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EUROPE OCÉANIE AFRIQUE ASIE AMÉRIQUE DU NORD AMÉRIQUE DU SUD 2 1 7 8 10 13 14 16 12 9 3 5 17 4 15 6 11 Une année en infographies Les signaux 2014 RUSSIE KHODORKOVSKI N’EST PAS UN SAINT FRANCE — ASTÉRIX RÉSISTE ENCORE ET TOUJOURS SCIENCES NOS CERVEAUX EN PASSE D’ÊTRE DÉCODÉS ARGENTINE LE PAPE FRANÇOIS MORDU D’ARGOT REPORTAGE LA PETITE LIGUE DE BASE-BALL D’HAÏTI !4BD64F-eabacj!:k;L N° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 courrierinternational.com Belgique : 3,90 € EDITION BELGIQUE spécial numéro

Courrier 20140102 courrier full 20131230 093204

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Courrier International du 2 janvier 2014

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EUROPE

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Une année en infographies

Les signaux 2014

RUSSIE — KHODORKOVSKI N’EST PAS UN SAINTFRANCE — ASTÉRIX RÉSISTE ENCORE ET TOUJOURSSCIENCES — NOS CERVEAUX EN PASSE D’ÊTRE DÉCODÉSARGENTINE — LE PAPE FRANÇOIS MORDU D’ARGOTREPORTAGE — LA PETITE LIGUE DE BASE-BALL D’HAÏTI

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N° 1209 du 2 au 8 janvier 2014courrierinternational.comBelgique : 3,90 €

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spécialnuméro

Page 2: Courrier 20140102 courrier full 20131230 093204

Pays consommateurs d’actualitésPays producteurs d’actualitésPays consommateurs et producteurs d’actualités

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12 9 3 517

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EUROPE

OCÉANIE

AFRIQUE

ASIE

AMÉRIQUE DU NORD

AMÉRIQUE DU SUD

L’origine de l’information correspond à la localité la plus proche, sauf quand il est question de sujets qui concernent tout le pays, auquel cas ils sont associés à la capitale.Les trois sujets les plus populaires

SUJET D’ACTUALITÉ, SON LIEU ET SA DATE D’ORIGINE

Le continent africain, dans son ensemble, n’existe pas.

7 10 13 161 Mort de Whitney Houston, Beverly Hills, Etats-Unis,le 11 février

2 Succès de “Gangnam Style”,arrondissement de Gangnam, Corée du Sud,le 15 juillet

3 L’ouragan Sandy ravage les Caraïbes et la côte est des Etats-Unis,le 26 octobre

4 Attentat contre Malala Yousafzai,Pakistan,le 10 novembre

5 Election présidentielle aux Etats-Unis,le 7 novembre

6 Guerre civile en Syrie, le 1er janvier

Le grand saut de Felix Baumgartner,Roswell, Etats-Unis,le 14 octobre

8 Aung San Suu Kyi lauréate du prix Nobel de la paix,Birmanie,le 19 septembre

9 Mort de Neil Armstrong,Cincinnati, Etats-Unis,le 25 août

Envoi du rover Curiosity sur Mars,Cap Canaveral, Etats-Unis, le 6 août

11 Oscar Pistorius participe aux JO de Londres,le 2 août

12 Massacre d’Aurora,Colorado, Etats-Unis, le 20 juillet

Défi de la cannelle, Etats-Unis,le 28 janvier

14 Victoire de l’Espagne en Coupe d’Europe,Kiev, Ukraine,le 1er juillet

15 Liu Yang, première femme chinoise dans l’espace,désert de Gobi,le 16 juin

Les Pussy Riot sont condamnées,Moscou, Russie,le 21 février

17 Adoption des lois Sopaet Pipa contre la piraterie sur Internet,Washington DC,le 18 janvier

Source : Google Zeitgeist 2012 (dernier rapport paru). Les recherches liées à des mots à caractère sexuel n’ont pas été incluses.

PRINCIPAUX LIEUX D’ORIGINE DES REQUÊTES

1 sujet 3 sujets 6 sujets 12 sujets

L’épaisseur des lignes correspond à la somme des sujets qui ont entraîné le même nombre de requêtes.

1re

5ePlace dans le classement des 5 lieux d’où venaient le plus grand nombre de requêtes.

Rapport entre le lieu d’où vient l’information et celui d’où est venu le plus grand nombre de requêtes. L’épaisseur du trait est fonction du nombre de sujets ayant suivi le même trajet.

Les Etats-Unis sont un grand producteur d’informations qui intéressent le monde : 9 des 17 sujets les plus recherchés sur Internet, dont le premier, venaient de ce pays.

La forme de l’Amérique latine apparaît timidement en raison d’un nombre réduit de requêtes ; le Brésil est à l’origine de la majorité d’entre elles. Ce qui se passe ici n’a pas d’intérêt particulier pour le reste de la planète. Aucune des requêtes du classement ne viennent de cette région.

L’Europe est une grande consommatrice d’informations venues du monde entier, mais pas de celles qu’elle produit, paradoxalement.

L’essentiel des requêtes en Russie et en Chine concerne l’actualité locale.

L’Australie s’intéresse beaucoup à ce qui se passe dans le monde, notamment aux Etats-Unis.

Cinq des sujets ayant suscité le plus d’intérêt venaient d’Asie et du Moyen-Orient. C’est également une région qui prête attention à ce qui se passe en Europe et aux Etats-Unis.

Mode d’emploi Les infos les plus recherchées sur le NetEn couverture de ce numéro spécial, la carte des requêtes dessinée par Jaime Serra révèle l’emprise des Etats-Unis sur la Toile.

Il y a un peu plus d’un an, Courrier international inaugurait une nouvelle rubrique intitulée “Signaux”, dédiée à l’information visuelle. Il s’agissait de sélectionner les meilleures infographies parues dans la presse internationale. Nous avons fait ce choix parce ce type de représentation est en plein essor. Dans les médias, l’économie, les sciences, etc., l’accumulation des données oblige à une réflexion

sur leur interprétation. C’est l’objet de ce numéro spécial. Un dossier central pour décrypter cette autre façon de dire le monde qu’est la datavisualisation. Et tout au long de ce numéro pour vous donner un avant-goût de 2014 , sept cartes blanches réalisées par nos collaborateurs réguliers, dont Jaime Serra, directeur artistique de La Vanguardia, auteur de la une. De l’information à voir sans modération.

2. À LA UNE Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

spécialsignaux

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Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 3

Retrouvez Eric Chol chaque matin à 7 h 50,

dans la chronique “Où va le monde”

sur 101.1 FM

p.22 RUSSIE

Mikhaïl Khodorkovski n’est pas un saintSi l’Occident a longtemps vu en lui un nouveau Mandela, l’ancien milliardaire, tout juste libéré, divise l’intelligentsia dans son pays. Sur le site Vzgliad, l’auteur de l’article, pro-Poutine, l’accuse de mépriser le peuple russe.

ÉDITORIALÉRIC CHOL à la unep.26

Sommaire

UNE AUTRE FAÇON DE DIRE LE MONDE

p.12 JAPON

La gastronomie, trésor national !La mise en garde d’un chef de Kyoto après le classement du washoku au patrimoine mondial de l’Unesco : cette reconnaissance ne suffira pas à préserver une tradition menacée par la mondialisation.

p.38 360°

A Naples, le gang des voleurs de bibliothèque

p.24 FRANCE

Astérix résiste encore et toujoursAlors que les aventures alambiquées de Tintin ont fini par lasser, l’irréductible gaulois, héros des enfants et des losers, n’en finit plus de ressusciter. Pour le meilleur.

“Je vois, donc je pense”, écrit Paolo Ciucarelli dans le Corriere della Sera pour saluer ce qu’il considère comme un langage universel : la représentation visuelle de l’information, en plein essor à l’heure du Big Data. Jusqu’où peut-on aller dans l’exploration des données ? Réponse dans notre dossier central.

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SUR NOTRE SITE

www.courrierinternational.comSIGNAUX En complément de notre numéro spécial, retrouvez un dossier infographies complet sur notre site.JEU-CONCOURS Votez pour votre une préférée de l’année 2013. ÉGYPTE A quelques jours du référendum constitutionnel, prévu les 14 et 15 janvier, une série d’attentats secoue le pays.SOUDAN Va-t-on vers une intervention internationale ?

Retrouvez nous aussi sur Facebook, Twitteer, Google + et Pinterest

En couverture :— Infographie Jaime Serra/Photo Xavi Gomez/Getty— Dessin de Kap, Espagne

Le Dr Snow et les 40 trilliards de données

Les chiffres font souvent peur, tant il est facile de les manipuler. Le Premier ministre britannique

Benjamin Disraeli affirmait au xixe siècle qu’il existe trois sortes de mensonges : les petits, les gros et les statistiques. Imaginons qu’on ne parle plus de statistiques, mais de données. Que la collecte ou le traitement de ces données ne soient plus la chasse gardée des administrations ou des grandes entreprises, mais ouverts à tous. Qu’aidé par le développement d’Internet et les progrès en calcul informatique, le catalogue de données de l’humanité se multiplie à l’infini ou presque. C’est le monde dans lequel nous vivons. La révolution du “Big Data” est en marche : en 2014, l’humanité produira 40 000 000 000 000 000 000 000 de données, rapporte Newsweek*. Un chiffre qui double tous les deux ans. Ce qui signifie qu’au rythme actuel les hommes produiront en 2020 autant de données qu’il existe d’étoiles dans l’Univers. De quoi trembler, surtout après cette année 2013, marquée par les révélations de l’affaire Snowden. Le mélange explosif de données, d’espionnage et de surveillance a réveillé les craintes de Big Brother. Mais en 2014, il faudra surtout se souvenir du Dr Snow, qui établit il y a cent soixante ans la première cartographie du choléra à Londres (voir p. 28). Ce médecin britannique avait compris avant l’heure l’utilité de la visualisation des données. Pour vous aider à décrypter 2014, nous vous offrons une panoplie de signaux venus du monde entier. Meilleurs vœux !

* Extrait publié dans Newsweek de l’ouvrage Uncharted: Big Data as a Lens on Human Culture, de Erez Aiden et Jean-Baptiste Michel.

Les autorités italiennes sont sur la trace de milliers d’ouvrages anciens volés par le directeur de la bibliothèque Girolamini. Une enquête internationale sans précédent.

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GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLCOURRIER INTERNATIONAL pour la Belgique et le Grand Duché de Luxembourg est commercialisé par le GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBL qui est une association entre la société anonyme de droit français COURRIER INTERNATIONAL et la société anonyme de droit belge IPM qui est l’éditeur de La Libre Belgique et de La Dernière Heure Les Sports. Co-gérant Antoine LaporteCo-gérant et éditeur responsable François le HodeyDirecteur général IPM Denis PierrardCoordination rédactionnelle Pierre Gilissen

+ 32 2 744 44 33Ouvert les jours ouvrables de 8h à 14h.Rue des Francs, 79 — 1040 BruxellesPublicité RGP Marie-France Ravet [email protected] + 32 497 31 39 78Services abonnements [email protected] + 32 2 744 44 33 / Fax + 32 2 744 45 55Libraires + 32 2 744 44 77Impression IPM PrintingDirecteur Eric Bouko + 32 2 793 36 70

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85 145165

1 décembre 2013.

4. Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

Sommaire

← Toutes nos sources Chaque fois que vous rencontrez cette vignette, scannez-la et accédez à un contenu multimédia sur notre site courrierinternational.com (ici, la rubrique “Nos sources”).

Les journalistes de Courrier international sélectionnent et traduisent plus de 1 500 sources du monde entier : journaux, sites, blogs. Ils alimentent l’hebdomadaire et son site courrierinternational.com. Les titres et les sous-titres accompagnant les articles sont de la rédaction. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilisées cette semaine :

Asahi Shimbun Tokyo, quotidien. Corriere della Sera Milan, quotidien. The Daily Beast (thedailybeast.com) New York, en ligne. L’Espresso Rome, hebdomadaire. Eurasianet (eurasianet.org) New York, en ligne. IEEE Spectrum New York, mensuel. Il Fatto Quotidiano Rome, quotidien. La Nación Buenos Aires, quotidien. Nature Londres, hebdomadaire. New Statesman Londres, hebdomadaire. The New York Times New York, quotidien. Now (now.mmedia.me/lb/ar) Beyrouth, en ligne. Oukraïnsky Tyjden Kiev, hebdomadaire. El País Madrid, quotidien. Smithsonian Magazine Washington, mensuel. Sportsnet Magazine Toronto, bimensuel. Sudan Tribune (sudantribune.com/index.php) Khartoum et Juba, en ligne. Trouw Amsterdam, quotidien. Visual.ly (visual.ly) San Francisco, en ligne. Vzgliad (vzglyad.ru) Moscou, en ligne. El-Watan Alger, quotidien. Yediot Aharonot Tel-Aviv, quotidien. Your Middle East (yourmiddleeast.com) Stockholm, en ligne.

Edité par Courrier international SA, société anonyme avec directoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 €. Actionnaire La Société éditrice du Monde. Président du directoire, directeur de la publication : Antoine Laporte. Directeur de la rédaction, membre du directoire : Eric Chol. Conseil de surveillance : Louis Dreyfus, président. Dépôt légal Janvier 2014. Commission paritaire n° 0712c82101. ISSN n°1154-516X Imprimé en France/Printed in France

Rédaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baïf, 75212 Paris Cedex 13 Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax général 33 (0)1 46 46 16 01 Fax rédaction 33 (0)1 46 46 16 02 Site web www.courrierinternational. com Courriel [email protected] Directeur de la rédaction Eric Chol Rédacteurs en chef Jean-Hébert Armengaud (16 57), Claire Carrard (édition, 16 58), Odile Conseil (déléguée 16 27), Rédacteurs en chef adjoints Catherine André (16 78), Raymond Clarinard, Isabelle Lauze (hors-séries, 16 54) Assistante Dalila Bounekta (16 16) Rédactrice en chef technique Nathalie Pingaud (16 25) Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31) Directeur de la communication et du développement Alexandre Scher (16 15) Conception graphique Javier Errea Comunicación

Europe Catherine André (coordination générale, 16 78), Danièle Renon (chef de service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suisse alémanique, 16�22), Gerry Feehily (Royaume-Uni, Irlande, 16 95), Lucie Geff roy (Italie, 16�86), Nathalie Kantt (Espagne, Argentine, 16 68), Hugo dos Santos (Portugal, 16�34)Iwona Ostapkowicz (Pologne, 16 74), Caroline Marcelin (chef de rubrique, France, 17 30), Iulia Badea-Guéritée (Roumanie, Moldavie, 19 76), Wineke de Boer (Pays-Bas), Solveig Gram Jensen (Danemark, Norvège), Alexia Kefalas (Grèce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rönnqvist (Suède), Agnès Jarfas (Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie, Kosovo), Miro Miceski (Macédoine), Kika Curovic (Serbie, Monténégro, Croatie, Bosnie-Herzégovine), Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie) Russie, est de l’Europe Laurence Habay (chef de service, 16 36), Alda Engoian (Caucase, Asie cen-trale), Larissa Kotelevets (Ukraine) Amériques Bérangère Cagnat (chef de service, Amérique du Nord, 16 14), Gabriel Hassan (Etats-Unis, 16 32), Anne Proenza (chef de rubrique, Amérique latine, 16 76), Paul Jurgens (Brésil) Asie Agnès Gaudu (chef de service, Chine, Singapour, Taïwan, 16 39), Christine Chaumeau (Asie du Sud-Est, 16 24), Ingrid Therwath (Asie du Sud, 16 51), Ysana Takino (Japon, 16 38), Kazuhiko Yatabe (Japon), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), Elisabeth D. Inandiak (Indonésie), Jeong Eun-jin (Corées) Moyen-Orient Marc Saghié (chef de service, 16 69), Ghazal Golshiri (Iran), Pascal Fenaux (Israël), Philippe Mischkowsky (pays du Golfe), Pierre Vanrie (Turquie) Afrique Sophie Bouillon (16 29), Hoda Saliby (chef de rubrique Maghreb, 16 35), Chawki Amari (Algérie) Transversales Pascale Boyen (chef des informations, Economie, 16 47), Catherine Guichard (Economie, 16 04), Anh Hoà Truong (chef de rubrique Sciences et Innovation, 16 40), Gerry Feehily (Médias, 16 95), Virginie Lepetit (Signaux) Magazine 360° Marie Béloeil (chef des informations, 17 32), Virginie Lepetit (chef de rubrique Tendances, 16 12), Claire Maupas (chef de rubrique Insolites 16 60), Raymond Clarinard (Histoire), Catherine Guichard Ils et elles ont dit Iwona Ostapkowicz (chef de rubrique, 16 74)

Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, responsable du web, 17 33), Carolin Lohrenz (chef d’édition, 19 77), Carole Lyon (rédactrice multimédia, 17 36), Paul Grisot (rédacteur multimédia, 17 48), Pierrick Van-Thé (webmestre, 16 82), Marie-Laëtitia Houradou (responsable marketing web, 1687), Patricia Fernández Perez (marketing) Agence Cour rier Sabine Grandadam (chef de service, 16 97) Traduction Raymond Clarinard (rédac-teur en chef adjoint), Hélène Rousselot (russe), Isabelle Boudon (anglais, allemand), Françoise Escande-Boggino (japonais, anglais), Caroline Lee (anglais, allemand, coréen), Françoise Lemoine-Minaudier (chinois), Julie Marcot (anglais, espagnol, portugais), Marie-Françoise Monthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais), Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais, espagnol), Danièle Renon (allemand), Mélanie Sinou (anglais, espagnol), Leslie Talaga (anglais, espagnol) Révision Jean-Luc Majou-ret (chef de service, 16 42), Marianne Bonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Gérard, Françoise Picon, Philippe Planche, Emmanuel Tronquart (site Internet) Photo graphies, illustrations Pascal Philippe (chef de service, 16 41), Lidwine Kervella (16 10), Stéphanie Saindon (16 53) Maquette Bernadette Dremière (chef de service), Catherine Doutey, Nathalie Le Dréau, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, Denis Scudeller, Jonnathan Renaud-Badet, Alexandre Errichiello, Céline Merrien (colorisation) Cartographie Thierry Gauthé (16 70) Infographie Catherine Doutey (16 66) Calligraphie Hélène Ho (Chine), Abdollah Kiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon) Informatique Denis Scudeller (16 84) Directeur de la production Olivier Mollé Fabrication Nathalie Communeau (direc trice adjointe), Sarah Tréhin (responsable de fabrication) Impression, brochage Maury, 45330 Malesherbes

Ont participé à ce numéro : Gilles Berton, Jean-Baptiste Bor, Valérie Brunissen, Marion Gronier, Dounia Hadni, François Mazet, Valentine Morizot, Corentin Pennarguear, Hélène Rousselot, Camille Savage, Leslie Talaga, Isabelle Taudière, Anne Thiaville, Nicole Thirion, Sébastien Walkowiak

Secrétaire général Paul Chaine (17 46) Assistantes Claude Tamma (16 52), Sophie Nézet (partenariats, 16 99), Sophie Jan Gestion BénédicteMenault-Lenne(responsable,1613) Comptabilité 01 48 88 45 02 Responsable des droits Dalila Bounekta (16 16) Ventes au numéro Responsable publications Brigitte Billiard Direction des ventes au numéro Hervé Bonnaud Chef de produit Jérôme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40) Diff usion inter nationale Franck-Olivier Torro (01 57 28 32 22) Promotion Christiane Montillet Marketing Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), Véronique Lallemand (16 91), Lucie Torres (17 39), Romaïssa Cherbal (16 89)

Transversales32. Sciences. Lire le cerveau, c’est pour bientôt33. Planète robot. Le Terminator antiméduses35. Economie. Le must des textiles africains

360° 38. Reportage. La petite ligue d’Haïti42. Culture. La bibliothèque et les cinquante voleurs44. Histoire. Le rêve européen de Kiev46. Tendances. Un nouvel Amsterdam au sud

ERRATUMLe dossier Jérusalem (du numéro 1207-1208 du 19 décembre 2013) est illustré par le reportage photos d’Alessandro Gandolfi /Parallelozero

7 jours dans le monde5. Turquie. Erdogan au bout du rouleau6. Soudan du Sud. “On a laissé l’enfer se déchaîner”

D’un continent à l’autre— MOYEN-ORIENT 10. Israël. 2014, une bonne année pour l’Etat hébreu11. Syrie. Le désespoir d’une révolution— ASIE12. Japon. Pour une cuisine intacte— AMÉRIQUES14. Argentine. Le pape François adepte de l’argot15. Etats-Unis. Le droit à l’erreur pour les jeunes lycéens— AFRIQUE17. Algérie. “Femmes de Noirs”18. Tunisie. Résister par le verbe

— EUROPE20. Italie. Latina, la capitale du crime organisé22. Russie. Mikhaïl Khodorkovski n’est pas un saint

— FRANCE24. Culture. Astérix résiste encore et toujours25. Société. Les Françaises ne vieillissent pas

NuméroSpécial Signaux2. La une mode d’emploi8. Ce qui arrivera… ou pas 13. Des toilettes ? Pas partout !19. Un éléphant ça compte énormément23. Toutes les routes mènent à l’Europe26. Dossier : une autre façon de dire le monde34. Un monde de réseaux36. Qui va gagner à Sotchi ?45. Imprévisibles prédictions

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Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

7 jours dansle monde.

SOURCE

EURASIANETNew York, Etats-Uniseurasianet.orgCe site basé aux Etats-Unis est spécialisé dans l’Asie centrale, le Caucase, mais aussi la Russie, la Turquie et l’Asie occidentale. Grâce à son important réseau de correspondants, il ambitionne de “susciter une discussion ouverte et informée sur les pays de la région”.

Reprenant la même posture que lors des manifestations du parc Gezi, Erdogan a pour sa part vive-ment critiqué cette enquête pour corruption, dénonçant un complot de la part d’individus bénéfi ciant de soutiens intérieurs et extérieurs et “appuyés par des milieux obscurs, des gangs, des médias ou des déten-teurs de capital”.

Certes, l’AKP et Erdogan demeurent le parti et l’homme politique les plus populaires du pays. Mais la paranoïa grandis-sante de certains à la tête du parti qui voient des complots partout n’augure rien de bon pour l’avenir de la formation. Et, en accusant aujourd’hui les forces de police, dont il avait fait l’éloge durant les manifestations de Gezi, d’être des agents au service de forces inter-nationales, le Premier ministre invite les Turcs à réexaminer certains de ses actes passés. Qui plus est, s’il venait à prendre des mesures plus autoritaires pour torpiller de futures enquêtes pour corruption ou pour limiter l’in-fl uence du mouvement Gülen, Erdogan pourrait inquiéter les investisseurs étrangers et nuire à l’économie du pays, déjà en phase de ralentissement.

Recep Tayyip Erdogan reste sans doute au-dessus du lot des hommes politiques turcs, mais il se trouve nettement plus fragile et plus usé qu’il ne s’y attendait à ce stade. Ses partisans n’auraient jamais cru qu’il devrait se battre si âprement pour montrer sa maî-trise du jeu politique turc. C’est un combat à mains nues, qui ne fait que commencer.

—Yigal SchleiferPublié le 20 décembre 2013

TURQUIE

Erdogan au bout du rouleauUn scandale de corruption sur fond de luttes d’infl uence vient de porter un nouveau coup dur au Premier ministre, déjà fragilisé par les manifestations du printemps dernier.

—Eurasianet (extraits)New York

Nul doute que le puissant Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan,

fera tout son possible pour oublier cette année 2013.

Au pouvoir depuis 2002, Erdogan s’était habitué à voir les choses aller dans son sens. Il avait triomphé des militaires et du vieil establishment sécu-lariste. La Turquie était réguliè-rement félicitée pour sa politique étrangère et sa croissance écono-mique. Et, après avoir enregistré une troisième et nette victoire aux élections de 2011, Erdogan faisait fi gure de géant politique de la République turque moderne.

Les choses ont été un peu dif-férentes en 2013. En matière de politique étrangère, la Turquie s’est trouvée de plus en plus isolée au Moyen-Orient, ses politiques agressives au sujet de la Syrie, de l’Egypte et de l’Irak n’ayant pro-duit aucun résultat tangible. Sur

le plan intérieur, jamais Erdogan n’avait été confronté, avec les manifestations du parc Gezi et la sévère répression des autorités, à une contestation aussi grave. En outre, tous les eff orts du Premier ministre pour faire adopter une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs de la présidence – qu’il pensait remporter – ont échoué et son avenir semble plus incer-tain, les directives de son parti, l’AKP, lui interdisant plus de trois mandats consécutifs en tant que chef du gouvernement.

La situation s’est considérable-ment aggravée avec le placement en détention pour corruption [le 20 décembre] des fi ls de quatre ministres de l’AKP, d’un maire de district d’Istanbul et de plu-sieurs hommes d’aff aires étroi-tement liés au Premier ministre [une mise en détention suivie, le 25 décembre, de la démission de trois ministres et d’un important remaniement du gouvernement]. La cause la plus probable de ces arrestations est à chercher du côté

du mouvement Gülen, ancien allié d’Erdogan, qui a des liens étroits avec les milieux judiciaire et poli-cier et qui s’est montré de plus en plus désabusé face à la poli-tique du Premier ministre et à son style autocratique.

Ces arrestations surviennent quelques semaines seulement après que le gouvernement a annoncé son intention de fermer les écoles préparatoires aux examens d’entrée à l’uni-versité. Celles-ci sont largement contrôlées par la confrérie Gülen, qui y trouve à la fois une source de revenus et, selon certains, de nouvelles recrues.

La police et la justice ont semblé vouloir rendre coup pour coup en ciblant les points les plus sensibles d’Erdogan et de l’AKP : la famille et les contrats dans le secteur du bâtiment, qui est devenu ces dix dernières années une source majeure de revenus pour le gou-vernement et l’un de ses outils de prédilection pour renforcer ses réseaux de parrainage.

↙  Dessin de Riber paru dans Svenska Dagbladet, Stockholm.

51%des Egyptiens estiment que la destitution de Mohamed Morsi en juillet n’a pas été une bonne chose, affi rme Al-Shourouk. En six mois, la popularité de l’armée a chuté de plus de vingt points, selon le quotidien, qui accuse le pouvoir de commettre “les mêmes erreurs que ses prédécesseurs, à commencer par sa façon de former le gouvernement et l’Assemblée constituante”, fort peu représentative. Les militaires poursuivent leur répression féroce contre les Frères musulmans, offi ciellement déclarés “organisation terroriste” le 25 décembre.

Des pompiers mal reçusCENTRAFRIQUE — “Bangui à feu et à sang”, déplore le quotidien national Centrafric Matin. Les violences ont repris de plus belle en République centrafricaine et les forces extérieures censées garantir la paix sont désormais prises à partie. Les Français sont accusés de combattre uniquement les partisans de la Séléka, la coa-lition à majorité musulmane du président Michel Djotodia. Les soldats tchadiens de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) ont été violemment attaqués par les milices chrétiennes antibalaka (antimachette). “Dur dur de jouer les pompiers”, conclut le quotidien burkinabé L’Observateur Paalga.

Chaos à DaccaBANGLADESH — Alors que des législatives sont prévues pour le 5 janvier, l’opposition, alliée aux islamistes, multiplie les grèves générales et les manifestations pour exiger que la Première ministre, Sheikh Hasina, laisse place à un gouvernement pro-visoire. Celle-ci, craignant un coup d’Etat de l’armée et des islamistes, refuse. La tension est à son comble : Khaleda Zia, chef de l’opposition, a été placée en quasi-résidence surveillée, rapporte le quotidien The Daily Star.

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ILS PARLENTDE NOUS

MIGUEL MORA, correspondant du quotidien espagnol de centre gauche El País, sur la courbe du chômage.

“Le pari de Hollande est déjà perdu”“Inverser la courbe du chômage d’ici à la fi n 2013” : après la hausse de novembre, le pari est-il déjà perdu ?

Il semble que oui. L’évolution du chômage

est meilleure que ces dernières années, mais il n’y a pas de création nette

d’emplois. On assistera peut-être en 2014 à une

amélioration des chiff res, grâce aux contrats aidés. Mais le plus important est la création d’emplois dans le secteur privé, qui reste très incertaine.

La stratégie française pour lutter contre le chômage est-elle effi cace ?La France a choisi une stratégie “sociale-démocrate” qui contraste avec la politique ultralibérale du gouvernement espagnol. En Espagne, les nouveaux emplois sont très précaires, temporaires et à temps partiel. C’est le modèle imposé par Bruxelles, celui de la dévaluation interne [la baisse des salaires pour améliorer la compétitivité]. Paris a adopté un schéma plus classique. On verra bien qui a les meilleurs résultats.

Que penser de la communication du gouvernement, axée sur l’inversion de la courbe ?C’est une stratégie volontariste qui repose sur une sorte de mythe mathématique. L’important, au fond, c’est de savoir si le niveau du chômage est acceptable ou non. En Espagne, il est à 26 %, en France, à 10,5 %.

Vue d’Espagne, comment apparaît la situation de l’emploi en France ?Ce qui est ironique, c’est que la France est encore une terre d’émigration pour les Espagnols, notamment les jeunes. La situation française n’est pas si terrible vue d’ici. En Espagne, la crise a conduit à des coupes franches dans la santé, l’éducation, la culture. Si tout cela avait été mis en place en France, ç’aurait été la révolution !

LA PHOTO DE LA SEMAINE

Le “parti de l’homme ordinaire” au pouvoirARVIND KEJRIWAL, chef de l’Aam Aadmi Party, le “parti de l’homme ordinaire”, est le nouveau ministre en chef de Delhi depuis le 28 décembre. Son parti s’est imposé aux dépens des deux grandes formations traditionnelles : le parti du Congrès et les nationalistes hindous du BJP (Parti du peuple indien). Démagogue et issu de la société civile, Kejriwal entend faire de la politique autrement. Les yeux sont braqués sur lui à moins de six mois des législatives nationales.

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Au Soudan du Sud, “l’enfer se déchaîne”Les rivalités politiques et les fractures ethniques ont fait basculer le pays dans une anarchie meurtrière. Un éditorialiste sud-soudanais exprime sa colère.

—Sudan Tribune (extraits) Khartoum et Juba

C’est de bien lugubre façon que le Soudan du Sud, offi ciellement chré-tien, célèbre Noël. Au lieu d’entendre

résonner les rires, on voit couler du sang et des larmes ! Est-ce bien ce même Soudan du Sud qui nous avait enthousiasmés par l’heureuse célébration de son référendum pacifi que et réussi en janvier 2011 ? Doit-on encore parler de joyeuse indépendance ou plutôt de gouvernement lamentable ?

Il est désormais absurde de vouloir savoir qui a tué qui. Plus l’on s’eff orce de donner un sens à ces tueries aveugles, plus l’on ne peut que réclamer encore du sang et des larmes. Œil pour œil, dent pour dent, et voilà les Soudanais du Sud horriblement défi gurés sous le regard du reste du monde.

Il est normal, pour certaines cultures ethniques du Soudan du Sud, de se battre et de tuer d’abord, et de ne s’asseoir qu’en-suite pour engager un dialogue. Il n’y a de place ni pour la moralité, ni pour les pers-pectives d’avenir. Tout ce qui compte, c’est “maintenant”, quel que soit le prix à payer. Et ce “maintenant” se doit d’être associé à une vengeance implacable, à la destruc-tion et au pillage de tout ce qui est perçu comme étant du côté de l’ennemi pré-sumé. Le monde civilisé ne l’a pas encore compris. Ils en sont encore à échafauder

des théories alors que la situation ne cesse de se dégrader.

Il est aujourd’hui urgent non de se pré-occuper des causes profondes, mais de traiter les symptômes. Autrement dit, il faut mettre immédiatement fi n aux mas-sacres et aux pillages.

Mais qui administrera un antalgique au Soudan du Sud en ces heures de tour-ment ? L’ONU ne peut apporter qu’une aide limitée. Ne parlons pas de protéger les civils, ses représentants ne sont déjà pas capables de sauver leurs propres vies dans cette situation dramatique. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les autres nations ne peuvent se permettre que d’évacuer et de protéger leurs ressortissants.

Le gouvernement du Soudan du Sud a été paralysé par ses propres aberrations et ses contradictions internes. Il n’est plus en mesure d’assurer la protection de tous ses citoyens, avec confi ance et sans discrimination ethnique. On a laissé l’enfer se déchaîner, et tout ce que l’on voit, ce sont des atrocités qui se succèdent, elles-mêmes étant le fruit d’absurdités. Aucun discours, si éloquent soit-il, ne peut plus rien faire aujourd’hui. J’appelle à une intervention militaire immédiate des membres de la communauté internationale. Les dirigeants du monde m’entendent-ils ?

—James OkukPublié le 25 décembre 2013

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Puits de pétrole Oléoducs

●●● Le Soudan du Sud est déchiré depuis le 15 décembre par des combats opposant les partisans du président Salva Kiir à ceux de l’ex-vice-président Riek Machar. A Juba, la capitale, des aff rontements entre des factions de l’armée ont rapidement été attribués par Kiir à une tentative de coup d’Etat de Machar, qui dénonce pour sa part la “dérive dictatoriale” du président. Les combats se sont rapidement propagés à travers le pays, pour fi nir par opposer l’ethnie dinka de Salva Kiir à l’ethnie nuer de Riek Machar.

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10. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

—Yediot Aharonot (extraits) Tel-Aviv

La loi nous interdit de rapporter ce que les membres du gouvernement ont entendu de la bouche de hauts res-

ponsables des renseignements dans le cadre de l’évaluation annuelle qu’ils ont présen-tée le 25 novembre. Mais des sources fiables affirment que les ministres sont sortis de très bonne humeur de cette importante réu-nion, organisée au siège du Mossad, dans le centre d’Israël.

Tous les indicateurs pointent vers une évaluation plutôt optimiste de la situa-tion pour l’année 2014. En premier lieu, du fait que les menaces conventionnelles directes contre Israël ont diminué de façon spectaculaire au cours de l’année écoulée – en raison des conflits intérieurs que les armées de nos voisins sont obligées de gérer et qui les occuperont vraisembla-blement tout au long de l’année qui vient.

Deuxièmement, parce qu’en dépit du fait que les groupes terroristes se sont multipliés,

ont ouvert de nouveaux fronts et se renfor-cent sur le plan militaire, le danger qu’ils représentent aujourd’hui et qu’ils repré-senteront au cours de l’année prochaine n’a pas augmenté de façon significative. Et surtout ils sont plus que jamais dissuadés d’agir. Le Hezbollah, le Hamas, le Djihad islamique palestinien et même les groupes du djihad mondial actifs dans le Sinaï et en Syrie auront l’année prochaine de bonnes raisons de ne pas s’engager dans un conflit à grande échelle avec Israël.

Troisième raison enfin de cet optimisme : la région connaît aujourd’hui des proces-sus politiques, diplomatiques et militaires qui ont des chances d’aller dans la bonne direction du point de vue de la sécurité d’Is-raël. Cela est vrai tant de l’accord visant à priver la Syrie de son arsenal chimique, dont la mise en œuvre semble pour l’ins-tant se dérouler sans accroc, que des négo-ciations entre Israéliens et Palestiniens et des pourparlers entre les grandes puis-sances mondiales et l’Iran, dont le possible succès pourrait retarder de plusieurs années

le programme nucléaire de Téhéran. Sans oublier les intérêts communs entre Israël et l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe et l’Egypte dans le contexte du déclin du statut des Etats-Unis dans la région, le renforce-ment régional et mondial attendu du statut de l’Iran et la menace que fait peser sur eux comme sur nous l’islam politique radical.

Lutte à Téhéran. Les bonnes nouvelles, cependant, s’arrêtent là. Les mauvaises nouvelles sont principalement liées à l’es-timation selon laquelle l’Iran n’acceptera probablement pas, dans le cadre de l’accord permanent dont la signature est prévue dans six mois, de renoncer entièrement aux capacités lui permettant à terme de fabriquer une arme nucléaire. L’Iran aspire à rester une puissance quasi nucléaire, même s’il doit en payer le prix fort.

Les spécialistes estiment que l’une des principales raisons pour lesquelles l’Iran veut de doter de l’arme nucléaire est de garantir la survie du régime, une sorte de police d’assurance. [Le guide suprême]

Khamenei a vu ce qui est arrivé à Kadhafi, qui avait accepté que la Libye se prive de ses missiles balistiques. C’est pour-quoi, même si la population devait souf-frir encore plus des sanctions, l’Iran ne renoncera pas à vouloir se maintenir au seuil de la capacité nucléaire et à conser-ver ses lanceurs de missiles. Toutefois, la lutte interne pour le pouvoir à Téhéran demeure indécise. Mais le régime iranien est pour l’instant stable et son statut s’est même renforcé.

Par ailleurs, les dirigeants d’Israël ne devraient pas être les seuls à se préparer à des soubresauts violents et soudains des populations [comme le mouvement des indi-gnés israélien en 2011-2012]. Les dirigeants arabes, tout comme Erdogan en Turquie et Khamenei à Téhéran, feraient bien eux aussi de prêter attention au pouvoir crois-sant d’opinions en quête de bien-être éco-nomique, de liberté et de justice, et à leurs capacités à miner la stabilité des régimes – y compris ceux nés à la suite des soulè-vements de 2011 [les “printemps arabes”].

Asie .......................12Amériques ..................14Afrique ....................17Europe .....................20France .....................24

d’uncontinentà l’autre.moyen-orient

Israël. 2014, une bonne

année pour l’Etat hébreu

Syrie, Iran, Liban… Les bouleversements politiques

et diplomatiques de l’année écoulée sont plutôt rassurants

pour la sécurité d’Israël, selon ses responsables

du renseignement.

↓ Dessin de Kichka pour i24 News, Tel-Aviv.

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MOYEN-ORIENT.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 11

Avec le coup d’Etat au terme duquel Mohamed Morsi a été chassé de la prési-dence égyptienne [en juillet], nous assis-tons à la deuxième vague des mouvements sociaux qui secouent le Moyen-Orient, et au travers desquels semble s’exprimer une désillusion à l’égard de l’islam politique et radical. Toutefois, les bouleversements en cours dans le monde arabe ont sauvé le djihad global se situant dans la lignée d’Al-Qaida, laquelle se trouvait dans un état de déclin, et lui ont conféré un dynamisme nouveau. Les zones échappant à toute autorité qui ont vu le jour en Syrie, au Yémen, en Libye, dans le Sinaï, en Irak, en Afrique du Nord et dans le Sahel permettent aux groupes affiliés à Al-Qaida de gagner en influence.

Les djihadistes ont récemment accru leurs activités à Gaza et sont parvenus à créer des cellules activistes en Cisjordanie. Les spécialistes du renseignement notent toutefois que le danger immédiat n’est pas important, car les islamistes radicaux se sont fixé certaines priorités : s’emparer de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et du Sinaï, instaurer la charia dans ces pays et, dans un troisième temps seulement, lancer une guerre ouverte contre Israël. Cet agenda terrifie les dirigeants arabes, notamment en raison du caractère non fiable de la politique américaine.

La guerre civile en Syrie est en train de diminuer d’intensité. Mais elle se pour-suivra durant une assez longue période, et même si, pour une raison ou pour une autre, le président Assad venait à être ren-versé ou tué, l’incendie ne s’éteindra pas. Il y a trop de comptes sanglants à régler dans le pays. Pour l’heure, la situation d’Assad s’améliore, soit parce que la rébel-lion, divisée, a perdu de sa dynamique de combat après que ses espoirs de voir une opération américaine punir Assad pour son utilisation d’armes chimiques ont été déçus, soit parce que l’accord américano-russe prévoyant la destruction de l’arse-nal chimique syrien a conféré au régime une nouvelle immunité et une nouvelle légitimité internationale.

La guerre civile syrienne s’est donc trans-formée en un réseau de lignes de front entremêlées dans la bataille entre sunnites et chiites, entre l’axe radical emmené par l’Iran et l’axe dirigé par l’Arabie Saoudite, et en une confrontation pour l’hégémonie régionale entre la Russie et les Etats-Unis. D’après les spécialistes, seule une interven-tion extérieure massive serait en mesure de mettre un terme à la guerre civile en Syrie. Avec Israël, même dans la position renfor-cée qui est aujourd’hui la sienne, Assad ne va pas s’engager dans un conflit.

Au Liban, les experts estiment que le Hezbollah y regardera à deux fois avant d’engager le combat avec Tsahal. [Le chef du mouvement chiite] Hassan Nasrallah se maintient en place afin de pouvoir attaquer Israël au cas où les installations nucléaires iraniennes seraient bombardées et pour continuer à aider le régime d’Assad en Syrie. Cette aide – mise en œuvre sur ordre de Khamenei – a placé Nasrallah dans une situation délicate par rapport aux autres factions libanaises et l’a de fait affaibli. Le Hezbollah n’a pas renforcé ses capaci-tés militaires au cours de l’année écoulée.

Si un conflit venait cependant à éclater, on estime généralement que le Hezbollah pourrait porter à Israël des coups plus douloureux que dans le passé. Pourtant les spécialistes soulignent que l’organisa-tion ne possède pas les capacités néces-saires pour empêcher sérieusement les forces aériennes et les services de rensei-gnements israéliens de porter de manière combinée des coups sévères à l’arsenal de missiles du Hezbollah, limitant ainsi dès les premières heures les possibilités de tirs sur Israël, ce qui réduira fortement les dégâts causés sur le front intérieur.

Les intérêts de Washington. A Gaza, le Hamas traverse une mauvaise passe et tente actuellement de se rapprocher à nou-veau de l’Iran afin d’obtenir le rétablisse-ment de son aide financière. La situation du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en revanche, s’est consi-dérablement améliorée. Mais il est parfaite-ment conscient que ses rivaux n’hésiteront pas à utiliser la moindre concession de sa part [à Israël] pour faire descendre mas-sivement la population dans la rue.

Dans leur évaluation, les services de ren-seignements se sont également penchés sur l’affaiblissement du statut des Etats-Unis dans la région. Il est possible que les ministres israéliens aient été surpris d’en-tendre les spécialistes affirmer qu’en dépit des dissensions apparues dans les relations entre Washington et l’Arabie Saoudite, en dépit de l’hostilité ouverte régnant entre l’administration Obama et les nouveaux dirigeants égyptiens, et malgré l’attitude désapprobatrice de Nétanyahou à l’égard de l’accord provisoire sur le nucléaire ira-nien, il n’existe pour l’instant aucune pos-sibilité de remplacer les Etats-Unis dans leur rôle de défenseur des principaux pays du Moyen-Orient et de leurs intérêts.

Washington n’a pas l’intention d’aban-donner la région pour se consacrer exclu-sivement à l’Asie orientale. Les Etats-Unis savent que la stabilité régionale du Proche-Orient, qui abrite les principales réserves pétrolières mondiales, dicte les hausses et les baisses des tarifs de l’énergie sur le marché mondial. Ces tarifs affectent l’éco-nomie mondiale, laquelle affecte à son tour la croissance et les emplois américains.

—Ron Ben-YishaiPublié le 28 novembre 2013

—Now. (extraits) Beyrouth

J ’ai rencontré Abdelaziz en avril 2011. Il avait fait le voyage de Homs à Wadi Khaled, dans le nord du Liban, pour

faire passer un message au monde.Les réfugiés, pour l’essentiel des femmes

et des enfants de Tall Kalakh [ville syrienne frontalière du Liban], sont arrivés les pre-miers. Ils ont marché, en pleine nuit, en pyjama et pantoufles. Les hommes étaient restés pour manifester contre le régime. A l’époque, les Syriens n’avaient pas encore pris les armes, ce qui n’empêchait pas le gouvernement de Damas de les qualifier de “terroristes”. Ils réclamaient des réformes ; leur unique but était de mettre fin à l’Etat policier. Il a fallu que les forces de sécurité commencent à massacrer et à torturer des manifestants non armés pour que le peuple se mette à scander : “A bas Bachar El-Assad !”

Abdelaziz n’était pas en survêtement et baskets comme les autres hommes venus trouver asile à Wadi Khaled, mais por-tait un costume et de belles chaussures. Il voulait une Syrie libre qui ressemblerait à la Turquie : un Etat sunnite laïque, dans lequel la majorité sunnite gouvernerait. Il ne tenait pas compte des problèmes propres à la Turquie, comme la question kurde ou la montée de l’islamisme. Il n’avait pas une connaissance approfondie de la gestion des affaires publiques, mais le message qu’il portait était clair : la révolution syrienne n’était pas une révolution islamique, mais une révolution laïque.

La semaine dernière, tandis que je me trouvais à Bucarest, j’ai rencontré un groupe de Syriens qui envoient de l’aide aux réfu-giés qui sont en Turquie ainsi qu’à des gens en Syrie. Bien sûr, ils en ont payé le prix : l’ambassade de Syrie a refusé de renouve-ler leur passeport et ils ont été victimes de pressions sous diverses formes. Ils étaient

désenchantés. L’un d’eux s’était rendu à Raqqa [ville syrienne aux mains des rebelles] et venait de rentrer. La première chose qu’il déclara fut : “J’avais peur de l’Isis [groupe isla-miste affilié à Al-Qaida]. Les gens ont autant peur de l’Isis que d’Assad.” Le peuple syrien ne veut pas être dirigé par les radicaux et les extrémistes. Mais l’opposition libérale qui était à l’origine de la fronde contre Assad n’avait pas de programme digne de ce nom pour gouverner la Syrie, ni de véri-table chef de file. “Ils ont libéré Raqqa. C’est bien. Mais ils n’avaient personne pour la gou-verner. Ils n’étaient pas organisés. Et puis les djihadistes sont arrivés. Ils savaient ce qu’ils voulaient et n’ont rencontré aucune résis-tance”, observe-t-il.

Seigneurs de guerre. Etre rebelle en Syrie est devenu une question d’argent. L’argent, ce sont les factions islamistes et djihadistes qui le reçoivent. Les djihadistes sont aujourd’hui trop puissants pour que les factions de l’opposition libérale soient en mesure de s’y opposer. L’Armée syrienne libre [l’armée des rebelles non islamistes] a quasiment été réduite à néant et semble être la principale cible des factions djihadistes.

Le peuple syrien n’a pas voix au chapitre. Ce sont les hommes en armes qui dictent la loi. S’ils décrètent que la charia est la loi, les civils – qui sont tous au bord de l’épuise-ment et de la famine – n’ont d’autre choix que d’obéir.

Après deux ans et demi de conflit, la Syrie voit l’émergence de ses propres sei-gneurs de guerre. Des gens qui se battirent au départ pour la liberté mais qui ont appris à retourner leur veste. L’idéologie ne joue ici aucun rôle. Pas plus que la raison. L’idéal de liberté ne veut plus rien dire. La seule option est la survie.

—Ana Maria LucaPublié le 16 décembre 2013

SYRIE

Le désespoir d’une révolutionAprès deux ans et demi de conflit, les Syriens craignent autant le régime que les groupes islamistes et ne pensent qu’à leur survie.

↓ Dessin d’Arend, Pays-Bas.

Au Liban, le Hezbollah n’a pas renforcé ses capacités militaires au cours de l’année écoulée

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12. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

tout se faisait sur place, que ce soit la pro-duction ou la consommation. De toute façon, à partir de l’instant où vous sortez votre poisson de la mer, celui-ci perd sa fraîcheur. J’avais moi-même autrefois un restaurant à Hawaii. J’ai compris à cette époque qu’il était très difficile d’apporter l’authenticité à l’étranger, car il fallait sans cesse choisir entre la qualité et les coûts.Les restaurants japonais à l’étranger sont une vitrine de la gastronomie japonaise. Qu’en pensez-vous ?On a tendance à ajuster sa vitrine aux goûts des clients. En s’installant à l’étran-ger, on est obligé de s’adapter. C’est ainsi que les California rolls [sushis inventés aux Etats-Unis] sont apparus. Je suis désolé, mais ce n’est pas de la cuisine japonaise, ça. Rien à voir ! Prenons l’exemple de la daurade [en sushi]. Naturellement, nous la mangeons avec de la sauce de soja et du wasabi, et c’est là tout à fait réussi. Mais actuellement, des restaurants soi-disant branchouilles se mettent à la proposer avec de la sauce au kiwi… Je ne comprends pas en quoi les mets traditionnels japonais seraient mis en valeur par une sauce au kiwi ou par une sauce “à la provençale”.N’est-il pas important aussi d’explorer de nouvelles possibilités ?Ce n’est qu’après avoir répété cent fois le même geste qu’on acquiert l’art tradition-nel. A l’issue de quoi une chose nouvelle naît spontanément. Or aujourd’hui on recherche le changement à tout prix afin d’attirer le maximum de clients. N’est-ce pas là du pur conformisme ? Si jusqu’ici les chefs n’ont pas eu à souffrir du centralisme culturel et si Kyoto est resté le cœur de la gastronomie nippone, c’est parce que les chefs kyotoïtes sont restés fiers, peut-être même de façon excessive et presque ridicule aux yeux des autres. Mais c’est en partie grâce à cette attitude que la cuisine de Kyoto est restée intacte. La gastronomie japonaise ferait tout aussi bien d’être conservée avec fierté et avec une pointe d’exclusivisme.La sélection en tant que patrimoine protégé vise surtout à sensibiliser la population locale à sa propre culture.En effet. Mais au lieu d’attendre ce genre de reconnaissance je trouverais plus judicieux d’augmenter les heures de cours d’éducation à l’alimentation dans les écoles de l’archi-pel. Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les restaurants de cuistots autoentrepreneurs ne cessent de disparaître. Si l’on en vient à n’avoir que le choix entre les différentes chaînes de fast-foods, le goût des Japonais sera définitivement compromis.Que faudrait-il faire selon vous ?Il faudrait chercher à attirer les étrangers pour qu’ils viennent goûter nos mets direc-tement au Japon. A ce jour, nous sommes encore 100 millions de Japonais ; l’objec-tif des chefs nippons devrait d’abord être la consolidation du marché intérieur, qui reste largement suffisant.

—Propos recueillis par Kazu HagiakiPublié le 4 décembre 2013

selon les mêmes critères et les mettre en concurrence selon le nombre d’étoiles attri-buées ? La gastronomie française est une “cuisine absolue”. Elle a été fondée par une classe dirigeante favorisée, qui, après avoir ramassé un maximum de viandes, de légumes et autres produits, les faisait mijoter des heures durant pour en faire ressortir toute la succulence. Or, la cuisine japonaise consiste à révéler la saveur originelle de chaque ingrédient à l’aide de bouillon doux, sans doute parce que le Japon a la chance de disposer de produits très frais, venant aussi bien des montagnes que de la mer. On assaisonne subtilement selon les saisons, en ajoutant tantôt du sansho [appelé poivre japonais], tantôt du yuzu [agrume répandu en Asie de l’Est], pour faire ressortir le goût du produit. C’est donc une cuisine qui se rapporte toujours au produit.Puisque la cuisine occidentale prédo-mine, cela ne vous réjouit-il pas que la cui-sine japonaise soit davantage reconnue ?Je ne suis pas en train de critiquer la cui-sine française ou italienne. Ce sont des cuisines pleinement accomplies et qui sont tout à fait respectables. La cuisine du Japon se rapporte toujours aux produits régionaux. Cela vient du fait qu’autrefois

—Asahi Shimbun Tokyo

De plus en plus de chefs de Kyoto cherchent à étendre leurs activités à l’étranger. Qu’en pensez-vous ?

HIROKAZU MORIKAWA Il me semble que c’est là une bonne dynamique pour ceux qui désirent échanger davantage avec les chefs étrangers. Mais, à mon sens, le washoku se distingue des autres cuisines du monde et devrait rester indépendant. Il ne faut surtout pas que sa tradition se perde et pour cela il vaudrait mieux faire le contraire de ce qui se passe actuellement.Le contraire ?Oui, le washoku n’est qu’une cuisine de ter-roir d’Extrême-Orient. Prenons l’exemple du kimono : il ne sera jamais le standard universel, n’est-ce pas ? La cuisine japonaise et la cuisine occidentale sont fondamenta-lement incompatibles, et c’est pour cette raison qu’elles ont pu se perpétuer. En voulant uniformiser tout, on finit par perdre ce qui est essentiel. Je me suis permis de critiquer Michelin pour la même raison ; les cuisines occidentale et japonaise ont chacune une histoire très différente et ne tendent pas vers les mêmes choses. A quoi bon alors chercher à les évaluer

asie

Japon. Pour une cuisine intacteLa gastronomie japonaise, le washoku, vient d’être classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais, pour ce chef réputé de Kyoto, elle est par essence incompatible avec la mondialisation.

LE MOT DE LA SEMAINE

“o-sechi”le repas du jour de l’an

La cuisine japonaise, ou washoku, ne se résume pas, loin s’en faut, au sushi et au yakitori. Prenons

par exemple les haricots noirs, un des mets indispensables de l’o-sechi, prépa-ration culinaire des fêtes du nouvel an dont la place centrale au sein du washoku a été soulignée par l’Unesco lors de sa récente inscription au patrimoine imma-tériel de l’humanité. Dédié traditionnel-lement aux divinités, l’o-sechi est préparé durant les derniers jours de décembre ; chaque région, chaque village, chaque famille avait – et a encore – des recettes bien particulières. Cela dit, revenons à nos haricots noirs. Cuits, ils doivent prendre un aspect laqué avec des reflets noir profond ; une surface fripée serait du plus mauvais effet. C’est ainsi que des savoir-faire souvent jalousement gardés se transmettent de mère en fille pour une cuisson impeccable. Sans trahir ma grand-mère, je pense pouvoir dévoiler un secret de famille que vous mettrez à profit, chers lecteurs, si d’aventure vous avez une envie subite de haricots noirs : ma grand-mère mettait à cuire des clous – des vrais, et non des clous de girofle – avec les haricots ; luisants à souhait, ces derniers pouvaient alors trôner au sein des multiples plats qui composent l’o-sechi. Nous avons affaire ici, bien entendu, à ce genre de secrets qui contribuent à rendre le monde cha-toyant. Tout autres sont les secrets d’Etat, qu’une loi vient de rendre opaques pour ainsi dire ad vitam aeternam. Espérons que l’année 2014 n’inaugurera pas une période difficile pour la démocratie japo-naise. Pour bien la commencer, un bon o-sechi, en tout cas, s’impose !

—Kazuhiko YatabeCalligraphie de Kyoko Rufin-Mosi

↙ Dessin paru dans Die Zeit, Hambourg.

Page 13: Courrier 20140102 courrier full 20131230 093204

SOURCE : ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ GRAPHIQUE : MARCELO DUHALDE

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Haïti

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Côte d’Ivoire

Mauritanie

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Dans le monde, 2,5 milliards de personnes

n’ont pas accès à des toilettes propres

Proportion d’habitants utilisant

des sanitaires modernes (en %)

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* Pays pour lesquels on ne dispose

pas de toutes les données récentes

Classement par pays en fonction

de l’équipement moyen entre 1990 et 2011.

DR

MARCELO DUHALDE. Ce graphiste chilien collabore notamment au Times of Oman. Il présente ici le classement des pays selon que leurs habitants ont accès ou non à des sanitaires modernes, propres et sûrs. L’accès à des sanitaires contribue à diminuer

la mortalité infantile et à accroître l’égalité hommes-femmes. C’est l’un des objectifs du millénaire de l’ONU, qui prévoit de “réduire de moitié d’ici 2015 le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à un système d’assainissement de base”.

Des toilettes ? Pas partout !En vingt ans, l’accès à des sanitaires propres s’est amélioré mais reste critique pour près d’un tiers de la population mondiale.

L’auteur

À LA UNECourrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 13

spécialsignaux

Page 14: Courrier 20140102 courrier full 20131230 093204

14. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

—La Nación Buenos Aires

Comment aurais-je pu ima-giner, il y a cinquante ans, que le plus rebelle de mes

élèves écrirait dans L’Osservatore Romano [le journal du Vatican] ? Si je l’avais su, je ne t’aurais peut-être pas envoyé passer ton examen…”, a lancé Jorge Bergoglio [le pape] à Jorge Milia, de Santa Fe. “Et moi, comment aurais-je pu imaginer, il y a cinquante ans, que j’allais être reçu par un pape ‘néologiste’, qui réinvente le latin, l’espagnol, l’ita-lien ?” a rétorqué à François son ancien élève.

Ce dialogue a eu lieu pendant une rencontre entre les deux amis au Vatican, il y a un peu plus de deux mois. Là, le pape François a fait l’éloge des commentaires de Milia, publiés par L’Osservatore Romano, sur ses argentinismes et néologismes. Dès qu’il a embrassé le pontificat, François a surpris par ses gestes, mais aussi par son langage. Non seulement il invitait les évêques et les prêtres à “être des pasteurs qui sentent la brebis”, mais encore il s’est mis à utiliser des termes presque argotiques, des mots du lunfardo [argot de Buenos Aires et langue du tango], ainsi que des néologismes qu’il créait pour mettre l’accent sur telle ou telle notion.

Quand François a parlé de pri-merear [voir les définitions ci-des-sous], beaucoup se sont demandé ce qu’il voulait dire, surtout au Vatican. Milia a alors écrit le premier de ses articles pour le blog Terre d’America, dirigé par Alver Metalli. “Tout cela a eu une si grande répercussion qu’on m’a demandé de continuer à écrire sur ce qu’on a fini par appeler les bergo-glismes, et ensuite L’Osservatore a commencé à publier ces articles”, raconte Milia.

“Défendre les mioches” A la liste de termes qu’il commente – “balconer”, “pêcher une idée”, “tourner à vide”, “miséricordier”, “faire du bordel”– on pourrait en ajouter beaucoup d’autres, comme “faire une tête de vinaigre”, “sortir de la grotte” ou “se méfier des margoulins”. Considérées comme autant de bergoglismes, les expressions du pape donnent du fil à retordre aux traducteurs et étonnent tout le monde, sauf ceux qui le connaissent.

Plus d’une fois, Jorge Bergoglio s’est excusé d’avoir employé un mot vulgaire ou populaire. Ainsi, dans l’homélie de la messe pour

l’éducation qu’il a prononcée en avril 2009 et où il s’est indigné que la drogue soit vendue aux portes des lycées, il a dit : “Nous devons défendre les mioches, pas-sez-moi l’expression, et parfois ce monde de ténèbres nous fait oublier cet instinct de défense des mioches.”

C’est pourquoi le père Javier Klajner, responsable de la pasto-rale de la jeunesse de l’archevê-ché de la ville de Buenos Aires, affirme : “Une bonne partie de ce que dit le pape, ses expressions, sa façon d’être, nous les vivions comme une réalité.” Et il rap-pelle que l’ancien archevêque de Buenos Aires décrivait la Vierge comme une femme des rues. “Vous devez être comme elle, une femme des rues, et être dans la rue”, disait-il aux prêtres.

“Les bergoglismes sont l’expres-sion d’une catéchèse cent pour cent argentine que le pape exporte, qu’il diffuse dans le monde, non pour affirmer une identité régionale, mais par ferveur missionnaire”, analyse Virginia Bonard, auteure de Nuestra fe es revolucionaria [Notre foi est révolutionnaire], un recueil d’homélies et de mes-sages de Jorge Bergoglio du temps où il était archevêque de Buenos Aires. Mme Bonard ajoute : “Le pape dit qu’il préfère une Eglise accidentée [parce qu’elle prend des risques] à une Eglise malade. Lui aussi, il est évident qu’il préfère utiliser les mots et faire des gestes en prenant des risques plutôt que de garder quelque chose pour lui.”

—Silvina PrematPublié le 6 décembre 2013

amériques

Bergoglio dans le texte●●● “Le Seigneur nous première, il nous attend. Tu pèches et il t’attend pour te pardonner.”D’après Bergoglio, le terme primerear provient du langage footballistique de Buenos Aires. Il exprime le fait de prendre l’initiative, d’arriver le premier.“Ne balconez pas la vie, entrez en elle, comme l’a fait Jésus.”Dans l’un de ses articles, Milia explique qu’en lunfardo “balconer” (balconear) veut dire regarder depuis un balcon en tant que spectateur et non protagoniste, sans participer à ce qui se passe.“[…] pour que vous pêchiez ce que pensent les évêques”.Utiliser le verbe pêcher (pescar) comme synonyme de comprendre est propre au lunfardo. Le pape a utilisé ce terme lors de son entretien avec la présidente Cristina Kirchner.“Cette civilisation mondiale tourne à vide (pasarse de rosca) !”L’expression trouve sa définition dans l’univers de la mécanique, tourner comme une vis ou un écrou qui “foire”, qui ne mord plus.

“Peu importe que l’expression serve à parler de drogue ou d’alcool, des toxicomanies qui ne sont pas très différentes de l’abus de pouvoir ou de l’argent, dit Milia. Le résultat est le même : on ne voit plus la réalité, on ne mord plus dedans.”“Laisse-toi miséricordier” (dejate misericordiar).Le pape s’est permis d’inventer ce verbe après avoir constaté la difficulté qu’il y avait à traduire sa devise : “Miserando atque eligendo”. Cette devise se réfère au choix qu’a fait Jésus de Matthieu, un collecteur d’impôts. On peut la traduire par : “Il l’a regardé avec miséricorde et il l’a choisi” ou : “L’aimant, il l’a choisi”. Interrogé sur ce point par Milia, François explique : “Le gérondif latin miserando est intraduisible en italien et en espagnol. J’ai donc eu l’idée de le traduire par un autre gérondif qui n’existe pas : misericordiando.” Mgr Víctor Manuel Fernández, commentant l’invitation de Bergoglio à se laisser “miséricordier”, dit : “Il invite les gens qui portent de nombreuses fautes et scrupules à se laisser pardonner et envelopper par la tendresse de Dieu le Père.”

Argentine. Le pape François adepte de l’argotSoucieux d’utiliser une langue simple et directe, le pontife recourt souvent à la langue des rues de Buenos Aires, voire à des néologismes de son cru. Des expressions que L’Osservatore Romano, le journal du Vatican, tente d’expliquer.

↙ Dessin de Mix & Remix paru dans Le Matin dimanche, Lausanne.

Page 15: Courrier 20140102 courrier full 20131230 093204

AMÉRIQUES.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 15

Vu d’ailleurs

Vendredi à 23 h 10, samedi à 11 h 10, et dimanche à 14 h 10, 17 h 10 et 21 h 10.

L’actualité française vue de l’étranger chaque semaine avec

présenté par Christophe Moulin avec Eric Chol

Ibo

Ogr

etm

en /

LCI

—The New York Times (extraits) New York

De Fort Lauderdale (Floride)

Les preuves s’accumulent : les politiques disciplinaires musclées dans les établis-

sements scolaires entraînent un nombre d’arrestations record, une baisse des résultats et une hausse du taux d’échec scolaire qui touchent particulièrement les minorités. En conséquence, dans tout le pays, des villes et des

districts scolaires sont en train de repenser leur approche des délits mineurs.

Nulle part peut-être ce change-ment de cap n’a été aussi net que dans les écoles publiques du comté de Broward. Il y a deux ans, ce district scolaire de Floride a remporté un triste record : celui du nombre de jeunes arrêtés dans l’enceinte des établissements publics de l’Etat. La vaste majorité d’entre eux l’était pour des délits mineurs : avoir été en

possession de marijuana ou avoir fait des graffitis, par exemple.

Le district scolaire de Broward, le sixième de la nation par sa taille, est loin d’être une exception. Depuis vingt ans, dans l’ensemble des Etats-Unis, on voit grimper le nombre d’exclusions temporaires, de renvois et d’arrestations en milieu scolaire pour des délits mineurs sans violence – parallèlement à l’augmentation du nombre d’agents de police postés dans les établissements. La politique dite de tolérance zéro est née de la guerre contre la drogue, dans les années 1990, et s’est durcie avec les fusillades perpétrées dans des établissements scolaires comme celui de Columbine, dans le Colorado [en 1999].

En novembre, le comté de Broward a décidé de changer de cap et d’emboîter le pas à d’autres grands districts scolaires comme ceux de Los Angeles, Baltimore, Chicago et Denver, qui ont pris leurs distances avec la méthode dure. Ces districts ne veulent plus exclure les enfants de l’école. Ils ont choisi de garder les élèves ayant enfreint la loi au sein des enceintes scolaires, loin des problèmes de la rue, et leur proposent des structures de conseil et d’autres types d’aide visant à modifier leur comportement.

Le comté de Broward a enregistré plus d’un millier d’arrestations au cours de l’année scolaire 2011. En novembre 2013, il a passé un accord avec les forces de l’ordre locales, le département de la justice pour mineurs de Floride et des organisations de défense des droits civiques comme l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP) afin de revoir sa politique disciplinaire. Plusieurs Etats, poussés par des parents et des associations d’élèves, sont en train de modifier la loi. En 2009, la Floride a amendé sa législation pour laisser aux directeurs d’établissements plus de liberté en matière de discipline.

“Nous ne devrions pas systé-matiquement sanctionner les délits mineurs en expulsant ou en renvoyant les élèves”, explique Robert W.  Runcie, directeur des établissements du comté de Broward depuis fin 2011. “Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire que des centaines d’élèves se fassent arrêter et se retrouvent avec des casiers judiciaires qui les handicaperont toute leur vie pour obtenir un travail, entrer dans l’armée ou bénéficier d’une aide financière.” Selon les

données fédérales, aux Etats-Unis, plus de 70 % des élèves arrêtés ou envoyés devant un tribunal sont noirs ou hispaniques.

La pression est aussi venue du gouvernement Obama. A partir de 2009, les ministères de la Justice et de l’Education ont fortement encouragé les écoles à y regarder à deux fois avant d’arrêter des élèves et de les renvoyer. Parfois même, comme à Meridian, dans le Mississippi, le gouvernement fédéral est allé devant la justice pour forcer les écoles à changer de cap.

Promesse. Dans le comté de Broward, le changement de poli-tique a aussitôt porté ses fruits – même s’il est encore trop tôt pour annoncer un succès global. D’après les chiffres des établisse-ments scolaires, les arrestations en milieu scolaire ont chuté de 41 % et les exclusions temporaires, qui avaient touché 87 000 élèves sur 258 000 en 2011, ont reculé de 66 % par rapport à la même période en 2012.

Dans le cadre du nouvel accord, les élèves qui se font prendre une première fois pour avoir commis l’un des 11 délits mineurs sans violence ne sont plus arrêtés et envoyés devant un tribunal. Ils doivent parler avec des conseillers et effectuer des travaux d’intérêt général. Qui plus est, les jeunes ne se font plus exclure pour des infractions mineures. Ils participent à un programme baptisé Promise [Promesse] pendant trois jours ou plus. Et les récidivistes ont désormais plusieurs chances de corriger leur comportement.

Un après-midi, une lycéenne de 18 ans est assise à la cafétéria du Pine Ridge Alternative Center,

où les jeunes sont envoyés au lieu d’être renvoyés de l’école. Elle a eu un entretien avec un étudiant en troisième cycle de thérapie familiale qui fait partie de l’équipe de conseil. La jeune fille s’est fait prendre avec une petite quantité de marijuana dans sa voiture, sur le campus de son lycée, un délit qui lui aurait naguère valu une exclusion ou une arrestation. C’est la première fois qu’elle a des ennuis à l’école. “J’ai flippé”, dit-elle. Sa première inquiétude a été qu’on lui interdise de participer au bal de fin d’année. Mais ici, au centre, elle a pris du recul et compris que l’incident pouvait représenter sa “seconde chance”.

Robert W. Runcie explique que les mesures punitives excessives tendaient à aggraver les problèmes des élèves qui se trouvaient déjà dans une situation difficile. Les enfants exclus ou renvoyés de l’école se retrouvaient seuls chez eux ou dans la rue et décrochaient dans leur scolarité.

Les juges pour enfants sont parmi les premiers à s’être alarmés de l’explosion du nombre de jeunes envoyés devant les tribunaux pour des délits mineurs, due selon eux à la multiplication des policiers postés dans les écoles. “Au début, on voyait la police comme un outil disciplinaire parmi d’autres”, explique Elijah H. Williams, juge pour enfants à la cour d’appel du comté de Broward. Il dit n’être pas un “ardent progressiste”, mais il pense qu’il faut du changement : “Quelqu’un fait un graffiti ? Hop, vous êtes en état d’arrestation. Un autre se fait prendre avec un joint ? Vous êtes en état d’arrestation…”

—Lizette AlvarezPublié le 2 décembre 2013

ÉTATS-UNIS

Le droit à l’erreur pour les jeunes lycéensLes établissements scolaires américains commencent à revenir sur la politique disciplinaire de “tolérance zéro” appliquée depuis vingt ans. Un nouveau pas vers la sortie du tout répressif aux Etats-Unis.

↙ Dessin de Boligán paru dans El Universal, Mexico.

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—El-Watan (extraits) Alger

M audites, mécréantes, eff rontées… C’est ainsi que l’on désigne Selma,

Meriem, Nadia et bien d’autres Algériennes depuis qu’elles ont “commis l’irréparable” en épou-sant “le Noir” ou “le chrétien”.

Julien. “Ce que je peux dire, c’est que chez les Algériens ce n’est pas uniquement la religion qui repré-sente un frein dans le sacrement d’une union. Je dirais même que c’est un gros prétexte pour nous rejeter. Le problème, c’est notre cou-leur, sinon comment expliquer que vous acceptiez que vos fi lles et vos garçons épousent des Européens et des Européennes de confession chrétienne ? J’ai la réponse : parce qu’ils sont de l’Occident, donc de couleur blanche. C’est une ques-tion de racisme…”

Reniée et maudite. Meriem est une des seules Algériennes qui aient accepté de raconter leur amertume, avec la condition tou-tefois qu’on ne cite ni son vrai prénom, ni la ville où elle réside, encore moins sa profession. Un pacte vite signé avec celle qui dit avoir trouvé la solution à son pro-blème en convolant en justes noces dans le pays de son conjoint, le Mali. “J’ai en fait contourné la loi de mon pays, et ce n’est pas inter-dit”, confesse d’emblée Meriem, fonctionnaire.

Pourtant, cela ne lui a pas permis d’obtenir la bénédic-tion de sa famille, ni de béné-

fi cier des lois de son pays. “En Algérie je suis mariée religieusement et légitimement, étant donné que mon mari est musulman, mais civilement on n’est pas reconnu comme tels…”

Et elle continue, éplorée : “Parce que j’ai épousé un Noir – il faut appeler un chat un chat –, je suis reniée par mes parents, maudite par mon quartier et rejetée par mes collègues de travail. Un poids lourd à porter pour une femme qui n’a cherché qu’un peu de bonheur sans s’assujettir aux règles irrationnelles d’un environnement rétrograde…”

L’avis d’un théologien, imam d’une mosquée à Alger, est net : “La femme algérienne a le droit d’épouser qui elle veut, Subsaharien, Américain, Indien ou Chinois, pour peu que son époux soit musulman. S’il ne l’est pas, il a l’obligation de se convertir à l’islam, sinon l’union sera considérée comme de la forni-cation, et donc comme un péché.”

Un député du Front de libération nationale (FLN), le parti au pou-voir, le Dr Boua lem Bousmaha, président de la Commission des relations extérieures à l’As-semblée populaire nationale (Parlement algérien), a souli-gné lors d’un bref entretien : “L’Algérie ne s’est jamais dépar-tie de ses engagements humanitaires vis-à-vis de tous les peuples, qu’ils soient du Sahara-Occidental, de la Syrie ou de l’Afrique subsaharienne. Mais ceux qui sont établis illéga-lement sur le territoire algérien et qui veulent bénéfi cier des droits de scolarité et de santé doivent se conformer aux lois algériennes et aux textes et traités internationaux régissant l’immigration clandes-tine.” Une déclaration vague qui est loin de rassurer des milliers de Subsahariens, dont une majo-rité, résidant depuis des années dans les villes algériennes, sou-haitent obtenir un titre de séjour, un contrat de travail, ou carré-ment la nationalité algérienne.

Main-d’œuvre. La loi algé-rienne n° 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie est encore plus dissuasive et plus répressive, puisque dans son article 48 elle stipule : “Le fait de contracter un mariage mixte aux seules fi ns d’ob-tenir ou de faire obtenir une carte de résident, ou aux seules fi ns d’ac-quérir ou de faire acquérir la natio-nalité algérienne, est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 dinars algériens [de 460 à 4 600 euros].”

Algérie.“Femmes de Noirs”Celles qui se marient à des immigrés subsahariens, souvent en situation irrégulière, sont rejetées par leurs familles et par la société.

afrique

Ces femmes, guidées par leurs sentiments indubitables, ont scellé leur destin… avec des migrants subsahariens irrégu-liers. Mais en n’écoutant que leur cœur elles ont défi é leurs familles. Elles ont bousculé une certaine culture de leur pays et heurté la sensibilité religieuse

d’une société pas encore prête à tolérer les diff érences et à accep-ter les convictions des uns et des autres.

Fin septembre, banlieue algé-roise. La brise marine fouette les visages émaciés de quelques Subsahariens bercés par le rêve d’un horizon méditerranéen incertain. Un mirage hors de portée qu’ils tentent malgré tout de saisir à partir d’un pays, l’Al-gérie, qui les tolère hypocrite-ment… et les rejette subtilement.

Au milieu de ce magma d’“in-frahumains”, Julien, Came-rounais, établi illégalement depuis dix ans à Alger, accepte de nous raconter ses déboires et ceux de la femme qui a consenti à partager avec lui “le meilleur et le pire”.

Apatrides. Un témoignage par procuration, sommes-nous tentés de dire. Car Selma, son épouse, 39 ans, cadre dans une entreprise privée, refuse de se mettre sous le feu des projecteurs par peur de représailles. “Quand elle a appris à ses parents qu’elle aimait un Camerounais, donc un Noir, et de confession chrétienne, elle a failli être lynchée. Aussitôt, sa famille a exigé un cer-tifi cat de virginité et un test antisida. Craignant pour sa vie, Selma n’a pas eu besoin de trop réf léchir pour quit-ter le domicile paren-tal et venir vivre sous mon toit.” En guise de maison, une carcasse de villa louée à 13 000 dinars algériens par mois [120 euros] et occupée par une quarantaine de personnes de différentes communautés de l’Afrique subsaharienne.

“Nous avons deux enfants, non inscrits à l’état civil de la com-mune et scolarisés dans une école privée, parce qu’aux yeux de la loi algérienne nous ne sommes pas reconnus comme mari et femme. Et, même si nos deux petits sont nés ici, ils sont apatride parce que l’Algérie ne reconnaît pas le droit du sol”, explique-t-il, la colère à peine contenue.

Partir en quête de couples mixtes à Alger et dans les envi-rons, c’est comme partir en guerre tant le sujet est tabou. “Pourquoi cherchez-vous à fouil-ler dans la vie intime des gens, si ce n’est pour foutre davantage la pagaille ?” nous accueille celui qui dit s’appeler Abdallah, musul-man, mais pas plus chanceux que

Partir en quête de couples mixtes, c’est comme partir en guerre, tant le sujet est tabou

REPORTAGE

↙ Dessin de Falco, La Havane.

50 %Sur les 9 millions de femmes algériennes en âge de se marier et d’avoir des enfants, c’est la proportion de celles qui peinent à trouver un mari, révèle une étude sur le célibat menée dans plusieurs pays arabes par l’agence de presse allemande Deutsche Presse-Argentur (DPA), rapporte Algérie-Focus. “Les raisons sont multiples : fi nancières, pratiques ou sociales ; en somme trouver un mari n’est pas évident.” Selon les derniers recensements de l’Offi ce national des statistiques (ONS), la population de l’Algérie a atteint 37,9 millions d’habitants au 1er janvier 2013, dont 49,39 % sont des femmes.

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Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 17

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franceculture.fr

en partenariat avec

Shams doute des résultats des prochaines élections [attendues pour 2014, mais la date n’est pas encore arrêtée]. “Je ne veux pas voter à cause des irrégularités, me dit-elle. Si les conditions d’une élection régu-lière sont réunies, je voterai.”

Comme beaucoup d’autres Tunisiens, Shams est déçue par l’évolution politique et écono-mique du pays depuis la révolu-tion [décembre 2010-janvier 2011]. “Ce n’est pas le changement que nous voulions quand nous sommes descen-dus dans la rue en 2010. Notre slogan était ‘Emplois, liberté et dignité des citoyens’, et pas ‘Mosquées et mini-jupes’”, s’exclame-t-elle. Après un silence, elle ajoute en regardant l’avenue Habib-Bourguiba : “Il n’y a eu aucun changement.”

Un autre sujet sensible, qui n’a guère évolué, est celui de la sécu-rité. A plusieurs reprises, les forces de l’ordre ont été accusées de faire un usage abusif de la violence. Selon Shams, elles n’agissent pas dans l’intérêt du peuple mais dans celui du gouvernement. Quand je lui demande si elle peut faire confi ance à la police, elle répond : “Absolument pas !” Elle le dit si fort que les gens se retournent vers nous. Je jette un coup d’œil dans la direction du ministère de l’Intérieur, qui n’est qu’à quelques mètres de l’endroit où nous sommes assises.

Mais, en dépit de toutes les dif-ficultés que connaît la Tunisie, Shams envisage l’avenir avec opti-misme. Elle souscrit à la philoso-phie du Libanais Mehdi Amel*, pour qui “on n’est pas vaincu tant qu’on résiste”. D’une détermination intré-pide, la jeune militante considère que “la résistance fait partie inté-grante de la vie, nous vivons comme nous voulons vivre”. En souvenir de Chokri Belaïd, elle s’est fait tatouer sur le bras “Chokri vit en moi”.

—Christine PetréPublié le 9 décembre 2013

* Hassan Abdellah Hamdan, connu sous le pseudonyme de Mehdi Amel, philosophe marxiste, idéologue du Parti communiste libanais et militant engagé, a été assassiné le 18 mai 1987 à Beyrouth.

Il attire des personnes de tous les milieux – étudiants, travailleurs, chômeurs – et leur permet de s’ex-primer librement. “Et vous, pou-vez-vous vous exprimer librement ? — Oui, bien sûr”, me répond Shams d’une voix ferme avant de préciser : “Je ne garantis pas le résultat de ma liberté, mais je m’exprime.”

Il y a cependant des limites. Ainsi, un de ses poèmes prête trop à controverse pour être lu dans le cadre de Street Poetry. “J’ai écrit un texte intitulé Je vous aime et j’aime votre Dieu, mais, en Tunisie, dire ‘votre Dieu’ est un blasphème, c’est très mal vu”, explique Shams. Le poème, qui ne se voulait pas pro-vocateur mais jouait simplement avec les mots, lui a posé des pro-blèmes à l’université, où des isla-mistes ont commencé à répandre des rumeurs à son sujet. Pour éviter tout autre malentendu, le poème n’a jamais – et ne sera jamais – lu en public.

Créativité. Bien que des orga-nisations comme Reporters sans frontières s’inquiètent de la situa-tion actuelle du pays en matière de liberté d’expression, la jeune étu-diante n’a pas peur. “Je ne crois pas beaucoup à la prudence, dit-elle. Dans le domaine de l’art, en l’occurrence la poésie, quand on essaie de se mettre des limites, cela ne s’arrête jamais, il faut sans cesse aller plus loin.”

L’assassinat de l’homme poli-tique Chokri Belaïd, en février dernier, l’a touchée personnel-lement. Le chef de l’opposition était non seulement un modèle mais aussi un ami proche. Le poème qu’elle a écrit à sa mémoire invite les Tunisiens à poursuivre la lutte et à se sentir encouragés et soutenus. “L’idée est une bombe à retardement qui fait tic-tac/ […] les idées originales n’ont pas besoin de masques/ L’idée vit sous terre/ C’est une mine, si vous marchez dessus, elle explose/ L’idée guérit les maux… et les douleurs/ Elle naît là où il n’y a pas d’électricité/ Elle est ensuite couchée par écrit/ Elle plonge au cœur de l’esprit puis rejaillit sous forme de créativité.”

suite de l’assassinat de deux oppo-sants, Chokri Belaïd, le 7 février, et Mohamed Brahmi, le 25 juil-let]. “Ma poésie est plus politique et sociale mais aussi plus psycholo-gique”, explique cette étudiante de 21 ans, militante politique et fémi-niste, que nous avons rencontrée dans un café du centre de Tunis.

Peu après avoir écrit son pre-mier poème, Shams a rejoint Street Poetry [Klém cheraà en arabe], une initiative culturelle lancée en 2012 par deux jeunes poètes tunisiens, Majd Mastoura et Amine Gharbi, pour apporter la poésie au peuple dans le dialecte local. C’est un événement où diff érentes idéo-logies et religions se rencontrent.

—Your Middle East Stockholm

Shams lit quelques phrases de l’un de ses poèmes. Sans être forte, sa voix est déter-

minée lorsqu’elle dit : “Moi, je n’irai pas voter !” Il y a deux ans, Shams Radhuouani Abdi a écrit pourquoi elle ne participerait pas aux pre-mières élections démocratiques libres organisées depuis l’indépen-dance de la Tunisie, en 1956 [le scru-tin du 23 octobre 2011]. Depuis, elle a exprimé dans plusieurs poèmes son scepticisme face à l’évolution politique de son pays, en particu-lier face à la crise récente, la plus grave depuis la révolution [à la

Et, comme les lois sont trop rigides, les migrants irréguliers usent fatalement de subterfuges pour ne pas tomber sous le coup de cette loi et pour échapper à la répression, comme nous l’ex-plique Soulimane. “Sachant que je n’ai droit qu’à trois mois de séjour en Algérie, avant que ce délai n’ex-pire je quitte le territoire en direc-tion de mon pays ou de la Tunisie, et je retourne en Algérie le jour même ou vingt-quatre heures plus tard. Comme ça je gagne trois autres mois de séjour. J’ai recours à ce pro-cédé depuis dix ans. Quant au tra-vail, ici on est très sollicités parce que l’Algérie manque beaucoup de main-d’œuvre. Parmi nous il y a des artisans (maçons, peintres en bâti-ment, agriculteurs…). Il faut dire qu’on ne chôme pas. Alors, pour-quoi l’Etat algérien s’obstine-t-il à ne pas régulariser notre situation ?”

Couleur et religion. Nadia, la quarantaine, exprime son ras-le-bol. “Quand j’ai connu un Subsaharien à Maghnia, on m’a prise pour une folle. N’y a-t-il plus de jeunes Algériens pour que tu portes ton dévolu sur un Noir ? m’ont-ils dit. Puis, ressentant un peu de gêne en faisant référence à la couleur de mon ami, ils se sont ravisés en évo-quant la religion. Je leur ai cloué le bec en leur apprenant que mon mari avait pris soin de se convertir à l’islam en public (dans une mos-quée) avant de demander ma main. Aujourd’hui, on ne me désigne plus par mon prénom, Nadia, mais par le sobriquet ‘la femme du Noir’…”

Couturière, la “femme du Noir” fait remarquer avec humour mais amertume : “La vérité, c’est qu’on ne veut pas d’un Black pour épou-ser une Blanche, mais qu’on fait la queue devant chez moi pour que mon Black leur répare leurs télé-phones portables en professionnel et à bas prix.” Comme quoi on n’a que faire d’un “kahlouch” [“Noir” en dialecte algérien], mais de ses mains habiles et de son intelli-gence, si… !

—Chahredine BerriahPublié le 30 novembre 2013

TUNISIE

Résister par le verbeDéçue par l’absence de changements depuis la révolution, la jeune Shams dénonce dans ses poèmes les dérives du pouvoir.

↙ Photo de Shams Radhuouani Abdi publiée sur le site soundcloud.com/shams-radhuouani-abdi.com. Photo DR

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AFRIQUE18. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

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Chasse aux trophées

UN QUART DE LA POPULATION D’ÉLÉPHANTS D’AFRIQUEEST CONCENTRÉE AU BOTSWANA

DÉCLIN RÉCENT DE LA POPULATION D’ÉLÉPHANTS

Le Botswana connaît une augmentation du braconnage due à la demande d’ivoire. Selon les autorités locales, la délivrance de permis de chasse favorise le braconnage et nuit au développement touristique durable.

Le Botswana était naguère un paradis pour les chasseurs de trophées. Un pays stable avec une faune sauvage abondante. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. A compter du 1er janvier 2014, la chasse commerciale sera interdite dans le pays. Elle sera remplacée par des safaris photo visant à développer l’écotourisme.

La préservation des éléphants

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Reste de l’Afrique (pays abritant des éléphants)

Botswana

Reste de l’Afrique 375 093

Population totale 504 084

Chiffres probables et vérifiés de 2012 fournis par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature)

COÛT PAR ESPÈCE

Eléphant*30 000 $**

Lion29 000 $Chasse interdite en 2007

Léopard7 150 $

Buffle3 744 $

Girafe3 500 $

Zèbre1 923 $

Hippotrague3 000 $

Crocodile4 592 $

Gnou1 650 $

Données 2009

Sources : FAO et Conseil international pour la conservation du gibier et de la vie sauvage.* Le Botswana estime à 350 le nombre d’éléphants chassés à des fins commerciales en 2011.** Avec les droits, frais de permis et autres dépenses, le coût total par client pourrait être doublé.

Le pays compte 1 éléphant pour 14 habitants

IMPACT SUR L’ÉCONOMIEPIB (2012) 14,41 milliards de dollars

35 % Industrie

62 % Services

3 % Agriculture

3,6 % Tourisme

(0,18 % chasse aux trophées)

Sources : Banque mondiale et division des secteurs économiques ; pour l’impact sur le tourisme, estimation du Forum économique mondial et UNWTO ; pour l’impact de la chasse aux trophées, Economist at Large sur la base des chiffres de la FAO ; pour l’activité minière, statistiques de la Banque du Botswana.

Botswana128 991

Selon la Cites, 25 000 éléphants ont été abattus par des braconniers rien qu’en 2011.(Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction — ONU)

L’exploitation minière a représenté 20,3 % du PIB de 2012, l’essentiel provenant de mines de diamant. Le Botswana est le plus gros producteur de diamants du monde (en valeur).

DR

ALVARO VALINO. Graphiste indépendant, il collabore avec National Geographic et le Corriere della Sera. En avril 2012, la publication par El País et El Mundo d’une photo du roi d’Espagne Juan Carlos posant devant un éléphant mort au Botswana avait

provoqué un scandale en Espagne. Les défenseurs de ces chasses privées arguent qu’elles représentent un poids non négligeable pour les économies locales. Alvaro Valino a voulu démontrer l’inverse en évaluant l’impact (limité) de la chasse sur l’économie du Botswana.

Un éléphant ça compte énormémentLe Botswana a choisi de protéger l’espèce, très menacée, en interdisant la chasse commerciale à partir du 1er janvier.

L’auteur

À LA UNECourrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 19

spécialsignaux

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20. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

Italie. Latina, chef-lieu du crime organisé

de la pègre ait proliféré aux alentours de Sabaudia, près de ces merveilleuses dunes, prisées par la jet-set romaine, où il aime passer ses week-ends.

“La promiscuité entre politique et crimina-lité a atteint un niveau inquiétant. Les clans sont étroitement imbriqués dans la vie quo-tidienne. Les familles de la ’Ndrangheta et de la Camorra, mais aussi des membres de Cosa Nostra envoyés comme éclaireurs dans les marais pontins au cours des années 1970, contrôlent tout : des pompes funèbres aux offres de marché, du MOF [Mercato Ortofrutticolo di Fondi], le plus grand marché de fruits et légumes d’Europe, aux permis de construire en zone privilégiée.” La municipalité de Fondi, pour bien vous faire comprendre, est la seule en Italie à avoir survécu à un déluge de 500 pages d’accusations accablantes et étayées par un préfet de la République. Le gouvernement n’a pas saisi pour autant l’occasion de la dissoudre.

Piston à gogo. Fondi a donc échappé à un coup de filet de la police, question de standing sans doute. Reste à comprendre comment elle a pu devenir la plaque tour-nante d’intérêts criminels, au carrefour des bandes régionales du crime organisé : les familles des Casalesi et le clan Tripodo de la ’Ndrangheta. Des insinuations et des ombres planent sur l’ambiguïté de la classe politique, les amitiés et le pouvoir du tout-puissant sénateur Claudio Fazzone [homme d’affaires et président du conseil régional du Latium, Forza Italia, droite]. Fazzone, le tsar des adhésions, le grand manitou des clientèles, au centre de toutes les critiques. Il est inculpé pour sa correspondance épistolaire : pas de déclarations d’amour, mais du piston professionnel en bonne et due forme pour des clients impatients de s’arroger une part du gâteau. “Montrez-moi les preuves avant de parler !” répond-il avec aplomb.

Ces derniers jours, Il Fatto Quotidiano a publié les preuves, autrement dit les lettres. Elles sont tirées de la copieuse correspon-dance de Fazzone avec le dirigeant de l’ASL [l’Agence sanitaire locale, un organisme public chargé des politiques de santé], Benito Battigaglia, auquel il donne du “cher ami”. Des lettres standard où seuls les noms des pistonnés et des postes souhai-tés varient. Du Fazzone tout craché. Mais Armando Cusani, la nouvelle étoile mon-tante du centre droit, est encore un cran au-dessus. Président de la province de Latina après avoir été maire de Sperlonga, promis à un bel avenir parlementaire, il vient d’être suspendu de ses fonctions [le 31 octobre] : deux condamnations en première instance (abus de pouvoir et escroquerie en bande organisée), pour une peine cumulée de trois ans et deux mois, ont contraint l’ac-tuel préfet, d’habitude si frileux, à signer un décret de suspension. Cusani, à l’ins-tar de Berlusconi, crie à la persécution et dénonce la malveillance généralisée des institutions à son égard.

—Il Fatto Quotidiano (extraits) Rome

Ne pas confondre l’insolite et l’im-possible. Ne pas prendre Latina pour une ville. Latina n’est qu’un

point sur la carte, un centre de collecte et de tri des patois locaux, où Vénètes, Frioulans, Emiliens et habitants de la région des Marches ont convergé avant de se répandre au nord et au sud des marais Pontins [Latina a été fondée au début des années 1930 par Mussolini, qui ordonna l’as-sèchement des marins Pontins]. Puis ce fut

europe

Fondée en 1932 par Mussolini, la ville ne détient pas seulement le record du nombre de voitures par habitant, c’est aussi l’une des plus corrompues d’Italie.

le tour des Napolitains, Calabrais, Siciliens, Roumains et pour finir des Albanais. Les premiers sont venus à l’époque du Duce pour assainir les marais et trouver de quoi sub-sister. Les autres sont des immigrés de la deuxième ou de la troisième vague, passés maîtres dans l’art de gagner de l’argent. Certains ont la gâchette un peu trop facile.

Latina : 81 ans, 120 000 habitants, d’un naturel fasciste indiscutable, mais de mœurs faciles. La jouvencelle a le vice dans la peau. Le plus grand et le plus malhonnête mélange de crime organisé, de délinquance finan-cière et de déviance politique prospère sur

ce bout du Latium labouré par les colons, mais négligé par les médias. Un réseau de caïds ébranle les hiérarchies sociales et se superpose parfois à la classe dirigeante, brouillant les frontières entre les mondes légal et illégal. Walter Veltroni [ancien secrétaire général du Parti démocrate et membre de la Commission parlementaire anti-Mafia] a éprouvé un choc à la lecture des pages du dossier d’accusation de la pré-fecture contre le “système Fondi”, plaque tournante de la politique locale [Fondi se trouve à 60 km de Latina]. Il ne s’attendait pas à découvrir qu’un club de gros bonnets

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EUROPE.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 21

CHRISTINE OCKRENT

ET LES MEILLEURS EXPERTS NOUS RACONTENT LE MONDE

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↙↓ Dessins de Beppe Giacobbe, Italie.

Sorrentino a choisi les marais pontins pour tourner L’Ami de la famille (2006), dont le protagoniste est le prototype de l’usurier, de père en fi ls.

Starlette locale. Ne pas confondre l’in-solite et l’impossible : la phrase a servi pour la promo du fi lm. Mieux qu’un slogan, un véritable coup de projecteur sur la ville. Latina n’a pas de spécialité culinaire ni de patois. Pas d’autoroute ni de héros local. Elle doit se contenter de Tiziano Ferro, un chanteur de variété qui a du coff re. Rien d’autre. Ou se rabattre (mais au rabais) sur les formes de Manuela Arcuri, starlette en perte de vitesse, ou de Debora Salvaggio, candidate à Miss Italie. C’est tout. “C’est tout ? Mon œil ! Je n’aime pas qu’on dépeigne Latina comme un repaire d’ordures, la lie de l’Italie. La ville est dans la même galère que les autres, avec ses vanités, ses faiblesses, ses saloperies, mais aussi son travail, son his-toire, l’épopée de l’assainissement. Je soute-nais il y a encore deux ans que nous étions plus criminels et plus couillons que les autres.

Plus maintenant : je pense plutôt qu’on est dans la moyenne de l’Italie. Bien sûr, ils ont envoyé les pires individus, ou leurs enfants, pour coloniser la zone. Les plus pauvres et les plus misérables, pas les meilleurs. Des bêtes de somme, pas de grands esprits éclairés. Mais le fait est que Latina possède une certaine vita-lité, même intellectuelle, et une origine qui d’une manière ou d’une autre parle à l’Ita-lie.” Antonio Pennachi, l’auteur de Canal Mussolini [prix Strega 2010, paru en fran-çais aux éditions Liana Levi], refuse de se rendre à l’évidence. “C’est la seule muni-cipalité qui n’a pas d’adjoint à la Culture, certes. Pourtant…” Pourtant, malgré les 4 × 4, l’unique bibliothèque municipale ne désemplit pas et Feltrinelli a fait une bonne aff aire en ouvrant une librairie ici. “Ma ville est moche de près, mais belle de loin”, dit Chiara, réfugiée à Rome. “Je la trouvais insupportable. En fait elle est juste un peu ennuyeuse. Mais citez-moi une province en Italie où l’on ne s’ennuie pas.”

—Antonello CaporalePublié le 24 novembre 2013

du pouvoir. Forte est le patriarche d’une famille dévouée au bien commun et donc indéboulonnable. Il a été sénateur et maire de Formia, tandis que son fi ls était conseil-ler régional. Aujourd’hui en cure de sevrage, papa Michele se contente de la présidence du conseil général. Ernesto Bardellino, le frère d’Antonio, un grand nom du clan des Casalesi mort en 1998, habite Formia.

Mais les marais pontins ne sont pas qu’un lieu de perdition et Latina n’est pas seule-ment le chef-lieu des prédateurs. Elle traverse depuis quelques mois une période faste. Le foot, toujours le foot, soulève les foules et génère un climat de fi erté et de revanche. L’Italie apprend enfi n à connaître l’équipe locale, sa défense renforcée par deux laté-raux coriaces et à son attaque intenable et aff amée de buts. Depuis qu’elle est montée en deuxième division et se fait respecter, Latina a retrouvé une foi limpide, entière, indiscutable en elle, telle que seul Mussolini avait su la lui inculquer. Tout tourne autour du ballon rond, d’ailleurs la politique elle aussi entre en jeu. Pasquale Maietta, député de Fratelli d’Italia [parti de droite, national-conservateur], est vice-président du club…

Latina est un hymne vivant à l’architec-ture futuriste et à la dévotion envers le Duce (symbolisée par l’immeuble en forme de M). Personne ne roule à vélo bien que la ville soit plate comme un billard – le nombre de voitures par habitant atteint 74 pour 100, le plus haut d’Italie. Ici, les 4 × 4 sont rois. Ils se concentrent et convergent vers la place du Peuple dans un concert de klaxons et de crissements de pneus pour ne pas man-quer l’happy hour, avec Aperol et tartines. Il faut dire que la voiture engendre un indis-cutable trafi c d’argent. “Nous vivons au-dessus de nos moyens”, commente Graziella Di Mambro, directrice adjointe de Latina Oggi, le quotidien local. Le développement est ici intimement lié à l’usure, même dans l’imaginaire cinématographique, qui s’est délecté de ce vice caché. Le réalisateur Paolo

Quand politique et business font bon ménage, les meilleurs entrent en scène. En l’occurrence un personnage féminin bien connu des Italiens : Mariarosaria Rossi, la femme menue aux longs cheveux blonds qui accompagne Berlusconi dans ses moindres faits et gestes, immortalisée par une phrase interceptée à l’époque des dîners élégants organisés dans sa villa d’Arcore : “Encore un bunga bunga ? Ah non, puisque c’est ça, je vais me coucher !” Une femme dont l’en-vergure (“le mystère, c’est de découvrir quelle est ma taille de soutien-gorge”) est appréciée par Silvio, qui la juge “anticonjoncturelle” et consciente de sa puissance expressive : “Mes fesses valent encore mieux que ma poitrine.”

Mariarosaria, 41 ans, originaire de Piedi-monte Matese (près de Caserta), est sur-nommée la “nounou”, rapport à son zèle en tant qu’accompagnatrice personnelle de Berlusconi. Après avoir été députée, la voilà aujourd’hui sénatrice, preuve de sa profonde intimité avec le désormais ex-sénateur – “un homme privé de vice”, a- t-elle affi rmé sous serment devant les juges de l’aff aire Ruby. Mme Rossi est implantée à Latina à travers la société Euroservice (dont le siège est à Piedimonte Matese), qui a remporté le marché de recouvrement de créances d’Acqualatina, une offi cine clienté-liste qui gère l’eau dans les marais pontins. La procédure d’appel d’off res d’un montant de 1,5 million d’euros n’a été qu’une forma-lité. Deux sociétés seulement, rapporte le quotidien Latina Oggi, ont fait parvenir une off re, mais l’une d’elles a été exclue pour vice de forme.

Architecture fasciste. Une seule société à l’arrivée donc, justement celle de la “nounou”. Youpi ! Les contours d’un cartel politique qui régule et contrôle tout se dessinent, et trois fi gures de référence se détachent des ténèbres pontines. Nous avons déjà évoqué Fazzone et Cusani. Reste Michele Forte, de Formia, autre centre névralgique

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EUROPE.22. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

—Vzgliad (extraits) Moscou

La grâce accordée à Mikhaï l Khodorkovski s’explique humai-nement, mais aussi pour des rai-

sons de politique extérieure – pour les Occidentaux, ce geste de Poutine se situe sur le même plan que ses autres succès de l’année : Snowden, Assad, Ianoukovitch et Khodorkovski. Le quotidien berlinois Die Welt prévient déjà qu’à présent “l’Occident va se faire des illusions concernant la bien-veillance et la sagesse de Vladimir Poutine”.

L’Occident s’est tellement acharné à faire de l’ancien oligarque cynique un nouveau Mandela que, lorsque, à l’issue de négociations secrètes avec les Allemands, Khodorkovski s’est soudainement retrouvé en liberté, il a dû reconnaître à contrecœur que Poutine avait de nouveau montré sa puissance : incroyable, il n’a donc pas peur de ce terrible “adversaire” ! Et de fournir immédiatement d’innombrables explica-tions : les Jeux olympiques, un marchandage avec l’Allemagne, un échange d’espions. Cependant, Poutine n’est pas assez naïf pour croire que la grâce de Khodorkovski modifie l’attitude de l’Occident envers sa personne, les Jeux ou notre pays. L’effet de la propagande en Occident, même éphé-mère, n’est pas garanti. En outre, Poutine ne s’attendait probablement pas à ce que Khodorkovski, dès sa première conférence de presse, refuse de soutenir les appels au boycott.

Pour Poutine, la grâce est un geste huma-nitaire qui lui permet de refermer le chapitre

Khodorkovski. Il ne peut pas avoir peur de l’ancien oligarque, tant d’autres dossiers et problèmes plus importants l’accapa-rent. Mais comment ceux qui ont fait de Khodorkovski une idole, leur propre anti-Poutine, peuvent-ils comprendre cela ? S’ils ont attribué à Poutine tous les méfaits diaboliques possibles, la mythologie libé-rale a attribué à Khodorkovski l’intelli-gence, l’honneur et le titre de conscience de notre époque. Mais pour notre opposi-tion le plus difficile commence : le “prison-nier de conscience” libéré n’est absolument pas apparu tel que se le représentaient nos “combattants du régime”. Oui, il parle de valeurs européennes, du remplacement de l’héritage archaïque de l’empire tataro-mon-gol… Mais il ne déclare pas pour autant la guerre à Poutine, ne vocifère pas à propos du goulag, et annonce qu’il ne fera pas de politique. Pire, il n’est peut-être pas d’ac-cord avec les méthodes de Poutine, mais ses objectifs, globalement, il les comprend. Plus généralement, ce n’est pas à Poutine qu’il en veut le plus, mais au peuple. Voilà ce qu’il en dit dans son interview au maga-zine russe en ligne Snob :“Le problème essentiel est que les relations de Poutine avec la société sont de nature pater-naliste. Cela plaît à beaucoup de gens, c’est pourquoi il bénéficie toujours de 60 % d’opi-nions favorables.— C’est-à-dire que, pour vous, le problème ce n’est pas lui ?— C’est cela. Les Russes aspirent au pater-nalisme. Et Poutine répond parfaitement à cette attente.”

Khodorkovski reprend donc le credo de base des libéraux de ces vingt-cinq dernières années, à savoir que le peuple est arriéré et qu’il faut le pousser au capitalisme à coups de bâton. Le paternalisme réside dans l’équité que le peuple réclame de Poutine. Et le pré-sident, en essayant justement de répondre à cette demande, se heurte à l’énorme résis-tance de l’élite. L’Etat devient progressi-vement plus social, mais très lentement et de façon chaotique. Le pouvoir vient seu-lement de mettre le cap sur la “nationali-sation” de l’élite et la défense des codes de valeur populaires. Mais la progression de Poutine sur cette voie est de plus en plus nette, ce qui suscite des protestations de la part de ceux qui se considèrent comme la “classe créative” [l’opposition libérale et “bobo”] et considèrent les autres comme du bétail attardé (enfin, “conservateur”).

La toge de l’autorité morale. Il ne s’agit pas d’un conflit entre ville et campagne mais entre valeurs virtuelles et réelles. Khodorkovski, qui dix années durant s’est trouvé, physiquement, au plus près de la réalité, était, intellectuellement, toujours en contact avec ses partisans libéraux. Mais comme il ne pouvait pas ne pas parler avec ses voisins de camp, c’est peut-être en essayant de comprendre comment ils vivent que son opinion sur le nationalisme a évolué. Ce sont justement ses propos au sujet de l’Etat-nation et du Caucase qui ont frappé une part non négligeable de la “petite opi-nion démocratique”.

Ses propos sur le Caucase n’ont rien de fondamentalement antilibéral, il s’agit d’un impérialisme libéral ordinaire pratiqué par l’élite politique russe au début des années 2000 – “ce qui est à nous, nous ne le céderons jamais”. Mais Khodorkovski emploie aussi l’expression “valeurs sacrées”, il parle d’Etat-nation à l’allemande et dit que le nationa-lisme n’est pas le chauvinisme. Même cela relève, en principe, du libéralisme, mais dans le sens classique du concept de libé-ralisme. Mais nos opposants, plus liber-taires et cosmopolites que libéraux, dans leur combat contre Poutine et l’“Etat tché-kiste”, ne peuvent ni comprendre ni admettre cela. Et de vagues doutes les assaillent : Khodorkovski prendrait-il le même chemin qu’Alexeï Navalny [le principal opposant au régime, qui ne cache pas ses penchants nationalistes] ? Ils sont tous les deux natio-nalistes, même si l’un milite pour que la Russie se sépare du Caucase [Navalny] et l’autre est prêt à combattre pour le conser-ver. Sont-ce là nos chefs ?

En réalité, ni Khodorkovski ni Navalny ne sont nationalistes. Ce sont juste des libéraux cosmopolites rusés qui comprennent que la seule chance pour les “créatifs” d’arriver au pouvoir est d’attirer dans leur camp les masses animées par ces deux sentiments naturels – le nationalisme (l’amour pour son propre peuple) et le patriotisme (l’amour pour sa patrie). Mais l’Etat-nation ne peut signifier pour la Russie que destruction, et

risque de porter un coup terrible aux intérêts du peuple russe. L’Etat-nation, cette inven-tion des géopoliticiens du XIXe siècle, était appelé à enterrer les empires. A présent, on adapte ce schéma à la Russie. Construisons une république russe, et ne nous rappro-chons pas des Kazakhs, encore moins de l’Ukraine. Qu’ils se construisent enfin leur Etat national (même s’il occupe une partie du territoire historique de la Russie, qui pour-rait même ensuite se séparer des Sibériens et des Bachkirs). Nous mettrons de l’ordre dans notre confortable maison, nous la net-toierons à l’européenne !

Au milieu des années 2000, Khodorkovski prônait le “tournant à gauche”, maintenant il parle de nationalisme. Et si Navalny joue de façon grossière sur les tensions sociales en maniant les slogans anticorruption et les sentiments anti-immigrés, Khodorkovski va, lui, observer ce travail de sape conduit par le “bélier Navalny” pour, le moment venu, paraître drapé dans la toge de l’auto-rité morale et de l’Européen russe patriote, et récupérer dans son camp les masses pro-testataires et les élites mécontentes. Toute la honte de l’ancien oligarque sera lavée par la presse libérale et il apparaîtra comme un chef respectable et sage qui fera la même chose que Poutine, mais en mieux…

Tel est le plan de Khodorkovski, mais il recèle une faiblesse. Khodorkovski estime qu’il a perdu face à Poutine, il a même du respect pour cet adversaire brillant et fort. Mais il ne comprend pas qu’en fait c’est face à la Russie qu’il a perdu. Sa conception des voies de développement de la Russie, et du droit des oligarques à diriger ce pays, se heurte non seulement aux plans du prési-dent, mais aussi au cours de l’histoire russe et aux aspirations du peuple russe. Il était condamné à la défaite, et en dix ans il ne l’a pas compris.

—Piotr AkopovParu le 23 décembre 2013

RUSSIE

Mikhaïl Khodorkovski n’est pas un saintPour une partie de l’intelligentsia et du peuple russe, l’ancien milliardaire est demeuré pendant dix ans un personnage suspect. On lui prête ici l’ambition non avouée de revenir en politique et de remettre le pays entre les mains des oligarques.

A la une

“LIBRE”, titre l’hebdomadaire moscovite Novoïé Vremia. Ce fervent soutien de Mikhaïl Khodorkovski durant ses dix années de captivité a recueilli sa première interview au lendemain de sa libération le 2O décembre, où il annonce qu’il “reviendra en Russie”.

↙ “Je gracie par la présente les Pussy Riot, Khodorkovski et cette racaille de Greenpeace ! Et pour les gays…”

Dessin de Taylor Jones paru dans El Nuevo Día, Porto Rico

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ROUTES DE L’ÉMIGRATION CLANDESTINE

En rouge, les immigrants clandestins interceptés en 2012 sur les routes méditerranéennes en fonction de leur nationalité. Sont prises en compte les trois principales nationalités sur chaque route selon le rapport 2013 de Frontex.

RIVE NORD : PORTE DE L’UE

RIVE SUD : PAYS PONTS

PAYS TIERS

La trame ondulée marquel’écart de l’IDH entreles pays de la rive nordde la Méditerranée qui

p yp y

appartiennent à la zoneq

euro et les pays de la rivesud, qui ont un plus fort

p yy

taux d’émigration.q pq

La trame pointillée marquel’écart entre la rive sud

p q

de la Méditerranée, têtede pont vers l’Europe, et les principaux pays non méditerranéens

p p p y

qui utilisent ces routespour accéder à l’UE.q

La plupart des immigrantsinterceptés provenaient

p p gp p g

de pays en conflit p pp p

(Syrie, Afghanistan)p yp y

et au très faible niveau ( y g )g

de développement.

A

B

C

En classant les pays impliquésdans le drame migratoire de la Méditerranée selon leur indice de développement humain (IDH, chiffre bleu entreparenthèses), on obtient troisgroupes bien différenciés :

BASSIN MÉDITERRANÉEN

Grèce(0,860)

Italie(0,881)

Slovénie(0,892)Espagne

(0,885)

Libye)(0,769)

eeeEEgypte)))((((0,662)

* Gaza est le seul accès de la Palestine à la mer.** L’IDH de la Somalie n’a pas été estimé.Sources : Union européenne (Frontex, Annual Risk Analysis 2013) et Nations unies (IDH)

a****Gaza*(0((0((0,670)

40840844 84088408

France(0,893)

sieieeiTunisi(0,712)2 2442 24444442 244

Afghanistan(0,374)1 705 (Pouilles et Calabre)1 593 (est, mer)7 973 (est, terre)

EUROPE OCCIDENTALE EUROPE CENTRALE POUILLES ET CALABRE EUROPE DE L’EST

Tchad(0,340)262

Erythrée(0,351)

1 889

Somalie**3 394

Pakistan(0,515)1 156

Chypre(0,848)

Bulgarie(0,782)

SyrieeeSyrie(0,648)0((0 ))0,648)

6 216(terre)

906(mer)

4 3706 397

41 996

32 854

Malte(0,847)

Bangladesh(0,515)4 598 (est, terre)497 (Pouilles et Calabre)

TERRETERREMERTotal des immigrantsi t té tinterceptés par route

g

)( l i li é )(toutes les nationalités)p pp p

Total par pays, p p y ,3 p pseulement les 3 principales

p p yp p

pnationalités par routep p

Maroc(0,591) (0,59364

(IDH)

(0,9)

(0,8)

(0,7)

(0,6)

(0,5)

(0,4)

(0,3)

Algérie(0,713) 1 048

10 379 4 772

Turquie(0,722)

La frontière entre la Bulgarie et la Turquie est devenue la principale voie d'accès vers l'UE pour l'émigration illégale.

DR

SAMUEL GRANADOS. Il dirige le service infographie du quotidien argentin La Nación. Après le drame de Lampedusa, en octobre, l’Union européenne a instauré un programme de surveillance renforcée de ses frontières extérieures. Eurosur, système de reconnaissance

et de transmission des données destiné à surveiller les fl ux de réfugiés en Méditerranée, supervisé par l’agence Frontex, est entré en vigueur le 2 décembre. Le débat sur la politique migratoire de l’UE, lui, attendra. Il a été reporté à juin 2014, après les élections européennes.

Toutes les routes mènent à l’EuropeLa guerre en Syrie a considérablement modifi é les fl ux migratoires autour de la Méditerranée.

L’auteur

À LA UNECourrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 23

spécialsignaux

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24. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

Culture. Astérix résiste encore et toujoursTandis que les aventures alambiquées de Tintin semblent passer de mode, celles plus terre à terre de l’irréductible Gaulois continuent de fasciner.

et hommages littéraires. Ces der-nières années ont ainsi vu le retour d’un excellent Sherlock Holmes dans La Maison de soie d’Anthony Horowitz [Calmann-Lévy, 2011] ; deux nouveaux James Bond sous la plume de William Boyd [Solo, 2013, non traduit en français] et de Sebastian Faulks [Le diable l’em-porte, Flammarion, 2008] ; et un nouveau P. G. Wodehouse, Jeeves and the Wedding Bells [non traduit en français], sorti pour Noël et signé du même Faulks, qui s’im-pose décidément comme le maître anglais moderne de l’imitation.

Le roman a toujours été un genre étrange, doué d’une capacité à se régénérer et à se recomposer par lui-même, mais la bande dessi-née, dans sa forme longue, com-mence à peine à découvrir toute sa puissance et son véritable poten-tiel. Pourquoi alors s’acharner à revenir vers des gloires du passé, comme Idéfix retourne ronger son os ? Qu’y a-t-il donc dans la potion magique d’Astérix ?

Un héros pour tous. C’est peut-être simplement le charme des héros vulnérables qui opère. Astérix est manifestement des-tiné aux enfants – et aux losers : il dépeint un monde dans lequel les appétits ingouvernables sont momentanément assouvis et satis-faits. En grandissant, le lecteur comprenait instinctivement que, par sa portée et son sens des réali-tés, Tintin et ses aventures repré-sentaient un monde adulte, un degré irréaliste de perfection et de privilège. Dans l’esprit des lec-teurs anglophones, Tintin s’adres-sait aux gens qui allaient vraiment passer leurs vacances en France ; au genre de personnes capables de lire les albums en version ori-ginale française.

Astérix, avec ses absurdes déchaînements de violence gra-phique – ses tournoiements d’étoiles, ses grimaces et langues tirées, ses cocards et ses têtes cabossées – était en revanche à la portée de tout le monde et de n’im-porte qui. C’était exactement le genre de chose que l’on avait envie de lire. On imaginait tout à fait se faire offrir un album de Tintin par un parrain bienveillant, mais on découvrait Astérix tout seul, bien écorné sous sa couverture de plas-tique, au fond d’un bac en bois cras-seux de la bibliothèque de quartier. La différence entre ces deux grands textes – ou types de textes – est révélatrice. “Astérix est à Tintin ce qu’un film de Quentin Tarantino est

et Obélix affrontent des extra-terrestres, il était franchement médiocre. Mais voici qu’enfin l’heure de la renaissance et de la réinvention a sonné. Uderzo a recruté un nouveau scénariste (Jean-Yves Ferri) et un illustra-teur (Didier Conrad), et passé le flambeau – ou plutôt le menhir – à une nouvelle génération. Dans une note placée en épigraphe du nouvel opus, Astérix chez les Pictes, il souhaite bonne chance à ses successeurs : “Bravo à Jean-Yves Ferri et Didier Conrad pour avoir eu le courage et le talent de réaliser cet album Astérix.” C’était donc du courage qu’il fallait ? Ou bien de la témérité ?

Retour aux sources. Astérix chez les Pictes renoue en fait hono-rablement avec l’esprit originel de la série. L’histoire relate les mésaventures de Mac Oloch, un guerrier picte venu “de la loin-taine Calédonie” et ayant échoué sur les plages de la Gaule, qu’As-térix et Obélix aident obligeam-ment à rentrer dans son pays, à sauver sa bien-aimée, la rousse Camomilla, des griffes de l’affreux Mac Abbeh, chef d’un clan rival. Le tout est ponctué par l’incon-tournable bagarre avec les pirates, une rencontre avec un monstre marin nommé Nessie, et les per-sonnages sont croqués dans toute leur splendeur grotesque : le druide Panoramix, le chef Abraracourcix, le barde Assurancetourix, le pois-sonnier Ordralfabetix, Bonemine, Agecanonix… (Détail intéressant, la traductrice anglaise Anthea Bell – qui a fait de l’amusant “Idéfix” français un magnifique “Dogmatix” et d’un “Panoramix” un peu trop conventionnel un “Geta f i x” dél ic ieusement ambigu* – a survécu aux créa-teurs français et met désormais son exigence pointilleuse au ser-vice de Ferri et Conrad.)

Le scénario n’est pas tout à fait à la hauteur de la mécanique complexe et subtile des anciens épisodes, et il y a quelque chose d’un peu trop mignon dans cer-taines illustrations – telle cette Camomilla aux allures suspectes de princesse Disney –, mais dans l’ensemble on est heureux de retrouver l’esprit Astérix.

Subsiste la question de fond : au-delà de la volonté – évidente – de faire un coup marketing et une opération de franchisage, pourquoi avoir pris la peine de pérenniser la série ? Nous traversons un âge d’or des suites, reprises, pastiches

france

—New Statesman Londres

Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par les

Romains… Toute ? Non ! Un vil-lage d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur.” Par Toutatis ! Ils continuent de résister, plus d’un demi-siècle après leur apparition dans les pages du premier numéro de Pilote – journal fondé en octobre 1959 par une équipe de jeunes scéna-ristes et illustrateurs de BD, parmi lesquels René Goscinny et Albert Uderzo – et huit ans après le der-nier album d’Astérix. Et, de fait, bis repetita placent !

Après bien des débats et des querelles, un nouvel Astérix fait enfin sa sortie fracassante dans un tourbillon de baffes et de citations latines, prêt à garnir les chaus-sons de Noël dans tous les pays du monde, avec un tirage stupé-fiant de pas moins de 5 millions d’exemplaires.

Les irréductibles Gaulois se battent contre vents et marées depuis des années. Goscinny, le scénariste, est mort en 1977, et la série aurait bien pu s’arrêter net avec le dernier album qu’il a signé, Astérix chez les Belges, si le dessinateur, Uderzo, n’avait pas décidé de poursuivre l’aventure en solo. Il a produit huit épisodes

supplémentaires – de qualité fort inégale, il faut bien l’avouer.

Des procès succédèrent aux tri-bulations : quand, en 2009, Uderzo a vendu ses droits sur la série au géant de l’édition Hachette, sa fille Sylvie a publié une lettre ouverte dans Le Monde, l’accusant d’avoir cédé aux “hommes de l’industrie et de la finance” et trahi les valeurs d’Astérix et toutes les convictions avec lesquelles elle avait grandi : “l’indépendance, la fraternité, la convivialité et la résistance”. Ce dif-férend a débouché sur une âpre bataille judiciaire. Quant au der-nier album écrit et dessiné par Uderzo, Le ciel lui tombe sur la tête (2005), dans lequel Astérix

↙ Dessin d’Alex Ballaman paru dans La Liberté, Fribourg.

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FRANCE.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 25

et notamment cette conception erronée que nous avons aux Etats-Unis de considérer la vieillesse comme un naufrage

“Ce n’est pas un hasard si nous parlons de la vieille Europe, dit Mireille Guiliano. Il y a une grande différence entre vieillir et deve-nir vieux. [Aux Etats-Unis], vous êtes déjà vieux à 30 ans. Quand je travaillais, de nombreuses jeunes femmes me disaient : ‘Je n’arrive pas à me caser et personne ne me regarde. J’ai raté le coche !’ Je leur rappelais alors que leur vie com-mençait à peine ! En France il y a un dicton qui dit : ‘La vie com-mence à 50 ans’, et cela n’a rien d’ironique. De nombreuses études montrent que les femmes sont plus heureuses à la soixantaine.”

Un vrai réconfort pour une femme mûre de 23 ans comme moi. “La prévention est la meil-leure stratégie, m’assure-t-elle. Et il n’est jamais trop tard pour commencer.”

Mais alors, comment font les Françaises pour se passer de lif-ting alors que les Américaines sont de grandes consommatrices de chirurgie esthétique ?

“La Française est très prag-matique, dit Mireille Guiliano. Elle se dit que tout le monde a des rides et elle n’en fait pas toute une affaire.” L’importance est dans les détails : une nouvelle coupe de cheveux, une nouvelle façon de voir la vie ou même simple-ment une escapade en week-end, voilà les secrets des Françaises en matière de bien-vieillir : tout est question d’attitude.

—Erin CunninghamPublié le 17 décembre 2013

mauvais vin et manger de la mau-vaise nourriture”.

Et, comme si les Françaises n’étaient pas suffisamment par-faites, Mireille a décidé de reve-nir à la charge. Car apparemment les Françaises ne vieillissent pas non plus.

Dans son dernier livre, French Women Don’t Get Facelifts: The Secret of Aging with Style & Attitude [“Ces Françaises qui se passent de lifting : comment vieillir avec style et élégance”, éd. Grand Central Publishing, 24 décembre 2013], Mireille Guiliano cherche à com-prendre pourquoi les Françaises ont toujours autant d’allure même quand elles ont dépassé la soixan-taine. Si elle ne donne aucun chiffre concret sur la propen-sion des Françaises à éviter le bistouri, son angle d’approche est une fois de plus culturel.

Elle commence par étudier les différences sociologiques récur-rentes qui ont toujours existé entre la France et les Etats-Unis,

—The Daily Beast (extraits) New York

Tout le monde le sait  : les Françaises ne gros-sissent pas. Elles adorent

la ba guette, boivent du vin et fument comme des pompiers, mais elles ne prennent jamais un gramme.

En 2004, dans son livre à succès Ces Françaises qui ne grossissent pas : les secrets du “maigrir gour-mand” [éd. Michel Lafon, 2005], arrivé en tête des meilleures ventes du classement du New York Times et rebaptisé le “livre antiré-gime par excellence” [il s’est vendu à plus de 3 millions d’exemplaires

à un film de David Lynch, affirme le romancier Tom McCarthy. L’un est un divertissement plein d’esprit, l’autre est du grand art.” McCarthy préfère “le grand art”. C’est son droit. Personnellement, il se trouve que j’ai un faible pour le divertissement.

Fins prévisibles. Tintin est fondamentalement un justicier ; Astérix et Obélix sont deux braves moustachus en goguette, affu-blés de pantalons ridicules. Tintin observe un code moral strict ; Astérix et Obélix ne demandent qu’à en découdre. Tintin fait la part belle au déroulement nar-ratif ; Astérix repose entièrement sur le dénouement.

Il y a surtout dans Tintin une nette prédominance de la méca-nique de l’intrigue, une surabon-dance de codes à déchiffrer et d’énigmes à élucider, alors que les intrigues d’Astérix sont très simples et la fin est toujours assu-rée : les Romains se font battre comme plâtre et tout se termine par un banquet. Chaque album d’Astérix est en fait une copie du premier de la série, Astérix le Gaulois (1961). Rien ne change. Tintin, lui, aspire en permanence à être plus que lui-même, ou autre chose que ce qu’il était. Astérix est ce qu’il est. “Notre unique ambi-tion est de nous amuser”, fit un jour remarquer Goscinny en défendant son œuvre.

Ce qui ne signifie pas qu’Asté-rix soit tout simplement inepte et vulgaire. Les albums regorgent certes de vieilles blagues éculées, mais Tintin est souvent préten-tieux et affecté. Hergé semble avoir écrit d’abord pour se faire plaisir, sans songer aux besoins ni aux goûts des autres, et du coup Tintin peut aujourd’hui paraître un peu vieillot et daté, une œuvre de fantaisie soumise aux exigences étranges et incommunicables de ses propres lois et désirs.

Astérix, qui a toujours été une œuvre à quatre mains et deux têtes, atteint au contraire une dimension quasi épique. Au bout du compte, qu’importe de savoir qui dessine les images ? Et qui diable était Homère ?

—Ian SamsonPublié le 20 décembre 2013

* Beaucoup de lecteurs anglophones ont soupçonné le druide d’être shooté [to get a fix : avoir sa dose] ; la traductrice assure qu’elle en avait plutôt fait un savant capable de se diriger aux étoiles [to get a fix on the stars].

SOCIÉTÉ

Les Françaises ne vieillissent pasPlus minces, plus sûres d’elles-mêmes et éternellement jeunes : un nouveau livre vient renforcer aux Etats-Unis le culte de la supériorité des femmes françaises.

“En France il y a un dicton qui dit que la vie commence à 50 ans, et cela n’a rien d’ironique”

“La Française se dit que tout le monde a des rides et elle n’en fait pas toute une affaire”

↙ Dessin de Vlahovic, Serbie.

BilletNos voisines ne se font pas lifter ? Quelle blague !●●● Qui sont les “Françaises” dont parle Mireille Guiliano ? Des célébrités comme Catherine Deneuve et Brigitte Bardot, bien entendu. Mais, comme celles-ci doivent leur carrière à leur fabuleuse allure, on peut nous pardonner de penser qu’elles se sont fait un peu refaire par-ci par-là en route. Mireille Guiliano parle aussi de sa bande à elle, qui n’est pas pauvre. C’est un segment de population dont les membres prennent régulièrement l’avion pour New York et aiment s’octroyer de petites pauses dans leur maison de Provence, où les dames méditent sur les vertus de l’huile d’argan comparées à celles de l’huile de lupin, la tête couverte d’un foulard pour protéger leur coiffure du soleil de midi. La Française de la rue n’a pas droit de cité ici.

—Emma G. Keller The Guardian (extraits) Londres

Publié le 15 décembre 2013

dans le monde], l’auteure [franco-américaine] Mireille Guiliano se vantait d’avoir percé ce secret. On y apprenait que les Françaises ont une tout autre approche de la nourriture : elles ne mangent pas entre les repas, ne sont pas obsédées par la balance et ne dia-bolisent pas certains aliments.

Même si les données scienti-fiques soutiennent sa théorie, puisque le taux d’obésité en France est la moitié de celui constaté aux Etats-Unis, Mireille Guiliano avance une autre théo-rie plus culturelle pour expliquer le faible IMC des Françaises : la philosophie selon laquelle “la vie est trop courte pour boire du

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26. À LA UNE Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

à la une

UNE AUTRE FAÇON DE DIFace à l’accumulation de données en tous genres et dans tous les secteurs, la datavisualisation (ou représentation graphique des données), aujourd’hui en plein essor, répond d’abord à un besoin impérieux de compréhension. Il s’agit de rendre intelligibles une multiplicité de données, comme l’explique très bien Alberto Cairo (p. 26). C’est ce que fit en 1854 l’épidémiologiste John Snow en établissant la carte des cas de choléra à Londres. Depuis, les outils d’exploration des données (datamining) et les formes de représentation visuelle se sont multipliés (p. 28). Pas toujours au bénéfice de l’information : déjà certains esprits chagrins dénoncent un effet de mode où l’esthétique serait privilégiée au détriment du sens (p. 28). Pourtant,le Big Data semble promis à un bel avenir (p. 30).

→ Marcello Valoncini, Italie.

Qu’est—ce qu’une infographie ? Une idée lumineuse

Observation du monde

Recherches et données

Bonne équipe

Café serré

Réunions

Flash!

Idée

Diffusion

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Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014 SPÉCIAL SIGNAUX. 27

IRE LE MONDE

Bminimaliste qui codifie directement la donnée en utilisant des patterns [modèles] visuels tra-ditionnels avec des objectifs plus analytiques se greffent des déclinaisons plus expressives et narratives, où la donnée ponctuelle s’efface au profit de la vision d’ensemble. La quantité de données et d’informations disponibles, la com-plexité des problèmes à affronter, la digitalisa-tion croissante des données et la diffusion des appareils mobiles encouragent le mélange des genres : analyse et narration se mêlent, donnant lieu à des expériences dynamiques et interac-tives de traitement des données et de l’infor-mation, qu’on peut difficilement ranger dans la case “infographie”. N’en déplaise à ceux qui pensent qu’il ne s’agit que d’une mode, la représentation visuelle continuera son parcours évolutif, même une fois retombé le soufflé d’en-thousiasme lié à la disponibilité (enfin) de don-nées ouvertes et d’outils de traitement gratuits. Un parcours qui puise ses bases les plus solides dans la révolution scientifique de Descartes et Edmond Halley, et dont les racines les plus pro-fondes s’ancrent dans notre façon de percevoir le monde chaque jour.

—Paolo CiuccarelliPublié le 27 octobre 2013

—Corriere della Sera Milan

eaucoup de nos récepteurs et une bonne partie de notre cerveau sont destinés à la perception visuelle du monde et au trai-tement des stimuli visuels. La vue est le sens doté de la “bande passante” la plus large, et notre cerveau élabore les images

de façon rapide, même au niveau inconscient. Il ne faut donc pas s’étonner que, à l’heure du Big Data et des systèmes complexes, l’attention pour la visualisation des données et de l’infor-mation soit si forte : plus l’ensemble des données est important et articulé, plus la synthèse par l’image sera efficace et économique. C’est dans notre nature : notre pensée, comme dirait Rudolf Arnheim [théoricien du cinéma], est une “pensée visuelle”. Nous commençons tous par apprendre avec des images, avant de passer aux chiffres et aux mots : la graphicacy [capacité à s’exprimer et à raisonner par les images] vient avant la nume-racy [capacité à s’exprimer et à raisonner par les chiffres] et la literacy [capacité à s’exprimer et à raisonner par les mots], mais bien souvent nous la désapprenons par la suite.

Exigences. Le langage visuel est moins sujet aux barrières culturelles et normatives, ses emplois et ses champs d’application potentiels ne connaissent pas de frontières. D’après notre expérience (au sein du laboratoire de recherche Density Design de l’Ecole polytechnique de Milan), aux exigences formulées par les milieux de l’administration publique, de la finance, des sciences dures sont venues s’ajouter au fil du temps les exigences, inédites et spécifiques, de ceux qui interprètent les sciences humaines à l’aide de données, de ceux qui cherchent à comprendre les phéno-mènes sociaux en explorant Internet, de ceux qui étudient l’évolution des lois en en suivant le cheminement. Plus les processus d’exploration, d’analyse, de partage, d’interprétation, de déci-sion et de communication impliquent des inter-locuteurs moins aguerris, plus la visualisation est utile, grâce justement à son caractère universel. A condition de savoir en décliner les caractéris-tiques fondamentales en fonction du destinataire, du contexte culturel, de l’objectif : à la visualisation

Je vois, donc je pense Loin d’être une simple mode, la représentation visuelle des informations est un langage universel hérité des Lumières et promis à un bel avenir.

Histoire

La carte de Lincoln●●● A la fin de l’année 1861, en pleine guerre civile, le président Abraham Lincoln devint obsédé par un document surprenant, raconte The New Yorker : la carte du Sud sécessionniste sur laquelle apparaissait le nombre d’esclaves vivant dans chaque Etat (différenciés visuellement par des niveaux de gris). Grâce à cette carte, explique l’hebdomadaire, Lincoln put constater que le Sud n’était pas un bloc uniforme. Les zones les plus esclavagistes – le long du Mississippi – correspondaient aux bastions sécessionnistes, les zones les plus claires laissaient espérer des sympathies pro-Union. Dans l’esprit de Lincoln, qui l’appelait sa “carte aux esclaves”, elle pouvait être lue d’un point de vue à la fois politique et moral. Aujourd’hui, on la définirait comme une infographie.

↑ Xaquín Gonzáles, Espagne.

↑ Andreia Caires, Brésil.

↑ Manuela Mariño, Espagne.

Source

L’auteur

Directeur du centre de recherche en design de l’Ecole polytechnique de Milan, Paolo Ciuccarelli est l’un des grands noms de la datavisualisation. Courrier international a publié plusieurs des travaux de son laboratoire de recherche.

Toutes les illustrations de ce dossier (sauf les cartes page 29) sont issues du livre Infographics. A Visual Definition : 81 graphistes tentent de définir ce qu’est une infographie en infographie… Il est édité par la Society for News Design (SND) espagnole, qui organise chaque année les rencontres de Malofiej, à Pampelune, rendez-vous mondial de l’infographie. En 2014, la 22e édition se tiendra du 23 au 28 mars. Javier Errea, qui a redessiné la formule de Courrier international en 2012, préside la SND-E.

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28. À LA UNE Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

—Visual.ly San Francisco

oncevoir une infographie ou un graphique pour visualiser des données relève de l’ingénierie. Cela vous étonne ? Les gens sont parfois surpris quand je présente cette idée lors de conférences et de cours.

Nombreux sont ceux qui pensent que je me laisse aller à un vague jeu de métaphores, mais non, c’est littéralement ce que je veux dire. Pour moi, l’infographie est un outil, tout comme le marteau, la scie et le tournevis : ce sont des instruments que nous concevons afin de développer nos capacités au-delà de leurs limites naturelles, pour accomplir des exploits qu’il serait extrêmement difficile – voire impossible – de réaliser sans leur aide. Nous, les humains, sommes des androïdes nés. Nous avons l’habitude de prendre des matières premières dans la nature (que ce soit du bois ou des données) et de les façonner jusqu’à ce qu’elles soient adaptées à certains objectifs ou à certaines tâches.

Un carnet, qu’il soit en papier ou sous forme numérique, est un outil qui développe notre mémoire. Une calculatrice nous évite de devoir retenir et exécuter de nombreux et complexes algorithmes mathématiques. Les outils (ou les ensembles d’outils et pratiques) qui ne sont pas matériels, comme les statistiques et la méthode scientifique, ont évolué pour que nous puissions

voir plus loin que de coutume, et pour que nous surpassions nos préjugés les plus fermement ancrés et nos jugements paresseux. Il en va de même pour les meilleures visualisations d’informations.

Efficacité. Prenons par exemple les célèbres carte et diagramme de Voronoï du Dr John Snow (voir page 29), qui représentent l’épidémie de choléra survenue en 1854 à Londres. Ce sont parmi mes exemples préférés d’informations représentées visuellement, car leur simplicité est extrêmement efficace. John Snow a conçu ce chef-d’œuvre non pas comme une simple présentation de données, mais comme un argument visuel en faveur de la recherche empirique et du débat scientifique. Il voulait prouver le rapport entre deux variables : la probabilité de mourir du choléra comme fonction de la distance entre le lieu de vie des victimes et une source d’eau contaminée par la bactérie Vibrio cholerae. A quelques exceptions près que le médecin a analysées avec soin, le nombre de victimes augmentait au fur à mesure que l’on se rapprochait de la pompe d’eau insalubre de Broad Street (au centre de la carte). Plus un immeuble en était proche, plus le bilan y était lourd.

Essayons d’imaginer ces données sous la forme d’un tableau. Les nombres, noms des victimes, adresses et autres informations que John Snow avaient collectés auraient été inutiles, car les

Alberto Cairo enseigne l’infographie et la visualisation à l’université de Miami. Il a été le directeur des infographies pour l’édition numérique d’El Mundo (Espagne) et pour Epoca (Brésil). Il est l’auteur de The Functional Art: An Introduction to Information Graphics and Visualization (non traduit).Le premier chapitre peut être téléchargé gratuitement sur elartefuncional.com.

accumulations de points seraient restées cachées derrière les intersections des colonnes et des lignes. Des tendances n’ont pu apparaître qu’une fois les données organisées de façon à être comprises par le cerveau humain. Cette carte est un outil pour l’analyse et le débat intellectuel, tout comme un diagramme de dispersion est un outil conceptuel pour étudier les corrélations (ou leur absence) dans le cas d’ensembles de données ; un histogramme sert, lui, à comparer des valeurs avec précision, et une carte choroplèthe permet de voir l’incidence relative de phénomènes dans une zone donnée. Les graphiques de qualité ne se contentent pas de révéler des informations, ils sont aussi des instruments avec lesquels explorer ces informations.

Considérer les infographies et la visualisation de données comme des outils peut être utile, mais cela a aussi des conséquences auxquelles certains concepteurs ne pensent pas. Avant tout, ils doivent arrêter de se voir comme des artistes et se comporter comme des artisans. Leur objectif principal ? Concevoir des instruments pour faciliter la vie des gens et pas seulement les divertir, ou leur vendre une idée ou un produit. En premier lieu, il est nécessaire de se préoccuper de la structure, de la précision, de l’intégrité, de la profondeur et de la fonctionnalité. Alors seulement l’auteur pourra penser aux embellissements ou à un style visuel particulier reposant sur des polices de caractères ou des palettes de couleurs. Ce n’est pas pour dire que les infographies ne doivent pas être belles. Au contraire, si nous voulons attirer les lecteurs et les sensibiliser à des questions pertinentes, l’esthétique et l’élégance sont des éléments indispensables. En revanche, si vos choix esthétiques font obstacle aux informations, s’ils masquent votre message ou occupent de l’espace qui aurait pu servir à mieux raconter l’histoire, alors vous aurez des ennuis. Votre “infographie” ou “visualisation” ne méritera vraisemblablement pas ce nom.—

Publié fin 2012

c

Des outils pour l’esprit humainPour Alberto Cairo, auteur de The Functional Art, l’infographie et la visualisation, si elles révèlent des informations, servent d’abord à les explorer. Décryptage d’une mécanique.

L’auteur

↑ Gabi Campanario, Espagne.

↑ Juan Colombato, Argentine.

L’infographie, et après ?●●● “Nous avons atteint le pic de l’infographie, et nous ne sommes pas plus intelligents pour autant” : c’est sous ce titre provocateur que Dylan C. Lathrop, cofondateur du magazine Tomorrow, dénonce dans la Harvard Business Review ce qu’il considère comme la tendance du moment : la datavisualisation. Or l’infographie, dit-il, a une histoire. Et de citer les pionniers du genre, Otto Neurath et Gerd Arntz, qui dès les années 1920 tentèrent de créer un langage visuel international (l’Isotype) à partir d’icônes et de pictogrammes faciles à identifier. Neurath et Arntz dessinaient pour un public qui ne pouvait pas lire. Aujourd’hui, la plupart des gens ne veulent pas lire et sont de moins en moins patients, et cela alors que le monde croule sous les données. Mais, si Neurath et Arntz avaient bâti un modèle de simplicité et d’élégance, la datavisualisation, elle, est souvent synonyme de complexité gratuite et souffre d’un péché originel : elle est d’abord conçue pour être virale, et peu importe l’histoire qu’elle raconte. Ce qui compte, c’est d’abord le design. “De plus en plus d’infographies, écrit l’auteur, se construisent à partir de cette question : est-ce que ça va marcher sur Internet ?” ou par ce genre de phrase : “Je veux une infographie ! Sur quel sujet ? Peu importe !”

Billet

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Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014 SPÉCIAL SIGNAUX. 29

Pour éviter ce problème, l’algorithme recherche donc trois mots à la suite (et non un). L’expression “je suis malade”, par exemple, est fortement corrélée avec la maladie, alors que telle chose “me rend malade” l’est moins. Certains mots – “migraine”, “fièvre”, “toux” – sont fortement liés à la maladie quelle que soit la séquence dans laquelle ils apparaissent.

Les chercheurs ont ensuite étudié l’évolution des tweets en relation avec la grippe au fil du temps et établi des comparaisons avec l’état des lieux du Centre de surveillance et de prévention des maladies (CDC), ce qui a confirmé que les tweets reflétaient précisément la tendance générale. Sauf que, contrairement aux données du CDC, ils sont accessibles en temps presque réel et non une semaine ou deux après.

Les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. Ils ont étudié les interactions entre différents utilisateurs – deux personnes qui tweetent du même endroit (la résolution du GPS est d’environ un demi-pâté de maisons) au cours de la même heure – et modélisé la probabilité qu’une personne saine tombe malade après avoir été en contact avec une personne grippée. Résultat : quand on étudie un ensemble suffisamment grand d’interactions, on a une image de la transmission.

Interactions. Si un twitteur bien portant rencontre 40 twitteurs qui disent présenter les symptômes de la grippe, la probabilité qu’il a de présenter lui-même des symptômes le lendemain passe de moins de 1 % à 20 %. Avec 60 interactions, cette probabilité passe à 50 %.

L’équipe a également étudié les interactions sur Twitter : elle a isolé des couples d’utilisateurs qui se suivent mutuellement et les a appelés “amitiés”. Même si de nombreuses relations Twitter n’existent que sur le web, certaines correspondent à des interactions dans la vraie vie, et les chercheurs ont découvert que, pour une personne ayant 10 “amis” qui se disent malades, la probabilité de tomber malade le lendemain augmente de 28 %. Au total, en utilisant ces deux types d’interactions, le programme a pu prédire qu’une personne bien portante tomberait malade (et le tweeterait) avec une précision de 90 %.

Cette étude ne fait que commencer et elle comporte un grand nombre de limitations : la plupart des gens ne sont toujours pas sur Twitter (si, si, c’est vrai). Et, même s’ils le sont, ils ne tweeteront pas nécessairement qu’ils sont malades.

Cependant, ce type de système, s’il se perfectionne, pourrait déboucher sur toutes sortes d’applications. Par exemple, votre smartphone pourrait vous avertir automatiquement si vous avez passé trop de temps dans un lieu occupé par des personnes grippées et vous inciter à rentrer à la maison. On pourrait aussi avertir tous les habitants d’une ville quand une épidémie est sur le point d’éclater.

Malgré les cent cinquante ans qui nous séparent de la découverte de John Snow, il est clair que nous ne comprenons pas encore complètement certains aspects de la propagation des maladies. Aujourd’hui comme hier, la cartographie des informations devrait permettre d’obtenir des réponses.

—Joseph StromberggPublié le 8 novembre 2013

que la couverture médiatique avait incité les gens à faire des recherches sur la grippe. Twitter fournit un nouvel ensemble d’informations dont les qualités – meilleure résolution géographique et possibilité de suivre les déplacements des utilisateurs au fil du temps – permettront peut-être d’obtenir des prévisions plus fiables.

Pour étudier la grippe, Social  Health a commencé par New York. Pendant trois mois, les chercheurs ont collecté 16 millions de tweets par mois émanant de 600 000 personnes. Un algorithme détermine si chaque tweet constitue une annonce de syndrome grippal. Les chercheurs qui s’y étaient essayés auparavant procédaient simplement par mots-clés (par exemple “malade”) mais l’équipe de Henry Kautz a constaté que cette méthode créait de faux positifs : il y a beaucoup plus de gens qui tweetent qu’Untel est un malade que de gens qui tweetent qu’ils sont vraiment malades.

—Smithsonian Magazine Washington

n 1854, en réaction à une épidémie de choléra dévastatrice qui balayait [le quartier de Soho à] Londres, le docteur John Snow introduisit une idée qui allait révolutionner la santé publique : la carte épidémiologique. Il releva les cas de choléra dans différents

quartiers, pointa le domicile des malades sur une carte et découvrit ainsi qu’une grande partie des cas étaient dus à une unique pompe à eau contaminée.

Les techniques de cartographie et les maladies étudiées ont beau être complètement différentes, la carte de John Snow présente certaines similitudes avec un projet mené par une équipe dirigée par Henry Kautz, de l’université de Rochester. Ces chercheurs ont en effet conçu des algorithmes capables de repérer les syndromes grippaux et d’établir des prévisions à partir de tweets géolocalisés accessibles à tous. Cette nouvelle méthode pour étudier la propagation des maladies va peut-être changer la façon d’étudier et de repérer la circulation des maladies dans la société.

Capteurs. “On peut considérer les gens comme des capteurs qui regardent le monde qui les entoure et rapportent ce qu’ils voient et vivent sur les médias sociaux, explique Henry Kautz. On peut ainsi effectuer des mesures détaillées à l’échelle d’une population sans avoir besoin de la participation active des utilisateurs.” En d’autres termes, quand on tweete qu’on est complètement HS à cause d’une toux douloureuse et d’une fièvre, on donne involontairement des informations importantes à une énorme expérience de santé publique, des informations susceptibles de permettre aux chercheurs de repérer la propagation des maladies, par exemple la grippe, en haute résolution et en temps réel.

Baptisé Social Health, le projet de Henry Kautz cherche à détecter les problèmes de santé publique à partir des tweets et autres médias sociaux. L’équipe s’est récemment attaquée aux cas d’intoxication alimentaire contractés dans les restaurants de New York. Elle a enregistré toutes les personnes ayant posté un tweet géolocalisé depuis un restaurant, puis suivi leurs tweets pendant soixante-douze heures en guettant toute mention de vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, fièvre ou frisson. Elle a ainsi détecté 480 cas probables d’intoxication alimentaire.

Mais les saisons passent et c’est maintenant son travail sur le virus de la grippe qui attire l’attention. Google Flu Trends avait déjà tenté de repérer la propagation de la grippe à partir des recherches en ligne des internautes sur Google, mais le modèle avait gravement surestimé l’épidémie de l’année dernière, peut-être parce

Tweeter c’est dépisterDes chercheurs américains ont mis au point des algorithmes capables de prévoir les syndromes grippaux à partir de tweets géolocalisés.

↑ La carte établie par John Snow au XIXe siècle. Elle a révolutionné la gestion des maladies infectieuses et de l’hygiène publique. DR

→ “En route pour le boulot ! Troooooo la crève !!! 1Tret me soigner av ce soir !!!” La carte de tweets géolocalisés à New York. A partir des contenus, un algorithme repère la progression de l’épidémie. Document Adam Sadilek (Université de Rochester)

E

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30. À LA UNE Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

et l’analyse des données fi gurent les universités de New York, Stanford, Northwestern, George Mason, Syracuse, Californie à Irvine et de l’Indiana.

Rachel Schutt, chercheuse chevronnée des laboratoires Johnson Research Labs, a donné des cours d’“introduction aux sciences des données” à Columbia (son premier comportant l’expression “science des données” dans l’intitulé). Elle décrit le métier de spécialiste des données en ces termes : “Un hybride entre informaticien, programmeur et statisticien. […] Les meilleurs sont ceux qui manifestent une réelle curiosité, des penseurs qui posent de bonnes questions et sont à l’aise pour traiter de situations non structurées et tenter d’y trouver une structure.”

Pénurie. Eurry Kim, une “future spécialiste des données”, prépare à Columbia un master en méthodes quantitatives dans les sciences sociales. Elle espère que son diplôme lui permettra de faire carrière dans la fonction publique. Elle a découvert les perspectives d’emploi dans ce domaine lorsqu’elle travaillait comme analyste en fi scalité des entreprises, à l’administration fédérale. Elle pourrait ainsi analyser les informations sur les déclarations d’impôts pour bâtir des algorithmes qui signaleraient des renseignements frauduleux.

Certains de ses condisciples comptent appliquer leurs connaissances au commerce électronique, où les données sur l’historique des consultations sur Internet d’un consommateur valent de l’or. “C’est une génération de gosses qui ont grandi avec une science des données omniprésente, avec Netfl ix leur recommandant les fi lms à regarder [des programmes quasi illimités contre un abonnement mensuel], et Amazon les livres à lire. Il s’agit d’un intérêt académique avec des applications dans le monde réel”, commente Chris Wiggins, professeur de mathématiques appliquées à Columbia, qui fait partie de l’Institute for Data Sciences and Engineering, nouvellement créé. “Ils savent que ces études leur permettront de trouver un emploi.”

Les universités peinent toutefois à produire suffi samment de spécialistes. Pour répondre à la demande des employeurs, les Etats-Unis devront augmenter le nombre de jeunes diplômés capables de traiter de grandes quantités de données – jusqu’à 60 % de personnes en plus, si l’on en croit un rapport du McKinsey Global Institute. Près d’un demi-million d’emplois seront créés dans les cinq prochaines années.

Parce qu’il s’agit d’un nouveau domaine, les universités s’eff orcent de mettre au point des formations adaptées. C’est une discipline transversale, qui comporte des cours de statistiques, d’analyse, d’informatique et de mathématiques, complétés par la spécialité que l’étudiant souhaite approfondir, par exemple les modèles de vie marine ou les textes historiques. Rien que par le volume des données, leur diversité et leur

—The New York Times New York

a science des données est devenue “le métier le plus sexy du XXIe siècle”, note la Harvard Business Review. Ce nouveau domaine à la mode promet de révolutionner tous les secteurs d’activité, des entreprises à l’Etat en passant par la santé et l’enseignement.

Elle est née des énormes quantités de données que génèrent les technologies modernes – que ce soit le comportement en ligne des utilisateurs de Facebook, les prélèvements de tissu chez les malades du cancer, les habitudes d’achat de clients de supermarché ou les statistiques sur la délinquance urbaine. Les spécialistes des données sont les magiciens de l’ère des données massives (Big Data). Ils traitent les données, s’appuient sur des modèles mathématiques pour les analyser et les expliquent en mots et en images, puis montrent comment se servir des informations pour prendre des décisions.

Ces dernières années, des dizaines de formations ont vu le jour sous diverses appellations pour répondre à l’enthousiasme suscité par le Big Data, sans parler des salaires à six chiff res perçus par de jeunes diplômés. A la rentrée 2013, l’université Columbia, à New York, a inauguré un nouveau master ainsi qu’un certifi cat mettant fortement l’accent sur les données. A l’université de San Francisco, une première promotion se verra bientôt décerner un master en analyse de données. Parmi d’autres institutions enseignant la gestion

Les enfants du Big DataDe plus en plus d’universités américaines créent des cursus spécialisés dans la gestion et l’analyse des données.

L

3 questions à…David McCandless*L’un des pionniers du datajournalisme et auteur de l’ouvrage Datavision, une référence en la matière, dont une réédition est annoncée cette année.

1. Comment défi niriez-vous la datavisualisation par rapport à une infographie traditionnelle ?Pour moi, c’est une visualisation singulière des données. Les diagrammes en bâtons, les camemberts, les nuages de points relèvent de la datavisualisation. De même que de nouvelles formes plus “cool” de représentation graphique, les treemaps [les données sont représentées et hiérarchisées dans un espace limité, souvent sous la forme de rectangles], les diagrammes de réseaux, les schémas conceptuels élaborés à partir de bulles (bubble maps). Alors qu’une infographie est un ensemble de visualisations reliées par un thème ou une histoire.

2. Pourquoi avoir choisi de vous consacrer à cette discipline ?Cela fait vingt ans que je suis journaliste. J’ai travaillé dans la presse, à la radio, la télé, pour des magazines, des sites… Il me fallait un nouveau défi à relever. En même temps je me sentais noyé sous un fl ot d’informations de plus en plus diffi ciles à comprendre. Il m’a semblé que la datavisualisation pourrait aider à révéler des modèles invisibles et des connexions qui permettraient de mieux saisir le sens de l’information. C’était une perspective tout à fait passionnante.

3. Y a-t-il une limite à ce genre de représentation visuelle ? Certains affi rment que la datavisualisation n’est qu’une mode, allant même jusqu’à évoquer un pic de l’infographie**.Je pense que c’est un phénomène encore émergent, qui évolue. Il y a des limites dans chaque mode d’expression. La visualisation statique des données est certainement proche d’un pic. Mais nous n’en sommes qu’aux prémices en matière d’infographies animées et de datavisualisations interactives. Celles-ci permettent à chacun d’explorer les données et de jouer avec pour construire ses propres histoires et tirer ses propres conclusions. C’est grisant.

—Propos recueillis par Courrier international

* Graphiste et journaliste britannique, David McCandless collabore régulièrement avec The Guardian et depuis l’an dernier avec Courrier international.

** Dylan C. Lathorp, dans la Harvard Business Review (lire page 28).

→ John Grimwade, Royaume-Uni.

DR

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Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014 SPÉCIAL SIGNAUX. 31

vitesse, ainsi que du fait des technologies de développement, les formations représentent plus qu’un “reconditionnement” de cursus existants. “La science des données apparaît comme une discipline universitaire définie non pas par un amalgame de domaines interdisciplinaires, mais en tant que corps de connaissances, d’ensemble de pratiques professionnelles, d’organisation professionnelle et de règles déontologiques”, souligne Christopher Starr, président de la faculté d’informatique au College of Charleston, l’une des rares institutions à proposer la science des données au niveau de la licence.

Ethique. L’étude des données d’un internaute soulève également des questions de vie privée. S’en servir pour décider si une personne est qualifiée pour obtenir une ligne de crédit ou souscrire une assurance-maladie, voire pour juger ses “amis” sur Facebook, risque d’affecter sa vie. “Nous construisons des modèles qui ont un effet sur la vie d’un être humain”, met en garde Mme Schutt. “Comment le faire en prenant toutes les précautions nécessaires ?” Les cours d’éthique traitent de ces questions.

Enfin, les étudiants doivent apprendre à communiquer leurs résultats, visuellement et oralement, et ils ont besoin d’un savoir-faire commercial.

Reste à savoir, souligne Bill Howe, qui enseigne la science des données à l’université de Washington, s’il est seulement possible d’inculquer à qui que ce soit toutes les compétences nécessaires, des statistiques à la modélisation prédictive en passant par la stratégie commerciale. Son université propose une large gamme de cours gratuits en ligne axés sur les données massives, comme Coursera, la préparation en neuf mois d’un certificat et une formation doctorale.

“On verra où tout cela va nous mener, commente-t-il, mais nous en sommes encore à penser qu’il est possible de former des spécialistes des données.” “Ce que recherchent les employeurs, ce sont des gens qui savent tout faire”, ajoute-t-il.

—Claire MillerPublié le 11 avril 2013

A lire, à suivre

LivresINFORMATION GRAPHICS

Sandra Rendgen,Ed. Julius Wiedemann, TaschenUne somme magnifique

parue en 2012 sur l’histoire de la représentation visuelle de l’information. Avec des contributions de Simon Rogers, Richard Saul Wurman, Paolo Ciuccarelli et Nigel Holmes en trois langues (allemand, anglais, français). Et des centaines d’infographies dans une mise en pages très pédagogique.

THE FUNCTIONAL ARTAn introduction to information graphics and visualisation,Alberto CairoNew Riders, 2012

Un essai remarquable (et critique) sur la théorie et la pratique de l’infographie, par l’ancien directeur artistique d’El Mundo (Espagne) et d’Epoca (Brésil), aujourd’hui professeur à l’université de Miami. Le livre comprend un DVD des cours d’Alberto Cairo. En anglais exclusivement.

LE RAPPORT FELTRONChaque année depuis 2005, l’auteur, Nicholas Felton, fondateur

de Daytum.com et aujourd’hui membre de l’équipe de design de Facebook, mesure chacune de ses activités quotidiennes (ce qu’il mange, qui il voit, où il sort…) et les restitue ensuite sous forme de cartes, graphiques, statistiques dans un rapport annuel exclusivement composé d’infographies. C’est l’école de la quantification. Parfois dénoncée par ses adversaires comme celle d’une servitude volontaire, ou la porte ouverte à Big Brother.

THE INFOGRAPHIC HISTORY OF THE WORLDValentina D’Efilippo et James Ball,Collins, 2013De la naissance de l’univers à la carte mondiale des connexions entre sites Internet… Un panel très stylisé des différents types de représentation qui ont marqué l’histoire de l’humanité et de cette discipline.

RevuesIN GRAPHICS

Revue allemande trimestrielle fondée par Jan Schwochow et son studio, Golden Section

Graphics. Elle est exclusivement dédiée à l’infographie. Plusieurs de ses pages ont été publiées dans Courrier – dont la première de la nouvelle rubrique Signaux, le 4 octobre 2012, Piétons de tous les pays.

INFOGRAFIKARevue gratuite dédiée elle aussi exclusivement à l’infographie, elle est publiée

depuis 2011 à Saint-Pétersbourg et à Moscou. A la tête d’une équipe de jeunes graphistes, Artem Koleganov et Nikolaï Romanov. Courrier international a publié de nombreuses pages de cette revue très créative depuis seize mois. Pour ce numéro, où ils avaient carte blanche, les membres d’Infografika ont opté pour un traitement très graphique des résultats des JO.

BlogsLE DATABLOG DU GUARDIANC’est la référence en la matière. Le quotidien britannique accorde depuis

longtemps une très large place au datajournalisme et à la représentation visuelle de l’information sur son site. Il est devenu expert en analyse de données en tous genres et ses équipes ont largement contribué à l’analyse et à la diffusion des fichiers WikiLeaks en 2010 puis, plus récemment, à celles des données fournies par Edward Snowden.

LA NACIÓN DATACréée fin 2010, l’équipe NACIÓN DATA, du quotidien argentin La Nación, a très rapidement gagné sa place dans l’univers de la datavisualisation. Elle a été récompensée par la Online News Association en 2011 et par le Global Editors Network (GEN) en 2012 et en 2013. Elle est aussi devenue une référence dans l’utilisation de l’outil Tableau Public. Une équipe dédiée a été mise en place. Ses références : The Guardian, Los Angeles Times et The NYT.

AMPP3DUn site mobile expérimental tout juste lancé par le Daily Mirror et exclusivement dédié aux informations visuelles. L’actualité politique, économique y est racontée en chiffres, graphiques…

Et aussiSur papier et sur le site, toutes les infographies du New York Times, maintes fois récompensé. Le quotidien a fait du département infographies un axe majeur de son développement.

Corriere della SeraLe quotidien milanais a créé en 2011 une page dédiée à l’information visuelle dans son supplément dominical, La Lettura. Nous avons publié plusieurs de ses pages, dont l’une, sur l’origine des prix Nobel (CI n° 1201, du 7 novembre 2013), signée Accurat, élue récemment parmi les infographies de l’année sur le site de David McCandless, Information is Beautiful.

← Carlos Monteiro, Portugal.

EtudeA quoi reconnaît-on une bonne visualisation ?Des chercheurs de Harvard et du MIT ont récemment lancé une étude, détaillée dans HPC Wire, sur l’impact de la datavisualisation. Les auteurs voulaient comprendre ce qui fait que l’on se souvient ou non d’une représentation graphique. Après avoir collecté près de 6 000 visualisations de tous types et de toutes origines (médias, rapports scientifiques…), ils en ont finalement retenu un échantillon de 410 visuels qui ont ensuite été soumis à des tests de mémorisation. Résultat : les infographies les plus mémorables sont celles qui utilisent des pictogrammes et toute représentation figurative comprenant des photos, des personnages, des dessins, des logos, etc., mais aussi celles incluant des formes inhabituelles (diagrammes en réseaux, bulles…). Les chercheurs insistent toutefois sur un paramètre essentiel, outre la mémoire visuelle : l’exactitude, qui reste la priorité de toute bonne visualisation.

Information brute

Information éditée

Infographie

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32. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

↙ Dessin de Vázquez paru dans El País, Madrid.

trans-versales.

sciences et innovations

Sciences ......... 32Signaux .......... 34Economie ......... 35

Lire le cerveau, c’est pour bientôtNeurosciences. En étudiant l’activité cérébrale, des chercheurs progressent dans le décodage des pensées et des rêves. Mais il reste encore beaucoup à faire.

—Nature (extraits) Londres

Perché au bord d’un fauteuil pivo-tant dans son labo de l’université de Californie, à Berkeley, Jack Gallant

fixe l’écran d’un ordinateur. Du côté gauche défilent des clips qu’il a montrés à des sujets pendant qu’ils passaient une imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau. Du côté droit, un programme informatique cherche à deviner ce que le sujet regardait à ce moment-là à partir des informations fournies par l’IRM. Le visage d’Anne Hathaway en pleine conversation animée avec Kate Hudson apparaît, c’est un clip tiré du film Meilleures Ennemies. L’ordinateur lui accole fermement les mots “femme” et “parle” en gros caractères. Un autre clip apparaît – une scène sous-marine tirée d’un documentaire animalier. L’ordinateur mouline puis propose timidement “baleine” et “nager” en petits caractères. “C’est un lamantin mais il ne sait pas ce que c’est”, explique Gallant comme s’il parlait d’un élève récalcitrant. L’équipe a entraîné ce logiciel spécial en lui montrant des cli-chés de l’activité cérébrale provoquée par toute une série d’images et de clips. Ce programme a déjà vu de gros mammifères marins mais jamais de lamantin.

Plusieurs équipes tentent actuellement de décoder ce que les gens voient, entendent et ressentent, ainsi que ce dont ils se sou viennent, voire rêvent. Si certaines entreprises commencent à se lancer dans le décodage du cerveau pour l’appliquer à des secteurs comme la recherche marketing et les détecteurs de mensonges, les chercheurs s’y intéressent essentiellement pour en apprendre davantage sur le cerveau. Ainsi, l’équipe de Gallant espère pouvoir découvrir les principes de base qui gouvernent l’organisation du cerveau et la façon dont celui-ci code les souvenirs, les comportements et les émotions.

La force des souvenirs. Le décodage du cerveau a décollé il y a une dizaine d’années, quand les neuroscientifiques ont compris qu’il y avait beaucoup d’informations non exploitées dans les clichés du cerveau obtenus par IRM. Cette imagerie mesure l’activité cérébrale en identifiant les zones recevant du sang oxygéné, qui apparaissent alors en clair. On divise le cerveau en petits segments appelés voxels –  l’équivalent en trois dimensions des pixels –, puis on cherche à savoir lesquels réagissent le plus fortement à un stimulus particulier, par exemple le fait de voir un visage. Mais, plutôt que de se concentrer sur les zones du cerveau qui réagissent le plus fortement aux visages, les nouvelles techniques de décodage exploitent à la fois les réactions faibles et fortes et repèrent l’activité du cerveau de façon plus subtile. Les premières études de ce type ont prouvé, par exemple, que les objets ne sont pas codés par une petite zone très active mais par toute une série de régions.

Les données sont soumises à un programme qui apprend les zones d’activité associées à une image ou à un concept. Une fois qu’il a vu suffisamment d’échantillons, il est capable de déduire ce que la personne voit ou ce à quoi elle pense. Mais cela va plus loin : en étudiant plus attentivement les zones d’activité, les chercheurs peuvent s’interroger par exemple sur la force et la distribution des souvenirs. Pour Russel Poldrack, un spécialiste de l’IRM fonctionnelle de l’université du Texas à Austin, le décodage permet aux chercheurs de tester des théories psychologiques qui prédisent comment le cerveau accomplit des tâches.

Certains tentent également de décoder les intentions, ce qui est extrêmement difficile. Gallant et son équipe ont cherché à savoir s’ils pouvaient décoder une intention d’aller à droite ou à gauche ou de pourchasser un ennemi dans le cadre d’un jeu vidéo en vue subjective. Tout ce qu’ils ont pu faire, c’est décoder vaguement l’intention de se déplacer : toutes les autres informations produites par l’IRM fonctionnelle étaient submergées par les émotions du sujet quand on lui tirait dessus ou qu’il se faisait tuer.

Vie privée. Cependant, Gallant et d’autres équipes veulent quand même aller au-delà. Ils tentent de trouver comment le cerveau organise et stocke les informations. En bref, ils souhaitent craquer les codes complexes utilisés par le cerveau. Ce ne sera pas facile, confie Gallant. Chaque zone du cerveau prend des informations dans les autres et les associe. Même si on disposait de suffisamment d’informations sur le contenu de chaque zone cérébrale, il n’y aurait probablement pas d’équations toutes prêtes pour décrire ces informations, décrire leurs relations et les transformations qu’elles connaissent au fil du temps. Concevoir un modèle de décodage applicable à tous les cerveaux, et même à un seul cerveau au fil du temps, pose un problème encore plus complexe. Plusieurs équipes travaillent en ce moment à la construction d’un modèle applicable à tous.

Les entreprises suivent ces recherches de près. John-Dylan Haynes, du Bernstein Center for Computational Neuroscience de Berlin, a récemment été approché par le constructeur automobile Daimler, qui lui a demandé si on pouvait décoder les goûts secrets des sujets d’une étude de marché. En principe, cela pourrait se faire, dit-il, mais les méthodes actuelles ne permettent pas de trouver le produit qu’une personne préfère parmi trente produits similaires.

Les sociétés au service des forces de l’ordre s’intéressent aussi au sujet. No Lie RMI, de San Diego, en Californie, par exemple, affirme pouvoir distinguer quand une personne ment à partir de clichés de son cerveau et des techniques de décodage. Pour Julian Savulescu, chercheur en bioéthique de l’université d’Oxford, les techniques de

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TRANSVERSALES.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 33

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pour s’attaquer à ce problème. Le mois dernier, ils ont testé l’automate, appelé Jeros [Jellyfish Elimination Robotic Swarm], dans la baie de Masan, sur la côte sud de la Corée. Ils ont développé trois prototypes.

Les Jeros sont autonomes  : ils sont capables d’utiliser des caméras pour loca-liser les méduses depuis la surface de l’eau. Une fois qu’ils ont détecté un groupe de méduses, ils se regroupent en formation. Les automates sont équipés d’un système de pales tranchantes.

Ensemble, les Jeros peuvent hacher environ 900 kilos de méduse par heure. La méduse lune, parmi les plus répandues, pèse environ 150 grammes. Cela fait donc 6 000 méduses par heure. On peut en conclure qu’il faudra construire beaucoup de Jeros pour que le dispositif ait un véri-table effet sur les populations de méduses.

Selon le Pr Myung, ces robots sont con-çus pour travailler en groupe et l’ajout de nouvelles unités ne devrait pas poser de problème. Son équipe prévoit déjà la réalisation d’autres tests. [Certains cher-cheurs doutent cependant de l’efficacité d’un tel appareil. Selon les propos de Robert Condon, chercheur au Dauphin Island Sea Lab, au large du golfe du Mexique, hacher menu des méduses les tue, mais libère également leur semence et leurs œufs dans l’eau, augmentant les chances de prolifération, rapporte le Los Angeles Times.]

—Evan AckermanPublié le 1er octobre 2013

décodage ne posent aucun problème de principe sur la protection de la vie privée. Les informations fournies par le cerveau ne sont, selon lui, pas différentes des autres types de preuve. “Je ne vois pas pourquoi on ferait passer les pensées des gens avant leurs paroles.”

Haynes travaille à une étude dans laquelle les sujets visitent plusieurs maisons virtuelles puis passent une IRM pendant qu’ils en visitent une autre série. Les premiers résultats montrent que l’équipe peut identifier dans quelles maisons les sujets se sont rendus auparavant. On pourrait ainsi savoir si un suspect s’est déjà rendu sur la scène d’un crime. Mais Haynes s’empresse de faire valoir que cette technique a des limites : et si la personne s’est rendue dans le bâtiment mais ne s’en souvient plus ? et si elle s’y est rendue une semaine avant le crime ? Les suspects pourraient même être capables de tromper l’appareil de décodage.

D’autres scientifiques ne pensent pas non plus que cette technique puisse décoder les pensées secrètes. Pour commencer, il faut un scanner d’IRM fonctionnelle de 15 tonnes à 3 millions de dollars [2,2 millions d’euros] et il faut que la personne soit prête à rester allongée sans bouger à l’intérieur tout en ayant à l’esprit des pensées secrètes. Les psychologues disposent actuellement de moyens plus fiables et moins onéreux pour accéder aux pensées des gens. “Pour l’instant, le meilleur moyen de savoir ce que quelqu’un va faire, c’est encore de le lui demander”, déclare Haynes.

—Kerri SmithPublié le 23 octobre 2013

Le Terminator antiméduses

Pour contenir l’invasion de ces animaux, des chercheurs sud-coréens ont conçu des machines tueuses.

IEEE Spectrum New York

Les méduses posent un sérieux problème. Il suffit en effet qu’elles se retrouvent à plu-

sieurs au même endroit pour qu’elles prolifèrent et que les choses tournent mal. Il est donc évident que nous devons nous défendre. Pourquoi ne le ferions-nous pas avec des robots ?

En Corée du Sud, les méduses mena-cent les écosystèmes marins. Elles ont occasionné environ 300 millions de dollars [220 millions d’euros] de pertes et de dommages aux pêcheries, aux centrales électriques situées en bord de mer et à d’autres infrastructures maritimes. Le problème, c’est que les méduses se déplacent rarement en petits groupes. Elles sont générale-ment des milliers ou des centaines de milliers, voire des millions au même

PLANÈTE ROBOT

endroit, enrayant les mécanismes et bloquant les systèmes installés sous la surface de l’eau.

Le nombre de grandes colonies de méduses dans le monde a considérable-ment augmenté au cours des dernières décennies, constate Hyun  Myung, professeur de robotique à l’Institut supérieur coréen des sciences et tech-nologies [Korean Advanced Institute of Science and Technology, Kaist]. Le chercheur et ses collègues du Kaist ont donc décidé de construire un robot

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1,73MILLIARD

2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

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+18,0 %

+13,4 %

+10,8 %

+8,9 %

+7,5 %

23,7 %VARIATION

ASIE-PACIFIQUE770 MILLIONS

AMÉRIQUE LATINE216,9 MILLIONS

MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE209,8 MILLIONS

AMÉRIQUE DU NORD181,2 MILLIONS

EUROPE OCCIDENTALE174,2 MILLIONS

EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE173,6 MILLIONS

UTILISATEURS DE RÉSEAUX

SOCIAUX DANS LE MONDE

1,22

1,97

2,18

2,37

2,55

1,47

21 %22 %25 %50 %

20 %21 %

4 %

26 %

12 %19 %

4 %6 %

8 %9 %10 %

FACEBOOK SINA WEIBOTWITTERYOUTUBE

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GOOGLE+

YOUKUTENCENTWEIBO

PINTERESTKAIXIN

LINKEDINTUDOURENREN

DR

MICHAEL PAUKNER. Ce graphiste autrichien free-lance axe son travail sur le design Internet et les infographies. Il s’est intéressé ici à l’explosion des réseaux sociaux dans le monde. Si Facebook reste largement leader (ci-dessus, les taux de pénétration, en % d’internautes actifs dans le monde), il compte plusieurs concurrents sérieux, Google + notamment. Les chiff res des réseaux

chinois (Sina Weibo, Qzone, Tencent, Tencent Weibo, Tudou, Youku, Kaixin) s’expliquent par le grand nombre d’utilisateurs et l’accès limité aux autres réseaux. A noter, la forte progression du réseau japonais Line (non comptabilisé ici) : lancé en 2011, il compte déjà plus de 230 millions d’utilisateurs dans le monde. Le principal vecteur de croissance de ces réseaux ? Les smartphones et les tablettes.

Un monde de réseauxEn 2014, le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux devrait frôler les 2 milliards de personnes.

L’auteur

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34. À LA UNE Courrier international — no 1209 du 2 au 8 janvier 2014

spécialsignaux

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TRANSVERSALES.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 35

d’Afr icains, comme Barbara Amouzou, occupent des postes de direction ? Que nous avons créé indirectement 10 000 emplois en Afrique ? Que nous proposons des formations et que nous achetons à présent un quart de notre coton à des cultivateurs africains ?” Le fait que, à Helmond, les créateurs ne soient pas africains permet, selon M. Gerards, d’avoir la distance créatrice nécessaire. “Pas une seule marque n’a pour créateur le client.”

Mme Amouzou est elle aussi au courant des critiques. “Parfois, on me dit  : ‘Pourquoi Vlisco ne déménage-t-elle pas en Afrique ?’ Moi, je réponds : ‘Vous avez pensé à nos marques produites localement comme Woodin, Uniwax et GTP ? Vous voulez qu’elles soient évin-cées du marché par cette concur-rence ?’ […] En tout cas, le succès de Vlisco prouve une chose : les Africains ont bon goût et sont prêts à investir dans la qualité. Certains peuvent s’of-frir du Vlisco régulièrement, d’autres font des économies ou demandent à échelonner les paiements. Je ne vois pas pourquoi on porte de tels juge-ments.” Ces critiques agacent aussi Amah Edoh : “Est-ce que la seule idée que nous pouvons nous faire des Africains est celle de personnes qui ont besoin d’aide et sont incapables de prendre des décisions ? Ou ont-ils le droit d’être simplement des clients qui ont envie de belles choses ? Il y a un passé difficile entre l’Afrique et l’Europe, mais est-ce que nous devons tout aborder d’un point de vue post-colonial ?”

Selon Edoh, les critiques viennent surtout de la diaspora africaine, notamment aux Etats-Unis. “C’est logique, ils veulent retrouver l’identité qu’ils ont perdue.” Elle raconte l’histoire d’une amie américano-haïtienne qui, en quête d’elle-même, s’est soudain mise à porter des vêtements africains. “Elle se sentait authentique, de cette manière, jusqu’à ce que je lui dise que les tissus étaient fabriqués aux Pays-Bas.” Elle rit : “Elle s’est vrai-ment mise en colère.” Aux Etats-Unis, justement, Vlisco suscite un intérêt croissant. La présence de la superstar Beyoncé et de sa sœur Solange chez Vlisco est sou-vent signalée. Les commandes affluent des Etats-Unis. “Ce sont surtout des Afro-Américains qui recherchent leurs racines”, explique M. Gerards. Et ils les cherchent à Helmond. Le énième tournant improbable dans le parcours de Vlisco.

—Seada NourhussenPublié le 9 novembre 2013

dernier, et à moi aussi on a donné six morceaux de Vlisco.”

Cela représente une belle somme  : Vlisco n’est pas bon marché. Six yards, la norme tra-ditionnelle pour une jupe, un haut, un foulard pour une parure de tête ou pour porter un bébé, coûtent entre 50 et 100 euros. Puis il faut faire appel à une couturière – ou même à une styliste, pour celles qui en ont les moyens – afin de faire confectionner le vêtement souhaité. Car, dans la mode afri-caine, c’est l’individualité qui prime : l’uniformité des grandes chaînes de prêt-à-porter n’a pas encore vraiment réussi à s’impo-ser. L’aventure est donc globale-ment coûteuse. “Il faut dire que c’est la Mercedes-Benz des tissus”, souligne le directeur artistique de Vlisco, Roger Gerards. Ce n’est pas pour rien que l’on a donné aux représentantes commerciales de Vlisco en Afrique – les ventes du fabricant de textile y ont toujours été dominées par les femmes – le nom de “nanas Benz”. “Les tissus Vlisco sont fabriqués selon un pro-cédé de production intensif. Chaque couleur, et il y en a beaucoup par motif, est imprimée séparément, et toujours des deux côtés. C’est assez unique. Notre tissu wax résiste au lavage sur les pierres et au séchage sous un soleil de plomb. C’est un pro-duit de luxe.”

Dix mille emplois. Les créateurs sont tout aussi blancs que le direc-teur artistique. Des voix afro-cen-tristes s’élèvent d’ailleurs parfois pour reprocher à Vlisco d’être colonialiste : une entreprise occi-dentale qui dicte aux Africains leur mode ou, pire encore, leur identité, cela ne devrait tout de même plus avoir lieu ! “Nous n’imposons rien aux Africains, on nous réclame. C’est comme la faïence de Delft. Elle est d’inspiration chinoise, mais les Néerlandais ont décidé d’en faire un produit typiquement hollandais”, dit M. Ge rards. Il fait en outre remar-quer le caractère démocratique de la mode en Afrique, auquel contri-bue Vlisco. Ce sont les femmes qui font la mode, car elles décident avec leur couturière de l’utilisa-tion du tissu. Choisissent-elles de mettre l’accent sur un grand motif décoratif, si caractéristique de Vlisco, ou au contraire sur de petits détails ? A Helmond, leurs réactions surprennent toujours.“Nos détracteurs savent-ils que, sur nos 3 000 collaborateurs, 2 200 travaillent en Afrique  ? pour-suit M. Gerards. Que beaucoup

commerciales empêchèrent les échanges avec l’Indonésie, l’entre-prise dut chercher d’autres débou-chés. Ce fut l’Afrique. Entre-temps, les tissus wax y connaissaient déjà un grand succès.

Produit de luxe. Depuis, Vlisco est tourné vers l’Afrique, et les créations néerlandaises bigar-rées, aux couleurs de plus en plus vives et au style de plus en plus audacieux, donnent le ton en Afrique occidentale et centrale. Le groupe Vlisco est en tête des ventes de textile en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Bénin, au Ghana, au Congo et au Togo. Et la liste est encore longue. En 2011, son chiffre d’affaires atteignait 225 millions d’euros, l’an dernier près de 270 millions. Acquise en 2010 par la société britannique Actis, Vlisco visait alors à dou-bler ses bénéfices en cinq ans. Une des stratégies pour y parvenir : de fabricant de textiles devenir une maison de design et de mode capable de conquérir d’autres mar-chés que l’Afrique, avec des sacs, des foulards et autres accessoires. D’où sa participation à la Dutch Design Week. Vlisco doit devenir une marque mondiale.

Mais l’Afrique reste son centre de gravité. Dans le tout petit Togo, Barbara Amouzou dirige, comme on l’a précisé, le dépar-tement marketing. “C’est difficile d’expliquer l’attrait qu’éprouvent des personnes non africaines pour ces tissus”, dit-elle, vêtue d’un imprimé graphique noir et gris. “Même les Africains de l’Est et du Sud ont du mal à le comprendre. Au début, moi non plus je ne com-prenais pas cette fascination, parce que je suis née en Russie. Mais c’est le professionnalisme, la créativité et le goût du détail dans la conception qui nous plaisent tant. On porte du Vlisco surtout pour des occasions telles que les mariages, les enter-rements, les fêtes religieuses. C’est pour cela que la marque est étroi-tement associée à notre culture, nos traditions et nos rituels. Elle a une valeur émotionnelle. Au Togo, les tissus font partie de la dot : de six à douze morceaux de tissu de 6 yards [5,46 m].” Rayonnante, elle confie : “Je me suis mariée samedi

responsable du marketing chez Vlisco au Togo.

C’est à Eindhoven qu’a com-mencé, en 1846, une histoire d’amour entre l’Afrique et le Bra-bant. A l’époque, le fondateur de la société P. F. Van Vlissingen en Co [Vlisco], Pieter Fentener Van Vlissingen, reçut un certain nombre d’échantillons de tissu batik [technique d’impression d’origine javanaise] d’un oncle producteur de sucre dans ce qui était à l’époque les Indes néerlan-daises. M. Van Vlissingen imita alors, dans son atelier d’impression sur coton, la technique d’impres-sion indonésienne traditionnelle et l’industrialisa. Il y parvint si bien qu’il réussit à vendre ses tissus même aux Indonésiens, qui les appréciaient beaucoup. Au cours du transport de la marchandise vers “l’Orient”, des négociants d’Afrique occidentale et centrale remarquèrent les étoffes. A la fin du XIXe siècle, quand des barrières

—Trouw (extraits) Amsterdam

Récemment, deux cousi nes éloignées, Barbara Amou-zou, qui a 31 ans et vit au

Togo, et Amah Edoh, qui a le même âge et vit aux Etats-Unis, ont pris contact. Un rapproche-ment motivé par un même intérêt pour un produit tout ce qu’il y a de plus hollandais : les étoffes de wax [coton imprimé selon une méthode recourant à la cire, wax en anglais] de la société Vlisco, du Brabant. Leurs motifs bigar-rés symbolisent pourtant, pour les profanes, tout ce qu’il y a de plus africain.

Dans le cadre du doctorat qu’elle prépare au prestigieux Massachusetts Institute of Tech-nology (MIT) à Boston, Amah Edoh effectue des recherches sur ce que représente Vlisco en Afrique. Or, depuis deux ans, sa cousine, Barbara Amouzou, est

Des créations néerlandaises bigarrées, aux couleurs vives et au style audacieux

ÉCONOMIE

Le must des textiles africains Commerce. Les tissus en coton imprimé du groupe néerlandais Vlisco font fureur en Afrique. Ils participent désormais de l’identité du continent.

↙ Dessin de Brian Stauffer, Etats-Unis

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38. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

La petite ligue d’Haïti

MAGAZINELa bibliothèque et les 50 voleurs Culture ... 42 Le rêve européen de Kiev Histoire ........... 44 D’imprévisibles prédictions Spécial Signaux . 45 Un nouvel Amsterdam au sud Tendances ........ 46360

Du base-ball ils ne connaissaient rien jusqu’à leur rencontre avec deux travailleurs humanitaires américains. Depuis, Jayson, Wilson et les autres vivent au rythme des entraînements des Tabarre Tigers. Quatre ans après le séisme qui fit plus de 220 000 morts, ils ont retrouvé l’espoir et le goût de vivre grâce à un sport qu’ils sont les seuls à pratiquer dans le pays. – Sportsnet Magazine (extraits), Toronto

REPORTAGE

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→ Le bus officiel des Tigers de Tabarre. Roger Lemoyne

↓ “Byen vini nan teren jen baseball Ayiti” – bienvenue au terrain de base-ball des jeunes d’Haïti. Photo : Roger Lemoyne

Une lumière blanche envahit l’obscurité de l’unique pièce de la cahute où habite Wilson Izidor. Un coq chante. Le bidonville fourmille déjà d’activité. Wilson est en retard. Il saute du lit qu’il partage avec sa mère et son petit frère de 3 ans, enfile à toute vitesse sa tenue préférée : pantalon bleu-

vert, maillot de basket-ball bleu et gilet vert à carreaux. Il attrape un tee-shirt gris au nom des Tabarre Tigers [les tigres de Tabarre, Tabarre 41 étant une commune de la banlieue de Port-au-Prince] et sort par la porte battante. La poussière craque sous ses chaussures de sport noir et blanc. Il tourne au coin d’une étroite ruelle de ce bidonville tortueux des quartiers nord-ouest de Port-au-Prince. “Prêt pour le base-ball ? crie, en anglais, l’adolescent de 15 ans à travers une porte en bois entrouverte. Allez, Jayson, on y va !”

Les yeux encore lourds de sommeil, Jayson Fortine lace ses Converse vertes et replie soigneusement le bas de ses jeans. Il avale deux bouchées de pain de mie et une gorgée d’eau. “Dépêche-toi, dépêche-toi, s’impatiente Wilson. Viens, on y va-a-a-a…” Une camionnette les attend, à vingt minutes de marche de là. Wilson a encore une demi-dou-zaine de copains à aller chercher dans ce labyrinthe de tôles ondulées, de bâches et de parpaings. Jayson repose bru-yamment sa timbale, s’étire dans un grand bâillement, se frotte les mains. Puis il enfile son maillot des Tigers par-dessus son tee-shirt blanc.

Un à un, les gamins de Tabarre 41 se regroupent. Leur petite bande est un concentré bien connu d’adolescence. Jayson a beau arborer une mine renfrognée, il fredonne des chansons de Justin Bieber. “J’ai le CD”, souffle-t-il en haussant les épaules. Jackson est le meilleur rappeur du groupe, mais aussi le plus timide. Jackie est le bavard de l’équipe, une source inépuisable de commentaires et d’in-formations. “Ça, c’est de la bouse de vache, mec, dit-il en mon-trant un tas séché au sol. C’est pas de la crotte d’âne, ça. Je sais reconnaître la bouse, moi.” Wilson, lui, est un homme de goût. C’est le genre de gamin qui n’enfile sa tenue de base-ball qu’une fois sur le terrain et qui, lorsque c’est son tour de manier la batte, porte d’imposantes lunettes de soleil. Sur la photo de son profil Facebook, il gratte nonchalam-ment une guitare ; l’immense majorité de ses amis sont des filles. Wilson est un doux.

Les garçons plaisantent dans un mélange de créole et d’anglais approximatif, traînent des pieds et rigolent. Ils franchissent les clôtures de barbelés d’un camp des Nations unies et prennent un raccourci derrière l’ambassade des Etats-Unis. Wilson les presse : “Marche, marche !” Ils arrivent devant le bureau de l’association [américaine] Operation Blessing, où les attend un autre groupe de jeunes. Tous grimpent à l’arrière de la camionnette bleue de l’ONG et s’agrippent aux ridelles tandis que le véhicule tangue et pique du nez dans les rues défoncées de Port-au-Prince, comme un canot ballotté par la houle.

Ils finissent par arriver devant un portail blanc orné d’une inscription en grosses lettres bleues : “Byen vini nan teren jen baseball Ayiti” – bienvenue au terrain de base-ball des jeunes d’Haïti. C’est le seul connu de ce côté d’His-paniola. Car, même si le pays partage une île et une

SOURCE

SPORTSNET MAGAZINEToronto, CanadaBimensuel, 85 000 ex.www.sportsnet.caLancé en septembre 2011 par le groupe de médias Sportsnet, ce magazine est rapidement devenu une référence en termes de journalisme sportif au Canada. On y parle avant tout de hockey sur glace, de football américain et de base-ball.

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pleine forme et se défoncer pour un ballon de foot, renoncer à jouer.” A l’époque, le monde entier envoyait des vivres en Haïti. Des caisses remplies de médicaments, de denrées alimentaires et autres produits arrivaient à l’entrepôt de l’hôpital où travaillaient Mooser et Darg. Quelqu’un avait envoyé une batte de base-ball, quelques vieilles balles abî-mées et une paire de gants élimés. Le base-ball exigeant beaucoup moins d’endurance que le football, les deux Américains ont compris qu’ils tenaient là le sport idéal pour un groupe d’enfants mal nourris. Un soir, ils ont pro-posé aux gamins de la petite bande de s’y essayer.

Ils ont emmené le groupe sur un terrain proche de l’hô-pital, en ont chassé les vaches et, s’efforçant de contourner les bouses, ont disposé des sacs de sable anti-inondation récupérés sur un site voisin et les ont peints en blanc. Aucun des enfants ne savait tenir une batte. L’un d’eux était aveugle. Le terrain était inégal et les balles allaient se perdre dans les hautes herbes. Les jeunes ont manié la batte jusqu’à réussir à frapper la balle. Chaque coup ou presque était un home run [ou coup de circuit, qui permet au frappeur de faire le tour du terrain sans être inquiété]. Les garçons se sont pris au jeu. Ils adoraient ça. “Le craque-ment de la batte était la première véritable satisfaction qu’ils éprouvaient depuis longtemps. Bientôt, tout le monde hurlait : ‘Allez ! Allez !’ C’était régénérant pour tout le monde, raconte Darg. Pendant ce bref instant où la balle heurtait la batte, ils pouvaient oublier le chaos qui s’était abattu sur leur ville.”

Cet été-là, ils se sont retrouvés pour jouer plusieurs fois par semaine. Personne ne se rappelle vraiment d’où est sorti le nom des Tigers, mais les garçons formaient désormais une équipe et il leur fallait donc un nom. Une identité. “C’était un objet de fierté. Pour la première fois depuis longtemps, ils appartenaient à une structure, sou-ligne Darg. Ils faisaient partie d’un groupe, d’une entité dif-férente de leur propre personne.”

Il ne s’agit toutefois pas de la première équipe haïtienne de base-ball, bien que l’historique de ce sport dans le pays soit un peu confus. De 1915 à 1934, quand les Américains ont occupé Haïti, ils ont apporté le base-ball avec eux. Quelques habitants ont appris à jouer avec les soldats, mais, contrairement aux

autres pays des Caraïbes ayant connu une présence américaine – la République dominicaine et Cuba –, le jeu a disparu avec le départ des occupants.

Le base-ball a refait son apparition dans les années 1970, grâce à une main-d’œuvre bon marché, à un jet de pierre des Etats-Unis. A l’époque, plus de 90 % des balles de base-ball étaient fabriquées en Haïti. La maison Rawlings a dominé le marché tout au long des années 1970 et 1980, employant près de 2 000 Haïtiens. Elle avait des contrats avec la ligue junior et les équipes universitaires américaines, et son usine de Port-au-Prince fabriquait chaque année plus de 500 000 balles pour les ligues majeures. Ce n’était cepen-dant que l’une des nombreuses usines de balles de base-ball de la capitale haïtienne : Splading, Wilson, Worth et McGregor y avaient également établi leurs ateliers, produi-sant chacun jusqu’à 4,8 millions de balles par an.

Sous le régime du dictateur “Papa Doc” Duvalier [1957-1971], puis de son fils “Baby Doc” – destitué en 1986 –, les syndicats étaient réduits au silence et les contesta-taires intimidés. Plus tard, après le violent coup d’Etat de 1991 qui a renversé le président Jean-Bertrand Aristide, les Etats-Unis ont imposé de sévères sanctions écono-miques à Haïti. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est alors passé de 338 millions de dollars en 1990 [250 millions d’euros] à 107 millions de dollars deux ans plus tard [79 millions d’euros]. Les fabricants de balles de base-ball ont perdu une fortune et quitté un pays livré au chaos.

360°40. Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014

frontière de 200 kilomètres avec la République domi-nicaine, plus grand vivier de joueurs des grands champion-nats après les Etats-Unis, Haïti ignore tout du base-ball.

En se promenant dans les montagnes de l’arrière-pays, vous pourrez voir des foules d’Haïtiens massés autour de terrains de foot en terre battue, applaudissant à tout rompre. Mais vous ne verrez nulle part des gamins courir entre des bases. Ces jeunes entassés à l’arrière de la camionnette bleue sont les seuls vrais joueurs de base-ball de ce pays de 10 millions d’habitants. Très peu seraient capables de nommer un joueur évoluant en Ligue majeure [qui regroupe les championnats canadien et américain] ; à la limite, ils pourraient peut-être citer une équipe. Il y a encore trois ans, aucun d’entre eux n’avait manié une batte ou attrapé une balle avec un gant.

Le base-ball n’est pourtant pas quelque chose de totalement étranger en Haïti. Pendant vingt ans, le pays a été le premier fabricant mondial de balles de base-ball. Tous les grands moments de la Ligue majeure, dans les années 1970 et 1980, ont commencé avec des fils de laine et de coton

enroulés autour d’un petit cœur de caoutchouc dans des usines de Port-au-Prince. Vous avez attrapé une balle envoyée dans les tribunes par Reggie Jackson ? Obtenu un autographe de Nolan Ryan ? La balle exposée au-dessus de votre cheminée a forcément vu le jour ici.

Aucun des garçons réunis sur ce terrain n’était né quand la dernière usine haïtienne de production de balles a fermé ses portes, au début des années 1990. Pour eux, c’est sous les ruines que l’aventure a commencé. Wilson était en train de fabriquer du charbon de bois avec sa mère et son petit frère lorsque les plaques tectoniques se sont heurtées, le 12 janvier 2010, à 16 h 53. Tandis que tout autour d’eux le sol tremblait, il a réussi à se réfugier dans une poubelle avec son frère. Il a cru que le jour du Jugement dernier était arrivé. La maison de parpaings de sa famille a été réduite à un tas de gravats. Mais, dans leur malheur, ils ont eu de la chance. Wilson a appris plus tard que son cousin de 12 ans avait été écrasé sous les décombres.

Au cours des mois de désespoir qui ont suivi le séisme, Wilson a compris qu’il pouvait tirer parti de la présence des Casques bleus, des médecins et des travailleurs humani-taires affluant à Port-au-Prince. Par chance, il avait appris l’anglais dans l’orphelinat où il a vécu cinq ans (son père est mort assassiné le jour même de sa naissance, et son séjour à l’orphelinat a un peu soulagé sa mère, qui par-venait à peine à joindre les deux bouts). Wilson sillon-nait les rues séparant le camp de l’ONU des bureaux des associations et se présentait aux étrangers, leur deman-dait leur nom et revenait peu après avec des bracelets personnalisés qu’il avait confectionnés à partir de bouts de plastique et de fil.

Wilson et ses amis ont ainsi rencontré David Darg et Bryn Mooser, deux Américains travaillant dans l’huma-nitaire. L’un était employé par Operation Blessing, l’autre par l’ONG Artist for Peace and Justice. Tous deux ont tissé des liens avec cette bande de garçons agressifs et bagar-reurs de Tabarre. Ils ont appris leurs prénoms, ils leur apportaient de la nourriture et traînaient avec eux dans les rues parmi les ruines et les décombres.

Afin de détourner un peu ces enfants du spectacle per-manent de leur ville dévastée et de leurs journées pas-sées à tresser des bracelets, à mendier de la nourriture et à caillasser les camions, les deux travailleurs humanitaires ont organisé un match de football sur un terrain vague près du camp. La partie n’a pas duré plus de dix minutes. “Ils étaient trop fatigués pour jouer, se souvient Darg. Avec un repas par jour au grand maximum, ils étaient sous-alimen-tés. C’était étrange de voir ces gamins, qui auraient dû être en

En savoir plusTRISTE ANNIVERSAIRELe 12 janvier 2010, un séisme ravageait Haïti, faisant plus de 220 000 morts et 1,2 million de sans-abri dans ce pays d’à peine 10 millions d’habitants, l’un des plus pauvres du monde. Quatre ans plus tard, les perspectives restent très compromises. A en croire Assistance mortelle, le documentaire de l’Haïtien Raul Peck, sorti en avril 2013, l’aide internationale a fait parfois plus de mal que de bien. Et le président Martelly, élu en mai 2011, fait face à des manifestations contre l’inflation et la cherté de la vie depuis plusieurs mois. Les inégalités restent criantes, et de nombreux rescapés vivent encore dans des camps de réfugiés. “Un simple tour à moto dans la capitale donne froid dans le dos. Dans les zones classées rouge, on continue de construire dans le non-respect des normes parasismiques […], et rien ne dit que le pays s’en tirerait avec des pertes moins lourdes lors d’un prochain [séisme]”, souligne Le Nouvelliste, un quotidien de Port-au-Prince.

↑ Wilson (à droite) , avec sa mère et son petit frère. Photo Roger Lemoyne

↑↑ Joseph dans sa chambre, à son retour de Toronto. Photo Roger Lemoyne

↗ Le quartier de Tabarre 41, dans le nord-ouest de Port-au-Prince. Photo Roger Lemoyne

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360°.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 41

la mise en place d’un programme pour joueurs handica-pés. Le rêve est de multiplier les équipes sur tout le ter-ritoire et de battre un jour la République dominicaine. Un jour, peut-être…

Le match s’arrête quand le déjeuner arrive. Un camion d’Operation Blessing apporte du riz avec des haricots et du tilapia. L’association offre un repas aux enfants après chaque match. Et il y a un match tous les jours ou presque. Le ventre plein, les garçons remontent à l’arrière de la camionnette bleue, qui repart en cahotant par les ruelles étroites et tortueuses pour les ramener chez eux. Tous nourrissent des rêves normaux d’adolescents. Ils se voient déjà rappeurs, bien entendu – les bidonvilles verront à coup sûr pousser des petits Eminem ou 50 Cent dans les années à venir. Il y aura sans doute aussi de futurs Leo Messi ou Mario Balotelli – et très certainement les grands joueurs de base-ball de demain. De tous ces talents pro-metteurs, il en est déjà un qui dort à côté de la batte de José Bautista et rêve de frapper un home run au Rogers Centre de Toronto, à mille lieues d’Haïti. Un home run en mémoire de sa mère, peut-être. Et un autre qu’il dédica-cerait à Tabarre et aux Tigers.

Mais Joseph Alvins sait que ce n’est qu’un rêve, tout comme Wilson Izidor sait qu’il ne dort pas vraiment dans les nuages, même si chaque soir, dès qu’il ferme les yeux, il s’envole loin au-dessus d’Haïti, là où les maisons restent debout et où les copains

ne meurent jamais. Mais ce n’est pas un problème car, si les rêves ne deviennent jamais vraiment réalité, ils éveillent les possibilités. S’il n’arrive pas à intégrer les ligues majeures, Joseph veut étudier le développement à l’université et voyager dans le monde entier pour aider les pays pauvres. Quant à Wilson, si son jeu de batte ne le propulse pas devant des millions de spectateurs, il a d’autres projets en tête : il sera médecin, et architecte, et président. “Des Etats-Unis, bien sûr, précise-t-il. En Haïti, c’est un coup à se faire assassiner.”

Il se peut que la toute jeune Association haïtienne de base-ball parvienne à réunir une douzaine d’équipes répar-ties sur tout Port-au-Prince [avec l’objectif de fournir en joueurs les ligues professionnelles nord-américaines]. Mais il se peut également qu’Haïti ne rejoigne jamais son voisin dominicain dans les hautes sphères du base-ball. Il se peut que ses équipes n’aient jamais l’occasion d’affronter celles de la République dominicaine pour prouver qu’elles aussi savent jouer. “Si ça arrivait, Haïti gagnerait”, assure Joseph, tandis que le camion s’arrête devant les bureaux d’Opera-tion Blessing et que les gamins se dispersent. “Nous pou-vons tout faire, reprend-il. Tout. Enfin, peut-être pas. Mais peut-être, quand même.”

Un peu plus tard, à l’heure où le soleil descend sur l’ho-rizon, un petit attroupement se forme sur le terrain, on observe les ouvriers qui fixent les derniers clous et cou-vrent les bancs des joueurs de tôles ondulées. Des gamins du quartier s’intéressent de près à ce nouveau sport auquel on joue sur leur ancienne décharge. Ils scrutent les entraî-nements depuis le début de la semaine. Deux entraîneurs bénévoles leur expliquent les règles. Deux autres garçons rejoignent le petit groupe, puis un troisième, et un qua-trième, et un cinquième… Ils sont bientôt une vingtaine sur le terrain poussiéreux, impatients de s’essayer au manie-ment de la batte. Au bord du terrain, entre les coups de marteau et le sifflement des perceuses, les ouvriers s’ac-tivent. Un autre abri pour les joueurs est prêt. Une nou-velle équipe pour l’occuper. Et une nouvelle paire d’yeux vient épier à travers le portail ouvert.

—Dan RobsonPublié le 16 septembre 2013

une base de l’ONU. Un jour, il s’est fait rouer de coups devant le portail de la base et a dû être emmené d’ur-gence à l’hôpital. Il disait que ceux qui l’avaient tabassé étaient des soldats, mais personne n’a donné suite à cette accusation. Cliff avait une jambe cassée. Après s’être fait opérer, il est revenu aux entraînements en fauteuil rou-lant. Quelques mois plus tard, il est mort, renversé par une voiture à l’endroit même où il avait été battu.

Le second, Richlet, était un ami proche de Wilson, Jayson, Jackie et des autres garçons du bidonville de Tabarre 41. Il était petit et doté d’une forte personnalité. “C’était vrai-ment un gamin super, il avait un bras incroyable, confie Darg. Une demi-portion, un petit maigrichon, mais avec un lancer de dingue.” Les versions divergent pour savoir comment ce gamin de 12 ans a fini au fond du fossé d’évacuation d’eau passant devant l’hôpital. Selon Wilson, il se baignait. Darg, lui, a entendu dire qu’il essayait d’attraper un petit pois-son. Quoi qu’il en soit, les copains de Richlet ne se sont pas rendu compte qu’il était toujours dans l’eau quand ils sont partis. Le jeune garçon s’est retrouvé coincé dans un passage sous la route qui mène à l’hôpital. Ils ont retrouvé son corps le lendemain.

La mort ne choque plus en Haïti. Chacun des garçons l’a côtoyée de près. Le tremblement de terre de 2010 aurait fait plus de 220 000 morts, même si le bilan exact reste impossible à établir. Quelques mois après le séisme, une épidémie de choléra s’est déclarée sur l’île. La souche serait apparue dans les égouts d’un camp de l’ONU, dont les eaux se déversaient dans l’un des principaux fleuves du pays. En moins de trois ans, la maladie a emporté plus de 8 300 personnes [et en a contaminé plus de 650 000], parmi lesquelles la mère de Joseph, Marie-Claude. Elle est décédée peu après qu’il fut rentré de son voyage à Toronto.

A en croire Darg, l’équipe constitue à bien des égards un microcosme d’Haïti. “Tous ces joueurs sont confrontés à des difficultés similaires à celles de leur pays. Vous imagi-nez si ce genre de chose arrivait à une équipe de jeunes aux Etats-Unis ? Deux gamins qui décèdent sur un groupe de dix-huit joueurs ?” Mais les Tigers ont continué à jouer, et leur équipe a fait des émules. Le jeu est un moyen pour les gar-çons d’échapper à la réalité de la mort et de la vie à Port-au-Prince. Il leur apporte une structure et leur assure un repas quotidien. Il les occupe et les amuse. La création d’une équipe féminine est même envisagée, tout comme

Pourquoi, malgré son fort impact économique, le base-ball n’a-t-il jamais pris en Haïti ? La question suscite bien des théories. Le football, bien sûr, a toujours été plus popu-laire. Mais, au-delà, le rejet de ce sport s’explique aussi par la réaction d’un peuple contre le pays qui le domi-nait. Après que la révolution haïtienne de 1804 eut libéré le pays du joug de la France, les Etats-Unis représentaient le nouvel empire qui cherchait à étendre son influence sur Haïti. Le base-ball en vint à être perçu comme le jeu des occupants.

A l’inverse, Cuba avait adopté ce sport dès la fin du XIXe siècle. Importé sur l’île par des marchands améri-cains, il était considéré comme une façon de refuser le pouvoir espagnol, explique Laurent Dubois, professeur d’études caribéennes à l’université Duke [Caroline du Nord]. Lorsque les Etats-Unis imposèrent leur domina-tion sur Cuba, le base-ball faisait déjà partie intégrante de l’identité nationale, et il a gardé sa place dans la culture locale. Mais, en Haïti, les liens historiques avec l’Europe sont devenus un rempart contre l’impérialisme culturel américain, et le football l’a emporté sur le base-ball.

Cela étant, le fait que le base-ball n’ait jamais décollé dans le pays ne signifie pas qu’il n’y parviendra jamais. La petite équipe des Tigers a déjà attiré l’attention de célé-brités converties en stars de l’humanitaire. Les enfants ont ainsi échangé quelques balles avec les acteurs amé-ricains Ben Stiller et Sean Penn, ou encore avec l’actrice Olivia Wilde. Il y a deux ans, lorsque Jays Care, la fonda-tion philanthropique de l’équipe des Blue Jays de Toronto, a entendu parler du programme, Joseph Alvis a été invité au Canada pour effectuer le premier lancer d’un match. Le jeune Tiger a rencontré José Bautista [l’une des stars amé-ricaines de la Ligue majeure de base-ball], sans savoir alors qui il était. Plus tard, il a cherché son nom sur Internet. “Je me suis dit que j’avais beaucoup de chance”, raconte-t-il. Le joueur d’origine dominicaine lui a offert sa batte, et Joseph la garde précieusement près de son lit.

Mais, même avec tout l’équipement de base-ball néces-saire et l’intérêt que leur portent les stars de Hollywood, la vie des Tigers de Tabarre reste ancrée dans la triste et incontournable réalité haïtienne. Deux des dix-huit joueurs qui formaient l’équipe originale en 2010 sont décédés. Le premier, Cliff, avait dans les 17 ans et c’était le plus âgé de la bande. Il venait souvent mendier avec insistance devant

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—L’Espresso (extraits) Rome

Tout commence par un courriel envoyé depuis Londres aux carabi-niers [l’équivalent transalpin des gen-

darmes]. Nous sommes en mai 2012 ; une spécialiste en manuscrits et livres anciens de la maison Christie’s feuillette le cata-logue d’une importante vente aux enchères prévue dans une librairie de Munich, Zisska & Schauer. Un événement attendu, qui doit attirer les plus grands collectionneurs et marchands du monde. Un simple coup d’œil au catalogue suffit à éveiller les soupçons de Stefania Pandakovic, milanaise d’origne. Certains exemplaires portent la mention

culture.↓ Bibliothèque Girolamini, Naples, 2009. Photo Sonnabend Gallery, New York. Candida Höfer/VG Bild-Kunst, Bonn

La bibliothèque et les cinquante voleursLes autorités italiennes cherchent la trace de milliers d’ouvrages anciens volés par le directeur de la bibliothèque Girolamini, à Naples. De Londres à New York, en passant par Paris, les révélations d’une enquête sans précédent.

rapatriés sur le territoire italien. Comme ce Kalendarium de l’astronome Regiomontanus [1436-1476], imprimé sur parchemin, à Venise, en 1476 : avec six autres ouvrages, il a été retrouvé dans la librairie parisienne Thomas Scheler, à deux pas du jardin du Luxembourg. Ou encore le manuscrit du xiiie siècle De re medica, du médecin Guillaume de Salicet, acquis pour 110 000 euros par un collectionneur suisse.

Filatures, mises sur écoute, signalements aux associations de libraires, commissions rogatoires à l’étranger, analyse de virements vers les paradis fiscaux, fouilles par géoradar : aucune piste n’est négligée pour retrouver le butin, d’une valeur de plusieurs millions d’euros. En dépit des résultats, cependant, pas de quoi se réjouir : si 2 700 volumes ont bien été récupérés jusqu’ici, le compte exact des ouvrages dérobés reste inconnu. Certaines estimations évoquent le nombre de 4 700, mais nul ne le saura jamais.

“Ils ont fait entrer le loup dans la bergerie.” C’est l’expression qu’emploie un témoin à propos de la nomination, en 2011, de De Caro au poste de directeur de la bibliothèque Girolamini. L’homme conseille alors le ministre de la Culture de l’époque, le berlusconien Giancarlo Galan [mars à novembre  2011]. Mais ce personnage multiforme, ancien marchand de livres en Argentine et notoirement connu pour son rôle d’entremetteur entre le monde politique italien et certains oligarques russes, se révèle surtout être un faussaire et un voleur de textes anciens. Il l’admet lui-même lors d’un interrogatoire [après son arrestation, en mai 2012] qui aboutit, le 15 mars 2013, à une première condamnation en référé à sept ans de prison pour lui et cinq membres de sa bande.

Un épisode pour camper le personnage : à l’automne 2011, De Caro se rend dans une institution napolitaine historique, la Bibliothèque nationale. Il remarque une première édition du Sidereus Nuncius, de Galilée, un ouvrage datant de 1610 dans lequel l’astronome pisan révèle au monde l’existence des satellites de Jupiter. Valeur de la pièce sur le marché : pas moins de 200 000 euros. De Caro fait préparer cinq faux d’excellente facture, retourne à la Bibliothèque nationale et remplace l’original. Lequel, dans un tourbillon de copies – certaines de bonne facture, d’autres grossières –, semble avoir fini aux enchères de Munich.

Comment le loup De Caro est-il entré dans la bergerie Girolamini, la plus vieille bibliothèque italienne, ouverte au public depuis 1586 et riche d’un trésor de 171 000 volumes ? Entendu comme témoin, l’ex-ministre de la Culture Giancarlo Galan a déclaré tout ignorer des trafics de son ancien conseiller. Son récit fait froid dans le dos. Galan raconte que De Caro avait déjà été son conseiller alors qu’il était ministre de l’Agriculture [de 2010 à 2011]. De Caro se vantait d’enseigner à l’université de Vérone, la ville où il habite, et Garan l’avait cru sur parole. Il apparaît que De Caro n’a pourtant

“Bibliothèque Girolamini”. L’institution napolitaine fait alors la une des journaux pour une affaire de pillage de milliers d’ou-vrages inestimables. Un pillage orchestré par son directeur, Marino Massimo De Caro, au centre d’un inquiétant réseau de personnali-tés haut placées, tels que Marcello Dell’Utri [sénateur, proche de Silvio Berlusconi] et quelques habitués du Vatican.

Le message d’alerte de la maison de vente londonienne arrive juste à temps aux carabiniers de la cellule spéciale chargée de la protection du patrimoine artistique italien. Ils réussissent à bloquer la vente munichoise quelques heures seulement avant qu’elle ne débute. Une saisie de dernière minute permet

de mettre la main, dans les bureaux de Zisska & Schauer, sur pas moins de 543 tomes dérobés à la bibliothèque Girolamini et à d’autres bibliothèques italiennes. C’est le premier acte d’une vaste enquête devenue internationale et qui touche un nombre croissant de personnes. Certaines d’entre elles ignoraient tout, d’autres sont parfaitement au courant de la provenance des livres.

Les enquêteurs suivent toutes les pistes possibles pour retrouver la trace des milliers de volumes volés, aujourd’hui éparpillés dans le monde entier : en Italie, aux Etats-Unis, en Argentine et jusqu’en Allemagne. De nombreux exemplaires de grande valeur ont déjà été localisés ; ils doivent encore être

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Vico [1668-1744], annotée de la main de l’auteur. Suite à une saisie dans ses bureaux, à Milan, les magistrats ont récupéré une pièce importante : une reliure de Canevari, comme on appelle ces incunables décorés de camées représentant Apollon sur son char. Vingt-huit des 144 reliures de Canevari répertoriées, le noyau le plus consistant au monde, se trouvaient à Naples. De Caro, outre tout ce qu’il aurait donné à Dell’Utri, est accusé d’en avoir subtilisé une autre, toujours introuvable. L’homme politique, quant à lui, n’a toujours pas restitué une édition très recherchée de l’Utopie, ce texte de 1516 où le philosophe anglais Thomas More décrit une communauté idéale fondée sur le droit naturel.

Les acquéreurs de ce type de livres sont légion. Les magistrats ont identifi é plusieurs pièces dans deux librairies italiennes, la Mediolanum de Milan et la Pregliasco de Turin. Mais les “runners” de De Caro, comme on désigne dans le jargon les intermédiaires qui acheminent les volumes à destination, en en dissimulant la provenance, les ont disséminés un peu partout. D’anciens

volumes ont également disparu à Vérone, à Fermo [près d’Ancône] et à Florence. Quant aux acheteurs,

on les trouve un peu partout : à Florence, Vérone, Pérouse, Arezzo ou encore Mantoue. L’éventail des destinataires fi naux est quant à lui très varié : des gens issus de la noblesse, des chefs d’entreprise, des dentistes et des propriétaires de restaurants réputés.

Cette chasse aux trésors mène au cœur d’un cercle restreint de gloutons du marché international du livre ancien. Un cercle auquel appartiennent, entre autres, les Italiens Umberto Pregliasco et Filippo Rotundo, le Français Stéphane Clavreuil (l’un des propriétaires de la librairie Thomas Scheler), ainsi que l’Américain Richard Lan, de Manhattan. Entendu comme témoin, Rotundo a exprimé aux enquêteurs sa “douloureuse surprise” d’avoir acheté – par un contact de De Caro –un livre dont Galilée avait assuré l’édition, dérobé à Vérone quelques années plutôt. Ramener tous ces trésors à Naples ne sera pas chose aisée. Car les circuits des livres volés sont de véritables rivières souterraines. Ils circulent dans un monde de collectionneurs prêts à tout pour s’en emparer et réapparaîtront, après des décennies de clandestinité, là où on les attend le moins.

—Claudio Pappaianni et Luca PianaPublié le 25 octobre 2013

pas le moindre diplôme. A l’agriculture déjà, il avait délesté la bibliothèque du ministère de vingt herbiers anciens. A la culture, il se retrouve dans une position rêvée. Il commence à faire le tour des bibliothèques publiques, fort de ses galons ministériels, jusqu’au jour où il jette son dévolu sur la bibliothèque Girolamini.

Le 1er juin 2011, au terme d’une procédure irrégulière, le faussaire est nommé directeur de la bibliothèque par le conservateur de celle-ci, le père Sandro Marsano, aujourd’hui mis en examen. La spoliation s’amorce rapidement : deux jours après sa nomination, De Caro fait pression sur les employés pour qu’ils désactivent le système de sécurité. Dès le 16 juin, des complices descendent à Naples. Une machine de guerre parfaitement rodée : les uns sélectionnent les volumes, d’autres les prélèvent et les rangent dans des cartons, d’autres les font sortir en pleine nuit, d’autres encore les falsifi ent pour eff acer leur lieu de provenance.

Mais il y a pis : les précieuses archives utilisées pour le catalogage des livres sont détruites, de façon à empêcher d’établir avec certitude le nombre et la nature des vols. “La bibliothèque off re le spectacle dramatique de la dévastation d’un bien de l’humanité entièrement ravagé”, estiment les techniciens du ministère de la Culture. Ils disent avoir éprouvé, en entrant à la Girolamini, la même angoisse que celle qu’ont dû ressentir ceux qui ont pénétré dans la bibliothèque de Sarajevo bombardée par Ratko Mladic, ou dans celle de Louvain, en Belgique, détruite par les nazis en 1941.

Les investigations coordonnées par le procureur adjoint de Naples, Giovanni Melillo, se concentrent aujourd’hui sur les responsabilités des différents membres de l’organisation de De Caro. Après avoir eff ectué les premières saisies et bloqué les avoirs de l’ex-directeur et de ses hommes, les enquêteurs suivent désormais la trace de petits lots de livres prisés, tombés dans l’escarcelle d’un réseau d’intermédiaires et de collectionneurs.

Parmi les contacts de De Caro, le plus connu est l’ex-sénateur Dell’Utri. Le gardien déloyal de la Girolamini invitait son illustre parrain politique à visiter la bibliothèque de nuit. Un jour, il lui remit “en cadeau et sans lui en révéler la provenance”, assure Marcello Dell’Utri, au moins 14 volumes. Thomas d’Aquin, Leon Battista Alberti, Giordano Bruno, sans parler d’une copie de la Scienza nuova, du philosophe italien Giambattista

La justice suit son coursIl n’a fallu que quelques mois à Massimo De Caro pour orchestrer ce que l’Association des libraires antiquaires d’Italie considère comme “le plus grand scandale lié à des livres de ces cent cinquante ou deux cents dernières années”. Nommé directeur de la bibliothèque Girolamini, la plus vieille de Naples, en mars 2011, De Caro a fait disparaître pas moins de 4 000 livres rares et anciens en tout juste un an. Arrêté en mars 2012, suspendu de ses fonctions en avril 2012, il a été condamné en mars 2013 à sept ans de prison et à une interdiction à vie de mandat public pour “détournement de fonds et association de malfaiteurs”. Dans cette aff aire, treize suspects, dont un prêtre, sont encore en procès.

LIVRES

Retrouvez sur Télématin la chronique de Marie Mamgioglou sur “le pillage des ouvrages de la bibliothèque Girolamini” dans l’émission de William Leymergie, le samedi 4 janvier 2014, à 7h15 et 9h30.

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UNE PUISSANCE TRÈS COURTISÉEKiev, capitale de la principauté du même nom, était au XIe et au XIIe siècle la plus puissante ville de la Rous. Comptant parmi les plus grandes métropoles du monde chrétien, elle aurait abrité à l’époque près de 100 000 personnes. Seule Constantinople, avec deux fois plus d’habitants, la dépassait. On ne recensait alors qu’environ 20 000 Londoniens et guère plus de Parisiens. Les grands princes de Kiev étaient des alliés recherchés. Ainsi Iaroslav, dit le Sage, père de nombreuses filles, en maria certaines aux grands d’Europe, dont une, Anastasia, au roi de Hongrie, une autre, Elisabeth, au roi de Norvège et surtout une, Anne, qui deviendra reine de France en épousant Henri Ier en 1051. Elle assurera même la régence du royaume, le temps que son fils Philippe Ier soit en âge de régner.

En savoir plus

—Oukraïnsky Tyjden (extraits) Kiev

L a situation géographique de l’Ukraine, à l’in-tersection du monde rural et de la steppe nomadique, a de tout temps contribué à

son développement. Gouvernée par une élite qui était une symbiose entre autorités tribales slaves et chefs militaires et négociants scandinaves, la Rous de Kiev a évolué au carrefour de plusieurs axes commerciaux [Rous étant le nom donné aux cités-Etats des Slaves de l’Est dont la domination, du ixe au xiiie siècle, s’étendait sur l’Ukraine et une partie de la Russie actuelle]. L’un était la route du sel, plus connue en tant que route des Varègues aux Grecs, qui reliait la Baltique à Constantinople ; l’autre, la route de la soie, trait d’union entre l’Orient et l’Occident. De nouveaux axes, apparus entre le xie et le xvie siècle, ont encore renforcé le statut de la Rous puis de l’Ukraine en tant que région économique essentielle.

Ce modèle a survécu jusqu’au temps de la domination polono-lituanienne [à partir du xive siècle] et des Cosaques Zaporogues, qui ont repris à leur compte le contrôle de ces routes commerciales. Les acteurs les plus puissants dans les secteurs économiques locaux et internationaux étaient alors l’élite cosaque et les monastères orthodoxes, qui bénéficiaient de la protection que leur accordaient les chefs cosaques. Propriétaires d’immenses domaines, ils avaient accès à d’énormes volumes de liquidités, sur lesquels s’appuyait leur influence politique. Par ailleurs, une autre catégorie jouait un rôle prépondérant dans l’économie de la région : les colonies de négociants étrangers. Grecs, Arméniens, Russes, mais aussi Turcs et Juifs.

Le commerce extérieur de l’Ukraine cosaque [du xve au xviiie siècle] s’articulait sur deux axes, l’un menant vers l’Europe, par le biais de la Pologne et de l’Autriche, l’autre vers le sud-est, avec l’Empire ottoman et la Crimée pour principaux partenaires commerciaux. L’axe occidental, par lequel du bétail, des céréales, des spiritueux et d’autres produits agricoles transitaient vers l’ouest, remonte au xvie siècle. Il rattachait les marchands du centre et de l’est de l’Ukraine à Dantzig, Breslau, Stettin,

Le rêve européen

de KievXe-XVIIIe siècle Ukraine

A l’origine, c’est plutôt avec l’Ouest et le Sud que le pays entretenait des relations

économiques. Et son mode de vie et ses institutions étaient occidentaux.

Marbourg, Riga et d’autres centres commerciaux.La route du sud était l’autre grande artère du négoce. Au xviiie siècle encore, les échanges entre l’Ukraine cosaque et la Crimée représentaient un demi-million de roubles par an, une somme colossale à l’époque. Toutefois, l’insécurité régnait dans les steppes au nord de la mer Noire. Les Tatares, et les Cosaques eux-mêmes, s’en prenaient aux caravanes, qu’ils pillaient. Et comme, en voyageant, les marchands étaient souvent vecteurs de maladies infectieuses, ils faisaient l’objet de mesures de contrôle particulièrement rigoureuses. Mis en quarantaine aux frontières des Etats, ils devaient couvrir de leurs fonds tous les frais que cela impliquait.

Comme dans tant d’autres Etats d’Europe, la vie économique en Ukraine se concentrait sur deux secteurs stratégiques, d’une part l’agriculture, d’autre part l’artisanat urbain et le négoce qui en découlait. Du moins dans la partie occidentale du pays. A l’est, les steppes, relativement peu peuplées jusqu’au xviiie siècle, étaient une sorte d’eldorado pour tout aventurier animé de l’esprit d’entreprise. Ce qui a abouti à l’avènement d’un type particulier de propriétaire terrien qui, les armes à la main et ne comptant que sur lui-même, s’efforçait de domestiquer la steppe en luttant à la fois contre la nature et contre les nomades.

Dans les villes d’Ukraine, les institutions sociales avaient beaucoup en commun avec l’Europe, en particulier dans le domaine du droit urbain et du compagnonnage. L’autogestion des cités s’est mise en place en Ukraine au moment où les villes ont commencé à se remettre de l’invasion tataro-mongole. Par la suite, leur rôle économique n’a cessé de croître. La plupart des autorités municipales se composaient de collèges élus, et même les maires étaient élus. Ce qui a transformé les villes en républiques disposant de leurs propres lois, de leur fiscalité, de leur police et même de leur système de mesures.

Tout a changé quand l’Ukraine est entrée peu à peu dans l’orbite de la Russie, au xviiie siècle. L’Etat ukrainien et ses institutions, que ce soit sous le gouvernement polono-lituanien [à l’ouest] ou

sous la férule des chefs cosaques [à l’est], n’avaient jamais exercé une influence totale sur l’économie, permettant à cette dernière de se développer librement, en fonction des marchés extérieurs et de la demande intérieure. Mais la Russie de Pierre Ier [1672-1725], tout en cherchant elle-même à se moderniser selon le modèle occidental, a imposé à l’Ukraine ses méthodes traditionnelles, qui reposaient pour l’essentiel sur la domination de l’Etat, la centralisation du pouvoir et des biens, et la marginalisation de l’entreprise privée. Les structures économiques et sociales du pays, établies à la fin du Moyen Age et reposant sur des principes complètement différents, ont ainsi été peu à peu anéanties.

—Oleksiy SokyrkoPublié le 5 novembre 2013

↗ Des navigateurs varègues

(scandinaves) descendent

le Dniepr, aux environs de Kiev.

Les Invités d’outre-mer,

tableau de Nicolas Roerich, 1901.

Photo Ria Novosti

histoire.

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PETIT TERRAINLIMBES DES IDÉES TERRAIN ROCHEUX

TERRAIN FERTILE À L’EXCÈS

TERRAIN EXTRÊMEMENT PERMÉABLE

Quand une idée tombe…

… sur un terrain…

… les caractéristiques de ce dernier vont déterminer le développement de cette idée et la forme qu’elle prendra.

C’est là que résident toutes les idées, dans l’attente d’un terrain fertile où se développer. Sur ces terrains durs

et imperméables…… toute idée nouvelle rebondit.

Il s’agit là de terrains distraits, anxieux ou à faible personnalité…

Plusieurs idées peuvent s’y enraciner simultanément…

… n’importe quelle idée les traverse sans qu’ils s’en rendent compte.

… il en résulte des espaces déséquilibrés où toute idée meurt avant d’avoir fleuri…

Pour cette même raison, l’idée ne survit pas longtemps.

GRAND TERRAIN

En l’absence d’espace pour que l’idée s’enracine profondément…

… la croissance est extérieure, avec de grandes parties aériennes.

… en revanche, cette richesse intérieure ne se manifeste que très peu à l’extérieur.

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Dans un vaste espace, les idées croissent généralement en profondeur…

L’excès de dureté ou de perméabilité produit le même résultat.

… parce que les racines, en s’entortillant les unes autour des autres, engendrent le chaos.

DR

JAIME SERRA. Artiste et journaliste, il est directeur artistique à La Vanguardia (Barcelone), où il publie régulièrement un éditorial sous forme d’infographie. Nous lui avons laissé carte blanche en couverture, en page 2 et ici. Pour clore ce numéro spécial,

il a choisi de s’intéresser à l’idée même de prospective en adaptant une de ses chroniques, titrée “Territoires, les idées ne se tiennent pas”. Qu’est-ce qu’une idée, au fond ? Comment s’enracine-t-elle ? Comment grandit-elle ? Comment se transforme-t-elle ?

Imprévisibles prédictionsSuivant les individus et les terrains, toutes les idées ne germent pas de la même façon.

L’auteur

À LA UNECourrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 45

spécialsignaux

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Locataires particuliers

ÉTATS-UNIS — “Les gens sans moyens ne peuvent pas avoir l’embarras du choix !” – “Ça pourrait être pire…” – “Eau courante, chauffage occasionnel, homicides peu fréquents”. Fini la langue de bois dans les annonces immobilières, certaines agences américaines deviennent enfin “honnêtes”, constate The Wall Street Journal. Leur objectif : attirer l’œil des 20-30 ans. “Les descriptifs pompeux paraissent archaïques et stupides à la nouvelle génération, justifie le quotidien. Personne au-dessous de 40 ans ne pense sérieusement qu’il peut emménager dans un palace. Ce genre de langage insulte l’intelligence des gens.”

—El País (extraits) Madrid

L es clubs de cannabis, c’est un peu n’importe quoi.” Ce n’est pas la police qui le dit, mais Jaume Xaus,

porte-parole de la Fédération des asso-ciations de consommateurs de cannabis [de Catalogne]. Depuis deux ans, la pro-lifération de ces clubs privés [qui ont un statut d’association et dans lesquels on peut consommer légalement de la mari-juana] a fait de Barcelone une destination de choix pour tout fumeur. En 2011, on en comptait une quarantaine dans la ville. Aujourd’hui, il y en aurait plus de 200.

Les touristes de la fumette préfèrent désormais se rendre à Barcelone qu’à Amsterdam. Et pour cause : on y trouve un meilleur climat et de meilleurs prix pour une qualité égale. We Be High, portail de référence pour les voyageurs qui souhaitent savoir où la consommation de cannabis est légale, attribue 5 points, le maximum, à Barcelone – 1 point signifie que la consommation de cannabis est illégale et très mal vue, 5 qu’elle est virtuellement légale.

Pour entrer dans ces clubs, un parrainage est nécessaire. Ce critère d’accès a fait f leur ir un commerce parallèle à Barcelone, en particulier à Ciutat Vella [la vieille ville], où ils sont à présent nombreux à gagner leur vie en facilitant l’accès des clubs aux touristes. Des entreprises comme Greenland (“ton guide personnel dans le monde des associations de marijuana à Barcelone”) ou Botwin (“la première entreprise touristique d’Europe spécialisée dans le cannabis”) viennent s’ajouter aux centaines de particuliers qui, via des forums et des sites web, se proposent de faire entrer les touristes dans ces clubs. Des associations de fumeurs distribuent directement des flyers sur la Rambla [avenue centrale de Barcelone], proposant un “pass d’une journée” aux touristes, ou choisissent de payer une commission aux

commerçants situés autour de leur local pour chaque personne qu’ils dirigent vers leur club.

Juan (prénom fictif) répond au téléphone en anglais. Après avoir constaté que la personne au bout du fil n’est pas étrangère, il poursuit la conversation en espagnol. Il a lancé son agence de tourisme cannabique il y a deux mois et les affaires marchent plutôt bien. Rien qu’en consacrant pour l’instant l’essentiel de ses efforts à passer des accords avec les clubs, à prendre des contacts et à créer son site Internet, il a déjà gagné environ 1 000 euros. “Les clubs me paient entre 10 et 15 euros par nouveau client”, explique-t-il, assis au bar de la faculté de géographie de l’université de Barcelone. “Je ne facture rien au touriste.” Il poursuit : “Je ne pense pas qu’il puisse m’arriver quelque chose [d’un point de vue

légal]. Je ne fais que garantir au client qu’il va pouvoir adhérer à une association.”

Le développement du commerce autour de la marijuana a éveillé l’intérêt de cultivateurs étrangers, qui ont fait de Barcelone leur base d’opérations. Dans le secteur, certains assurent que des clubs de cannabis barcelonais sont en réalité gérés par les grandes chaînes de coffee shops et les banques de graines néerlandaises.

Ces mêmes sources affirment que les autorités catalanes sont bien conscientes du problème lié au tourisme cannabique. La municipalité de Barcelone a déjà annoncé que ces clubs allaient faire l’objet d’une réglementation spécif ique, portant notamment sur la limite d’âge, leur distance par rapport aux collèges et l’évacuation de la fumée. Au-delà de ces mesures, le département de la santé catalan prépare lui aussi une “proposition de réglementation des bonnes pratiques” qui sera présentée

devant le Parlement [de Catalogne] entre février et mars  2014 ,

selon des sources au fait des négociations. La proposition,

encore débattue, comprend un nombre maximum de

membres pour chaque assoc iat ion (entre 400 et 600), un âge minimal d’accès (18 ou 21 ans), ainsi que diverses exigences de transparence pour maintenir ces clubs éloignés de la sphère commerciale.

Jaume Xaus, porte-parole de la Fédération

des consommateurs de cannabis de Catalogne,

reconnaît que certains clubs de f umeurs ont

outrepassé leurs droits et ont “piétiné le modèle” d’association à

but non lucratif. Il admet toutefois que la prolifération des clubs de

cannabis a incité les autorités à réglementer le secteur, ce que la fédération elle-même

réclame depuis maintenant plus de dix ans.

—Pol ParejaPublié le 7 décembre 2013

tendances.

Un nouvel Amsterdam au sudL’essor des clubs de cannabis, dans lesquels la consommation est tolérée par les autorités, a transformé Barcelone en capitale européenne du tourisme de la marijuana. Et généré un commerce parallèle qui prend de l’ampleur.

Tuer le cochonPAYS-BAS — Avons-nous vraiment conscience de l’origine de la viande ? Pour répondre à cette question, l’association Rotterdam Oogst (Rotterdam moissonne) a décidé d’élever deux cochons, Arie et Japie, au beau milieu d’un quartier résidentiel de la deuxième ville des Pays-Bas, rapporte le NRC Handelsblad. Pendant six mois, les habitants ont dû les nourrir, les soigner, les voir grandir. Puis ils les ont emmenés chez le boucher et ont organisé un grand repas. “Je me suis senti comme un meurtrier”, confessait après coup l’un des habitants. Un autre, bien que se sentant “hypocrite”, a refusé de “manger Japie et Arie”. L’association pense déjà à renouveler l’expérience, avec des poulets cette fois.

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360°.Courrier international — n° 1209 du 2 au 8 janvier 2014 47

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1 bâtiment, 88 propositionsA son arrivée à Munich, l’artiste espagnol Victor Enrich passait régulièrement devant l’hôtel Dutscher Kaiser. “Fasciné par ce bloc d’un seul tenant, avec une étrange beauté, derrière sa laideur apparente”, comme il l’explique à la Süddeutsche Zeitung, il a décidé de le reconstruire de 88 manières

différentes à l’aide d’un logiciel informatique. Le photographe voulait ainsi provoquer le débat et montrer que “le changement est possible même dans notre société où tout est si lent et si bureaucratique”.

26

%THAÏLANDE — Quand l’application pour smartphone Thaïfight a été lancée, il y a quatre mois, dans une Thaïlande relativement paisible, personne n’a prêté attention à ce jeu basique dans lequel des personnalités, surtout politiques, se lancent différents objets à la figure. Mais début décembre, en pleines manifestations contre

le gouvernement, “l’application à 32 bahts [72 centimes d’euro] est devenue, à la surprise générale, la plus vendue de Thaïlande”,

indique le Bangkok Post. “L’explosion des manifestations a fait de ce petit jeu un symbole opportun”, estime le quotidien. Le mouvement

social a aussi provoqué le succès d’applications comme NokWeed, qui “produit des sifflements dont on peut ensuite ajuster le volume”. Les divisions de la société thaïlandaise se retrouvent jusque dans le choix de ces applications censées faire du bruit, relève le journal : “Les chemises jaunes préfèrent l’application Meu Tob, qui imite le claquement de mains, et les chemises rouges Teen Tob, pour taper des pieds.”

Des applications révolutionnaires Crise sur canapéAUSTRALIE — Le couchsurfing, pratique surtout connue des routards, “est en plein développement en Australie”, souligne The Age. Le nombre de personnes allant dormir sur le canapé d’un ami ou d’un membre de sa famille a augmenté de 26 % en un an. En cette période de crise, cela n’a toutefois plus rien de positif, fait remarquer le quotidien australien. Comme l’explique un membre d’une association d’aide aux sans-domicile, l’appellation “romantique” donnée à la pratique dissimule avant tout des difficultés d’accès au logement. “Bien souvent il n’y a en réalité pas de canapé, insiste-t-il. Il n’y a que le parquet du studio ou le carrelage de la cuisine.”

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