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276 Quel est votre diagnostic ? Imagerie de la Femme 2007;17:276-279 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Quel est votre diagnostic ? Douleurs pelviennes et métrorragies Jocelyne de Laveaucoupet 1 , Marie Mordefroid 1 , Amélie Gervaise 2 , Sophie Prévot 3 , Dominique Musset 1 1. Service d’imagerie, 2. Service de gynécologie-obstétrique, 3. Service d’anatomopathologie, Hôpital Antoine Béclère, 157, rue de la porte de Trivaux, 92140 Clamart. Correspondance : J. de Laveaucoupet, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected] Observation Mme W., âgée de 42 ans, consulte pour métrorragies et douleurs abdomino- pelviennes qui évoluent depuis plusieurs semaines, exacerbées ces derniers jours et associées à une fièvre à 38 ° C. Il s’agit d’une patiente nullipare suivie depuis quelques années par échographie pour un fibrome utérin interstitiel de 8 cm. L’examen clinique retrouve un abdomen souple, un utérus augmenté de taille ; le toucher vaginal est douloureux avec présence de leucorrhées fétides. Le bilan biologique révèle une hyperleucocytose à polynucléaires modérée et une éléva- tion de la CRP. L’échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endovaginale montre un utérus volumineux, siège d’un myome interstitiel corporéal antérieur de 10 cm ; il n’y a pas d’anomalie annexielle ni épanchement pelvien. Dans l’hypothèse d’un fibrome en nécrobiose, un traitement antibiotique, anti- inflammatoire et antalgique est mis en route par voie parentérale. Devant la per- sistance d’une symptomatologie douloureuse et fébrile, une IRM est pratiquée avant d’envisager une hystérectomie (fig. 1). Quel est votre diagnostic ?

Douleurs pelviennes et métrorragies

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Quel est votre diagnostic ?

Imagerie de la Femme 2007;17:276-279© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Quel est votre diagnostic ?

Douleurs pelviennes et métrorragies

Jocelyne de Laveaucoupet

1

, Marie Mordefroid

1

, Amélie Gervaise

2

, Sophie Prévot

3

, Dominique Musset

1

1. Service d’imagerie,2. Service de gynécologie-obstétrique,3. Service d’anatomopathologie, Hôpital Antoine Béclère, 157, rue de la porte de Trivaux, 92140 Clamart.

Correspondance : J. de Laveaucoupet, à l’adresse ci-dessus.Email : [email protected]

Observation

Mme W., âgée de 42 ans, consulte pour métrorragies et douleurs abdomino-pelviennes qui évoluent depuis plusieurs semaines, exacerbées ces derniers jourset associées à une fièvre à 38

°

C. Il s’agit d’une patiente nullipare suivie depuisquelques années par échographie pour un fibrome utérin interstitiel de 8 cm.L’examen clinique retrouve un abdomen souple, un utérus augmenté de taille ;le toucher vaginal est douloureux avec présence de leucorrhées fétides. Le bilanbiologique révèle une hyperleucocytose à polynucléaires modérée et une éléva-tion de la CRP. L’échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endovaginalemontre un utérus volumineux, siège d’un myome interstitiel corporéal antérieurde 10 cm ; il n’y a pas d’anomalie annexielle ni épanchement pelvien. Dansl’hypothèse d’un fibrome en nécrobiose, un traitement antibiotique, anti-inflammatoire et antalgique est mis en route par voie parentérale. Devant la per-sistance d’une symptomatologie douloureuse et fébrile, une IRM est pratiquéeavant d’envisager une hystérectomie

(fig. 1)

.

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Figure 1. IRM pelvienne.• a : Coupe sagittale T2.• b : Coupe axiale T2.• c : Coupe axiale T1 avec suppression de graisse.• d : Coupe sagittale T1 avec suppression de graisse et injec-tion de gadolinium.• e : Coupe axiale T1 avec suppression de graisse et injection de gadolinium.

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Diagnostic

Léiomyosarcome utérin

Discussion

Le diagnostic clinique porté étaitcelui de volumineux fibrome ennécrobiose compte tenu de l’antécé-dent de fibrome connu et du tableauclinique inflammatoire et infectieux.Toutefois, à l’IRM, la masse présen-tait des caractères en faveur de lamalignité : volumineuse masse myo-métriale corporéale antérieure par-tiellement encapsulée avec signes derupture capsulaire en regard de lacavité utérine

(fig. 1a,

b)

, présentantdes remaniements hémorragiquesen hypersignal T1 avec suppressionde graisse

(fig. 1c)

et nécrotiques enhypersignal T2, avec une prise decontraste intense des portions solidesaprès injection

(fig. 1d,

e)

. La patienteest hystérectomisée par voie hautequelques jours après son admissionen raison de l’absence d’améliorationclinico-biologique sous traitementmédical.

Le diagnostic anatomopathologi-que révèle un léiomyosarcome (LMS)de type III envahissant plus de la moi-tié du myomètre, à forte composantenécrotique

(fig. 2)

. La patiente esttraitée par radiothérapie pelviennecomplétée par une curiethérapie vagi-

nale. Un an après l’intervention, elleest hospitalisée pour dyspnée etaltération de l’état général. Le bilanréalisé découvre des métastases pul-monaires et pancréatiques et unechimiothérapie est instituée.

Le léiomyosarcome est unetumeur rare représentant 1,3 % destumeurs malignes de l’utérus et plusde 50 % des sarcomes utérins [1]. Ils’agit d’une tumeur développée auxdépens des éléments mésenchymateuxdu myomètre. Des facteurs de risqueont pu être rapportés comme l’irra-diation pelvienne et l’utilisation dutamoxiphène dans le cancer du sein.Le diagnostic se fait le plus souventau cours d’une hystérectomie pourfibrome et il s’agit, en général, depatientes ménopausées ; l’âge moyende découverte est de 50-55 ans [2].

Les manifestations cliniques :métrorragies, douleurs pelviennes, nesont pas spécifiques ce qui le renddifficile à différencier du léiomyomesimple. De rares cas de tumeursnécrosées accouchées par le col ontété rapportés [3].

Macroscopiquement, il s’agitd’une masse solitaire, mais des foyersmultiples peuvent être retrouvés surune pièce d’hystérectomie [1] ; lamasse est souvent volumineuse (dia-mètre moyen : 6 cm), présentant descontours irréguliers et des zonesd’hémorragie et de nécrose. Sur le

Figure 2. Macroscopie de la pièce opératoire. Masse intra-myométriale refoulant la cavité utérine, d’aspect nécrosée et hémorragique.

plan microscopique, le LMS estune tumeur du muscle lisse utérinconstituée de cellules allongées, àcytoplasme effilé clair, groupées enfaisceaux plus ou moins bien indivi-dualisés, séparés par des capillairesnombreux. Le diagnostic histologiquerepose sur l’association d’atypies cellu-laires et du nombre de mitoses (acti-vité mitotique supérieure à 10 pour10 champs à fort grossissement). Lepronostic est lié au stade tumoral, laclassification utilisée étant la mêmeque pour les carcinomes utérins. Engénéral, l’extension ganglionnairen’est présente qu’en cas d’envahisse-ment péritonéal, la dissémination sefaisant plutôt par voie hématogènevers les poumons, mais également auxreins, foie et encéphale. Le taux desurvie à 5 ans est estimé à 50 à 60 %pour le stade I, et 15 % pour les stadesplus avancés. Le taux de récidive pourles stades I-II est d’environ 70 %. Lestatut hormonal de la femme joue unrôle dans le pronostic, la survie étantmeilleure pour les femmes non méno-pausées [3].

L’échographie est peu spécifiquemontrant un utérus volumineux diffi-cilement explorable par voie endo-vaginale ; l’aspect de fibrome remaniéest le plus souvent rencontré [2, 3].L’examen scanographique n’apporteaucun argument diagnostique, met-tant en évidence un gros utérusd’allure fibromateux, présentant deszones inhomogènes de faible densitéet parfois des zones hémorragiques.L’IRM pelvienne apparaît comme latechnique d’imagerie la plus appro-priée grâce à ses possibilités de carac-térisation tissulaire. L’étude comportedes séquences pondérées T1 et T2 etune injection de gadolinium. Le plussouvent il s’agit d’une masse utérineen hypersignal hétérogène T2 à fortecomposante nécrotique présentantdes bords irréguliers et des zoneshémorragiques en hypersignal T1avec suppression de graisse. La prisede contraste est intense et hétérogèneau niveau des portions solides, mais latumeur peut se révéler comme unfibrome simple en hyposignal T1 etT2 [4]. L’IRM permet de préciser le

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franchissement de la zone de jonctionavec l’endomètre, l’extension locoré-gionale et la présence d’éventuellesadénopathies. Le problème diagnosticse pose avec le léiomyome en nécro-biose qui présente également une aug-mentation du signal en T2 et une prisede contraste. L’étude dynamiqueaprès injection de gadolinium paraîtintéressante pour différencier les deuxentités : un rehaussement dynamiqueprécoce est présent dans tous les casde LMS (10 cas) et absent dans la plu-part des fibromes en dégénérescence(28/32 cas) [5]. En IRM, les autres dia-gnostics différentiels à évoquer devantune masse utérine sont l’adénomyosefocale et le carcinome de l’endomètremais elles présentent des caractéristi-ques propres : l’adénomyose apparaîttypiquement comme une zone maldéfinie en hyposignal T2 au seind’une hypertrophie du myomètre,siège de spots en hypersignal T2correspondant à du tissu endométrialectopique hémorragique. Le carci-nome de l’endomètre correspond àune masse tissulaire développée à par-tir de l’endomètre venant envahir lemyomètre.

Les biopsies endométriales ontune faible positivité car la tumeur estrecouverte d’endomètre sain. Pour

mieux dépister les sarcomes utérinschez les patientes présentant unemasse utérine évoquant un fibrome,certains auteurs préconisent la réa-lisation de biopsies transcervicalescombinées à l’IRM. Le traitement estchirurgical, constituant en une hysté-rectomie avec annexectomie bilaté-rale et biopsie des ganglions palpablesen per-opératoire, complété par uneradiothérapie pelvienne qui a pourbut de diminuer l’incidence des réci-dives locales. Une chimiothérapieadjuvante est instituée en cas demétastases.

Conclusion

Le léiomyosarcome utérin est unetumeur rare dont le diagnostic pré-opératoire reste difficile, la tumeur seprésentant souvent sous forme d’unfibrome utérin banal ou en nécrobiosehémorragique d’interface mal limitéeavec le myomètre normal, d’oùl’importance d’une surveillanceétroite de toute femme porteuse defibrome utérin. L’hypothèse d’un sar-come doit être évoquée devant uneaugmentation rapide de volume dumyome, surtout chez une patienteménopausée, ou devant un myomerécidivant plusieurs fois rapidement.

Le diagnostic peut être orienté parl’IRM et sera confirmé par l’examenhistologique d’une biopsie si possible,sinon par l’examen anatomopatholo-gique extemporané d’une pièce demyomectomie d’aspect macroscopi-que atypique. Le pronostic globalreste sombre malgré les différentesalternatives thérapeutiques.

Références

[1] Moinfar F, Azodi M, Tavassoli FA. Ute-rine sarcomas. Pathology 2007;39:55-71.

[2] Ben Amara F, Idrissi A, Khemiri H, BenAmar S, Guermazi M, Bouzid F, et al.Uterine leiomyosarcoma: report of sevencases and review of literature. Tunis Mes2004;82:223-8.

[3] Sassini A, Khemiri S, Sfar E, Chelly D,Chennoufi MB, Chelly H. Uterine sar-comas: clinical and therapeutic aspects(10 cases). J Gynecol Obstet Biol Reprod2006;35:348-55.

[4] Rha SE, Byun JY, Jung SE, Lee SL,Cho SM, Hwang SS, et al. CT and MRIof uterine sarcomas and their mimickers.Am J Roentgenol 2003;181:1369-74.

[5] Goto A, Takeuchi S, Sugimura K,Maruo T. Usefulness of Gd-DTPAcontrast-enhanced dynamic MRI andserum determination of LDH and itsisoenzymes in the differential diagno-sis of leiomyosarcoma from degeneratedleiomyoma of the uterus. Int J Gyne-col Cancer 2002;12:354-61.