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EDITORIAL Allons-y,c'estlemoment ! par M .-L . Duboinp ACTUALITÉ Leurseulmaître,l'argentparA .Chantrainep Aufildesjours,par J .-P . Mon p Lettreouverteauxdirigeantsdumonde parL .Gilotp . Lu,vu,entenduparA .Prime p . REFLEXIONS L'heuredevérité ;Mortetresurrection delagauche parJ .MALRIEU Lesthèseséconomiques : FrédéricBastiat parJ .Duboin, p COURRIERDESLECTEURS p . BLOC-NOTES K RESUMÉDENOSTHÈMES p . DL'ECONOMIEDISTRIBUTIVE p

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• EDITORIALAllons-y, c'est le moment ! par M .-L . Duboin p

ACTUALITÉLeur seul maître, l'argent par A . Chantraine pAu fil des jours, par J .-P . Mon pLettre ouverte aux dirigeants du monde

par L. Gilot p .Lu, vu, entendu par A . Prime

p.

REFLEXIONSL'heure de vérité ; Mort et resurrection

de la gauche

par J . MALRIEULes thèses économiques : Frédéric Bastiatpar J . Duboin,

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• COURRIER DES LECTEURS p .

• BLOC-NOTES K

• RESUMÉ DE NOS THÈMES p .

D L'ECONOMIE DISTRIBUTIVE

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Allons-y, c'est le moment !par Marie-Louise DUBOIN

L'année 1985 a commencé pour nous sur les chapeauxde roue !!! La première des réunions mensuelles pour pré-parer la Grande Relève a dévié de son objectif, sousl'enthousiasme des personnes présentes, décidées qu'ellesétaient à engager une action rassemblant tous les distribu-tistes de France et de Navarre . Tout le monde est, en effet,tombé d'accord pour estimer que c'est le moment de ras-sembler nos forces et d'entreprendre une opérationd'envergure pour faire savoir que nous, les distributistes,nous avons un projet !

C'est le moment, en France, puisqu'après l'échec dela droite, la gauche ayant suivi la même politique économi-que, n'a pas concrétisé l'espoir qu'une forte majorité avaitmise en elle . Si bien qu'aujourd'hui majorité et oppositionn'ont plus rien à proposer qui soit susceptible d'éclairerl'avenir. La fuite en avant vers des restructurations géné-ratrices de chômage, et opérées au prix d'une austérité quenos énormes moyens techniques ne justifient pas, ne faitqu'augmenter la misère face à une abondance de moyensinemployés ou dévoyés. On voit, à la fois, s'étendre lapauvreté et s'accumuler les stocks invendus . Cette absur-dité est si monstrueuse qu'elle devient flagrante, même auxyeux de ceux qui ne se posent jamais de question .

C'est le moment aussi à l'échelle mondiale, car desvoix s'élèvent qui prouvent qu'on commence à compren-dre, en voyant agir le cow-boy qui gouverne les Etats-Unis, que la reprise économique, en régime capitaliste,c'est d'abord une course démentielle aux armements, unecourse qui dépasse aujourd'hui les limites de la planètepour faire de l'espace aussi un champ de bataille sansmerci. Quand, au même moment, la télévision nous mon-tre le drame des pays affamés, on peut espérer une prise deconscience de l'indignité d'une humanité qui possède tantde moyens mais condamne à mort des millions de gens .

J. Malrieu montre dans ces colonnes que cette prise deconscience se manifeste à droite comme à gauche ; il ladétecte aussi bien chez un ancien ministre de G . Pompidouque dans les déclarations d'un des nouveaux dirigeants duPSU. Sur le plan international, le Monde Diplomatique defévrier en témoigne également par deux analyses des cau-ses de la faim dans le monde : S . George rappelle qu'en

mare de cérémonies organisées du 12 au 15 novembrederniers par la FAO, s'est tenue une Assemblée Mondialede l'Alimentation qui a précisé son but : « inverser lespolitiques des agences internationales du développement »et son intention de mener une campagne « contre les pro-grammes d'austérité du FMI », car, proclamait cetteAssemblée pas comme les autres, « le règne de l'agrobusi-ness a fait empirer les choses » . A . Vidal-Naquet rappelleensuite que « le monde a maintenant les moyens de pro-duire "suffisamment pour nourrir convenablement sapopulation aujourd'hui et demain », et il affirme : « il estdésormais généralement reconnu que l'élimination de lafaim est étroitement liée à un meilleur équilibre des méca-nismes nationaux et internationaux du développement » .

C'est bien l'échec des mécanismes capitalistes qui estconstaté, et la nécessité d'autres relations économiques estenfin perçue. Mais l'imagination n'ayant toujours pas prisle pouvoir, on sent qu'il faut s'adapter à de nouveauxmoyens de vie, mais sans savoir comment s'y prendre .L'humanité ressent les symptômes de la formidable muta-tion qu'elle est en train de subir, mais elle ne comprend pasvers quoi elle la mène .

Et voilà pourquoi, le 26 janvier dernier, les camaradesréunis autour de La Grande Relève ont dit :

« Faisons- nous entendre, nous qui avons quelque chose à proposer!Et, pour cela, commençons par nous rassembler. Regrou-pons tous les distributistes de France et de Navarre, asso-ciés ou dispersés, ne formons plus qu'une seule Associa-tion pour l'Economie Distributive (AED, appellationdéclarée selon la loi de 1901) pour ne plus donner à l'opi-nion une image dispersée sous des sigles différents . Lan-çons pour cela un appel dans le journal à tous ceux quiveulent se rassembler pour agir . Elargissons cet appel àtous ceux qui, hors de France, ont les mêmes aspirationsque les nôtres ; il en existe en Belgique (nous avions eu leurvisite le mois dernier), il en existe en Suisse, en Allemagne,en Suède, au Canada, peut-être aux Etats-Unis » .

(Suite page 4)

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Je me fais donc ici le porte-parole de ces distributistesdéterminés. Je le fais d'autant plus volontiers que j'ai reçubeaucoup de lettres de camarades qui me disent en géné-ral : « rassemblons-nous : ralliez-vous tous à l'associationX, au mouvement Y ou au parti politique Z que je viens decréer ». Il s'avère, en effet, que la propagande individuelles'essouffle vite, que le besoin se fait sentir d'une union quifait la force et soutient le moral . Je suis chargée plus préci-sément de rameuter tous ceux qui sont prêts à prendre laresponsabilité d'une région pour y assurer les contactsnécessaires : qu'ils se fassent connaître en donnant uneadresse que La Grande Relève publiera . Une assembléegénérale est projetée pour le mois de mai, ou juin, AndréPrime s'est déclaré prêt à l'organiser .

Si l'optimisme soufflait sur les distributistes, ce 26janvier dernier, c'est sans doute que les jeunes aussi, « ils yviennent ! » . Nous avions parmi nous un lycéen très atten-tif qui, d'abord tout seul, a lancé une réunion d'informa-tion sur l'économie distributive, après avoir diffusé dansson lycée un excellent tract qu'il avait rédigé (au fait, LaGrande Relève peut en envoyer à tous ceux qui lui endemanderont) . Il a maintenant convaincu des camarades

et c'est une section de l'AED qui va démarrer, malgré lesréticences des adultes de ce lycée qui se méfiaient a priorid'une propagande qui n'a pas d'étiquette politique .

A ce propos, autre note optimiste : nous avons eul'occasion de prendre contact avec des représentants d'unjeune parti politique, pas du tout comme les autres . Lapreuve : il se déclare « Parti Humaniste », se. définit enrejetant « les idéologies qui réduisent le corps social enmarchandise dépendant des lois de l'offre et de lademande » et veut « engendrer un nouveau modèle desociété solidaire et non violente » . Il dit qu'il « s'agitd'une nouvelle forme politique qui survit également dansplus de 40 pays sur les 5 continents », et « prétend être uneforce pacifiste internationale qui exerce une pression pourchanger la direction destructrice des gouvernementsactuels » . Ayant senti que leurs aspirations rejoignaient lesnôtres, nous avons entrepris de leur montrer le rôle quepeut jouer l'économie distributive dans un projet vérita-blement humaniste . Nous gardons le contact avec eux, etje pense que les distributistes de la première heure serontheureux d'apprendre que c'est le petit-fils de l'un d'euxqui a établi ce contact allons, la relève est assurée !!

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1926 : Jacques Duboin, secrétaired'Etat au Trésor dans le gouvernementBriand, propose de dévaluer le francafin de redonner un peu de souffle àl'économie. Il se propose de faire cettedévaluation de façon concertée avec laBelgique et, bien sûr, consulte les res-ponsables financiers du pays . Le prési-dent de la Banque de Paris et des Pays-

Bas, M. Finaly, l'avertit que, s'il pro-pose de dévaluer le franc, lui se chargede faire tomber le gouvernement . Evi-demment, J. Duboin persiste dans sonintention . Lorsqu'il passe la frontièreBelge pour aller consulter ses collèguesbelges, on lui apprend que le gouverne-ment vient d'être renversé .

1985 : Le Brésil retrouve enfin ledroit d'élire démocratiquement son pré-sident. On parle beaucoup de faireentrer M . Furtado dans le futur gouver-nement. M . Furtado est un économistede gauche qui a déjà eu des responsabi-lités sous les gouvernements qui ontprécédé le coup d'état militaire et qui àdû longtemps vivre en exil . Aussitôt desindustriels, des banquiers affirmentqu'il ne faut pas que Furtado soitministre : il est trop dogmatique,disent-ils . Bien plus, un vice-présidentde Paribas, M . Lemaistre, déclare dansune interview à un hebdomadaire brési-lien, que le futur ministre des financesne peut être « un théoricien qui a passévingt ans dans l'opposition », autre-ment dit, certainement pas M . Furtado .

Soixante ans après, les moeurs n'ontdonc pas changé : les banques gouver-nent toujours !

Dans le Middle-West plus de vingtmille fermes ont déjà été mises auxenchères depuis 1981 et l'hécatombes'accélère . Les agriculteurs américainscomparent volontiers la crise actuelle àcelle des années 30 . La ruine de tous cesfermiers est en fait la conséquence de laprospérité des années 70 durant laquellele montant des exportations agricolesdes Etats-Unis avait quintuplé .

A cette époque-là les fermiers améri-cains rêvaient de nourrir le monde à euxseuls et les banques se battaient pourfinancer l'achat de terres dont la valeuravait quelquefois plus que quadruplé .Mais pour rentabiliser les terres, il fal-lait aussi acheter des engrais, des pesti-cides, payer de la main-d'oeuvre saison-nière, emprunter encore pour acquérirde nombreuses machines agricoles ;bref, les traites pesaient lourd . Et puisCarter a décrété l'embargo sur lesexportations agricoles vers l'URSS, larécession sous Reagan, la baisse desachats par les pays du Tiers-Mondeaccablés de dettes (mais quelquefois.aussi, et heureusement, parvenus àl'autosuffisance), enfin, et surtout,l'envolée du dollar ont placé l'agricul-ture des Etats-Unis en aussi mauvaiseposture que leur industrie sur les mar-chés internationaux . De 32 millions dedollars en 1979, les profits globaux desfermiers sont tombés à 16 milliards en1983 et leur endettement est, lui, passéde 80 milliards en 1974 à 215 milliardsactuellement . La valeur des terres achuté de 25 à 60 % suivant les régions .Selon une étude citée par le WashingtonPost ce serait environ 40 °1o des exploi-tations des Etats centraux du Nord quimarcheraient vers la faillite . Et les cho-ses ne vont pas s'arranger 'car Reagansouhaite, en tout libéralisme, uneréduction drastique des aides fédéralesaccordées à l'agriculture depuis lesannées trente . . . De petites villes,comme Quad-City, qui vivaient del'industrie des machines agricoles, con-naissent des taux de chômage dépassant13 0 alors que le taux national est de8 % . Arrivés au bout de leurs six moisd'indemnité, les chômeurs n'ontd'autres perspectives que de vendre leurmaison. Mais à qui ? A Quad-City, il yen a déjà deux mille deux cents d'inven-dues. Comme dit un chômeur, ancienemployé d'Harvester : « Quandj'entends Reagan parler du redresse-ment de l'économie, ça me fout enrage . »

Au fond, il n'y a guère que les« libéraux » d'opérette français quicroient en la reprise américaine .

La reprise américaine, elle est carac-térisée par le budget des Etats-Unis : lebudget de l'armée passera l'année pro-chaine de 246 à 277 milliards de dollarset, compte tenu des autorisations deprogramme, à 314 milliards puis 354milliards en 1987 et 402 milliards en1988. En 1986, les sommes qui serontdépensées pour la « défense » représen-teront 28,5 % d'un budget global amé-ricain et 6,6 % du produit nationalbrut . Par contre, les dépenses civilesseront fortement amputées : c'est ainsique les dépenses pour l'assistance médi-cale des personnes âgées baisseront de 4milliards de dollars, les crédits del'énergie civile de 3, ceux des transportsde 2, ceux du logement et du dévelop-pement urbain de 15 (- 47 %), ceux del'éducation et de la formation de 2 . Leprogramme d'aide aux familles avec desenfants à charge sera réduit de 180 mil-lions et les dépenses pour les repas ser-vis dans les écoles aux enfants de famil-les démunies de 180 millions . C'est autotal près de 38 milliards de dollars quiseront économisés sur les dépenses civi-les, le plus gros sacrifice étant demandéau département de l'agriculture dontl'enveloppe sera diminuée de 6,6 mil-liards .

Voilà qui devrait donner à réfléchiraux agriculteurs français, ardents défen-seurs du libéralisme économique !

Jean-Pierre MON

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Voici le dernier article que Jean Malrieu avait annoncé dans notre numéro 830de janvier 1985. Nous n'en avons malheureusement pas reçu à tempsla version corrigée et qui doit être publiée par le journal Le Monde .

L'HEURE DE VÉRITÉMORT ET RESURRECTION

DE LA GAUCHE

Paradoxalement, c'est à l'heurela plus sombre de la Gauche et desa déconfiture qui paraît irrémé-diable que nous annonçons sarésurrection . Ce n'est évidemmentpas d'une victoire électorale qu'ils'agit, les vicissitudes des urnesne nous intéressent guère, maisd'une transformation en profon-deur des mentalités, d'une muta-tion de la conscience humaine .

Les signes que l'heure de véritéapproche se multiplient. Le pres-sentiment, l'exigence d'un chan-gement radical du « génotype » dela société humaine commencent às'emparer des esprits . Et pas seu-lement à gauche . (I)

Qui aurait dit il y a seulement quatre ans, qu'un ancien ministrede Pompidou rejoindrait nos analy-ses et porterait sur la situationmondiale un diagnostic que nouspourrions contresigner ? Les deuxarticles que René Lenoir vient dedonner au « Monde » (28 et 29Décembre 84) sous le titre : « Unbel avenir pour la Misère » consti-tuent une éclatante confirmationde nos thèses . C'est la démonstra-tion par un observateur objectif etbien informé que les choses nepeuvent plus continuer commeelles vont et que la société mar-chande conduit le monde à lacatastrophe .L'étude de René Lenoir à

d'abord le mérite de dissiper les

falsifications répandues par lestenants de l'économie libérale surla situation des deux leaders dusystème capitaliste, les Etats-Uniset le Japon . « Au lieu de béer aureaganisme, écrit Lenoir, . mieuxvaut analyser froidement les con-ditions de la reprise américaine .On peut les schématiser en quel-ques traits

--un financement par un formi-dable déficit budgétaire et exté-rieur sans écroulement du dollaren raison de sa nature de monnaiede réserve internationale, des tauxd'intérêts pratiqués et des mesu-res fiscales prises pour attirer lescapitaux étrangers .- une intervention massive de

l'Etat en forme de commandesd'armement .

- une renouvellement du capi-tal productif aboutissant à unereprise sans résorption du chô-mage, à un laminage des classesmoyennes et à un volume impres-sionnant de pauvres : 35 millionssoit 15 % de la population . »

Le Japon propose-t-il un modèleplus heureux ? demande Lenoir . Sil'on excepte les employés des« zaïbatsu », les grandes compa-gnies japonaises, qui bénéficientde salaires comparables à ceuxdes pays occidentaux et d'unesécurité relative de l'emploi, lasituation est loin d'être aussi bril-lante que veulent bien le dire lesthuriféraires du « modèle japo-nais » : « Dans les petites entrepri-ses, dans ce monde des sous-

traitants qui font.plus de la moitiéde l'économie, les salaires sontbas, les journées interminables, laprotection sociale dérisoire . Dansles villes et à leur périphérie, l'ina-daptation sociale, la violene et la

misère existent ni plus ni moinsqu'en Europe. Le Japon enfin estsans doute le seul pays où lesenfants se suicident parce qu'ilsne peuvent pas suivre le rythmescolaire. »

Le jugement global de Lenoir ,sur l'avenir de l'économie mon-diale est plus que réservé : « Si l'onprend du recul par rapport àl'ensemble des pays du Nord,quelques traits fondamentaux res-sortent

- 1 : la reprise ou le simplemaintien de l'activité économiqueà son niveau actuel sont condi-tionnés par le surarmement des 2plus grandes puissances, le lance-ment incessant de produits nou-veaux dont certains sont de luxe(voiture roulant à 200 kms/heure) .

- 2 : la production a de moinsen moins besoin des hommes . Lasubstitution d'activités a joué pen-dant 30 ans, quand les servicesabsorbaient la main d'oeuvre

refluant de l'agriculture et del'industrie . Aujourd'hui, robotique,informatique et bureautique chas-sent les hommes de partout . »Nous ne disons pas que

l'analyse de Lenoir est exhaustive .Elle demanderait à être affinée etcomplétée.(2) Entre autres fac-teurs qui ont rendu possible lapériode de prospérité dite des « 30glorieuses », il faudrait soulignerle rôle du pillage du tiers-monde et

(1) Cette mutation à l'oeuvre dans leschromosomes de la société humaine a faitl'objet d'un article intitulé « Pour un nou-veau "Génotype" » inspiré par les travauxdu biologiste et anthropologue britanniqueGregory Bateson . Nous l'avons adressé à larevue « Esprit » . Nous ne saurions troprecommander à nos lecteurs habituels debien vouloir s'y reporter .

c

2) On rapprochera utilement le jugementde Lenoir sur l'économie des USA del'étude beaucoup plus approfondie et docu-mentée que vient de lui consacrer Marie- .France TOINET dans « Le Monde Diploma-tique » (janvier 85) . M . Toinet réduit à néantles sornettes répandues par les propagan-distes du reaganisme et en particulier l'iné-narrable Sorman (le célèbre fabricant de

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du gaspillage des ressourcesnaturelles, le rejet d'une grandepartie des coûts réels de la pro-duction sur l'environnement, ceque les économistes désignentsous le nom barbare d'« externali-sation ». Mais l'essentiel y est« En clair, conclut Lenoir, la pau-vreté ancienne ou nouvelle semaintient ou progresse. » « Lesjeunes ne s'y trompent pas, écrit-

il. Ils ne disent pas que l'économieou que la technique est folle, . mais,que les hommes, en tant que ges-tionnaires de la Cité sont fous .« Là aussi, le jugement de Lenoirpourrait être redressé » : Les hom-mes ne sont pas fous . Ils sont alié-nés. Aliénés par un système dontils sont physiquement et mentale-ment prisonniers .

Cependant la situation dans lespays du Nord est paradisiaque,comparée à celle du Sud : 2 mil-liards d'êtres humains sans res-sources régulières chassés descampagnes par les latifundiaireset les multinationales et qui vonts'entasser dans les bidonvillesdont la population croît au rythmede 10 à 12 % par an. Plus de 500millions de gens au bord de lafamine et de l'explosion .

Un appauvrissement inéluctableguette ces pays dans les condi-tions du système d'échangesactuel démontre R . Lenoir. L'éco-nomie extravertie du tiers-mondeorientée vers les marchés « solva-bles » des pays riches sacrifie cha-que jour' un peu plus les besoinsdes populations autochtones .D'autant que les crédits qui pour-raient permettre de redresser lasituation en développant les res-sources locales n'existent plus .Les pays de l'OPEP aux prisesavec leurs propres problèmes nesont plus en mesure de financerl'équipement des P .V.D . «Quantau pays le plus riche du monde,écrit Lenoir, les Etats-Unis, au lieu

de prêter aux autres, il pompe lesressources disponibles et lesrémunèrent à des taux qui enri-chissent les riches et appauvris-sent les pauvres . »

Le pronostic final de R . Lenoirest sombre : « Cette pauvreté gran-dissante et cette concentration dela misère dans les villes géantesne sont favorables ni à la paix niaux droits de l'homme . L'ère des

guerres locales bat son plein, celledes grandes émeutes urbainescommence. » R . Lenoir lance unappel pressant à la prise de cons-cience de l'impasse où est enga-gée l'humanité et des périls qui lamenacent : « Le supplément d'âmeau grand corps technique del'humanité que réclamait Bergsonn'est pas venu, ou du moins il nes'est pas traduit par des institu-tions ou des mouvements suffi-samment forts pour s'imposer auxEtats. L'économie de la fin du siè-cle est dominée par les investisse-ments militaires et personne nepeut dire où elle mènera . Ce quenous commençons de constater etde voir réellement, grâce auxmédias, n'est pas le début d'unpartage moins inégal mais d'unepaupérisation accrue . Telles sontles aberrations d'un monde qui sedit moderne et se croit enprogrès. »

Le constat ne va peut-être pasau fond des choses. Mais il estsans complaisance et irréfutable .Pour un ancien ministre de Pompi-dou, la performance est plusqu'honorable. Et nous la prenonsen compte sans hésiter .

Que dire alors de notre rencon-tre avec ce représentant du PSUdécouvert dans le même n° du«Monde» (29112). Le terme de« divine surprise » est juste assezfort pour traduire notre jubilation .Bernard Ravenel parle au nom dela nouvelle majorité qui s'est déga-gée au sein du PSU à l'issue de

son dernier congrès et qui a écartéde la direction les amis de MmeHuguette Bouchardeau définitive-ment compromise avec Mitter-rand . Son article qui a inspirénotre titre « L'heure de la véritépour l'Autogestion » mérite plusqu'un coup de chapeau . Il a peut-être une importance historique .C'est la première fois qu'un diri-geant d'un parti politique exposeaussi nettement la nécessitéd'une coupure radicale avec lalogique du système marchand etappelle à une recomposition desforces de gauche sur des basesentièrement nouvelles .

La concordance des vues de B .Ravenel avec celles que nousexprimions dans nos derniers arti-cles est plus qu'une coïncidence .C'est le signe que les choses seclarifient, que nos idées avancent,que les hommes prennent cons-cience qu'il n'y a qu'une stratégiepossible pour sortir de la crise :celle d'un rassemblement unitaireen vue d'un changement structureldu mode de production, d'unemutation du « code génétique » dela société humaine .

C'est à travers le thème del'autogestion cher au PSU que B .Ravenel développe sa réflexion . Ilmontre fort bien comment cethème a été dévoyé par les repré-sentants de la gauche gestion-naire et en particulier MichelRocard sur lequel il centre sa criti-que. Délaissant les fiorituresréthoriques dont les petits fai-seurs du rocardisme s'entendent àparer leur entreprise, Ravenel vadroit à l'essentiel : « Ce qui sous-tend le projet rocardien, écrit-il,c'est la question suivante est-ilpossible d'offrir un débouché, par-tiel mais sérieux, à la criseactuelle à travers un accord négo-cié entre le gouvernement, un

sornettes) sur la « reprise » américaine . Elledémontre, en s'appuyant sur des sourcesirréfutables, qu'il n'y a pas eu d'améliora-tion de la situation globale par rapport àl'ère Carter et que la politique de l'offre,tant vantée par nos démagogues de droite,a fait fiasco . M.F. Toinet met en relief lecharlatanisme de la politique économiquedu président Reagan qui, sous un discours

ultra-libéral, pratique un interventionnismesystématique. Le reaganisme, c'est un key-nésisme à l'envers, particulièrementvicieux, qui consiste à dépouiller les pau-vres pour enrichir les riches et à rejeter surles autres pays , l'addition de la relanceaméricaine. Relance au demeurant précaireet déjà essoufflée, obtenue au prix de défi-cits vertigineux et du pompage délibéré des

ressources et des liquidités de l'ensemblede la planète qui compromettent grave-ment l'avenir du système monétaire mon-dial. Bien loin d'être un « modèle » pourl'Europe, comme s'efforce de nous en con-vaincre une armada de faux experts stipen-diés, la politique économique dont le prési-dent Reagan porte le chapeau est l'exem-ple même de ce qu'il ne faut pas faire .

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patronat moderniste et unefractionmajoritaire du mouvement

syndical ? Cet accord devrait per-mettre l'ouverture d'une phaseéconomique nouvelle garantissantun niveau de vie et d'emploi satis-faisant tout en respectant la struc-ture fondamentale, du système .« On a reconnu là la fameuse Qua-drature du cercle que la Gauche« respectueuse » s'efforce derésoudre depuis des décenniesconcilier les aspirations au socia-lisme de sa clientèle électoraleavec les contraintes et les finalitésde l'économie de marché. Belexercice de contorsionnisme danslequel Michel Rocard est passémaître. Ravenel pointe le doigt surl'inconséquence du discoursrocardien : « Le projet autoges-tionnaire de Rocard souffre d'unegrave carence. Parce qu'il ne metpas en cause la logique actuellede la modernisation créatrice d'unchômage technologique structurelet parce qu'il ne se situe pas dansla perspective d'une réduction dutemps de travail, il est inaccepta-ble. « Soyons encore plus précisque Ravenel . Le projet rocardien aun vice rédhibitoire : il s'inscritrésolument, irréversiblement dansla logique du capitalisme . A cetitre il ne constitue pas une issue àla crise mais une mystification etun piège. Bien loin de représenterune alternative au réformismeclassique, comme on voudraitnous le faire croire, le rocardismen'en est qu'une version sophisti-quée, la sauce autogestionnaireservant à faire passer une mar-chandise plus que faisandée .

La conception de l'autogestionque défendent Ravenel et la nou-velle direction du PSU a un toutautre contenu : « L'autre hypo-thèse qui se réclame aussi del'autogestion part de la convictionque la crise française et mondialeest une crise générale du systèmecapitaliste et que l'on ne peut ensortir positivement sans changerle modèle de développement lui- même. » Ce qui est à l'ordre du

jour, nous dit Ravenel, c'est l'avè-nement et la prise en compte parles travailleurs et par les gestion-naires de l'économie « d'une logi-que de production autre que celle

uproposée par le marché et fondéesur l'expression et la satisfactiondes besoins sociaux, tant en ter-mes de services que de protectionde l'environnement . »C'est sous une forme conden-

sée la thèse centrale que nousdéfendons depuis toujours . Lesocialisme est un objectif inacces-sible si l'on ne délivre pas la pro-duction des structures antagoni-ques et conflictuelles de l'écono-mie de marché qui la condamnentinexorablement à la recherche duprofit maximum et à court terme età l'exploitation intensive des hom-mes et de la nature . La libérationdes forces productives, cela neconsiste pas à les pousser tou-jours plus loin et toujours plushaut, comme c'est le casaujourd'hui ,à l'Est et à l'Ouest,mais à les maîtriser en vue d'unegestion rationnelle et d'une répar-tition équitable des ressources .

Les résultats spectaculaires del'économie marchande au coursdes deux premiers siècles del'industrialisation ne sauraient dis-simuler qu'au stade actuel dudéveloppement technologique etde la croissance démographique,elle est devenue incompatibleavec la survie de l'humanité . D'unepart, elle tend à marginaliser leshommes en les écartant du procèsde la production et les aliène enles réduisant à l'état de consom-mateurs passifs et manipulés .D'autre part elle dilapide et détruitles forces et les moyens de pro-duction en les opposant dans unecompétition désastreuse, élargie à

la planète tout entière et exacer-bée par le progrès technique . Lesystème fonctionne comme unegigantesque machine à pomper età pressurer les hommes et lanature pour alimenter une guerredes investissements aberrante etruineuse - doublée d'une courseaux armements encore plusdémentielle - qui absorbe et sté-rilise les capitaux au fur et àmesure de leur accumulation .Immense « trou noir » du système(nous parlons ailleurs dusyndrome des Danaïdes) quiengloutit une part grandissante duproduit social et qui expliquequ'avec des capacités de produc-tion infiniment supérieures è cel-les des époques passées, les con-ditions de vie des hommes sedétériorent inexorablement . (3) .

Ravenel ne se fait pas d'illu-sions. Il sait que dans l'état actueldu mouvement ouvrier en pleinedégénérescence et de l'arriérationmentale des masses entretenueaussi bien par la gauche politi-cienne que par les classes diri-geantes, l'instauration d'un nouvelordre économique et social n'estpas pour demain. La carence etl'aveuglement du ' prolétariat nepeuvent cependant découragerque les fétichistes du marxisme« Force est de constater, écritRavenel, que si depuis 10 ans, lacrise n'a jamais été aussi pro-fonde, jamais non plus ce type deprojet n'est apparu aussi peu cré-dible sur le plan des idées commesur celui des rapports de force, niaussi délaissé par les instances

(3) Si l'on veut mesurer les effets négatifsdu système, il faut rapprocher les résultatsobtenus des moyens, dont on dispose . Sil'on examine par exemple l'évolution duniveau de vie des pays du Tiers-Monde, ons'aperçoit que dans son ensemble il a con-sidérablement regressé par rapport àl'avant-guerre . Dans les pays industrialisésdominants, les gains sont plus apparentsque réels, l'accroissement de la consom-mation allant de pair avec la dégradationde la qualité de la vie . Malgré tous lesefforts des médias pour falsifier et occulterla réalité, on constate que la crise actuelleest beaucoup plus profonde et plus dévas-tatrice que celle d'avant la 2e guerre mon-diale. Celle-ci ne toucherait que les paysindustrialisés, les pays du Tiers-Mondevivant pour l'essentiel en économie d'auto-subsistance étant pour la plupart épar-gnés. Il faut lire l'hallucinant reportage dePierre Blanchet sur la situation au Brésil

(Nouvel Obs du 10/1/85) pour 'se rendrecompte que la crise actuelle est sans com-mune mesure avec celle des années 30 :plus de 40 % de la population au chômage(hors système dit la presse brésilienne),une inflation de 200 % par an, 20 millionsd'enfants abandonnés et errants, le Nor-deste au bord de la famine, une criminalitéinouïe, le déchaînement de la violence (ontue un homme à Sao-Paulo comme onécrase ici une mouche, un retour pur et sim-ple à la barbarie . Il se trouve que cette plon-gée dans l'enfer tropical faisait suite à lalecture du rapport de « Newsweek » sur lapollution et la destruction des forêts enEurope de l'Est (RDA, Pologne, Tchécoslo-vaquie) . On se rend compte que le mondeest vraiment mal parti. Allons-nous prendreconscience qu'il est grand temps de renver-ser la vapeur et de changer de système sinous ne voulons pas que nos enfants nousmaudissent ?

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dirigeantes de la gauche qui, pour-tant dans le passé, se référaient àl'autogestion . Celle-ci n'est pasdevenue une politique, un projetexplicite et cohérent » . Constatdésabusé qui ne saurait nousdéprimer. L'autogestion, de mêmeque la monnaie de consommationchère aux distributistes, n'ont desens et ne sont envisageables quedans une économie soustraite aux« lois » du marché ; elles suppo-sent que le problème-clé de lasociété a été résolu .

Ce retard tragique de la cons-cience humaine sur la situationobjective, c'est l'obstacle qu'ilfaut surmonter, nous dit en subs-tance Ravenel . Il n'y a pas d'autrevoie possible . « L'approfondisse-ment de la crise de l'emploi-2800000 chômeurs officielle-ment prévus pour 1985 (3500000en réalité) - la détérioration dra-matique du niveau de vie, l'attaquedirecte ou indirecte contre lesacquis de 1981 amèneront de nom-breuses catégories sociales à sedéfendre le dos au mur » .

Ravenel pose correctement leproblème de fond auquel est con-frontée aujourd'hui la gauche« Le problème à résoudre est celuide la capacité des forces de gau-che à articuler l'organisation d'unedéfense unitaire des couchessociales touchées ou menacéespar la crise avec la constructiond'une alternative qui prenne réelle-ment en compte la nature structu-relle de la crise et la profondeurdes transformations nécessaires,tant dans le domaine des structu-res économiques que dans l'exer-cice du pouvoir aux différentsniveaux de la vie sociale » . « Celasuppose une modification radicaledes instruments politiques et de la

pratique de la gauche dans sonensemble, déclare Ravenel . Lesstructures organisationnelles dumouvement ouvrier français appa-raissent de plus en plus inadap-tées aux besoins et aux aspira-tions des différentes catégoriessociales intéressées au change-ment » .

« Tels étaient les enjeux réels ducongrès du PSU, nous dit Ravenel .La défaite de la direction sortantequi avait peu à peu renoncé àremettre en cause la logique dumode actuel de. développement etle fonctionnement d'un certainmodèle de parti dépassé montreque commence à exister un cou-rant politique significatif, décidé àparticiper à la nécessaire refonda-tion de la gauche dans son ensem-ble . . . L'heure de vérité approchepour la gauche, pour le PSU en par-ticulier et pour le projet autoges-tionnaire . La confrontation sansréticence avec la réalité ne seraindolore pour personne » .

Nous applaudissons des deuxmains. L'adresse de Ravenel desti-née à réveiller la gauche tape dansle mille . Le « réalisme »aujourd'hui est du côté de ceuxqui « rêvent » d'un monde diffé-rent. La déraison est du côté desconservateurs comme nous le ditClaude Julien dans le magnifiqueéditorial du « Monde Diplomati-que » de janvier 1985 . (4) Ce dontles hommes doivent se convain-cre, c'est qu'il n'y a pas de solu-tions de fond aux problèmesactuels à l'intérieur du systèmeexistant. En s'obstinant à chercherune issue à la crise dans le cadredes structures et de la logique del'ordre marchand, autrement dit enrecherchant une solution adapta-tive au niveau du « soma », sans

remettre en cause le « génotype »de la société, la gauche actuelle,au même titre que la droite, tourneen rond et se condamne à l'échec .

Les conclusions de Ravenelrejoignent les nôtres. A ce détailprès cependant, très important ànos yeux, qu'il ne semble pasappréhender avec toute la clarténécessaire les dimensions du pro-blème à résoudre et les consé-quences qu'elles entraînent auplan de la stratégie. Aucune solu-tion à la crise n'est envisageabledans les limites étroites de l'Hexa-gone. L'interconnection des éco-nomies à l'heure actuelle rend illu-soire toute tentative, toute solu-tion de caractère strictementnational . La transformation radi-cale du mode de production, lenouveau « modèle » de développe-ment que préconise très justementRavenel n'ont de chance de réus-sir que s'ils s'inscrivent dans un« espace social » suffisammentvaste et diversifié pour permettre àla greffe de prendre . C'est pour-quoi la recomposition des forcesde gauche doit nécessairementavoir une dimension internatio-nale européenne au minimum et sipossible, tiers-mondiste, étantentendu que le nouvel « espace»et la nouvelle organisation nepourraient réunir que des partenai-res et des pays partageant lamême vision des choses et sous-crivant aux mêmes engagementset aux mêmes obligations statutai-res . D'où dans notre projet, l'idée,qui est aussi celle de François Par-tant, d'une CHARTE institution-nelle servant de base de ralliementet de « programme génétique »pour la nouvelle entité .

Il va de soi que cette « refonda-tion » de la gauche dans son

(4) Nous sommes tombés dessus aumoment où nous achevions notre article .Ce qu'écrit Julien à propos de la Nouvelle- Calédonie a une portée universelle. On

regrette de ne pouvoir tout citer : « Eternelsrecommencements de tous les conservatis-mes, inaptes à saisir les signes du temps, àdevancer les inévitables mutations . . . Si lechoc du futur sème quelque désarroi à gau-che, il fige et crispe sur dés positionssurannées une droite dépourvue d'imagina-tion et incapable d'innover . . . Porteurs de

drames futurs, tous ces faux calculs, tou-tes ces politiques sans avenir, toutes cesimprovisations sans perspectives et sanscourage, toutes ces scléroses trouvent leurcommune origine dans une même incapa-cité à maîtriser par la pensée les multiplesforces qui font craquer les vieux schémas .La droite française ne sauvera pas laNouvelle-Calédonie en bafouant les droitsdes Canaques . Les droites européennes nesauveront pas le vieux continent en bondis-sant en arrière vers le néo-libéralisme . La

droite américaine ne sauvera ni les Etats-Unis ni l'Occident en sacrifiant le dévelop-pement au sur-armement . De gauche ou dedroite, l'homme ne se sauvera pas en secramponnant à la défense de ses intérêtsimmédiats . Serait-il incapable d'avoir desambitions plus vastes ? « Tragique bouf-fonnerie des démocraties ! Les peuples éli-sent des Giscard, des Mitterrand, des Rea-gan, quand il y a des Claude Julien, desRené Dumont ou des commandants Cous-teau à leur porte .

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ensemble que Bernard Ravenelappelle de ses voeux impliquel'éclatement et la liquidation despartis politiques « de gauche»actuels . Fort heureusement,comme nous l'avons vu dans notredernier article, leur décompositionest déjà très avancée et les fos-soyeurs du PCF et du PSs'emploient activement à nettoyerle terrain . Grâce leur soit rendue !

En France, dans l'état actueldes choses, le « noyau initial » dela nouvelle organisation pourraitregrouper le PSU, déjà partant sil'on en croit Ravenel, les deux for-mations trotskystes (LutteOuvrière et la Ligue CommunisteRévolutionnaire) qui tranchent surla médiocrité congénitale de lagauche française par la qualité deleurs militants et de leur réflexion,la fraction avancée du mouvementécologiste et différents courantsde pensée de tonalité anti-libéralecomme « La Grande Relève », sansoublier les mouvements pacifis-tes, régionalistes et féministes . Ace noyau initial ne manqueraientpas de venir s'agréger des indivi-dualités de valeur, en provenancede tous les points de l'horizon poli-tique, y compris de la droite . (5)

Bien que les préoccupationsélectorales ne soient pas au cen-tre de notre stratégie, nous n'hési-tons pas à pronostiquer pour lanouvelle formation un score de 7 à8 % aux prochaines élections .L'exemple des Verts d'AllemagneOccidentale qui recueillentaujourd'hui plus de 10% des voixmontre que c'est un objectif par-faitement accessible. C'est uneaffaire d'organisation et de propa-gande. L'appel que nous lançonsvise à contribuer à la cristallisa-tion de cette Nouvelle Gauche .La désaffection générale à

l'égard des partis traditionnels, dedroite ou de gauche, autorise tousles espoirs . L'apparition sur le ter-rain de cette nouvelle formation etdes perspectives qu'elle ouvriraitest la seule façon de redresser lasituation de la Gauche et d'arrêterle glissement d'une opinion publi-que en plein désarroi versl'extrême-droite et les aventuresdu néo-fascisme .

Nos propositions n'ont pas laprétention d'être exhaustives etdéfinitives . Elles ont avant tout uncaractère exploratoire et sont fai-tes pour être discutées et appro-fondies. Elles n'ont d'autre objetque de dégager les grandes lignesd'une restructuration indispensa-ble de la Gauche complètementdéboussolée et à vau-l'eau . Laseule chose dont nous soyonssûrs, c'est que la direction quenous indiquons est la seule voie

possible pour sortir de la crise . Ilserait infantile de croire que cesera un chemin de velours .

Les accusations d'utopismenous laissent froids. Nous serionsmême tentés de surenchérir surl'utopisme en affirmant le rôle pri-mordial de l'imagination créatricedans la conjoncture actuelle . Al'heure des grands périls, il ne fautpas craindre de viser loin . (6)L'époque des politiques à la

petite semaine et des revendica-tions catégorielles est révolue .L'heure du bricolage et de la navi-gation à vue est dépassée . Seul ungrand projet est de nature à ras-sembler et ressusciter la Gauche .Il faut hisser les grandes voiles etse lancer sur l'océan à la décou-verte du Nouveau Monde. Letemps des Grandes Espérancesest arrivé !

Jean MALRIEU

(5) Il y a des gens bien à droite . Rappe-lons à ce sujet ce que disait Royer-Collardcité par Victor Hugo dans « Choses vues »« Il y a plusieurs façons d'être honnêtes enpolitique. Tout dépend des lumières quel'on a » .

(6) Un auteur aussi sérieux que Castoria-dis avec son « Institution Imaginaire de laSociété », nous montre d'ailleurs la voie .Dans un autre registre, le talentueux romanhistorique d'Hubert Monteilhet « Néropo-lis » qui fait revivre, avec un humour grin-çant et une verve sarcastique incompara-bles, les premiers pas du Christianismesous le règne de Néron, nous donnerait legoût d'une « utopie » dans la manière deCampanella ou de Thomas More avec untitre tout trouvé : « Néopolis » .

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LES THÈSES ÉCONOMIQUESPoursuivant la reproduction d'extraits du livre « Libération », publié en 1967

par Jacques DUBOIN, nous consacrons une page, avant d'aborder Karl MARX,à un économiste peu connu : Frédéric BASTIAT .

On ne parlerait pas de FrédéricBastiat (1801-1850) si l'on devait encroire certains économistes con-temporains qui lui dénient toutescience économique, pour ne voiren lui qu'un brillant polémiste . Ilmérite mieux que ce jugementsommaire puisqu'il avait été nourriaux saines doctrines, comme lesqualifient les économistes libé-raux . Bastiat n'est pas un de cesdéfaitistes qui refusent de s'incli-ner devant les lois naturelles ens'imaginant que les hommes ontle pouvoir de substituer la raisonau libre jeu de leur intérêt person-nel . Il va réagir contre Ricardorendu responsable du mauvaistemps sous prétexte qu'il l'avaitannoncé . Bastiat va expliquercomment, en servant chacun denotre intérêt personnel, nous som-mes obligés de servir l'intérêtgénéral puisque l'ordre naturell'exige. Or voilà précisément qu'aumoment où il écrit, on discute leslibertés politiques (1830-1848) .Bastiat va leur adjoindre la libertééconomique en montrant qu'elleétait aussi nécessaire que lesautres. Ne serait-il donc qu'un bril-lant avocat plaidant avec beau-coup d'esprit que ces fameuseslois sont harmonieuses, etqu'elles tendent, dans tous lessens, au perfectionnement del'humanité ? Il est mieux que cela,car lui aussi va relever les contra-dictions qui surgissent dans lerégime, et signaler les faussesnotes qui se font entendre danscette magnifique symphonie . Opti-miste malgré tout, il croit que touts'arrangera dès que la liberté seramieux comprise. Il ne pouvait pasprévoir que -les progrès de la tech-nique et l'utilisation de trésorsd'énergies extra-humaine provo-queraient rapidement de telsdésordres que les intérêts person-nels, au lieu de se fondre harmo-nieusement, et dès leur apparition,comme dans le Boléro de Ravel,

allaient se heurter frénétiquementdans une intolérable et mons-trueuse cacophonie .Partisan résolu du

libre-échange, il est hostile à la raretédont on fait bénéficier certains pri-vilégiés . Il se déclare adversaire dela garantie d'un revenu minimumqu'on veut assurer à certains capi-talistes car il fait remarquer qu'onrefuse le salaire minimum àl'ouvrier. Bastiat va donc combat-tre toutes les mesures qui relèventde la politique de la disette et dontle but est de relever les profits . Ilva opposer constamment l'intérêtparticulier à l'intérêt général endonnant toujours à ce dernier lasuprématie . L'intérêt général,constate Bastiat, est forcément ducôté du consommateur. Celui-ci aintérêt à ce que règne l'abon-dance, traduirons-nous aujour-d'hui . Aussi Bastiat doit-il nousapparaître comme un admirableprécurseur lorsqu'il dit qu'il fauttraiter l'économie politique aupoint de vue du consommateur .C'est lui, le premier, qui a entrevuque l'heure allait sonner où la pro-duction ne devrait plus être l'uni-que souci des économistes de larareté .

Avec quel art incomparable, faitjudicieusement remarquer M . leprofesseur Henry Hornbostel ( 1 ),Bastiat va-t-il expliquer commentles producteurs se font les défen-seurs de la disette ! Chacun vas'efforcer de raréfier le produit oule service qui fait l'objet de sa pro-fession . Bastiat démontre que siun cordonnier, par exemple, pou-vait, par un acte de sa volonté,faire évaporer tous les souliers dumonde, exceptés ceux de sa bouti-que, il deviendrait un Crésus ; sonsort s'améliorerait, non point avecle sort général de l'humanité, maisen raison inverse de la destinéeuniverselle. Chacun voudra doncs'adresser au législateur pour luidemander de créer, artificielle-

ment, par tous les moyens en sonpouvoir, la rareté des choses qu'ilproduit.

L'agriculteur demandera larareté du blé ; l'éleveur la rareté dubétail ; le maître de forges la raretédu fer ; le betteravier la rareté dusucre ; le tisseur la rareté du drap,etc .

Et Bastiat ajoute : Chacundonne les mêmes raisons, ce quifinit par faire un corps de doctri-nes qu'on peut bien appeler lathéorie de la disette ; et la forcepublique emploie le fer et le feu autriomphe de cette théorie .

Si Bastiat vivait de nos jours, ilpourrait allonger presque indéfini-ment ce chapitre, pour peu qu'ilvoulût bien faire un voyage danstous les pays supérieurementéquipés . La lutte contre l'abon-dance a déjà atteint des propor-tions que connaît notre lecteurmais que Bastiat n'a jamais pusoupçonner. Mais combien d'éco-nomistes, aujourd'hui, se récla-mant des doctrines de Bastiat,osent s'élever contre ces destruc-tions de richesses ? Ne serappellent-ils même plus cequ'écrivait Bastiat du tremblementde terre qui, en brisant toutes lesvitres d'une ville, comblait d'aiseles vitriers ? Bastiat appelait celala consommation inutile . Or, denos jours, celle-ci ne va pas tarder.à être aussi coûteuse que la con-sommation utile, ce qui permetd'affirmer que le triomphe del'abondance n'est plus bien loin-tain .

Alors va apparaître une doctrinenouvelle qui, en 1848, sous laforme du Manifeste du Parti Com-muniste, n'attira pas spécialementl'attention ; mais elle devait avoir,par la suite, un retentissementconsidérable . C'est le socialismescientifique de Karl Marx .

(1) Grande Relève des Hommes par la Science,n' 10 .

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Lettre ouverteaux dirigeants du monde

par Léon GILOT

En 1983 les dépenses d'armementdans le monde ont atteint lasomme de 750 à e00 milliards dedollars, soit 7.125 à 7 .600 milliardsde francs, basés sur un dollar à9,50 F. Les pays du Tiers-Mondeont dépensé 163 milliards de dol-lars pour l'achat d'armes

. Trente- huit pays dont la France ont appro-visionné l'Irak et l'Iran depuis ledébut de la guerre entre ces deuxnations .

La France a le 4e budget mili-taire après ceux des Etats-Unis, del'URSS et de la Grande-Bretagne .Elle est le 3e pays exportateurd'armes derrière l'URSS et lesUSA. L'exportation d'armes, endehors d'options politiques, a troisraisons : maintien des emplois,amortissement des coûts de pro-duction, équilibre de la balancedes paiements .

Dans le même temps les paysindustrialisés ne savent que fairede leurs excédents agricoles, viti-coles ou autres. Par contre, cha-que jour l'actualité nous révèle lesdrames de la faim dans le mondeEthiopie, Sahel, Tchad, Mozambi-que, Niger, Bangladesh, Afghanis-tan, Nord-Brésil, ou ailleurs . Desmilliers d'êtres humains meurentchaque jour de malnutrition et dedéshydratation .

La vue à la télévision de cesgroupes d'hommes, de femmes etd'enfants amaigris, aux yeuxenfoncés dans leurs orbites, leregard vide ou désespéré, dans uncomplet état de prostration, nousrappelle l'univers concentration-naire découvert dans les campsnazis . Les causes ne sont pas lesmêmes mais les résultats sontidentiques . Il s'agit là d'un géno-cide permanent dont les diri-geants des pays concernés et dela communauté internationale

sont responsables et devraientavoir honte .

Les causes de cette situationsont connues : sécheresse, déboi-sement, érosion des sols, déserti-fication, guerres faites avec lesarmes que vous exportez, surpopu-lation due aux habitudes ancestra-les et aux interdits religieux ; dimi-nution des cultures vivrières, etparfois détournement dessecours .Certes les pays développés,

notamment par l'intermédiaire dela F.A.O ., de la Communauté Euro-péenne et d'organisations humani-taires comme l'UNICEF, envoientdes aides alimentaires et médica-les. Mais quelquefois- celles-ci seheurtent au problème de l'achemi-nement vers les régions sinistréesen raison de l'absence de moyensde transport ou de routes, ou de lavétusté du matériel . Quoi qu'il ensoit, ces aides restent insuffisan-tes devant l'ampleur du problème .

Comment pouvez-vous,, alors,vous qui tenez le destin du mondeentre vos mains, ne pas vousentendre pour lutter contre cefléau? A quoi vous servent vosidéologies politiques, religieusesou philosophiques qui exaltent lerespect de l'homme et de sesdroits ? Comment pouvez-vous à lafois enseigner la morale, le res-pect de la vie, la tolérance, la fra-ternité, la générosité, la liberté, etlaissez se perpétuer ce génocidepermanent ?

Comment pouvez- vous faire concevoir des arme-ments de plus en plus meurtriersqui sont destinés à piétiner tousles beaux principes que vous pré-tendez défendre ? Commentpouvez-vous engloutir chaqueannée des milliards dans les arme-ments qui sont un gaspillageénorme d'argent, d'énergiehumaine et de matières premières,alors que des millions d'êtres

humains vivent dans la pauvreté etla famine? Au lieu de promettredes lendemains qui chantent,préoccupez-vous plutôt des réali-tés quotidiennes d'aujourd'hui .

Certains économistes distin-gués vous diront qu'il faudraitbeaucoup de crédits pour prendrecette nouvelle orientation humani-taire . Malheureusementlorsqu'une guerre éclate, cet argu-ment disparaît. On n'a jamais vuune guerre cesser faute de crédits .Les gouvernements trouvent tou-jours alors les moyens financierspour fabriquer les armements etéquipements militaires qui sontdistribués ensuite gratuitementaux soldats, et aux « ennemis »d'en face (obus, bombes, napalm,etc . . .) .

Pourquoi n'employez-vous doncpas ces mêmes moyens en tempsde paix pour combattre la pau-vreté, la misère et la faim ? A quoibon gémir, par exemple, sur le sortdes immigrés et réfugiés, si vousne pouvez pas leur fournir unemploi ou les moyens de vivre, etun logement décent ?

Et pourrait-on prétendre que sinous employions la mêmeméthode de financement pourcréer des entreprises et desemplois, construire des logementssociaux, améliorer l'enseignementet la formation, développer lesactivités sociales, culturelles etsportives, cela appauvrirait lespays, et la France en particulier ?Il suffit d'étudier et de mettre enplace une économie distributivede l'abondance, au lieu de gérer larareté .

Commencez donc par vousengager dans des négociationshonnêtes, constructives et perma-nentes en vue du désarmement

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(Suite de la page 12)

général . Vous possédez suffisam-ment d'armements pour désinté-grer plusieurs fois notre planète ;le surarmement est donc démen-tiel. Pourquoi alors ne pas déciderun désarmement progressif parune réduction annuelle de 5 % desbudgets militaires, ce qui permet-trait une reconversion progressivedes appareils productifs ?

Pourquoi ne pas utiliser systé-matiquement le matériel militaire(avions, cargos, parachutages,hélicoptères, camions, etc . . .) pouraller au secours des populationsaffamées ? Pourquoi ne pas créer

un service civil national et interna-tional pour faire face aux catastro-phes naturelles ?

Je ne prétends pas que ce soitlà une tâche facile, mais c'est lavôtre puisque vous avez revendi-qué et accepté la responsabilitéd'administrer votre pays .

Enfin je suis persuadé qu'unetelle orientation humanitaire pro-voquerait un élan collectif trèsfort, et rassemblerait toutes lesbonnes volontés, car on ne faitjamais appel en vain à la généro-sité et à la fraternité humaine .

En ce début d'année 1985, for-mons le voeu que cela devienneune réalité .

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