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LA S'SL'OTHEQUE DU C'TOYEN Roland Cayrol , , MEDIAS ET DEMOCRATIE , LA DERIVE PRESSES DE SCIENCES PO Extrait de la publication

DU C'TOYEN Roland Cayrol… · 2013. 11. 5. · Son objet est d'alemer le læteur sur la mernce que représente pour l'avenir de l'écrit, tour particulièrement dans le domaine des

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LA S'SL'OTHEQUEDU C'TOYEN

Roland Cayrol, ,

MEDIAS ET DEMOCRATIE,LA DERIVE

PRESSES DE SCIENCES PO

Extrait de la publication

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ROLAND CAYROLest directeur de recherche ala

Fondation nationale des sciencespolitiques (Centre d'ttudes de La

vie politique franfaise). Sestravaux portent sur les medias et

leur influence politique, lesstructures de l'opinion publique et

les comportements politiquescompares, en France et en Europe.If est par ailleurs directeur associe

de l'Institut de sondage CSA etcollabore aplusieurs organes de la

presse ecrite et audiovisuelle.

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Lo Bibliothèque du citoyen

Cette collection, au-delà du monde universitaire, s'adresse

à un public citoyen, intéressé et sollicité par les grandsthèmes qui font débat dans I'actt:,ilitê.Interdisciplinaire dans sa vocation et par l'identité mêmede ses auteurs, ouverte sur les problèmes de la sociétéfrançaise comme sur ceuK de l'Europe et du monde, elleentend participer, à sa façon, aux grandes controversespubliques.L'objectif de la collection est donc de proposer à des in-tellectuels, des universitaires ou des chercheurs de renomde donner " à chaud >>, sur une question essentielle,d'ordre politique, économique ou social, le point de vueauquel ils sont parvenus à I'issue de leur réflexion ou deleur recherche.En veillant à ne pas laisser le débat sur la cité aux seulsprofessionnels de l'opinion, les Presses veulent démontrerque les sciences sociales peuvent sortir d'elles-mêmes etavoir une utilité sociale.En abandonnant leur lourdeur sans rien aMiquer de leurrigueur, en devenant accessibles au citoyen motivé parles questions de son temps sans tomber dans les facilitésdu marketing d'opinion, les sciences sociales peuventainsi apporter leur témoignage avec clarté et concision,combattre des clichés et dénoncer les facilités.Ouvrages courts, allégés de leur appareil critique commedes pesanteurs des démonstrations techniques, les livresde La Bibliothèque du citoyen ne sont pas des synthèsesacadémiques mais des moyens d'expression rapide et di-recte mis à la disposition de la communauté intellec-tuelle.Portant sur une question ou un enjeu et non sur un objetd'encyclopédie, ils éclairent, sans fioritures inutiles, undébat public qui souffre tour à tour de simplisme etd'inutiles confixions.La Bibliothèque du citoyen æuvre ainsi concrètement àla consrruction d'une cité réellement participative.

Conité dz pilotage, Bertrand Badie, Jean-Baptiste Boyer,

Jean-Luc Domenach, Marie-Françoise Durand, SergeHurtig, Jacques Le Cacheux, Thierry Leterre-Robeft, Mi-reille Perche, Dominique Reynié, Renaud Sainsaulieu,Christophe de Voogd.

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mÊuns n oÉmocRmr:

u oÊnrvr

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DU MÊME AUTEUR

François Mitturand, Presses de Sciences Po, L967.Le déput6 français, avec Jean-Luc Parodi et Colette Ysmal,

Presses de Sciences Po, 1973.La preste 4crite et audiwivelle,PUE, 1913.La t4léuision fait+lle l'ûleaion ?, avec Jay Blumler et Ga-

briel Thoveron, Presses de Sciences Po, 1978.Pu,trait d'un Présidcnt, avec Anne Gaillard, film pour

FR 3, t985.La nouael le communicat ion po l it ique, I^arousse, 1 986.I*s médias, PUF, 1991.I* grand nwlentendu, let Français et Ia politique, Seuil,

1994.

SOUS LE NOM DE JEÂN DUCHATEÂU

Meurtre à /Élys6e, Calmann-Lévy, Lg87.Meurtre à TF1, Calmann-Lévy, 1988.Meurtre à lÉlysée 11, Calmann-I-évy,1994.

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LA BtBLtornÈourDU CITOYEN

Rolond Cuyrol

MEDIAS EI DEMOCRAÏIE :

LA DERIVE

PRESSES DE SCIENCES PO

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C.æalogage Elecme-Bibliographie (avec le concours des Services de do-cumentation de la FNSP)

Cayrol RolandMédias et démocratie : la dérive. - Paris : Presses de Sciences po, 1997- Oa Bibliothèque du citoyen)tsBN 2-7246-07104RAMEAU: médias : aspect politique : France

journalistes : déontologie : FranceDEIZEY: 302.4 : Psychologle sociale. Communica-

rron de mæe. Sociologie ds _médiæ070.2 : Joumalisme. Prse. Edirion. Ac-tivités journalistiqires

Public concerné: Tout oublic

Le photocopillage tue le livre

Ce logo mérite une explication. Son objet est d'alemer le læteur sur lamernce que représente pour l'avenir de l'écrit, tour particulièrement dansle domaine des sciences humains et socials, le développement massif du< photocopillage ".

La loi de 1957 sur la propriété intellectuelle interdit en effet expressé-ment la photocopie à usage collectifsans autoristion des ayants droii (seulela photocopie I tsge privé du copiste esr autorisée). Or, certe pratiques'est généralisée, prov,oquant une brutale baisse des venres, au point quela.possibilité même d'diter comectement ce type d'ouvrages st aujout-d'hui menacée.

Nous rappelons donc que toute reproduction, prtielle ou torale, duprésent ouvrage est inrerdire sans autorisation de l'éditeur ou du Centrefrançais d'exploitarion du droir de copie (CFC, J, rue Hautefeuille,75006 Paris).

Couaerture: Emmanuel Iæ Ngæ@ 1997. PRXSSES DE LA FONDÂTION NATIONâ,LE

DES SCIENCES POLITIQUES

ISSN 1272-0496

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Text Box
ISBN de la version numérique : 9782724685367
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lntroductîon

Les médios et le citoyen

On ne peut plus gouverner sans les médias,

et I'on voit nos gouvernants s'adonner aux pirespitreries, pour s'attirer leurs bonnes grâces.

Mais gouvefner, c'est aussi réfléchir, élaborer,

concerter en secret, et cela n'est plus guère pos-

sible sous la pression permanente des médias.

Autre contradiction : les médias, parce qu'ilsnous informent et contribuent à la formationde I'opinion publique, font partie intégrante de

la définition moderne de la démocratie. Mais,mus qu'ils sont par la logique du profit et de

la recherche d'audience, ils s'occuPent plus de

nous émouvoir et de nous divertir que de nous

informer.Tel est le double point de départ de ce livre :

la croyance dans I'importance fondamentale des

médias ; et la constatation, banale, que notresystème fonctionne mal, qu'il se dévoie.

Levons tout de suite une hypothèque: si jesuis critique, si le mot de " dérive " va venirsous ma plume, pour désigner ceftains compor-tements de nos hommes politiques et de nos

journalistes, je ne suis pas de ceux qui croienti o. o âge d'or " passé de I'information et de

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la démocratie. Les Républiques de jadis oud'hier n'éraient certes pas plus enviables que lanôtre, du point de vue du fonctionnementdémocratique, er la grande presse vendue oupourrie des belles années de la Troisième Ré-publique ne saurair évidemmenr constiruer uneÉfércnce ! Si la démocratie exisre, elle est unidéal,-et c'est par rappon à lui, et non en regardde références historiques ou exotiques, qrri jevais situer ma réflexion.

Je souhaite aussi éviter une équivoque sur leso responsables ,' des phénomènes que je vais iciétudier. Puisque mon << matériau >> va êtreconstitué des hommes politiques er des iour-nalistes, je sais bien le risque qu'on puisse liremes phrases comme personnellement dirigéescontre les uns et les autres. Or tel n'est pas monPropos.

<, ll ne fauî pas déaoiler les ressorts du diable,cela ne se fait pàs ,>, prévient Sollers. plutôtqu'au diable, c'esr à vrai dire à un système queje voudrais m'en prendre. Mais je sais que 1eshommes onr rôt fait de s'identifier au système,et de prendre pour eux, à titre personnel, I'ana-lyse critique d'ordre génénI.

Précisons donc, puisqu'il le faut.Je suis un ,, politologue " médiatique. Cher-

cheur, je travaille, depuis des années, sur lesmédias, leur organisation, leur contenu, leurimpact sur la vie sociale et politique. partici-pant aux commentaires d'actualité, vulgarisa-teur et aussi sondeur, je m'exprime souventdans les médias, dans les journaux, à la radio,à- la télévision. J'aime la politique, comme objetde recherche er comme enjeu du débat citoyen.J'aime les médias, comme moyen de transmis-sion et de rencontre. Si je ne craignais pas defaire penser à ces antisémites qui lnvoquenr à

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tout bout de champ leurs amis juifs, je diraisbien que nombre de mes relations intimes per-sonnelles appartiennent au monde politique et,surtout, médiatique...

Mais le système au sein duquel ils évoluent

- au sein duquel, la plupart du temps, ils sontcontraints d'évoluer - me panît poser aujour-d'hui de redoutables problèmes, du point devue de la construction de la démocratie, je veuxdire du point de vue du citoyen.

Les hommes politiques ont la peau souventdurcie, ils sont rompus à la critique à leur en-contre, ils savent la " récupérer " à leur profit.J'attends avec confiance le débat avec eux,même si je le sais difficile. C'est plus délicatavec le monde des médias, où I'on est promptà souffrir individuellement des analyses déran-gçantes sur les institutions, les mécanismes, lespratiques professionnelles du journalisme.

Pour éviter de fausses querelles - j'espère ensoulever assez de réelles -, je préviens donc quece n'est pÉrs << auK journalistes ,r, ni même .. auxmédias > que je vais ici m'attacher.

C'est à un fonctionnement du système poli-tique, et médiatique, dépassant évidemment les

individus, et qui fait souvent d'eux les acteursd'une pièce qu'ils n'ont pas souhaité écrire decette manière.

Ce n'est pas moi, c'est la très sérieuse et trèsofficielle Commission de la carte d'identité desjournalistes professionnels, qui estimait indis-pensable de publier, Ie 4 ftvrier L992, uncommuniqué solennel qui fit grand bruit, etdans lequel on lisait :

. Face au discrédit dont les médias font I'objet dansI'opinion publique, si l'on en croit les sondages, etcompte tenu des conditions de plus en plus scabreuses

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qui président à la collecte de l'informarion - âpreté dela concurrence, hantise de I'Audimat, recherche du scoopà tout prix, poids de la publicité, vitesse accélérée de latransmission des nouvelles, réduction du temps néces-saire à leur vérification, etc. -, la Commission [...] ap-pelle ses quelque 27 OO0 ayants droit à la plus grandevigilance [...J. Devant la cascade de " dérapages " quisapent la crédibilité des journalistes er des médias, laCommission de la came estime de son devoir d'appelersolennellement les éditeurs er les journalisres, chacun se-lon ses responsabilités, à conjuguer leurs effoms pourdonner un coup d'arrêt à cette dangereuse dérive. >

De plus en plus d'acteurs de ce système sonrdu feste conscients de cette " dérive ", etsouhaitent pouvoir y résister. J'écris ce livrependant des vacances américaines ; je regarde,à Ia télévision, les conventions des deux grandspartis politiques, dans la perspecrive de l'élec-tion présidentielle.

O. y trouve le poison, er le conrrepoison.Pendant la convention démocrate, bien sûr, ces<< trois prochains discours à la convention, quivous sont offerts par ATT ! >. Mais aussi, pen-dant la convention républicaine, ces deux mo-ments, que j'ai relevés sur CNN.

Cette chaîne, contrairement aux trois grandsréseaux télévisés nationaux, retransmettait I'in-têgralité des débats. IJn soir, Ia démagogie ca-tégorielle des républicains fait passer à la tri-bune des orateurs de nombreuses minorités. Lejournaliste de CNN précise en substance : << Lecoup n'aufa guèfe d'effets, nous, nous trans-mettons tout, mais les trois grandes chaînesn'ont plus l'antenne ! > Un autre jour, un par-lementaire noir s'exprime devant la convenrion.Au fil de son discours, Ia caméra - celle deCNN, il ne s'agit pas d'images tournées par lesrépublicains eux-mêmes - montre, ici ou làdans la salle, des délégués noirs, attentifs. Mais

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les commentateurs, en direct, précisent : ... Nevous laissez pas abuser par nos images. II y a,

en fait, moins de 3 % de délégués noirs à cetteconvention ! >>

Dans les pages qui vont suivre, je n'enga-gerai évidemment que moi-même, mais j'aiainsi le sentiment que, de.plus en plus nom-breux, des hommes politiques, des journalistesse battent pour une éthique démocratique deI'information.

À Sci.n..r Po, j'ai été à I'origine, en 1990,de Ia ctêation d'un enseignement sur le ., mé-tier de journaliste et son éthique ". Beaucoupen ont été surpris ; il est vrai que depuis, Rou-manie, guerre du Golfe et procès Botton aidant,I'actualité de la question est mieux apparue !

Ce que je voudrais surtout mentionner ici, c'estque, depuis la création de ce séminaire, les ti-tulaires en ont toujours été des journalistes.

Nous ont ainsi accompagnés : Daniel Carton,'Michel Colonna d'fsria, Noël Copin, Ivan Le-vdi, Jean Offredo, Jean-Claude Petit, Jean-LucPouthier, Marc Riglet, Pierre-Luc Séguillon,François Vey. Je ne les cite pas pour apporterde I'eau à mon moulin - je ne suis pas sûr qu'ilsapprouveraient toujours ce qui va suivre -, maispour saluer un effort de la profession journalis-tique à poursuivre le débat et la formation surces questions.

Ce sont des questions que je crois impor-tantes, pour la réflexion sut les systèmes poli-tiques et pour la démocratie, surtout en untemps où le rôle social des médias est renouveléet croissant. Les idéologies tendent à décliner,les affiliations partisanes à se relâcher, l'intérêtpour la politique à faiblir. Dans cet environ-nement, la presse, la radio, la télévision voientleur rôle, et donc leur responsabilité, accrus.

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C'est pourquoi je pense indispensable que ledébat sur ces questions ne se restreigne pas auseul univers politique ou médiatique. Tous lescitoyens doivent être appelés à y participer. Etje voudrais verser au dossier de cet indispen-sable débat les quelques pièces provenant demes recherches - mes lecteurs fidèles ne m'envoudront donc pas si je reprends ici quelques-uns des thèmes, des marottes et des dévelop-pements de mes écrits précédents -, auxquellesj'ai joint, à la première personne, mes hypo-thèses et mes choix de citoven.

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Chopitre I

Responsobilités des médios

Le lien entre information, opinion publiqueet système de gouvernement, a été mis en lu-mière bien avant I'apparition des concepts mo-dernes fondateurs de la démocratie. Aristote,déjà, insistait sur le rôle de I'opinion commeélément de soutien du pouvoir politique...

Mais ce lien a été singulièrement renforcé parla naissance de la démocratie, la conquête dusuffrage universel, l'apparition de la presse demnsse. Le gouvernement du peuple suppose lecontrôle permanent de l'exercice du pouvoir parI'opinion publique. La presse - on dira les mé-dias, pour englober l'écrit et l'audiovisuel -constitue, à l'évidence, le moyen le plus efficaced'information et de formation de cette opinionpublique. Ils sont le relais par excellence entregouvernants et gouvernés.

Il n'est dès lors de démocratie vivante, quesi l'information est libre et pluraliste et si lacommunication s'effectue bien, et dans les deuxsens, entre gouvernants (ou aspirants gouver-nants) et gouvernés. Le lien est assurément plussensible encore depuis I'arrivée de moyens decommunication de mnsse, la télévision surtout.

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La télévision permet d'aboutir à cette agoraélectronique, à ce village global, où le peuplese trouve mis en contact avec des dirigeantspolitiques qui lui parlent en direct.

Les médios chongenf /es règ/esdu ieu démocrotique

Prenant la place - considérable - qui est de-venue la leur, les médias ont progressivementintroduit dans le fonctionnement de nos sys-tèmes politiques des modifications substan-tielles, qui sont parfois autant d'effets pervers.

Je voudrais ici en mentionner six, qui meparaissent centrales pour la suite de mon pro-pos.

En premier lieu, à tout seigneur tout hon-neur, figure la fameuse << personnalisation dupouvoir ' par les médias et, surtout, pat la têIé-vision.

Bien sûr, la télévision n'a pas cÉé la person-nalisation de la vie politique: Napoléon, Ga-ribaldi, le de Gaulle de la guerre n'ont pas eubesoin de la télévision pour que leurs partisanspersonnalisent leur combat... Bien sûr, la radioa joué un grand rôle dans l'émergence de per-sonnalités politiques ou dans la personnalisa-tion de Ia propagande politique : dans des re-gistres vraiment fort différents, les exemples deRoosevelt, de Hitler ou de Pierre MendèsFrance sont ici significatifs.

Mais il est évident que la télévision, parceque ses émissions montrent des images, donneune ampleur particulière au phénomène. Il luifaut en permanence ntnntrer entre qui se résumele débat politique et montrer, en simplifiant, lechoc des idées et des forces à partir de person-

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nalités qui s'afFrontent. La télévision tend deplus en plus à présenter la vie politique et lescampagnes électorales comme des affronte-ments entre leaders, comme des matches - etdu reste le vocabulaire sportif est, avec le vo-cabulaire militaire, celui auquel I'informationpolitique télévisée emprunte le plus grandnombre de termes.

Amenant les leaders de I'actualité à domicile,ne sélectionnant que les leaders les plus connus,encourageant la ,. vedettisation n, créant uneimpression d'intimité avec la personnalitê pré-sente sur le petit écran, la télévision poussepuissamment à un développement de la person-nalisation politique.' Des hommes comme J.F. Kennedy, premierprésident améûcain à accepter que ses confé-rences de presse frrssent télévisées en direct, ouIe gênéruI de Gaulle, premier gouvernant fran-

çais à faire une utilisation systématique d'unetélévision arrivant précisément à un niveau dediffirsion de masse, ont construit une bonnepart de leur image auprès du public sur leursapparitions télévisées.

Des hommes, à peu près inconnus ou malconmrs du public, sont même devenus brus-quement populaires du seul fait de leurs pres-tations à la télévision. Ce fut le cas, en 1952,de Richard Nixon, candidat à la vice-présidencedes États-Unis sur le même " tickei ' que legénéral Eisenhower. Une campagne de presses'était déclenchée contre lui à propos de I'uti-lisation qu'il aurait faite d'argent versé pour sa

campagne par un groupe de supporters califor-niens. Nixon sentit, devant les doutes visible-ment ressentis dans l'électorat et jusque chezEisenhower, la nécessité de réagir. Il loua unedemi-heure d'antenne sur les grands réseaux de

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télévision et s'expliqua devant le public ; à vraidire, les réponses de Nixon sur le fond mêmede I'affaire en cours ne furent pas d'une extrêmeprécision, mais le candidat à la vice-présidences'employa surtout à expliquer qu'il était bonpère, bon époux, bon citoyen, bon Américain,pendant que la camén s'attardait sur son bravechien Checkers - d'où le nom de o discours deCheckers >>, retenu pour cet épisode -, et mon-ttait, pat moments, son épouse l'écoutant at-tentivement; son émission se termina par unappel aux téléspecrareurs à écriré au Comiténational du Parti républicain pour lui dirc s'ildevait ou non rester candidat.

L'effet fut immédiat et massif : ce fut uneavalanche de lettres, de télégrammes et decoups de téléphone en sa faveur, dans la pro-portion de 350 favorables contre 1 défavorabled'après le Parti républicain. Eisenhower I'ac-cueillait quelque temps plus tard par ces mors :

,. You're my boy ! " Le ,, miracle de la télévi-sion ', avait joué; comme l'ont observé Kurt etGladys Lang, la télévision avait. permis à Ri-chard Nixon d'obtenir un soutien populairealors que I'affaite n'était. pas réellement éclairciepouf autant !

Cet exemple historique a, depuis lors, connumaintes répliques, sous des formes diverses.

Qu'on songe à Le Pen, à Tapie...Si la télévision permet ainsi de faire monrer

brusquement une cote de popularité, il peut ar-river aussi qu'elle joue en sens inverse. Le casle plus célèbre est sans doute là encore améû-cain, avec le sénateur McCarthy. La télévisionavait, comme les autres moyens de communi-cation de masse, joué un certain rôle dans l'as-cension du chantre de la croisade anticommu-niste des années cinquante, mais elle joua un

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rôle non moins négligeable pour <( dégonfler "le mythe maccarthyste, notamment en avril1954,lorsque McCarthy s'opposa au secrétairedes Forces armées, Stevens : ses rugissemen$pendant I'audience télévisée de la commissionsénatoriale qu'il présidait, parurenr pluscomiques que menaçants à une majorité de télé-spectateurs. Sans doute, la télévision requiert-elle une certaine sobriété pour que le messagesoit efficace... J'y reviendrai.

Les périodes électorales se prêtent fort bien àcette personnalisation de la polirique : Ia cam-pagne électorale n'est-elle pas elle-même lute,compétition, affiontement de candidats ? Latélévision, mettant l'accent sur ces aspects del'élection, a tendance à accenruer la dimensionhumaine par rapport à la dimension propre-ment politique du phénomène électoral. Lessondages publiés pendant la campagne ren-forcent à leur tour cette dimension, en insistantsur les qualités personnelles des leaders poli-tiques. Rappelons par exemple ces quelquesquestions posées à propos des candidats à uneélection : " A-t-il trouvé un bon ton de voix oupas ? ", " A-t-il I'air de réciter un rexre apprispar cæuf ou bien d'improviser ? >, " Gagne-t-il à être vu en gros plan ou de plus loin ? >,.. Trouvez-vous qu'il est naturel ou qu'il joueun rôle ? n, .. Le trouvez-vous ennuyerrx ou pasennuyeux ? ,r, ,, En dehors de vos opinions po-litiques et de celles des trois candidats, lequeldes trois ptéfêwiez-vous avoir comme ami ? ,'

Ainsi l'" image de matque " des hommespolitiques tend-elle à se rapprocher, roures pro-poftions gardées, de celle des vedettes du spec-tacle : le candidat doit se construire un person-nage à la fois proche de l'électeur et de ses

problèmes, en qui ce dernier puisse se recon-

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naître, et au-dessus de lui, car il faut préserverla nécessité de I'admiration pour celui qui as-

sume des tâches nobles : comme la star de ci-néma, qui, entre .. I'exceptionnel et I'ordinaire,I'idéal et le quotidien, offre à I'identificationdes points d'appui de plus en plus réalistes ",selon la formule d'Edgar Morin. La communi-cation politique moderne tend à instituer une( starisation " de la politique.

La deuxième modification du fonctionne-ment de nos démocraties par les médias renvoieà la fonction d'agenda setting remplie par eux,pour reprendre le vocabulaire foryé par les so-ciologues anglo-saxons, autrement dit à leurfonction d'" établissement de I'ordre du jour u.

Expliquons-nous.Les partis politiques, le gouvernement, les

organes institutionnels, les forces économiqueset sociales, les groupes de pression agissentcontinûment, jour après jour, sur des thèmesrenouvelés. Ils proposent des solutions auxquestions du moment, polémiquent entre eux,diffusent des milliers de communiqués. Aucunsecteur de la vie sociale, politique ou culturelle,que ce soit à l'échelon national ou à l'échelonmondial, n'échappe à leurs analyses et à leursprises de position. Dans cet amns de thèmes etde positions, les médias jouent en permanence,en direction du public, un rôle de tri, de sélec-tion et de hiérarchisation. Ce sont, très lar-gement, les médias qui opèrent le choix des

données considérées comme les plus impor-tantes, pour les retransmettre en direction descitoyens.

De nombreuses enquêtes font apparaître, no-tamment à l'occasion des campagnes électo-rales, que c'est en effet à travers leur consom-mation des médias (et d'abord de la télévision)

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que les citoyens se font une idée des enjeux dela vie politique, des problèmes sur lesquels des

oppositions politiques fondamentales se mani-festent, des thèmes autour desquels s'organisentles compétitions électorales. La télévision estainsi appelée à jouer un rôle permanent de mé-diation entre le système politique et I'ensembledes citoyens.

Cette fonction d'établissement de l'ordre dujour des problèmes politiques est tout à faitfondamentale. Â bien des égards, les efforts despartis politiques sont vains, lorsqu'ils ne par-viennent pas à faire << passef , leurs thèmes depropagande auprès de la masse des électeurs.

Les citoyens, de leur côté, sont dépendantsdes médias - et d'abord de la télévision, qui estleur principale source d'information politique -pour repérer ce que sont les " points chauds "du débat politique. Et c'est bien en fonction deces points chauds et des positions prises à leurégaÀ par les diftrentes forces politiques qu'ilsarrêteront finalement leur comportement poli-tique.

La communication politique moderne tendainsi à confier aux médias, et d'abord à Ia téIé-vision, un rôle essentiel dans la sélection desenjeux autour desquels doit tourner le débat dela société politique.

Le troisième changement en profondeur estlié au précédent : les médias ont opéré un dé-placement du lieu de la politique. Les médias

- la télévision, en tout premier lieu - tendentà devenir le lieu principal de la politique.

La télévision donne de plus en plus le ton dela vie politique, elle lui zrssure son rythme, elleen ponctue les moments clés. Les grandes émis-sions, les grands débats télévisés constituent

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Page 21: DU C'TOYEN Roland Cayrol… · 2013. 11. 5. · Son objet est d'alemer le læteur sur la mernce que représente pour l'avenir de l'écrit, tour particulièrement dans le domaine des

DANSIAMEMECOLLECTION

Alfred GrosserLes identites difficiles

Maurice BertrandLa fin de l'ordre militaire

Guy HermetLe passage afa democratie

Fran<;ois RachlineServices pubLics,

economie de marche

Henri ReyLa peur des banLieues

Jean-Pierre RiouxTombeaux pour fa gauche

Olivier DollfusLa mondiaLisation

Roland CayrolMedias et democratie : fa derive

Karoline Postel-VinayLe Japon et la nouvelle Asie

Philippe Moreau DefargesUn monde d'ingerences

Lilly MarcouLe crepuscule du communisme

Jocelyne CesariFaut-iL avoir peur de l'isLam ?

Maurice AgulhonCoup d'Etat et RepubLique

Marco MartinielloSortir des ghettos cuLtureLs

Catherine Wihtol de WendenLa citoyennete europeenne

Fran<;oise MenginLes trois Chines

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Extrait de la publication

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Les medias som fondamemaux dans unedemocratie. Mais Ie role qu'ils remplissem

n'est pas a la mesure de l'enjeu. De « derapage »en « derive», ils se decredibilisent aux yeux desFran<;ais, qui leur reprochent leur manque d'inde­pendance, leur gout du superficiel et du sensa­tionnalisme, leurs erreurs professionnelles. Lesysteme politique et social tout entier chavire,s'abandonnam a la facilite du spectaclemediatique. Trop de journalistes finissent partrouver normales les curieuses exceptionsfran<;aises aux normes ethiques et professionnellesde leur metier. Or, les medias exercent une res­ponsabilite aujourd'hui accrue, du fait du declindes ideologies et des cadres de references : lescitoyens, devenus plus autonomes, plus libres deleurs choix et plus changeants, ont besoin d'euxpour comprendre et decrypter un mondecomplexe. Il est temps de reagir, de comprendrece qui se passe, et de verser des esquisses desolution au necessaire debat citoyen sur Ie role del'information dans notre democratie.

/~\~LA SISLIOTHEQUE

DU CITOYEN

1111111111111111111111111111119 782724 607109

945638-5

.£janvier 1997

Prix: 75 FISBN: 2-7246-0710-4

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