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Défaillance respiratoire aiguë transitoire et anesthésie péridurale thoracique

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Page 1: Défaillance respiratoire aiguë transitoire et anesthésie péridurale thoracique

© Masson, Paris. CAS Ann Fr Anesth R6anim, 8: 140-142, 1989 CLINIQUE

Ddfaillance respiratoire aigui transitoire et anesth sie pdridurale thoracique

Transient acute respiratory failure and thoracic epidural anaesthesia

H. MARIES, F.H. JOYAU

Service d'Anesth6sie-R~animation Chirurgicale, Centre Hospitalier, BP 109, F 72305 Sabl6-sur-Sarthe

RESUMI~: Les auteurs rapportent un cas de dEfaillance respiratoire aigu6 ~t l'occasion d'une anesthEsie p6ridurale dorsale. Celle-ci est survenue chez une femme porteuse d'un dysfonctionnement diaphragmati- que lors de la cure d'une Eventration. L'apparition d'une d6faillance respiratoire sur un tel terrain, bien que pr6visible, ne doit pas nEcessairement faire renoncer ~ l'anesth6sie pEridurale, ~ la condition que la supplEance ventilatoire soit assurEe durant la pEriode de blocage de la motricit6 thoraco-abdominale.

Mots clEs : T E C H N I Q U E S A NE S THI ~ S I QUES : anesthdsie pdridurale ; S Y S T E M E R E S P I R A T O 1 R E : poumon, insuffisance respiratoire aigu#.

L ' u t i l i s a t i o n d e l ' a n e s t h 6 s i e p 6 r i d u r a l e p o u r la c h i r u r g i e a b d o m i n a l e s u s - o m b i l i c a l e p e r m e t d ' o b t e - n i r , ~ c o n d i t i o n q u e s o n e x t e n s i o n a u x m 6 t a m ~ r e s d o r s a u x so i t s u f f i s a n t e , u n t r 6 s b o n c o n f o r t o p 6 r a - t o i r e . L e r e l f t c h e m e n t m u s c u l a i r e e s t 6 q u i v a l e n t ce lu i o b t e n u p a r les b l o q u e u r s d e l a : j o n c t i o n n e u - r o m u s c u l a i r e si l ' a n e s t h 6 s i q u e l oca l a 6 t6 b i e n cho i s i .

L e s a u t e u r s r a p p o r t e n t le cas s u i v a n t : c h e z u n e f e m m e n o n - i n s u f f i s a n t e r e s p i r a t o i r e c h r o n i q u e c o n - n u e , u n e a n e s t h 6 s i e p 6 r i d u r a l e a 6 t6 r e s p o n s a b l e d ' u n e i n s u f f i s a n c e r e s p i r a t o i r e a iguE.

OBSERVATION

Une femme de 68 ans, pesant 72 kg et mesurant 1,56 m, est opErEe pour une cure d'Eventration partielle sur cicatrice de mEdiane xypho-pubienne. Les antEcEdents de cette femme sont constituEs, d'une part d'un passe de lombo-sciatiques opEr6es (laminectomie lombaire) et, d'autre part, d'un polytraumatisme survenu un an auparavant. Celui-ci a 6tE ~ l'origine d'interven- tions itEratives. II a laiss6 pour sEquelles une paralysie de l'hEmicoupole diaphragmatique droite et deux 6ventrations, l'un¢ de si~ge sous-costal droit et de taille modEr6e, l'autre de si~ge pEri-ombilical de 20 cm sur 15. L'examen prEop6ratoire note une dyspnEe d'effort modErEe, en rapport avec la corpu- lence et avec la paral3/sie hfmidiaphragmatique droite. Celle-ci est bien visible sur le clich6 thoracique en inspiration. La pratique d'Epreuves fonctionnelles prEopEratoire s chez cette femme bien connue et ayant subi plusieurs anesthEsies gEnE- rales darts le service ne semble pas justifiEe au vu de l'examen clinique. Pour rEaliser la cure de l'6ventration pEri-ombilicale,

il est choisi de r6aliser une anesth6sie p6ridurale dorsale asso- ci6e ~ une s6dation 16g~re. Celle-ci sera 6ventuellement appro- fondie pour permettre une intubation et une ventilation contr6- 16e perop6ratoire.

La malade reqoit en pr6mfdication 0,5 mg de flunitraz6pam per os une heure avant l'intervention. Apr6s raise en place d'une perfusion de g61atine fluide et instauration d'une s6dation par drop6ridol : 1 rag, midazolam : 1 mg et fentanyl : 20 I~g, l 'abord de l'espace p6ridural D8-D9 est r6alis6 sur la malade en d6cubitus lat6ral droit. Un catheter est introduit dans l'espace pEridural. Puis, avec les precautions d'usage, sont injectEs : 150 mg de lignocaine ~ 2 %, 37,5 mg de bupivaeaine

0,5 % adrEnalinEe et 100 I~g de fentanyl. Le choix de ce melange repose sur le souhait d'obtenir une anesth6sie de bonne qualit6, assoeiEe ~ un rel&chement museulaire abdominal satisfaisant.

L'intervention chirurgicale dEbute 15 min apr6s l'injection pEridurale. Dix minutes apr6s l'incision, alors que la malade est somnolente sous l'effet de la sedation, une agitation apparait et la malade se plaint d'une gfine respiratoire. De l'oxyg~ne est administr6 au masque et un examen rapide met en Evidence une frEquence ventilatoire ~t 12-15 c , rain -1, mais avec une amplitude extr6mement rEduite, ce qui permet d'Eliminer d'emblEe une d6pression respiratoire centrale d'0rigine morphi- nique. La gazomEtrie rEalisEe t6moigne de l'hypoventilation alv6olaire importante : sous F]o2 6gale h 1, Paco2 est h 9,2 kPa, Pao2 ~t 28,19 kPa et le pH ?~ 7,273.Les constantes h6modynami- ques suivies par m6thode oscillomEtrique sont correctes et, depuis le d6but de l'anesth6sie, la pression artErielle, initiale- ment h 144 mmHg de maxima, est stabilisEe entre 90 et 100 mmHg apr6s perfusion 'de gelatine fluide et injection de 6 mg d'Ephidrine. Les pulsations sont entre 58 et 77 par minute. II n'existe aucun signe de stimulation adrEnergique par l'hypercapnie ; en particulier, il n'y a ni tachycardie ni sueurs. Les pupilles sont en myosis serr6, lequel associ6 ~ un ptosis

Requ le 26 aofit 1988; accept6 apr~s r6vision le 12 janvier 1989.

Tir6s a part : H. Maries.

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ANESTHI~SIE PC:RIDURALE THORACIQUE ET DI=FAILLANCE RESPIRATOIRE 141

bilat6ral t6moignc d'un syndrome de Claude-Bernard-Horner par blocage du syst6me sympathique dorsal (D1-D4). Par con- tre, les mouvements et la sensibilit6 des membres sup6rieurs sont conserv6s. Une intubation orotrach6ale est bien stir imm6- diatement r6alis6e apr6s induction d'une narcose et une ventila- tion m6canique est instaur6e. L'intervention se d6roule ensuite sans probl6me particulier. Le r6veil est surveill6 en salle de r6veil, off sont observ6s plus particuli6rement les param6tres respiratoires et gazom6triques. L'extubation peut 6tre r6alis6e 3 h 30 min apr6s l'injection p6ridurale initiale. Les suites op6ra- toires sont simples. L'analg6sie p6ridurale est entretenue par de la bupivacaine h 0,1% (4 h 8 mg. h ~) pendant 72 h. Cette analg6sie postop6ratoire continue ne provoquera h aucun moment de d6faillance respiratoire.

COMMENTAIRES

La qualit6 de l'analg6sie perop6ratoire et la pos- sibilit6 de poursuivre celle-ci pendant la p6riode postop6ratoire font de l'anesth6sie p6ridurale une m6thode de choix dans la chirurgie abdominale. L'anesth6sie p6ridurale facilite la kin6sith6rapie postop6ratoire ; les volumes pulmonaires (capacit6 vitale et capacit6 r6siduelle fonctionnelle), mesur6s durant cette p6riode, se rapprochent de leur valeur pr6op6ratoire [5, 8]. La dyskin6sie dia- phragmatique postop6ratoire semble 6tre am61io- r6e [4]. Toutefois, l 'accent a d6jh 6t6 mis sur les risques potentiels du bloc moteur 6tendu h la musculature thoraco-abdominale chez le patient porteur d 'un syndrome obstructif bronchique [1]. L'anesth6sie p6ridurale est aussi responsable d 'une baisse du volume de r6serve expiratoire, d 'autant plus marqu6e que le niveau de bloc moteur est haut situ6, correspondant essentiellement ~ une atteinte de la musculature expiratoire.

La d6faillance respiratoire observ6e peut trouver son origine dans diff6rents facteurs au cours de cette anesth6sie :

- - l'utilisation d 'une benzodiaz6pine, associ6e un morphinique et h u n neuroleptique, est r6put6e avoir des effets d6presseurs respiratoires. Toute- fois, les doses utilis6es sont trop modestes pour expliquer he l l e s seules une telle d6faillance ;

- - l ' introduction dans l 'espace p6ridural de mor- phiniques peut provoquer une d6pression ventila- toire, surtout si des benzodiaz6pines et des mor - phiniques sont administr6s dans le m6me temps par voie g6n6rale.

Dans cette observation, la d6pression ventila- toire , , st~rement major6e par l'utilisation de ces substances d6pressives centrales, semble plut6t avoir pour m6canisme principal une d6faillance p6riph6rique par atteinte d e s effecteurs respira- toires accessoires. Le tableau clinique, caract6ris6 par une amplitude respiratoire effondr6e avec acc616ration de la fr6quence, permet de mettre en cause en priorit6 l'anesth6sie p6ridurale.

Plusieurs remarques peuvent donc 6tre formu- 16es. En ce qui concerne le choix de cette anesth6- Sie chez une femme op6r6e du rachis, l 'existence possible d'adh6rences au niveau de l 'espace p6ri- dural lombaire peut 6tre responsable d 'une mau- vaise diffusion de l 'anesth6sique local et d 'une inefficacit6 plus ou moins compl6te. Ces adh6- rences peuvent aussi favoriser la migra t ion de l'anesth6sique vers des segments qui ne devraient pas 6tre concern6s sans leur pr6sence. Le choix d 'une anesth6sie p6ridurale chez une femme dont l'6quilibre ventilatoire est pr6caire semble beau- coup plus discutable. Cette malade, obese mod6- r6e, est porteuse d 'une paralysie de l 'h6micoupole diaphragmatique droite. Sa m6canique ventilatoire repose donc sur l 'h6micoupole gauche et sur les muscles respiratoires accessoires. L'utilisation de lignocaine, dont le bloc moteur est puissant, a entrain6 une paralysie de la musculature intercos- tale, d 'autant plus 6tendue que la diffusion du produit a pu se faire pr6f6rentiellement en direc- tion c6phalique. L'extension cervicale (potentielle- ment responsable du bloc phr6nique si les racines C3, C4 et C5 sont atteintes) n'a pas 6t6 observ6e : il y a persistance d 'une motricit6 et d 'une sensibi- lit6 des membres sup6rieurs. La pr6sence d'un syndrome de Claude-Bernard-Homer bilat6ral, t6moin du bloc sympathique dorsal, a masqu6 les signes habituels d 'hypercapnie aigu6 : sueurs, tachycardie, hypertension.

Par contre, l'int6r6t de l'anesth6sie p6ridurale pendant la p6riode postop6ratoire semble d 'autant plus grand que le d6roulement des 6v6nements a montr6 qu'une 16g~re modification de l'6quilibre ventilatoire pouvait entrainer chez cette malade une hypoventilation nette et dangereuse. Ainsi, un tel d6s6quilibre pourra 6tre induit par l 'existence de douleurs postop6ratoires intenses, celles-ci 6tant supprim6es par des injections d'anesth6siques locaux dans le cath6ter p6ridural. Le choix d 'une anesth6sie p6ridurale thoraco-abdominale n6cessite donc une appr6ciation de l 'ensemble de la fonction ventilatoire et plus particuli~rement de l ' aspec t dynamique de celle-ci.

I1 a 6t6 mis en 6vidence une diminution de la capacit6 inspiratoire, de la capacit6 vitale et de la capacit6 pulmonaire totale au cours des anesth6, sies p6ridurales thoraciques (D5-L4) et cervicales (C7-D1), les anesth6sies p6ridurales cervicales 6tant responsables des modifications les plus pro- nonc6es [7]. Par contre, il est constat6 une baisse du volume de r6serve expiratoire et de la capacit6 r6siduelle fonctionnelle, plus importante au cours des anesth6sies p6ridurales thoraciques et thoraco- abdominales (D5-L4), que lors des anesth6sies p6ridurales cervicales [7]. Le volume expiratoire maximal est lui aussi diminu6.

Au cours d 'une anesth6sie p6ridurale thoracique 6tendue du 1 er au 5 e m6tam~re dorsal, une diminu-

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t ion des d6bi ts in sp i ra to i r e s sans modi f i ca t ion des p a r a m 6 t r e s d y n a m i q u e s e x p i r a t o i r e s a 6t6 mise en 6vidence . Chez le su je t sain, ces modi f i ca t ions sont sans cons6quence c l in ique [6]. Pa r con t re l ' e x i s t e n c e d ' u n d y s f o n c t i o n n e m e n t d i a p h r a g m a t i - que do i t fa i re p r6vo i r un effet d616t6re de l ' anes- th6sie p6 r idu ra l e do r sa l e sur la ven t i l a t ion [1]. D e m 6 m e , l ' ex i s tence d ' u n e su rcharge pond6 ra l e , sur- tou t chez le su je t fig6, peu t m a j o r e r les cons6- quences de la pa ra lys ie in t e rcos ta l e [2, 3].

Si, d6s lors , le choix de ce type d ' anes th6s i e est d6cid6, il impose le r ecours h une ven t i l a t ion con- tr616e, r6al is6e au mieux sous na rcose et i n tuba - t ion. L ' e x t u b a t i o n ne se ra r6al is6e que lo r sque les contr61es sp i rom6t r i ques et gazom6t r iques le per - me t t ron t . C e t t e faqon de p r o c 6 d e r doi t ainsi pe r - m e t t r e de fa i re b6n6f ic ier les m a l a d e s d ' u n e anal- g6sie o p 6 r a t o i r e de tr~s b o n n e qual i t6 et le chi rur- g ien de cond i t ions o p 6 r a t o i r e s excel len tes . L ' ana l - g6sie p o s t o p 6 r a t o i r e pa r in jec t ion p6 r idu ra l e d ' anes th6s ique local h c o n c e n t r a t i o n fa ib le et act ivi t6 n6gl igeab le sur les f ibres mot r i ces p e r m e t a lors une am61iorat ion des cons6quences vent i la - to i res de l ' ac te chi rurgica l .

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ABSTRACT: A case is reported of acute respiratory failure occurring during upper abdominal surgery in a patient not previously known to have chronic respiratory failure. Preoperatively, this 68 year old patient presented with mild obesity, slight effort dyspnoea and paralysis of the right hemidiaphragm, a sequela of polytrauma she suffered the year before. Respiratory tests were not considered useful with regard to the results of clinical examination. Moreover, she had already several previous general anaesthetics without any problems. A thoracic epidural anaesthesia was performed with a mixture of 150 mg lidocaine, 37.5 mg bupivacaine with adrenaline and 100 p~g fentanyl, injected in the T8-T9 epidural space via a catheter. Ten minutes after the starting of surgery, the patient became agitated and complained of difficulty in breathing. Blood gas analysis showed hypercapnia, with respiratory acidosis (Pao~ : 28.19 kPa; Pacoz : 9.2 kPa; pH 7.273). Clinical examination revealed a bilateral Homer syndrome (T1-T4 sympathetic blockade). The patient was intubated and ventilated after adequate sedation. She was extubated 3 h 30 rain after the initial epidural injection. Epidural analgesia was maintained during 72 h, with 0.1% bupivacaine, with no recurrence of respiratory failure.