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UNIVERSITE EVRY-VAL-D’ESSONNE FACULTE DE DROIT COURS DE CLAIRE BRICE-DELAJOUX TD DE S. SLAMA, D. RICCARDI ET C. GONZALEZ PALACIOS LICENCE DROIT, 3 E ANNÉE, 2010-2011 (2 ÈME SEMESTRE) FASCICULE 6 Protection internationale et européenne des droits fondamentaux Droit des libertés fondamentales i

FASCICULE 6 Protection internationale et européenne …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-lf-2010... · 4. CE 22 septembre 1997, Mlle Cinar 5. Cass. 1ère Civ

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UNIVERSITE EVRY-VAL-D’ESSONNE

FACULTE DE DROIT

COURS DE CLAIRE BRICE-DELAJOUX

TD DE S. SLAMA, D. RICCARDI ET C. GONZALEZ PALACIOS

LICENCE DROIT, 3E ANNÉE, 2010-2011 (2ÈME SEMESTRE)

FASCICULE 6Protection internationale et européenne des

droits fondamentaux

Droit des libertés fondamentales

i

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Contrôle de « conventionnalité » des lois – Répartition des compétences 1. CC 15 janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse

2. CC 30 mars 2006 Lois pour l’égalité des chances3. CE Ass. 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques

Sur l’applicabilité directe des Conventions internationales4. CE 22 septembre 1997, Mlle Cinar5. Cass. 1ère Civ 18 mai 2005, n°02-16336

Invocabilité directe/ d’exclusion d’une directive et protection des droits fondamentaux6. CE, avis du 21 mars 2011, MM. Jia et Thirio

Droit communautaire et respect des droits fondamentaux7. CJCE 1975, Rutili c/ ministère de l’Intérieur Rapport droit communautaire et droit constitutionnel / respect droits fondamentaux8. CC 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l’Europe9. CC 27 juillet 2006 Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de

l'information (DADVSI)10. CE Ass. 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine

CJCE, GC, 16 décembre 2008, Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a.11. Traité sur l’Union européenne, dans sa version modifiée par le traité de Lisbonne, art. 612. CE Sect. 10 avril 2008, CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et autres13. CJCE, 3 sept. 2008, Yassin Abdullah KADI

La QPC est-elle encore prioritaire ?1. Cass., Ass. Pl. QPC 16 avr. 2010, Abdeli et Melki2. Cons. constit. décision n°2010-605 DC du 12 mai 2010 Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à

la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en lignePaul Cassia et Emmanuelle Saulnier-Cassia, « Imbroglio autour de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », Dalloz 2010 p. 1234.3. CE 14 mai 2010, M. Senad Rujovic4. CJUE, 22 juin 2010, Aziz Melki et Sélim Abdeli5. Cass, Ass. Pl., 29 juin 2010, Melki et Abdeli IIPhilippe Yolka, « Question prioritaire de constitutionnalité : Le Bon, la Brute et le Truand », JCP A n° 11, 14 Mars 2011, act. 1906. Cons. constit. décision n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010, M. Kamel D[aoudi]

D O C U M E NT S

J O I N T S

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J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 2e éd. 2001.

J-F. RENUCCI, Traité de droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 2007.

F. SUDRE, La convention européenne des droits de l'homme, Que sais-je ? n° 2513 F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, Droit

fondamental, 10 éd. 2010.Priorité/ Contrôle constitutionalité- conventionnalité (dialogue et guerre des juges)

- BARTHELEMY Jean, « Les cas dans lesquels la question de constitutionnalité n'est pas prioritaire », Constitutions. 2011, n° 4, p. 549-553

- LEVADE Anne, « Dialogue contradictoire autour de l'arrêt de la Cour de justice : le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité est-il compatible avec le droit de l'Union ? », Constitutions., 2011, n° 4, p. 520-525

- MANIN Philippe, « La question prioritaire de constitutionnalité et le droit de l'Union européenne. Un bilan provisoire », AJDA, n°39, p. 2188-2196

- PRETOT Xavier, « La Constitution, la loi et le droit de l’Union européenne. Réflexions sur le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité », Revue de jurisprudence sociale, n°11, p. 73-4-747

- GADHOUM Pierre-Yves, « Repenser la priorité de la QPC », Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'étranger, 2010, n° 6, p. 1709-1727

- MILLET François-Xavier, « Le dialogue des juges à l'épreuve de la QPC », Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'étranger, 2010, n° 6, p. 1729-1750

- MAGNON Xavier, « La QPC face au droit de l'Union : la brute, les bons et le truand », Revue française de droit constitutionnel, octobre 2010, n° 84, p. 761-791

- LEVADE Anne, « Priorité n'est pas primauté ou comment articuler contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité », Constitutions, 2010, n° 2, p. 229-232,

- DUTHEIL de la ROCHERE Jacqueline, « La question prioritaire de constitutionnalité et le droit européen. La porte étroite », Revue trimestrielle de droit Européen, n° 3 p. 577-587

- GAUTIER Marie, « QPC et droit communautaire. Retour sur une tragédie en cinq actes » JCP droit administratif, n° 10, p. 13-19

- HOUSER Matthieu, « Question prioritaire de constitutionnalité et renvoi préjudiciel : La Cour de justice s’en mêle … sagement », Les petites affiches, n° 191, p. 5-9

- CROZE Hervé, « L'application immédiate du droit de l'Union européenne : un obstacle à la transmission d'une QPC », La Semaine juridique, n°38 p. 1741-1748

- KLEITZ Clémentine, « QPC : "don't disturb" », Gazette du Palais, n°251-525, p. 3- BOUCARD François, « Premières décisions du Conseil constitutionnel en matière de

QPC : l'instauration d'un nouveau dialogue entre les Cours suprêmes », Procédures, n°8-10

- LEVADE Anne, « Les "petits cailloux" du Conseil constitutionnel ou les décisions anticipatrices de la QPC », Annuaire International de Justice Constitutionnelle, n° XXV – 2009, p. 11-27

- CHALTIEL Florence, « La Cour de justice de l'Union européenne poursuit le dialogue sur les rapports entre conventionnalité et constitutionnalité », Les Petites Affiches, n° 153-154

B I B L I O -G R A P H I E

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- SIMON Denys RIGAUX Anne, « Perseverare autem diabolicum ? La Cour de cassation refuse définitivement de donner effet à la question prioritaire de constitutionnalité... », Europe, n° 8/9

- CHALTIEL Florence, « La Cour de cassation persiste et signe sur la question prioritaire de constitutionnalité », Les Petites Affiches, n° 155-156

- PERRIER Jean-Baptiste, « La CJUE et la question prioritaire de constitutionnalité : entre primauté et priorité », Les Petites Affiches, n° 172

- LABAYLE Henri, « Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle : ordonner le dialogue des juges? », RFDA, n°4, p. 659-678

- DONNAT Francis, « La Cour de justice et la QPC : chronique d'un arrêt prévisible et imprévu », Recueil Dalloz, n° 26

- ROUSSEAU Dominique, « La QPC, évidemment eurocompatible, évidemment utile », Gazette du Palais, n° 178-180

- SIMON Denys RIGAUX Anne, « Solange, le mot magique du dialogue des juges… », Europe, n° 7

- SCANVIC Frédéric, « La question de constitutionnalité est-elle vraiment prioritaire ? », AJDA, n°26

- BOUCARD François, « La question prioritaire de constitutionnalité et les cours suprêmes. Une partie de billard à trois branches », La Semaine Juridique. Edition Générale, n° 30-34

- SIMON Denys RIGAUX Anne, « Le feuilleton de la question prioritaire de constitutionnalité : Drôle de drame, Quai des brumes, Le jour se lève ? », Europe, n°6

- KIRSEY Valeriya PORTELLI Hugues, « Droits fondamentaux : du bon usage de la guerre des juges par le justiciable », La Semaine Juridique. Edition Générale, n° 28-29, p. 1468 - 1475

- CHALTIEL Florence, « Des premières vicissitudes de la dichotomie entre contrôle de conventionnalité et contrôle de constitutionnalité (A propos de la décision de la Cour de cassation du 16 avril 2010) », Les Petites Affiches mai 2010

- ROUSSEAU Dominique, « Toujours Vive la QPC ? Oui ! », Gazette du palais, n° 143-147 mai 2010

- GAUTIER Marie ; MAGNON Xavier, « Question prioritaire de constitutionnalité et question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne », RFDA mai 2010

- SIMON Denys RIGAUX Anne, « Drôle de drame : la Cour de cassation et la question prioritaire de constitutionnalité », Europe, n°5, p. 5

- MANIN Philippe, « La question prioritaire de constitutionnalité et le droit de l'Union européenne (Cass. 16 avril 2010, n° 10-40001) » AJDA, n°18, p.1023

- BURGORGUE-LARSEN Laurence, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité » RFDA, juillet 2009 n° 4, p. 787-799

- RIDEAU Joël, « Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité: les orphelins de la pyramide », Revue du droit public, janv 2009 n° 3, p. 601 à 630

- SUDRE Frédéric, « Question préjudicielle de constitutionnalité et Convention européenne des droits de l'homme », Revue du droit public, janv 2009 n° 3, p. 671 à 684

- CASSIA Paul SAULNIER-CASSIA Emmanuelle, « Contrôle de constitutionnalité a posteriori et contrôle de conventionnalité de la loi : une coexistence impossible ? juin 2008 », Recueil Dalloz, n°3, p. 166 et 167

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-Contrôle de « conventionnalité » des lois – Répartition des

compétences

Le Conseil constitutionnel,Saisi le 20 décembre 1974 par MM Jean FOYER, (…) [60 députés], dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement ;

Vu les observations produites à l'appui de cette saisine ;Vu la Constitution, et notamment son préambule ;Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958

portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;Ouï le rapporteur en son rapport ;

Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ;Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie." ;Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l'article de celle-ci ;Considérant, en effet, que les décisions prises en application de l'article 61 de la Constitution revêtent un caractère absolu et définitif, ainsi qu'il résulte de l'article 62 qui fait obstacle à la promulgation et à la mise en application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle ; qu'au contraire, la supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l'article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d'une part, à ce qu'elle est limitée au champ d'application du traité et, d'autre part, à ce qu'elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s'apprécier le respect de cette condition ;Considérant qu'une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution ;Considérant qu'ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l'article 55 de la Constitution ne saurait s'exercer dans le cadre de l'examen prévu à l'article 61, en raison de la différence de nature de ces deux contrôles ;Considérant que, dans ces conditions, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; Considérant, en second lieu, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, qu'il s'agisse d'une situation de détresse ou d'un motif thérapeutique ; que, dès

1. Cons. contit. Déc. n° 74-54 du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse

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lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;Considérant que la loi déférée au Conseil constitutionnel n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu'elles définit ;Considérant qu'aucune des dérogations prévues par cette loi n'est, en l'état, contraire à l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l'enfant la protection de la santé, non plus qu'aucune des autres dispositions ayant valeur constitutionnelle édictées par le même texte ;Considérant, en conséquence, que la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ne contredit pas les textes auxquels la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence dans son préambule non plus qu'aucun des articles de la Constitution ;Décide :ARTICLE PREMIER - Les dispositions de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, déférée au Conseil constitutionnel, ne sont pas contraires à la Constitution.ARTICLE 2 - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

. En ce qui concerne les griefs tirés de la violation de la Charte sociale européenne, de la convention internationale du travail n° 158 et de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 :

26. Considérant que les requérants soutiennent que l'article 8 de la loi déférée est incompatible avec la Charte sociale européenne, la convention

internationale du travail n° 158 ainsi qu'avec la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 susvisée ;

27. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : " Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie " ; que, toutefois, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; qu'ainsi, les griefs tirés de la violation de la convention internationale du travail n° 158 et de la Charte sociale européenne ne peuvent qu'être écartés ;

28. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; que, si la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les dispositions d'une directive communautaire qu'elle n'a pas pour objet de transposer en droit interne ; qu'ainsi, le grief tiré de la violation de la directive susvisée du 27 novembre 2000 doit être écarté ;

2 Conseil constitutionneln° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances

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Vu 1°) sous le n° 105 743, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 10 mars 1989 et 6 juillet 1989, présentés pour la Confédération nationale des associations familiales catholiques (C.N.A.F.C.), dont le siège est 28 place Saint-Georges à Paris (9ème) et représentée par son président en exercice ; la confédération demande au Conseil d'Etat : d'annuler l'arrêté du ministre de la solidarité, de la

santé et de la protection sociale en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l'administration de la spécialité Mifégyne 200 mg ; (…)

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme publiée le 9 février 1949 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la France a adhéré par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi 73-1227 du 31 décembre 173 et publiée par décret du 3 mai 1974 ;Vu le code de la santé publique ; Vu la loi 75-17 du 17 janvier 1975 ; (…)

Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 17 janvier 1975, du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de traités internationaux :Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d'interrompre la grossesse ; que son emploi est, dès lors soumis, de plein droit, aux règles posées en la matière par les articles L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse ; que l'arrêté attaqué n'édicte aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu'il puisse être procédé à une interruption de grossesse ; que la circonstance que cette référence à ces conditions figure non dans le corps de l'autorisation de mise sur le marché mais dans une annexe à cette décision, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; Considérant qu'en invoquant la violation de principes ou textes de valeurs constitutionnelle ou internationale, les requérants mettent, en réalité, en cause non la légalité de l'arrêté attaqué, mais la compatibilité des articles ci-dessus rappelés du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 avec les principes et actes dont ils invoquent la violation ; Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité de la loi avec des principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; Considérant, s'agissant du moyen tiré de la violation de traités internationaux, que la seule publication faite au Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de la déclaration universelle des droits de l'homme ne permet pas de ranger cette dernière au nombre des traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, "une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;Considérant, s'agissant de l'incompatibilité des dispositions législatives ci-dessus rappelées avec les autres actes invoqués par les requérants, que l'article 2-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974, stipule que "le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement" et que, selon l'article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques auquel le législateur français a autorisé l'adhésion par la loi du 25 juin 1980, et dont le texte a été annexé au décret du 29 janvier 1981 publié le 1er février 1981 "le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie" ; Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 17 janvier 1975 : "La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limites définies par la présente loi" ; qu'eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse, prises dans leur ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du pacte international sur les droits civils et politiques ; [rejet]

3. Conseil d'EtatAss., 21 décembre 1990 CNAFC et autres

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Applicabilité directe/ non applicabilité directe des conventions internationales

Illustration avec la CIDE

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1994, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 septembre 1994 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée pour Mlle CINAR ;

Vu la requête, enregistrée à la cour administrative d'appel de Nancy, présentée pour Mlle Yeter CINAR, demeurant 13/181 rue Dassenoy à Metz (57050) ; Mlle CINAR demande à la cour administrative d'appel : 1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 25 novembre 1993 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé d'autoriser le séjour en France de son fils ; 2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; (…)

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Yeter CINAR célibataire de nationalité turque, titulaire d'une carte de résident de 10 ans qui lui avait été délivrée le 12 juin 1992 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial avec ses parents, a irrégulièrement ramené de Turquie en France, le 13 janvier 1993 son fils Tolga, alors âgé de 4 ans, puis a demandé au préfet de la Moselle, l'admission au séjour de cet enfant, dans le cadre du regroupement familial ; que le préfet, par décision du 25 novembre 1993, a, d'une part rejeté sa demande en se fondant sur le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'enfant et, d'autre part enjoint à Mlle CINAR de prendre toutes dispositions nécessaires pour faire quitter la France au jeune Tolga dans le délai d'un mois ;

4. CE 22 septembre 1997, Cinar

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Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni le père de l'enfant, qu'il ne connaissait pas, et qui n'avait jamais fourni aucune aide pour son éducation, ni aucune autre personne proche de la famille, ne pouvait recevoir l'enfant en Turquie ; que dans ces conditions, la décision du préfet de renvoyer le jeune Tolga en Turquie et de le séparer, même provisoirement de sa mère, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et doit être regardée comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle CINAR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle ;

DECIDE :Article 1er : Le jugement en date du 19 juillet 1994 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 25 novembre 1993 du préfet de la Moselle sont annulés.Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Yeter CINAR et au ministre de l'intérieur.

Publié au bulletin

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les articles 3-1 et 12-2 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble les articles 388-1 du Code civil et 338-1, 338-2 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que lorsque le mineur capable de discernement demande à être entendu, il peut présenter sa demande au juge en tout état de la procédure et même, pour la première fois, en cause d'appel ; que son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée ; Attendu que l'enfant Chloé X..., née le 31 août 1990, dont la résidence a été fixée chez sa mère au Etats-Unis, a demandé, en cours de délibéré, par lettre transmise à la cour d'appel, à être entendue dans la procédure engagée par son père pour voir modifier sa résidence ; que l'arrêt attaqué ne s'est pas prononcé sur cette demande d'audition de l'enfant ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit de celui-ci à être entendu lui imposaient de prendre en compte la demande de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; Condamne Mme Y..., épouse Z... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

v. antérieurement Cass. 1ère civ. 10 mars 1993, M. Le Jeune c/ Mme Sorel

5. Cour Cassation1ère civ. 18 mai 2005

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Invocabilité directe/ d’exclusion d’une directive et protection des droits fondamentaux

n° s 345978 et 346612

Vu, 1° sous le n° 345978, le jugement n° 1100323 du 20 janvier 2011, enregistré le 21 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par lequel le tribunal administratif de

Montreuil, avant de statuer sur la demande de M. J. tendant, d’une part, à l’annulation de l’arrêté du 14 janvier 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination, ainsi que de l’arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l’a placé en rétention administrative, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au préfet de lui délivrer sous astreinte une autorisation provisoire de séjour, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : « Les dispositions des articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sont-elles précises et inconditionnelles et, par suite, directement invocables en droit interne en l’absence de transposition par le législateur ? » (…)

Vu, 2° sous le n° 346612, le jugement n° 1100870 du 10 février 2011, enregistré le 11 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par lequel le tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de M. T. tendant, d’une part, à l’annulation de l’arrêté du 3 février 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : « Lorsque la décision ordonnant la reconduite à la frontière d’un étranger ne prévoit pas un délai approprié pour le départ de l’intéressé, les dispositions du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne prévoient aucun délai, sont-elles compatibles avec les stipulations des articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ? » (…) Rend l’avis suivant : 1. Le Parlement européen et le Conseil ont pris, le 16 décembre 2008, une directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. L’article 7 de cette directive, relatif au « départ volontaire », dispose que : « 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire

6. CE, avis du 21 mars 2011MM. Jia et Thirio

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d’une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux. / 3.Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ». Le 7) de l’article 3 de la même directive définit ce « risque de fuite» comme « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite ».

L’article 8 de la même directive, intitulé « éloignement », dispose, quant à lui, que : « 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l’article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu’après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l’article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l’éloignement (…) ». Enfin, l’article 12, paragraphe 1, de la directive dispose que : « Les décisions de retour (…) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles ». 2. La transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle. Pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut, en conséquence, faire valoir, par voie d’exception, qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu’elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières. Il peut également se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.

S’agissant de la directive du 16 décembre 2008, le délai imparti aux Etats membres pour la transposer expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010.

3. Il résulte clairement de l’article 7 de la directive du 16 décembre 2008 qu’une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d’un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l’étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article.

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Il résulte aussi clairement de l’article 8 de la directive que les Etats membres prennent toutes les mesures pour mettre à exécution une décision de retour ne comportant, lorsque cela est autorisé, aucun délai ou lorsque le délai laissé au ressortissant de pays tiers est expiré, à moins que l’un des risques mentionnés à l’article 7, paragraphe 4, n’apparaisse au cours de ce délai, auquel cas la décision de retour peut être immédiatement exécutée.

Les dispositions du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en ce qu’elles n’imposent pas qu’une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d’un délai approprié pour le départ volontaire d’un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l’article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8. Les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu’une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l’encontre d’unressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l’article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d’un délai de retour approprié à la situation de l’intéressé et supérieur à sept jours. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu’une mesure de reconduite à la frontière soit prise, sans être assortie d’un tel délai, dans les cas prévus aux 5°, 7° et 8° du même II de l’article L. 511-1, à la condition que ce délai réduit, voire l’absence de délai, soient justifiés par la situation du ressortissant de pays tiers. Il en va de même dans le cas prévu au 3° du II, à la condition que l’obligation initiale de quitter le territoire ait été prise conformément aux exigences de forme et de fond prévues par les dispositions des articles 7 et 12 de la directive.

4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne que les dispositions d’une directive sont suffisamment précises dès lors qu’elles énoncent une obligation dans des termes non équivoques et qu’elles sont inconditionnelles lorsqu’elles énoncent un droit ou une obligation qui n’est assorti d’aucune condition ni subordonné, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte soit des institutions de l’Union européenne, soit des Etats membres.

La Cour a aussi indiqué, notamment dans son arrêt du 19 janvier 1982 rendu dans l’affaire 8/81, Ursula Becker, que la circonstance qu’une directive comporte, pour les Etats membres, une marge d’appréciation plus ou moins grande pour la mise en oeuvre de certaines de ses dispositions ne saurait empêcher les particuliers d’invoquer les dispositions de cette directive qui, compte tenu de leur objet propre, en sont divisibles et peuvent être appliquées séparément. Cette garantie minimale, en faveur des justiciables lésés par l’inexécution de la directive, découle du caractère contraignant de l’obligation de transposition imposée aux Etats membres, laquelle serait privée de toute efficacité s’il était permis à ces derniers de faire obstacle, par leur carence, aux effets qu’en fonction de leur contenu, certaines dispositions d’une directive sont susceptibles, de produire.

5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les articles 7 et 8 de la directive énoncent des obligations en des termes non équivoques, qui ne sont assorties d’aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à l’intervention d’aucun acte des institutions de l’Union européenne ou des Etats membres. A cet égard, la faculté laissée aux Etats membres par le paragraphe 1 de l’article 7 de la directive de prévoir que le délai de retour ne sera accordé qu’à la demande du ressortissant d’un pays tiers ne fait pas obstacle au caractère inconditionnel et suffisamment précis de ces dispositions, dès lors que, si l’Etat membre n’a pas prévu des dispositions en ce sens dans sa législation nationale, il est réputé ne pas avoir exercé la faculté qui lui est ainsi offerte par la directive.

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De même, aussi longtemps que l’Etat n’a pas fixé dans sa législation nationale, ainsi que l’imposent les dispositions du 7) de l’article 3 de la directive du 16 décembre 2008, les critères objectifs sur la base desquels doit être appréciée l’existence d’un « risque de fuite », il ne peut pas se prévaloir de l’exception prévue par le paragraphe 4 de l’article 7 dans une telle hypothèse. Dès lors que les autres dispositions de l’article 7 peuvent trouver à s’appliquer sans cette exception, cette dernière doit être considérée comme divisible. Ainsi qu’il a été dit plus haut, l’Etat ne saurait se prévaloir de son propre manquement dans la transposition de celles des dispositions de la directive pour lesquelles il pouvait mettre en oeuvre une marge d’appréciation. Il en résulte que les dispositions des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008, qui sont inconditionnelles et suffisamment précises, sont susceptibles d’être invoquées par un justiciable à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire.

6. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montreuil, à M. J., à M. T. et au ministre de ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Il sera publié au Journal officiel de la République française. »

Sur l’invocabilité directe et d’exclusion CE, Ass., 30 octobre 2009, Perreux, n°298 348 CE, Ass., 30 octobre 1996, Cabinet Revert et Badelon, n° 45126 CE, sect. 3 décembre 1999, Association ornithologique et mammalogique de Saône

et Loire et association France nature environnement, N°199622 CJCE 19 septembre 2000, Luxembourg c/ consorts Lintser, aff.C-287/98

Sur la prohibition de l’effet vertical descendant et de l’effet horizontal CJCE 5 avril 1979, Ratti, aff.148/78; CJCE, 26 février 1986, Marshall, n°152/84, p. 723 CE Sect 23 juin 1995, SA Lilly France, Rec. CE p.257, concl. C. Maugüé; RFDA

1995.1037, concl. C. Maugüé; AJDA 1995.496, chron. Stahl et Chauvaux.

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Protection des droits fondamentaux dans le droit de l’Union européenne et rapports droit communautaire/ CEDH

DANS L ' AFFAIRE 36-75

AYANT POUR OBJET LA DEMANDE ADRESSEE A LA COUR , EN APPLICATION DE L ' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE , PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ET TENDANT A OBTENIR , DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT CETTE JURIDICTION ENTRE

Motifs de l'arrêt

« 1 ATTENDU QUE , PAR JUGEMENT DU 16 DECEMBRE 1974 , PARVENU AU GREFFE DE LA COUR LE 9 AVRIL 1975 , LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS A POSE , EN VERTU DE L ' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE , DEUX QUESTIONS RELATIVES A L ' INTERPRETATION DE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC DANS L ' ARTICLE 48 DU TRAITE CEE , COMPTE TENU DES MESURES PRISES POUR LA MISE EN OEUVRE DE CET ARTICLE , NOTAMMENT DU REGLEMENT NO 1612/68 ET DE LA DIRECTIVE NO 68/360 DU CONSEIL , DU 15 OCTOBRE 1968 , CONCERNANT LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS ( JO NO L 257 , P . 2 ET 13 ) ;

2 QUE CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES DANS LE CADRE D ' UN RECOURS INTRODUIT PAR UN RESSORTISSANT ITALIEN , DEMEURANT DANS LA REPUBLIQUE FRANCAISE , A L ' ENCONTRE D ' UNE DECISION ATTRIBUANT A L ' INTERESSE UNE CARTE DE SEJOUR DE RESSORTISSANT D ' UN ETAT MEMBRE DE LA CEE ASSORTIE D ' UNE INTERDICTION DE SEJOUR DANS CERTAINS DEPARTEMENTS FRANCAIS ;

3 QU ' IL RESSORT DU DOSSIER DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ET DES DEBATS DEVANT LA COUR QUE LE REQUERANT AU PRINCIPAL A ETE , EN 1968 , L ' OBJET D' ABORD D ' UN ARRETE D ' EXPULSION , PUIS D ' UN ARRETE D ' ASSIGNATION A RESIDENCE DANS UN DEPARTEMENT DETERMINE ;

4 QUE , LE 23 OCTOBRE 1970 , CETTE MESURE A ETE REMPLACEE PAR L ' INTERDICTION DE SEJOUR DANS QUATRE DEPARTEMENTS , DONT LE DEPARTEMENT DANS LEQUEL L ' INTERESSE AVAIT SON DOMICILE ET OU CONTINUE A RESIDER SA FAMILLE ;

(…)6 QU ' IL APPARAIT DES INDICATIONS DONNEES PAR LE MINISTERE DE L ' INTERIEUR AU

TRIBUNAL ADMINISTRATIF , CONTESTEES IL EST VRAI PAR LE REQUERANT AU PRINCIPAL , QU ' IL EST FAIT GRIEF A L ' INTERESSE D ' ACTIVITES DE CARACTERE POLITIQUE ET SYNDICAL AU COURS DES ANNEES 1967 ET 1968 ET QUE LA PRESENCE DE CELUI-CI DANS LES DEPARTEMENTS VISES PAR LA DECISION EST CONSIDEREE POUR CETTE RAISON COMME ETANT " DE NATURE A TROUBLER L ' ORDRE PUBLIC " ;

7 QU ' EN VUE DE RESOUDRE LES QUESTIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE SOULEVEES DANS CE LITIGE AU REGARD DES PRINCIPES DE LIBRE CIRCULATION ET D ' EGALITE DE TRAITEMENT DES TRAVAILLEURS DES ETATS MEMBRES , LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A POSE A LA COUR DEUX QUESTIONS DESTINEES A PRECISER LA PORTEE DE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC INSCRITE A L ' ARTICLE 48 DU TRAITE ; (…)

SUR LA DEUXIEME QUESTION 22 ATTENDU QUE , PAR LA DEUXIEME QUESTION , IL EST DEMANDE DE PRECISER LE SENS

QU ' IL CONVIENT D ' ATTRIBUER DANS L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , DU TRAITE -

07. CJCE 28 octobre 1975, Roland Rutili contre Ministre de l'intérieur

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"SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D ' ORDRE PUBLIC " - AU MOT " JUSTIFIEES " ,

23 ATTENDU QUE , DANS CETTE DISPOSITION , L ' EXPRESSION " LIMITATIONS JUSTIFIEES " SIGNIFIE QUE NE SONT ADMISSIBLES , EN CE QUI CONCERNE NOTAMMENT LE DROIT DE SE DEPLACER LIBREMENT ET DE SEJOURNER DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES , QUE LES LIMITATIONS CONFORMES AUX EXIGENCES DU DROIT , DONT CELLES QUI RELEVENT DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;

24 QU ' A CET EGARD , IL CONVIENT DE PRENDRE EN CONSIDERATION , D ' UNE PART , LES REGLES DE DROIT MATERIEL , D ' AUTRE PART , LES REGLES DE CARACTERE FORMEL OU PROCEDURAL QUI CONDITIONNENT L ' EXERCICE , PAR LES ETATS MEMBRES , DES POUVOIRS RESERVES PAR L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , EN MATIERE D ' ORDRE ET DE SECURITE PUBLICS ;

(…) QUANT A LA JUSTIFICATION DES MESURES D ' ORDRE PUBLIC AU POINT DE VUE DU

DROIT MATERIEL 26 ATTENDU QUE , POUR L ' ESSENTIEL , LES ETATS MEMBRES RESTENT LIBRES DE

DETERMINER , EN VERTU DE LA RESERVE INSCRITE A L ' ARTICLE 48 , PARAGRAPHE 3 , CONFORMEMENT A LEURS BESOINS NATIONAUX , LES EXIGENCES DE L ' ORDRE PUBLIC ;

27 QUE CEPENDANT , DANS LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE ET , NOTAMMENT , EN TANT QUE JUSTIFICATION D ' UNE DEROGATION AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L ' EGALITE DE TRAITEMENT ET DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS , CETTE NOTION DOIT ETRE ENTENDUE STRICTEMENT , DE SORTE QUE SA PORTEE NE SAURAIT ETRE DETERMINEE UNILATERALEMENT PAR CHACUN DES ETATS MEMBRES SANS CONTROLE DES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE ;

28 QUE , DES LORS , DES RESTRICTIONS NE SAURAIENT ETRE APPORTEES AUX DROITS DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES D ' ENTRER SUR LE TERRITOIRE D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE , D ' Y SEJOURNER ET DE S ' Y DEPLACER QUE SI LEUR PRESENCE OU LEUR COMPORTEMENT CONSTITUE UNE MENACE REELLE ET SUFFISAMMENT GRAVE POUR L ' ORDRE PUBLIC ;

29 QU ' A CET EGARD , L ' ARTICLE 3 DE LA DIRECTIVE NO 64/221 IMPOSE AUX ETATS MEMBRES L ' OBLIGATION DE PORTER CETTE APPRECIATION AU REGARD DE LA SITUATION INDIVIDUELLE DE TOUTE PERSONNE PROTEGEE PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET NON SUR BASE D ' APPRECIATIONS GLOBALES ;

30 QU ' EN OUTRE , L ' ARTICLE 2 DE LA MEME DIRECTIVE DISPOSE QUE LES RAISONS D ' ORDRE PUBLIC NE SAURAIENT ETRE DETOURNEES DE LEUR FONCTION PROPRE PAR LE FAIT QU ' ELLES SOIENT " INVOQUEES A DES FINS ECONOMIQUES " ;

31 QUE L ' ARTICLE 8 DU REGLEMENT NO 1612/68 , QUI GARANTIT L ' EGALITE DE TRAITEMENT EN MATIERE D ' AFFILIATION AUX ORGANISATIONS SYNDICALES ET D ' EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX , FAIT RECONNAITRE QUE LA RESERVE RELATIVE A L ' ORDRE PUBLIC NE SAURAIT ETRE INVOQUEE , NON PLUS , POUR DES MOTIFS TENANT A L ' EXERCICE DE CES DROITS ;

32 QUE , DANS LEUR ENSEMBLE , CES LIMITATIONS APPORTEES AUX POUVOIRS DES ETATS MEMBRES EN MATIERE DE POLICE DES ETRANGERS SE PRESENTENT COMME LA MANIFESTATION SPECIFIQUE D ' UN PRINCIPE PLUS GENERAL CONSACRE PAR LES ARTICLES 8 , 9 , 10 ET 11 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L ' HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES , SIGNEE A ROME LE 4 NOVEMBRE 1950 , RATIFIEE PAR TOUS LES ETATS MEMBRES , ET DE L ' ARTICLE 2 DU PROTOCOLE NO 4 A LA MEME CONVENTION , SIGNE A STRASBOURG LE 16 SEPTEMBRE 1963 , QUI DISPOSENT EN DES TERMES IDENTIQUES QUE LES ATTEINTES PORTEES , EN VERTU DES BESOINS DE L ' ORDRE ET DE LA SECURITE PUBLICS , AUX DROITS GARANTIS PAR LES ARTICLES CITES NE SAURAIENT DEPASSER LE CADRE DE CE QUI EST NECESSAIRE A LA SAUVEGARDE DE CES BESOINS " DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE " (….) »

CJCE 1970, Internationale Handelsgesellschaft

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CJCE, 14 mai 1974, J. NOLD, Kohlen- und Baustoffgroßhandlung c/ Commission des Communautés européennes.

Rapport Droit communautaire/ CEDH et Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ;LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre XV : « Des communautés européennes et de l'Union européenne » ;Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée

portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;Vu le traité instituant la Communauté européenne ;Vu le traité sur l'Union européenne ;Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ;Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;Vu les décisions du Conseil constitutionnel nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c. Turquie) du 29 juin 2004 ;Le rapporteur ayant été entendu ;

- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :1. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ;2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ;5. Considérant que la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution ; qu'en particulier, aux termes de son article 88-1 : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ;6. Considérant que ces textes de valeur constitutionnelle permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la

08. Cons. constit. n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004Traité établissant une Constitution pour l'Europe

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personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;7. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ;

- SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ;10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ;11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ;12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux termes de l'article I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres » ; qu'il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne ;13. Considérant que, si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article 88-1 de la Constitution ; que, dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil n'implique pas de révision de la Constitution ;

- SUR LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION :

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14. Considérant qu'il y a lieu d'apprécier la conformité à la Constitution de la « Charte des droits fondamentaux de l'Union » qui constitue la deuxième partie du traité soumis au Conseil constitutionnel ;15. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article II-111 du traité et à l'exception de ses articles II-101 à II-104, lesquels ne concernent que les « institutions, organes et organismes de l'Union », la Charte s'adresse aux Etats membres « lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union » et « uniquement » dans ce cas ; qu'elle est sans incidence sur les compétences de l'Union ; qu'en vertu du paragraphe 5 de l'article II-112, elle comporte, à côté de « droits » directement invocables devant les juridictions, des « principes » qui constituent des objectifs ne pouvant être invoqués qu'à l'encontre des actes de portée générale relatifs à leur mise en oeuvre ; qu'au nombre de tels « principes » figurent notamment le « droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux », le « droit de travailler », le « droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle », le « principe du développement durable » et le « niveau élevé de protection des consommateurs » ;16. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, « ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ; que sont dès lors respectés les articles 1er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ;17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de son préambule, « la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du præsidium de la Convention qui a élaboré la Charte » ; que le paragraphe 7 de l'article II-112 du traité dispose également que : « Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des Etats membres » ;18. Considérant, en particulier, que, si le premier paragraphe de l'article II-70 reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu'à la protection des droits et libertés d'autrui ; que l'article 9 de la Convention a été constamment appliqué par la Cour européenne des droits de l'homme, et en dernier lieu par sa décision susvisée, en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre ; que la Cour a ainsi pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales et qu'elle laisse aux Etats une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité ;que, dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ;19. Considérant, par ailleurs, que le champ d'application de l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il ne concerne pas seulement les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; qu'il résulte néanmoins des explications du præsidium que la publicité des audiences peut être soumise aux restrictions prévues à cet article de la Convention ; qu'ainsi, « l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public

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pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ;20. Considérant, en outre, que si, en vertu de l'article II-110, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif », il résulte des termes mêmes de cet article, comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires ; que, de plus, la référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause ;21. Considérant, en quatrième lieu, que la clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112 prévoit : « Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » ; que les explications du præsidium précisent que les « intérêts généraux reconnus par l'Union » s'entendent notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux termes duquel l'Union respecte « les fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale » ;22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution ;Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 234 ;Vu la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ;Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 19 juillet 2006 ;Vu les observations en réplique, enregistrées le 21 juillet 2006 ;Le rapporteur ayant été entendu ;

- SUR LES NORMES APPLICABLES AU CONTRÔLE DU CONTENU DE LA LOI :

09. Cons. constit. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI)

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8. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions qu'ils contestent portent atteinte à l'intelligibilité de la loi, au principe de légalité des délits et des peines, au droit au recours effectif, aux droits de la défense, au droit à un procès équitable, au principe d'égalité et au droit de propriété ; qu'ils invoquent également une méconnaissance de la directive du 22 mai 2001 susvisée ;

. En ce qui concerne l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi :9. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;

. En ce qui concerne le principe de légalité des délits et des peines :10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; que l'article 34 de la Constitution dispose : " La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables... " ; qu'il résulte de ces dispositions que le législateur est tenu de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; que cette exigence s'impose non seulement pour exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ;

. En ce qui concerne le droit au recours effectif, les droits de la défense et le droit à un procès équitable :11. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition;. En ce qui concerne le principe d'égalité :12. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : " La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse... " ;13. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

. En ce qui concerne le droit de propriété :14. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que son article 17 proclame : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " ;

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15. Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que, parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d'auteur et les droits voisins ;

. En ce qui concerne les obligations propres à une loi de transposition :16. Considérant que le titre Ier de la loi déférée a pour objet de transposer la directive du 22 mai 2001 susvisée sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ;17. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences " ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle ;18. Considérant qu'il appartient par suite au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite ;19. Considérant, en premier lieu, que la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ;20. Considérant, en second lieu, que, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle prévue par l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'il ne saurait en conséquence déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ; qu'en tout état de cause, il revient aux autorités juridictionnelles nationales, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel (…) »v. préalablement Cons. constit. n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 ; Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)

N°287110Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE, la SOCIETE SOLLAC MEDITERRANNEE, la SOCIETE ARCELOR PACKAGING INTERNATIONAL, la SOCIETE UGINE &

ALZ FRANCE, la SOCIETE INDUSTEEL LOIRE, la SOCIETE CREUSOT METAL, la SOCIETE UGITECH, la SOCIETE IMPHY ALLOYS et la SOCIETE ARCELOR, représentées par leurs dirigeants en exercice ; la SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE et autres demandent au Conseil d'Etat : (…)

Vu les autres pièces du dossier ;Vu, enregistré le 22 janvier 2007, l’acte par lequel Maître Cossa, avocat de la société Ugitech, déclare se désister purement et simplement de la requête ;Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 55 et 88-1 ;

10. CE Ass. 8 février 2007, SOCIETE ARCELOR ATLANTIQUE ET LORRAINE et autres

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Vu la directive 96/61/CE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution ;Vu la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61 du Conseil ;Vu le code de l’environnement ;Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ;Vu le décret n° 2004-832 du 19 août 2004 pris pour l’application des articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l’environnement et relatif au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, modifié par le décret n° 2005-189 du 25 février 2005 ;Vu le code de justice administrative ; (…)

Considérant, en troisième lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que l’article 1er du décret méconnaîtrait plusieurs principes à valeur constitutionnelle ;Considérant que si, aux termes de l’article 55 de la Constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie », la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne saurait s’imposer, dans l’ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ; qu’eu égard aux dispositions de l’article 88-1 de la Constitution, selon lesquelles « la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences », dont découle une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s’exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ; qu’alors, si le contrôle des règles de compétence et de procédure ne se trouve pas affecté, il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué ; que, dans l’affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ; qu’il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu’en revanche, s’il n’existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d’examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées »

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«Environnement – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Directive 2003/87/CE – Champ d’application – Inclusion des installations du secteur sidérurgique – Exclusion des installations des secteurs de la chimie et des métaux non ferreux – Principe d’égalité de traitement»

Dans l’affaire C-127/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 8 février 2007, parvenue à la Cour le 5 mars 2007, dans la procédure

LA COUR (grande chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004 (JO L 338, p. 18, ci-après la «directive 2003/87»).

2 Cette demande a été présentée par le Conseil d’État dans le cadre d’un litige opposant la société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. au Premier ministre, au ministre de l’Écologie et du Développement durable ainsi qu’au ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet de la mise en œuvre de la directive 2003/87 dans l’ordre juridique français. (…)

20 Les requérantes au principal sont des entreprises du secteur sidérurgique. Elles ont demandé aux autorités françaises compétentes l’abrogation de l’article 1er du décret n° 2004-832 en tant qu’il rend ce décret applicable aux installations du secteur sidérurgique. Leurs demandes ayant été laissées sans suite, elles ont formé devant le Conseil d’État un recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions implicites de rejet de ces demandes et sollicité qu’il soit enjoint auxdites autorités de procéder à l’abrogation visée. À l’appui de leur recours, elles ont invoqué la violation de plusieurs principes de valeur constitutionnelle, tels le droit de propriété, la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité.

21 Le Conseil d’État a écarté les moyens soulevés par les requérantes au principal à l’exception de celui tiré d’une violation du principe constitutionnel d’égalité occasionnée par un traitement différent de situations comparables. À ce dernier égard, il relève, dans sa décision de renvoi, que les industries du plastique et de l’aluminium émettent des gaz à effet de serre identiques à ceux dont la directive 2003/87 a entendu limiter les émissions et que ces industries produisent des matériaux qui sont partiellement substituables à ceux produits par l’industrie sidérurgique, avec laquelle elles se trouvent donc en situation de concurrence. Le Conseil d’État estime que, même si la décision de ne pas inclure immédiatement les

P O U R

A P P R O F O N D I R

10 a CJCE, GC, 16 décembre 2008, Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a.c/ Premier ministre,Ministre de l’Écologie et du Développement durable,Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

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industries du plastique et de l’aluminium dans le système d’échange de quotas a été prise en considération de leur part relative dans les émissions totales de gaz à effet de serre et de la nécessité d’assurer la mise en place progressive d’un dispositif d’ensemble, la question de savoir si la différence de traitement entre les industries concernées est objectivement justifiée soulève une difficulté sérieuse.

22 Au vu de ces considérations, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive [2003/87] [est-elle valide] au regard du principe d’égalité en tant qu’elle rend applicable le système d’échange de quotas [...] aux installations du secteur sidérurgique sans y inclure les industries de l’aluminium et du plastique[?]»

Sur la question préjudicielle

23 Le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit communautaire, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28; du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec. p. I-4863, points 50 et 51, ainsi que du 11 juillet 2006, Franz Egenberger, C-313/04, Rec. p. I-6331, point 33).

24 Estimant que les secteurs de la sidérurgie, du plastique et de l’aluminium se trouvent dans une situation comparable, la juridiction de renvoi vise à savoir si le législateur communautaire a, par l’exclusion des secteurs du plastique et de l’aluminium du champ d’application de la directive 2003/87, violé ce principe à l’égard du secteur de la sidérurgie. Le renvoi préjudiciel ne porte donc que sur la question de savoir si le législateur communautaire a violé ledit principe par un traitement différencié et non justifiable de situations comparables.

Sur le traitement différencié de situations comparables

25 La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent.26 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte communautaire qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1971, Rheinmühlen Düsseldorf, 6/71, Rec. p. 823, point 14; du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 8; du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, point 74, ainsi que du 10 mars 1998, T. Port, C-364/95 et C-365/95, Rec. p. I-1023, point 83).27 En l’espèce, la validité de la directive 2003/87 doit s’apprécier quant à l’inclusion du secteur sidérurgique dans son champ d’application et à l’exclusion de celui-ci des secteurs de la chimie et des métaux non ferreux auxquels appartiennent, selon les observations écrites soumises à la Cour, respectivement les secteurs du plastique et de l’aluminium.28 En vertu de son article 1er, la directive 2003/87 a pour objet d’instituer un système communautaire d’échange de quotas. Comme il ressort des points 4.2 et 4.3 du livre vert, la

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Communauté a entendu introduire, par cette directive, un tel système au niveau des entreprises et visant donc les activités économiques. (…)34 Il en résulte que, par rapport à l’objet de la directive 2003/87, aux objectifs de celle-ci visés au point 29 du présent arrêt ainsi qu’aux principes sur lesquels se fonde la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, les différentes sources d’émission de gaz à effet de serre relevant d’une activité économique se trouvent, en principe, dans une situation comparable, étant donné que toute émission de gaz à effet de serre est susceptible de contribuer à une perturbation dangereuse du système climatique et que tout secteur de l’économie émetteur de tels gaz peut contribuer au fonctionnement du système d’échange de quotas. (…)38 Les secteurs de la sidérurgie, de la chimie et des métaux non ferreux se trouvent dès lors, aux fins d’un examen de la validité de la directive 2003/87 au regard du principe d’égalité de traitement, dans une situation comparable tout en étant traités de manière différente. (…)

73 Il convient dès lors de constater que le législateur communautaire n’a pas violé le principe d’égalité de traitement du fait du traitement différencié de situations comparables en excluant du champ d’application de la directive 2003/87 les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux.74 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’examen de la directive 2003/87 au regard du principe d’égalité de traitement n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter sa validité en tant qu’elle rend applicable le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre au secteur de la sidérurgie sans inclure dans son champ d’application les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux. »

Article 6 1. L’Union reconnaît les droits, les libertés

et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités.

Les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités. Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions. 2. L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

3. Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux.

11. Traité sur l'union européenne dans sa version modifiée par le traité de Lisbonne

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n°s 296845,296907

« Sur le cadre juridique du litige :Considérant que les requérants soutiennent que la directive du 4 décembre 2001 et la loi du 11 février 2004 prise pour sa transposition méconnaîtraient les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

ainsi que des principes généraux du droit communautaire ;Considérant, en premier lieu, qu’il résulte tant de l’article 6 § 2 du Traité sur l’Union européenne que de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment de son arrêt du 15 octobre 2002, que, dans l’ordre juridique communautaire, les droits fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire ; qu’il appartient en conséquence au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance par une directive des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis par ces stipulations ; qu’il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué, ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ;Considérant, en second lieu, que lorsque est invoqué devant le juge administratif un moyen tiré de ce qu’une loi transposant une directive serait elle-même incompatible avec un droit fondamental garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et protégé en tant que principe général du droit communautaire, il appartient au juge administratif de s’assurer d’abord que la loi procède à une exacte transposition des dispositions de la directive ; que si tel est le cas, le moyen tiré de la méconnaissance de ce droit fondamental par la loi de transposition ne peut être apprécié que selon la procédure de contrôle de la directive elle-même décrite ci-dessus »

aff. C-402/05

« 280 – Il convient d'examiner les griefs par lesquels les requérants reprochent au Tribunal d'avoir jugé, en substance, qu'il découle des principes régissant l'articulation des rapports entre l'ordre juridique international issu des Nations unies et

l'ordre juridique communautaire que le règlement litigieux, dès lors qu'il vise à mettre en oeuvre une résolution adoptée par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies ne laissant place à aucune marge à cet effet, ne peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel quant à sa légalité interne, sauf

12.CE Sect. 10 avril 2008CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX et autres

13. CJCE, 3 sept. 2008,Yassin Abdullah KADI

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pour ce qui concerne sa compatibilité avec les normes relevant du jus cogens, et bénéficie donc dans cette mesure d'une immunité juridictionnelle.

281 – À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Communauté est une communauté de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu'est le traité CE et que ce dernier a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes des institutions (arrêt du 23 avr. 1986, aff. 294/83, Les Verts c/ Parlement : Rec. CJCE 1986, p. 1339, pt 23).

282 – Il convient de rappeler également qu'un accord international ne saurait porter atteinte à l'ordre des compétences fixé par les traités et, partant, à l'autonomie du système juridique communautaire dont la Cour assure le respect en vertu de la compétence exclusive dont elle est investie par l'article 220 CE, compétence que la Cour a d'ailleurs déjà considérée comme relevant des fondements mêmes de la Communauté (V., en ce sens, avis 1/91, 14 déc. 1991 : Rec. CJCE 1991, I, p. 6079, pt 35 et 71, ainsi que arrêt, 30 mai 2006, aff. C-459/03, Commission c/ Irlande : Rec. CJCE 2006, I, p. 4635, pt 123 et jurispr. citée).

283 – En outre, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (V., notamment, arrêt du 26 juin 2007, aff. C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a. : Rec. CJCE 2007, I, p. 5305, pt 29 et jurispr. citée).

284 – Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que le respect des droits de l'homme constitue une condition de la légalité des actes communautaires (avis 2/94, préc., pt 34) et que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect de ceux-ci (arrêt du 12 juin 2003, aff. C-112/00, Schmidberger : Rec. CJCE 2003, I, p. 5659, pt 73 et jurispr. citée).

285 – Il découle de l'ensemble de ces éléments que les obligations qu'impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels du traité CE, au nombre desquels figure le principe selon lequel tous les actes communautaires doivent respecter les droits fondamentaux, ce respect constituant une condition de leur légalité qu'il incombe à la Cour de contrôler dans le cadre du système complet de voies de recours qu'établit ce traité.

286 – À cet égard, il importe de souligner que, dans un contexte tel que celui de l'espèce, le contrôle de légalité devant ainsi être assuré par le juge communautaire porte sur l'acte communautaire visant à mettre en oeuvre l'accord international en cause, et non sur ce dernier en tant que tel. »

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La QPC est-elle vraiment prioritaire ?

n° 10-40002

La COUR DE CASSATION a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lille du 25 mars 2010 transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 29 mars 2010 ;

Rendue dans l'instance mettant en cause M. Aziz Melki ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément aux articles L. 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, R. 461-2, R. 481-4 et R. 461-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique de ce jour ;

Sur le rapport de M. Falcone, conseiller, assisté de M. Borzeix, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations orales de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Melki, l'avis de M. Domingo, avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu l'article 61-1 de la Constitution :

Vu les articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1057 du 7 novembre 1958 créés par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Attendu que M. Melki, de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet, en application de l'article 78-2, aliéna 4, du code de procédure pénale, d'un contrôle de police dans la zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec la Belgique et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà ; que le 23 mars 2010, le préfet du Nord lui a notifié un arrêté de reconduite à la frontière et une décision de maintien en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que, devant le juge des libertés et de la détention saisi par le préfet d'une demande de prolongation de cette rétention, M. Melki a déposé un mémoire posant une question prioritaire de constitutionnalité et soutenu que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

Attendu que le 25 mars 2010, le juge des libertés et de la détention a ordonné la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : « L'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française ? » et ordonné la prolongation de la rétention de M. Melki pour une durée de quinze jours ; que cette ordonnance a été reçue à la Cour de cassation le 29 mars 2010 ;

1. Cass., Ass. Pl. QPC 16 avr. 2010, Abdeli et Melki

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Attendu que pour soutenir que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale est contraire à la Constitution, le demandeur invoque l'article 88-1 de celle-ci qui dispose que : « La République participe à l'Union européenne constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ;

Qu'il fait valoir que les engagements résultant du traité de Lisbonne, dont celui concernant la libre circulation des personnes, ont une valeur constitutionnelle au regard de l'article 88-1 de la Constitution, et que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale qui autorise des contrôles aux frontières de la France avec les Etats membres est contraire au principe de libre circulation des personnes posé par l'article 67 du traité de Lisbonne qui prévoit que l'Union assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures ; qu'il en déduit que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale est contraire à la Constitution;

Attendu que l'article 67 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 prévoit notamment que « l'Union [?] assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures » ; que cette disposition ne reprend pas la dérogation au principe de libre circulation résultant de la réserve de l'ordre public ou de la sécurité nationale contenue dans la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

Qu'ainsi est posée la question de la conformité de l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale à la fois au droit de l'Union et à la Constitution de la République française ;

Attendu que l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, créé par la loi organique du 10 décembre 2009, prévoit, dans son alinéa 3, qu'« en tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation » auxquels il appartient de décider de saisir le Conseil constitutionnel ;

Qu'il résulte de ce texte que les juges du fond ne peuvent pas statuer sur la conventionnalité d'une disposition légale avant de transmettre la question de constitutionnalité ;

Que l'article 62 de la Constitution disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives, les juridictions du fond se voient privées, par l'effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne avant de transmettre la question de constitutionnalité ; que si le Conseil constitutionnel juge la disposition législative attaquée conforme au droit de l'Union européenne, elles ne pourront plus, postérieurement à cette décision, saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

Que, de même, aux termes de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1956 sur le Conseil constitutionnel, telle que modifiée par loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, la Cour de cassation ne pourrait non plus, en pareille hypothèse, procéder à une telle saisine malgré les dispositions impératives de l'article 267 du traité sur le

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fonctionnement de l'Union européenne, ni se prononcer sur la conformité du texte au droit de l'Union ;

Que la question de la conformité au droit de l'Union de la loi organique du 10 décembre 2009, en ce qu'elle impose aux juridictions de se prononcer par priorité sur la transmission, au Conseil constitutionnel, de la question de constitutionnalité, doit être posée, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l'Union européenne ;

Que pareillement, il existe une difficulté sur le point de savoir si les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont conformes à l'article 67 du traité de Lisbonne ;

Et attendu, d'une part, que le litige met en cause la privation de liberté d'une personne maintenue en rétention, d'autre part, que la Cour de cassation ne dispose que d'un délai de trois mois pour décider du renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; que ces éléments justifieraient que la Cour de justice de l'Union européenne statuât en urgence ;

Par ces motifs :Avant dire droit ;

Pose à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

1- L'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 s'oppose-t-il à une législation telle que celle résultant des articles 23-2, alinéa 2, et 23-5, alinéa 2, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 créés par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, en ce qu'ils imposent aux juridictions de se prononcer par priorité sur la transmission, au Conseil constitutionnel, de la question de constitutionnalité qui leur est posée, dans la mesure où cette question se prévaut de la non-conformité à la Constitution d'un texte de droit interne, en raison de sa contrariété aux dispositions du droit de l'Union ?

2 - L'article 67 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 s'oppose-t-il à une législation telle que celle résultant de l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale qui prévoit que « dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière, toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté ».

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, et prononcé par le premier président en son audience publique du seize avril deux mille dix »

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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne le 13 avril 2010, par M. Jean-Marc AYRAULT, [60 députés]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, ensemble la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 ;Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;Vu le code général des impôts ;Vu le code de la sécurité sociale ;Vu la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;Vu la loi du 18 avril 1924 modifiant l'article 2 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ;Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 20 avril 2010 ;Vu les observations complémentaires présentées par les députés requérants, enregistrées le 28 avril 2010, et l'arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010, n° 12003 ND ;Vu les nouvelles observations du Gouvernement, enregistrées le 30 avril 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ; qu'ils présentent des griefs contre l'ensemble de la loi ; qu'ils contestent, en outre, ses articles 1er, 26, 47 et 48 ;

- SUR LES GRIEFS DIRIGÉS CONTRE L'ENSEMBLE DE LA LOI : (…)

. En ce qui concerne les griefs relatifs au droit de l'Union européenne :

9. Considérant que les requérants soutiennent que « le droit communautaire n'impose nullement une telle ouverture à la concurrence puisque la Cour de justice de l'Union européenne admet au contraire le maintien des monopoles dès lors qu'ils sont justifiés par les objectifs de protection de l'ordre public et de l'ordre social » ; qu'ils invitent le Conseil constitutionnel à vérifier que la loi « n'est pas inconventionnelle » en se référant à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010 susvisé qui indique que le Conseil constitutionnel pourrait exercer « un contrôle de conformité des lois aux engagements internationaux de la France, en particulier au droit communautaire » ;

2. Cons. constit. décision n°2010-605 DC du 12 mai 2010Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne

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- Quant à la supériorité des engagements internationaux et européens sur les lois :

10. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ; que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution ;

11. Considérant, d'autre part, que, pour mettre en œuvre le droit reconnu par l'article 61-1 de la Constitution à tout justiciable de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit, le cinquième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et le deuxième alinéa de son article 23-5 précisent l'articulation entre le contrôle de conformité des lois à la Constitution, qui incombe au Conseil constitutionnel, et le contrôle de leur compatibilité avec les engagements internationaux ou européens de la France, qui incombe aux juridictions administratives et judiciaires ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité ;

12. Considérant que l'examen d'un tel grief, fondé sur les traités ou le droit de l'Union européenne, relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ;

13. Considérant, en premier lieu, que l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel en vertu de l'article 62 de la Constitution ne limite pas la compétence des juridictions administratives et judiciaires pour faire prévaloir ces engagements sur une disposition législative incompatible avec eux, même lorsque cette dernière a été déclarée conforme à la Constitution ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'article 23-3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée que le juge qui transmet une question prioritaire de constitutionnalité, dont la durée d'examen est strictement encadrée, peut, d'une part, statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'il statue dans un délai déterminé ou en urgence et, d'autre part, prendre toutes les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires ; qu'il peut ainsi suspendre immédiatement tout éventuel effet de la loi incompatible avec le droit de l'Union, assurer la préservation des droits que les justiciables tiennent des engagements internationaux et européens de la France et garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir ; que l'article 61-1 de la Constitution pas plus que les articles 23 1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ne font obstacle à ce que le juge saisi d'un litige dans lequel est invoquée l'incompatibilité d'une loi avec le droit de l'Union européenne fasse, à tout moment, ce qui est nécessaire pour empêcher que des dispositions législatives qui feraient obstacle à la pleine efficacité des normes de l'Union soient appliquées dans ce litige ;

15. Considérant, en dernier lieu, que l'article 61-1 de la Constitution et les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ne privent pas davantage les juridictions administratives et judiciaires, y compris lorsqu'elles transmettent une question prioritaire de constitutionnalité, de la faculté ou, lorsque leurs décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, de l'obligation de saisir la

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Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

16. Considérant que, dans ces conditions, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 ou de l'article 61-1 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux et européens de la France ; qu'ainsi, nonobstant la mention dans la Constitution du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, il ne lui revient pas de contrôler la compatibilité d'une loi avec les stipulations de ce traité ; que, par suite, la demande tendant à contrôler la compatibilité de la loi déférée avec les engagements internationaux et européens de la France, en particulier avec le droit de l'Union européenne, doit être écartée ;

- Quant à l'exigence de transposition des directives européennes :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle ;

18. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite ; qu'en premier lieu, la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ; qu'en second lieu, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'en conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ; qu'en tout état de cause, il appartient aux juridictions administratives et judiciaires d'exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ;

19. Considérant, en revanche, que le respect de l'exigence constitutionnelle de transposition des directives ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » et ne saurait, par suite, être invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

20. Considérant qu'en l'espèce, la loi déférée n'a pas pour objet de transposer une directive ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doit être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne doivent être rejetés »

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« La « simmenthalisation » de la QPC par la Cour de cassation rend inéluctable le constat de sa contrariété à l’article 267 TFUE.”

6 - De manière tout à fait inattendue, c’est enfin le Palais-Royal qui a très vivement réagi à l’arrêt du 16 avril 2010 - sans doute pour influencer la CJUE tant que cela est encore possible -, au risque de donner une image déplorable des rapports entre juridictions françaises aux yeux des ordres juridiques des autres Etats membres et de celui de l’Union européenne.

Par sa décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, rendue au titre de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, à l’issue de ce qui doit constituer le plus long obiter dictum jamais prononcé par une institution française, a adopté une position radicalement contraire à celle de la Cour de cassation, en considérant que, même saisi au titre de l’article 61-1 de la Constitution, il ne lui appartient pas d’examiner la compatibilité d’une loi avec le TFUE. Le 14 mai 2010, dans une affaire Rujovic (10), deux sous-sections réunies du Conseil d’Etat ont, également obiter, repris l’essentiel des considérants de la décision rendue l’avant-veille rue de Montpensier - alors même que, dans cette affaire, l’audience publique s’était tenue le 5 mai sans que la problématique des rapports entre la loi organique et le droit de l’Union européenne soit évoquée (11) puisque précisément le litige n’avait aucunement trait au droit de l’Union européenne et était relatif à la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. Dans une copie d’examen, de tels hors sujets seraient biffés d’un trait de plume rageur ; dans une décision juridictionnelle, ils doivent être examinés avec une attention supérieure à celle portée sur les considérants ayant permis de résoudre le litige.” (…)

23 - Les nombreux contempteurs de l’arrêt du 16 avril 2010 ne peuvent davantage s’appuyer sur l’autorité du précédent belge qui a inspiré la QPC à la française : la CJUE est actuellement saisie, par le tribunal de première instance de Liège, de la question de la compatibilité de la loi belge du 12 juillet 2009 avec l’article 267 TFUE (40) !

24 - Malgré le désaveu du Conseil constitutionnel quant à la valeur du droit de l’Union européenne dans l’ordre juridique français, force est de relever que la position de la Cour de cassation trouvait des justifications sérieuses, et veillait à assurer la primauté du droit de l’Union européenne dans le respect de la suprématie de la Constitution française. La juridiction judiciaire suprême n’a à aucun moment porté atteinte à la séparation des pouvoirs en exerçant un contrôle « d’unionité » de la loi organique du 10 décembre 2009, que le Conseil constitutionnel n’a pu opérer, par application de sa jurisprudence IVG, ni dans sa décision du 3 décembre 2009, ni dans celle du 12 mai 2010 - quoique, au risque de la contradiction, celle-ci permet en pratique de déduire que, pour le Conseil constitutionnel, la priorité est conforme aux engagements européens de la France… »

P O U R A P P R O F O N

D I R

Paul Cassia et Emmanuelle Saulnier-Cassia, « Imbroglio autour de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », Dalloz 2010 p. 1234.

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N° 312305 Publié au recueil Lebon

10ème et 9ème sous-sections réunies M. Martin, président

M. Gilles Pellissier, rapporteur Mme Burguburu Julie, rapporteur public

FOUSSARD ; SCP DELVOLVE, DELVOLVE, avocats

« Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Senad B, demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B demande au Conseil d'Etat, en défense du pourvoi de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2007 par laquelle la commission des recours des réfugiés a annulé la décision du 24 juillet 2006 du directeur de l'Office et reconnu à M. B la qualité de réfugié, de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, de la loi du 17 mars 1954 ayant autorisé le Président de la République à ratifier la convention de Genève, de l'article 2 I de la loi du 25 juillet 1952 et de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, ensemble ladite convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ; (…)

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; que, d'une part, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge administratif, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne, en assure l'effectivité, soit en l'absence de question prioritaire de constitutionnalité, soit au terme de la procédure d'examen d'une telle question, soit à tout

3. CE 14 mai 2010, M. Senad Rujovic

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moment de cette procédure, lorsque l'urgence le commande, pour faire cesser immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l'Union ; que, d'autre part, le juge administratif dispose de la possibilité de poser à tout instant, dès qu'il y a lieu de procéder à un tel renvoi, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;

Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que l'article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 est contraire au principe constitutionnel de la présomption d'innocence et au droit d'asile ; que toutefois, il résulte des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution que leur application ne peut conduire à saisir le Conseil constitutionnel que d'une question portant sur une disposition législative ; que par suite, la question soulevée est irrecevable ;

Considérant, en deuxième lieu, que la loi autorisant la ratification d'un traité, qui n'a d'autre objet que de permettre une telle ratification, n'est pas applicable au litige au sens et pour l'application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et est, par sa nature même, insusceptible de porter atteinte à des droits et libertés au sens des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 721-2 du même code, issu du I de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, qui sont contestés en tant qu'ils rappellent l'applicabilité de la convention de Genève, ne sauraient être regardés comme applicables au litige au sens et pour l'application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 1 F de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, la loi du 17 mars 1954 ayant autorisé le Président de la République à ratifier la convention de Genève, l'article 2 I de la loi du 25 juillet 1952 et l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Senad B, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au Premier ministre et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel. »

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C-188/10 et C-189/10, Réponse de la Cour

« 40 L’article 267 TFUE attribue compétence à la Cour pour statuer, à titre préjudiciel, tant sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de

l’Union que sur la validité de ces actes. Cet article dispose, à son deuxième alinéa, qu’une juridiction nationale peut soumettre de telles questions à la Cour, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, et, à son troisième alinéa, qu’elle est tenue de le faire si ses décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. (…)

43 En deuxième lieu, la Cour a déjà jugé que le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (voir, notamment, arrêts Simmenthal, précité, points 21 et 24; […]).

44 En effet, serait incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique, législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes de l’Union (voir arrêts Simmenthal, précité, point 22, ainsi que du 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I2433, point 20). Tel serait le cas si, dans l’hypothèse d’une contrariété entre une disposition du droit de l’Union et une loi nationale, la solution de ce conflit était réservée à une autorité autre que le juge appelé à assurer l’application du droit de l’Union, investie d’un pouvoir d’appréciation propre, même si l’obstacle en résultant ainsi pour la pleine efficacité de ce droit n’était que temporaire (voir, en ce sens, arrêt Simmenthal, précité, point 23).

45 En dernier lieu, la Cour a jugé qu’une juridiction nationale saisie d’un litige concernant le droit de l’Union, qui considère qu’une disposition nationale est non seulement contraire au droit de l’Union, mais également affectée de vices d’inconstitutionnalité, n’est pas privée de la faculté ou dispensée de l’obligation, prévues à l’article 267 TFUE, de saisir la Cour de justice de questions concernant l’interprétation ou la validité du droit de l’Union du fait que la constatation de l’inconstitutionnalité d’une règle du droit interne est soumise à un recours obligatoire devant la cour constitutionnelle. En effet, l’efficacité du droit de l’Union se trouverait menacée si l’existence d’un recours obligatoire devant la cour constitutionnelle pouvait empêcher le juge national, saisi d’un litige régi par le droit de l’Union, d’exercer la faculté qui lui est attribuée par l’article 267 TFUE de soumettre à la Cour de justice les questions portant sur l’interprétation ou sur la validité du droit de l’Union, afin de lui permettre de juger si une règle nationale est ou non compatible avec celui-ci (voir arrêt Mecanarte, précité, points 39, 45 et 46).

46 S’agissant des conséquences à tirer de la jurisprudence susmentionnée par rapport à des dispositions nationales telles que celles visées par la première question posée, il convient

4. CJUE, 22 juin 2010, Aziz Melki et Sélim Abdeli

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de relever que la juridiction de renvoi part de la prémisse que, selon ces dispositions, lors de l’examen d’une question de constitutionnalité qui est fondée sur l’incompatibilité de la loi en cause avec le droit de l’Union, le Conseil constitutionnel apprécie également la conformité de cette loi avec le droit de l’Union. Dans ce cas, le juge du fond procédant à la transmission de la question de constitutionnalité ne pourrait, avant cette transmission, ni statuer sur la compatibilité de la loi concernée avec le droit de l’Union ni poser une question préjudicielle à la Cour de justice en rapport avec ladite loi. En outre, dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel jugerait la loi en cause conforme au droit de l’Union, ledit juge du fond ne pourrait pas non plus, postérieurement à la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui s’imposerait à toutes les autorités juridictionnelles, saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Il en serait de même lorsque le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative est soulevé à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation.

47 Selon cette interprétation, la législation nationale en cause au principal aurait pour conséquence d’empêcher, tant avant la transmission d’une question de constitutionnalité que, le cas échéant, après la décision du Conseil constitutionnel sur cette question, les juridictions des ordres administratif et judiciaire nationales d’exercer leur faculté ou de satisfaire à leur obligation, prévues à l’article 267 TFUE, de saisir la Cour de questions préjudicielles. Force est de constater qu’il découle des principes dégagés par la jurisprudence rappelés aux points 41 à 45 du présent arrêt que l’article 267 TFUE s’oppose à une législation nationale telle que décrite dans les décisions de renvoi.

48 Toutefois, tel que cela ressort des points 33 à 36 du présent arrêt, les gouvernements français et belge ont présenté une interprétation différente de la législation française visée par la première question posée en se fondant, notamment, sur les décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-605 DC, du 12 mai 2010, et du Conseil d’État n° 312305, du 14 mai 2010, rendues postérieurement à la transmission des décisions de renvoi de la Cour de cassation à la Cour de justice.

49 À cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, dans les affaires dont elle est saisie, quelle est l’interprétation correcte du droit national.

50 En vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union (arrêts du 26 septembre 2000, Engelbrecht, C-262/97,[…]). Eu égard aux décisions susmentionnées du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, une telle interprétation des dispositions nationales qui ont institué le mécanisme de contrôle de constitutionnalité en cause au principal ne saurait être exclue.

51 L’examen de la question de savoir si une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité est possible ne saurait remettre en cause les caractéristiques essentielles du système de coopération entre la Cour de justice et les juridictions nationales instauré par l’article 267 TFUE telles qu’elles découlent de la jurisprudence rappelée aux points 41 à 45 du présent arrêt.

52 En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour, afin d’assurer la primauté du droit de l’Union, le fonctionnement dudit système de coopération nécessite que le juge national soit libre de saisir, à tout moment de la procédure qu’il juge approprié, et même à

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l’issue d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de justice de toute question préjudicielle qu’il juge nécessaire.

53 Dans la mesure où le droit national prévoit l’obligation de déclencher une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité qui empêcherait le juge national de laisser immédiatement inappliquée une disposition législative nationale qu’il estime contraire au droit de l’Union, le fonctionnement du système instauré par l’article 267 TFUE exige néanmoins que ledit juge soit libre, d’une part, d’adopter toute mesure nécessaire afin d’assurer la protection juridictionnelle provisoire des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union et, d’autre part, de laisser inappliquée, à l’issue d’une telle procédure incidente, ladite disposition législative nationale s’il la juge contraire au droit de l’Union.

54 Il convient, par ailleurs, de souligner que le caractère prioritaire d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité d’une loi nationale dont le contenu se limite à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union ne saurait porter atteinte à la compétence de la seule Cour de justice de constater l’invalidité d’un acte de l’Union, et notamment d’une directive, compétence ayant pour objet de garantir la sécurité juridique en assurant l’application uniforme du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, Rec. p. 4199, points 15 à 20[…]).

55 En effet, pour autant que le caractère prioritaire d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité aboutit à l’abrogation d’une loi nationale se limitant à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union en raison de la contrariété de cette loi à la Constitution nationale, la Cour pourrait, en pratique, être privée de la possibilité de procéder, à la demande des juridictions du fond de l’État membre concerné, au contrôle de la validité de ladite directive par rapport aux mêmes motifs relatifs aux exigences du droit primaire, et notamment des droits reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6 TUE confère la même valeur juridique que celle qui est reconnue aux traités.

56 Avant que le contrôle incident de constitutionnalité d’une loi dont le contenu se limite à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union puisse s’effectuer par rapport aux mêmes motifs mettant en cause la validité de la directive, les juridictions nationales, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, sont, en principe, tenues, en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour de justice sur la validité de cette directive et, par la suite, de tirer les conséquences qui découlent de l’arrêt rendu par la Cour à titre préjudiciel, à moins que la juridiction déclenchant le contrôle incident de constitutionnalité n’ait elle-même saisi la Cour de justice de cette question sur la base du deuxième alinéa dudit article. En effet, s’agissant d’une loi nationale de transposition d’un tel contenu, la question de savoir si la directive est valide revêt, eu égard à l’obligation de transposition de celle-ci, un caractère préalable. En outre, l’encadrement dans un délai strict de la durée d’examen par les juridictions nationales ne saurait faire échec au renvoi préjudiciel relatif à la validité de la directive en cause.

57 Par voie de conséquence, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 267 TFUE s’oppose à une législation d’un État membre qui instaure une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité des lois nationales, pour autant que le caractère prioritaire de cette procédure a pour conséquence d’empêcher, tant avant la transmission d’une question de constitutionnalité à la juridiction nationale chargée d’exercer le contrôle de constitutionnalité des lois que, le cas échéant, après la décision de cette juridiction sur ladite question, toutes les autres juridictions nationales d’exercer leur

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faculté ou de satisfaire à leur obligation de saisir la Cour de questions préjudicielles. En revanche, l’article 267 TFUE ne s’oppose pas à une telle législation nationale, pour autant que les autres juridictions nationales restent libres:

– de saisir, à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié, et même à l’issue de la procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de toute question préjudicielle qu’elles jugent nécessaire,

– d’adopter toute mesure nécessaire afin d’assurer la protection juridictionnelle provisoire des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, et

– de laisser inappliquée, à l’issue d’une telle procédure incidente, la disposition législative nationale en cause si elles la jugent contraire au droit de l’Union.

Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si la législation nationale en cause au principal peut être interprétée conformément à ces exigences du droit de l’Union. »

N° de pourvoi: 10-40002Non publié au bulletin Qpc seule - non-lieu a renvoi au cc

M. Lamanda (premier président), présidentSCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'arrêt avant dire droit du 16 avril 2010 posant deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ;

Vu l'arrêt de la CJUE du 22 juin 2010 ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément aux articles L. 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, R. 461-2, R. 461-4 et R. 461-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 juin 2010, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, MM. Lacabarats, Louvel, Charruault, Loriferne, présidents, M. Falcone, conseiller rapporteur, M. Bargue, conseiller, M. Domingo, avocat général, M. Costerg, greffier ;

Sur le rapport de M. Falcone, conseiller, assisté de M. Borzeix, auditeur au Service de documentation, des études et du rapport de la Cour de cassation, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., l'avis oral de M. Domingo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet, en application de l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale, d'un contrôle de police dans la zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec la Belgique et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà ; que, le 23 mars 2010, le préfet du Nord lui a notifié un arrêté

5. Cass, Ass. Pl., 29 juin 2010, Melki et Abdeli II

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de reconduite à la frontière et une décision de maintien en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que, devant le juge des libertés et de la détention de Lille, saisi par le préfet d'une demande de prolongation de cette rétention, M. X... a déposé un mémoire posant une question prioritaire de constitutionnalité et soutenu que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

Attendu que, le 25 mars 2010, le juge des libertés et de la détention de Lille a ordonné la transmission à la Cour de cassation de la question suivante : "l'article 78-2, alinéa 4, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française ?" et prolongé de la rétention de M. X... pour une durée de quinze jours ; que cette ordonnance a été reçue à la Cour de cassation le 29 mars 2010 ;

Attendu que, pour soutenir que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale est contraire à la Constitution, le demandeur invoque l'article 88-1 de celle-ci qui dispose que "la République participe à l'Union européenne constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007" ;

Qu'il fait valoir que les engagements résultant du Traité de Lisbonne, dont celui concernant la libre circulation des personnes, ont une valeur constitutionnelle au regard de l'article 88-1 de la Constitution, que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale qui autorise des contrôles aux frontières intérieures des Etats membres est contraire au principe de libre circulation des personnes posé par l'article 67 du Traité de Lisbonne qui prévoit que l'Union assure l'absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures ; qu'il en déduit que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale est contraire à la Constitution ;

Attendu que, par arrêt avant dire droit du 16 avril 2010, la Cour de cassation, constatant qu'était ainsi posée la question de la conformité de l'article 78-2, alinéa 4, du code de la procédure pénale à la fois au droit de l'Union et à la Constitution de la République française, a posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ;

Attendu, premièrement, que la CJUE a dit pour droit que l'article 267 TFUE s'oppose à une législation d'un Etat membre qui instaure une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité des lois nationales, pour autant que le caractère prioritaire de cette procédure a pour conséquence d'empêcher (...) les juridictions nationales d'exercer leur faculté ou de satisfaire à leur obligation de saisir la Cour de questions préjudicielles ; qu'en revanche cet article ne s'oppose pas à une telle législation nationale pour autant que les juridictions restent libres :

- de saisir, à tout moment de la procédure qu'elles jugent approprié, et même à l'issue de la procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la CJUE de toute question préjudicielle qu'elles jugent nécessaire,

- d'adopter toute mesure nécessaire afin d'assurer la protection juridictionnelle provisoire des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union, et

- de laisser inappliquée, à l'issue d'une telle procédure incidente, la disposition législative nationale en cause si elles la jugent contraire aux droits de l'Union ;

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Attendu que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l'Union, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel ;

Attendu que, dans l'hypothèse particulière où le juge est saisi d'une question portant à la fois sur la constitutionnalité et la conventionnalité d'une disposition législative, il lui appartient de mettre en oeuvre, le cas échéant, les mesures provisoires ou conservatoires propres à assurer la protection juridictionnelle des droits conférés par l'ordre juridique européen ; qu'en cas d'impossibilité de satisfaire à cette exigence, comme c'est le cas de la Cour de cassation, devant laquelle la procédure ne permet pas de recourir à de telles mesures, le juge doit se prononcer sur la conformité de la disposition critiquée au regard du droit de l'Union en laissant alors inappliquées les dispositions de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée prévoyant une priorité d'examen de la question de constitutionnalité ;

Attendu, deuxièmement, que la Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit que l'article 67, paragraphe 2, TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), s'opposent à une législation nationale conférant aux autorités de police de l'Etat membre concerné la compétence de contrôler, uniquement dans une zone de 20 kilomètres à partir de la frontière terrestre de cet Etat avec les parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990, l'identité de toute personne, indépendamment du comportement de celle-ci et des circonstances particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi, sans prévoir l'encadrement nécessaire de cette compétence garantissant que l'exercice pratique de ladite compétence ne puisse pas revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières ;

Que, dès lors que l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale n'est assorti d'aucune disposition offrant une telle garantie, il appartient au juge des libertés et de la détention d'en tirer les conséquences au regard de la régularité de la procédure dont il a été saisi, sans qu'il y ait lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question posée ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix. »

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« Les débuts de la « question prioritaire de constitutionnalité » ont donné lieu à des passes d'armes entre nos plus hautes juridictions, qui ne sont pas sans évoquer – toute révérence gardée – un fameux western picaresque du maestro Sergio Leone

En clin d'oeil à Xavier Magnon

Les rapports entre droit et cinéma sont, en général, abordés dans l'optique d'un « droit du cinéma » ; mais ils peuvent également l'être dans la perspective d'un « cinéma du droit ». Le septième art, qui livre certaines clefs pour décrypter le jeu des acteurs du système juridique, permet ainsi de réinterpréter un bon vieux classique : le « dialogue des juges ». Avec la question prioritaire de constitutionnalité instituée par la révision du 23 juillet 2008 (art. 61-1 C), le Conseil constitutionnel est devenu une star de la défense des libertés. Cour de cassation et Conseil d'État filtrant les questions transmises rue de Montpensier, le nouveau mécanisme repose sur un schéma triangulaire. Il reste à préciser le casting de ce film, qui commence (très fort) avec un triello digne de Sergio Leone.

Chacun sait que la réforme a transfiguré le Conseil constitutionnel. Naguère décrié (mode de nomination de ses membres, manque de légitimité, etc.), il serait devenu une sorte de justicier des hautes plaines, défenseur intraitable de l'État de droit. L'on en viendrait presque à oublier l'insécurité galopante – ce fléau de l'Ouest sauvage – qu'engendre la QPC et que dénoncent de rares gringos, prêchant dans le désert de Chihuahua. La légende du western est en marche ; elle s'écrit à coups de colt, le juge constitutionnel ayant déjà – entres autres exploits qui finiront dans les livres d'histoire – transformé en écumoire le régime ordinaire de la garde à vue (Cons. const., déc. n° 2010-22 QPC, 30 juill. 2010). Le Conseil constitutionnel – faut-il l'écrire ? –, c'est le Bon.

En face, la Cour de cassation tient le rôle du mauvais joueur, qui triche au poker et perd quand même : n'a-t-elle pas commis l'erreur funeste de tirer en premier, renvoyant d'abord à la Cour de justice de l'Union européenne (et non au Conseil constitutionnel) des dossiers qui soulevaient une question impliquant à la fois un contrôle de constitutionnalité et un contrôle de conventionnalité communautaire (Cass., 16 avr. 2010 : JCP A 2010, 2162) ? La riposte fulgurante du gunfighter au poncho, dégainant comme l'éclair après l'offense initiale (Cons. const., déc. n° 2010-605 DC, 12 mai 2010 : JCP A 2011, 2010), était à la mesure de ce gros affront. Une partie de la doctrine ne s'y est pas trompée, qui a joué de la gâchette pour mettre un peu de plomb dans la cervelle du fâcheux et l'expédier – six pieds sous terre – au cimetière de Sad Hill. Le calumet communautaire (CJUE, 22 juin 2010, aff. C-188/10 et C-189/10 : JCP A 2010, act. 525), dont l'âcre fumée fait tousser les pieds tendres, permettra-t-

A T T E N T I O N G É N I E E N

A C T I O N

Philippe Yolka « Question prioritaire de constitutionnalité : Le Bon, la Brute et le Truand »,JCP A n° 11, 14 Mars 2011, act. 190

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il d'enterrer la hache de guerre ? Rien n'est moins sûr (pour la dernière salve en date : Cass., 29 juin 2010, n° 10-40.001 et n° 10-40.002). La Cour de cassation, c'est – bien entendu – la Brute.

Reste le troisième larron, dont la performance comblera les cinéphiles exigeants (dans la version originale, Elie Wallach vole d'ailleurs la vedette à Lee Van Cleef et même à Clint Eastwood). Toujours habile pour sentir le vent qui tourne dans la prairie, le Conseil d'État a su jouer les bons élèves de la QPC et pointer sa Winchester vers le quai de l'Horloge au meilleur moment (CE, 14 mai 2010, n° 312305, Rujovic : JurisData n° 2010-006167 ; JCP A 2010, act. 402 ; sera publié au Lebon). C'était bien le moins, le Conseil constitutionnel ayant jugé peu avant « que le constituant [...] a confié au Conseil d'État et à la Cour de cassation, juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnus par la Constitution, la compétence pour juger si le Conseil constitutionnel doit être saisi de [la] question de constitutionnalité » (Cons. const., déc. n° 2009-595 DC, 3 déc. 2009). Ce considérant vaut bien plus que les 200000 dollars du trésor des Confédérés : voici constitutionnalisé le dualisme juridictionnel, avec un ordre administratif chapeauté par le Conseil d'État, ce qui relègue assez loin la jurisprudence antérieure (Cons. const., déc. n° 86-224 DC, 23 janv. 1987, Conseil de la concurrence). Comme cela ne suffisait pas, la Haute Assemblée s'est promptement prévalue de cette décision pour refuser de transmettre une question de constitutionnalité mettant en cause sa partialité structurelle au regard de la double fonction – consultative et juridictionnelle – qu'elle exerce (CE, 16 avr. 2010, n° 320667, Assoc. Alcaly : JurisData n° 2010-004131). Ainsi qu'un cavalier solitaire, Serge Slama – pratiquement seul à annoter cet arrêt... – l'a observé de façon perfide : « Il aurait été intéressant pour le Conseil d'État de préciser dans quelle décision le Conseil constitutionnel aurait déjà tranché, dans les motifs et le dispositif d'une décision, ces moyens relatifs à sa double fonction au regard du principe d'impartialité et du droit à un procès équitable, et en quoi la question ne serait pas « nouvelle » du point de vue du contrôle de constitutionnalité des lois » (http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2010/04/23/le-conseil-dÉtat-rechigne-a-transmettre-une-qpc-in-house-ce-16-avril-2010-association-alcaly/). Sacré Tuco !

Les lecteurs délicats, que les spagghetti indisposent, auront du mal à digérer le spectacle de ces pistoleros sans foi ni loi. Confessons qu'à décrire la réalité avec les armes de la fiction, on risque fatalement de choquer. Mais à décharge, il faut dire tout de même qu'une scène – plus proche de Sam Peckinpah que de l'opéra italien – a été coupée au montage : celle dans laquelle le Mexicain et le bounty killer au cigare tirent sur un peón désarmé (CE, 9 juin 2010, n° 329056 et n° 329057, Collectif pour la défense de l'université, Beaud et a. : JurisData n° 2010-009442 ; JCP A 2011, act. 8 ; Dr. adm. 2010, comm. 116, note F. Melleray. – Cons. const., 6 août 2010, n° 2010-20/21 QPC : JCP G 2010, 862 ; D. 2010, p. 2335, note F. Melleray ; Gaz. Pal. 8-9 sept. 2010, p. 14, note M. Touzeil-Divina. – CE, 15 déc. 2010, SNES-FSU et autres : AJDA 14 mars 2011, étude F. Melleray). Et puis, au cinéma, la violence est feinte, les pistolets sont chargés à blanc : c'est pour rire, évidemment... »

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« Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 octobre 2010 par le Conseil d'État (décision n° 338505 du 8 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Kamel D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 2 et 17 novembre 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 novembre 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Spinosi pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 décembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

6. Cons. constit. décision n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010, M. Kamel D[aoudi] [Transposition d'une directive]

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1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser :

« a) Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;

« b) Qu'elle a commis un crime grave de droit commun ;

« c) Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;

« d) Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État » ;

2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions méconnaissent le principe de la dignité humaine et l'article 66-1 de la Constitution aux termes duquel : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort » ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu'en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne ; qu'en ce cas, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ;

4. Considérant que les dispositions contestées se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la directive du 29 avril 2004 qui ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France ; que, par suite, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité susvisée,

DÉCIDE :

Article 1er.° Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'État. »

Article 2.° La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

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N° 338505 Publié au recueil Lebon

10ème et 9ème sous-sections réunies M. Stirn, président

M. Tanneguy Larzul, rapporteur Mlle Lieber Sophie-Justine, rapporteur public

SPINOSI ; FOUSSARD, avocats « Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Kamel A, demeurant chez Mme Sandra B, ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2009 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision prise par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du IV de l'article 1° de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant l'article 2 de la loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 66-1 ; Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ; Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 ; Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-9 QPC du 2 juillet 2010 ; Vu la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 juin 2010, Aziz Melki et Sélim, affaires jointes C-188/10 et C-189/10 ; Vu le code de justice administrative ; (…)

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du

C O M M E N T E Z L A D É C I S I O N

S U I V A N T E

CE, 8 octobre 2010, Kamel Daoudi

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Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; Considérant que les dispositions de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles la Cour nationale du droit d'asile a fondé la décision dont M. A demande au Conseil d'Etat l'annulation, sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que si le Conseil constitutionnel, examinant la conformité à la Constitution de la loi du 10 décembre 2003, a déclaré, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, que cette loi, et notamment son article 1er en tant qu'il a pour effet d'exclure du bénéfice de la protection subsidiaire les auteurs de crimes graves de droit commun, de même que les personnes dont les activités constituent une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique, ou la sûreté de l'Etat, dont sont issues les dispositions contestées de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était conforme à la Constitution, il n'a cependant pu examiner la constitutionnalité de ces dispositions au regard de l'article 66-1 de la Constitution, introduit postérieurement à sa décision par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 et dont la méconnaissance des droits et libertés qu'il garantit est invoquée par le requérant ; que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 712-2, en tant qu'elles excluent les personnes qu'elles désignent du bénéfice de la protection subsidiaire prévue par l'article L. 712-1 du même code, les exposent dès lors à des risques de condamnation à la peine de mort à l'étranger et méconnaissent, de ce fait, le principe selon lequel nul ne peut être condamné à la peine de mort énoncé par l'article 66-1 de la Constitution, dont le Conseil constitutionnel n'a pas fait application à ce jour, soulève une question non dénuée de rapport avec les termes du litige, qui présente un caractère nouveau au sens et pour l'application de l'article de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Considérant qu'il résulte des dispositions du même article 23-5 que le caractère nouveau de la question impose au Conseil d'Etat d'en transmettre l'examen au Conseil constitutionnel ; qu'ainsi les moyens par lesquels il est fait valoir en défense que la question serait par ailleurs dépourvue de sérieux sont sans incidence sur la nécessité du renvoi ; Considérant, enfin, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soutient en défense que devrait être posée à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle de la conformité de l'article 17 de la directive 2000/83 du 29 avril 2004, dont les dispositions de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile assurent l'exacte transposition, au droit de l'Union ; qu'il résulte toutefois clairement des dispositions de cette directive, qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire les Etats membres à prévoir des cas dans lesquels un demandeur d'asile, auquel la protection subsidiaire serait refusée, devrait être reconduit dans un pays où il pourrait être exposé à la peine de mort ou à des traitements contraires au principe de dignité de la personne humaine ; que par suite, il n'y a, en tout état de cause, pas matière pour le Conseil d'Etat à poser une telle question préjudicielle ; Considérant qu'il y a lieu dans ces conditions de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution de l'article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile » v.. conclusions A-S. Lieber, AJDA 2010, p.2433

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