur le choix de cette période en particulier ?1914 est une époque que les spectateurs d’aujourd’hui peuvent se représenter : nous en avons images filmées, des éléments urbains conservés, et une familiarité (pour certains, comme pour moi, c’est la jeunesse de leurs grands-parents). Pour le récit, il fallait une guerre, période de « crise » où les destins se redessinent, où les trajets tout tracés sortent de leurs rails, où des rencontres improbables deviennent possibles.

Les questionnements sociaux de La Place d’une Autre font écho à notre société actuelle. Était-ce l’intention première du film ?Bien que les contrastes sociaux soient, dans le livre, ancrés dans leur époque (l’Angleterre victorienne de 1863), et encore présents en 1914, j’ai perçu leur dimension toujours actuelle. Les places restent marquées par la naissance et par l’éducation. On peut en changer, mais on est alors un transfuge, c’est-à-dire quelqu’un qui change de milieu, et dans ce mot, il y a la trace de la trahison, et aussi de la fuite. C’est dire toute la souffrance qui y est associée.D’ailleurs, l’héroïne finit par se réclamer de son origine, et de son nom. Et surtout, elle fait preuve de dignité. C’est cette droiture intérieure qui me paraît intéressante aujourd’hui.L’aspect le plus moderne, à mes yeux, ce sont ces trois femmes qui reprennent leur vie en main. L’émancipation féminine est posée comme possible grâce aux choix, à l’éducation, à la pensée.

La Vie de Château est un film d’animation qui raconte l’histoire de Violette, 8 ans, qui part vivre avec son oncle Régis, agent d’entretien au château de Versailles, suite au décès de ses parents. Tout en douceur, le film aborde des thématiques graves sur un fond d’histoire contempo-raine et passée.

Bien que le film soit à destination du jeune public, vous n’hésitez pas à aborder des thématiques très difficiles : le décès des parents d’un enfants, les attentats... Pensez-vous qu’il soit important que les films que nous montrons aux enfants soient un miroir de la vie, dans son intégrité parfois brutale ?Oui, l’important pour nous est de ne pas choquer les enfants, de ne pas les prendre par surprise en les effrayant. On a veillé à aborder des thématiques lourdes, contemporaines avec délicatesse et douceur.

Dans Totoro, la maladie de la maman des héroïnes est traitée avec une intelli-gence incroyable, alors que c’est un thème extrêmement dur. C’était vraiment une référence pour nous.

On ne s’y trompe pas : le film se déroule à entre Paris et le château de Versailles,des boulevards haussmanniens au hameau de Marie-Antoinette... Pourquoi avoir choisi un décor aussi marqué comme toile de fond, au risque qu’il perde de son potentiel évocateur en province ? On a choisi Versailles car dans un récit aussi douloureux, on avait envie d’un endroit qui fasse rêver, qui rappelle le conte : l’ogre, le château, le labyrinthe (avec l’araignée), même Geneviève est une sorte de bonne fée finalement ! Voir les coulisses de Versailles permet de ramener des éléments ludiques à cette atmosphère parisienne atteinte par les attentats.

L’alchimie entre un adulte bourru et solitaire amené à côtoyer un enfant indocile, c’est un ressort classique au cinéma. On pense à plusieurs films de Clint Eastwood, dont Cry Macho actuellement en salle, À la rencontre de Forrester, Léon, mais aussi en animation à Là-haut... Exploitez-vous ce genre de manière délibérée et qu’en attendez-vous ? Oui, j’aime beaucoup les duo improbables qui font le sel de beaucoup de films. Je pensais aussi à un film d’Eastwood que j’aime beaucoup : Un monde parfait dans lequel l’adulte - Kevin Costner - s’adresse toujours à l’enfant en se mettant à sa hauteur. Régis se met à la hauteur de Violette en permanence.

Pour finir en couleurs... Il y a un contraste fort entre les décors aux coloris éteints et la vigueur des personnages (rousseur éclatante de Violette et veste d’ouvrier bleue de son oncle). Quelles directives avez-vous données à Nathaniel H’Limi qui a réalisé les graphismes du film ?Nous avons travaillé toutes les étapes ensemble, main dans la main. Nathaniel me donnait son avis sur le scénario, et moi sur ses dessins, puis nous avons pensé la mise en scène, le choix des plans et des montages image et son, de la musique, ensemble. Pour la couleur, nous avons travaillé avec la merveilleuse Isabelle Merlet, très connue pour son travail en BD, nous voulions une ambiance de mois de novembre, éclairée par la rousseur de Violette, les dorures de Versailles. Le film est dans cette veine, à la fois réaliste et poétique.

Deux courts-métrages accompagnent le film : Parapluies de José Prats et Álvaro Robles et Pompier de Yulia Aronova pour former une séance poétique, avec un point commun : l’amour qui relie les êtres...

Propos recueillis par Julie RamelDessin de Laureline Fusade

Comment s’est passé le choix des comédiens et comédiennes, notamment Lyna Khoudri et Sabine Azéma ?J’ai découvert Lyna Khoudri dans Papicha et son interprétation m’a saisie par son énergie, sa sincérité et sa précision. J’aime sa sobriété, sa façon de faire monter l’émotion, sa capacité à incarner le secret, tout en restant expressive. Et aussi cette part d’enfance que son visage contient encore, et qui confère au personnage son innocence radicale.

Sabine Azéma est l’une de mes actrices favorites depuis toujours, d’abord pour ses rôles dans les films d’Alain Resnais, puis pour la fantaisie et la liberté dont elle fait preuve chez les Larrieu, par exemple dans Le voyage aux Pyrénées, ou chez Noémie Lvovsky, où elle est exceptionnelle dans Faut qu’ça danse. J’ai pensé qu’elle pouvait apporter beaucoup à ce personnage de grande dame sévère, et je n’ai pas été déçue, nous nous sommes très bien comprises.Maud Wyler aussi m’a impressionnée par sa manière de s’emparer du

personnage de Rose Juillet, dans tous ses contrastes, sa rage surgissante, mais aussi sa sensibilité et sa finesse.Laurent Poitrenaux a su donner au pasteur toute la profondeur et la complexité nécessaires. J’ajoute que tous les rôles secondaires et petits rôles sont très importants pour moi et que j’ai adoré travailler avec tous ceux qui sont venus prêter leur talent à ce film.

Le mot de la fin ?J’aimerais voir les spectateurs retrouver le chemin des salles : la France a la chance d’en avoir tant, d’avoir un cinéma si riche et si divers, qu’il serait dommage de laisser la crise du Coronavirus et les plateformes numériques détruire tout ça.

Propos recueillis par Lucie MoreauDessin de Marion Ribardière

Page 2: Clémence Madeleine- Perdrillat La Vie de Château L’invitée

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File d’attente

Il VarcoLa NuéeRéponse : 1. Les manchettes, 2. La pomme dans l’arbre, 3. La dent du loup sous le dolmen, 4. La fleur en bas à gauche, 5. Les yeux du loup de droite, 6. La feuille sous le dolmen, 7. Le moineau dans l’arbre.

• 17h: rencontre en salle autour de la projection de Be natural, l’histoire cachée d’Alice Guy

• Sieste littéraire à 13h à la librairie

À ne pas manquer

Federico Ferrone et Michele Manzolini

Just Philippot

Directeur de publicationSébastien Gayet

CoordinationJulie Ramel (+bannière)Carla Salvain

RédactionDalila Charles-DonatienLéna DidierSophie LefèvreLucie MoreauCarlotta Morteo

IllustrationsLaureline FusadeMarion Ribardière

MaquetteAdrien Darnaud

CorrectionsCorinne BourgeoisPhilippe Vincent

Avec Suliane Brahim, Marie Narbonne, Sofian Khammes. France. 2020. 1h41.

Virginie doit mener de front sa vie de mère célibataire et d’agricultrice. Afin de développer son activité et ainsi sauver sa famille et son exploitation agricole, elle entreprend un élevage de sauterelles comestibles. Elle se retrouve petit à petit prisonnière d’un engrenage dangereux, révélateur du sacrifice qu’il est nécessaire de faire pour la femme et la mère de famille qu’elle est. Le lien que noue Virginie à son élevage est fusionnel et intime, affectant ses relations aux autres, notamment avec ses enfants. Nous assistons au désespoir d’une femme dont l’obsession n’aura bientôt plus de limite.Le film mêle habilement plusieurs genres : le drame social et familial,le thriller, et le fantastique. L’équilibre est parfaitement maîtrisé grâce à une intrigue qui s’appuie sur le réalisme des difficultés du monde agricole. Le film est actuel et amène subtilement la question de la survie alimentaire des être humains pour les années à venir, à travers l’exploration de

nouveaux modes de culture. La montée en puissance de l’angoisse est progressive et permise par un travail sonore remarquable. La Nuée nous bouscule car il se dégage une atmosphère délicieusement dérangeante.

Pour son premier long-métrage, Just Philippot signe un film politiquement marquant et engagé : il s’agit d’un véritable témoignage social d’une souffrance agricole.Ça s’est passé près de chez moi...Petite précision et surtout grande dédicace concernant la superbe bande-son, qui a été confiée aux Studios Palace, à Moulins dans l’Allier. Vous avez fait un travail digne des plus grands !

Lucie Moreau (qui vit à Moulins dans l’Allier...)

Documentaire. France. 2021. 1h10.

Avis aux amateurs d’images d’archives argentiques ! Dans Il Varco, Federico Ferrone et Michele Manzolini exhument des rushs amateurs de soldats italiens envoyés en 1941 sur le front russe. Des images en noir et blanc qui ont ce grain et ces tâches rappelant leur véracité historique.

Savamment tricotées, elles sont mises en lumière par le récit intime, subjectif et poétique d’un soldat italien, une reconstitution inspirée des journaux intimes de combattants anonymes. Sa voix nous deviens familière, et c’est à travers son regard que nous partons en train des Alpes italiennes aux confins de l’Ukraine.

L’hiver approche dans ces rases campagnes. À la sortie d’une gare sabotée, les forêts s’enneigent et les soldats italiens s’embourbent en terre inconnue. Ils cohabitent avec leurs souvenirs, les fantômes des

juifs fusillés, les prisonniers le long des routes, l’odeur acre de pisse et de chair brûlée dans les ruines de villes bombardées. À l’envers des discours de propagande - lui qui a déjà connu l’invasion de l’Ethiopie - notre soldat a l’intuition que son exil le mène à une mort quasi certaine. À moins de déserter…

Ce docufiction met en scène l’angoisse, l’absurdité de la guerre et la mélancolie des temps de paix. Il Varco met aussi en évidence les déchirures du passé, desquelles a pu renaître, peut-être, le conflit actuel qui se déroule dans le Dombass. Ce ne sont que quelques images contemporaines, qui font irruption par moment - et dont on aurait probablement pu se passer - mais qui donnent une dimension atemporelle à ce récit de guerre à la première personne, qui expérimente la matière spectrale d’images sauvées de l’oubli.

Carlotta Morteo

Trouvez les 7 différences chez Le Peuple Loup

On se fait des films… Les rencontres de cinéma.

C’est important les rencontres non ? On s’en souvient tous les ans au mois de novembre, mais cette fois-ci particulièrement… parce que c’était pas marrant l’an dernier de voir aucune nouvelle tête (#euphémisme).

Alors d’accord, on ne peut plus boire des coups en faisant semblant de hocher sérieuse-ment de la caboche en écoutant les invités venus de pays lointains. Oui, bon, on récupère des bracelets douteux qui feraient s’évanouir les participants de la Fashion Week de New York. Et certes, on débat de la pertinence de l’affiche de la 23e édition… ah non, pardon, ça c’est tous les ans.

Mais tout de même c’est chouette. Au cinéma aussi d’ailleurs c’est une histoire de rencontres. Essayez de faire un film tout seul pour voir - c’est pas du gâteau ! Ni même des pâtes à l’eau d’ailleurs. Bref, faire un film, c’est une entreprise shadokienne de haut niveau : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Alors, lorsque les pauvres Shadoks hères qui s’y collent trouvent un partenaire de confiance, ils ne le lâchent plus. Enfin quelqu’un avec qui partager la schtroumferie ! Pensez à Ken Loach et son fidèle scénariste Paul Laverty. Ou bien à Hitchcock et son musicien de prédilection, à Bernard Herrmann. Et puis... au petit Scorsese récupérant le dit Bernard Herrmann pour son compte, au Confère Michel Legrand et Jacques Demy, sur le même thème (musical).

Sans compter sur ces acteurs et actrices qui tels des muses hantent les films de réalisateurs et réalisatrices en pâmoison. Jean-Pierre Léaud chez François Truffaut par exemple, Fellini et sa femme Giulietta Massina, Céline Sciamma et Adèle Haenel, et tant d’autres bien sûr...

Chefs opérateurs, ingénieurs du son, scriptes, producteurs… Certains nous les connaissons bien, d’autres moins, mais derrière l’alchimie d’une grande carrière, on ne peut que se dire que devenir un grand cinéaste, ça vaut le coup surtout si on arrive à s’entourer des bonnes personnes.

Donc, entrainez-vous bien à vous rencontrer, on ne sait jamais, ça pourrait vous être utile un jour. Ou peut-être que quelqu’un vous paiera une bière ce soir. À voir, mais dans tous les cas c’est toujours ça de pris.

Carla Salvain