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Croissance, ton commerce extérieur fout le camp L'AFFAIBLISSEMENT DE L'HEXAGONE LES GROUPES EN TÊTE – 20 – 15 – 10 –5 5 10 15 20 25 6,3 5,8 5,7 5,8 5,1 5,2 5,1 5,1 2,6 150 200 250 300 350 UN MOTEUR MOINS PERFORMANT Evolution des échanges de marchandises depuis 1990, en milliards d'euros, données FAB-FAB Evolution des parts de marché de la France dans le commerce mondial, en valeur, en % Exportations françaises en 2002 réalisées par : en % Exportations Solde Importations Source : Comptes nationaux 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 1992 1994 1996 1998 2000 2001 2003 2004 Source : Insee Source : OMC 0 Grandes entreprises Entreprises étrangères PME indépendantes Autres 40 37 1 22 – 16,9 OFFRES D’EMPLOI I l n’y a pas assez d’entreprises françaises qui exportent, et nos exportations ne sont pas suffisamment orientées vers les zones de forte croissan- ce. » Ainsi parlait Nicolas Sarkozy fin octobre, un mois avant de quitter Bercy pour prendre la tête de l’UMP, en présentant le nou- veau dispositif gouvernemental destiné à doper les ventes à l’étran- ger. Et notamment celles des peti- tes et moyennes entreprises (PME) historiquement hors du coup. Sur les quelque 2,4 millions d’entrepri- ses que compte le pays, à peine 115 000, soit environ 5 %, contri- buent à vendre le label France à l’étranger. A l’heure actuelle, plus de 90 % des ventes hors des frontiè- res sont assurés par 10 % seule- ment des exportateurs français. L’échantillon est encore plus réduit quand on considère que, toutes tailles confondues, les dix premiè- res entreprises à l’exportation comptabilisent à elles seules 15 % des exportations françaises de mar- chandises. Quant aux PME, certes, la vocation exportatrice existe bien chez certaines d’entre elles, mais elles ne dépassent pas 4 % du total de ce secteur d’activité. Un pour- centage, il est vrai, sensiblement identique à celui de l’Italie, autre nation exportatrice, mais bien infé- rieur à celui de l’Allemagne, cham- pionne du monde à l’exportation, où 18 % des PME ont, depuis long- temps, foulé le sol étranger. Quand, en annonçant diverses mesures d’encouragement – dont un contrat de travail spécifique à l’exportation inspiré du « contrat de chantier » –, le futur ex-ministre de l’économie dénonce ce qu’il refu- se de considérer comme « une fata- lité » au regard des 15 000 emplois supplémentaires que crée 1 mil- liard d’euros de plus de ventes à l’étranger, s’agit-il d’autre chose que d’un nouveau coup de menton après les innombrables annonces de conquête sur le même registre proclamées depuis de trop nom- breuses années ? A la veille de confier à Nicolas Sarkozy la charge de Bercy, Francis Mer avait fait preuve de lucidité. « Le problème de l’exportation tient au fait qu’elle n’est pas considérée comme fonda- mentale », déclarait-il au mois de mars. On ne saurait mieux dire. De la même façon qu’elle néglige son tourisme – sauf lorsqu’elle réali- se qu’elle a perdu 2 millions de visi- teurs sans s’en apercevoir –, la Fran- ce n’a jamais vraiment accordé une dimension politique à la promotion de ses ventes à l’étranger. A preuve la liste, sur trente ans, des titulaires du poste de ministre du commerce extérieur, ballottés, au fil des gou- vernements, entre véritable maro- quin et simple strapontin, voire pis quand la fonction a complètement disparu comme c’était le cas dans la première équipe Raffarin de mai 2002. On pourrait s’interroger aus- si, en évitant de froisser les suscepti- bilités, sur la stature des personnali- tés nommées, quelquefois au nom de leur réelle envergure, souvent pour satisfaire tel petit parti indis- pensable à l’équilibre gouverne- mental. Quelques noms sont restés en mémoire – Raymond Barre, Michel Jobert, Dominique Strauss- Kahn –, d’autres méritent d’être oubliés, tel celui de Jean-Marie Rausch qui avait mis le feu aux mar- chés des changes en décembre 1988 après une gaffe mémorable sur la parité franc/mark. Il faut dire que, bon an mal an, sans que qui- conque s’en mêle vraiment, les échanges commerciaux de la Fran- ce se sont plutôt bien comportés. Jusqu’à l’accident 2003 au cours duquel les exportations, pour la pre- mière fois depuis 1978, ont reculé de 2,1 %. Contributeur vital à la croissance jusqu’en 2000 à côté des deux autres piliers que sont la consom- mation domestique et les investis- sements, le commerce extérieur est, depuis, devenu un frein. Et tout laisse penser que ce sera enco- re le cas cette année. L’érosion pro- gressive des excédents commer- ciaux puis l’apparition de déficits consécutifs depuis avril 2004 ( dont un « record » de 2,4 milliards d’euros en août, selon les chiffres des douanes) ont incité les pou- voirs publics à se remobiliser. « Il faut tout de même préciser que plus de la moitié de ces déficits provient de l’impact de la hausse des prix du pétrole », indique Pierre Moraillon, le patron de la direction des rela- tions économiques extérieures (DREE), ajoutant que lorsque le produit intérieur brut (PIB) mon- dial était multiplié par 3,5 – entre 1980 et 2003 –, tandis que les expor- tations mondiales voyaient leur volume être multiplié par 4,5, la France a parfaitement accompa- gné ce mouvement. Mais la question du moment tient autant à ces déficits, qu’en haut lieu on estime passagers, qu’aux parts de marché dans le commerce mondial, là où la machi- ne exportatrice française a effecti- vement cédé du terrain pour être ramenée de 5,8 % à 5,1 % en dix ans. Trop longtemps sans doute, la France, qui a laissé la Chine lui ravir la place de quatrième exporta- teur mondial (derrière l’Allema- gne, les Etats-Unis et le Japon), est restée prisonnière d’un tropisme régional, en partie hérité de son passé colonial, qui l’a conduite à concentrer 80 % de ses exporta- tions vers un ensemble constitué par l’Europe, l’Afrique et le Proche et Moyen-Orient. Alors que c’est en Asie et en Amérique latine que se sont développées les zones de forte croissance. « C’est un phéno- mène qu’ont connu quasiment tous les pays de l’OCDE », relativise M. Moraillon, ajoutant qu’au sein de cette zone la France a maintenu sa part de marché, à savoir 8 %. Le récent voyage de Jacques Chirac en Chine et la mission conjointe – une première – que vont effectuer à Mexico, du 17 au 19 novembre, les premiers ministres français et québécois, accompagnés chacun par une centaine d’entrepri- ses, témoignent de l’intérêt enfin compris pour ce qui est devenu un « autre Nouveau Monde ». Encore faut-il que les entreprises françaises qui en sont dépourvues, notam- ment les PME, se dotent de spécialis- tes de l’export, qui manquent trop souvent. « Près de 80 % des entrepri- ses exportatrices en sont encore pri- vées, alors que des milliers de diplô- més attendent un poste de cette natu- re à l’ANPE », déplore Alain-Eric Giordan qui, au nom de Dynamique Export, s’efforce, depuis des années, de promouvoir les ressour- ces humaines dans le secteur de l’ex- portation. Inscrit en bonne place parmi les dernières mesures gouver- nementales, le contrat emploi- export vise cet objectif. Assorti d’avantages fiscaux, il est limité à six mois. « C’est un progrès, concède M. Giordan, mais il doit s’inscrire dans la durée. Un contrat à l’exporta- tion doit être tout sauf éphémère. » Serge Marti b A contre-courant des délocalisations de centres d’appels, Jean-Louis Borloo, le ministre du travail, prépare une série de mesures visant à valoriser le métier de télé-opérateur p. VII b Le boom des bons d’achat distribués par les comités d’entreprise p. VIII les déficits en série depuis avril poussent le gouvernement à prendre des mesures !"#$$# &$’(# &)"* $’ +*’,-’$$#.’/,# 0’,1 $’ 023212), 2,4#*,’42),’$# 0" 4*’3’2$ 5 !"#$% ’ $()"*+," -../0 ’12. 3 6,# ’,’$71# .’(*)81#(4)*2#$$# 0# $’ +*’,(# #4 0# $9:$$#.’/,# 4567,%+#7"#,8 3 9,#65 :;:9<= >?@,%8ABC0 D#87@E FGHI >J"#78)1"8 K687%7#7 LM, N%,78)1@L78L5,8)1#6OC J%8)#7@67 3 41,%87%@6 PQH=KRR >P@%67AD5+@%6C !"#$% ’ $()"*+," -../0 S/12. 3 ;#"< ’,’$71#1 0# 14*’4=/2#1 09#,4*#&*21# 4567,%+#7"#,8 3 I5TU RGHD=:HJ >:%,+#8C0 F#+",7#8 E56 DHVI9=HD >4567%6"67@UC J%8)#7@67 3 !(,W*" 4<=;=IQ >:HQ=C X"6$,"$% S. $()"*+," -../0 ’12. 3 >#1 ?4’41 ’$$#.’,0 #4 @*’,-’21 @’(# A $’ @2,’,(# 4567,%+#7"#,8 3 ?@7,%)Y :HQZP >4J4C0 :6756 9H=IJ=H >?@,%8AKB0 J"[%@C J%8)#7@67 3 F@68AF"U*#7 \GQ] >9#6$"8+@6YC X"6$,"$% S. $()"*+," -../0 S/12. 3 !"# @’2*# 0# $9?"*)&# 5 4567,%+#7"#,8 3 H5+",7 9G^=H >=F=PPC0 P7"L@6 4G<<KDIGI ><P=C !"# %&’(&’) * +,- !./0"/ 1234)!5/ 67869- :! ;<=/0)/ > ?<@’( * 4&A0/ +- )@!@&(0 * B)C4!0!1/ 4/) 6 /@ +8 1<5/?D’/ 788E _5#, @88%87", ‘ U@ )56L(,"6)"0 E"#%UU"a E5#8 %68),%," @E@67 U" -/ 65E"*+," -../ 8#, U" 8%7" bbbc)"67,"8@%67AO5+@%6c5,O 5# )567@)7", U" 4"67," )5#,,%", (U")7,56%d#" 3 )"67,"e8@%67AO5+@%6c)5* A 7(U(_156" 3 .S /’ ./ SS .. )(") 4! 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IX à XII À LIRE DANS LE DOSSIER BOUSSOLE Part des recettes en hydrocarbures dans les exportations, en % LE POIDS DE L'OR NOIR Source : Energy Information Administration, FMI et Banque asiatique de développement * 80 % avec la pétrochimie Azerbaïdjan Kazakhstan Turkménistan 70 56 60* FOCUS EMPLOI Trop longtemps, la France, qui a laissé la Chine lui ravir la place de 4 e exportateur mondial , est restée prisonnière d’un tropisme régional, en partie hérité de son passé colonial > Commerce extérieur : la fin annoncées des années fastes p. II >Les entreprises françaises à l’heure chinoise p. II >Rendre plus efficaces les outils existants p. II > Alain Duprat, PDG de Moria : « Un patron de PME doit s’engager dans une démarche d’exportation p. III >Pour l’Allemagne, une priorité économique et politique p. III ECONOMIE MARDI 9 NOVEMBRE 2004

ECONOMIE - medias.lemonde.frmedias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/sup_economie_041108.pdf · en mémoire –Raymond Barre, ... Le récent voyage de Jacques ... france, l™agence française

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Croissance, ton commerceextérieur fout le camp

L'AFFAIBLISSEMENT DE L'HEXAGONE

LES GROUPES EN TÊTE

– 20

– 15

– 10

– 5

0

5

10

15

20

25

6,35,8 5,7 5,8

5,1 5,2 5,1 5,1

2,6

150

200

250

300

350

UN MOTEUR MOINS PERFORMANT

Evolution des échanges de marchandises depuis 1990, en milliards d'euros, données FAB-FAB

Evolution des parts de marché de la France dans le commerce mondial,en valeur, en %

Exportations françaises en 2002réalisées par :en %

Exportations

SoldeImportations

Source : Comptes nationaux1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

1992 1994 1996 1998 2000 2001 2003 2004

Source : Insee

Source : OMC

0

Grandesentreprises

Entreprisesétrangères

PMEindépendantes

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22

– 16,9

OFFRESD’EMPLOI

Il n’y a pas assez d’entreprisesfrançaises qui exportent, etnos exportations ne sont passuffisamment orientées versles zones de forte croissan-ce. » Ainsi parlait Nicolas

Sarkozy fin octobre, un mois avantde quitter Bercy pour prendre latête de l’UMP, en présentant le nou-veau dispositif gouvernementaldestiné à doper les ventes à l’étran-ger. Et notamment celles des peti-tes et moyennes entreprises (PME)historiquement hors du coup. Surles quelque 2,4 millions d’entrepri-ses que compte le pays, à peine115 000, soit environ 5 %, contri-buent à vendre le label France àl’étranger. A l’heure actuelle, plusde 90 % des ventes hors des frontiè-res sont assurés par 10 % seule-ment des exportateurs français.L’échantillon est encore plus réduitquand on considère que, toutestailles confondues, les dix premiè-res entreprises à l’exportationcomptabilisent à elles seules 15 %des exportations françaises demar-chandises. Quant aux PME, certes,la vocation exportatrice existe bienchez certaines d’entre elles, maiselles ne dépassent pas 4 % du totalde ce secteur d’activité. Un pour-centage, il est vrai, sensiblementidentique à celui de l’Italie, autrenation exportatrice, mais bien infé-rieur à celui de l’Allemagne, cham-pionne du monde à l’exportation,où 18 % des PME ont, depuis long-temps, foulé le sol étranger.Quand, en annonçant diverses

mesures d’encouragement – dontun contrat de travail spécifique àl’exportation inspiré du « contratde chantier » –, le futur ex-ministrede l’économie dénonce ce qu’il refu-se de considérer comme « une fata-lité » au regard des 15 000 emploissupplémentaires que crée 1 mil-

liard d’euros de plus de ventes àl’étranger, s’agit-il d’autre choseque d’un nouveau coup de mentonaprès les innombrables annoncesde conquête sur le même registreproclamées depuis de trop nom-breuses années ? A la veille deconfier à Nicolas Sarkozy la chargede Bercy, Francis Mer avait faitpreuve de lucidité. « Le problèmede l’exportation tient au fait qu’ellen’est pas considérée comme fonda-mentale », déclarait-il au mois demars. On ne saurait mieux dire.De la même façon qu’elle néglige

son tourisme – sauf lorsqu’elle réali-se qu’elle a perdu 2 millions de visi-teurs sans s’en apercevoir –, la Fran-ce n’a jamais vraiment accordé unedimension politique à la promotionde ses ventes à l’étranger. A preuvela liste, sur trente ans, des titulairesdu poste de ministre du commerceextérieur, ballottés, au fil des gou-vernements, entre véritable maro-

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Kahn –, d’autres méritent d’êtreoubliés, tel celui de Jean-MarieRausch qui avait mis le feu auxmar-chés des changes en décembre1988 après une gaffe mémorablesur la parité franc/mark. Il faut direque, bon an mal an, sans que qui-conque s’en mêle vraiment, leséchanges commerciaux de la Fran-ce se sont plutôt bien comportés.Jusqu’à l’accident 2003 au coursduquel les exportations, pour la pre-mière fois depuis 1978, ont reculéde 2,1 %.Contributeur vital à la croissance

jusqu’en 2000 à côté des deuxautres piliers que sont la consom-mation domestique et les investis-sements, le commerce extérieurest, depuis, devenu un frein. Ettout laisse penser que ce sera enco-re le cas cette année. L’érosion pro-gressive des excédents commer-ciaux puis l’apparition de déficitsconsécutifs depuis avril 2004 ( dont

un « record » de 2,4 milliardsd’euros en août, selon les chiffresdes douanes) ont incité les pou-voirs publics à se remobiliser. « Ilfaut tout de même préciser que plusde la moitié de ces déficits provientde l’impact de la hausse des prix dupétrole », indique Pierre Moraillon,le patron de la direction des rela-tions économiques extérieures(DREE), ajoutant que lorsque leproduit intérieur brut (PIB) mon-dial était multiplié par 3,5 – entre1980 et 2003 –, tandis que les expor-

tations mondiales voyaient leurvolume être multiplié par 4,5, laFrance a parfaitement accompa-gné ce mouvement.Mais la question du moment

tient autant à ces déficits, qu’enhaut lieu on estime passagers,qu’aux parts de marché dans lecommerce mondial, là où la machi-ne exportatrice française a effecti-vement cédé du terrain pour êtreramenée de 5,8 % à 5,1 % en dixans. Trop longtemps sans doute, laFrance, qui a laissé la Chine luiravir la place de quatrième exporta-teur mondial (derrière l’Allema-gne, les Etats-Unis et le Japon), estrestée prisonnière d’un tropismerégional, en partie hérité de sonpassé colonial, qui l’a conduite àconcentrer 80 % de ses exporta-tions vers un ensemble constituépar l’Europe, l’Afrique et le Procheet Moyen-Orient. Alors que c’esten Asie et en Amérique latine quese sont développées les zones deforte croissance. « C’est un phéno-mène qu’ont connu quasiment tousles pays de l’OCDE », relativiseM. Moraillon, ajoutant qu’au seinde cette zone la France a maintenusa part de marché, à savoir 8 %.

Le récent voyage de JacquesChirac en Chine et la missionconjointe – une première – quevont effectuer à Mexico, du 17 au19 novembre, les premiersministresfrançais et québécois, accompagnéschacun par une centaine d’entrepri-ses, témoignent de l’intérêt enfincompris pour ce qui est devenu un« autre Nouveau Monde ». Encorefaut-il que les entreprises françaisesqui en sont dépourvues, notam-ment les PME, se dotent de spécialis-tes de l’export, qui manquent tropsouvent. « Près de 80 % des entrepri-ses exportatrices en sont encore pri-vées, alors que des milliers de diplô-

més attendent un poste de cette natu-re à l’ANPE », déplore Alain-EricGiordan qui, au nomdeDynamiqueExport, s’efforce, depuis desannées, de promouvoir les ressour-ces humaines dans le secteur de l’ex-portation. Inscrit en bonne placeparmi les dernièresmesures gouver-nementales, le contrat emploi-export vise cet objectif. Assortid’avantages fiscaux, il est limité àsix mois. « C’est un progrès, concèdeM. Giordan, mais il doit s’inscriredans la durée. Un contrat à l’exporta-tion doit être tout sauf éphémère. »

Serge Marti

b A contre-courant des délocalisationsde centres d’appels, Jean-Louis Borloo,le ministre du travail, prépare une sériede mesures visant à valoriser le métierde télé-opérateur p. VIIb Le boom des bons d’achat distribuéspar les comités d’entreprise p. VIII

les déficits en série

depuis avril poussent

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Les trois Etats pétroliersd’Asie centrale– Azerbaïdjan,Kazakhstan etTurkménistan – doiventsortir leurs économiesde la dépendanceaux hydrocarbures p. IV

Wal-Mart, le numéro unmondial de la grandedistribution, porteurdes valeurs prônéespar G. W. Bush durantsa campagne, est attaquésur son comportementantisocial p. V

b Dirigeantsb Finance, administration,juridique, RH b Banque, assuranceb Conseil, auditb Marketing, commer-cial, communication b Santé b Indus-tries et technologies b Carrières inter-nationales b Multipostes b Collectivi-tés territoriales p. IX à XII

À LIRE DANS LE DOSSIER

BOUSSOLEPart des recettes en hydrocarburesdans les exportations, en %

LE POIDS DE L'OR NOIR

Source : Energy Information Administration,FMI et Banque asiatique de développement

* 80 % avec la pétrochimie

Azerbaïdjan

Kazakhstan

Turkménistan

70

56

60*

FOCUS EMPLOI

Trop longtemps, la France, qui a laisséla Chine lui ravir la place de 4e exportateur

mondial , est restée prisonnière d’un tropismerégional, en partie hérité de son passé colonial

> Commerce extérieur : la finannoncées des années fastes p. II>Les entreprises françaisesà l’heure chinoise p. II>Rendre plus efficaces les outilsexistants p. II> Alain Duprat, PDG de Moria : « Unpatron de PME doit s’engager dansune démarche d’exportation p. III>Pour l’Allemagne, une prioritééconomique et politique p. III

ECONOMIEMARDI 9 NOVEMBRE 2004

Les entreprises françaises à l’heure chinoiseSHANGAI

de notre correspondant , visite du pré-

sident Chirac en octobre et déplacements ministé-riels multiples, l’heure est enfin au marché chinoispour les entreprises françaises. Avec 1,4 % de partde marché en 2003 pour ses exportations enChine, la France est par exemple loin derrière l’Alle-magne (5 %). La Chine est, pour les entreprises fran-çaises, soit une base d’approvisionnement ou defabrication à bas coûts, soit un nouveau marché,ce qui implique souvent de s’y implanter directe-ment. La Mission économique de Shanghaï consta-te que le nombre de demandes qui lui sont adres-sées a doublé en à peine un an : « Les grands grou-pes français sont présents, ils ont compris l’intérêtdu marché chinois et ont déjà dix ans d’expérienceici. C’est plus dur pour les PME, qui traditionnelle-ment sont plus petites en France qu’en Allemagne.Pour aller en Asie et venir jusqu’en Chine, ça deman-de quand même un effort important », expliqueVincent Perrin, chef adjoint de la mission.

Un plan d’action du ministère du commerceextérieur a prévu de doubler la présence française

sur les salons chinois d’ici fin 2005, grâce à la miseen place de pavillons français, sous l’égide d’Ubi-france, l’agence française pour le développementinternational des entreprises. Celle-ci prendra encharge une partie des frais de participation.

De plus en plus, la montée en puissance des

grands groupes français en Chine – une poignéed’entre eux, notamment Carrefour, Danone, Totalet Alcatel, sont devenus milliardaires en euros pourleur chiffre d’affaires – a un effet d’entraînement :les PME françaises ne peuvent plus ignorer l’intérêtde leurs clients pour le marché chinois, et sont deplus en plus souvent amenées à les rejoindre sur lemarché le plus dynamique d’Asie, comme le fontdéjà de manière presque systématique les entrepri-ses allemandes et japonaises.

C’est particulièrement vrai dans les secteurs endéveloppement rapide, où la Chine a un grand défi-cit de compétences, comme l’environnement, le trai-tement de l’aluminium, ou encore les transports etla logistique. SEIM France, une PME de 5 millionsd’euros de chiffre d’affaires et de 20 employés, spé-

cialiste en pompes à effet Vortex, est présente pourla première fois en Chine au salon Pollutec de l’envi-ronnement à Shanghaï. « Nous avons déjà installécertains de nos produits chez nos clients françaisimplantés en Chine comme PSA. Nous travaillons aus-si pour des entreprises allemandes très présentesdans le secteur de la machine-outil », raconte RenéRadigon, son directeur général. Il est de plus en plusfréquent de voir des PME françaises faire carrémentle pari de la Chine : le groupe Bartin, spécialiste durecyclage de déchets industriels, implanté endehors de la France dans l’ancienne Europe de l’Est,est en train de finaliser la création ex nihilo d’uneusine à Wuxi, un investissement de près de 15 mil-lions d’euros, sans partenaire chinois puisque lesjoint-ventures ne sont plus obligatoires en Chine.« Nous avons un savoir-faire qu’il n’y a pas ici. Le recy-clage reste très artisanal. Or nos gros clients, commeFaurecia (qui a une usine à Wuxi, NDLR), souhaitentretrouver les critères qu’ils connaissent, de traçabilitéet de certification pour les matières premières qu’ilsachètent », explique le PDG, Vincent Bartin.

Brice Pedroletti

Développer les capa-cités à l’export desentreprises françai-ses constitue unecause nationale. Oupresque. En une

décennie, les réformes engagéespour améliorer cette offre se sontsuccédé à une cadence soutenue,et ce, quelle que soit l’étiquettepolitique du gouvernement en pla-ce. Pour 2005, ces efforts n’ont tou-tefois pas empêché une baisse de9 % du montant global des dota-tions aux organismes d’appui aucommerce extérieur qui s’élève-ront à 40,39 millions d’euros,contre 44,84 millions en 2004.

L’adaptation des structures et lesmesures d’aides ciblées sont lesdeux sillons inlassablement labou-rés. Ce remue-ménage permanentrend très difficile toute appréciationd’ensemble, surtout que les restruc-turations ne sont pas encore toutesaccomplies, avec désormais en lignede mire le rapprochement annoncédes directions du Trésor et des rela-tions économiques extérieures(DREE)

Avant cela, le dernier chantier endate a été le reformatage d’UbiFran-ce, en 2004, qui s’est fait au forcepset s’est accompagné à la fois d’unplan social et d’une délocalisationdu tiers des effectifs (130 postes) àMarseille. Ce nouvel établissementpublic était né en 2003 de la fusiondu Centre français du commerceextérieur (CFCE) et de l’associationUbiFrance qui avait elle-même prisla place en 2001 du Comité françaisdes manifestations économiques(CFME) et de l’Agence pour la coo-pération technique, industrielle etéconomique (Actim) fusionnés en1997…

UbiFrance doit désormais être unguichet national unique d’informa-tion et d’accompagnement sur lesmarchés extérieurs. Sa vocationcommerciale est clairement affir-mée, ce qui s’est traduit par la sup-

pression de 120 postes opération-nels avec la création en contrepartiede 20 postes de commerciaux. Ubi-France a maintenant trois mis-sions : mieux vendre les prestationsréalisées par le réseau des 160 mis-sions économiques à l’étranger,doubler en deux ans le nombre dessalons professionnels à l’étranger etdoubler également celui des volon-taires internationaux en entreprise(VIE). Un plan social, chiffré à16,7 millions d’euros, a entraîné168 départs.

L’Agence française pour les inves-tissements internationaux (AFII)inaugurée en 2001 et présidée parClara Gaymard est le pendant d’Ubi-France. Cet établissement public,qui est doté de 5,43 millions d’eurosdans le projet de loi de finances2005, doit promouvoir l’attractivitéde la France auprès des investis-

seurs étrangers. Il a pris la succes-sion de plusieurs réseaux (DREE,Datar) et doit devenir l’acteur uni-que, au niveau national, pour facili-ter les démarches des entreprisesinternationales et accompagnerleur installation.

60 ’Dans leur démarche exportatrice,

les entreprises françaises bénéfi-cient du rôle de la Coface. Cettesociété privée gère, pour le comptede l’Etat, l’assurance-crédit qui per-met de garantir les entreprises quiexportent contre des risques com-merciaux ou politiques non assura-bles par le marché. La gestion desprocédures publiques ne représenteplus que 6 % du chiffre d’affaires dela Coface. Mais l’encours par l’Etatest de 60 milliards d’euros et 6 mil-liards d’euros de nouveaux engage-

ments ont été pris en 2004, ce quipermet le soutien de plus de80 000 emplois en France.

Les 159 missions économiques,présentes dans 117 pays, sont char-gées de fournir des informations etfont aussi de l’accompagnementpersonnalisé des entreprises.

Sur le plan des financements, lesaides apportées par les régionspour accompagner les exporta-teurs, dans le cadre de plan Etat-région, ont représenté 39 millionsd’euros, en 2003. Enfin les PME fran-çaises désireuses de s’implanter àl’étranger peuvent bénéficier dufonds d’études et d’aides au secteurprivé (Fasep) mis en place en 1999et cogéré par la Sofaris, l’Agencefrançaise de développement et laCoface. Au 30 juin, 58 dossiers ontété soutenus depuis la création dela procédure, correspondant à unencours garanti de 51 millionsd’euros.

Malgré ces différentes mesures etréorganisations, le commerce exté-rieur français marque le pas. Il conti-nue surtout d’avoir pour principalmoteur les grands groupes, déjà pré-sents à l’étranger, plutôt que le tissudes PMI/PME. Afin de remédier àcela, le gouvernement a d’aborddéfini 25 pays cibles – des paysémergents ou importants – et vient

de présenter trois nouveaux disposi-tifs, destinés à relancer la politiquede soutien public à l’exportation.

En premier chef, il compte sur lecrédit d’impôt. Dès 2005, les PMEpourront bénéficier d’une réduc-tion d’impôt égale à 50 % des dépen-ses de prospection commerciale endehors de l’espace européen, dansune limite de 15 000 euros. L’entre-prise doit en contrepartie recruterun salarié pour la fonction export,même pour une durée limitée. Ladeuxième initiative repose sur lacréation d’un contrat de travail spé-cifique à l’export. Façonné sur lemodèle du contrat de chantier, lesalarié recruté voit son contrat seterminer avec sa mission.

Enfin, toujours dans le registre del’emploi, le VIE, qui a été assoupliavec la possibilité pour un bénéfi-ciaire de passer 165 jours en France,commence à décoller auprès desentreprises. A la fin du premiersemestre, le nombre de VIE était deseulement 2 700 personnes répar-ties dans 560 entreprises. Or il exis-te près de 40 000 jeunes candidatsau départ. L’objectif est par consé-quent d’augmenter de 18 % le nom-bre de VIE en poste en 2004, par rap-port à 2003.

Alain Beuve-Méry

ubifrance doitdésormais être leguichet nationaluniqued’informationsur les marchésextérieurs

Mauvaise passe oumal durable ? Lemoindre dyna-misme des expor-tations françaisesfait l’objet de dia-

gnostics divergents. Mais l’enjeuest suffisamment important pourque le gouvernement ait aussi déci-dé de se pencher sur le patient. Unquart de l’emploi salarié, soit quel-que six millions de personnes,dépend des performances des entre-prises françaises sur les marchésétrangers. Et la part des échangesextérieurs représente près de 30 %du produit intérieur brut (PIB), soitplus du double qu’au début desannées 1980, avant le grand tour-nant opéré par la gauche en faveurde la politique de désinflation com-pétitive.

L’insertion réussie de la Francedans les échanges internationaux –cinquième exportateur mondial debiens – a fait du commerce exté-rieur un des soutiens les plusconstants de la croissance jusqu’àl’an 2000. Mais depuis la tendance

s’est inversée. « Le fort ralentisse-ment de l’activité en 2003 est intégra-lement imputable au commerce exté-rieur, alertait une note de la direc-tion de la prévision en mars. Alorsque la croissance de la demande inté-rieure est restée stable entre 2002 et2003, la contribution des échangesextérieurs est devenue négative de– 0,9 % point de PIB (…), les exporta-tions de biens et services ont baissé deprès de 2,1 %, une contraction de cet-te ampleur n’a pas été observéedepuis 1978. »

La reprise de l’économie mondia-le a permis aux exportations françai-ses de se redresser depuis janvier.Avec un score de + 4,8 % sur les huitpremiers mois de l’année, selon leschiffres des douanes, les experts duministère de l’économie ont raisonde dire qu’il n’y a pas de quoi crierau feu. Rapporté au dynamisme ducommerce mondial (+ 8,5 % atten-dus en 2004 selon les dernières pré-visions de l’Organisation mondialedu commerce), il confirme cepen-dant le lent grignotage des partsfrançaises sur les marchés exté-rieurs.

L’explication la plus rassuranteconsiste à invoquer l’appréciationde l’euro. En quatre ans, la deviseeuropéenne s’est valorisée de prèsde 30 % par rapport au dollar. Etpar ricochet vis-à-vis de la plupartdes monnaies asiatiques dont leyuan chinois, arrimées au billetvert. Cette évolution a renchérimécaniquement les produits fran-çais même si, en jouant sur leursmarges, les entreprises ont pu amor-tir en partie le choc. Le seul hic,pour la France, est que ce handicap

aurait dû pénaliser tous les pays dela zone euro. Cela n’a pas été le cas.Loin s’en faut. L’Allemagne n’a, aucontraire, cessé d’accroître sesparts de marchés. « Depuis deuxans, la France cède du terrain parrapport à ses partenaires de la zoneeuro aussi bien sur le marché inté-rieur que sur les marchés tiers »,explique Denis Ferrand de l’institutde conjoncture Rexecode.

Globalement, le poids des expor-tations françaises dans l’ensembledu commerce extérieur de la zoneeuro est passé de 17 % à 15 %.Vis-à-vis de la Chine, l’Hexagoneest revenu à la place qu’il occupaitgrosso modo il y a dix ans, avec13 % des exportations de la zoneeuro à destination de ce pays. Alorsque l’Allemagne a réussi une formi-dable percée. Un produit européensur deux vendu à Pékin aujourd’huiest d’origine allemande.

« »Les experts peinent à expliquer ce

qui mine la compétitivité française.Selon qu’ils utilisent par exempleles bases de données de la Commis-sion européenne ou de l’OCDE, lecoût de la main-d’œuvre – qui estune variable-clé de la compétitivité– évolue de façon sensiblement dif-férente.

En revanche, d’autres facteurs neprêtent pas à polémique. La spéciali-sation tant géographique que secto-rielle du commerce extérieur fran-çais ne nous est pas favorable.« Nous sommes à côté de la pla-que », résume brutalement un hautfonctionnaire de Bercy : autrementdit absents ou pas suffisamment

présents sur les marchés les plusdynamiques et producteurs debiens qui, mis à part les produitsphares du type Airbus, TGV…, nesont pas les plus demandés sur lemarché mondial.

Le constat n’est pas nouveau etc’est bien cela qui est inquiétant. Il ya dix ans, les pouvoirs publicsavaient déjà tiré la sonnette d’alar-me pour réorienter les entreprisesvers les marchés les plus porteurs.Selon une étude de la Caisse desdépôts, la France ne réalise que12 % de ses exportations avec despays dits émergents contre 17 %pour l’Allemagne. Elle continue d’ex-porter près de quatre fois plus versl’Afrique que vers la Chine. L’autreforce du voisin d’outre-Rhin consis-te à faire partie des plus gros pro-ducteurs mondiaux de biens d’équi-pements indispensables aux paysen phase d’industrialisation commela Chine. Ce qui n’est pas le cas de laFrance.

Si aucun changement n’inter-vient, l’Hexagone, selon les calculsde Bercy, pourrait perdre 0,5 pointde part de marché supplémentaired’ici à 2012. Ce n’est pas considéra-ble mais ajouté au fait – délocalisa-tions aidant – qu’elle dépend defaçon croissante des pays à faiblecoût de main-d’œuvre pour s’ap-provisionner en bien de consom-mations (textile, électronique,jouets…), le scénario d’une balan-ce commerciale redevenant, dansun proche avenir, durablementdéficitaire, ne paraît plus aussiextravagant.

Laurence Caramel

1Quels produitsla Franceexporte-t-elle ?

Les biens industriels représentent85 % des exportations françaises.Ils se décomposent pour un quarten biens d’équipement et un tiersen biens intermédiaires. Les biensde consommation et l’automobileassurent chacun 15 % des ventes àl’étranger. De leur côté, les pro-duits agricoles et ceux issus de l’in-dustrie agroalimentaire réalisentles 15 % des exportations restan-tes. Les échanges entre les entrepri-ses et leurs filiales basées à l’étran-ger représentent 30 % de notrecommerce extérieur. La France estsurtout àson avantage dans les sec-teurs de haute et moyenne techno-logie (aéronautique, automobile,télécommunication, pharmacie),dans les produits de luxe (cosméti-ques) et enfin dans les secteursagroalimentaires.

2Quel est l’impactdu prix du pétrolesur la balance

commerciale ?

Jusqu’à présent la forte apprécia-tion de l’euro par rapport au dol-lar a permis d’amortir en grandepartie l’alourdissement de la factu-re pétrolière réglée en devise amé-ricaine. Elle devrait cpendant pas-ser de 21,8 milliards d’euros en2003 à 27 milliards environ en2004 et constitue le principal pos-te déficitaire de la balance com-merciale.

3Quels sontles débouchésde nos exportations ?

L’Union européenne, le Proche etMoyen-Orient et l’Afrique absor-bent les trois quarts de nos expor-tations alors que ces trois zonesreprésentent moins de 45 % ducommerce mondial. La zone euroy contribue à elle seule pour lamoitié. L’Asie, l’Amérique du Nordet l’Amérique latine ne contri-

buent qu’à hauteur de 20 % à nosexportations, alors qu’elles pèsentplus de la moitié du commercemondial.

4Quels sontles marchés jugésprioritaires à Bercy ?

Le ministère de l’économie a dres-sé une liste de 25 pays prioritairespour les entreprises françaises. Ils’agit de pays importants et depays émergents. Dans la premièrecatégorie, on retrouve des grosmarchés, comme les Etats-Unis,l’Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada et la Chine.Ensuite, une série de pays ciblesont été identifiés en additionnanttrois critères : ceux qui présententun marché de forte taille, à crois-sance rapide et sur lequel la Francedemeure peu présente. De ce croi-sement, il résulte la liste suivante :Pays-Bas, Corée du Sud, Mexique,Taïwan, Malaisie, Brésil, Thaïlan-de, Turquie, Pologne, Inde, Russie,Israël, la République tchèque, Hon-grie et Afrique du Sud. A cette lis-te, s’ajoutent l’Algérie, le Maroc etla Tunisie retenus pour des priori-tés politiques. Des plans d’actionscommerciaux seront concertés parles services du ministère avecnotamment comme objectif affi-ché de vouloir doubler les salonset colloques professionnels dansces pays, afin d’y renforcer la pré-sence française.

les expertspeinentà expliquerce qui minela compétitivitéde l’hexagone

Rendre plus efficaces les outils existants

POUR EN SAVOIR PLUS

QUESTIONS-RÉPONSES

A l’étranger

LE MARCHÉ EUROPÉEN PRÉDOMINE

Source : Douanes

Les dix premiers clients de la France, en milliards de dollars

50

40

30

20

10

0

Allem

agne

Espagne

Royaum

e-Uni

Italie

Belgique

Etats-U

nis

Pays-Bas

Suisse

Japon

Chine

47,6

32,5

30,7

29,5

24,5

22,0

12,5

10,6 5,3

4,6

D O S S I E R

Commerce extérieur :la fin annoncée des années fastes

> L’Economie française 2004-2005,de l’OFCE (éd. La Découverte,coll. « Repères », 124 p., 7,95 ¤).> « La France perd du terrain enAsie émergente depuis cinq ans »,article de la revue Rexecode,no 83, 2e trimestre 2004(site : www.rexecode.com).> Rapport sur le commerce mondial

2004, de l’Organisation mondialedu commerce (OMC), 256 p.(site : www.wto.org).> Nombreuses informationssur l’évolution sectorielleet géographique du commerceextérieur français sur le site de ladirection des relations économiquesextérieures (www.dree.org).

Les échanges de services,solde en milliards d'euros

L'APPORT DES SERVICES

Source : comptes nationaux, Insee

10

15

20

25

16,07

16,04

22,29

11,34

1993 1995 1997 1999 2001 03

II/LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004

Vous dirigez Moria, groupe dematériel chirurgical fort de250 salariés et de 40 millionsd’euros de chiffre d’affaires. Ilréalise 81 % de ce chiffre à l’ex-portation. Comment êtes-vousparvenu à ce résultat ?

Nous sommes une très vieilleentreprise, puisque nous avons étéfondés en 1820. Nous sommes spé-cialisés dans la fabrication et lacommercialisation d’instrumentspour la chirurgie des yeux, commeles scalpels ou les ciseaux. Audébut des années 1990, un ophtal-mologiste russe a inventé une tech-nique de correction de la myopiepar la chirurgie, technique qui aété améliorée par l’emploi du laser.Mais ce procédé était encore dou-loureux et nécessitait une convales-cence de trois ou quatre jours.

Au milieu des années 1990,Moria a accompagné la naissanced’une technique inventée par unItalien et par un Grec qui ont eul’idée d’utiliser le laser pour rabo-ter la cornée de 1 micron, sansdouleur et en quatre minutes.Nous avons développé un appa-reil pour réaliser la découpe de lacornée préalable à l’emploi dulaser. Cette innovation majeurenous a, par exemple, permis denous approprier, dès 1998, 20 %du marché américain.

A partir de quel moment avez-vous accéléré votre internatio-nalisation ?

Nous possédions déjà uneculture internationale et nous réali-

sions, avant même ce pari réussi,30 % de notre chiffre d’affaires àl’exportation grâce à des produitsde prix élevés mais de très hautequalité, sortis de nos établissementsde Bourbon-l’Archambault (Allier)et d’Antony (Hauts-de-Seine).

Notre internationalisation aconnue une accélération parceque nous avons anticipé la deman-de de chirurgie réfractive prove-nant d’autres pays non occiden-taux. Il faut savoir que les Japo-nais ont un taux de correctionvisuelle plus important que dansle reste du monde. Prenez laChine, où le port de lunettes estconsidéré comme un handicapqui empêche de trouver un travailou un mari ! Nous avons été enmesure de profiter de l’élévationdu niveau de vie chinois, qui a per-mis aux particuliers de payer l’opé-ration : aujourd’hui, nous réali-sons 25 % de notre chiffre d’affai-res en Asie dont 15 % en Chine.

La croissance fabuleuse del’Asie est venue à point nommépour compenser le recul améri-cain, qui s’est amorcé en 2000 etque le 11 septembre 2001 a beau-coup aggravé. Car cette chirurgieest coûteuse. Elle représente2 000 dollars par œil ; c’est à coupsûr une dépense qu’on remet àplus tard, quand on n’a pasconfiance dans l’avenir. Et, enplus, nous avons perdu 40 % denotre chiffre sur les Etats-Unis parl’effet de la seule dépréciation dudollar.

Vous n’avez donc aucune diffi-culté pour exporter ?

Non.Le gouvernement a-t-il raison

de se mobiliser pour contrer lerecul des exportations ?

Lorsque je suis entré dans la vieactive, au milieu des années 1970,il y avait déjà un gouvernementqui exhortait les entreprises fran-çaises à exporter en proposantdes aides via la Coface et le Cen-tre français du commerce exté-rieur (CFCE), pendant que leschambres de commerce et d’indus-trie organisaient des voyages deprospection à l’étranger. Rien n’achangé depuis cette époque.

En parallèle à la récente visitedu président de la République enChine, des réunions de travailviennent d’être organisées avecles entreprises pour les inciter àprendre le chemin de l’Asie. C’estpresque trop tard. Je ne sais pas siles hommes politiques françaisvoyagent à l’étranger plus sou-vent qu’avant, mais je sais que, de1986 à 1996, Shanghaï a construit

l’équivalent de quatre quartiersde la Défense dans les rizières quil’environnaient et que Pékin, où iln’y avait quasiment pas de voitu-res il y a dix ans, dispose à présentde trois ou quatre boulevards péri-phériques.

Croyez-vous que les PME souf-frent d’un handicap particulieren matière d’exportation ?

Non. Rien ne handicape a prioriles PME. A condition d’oubliertout ce que l’on sait comme tech-niques de négociations en Euro-pe, quand on se rend en Asie ouailleurs. Il faut s’imprégner de laculture des différents marchés. Ilfaut apprendre que la négociationau Japon a une dimension rituelle.Cela vaut pour d’autres pays. J’aidécouvert ce principe de base enEspagne, au début de ma carriè-re : si je voulais vendre à Barcelo-ne, je ne pouvais être installé àMadrid !

Comment jugez-vous lesmesures d’aide projetées par legouvernement, tels le créditd’impôt export ou le contrat detravail spécifique à l’exporta-tion ?

Je demande à voir. Peut-êtreque la structure que nous avonscréée au Japon aurait pu en profi-ter ? Mais j’ai peur que ce soitcomme pour les aides à l’innova-tion : pour en bénéficier, il fautconstituer un dossier, qu’il soitexaminé par une commission, etc.Au bout du compte, on parvient à

des délais de mise en œuvreincompatibles avec la vitesse decroisière d’une entreprise.

Vos décisions ne dépendentdonc pas de l’existence d’aidespubliques ?

Non. Nous allons commerciali-ser à la fin de cette année deuxnouveaux appareils dont nousavons entrepris le développementdepuis septembre 2003. Si, pourbénéficier d’une aide quelconque,il nous fallait attendre deux outrois mois, donc perdre deux outrois mois de chiffre d’affaires, jecrains que ce manque à gagner nesoit sans rapport avec l’aide espé-rée !

Pourquoi les PME redoutent-elles l’exportation ?

La France est riche dans ledomaine technologique, et sesPME font preuve d’un réel savoir-faire dans de nombreuses niches.Mais elles ont du mal à sortird’Europe. Dans le domaine dumatériel médical qui est le nôtre,certaines redoutent par exemplela Food and Drug Administration(FDA) américaine. Une fois qu’ona compris comment celle-ci fonc-tionne, on s’aperçoit que ce n’estpas l’épouvantail tant de foisdénoncé ; il serait même plus faci-le de travailler avec elle qu’avecl’administration française de lasanté.

Selon vous, quels sont lesprincipes qu’une PME doit res-pecter pour réussir à exporter ?

Nous, PME, ne sommes pas lesmagasins Carrefour, qui peuventenvoyer des équipes complètesavec des financiers, des techni-ciens et des commerciaux pourdéfricher chaque marché. Lesentrepreneurs de PME doiventdonc s’engager personnellementdans cette démarche pour encomprendre les tenants et lesaboutissants. Si j’ai une décisiond’implantation internationale àprendre, je ne peux me contenterdu projet que me présentera monresponsable pour l’international :il faut que je m’immerge dans cedossier.

En France, nous vivons un han-

dicap culturel ; nous ne sommespas tournés vers l’international ;nous parlons peu l’anglais…

Enfin, je répète que c’est uneerreur de dupliquer un savoir-fai-re européen. Il faut s’adapter à lademande. C’est un principe demarketing de base, certes d’unegrande banalité, mais si Moriaest un peu atypique dans le paysa-ge des PME françaises, c’est par-ce que nous l’avons appliqué.Nous n’avons rien réussi de parti-culièrement extraordinaire ou dif-ficile.

Propos recueillis parAlain Faujas

FRANCFORTde notre correspondant

Championne du mon-de des exportationsen 2003, l’Allemagnene semble mainte-nant plus contestéepour garder ce titre

qu’elle a reconquis sur les Etats-Unis, en partie grâce à un effet dechange, la réévaluation de l’eurogonflant la valeur de ses exporta-tions dans les comparaisons inter-nationales. Selon la Fédérationallemande du commerce extérieuret du commerce de gros (BGA), lesventes allemandes à l’étrangerdevraient progresser de 9,5 %, à725 milliards d’euros, une accéléra-tion supérieure à la croissance ducommerce mondial qui montre

que l’Allemagne continue à gagnerdes parts de marché grâce à sesbonnes positions en Chine et enEurope de l’Est et sa compétitivitédans les biens d’équipement. En2004, les importations augmente-raient parallèlement de 6,5 %, par-tiellement à cause de la hausse duprix du pétrole et des matières pre-mières, à 567 milliards d’euros. Unexcédent commercial record de158 milliards d’euros serait doncsur le point d’être dégagé cetteannée.

L’Allemagne, qui représente seu-lement 4,4 % du produit intérieurbrut (PIB) mondial, a assuré 10 %des exportations de la planète en2003. Les Etats-Unis, cinq fois plusgros, n’ont vu leur part s’établirqu’à 9,7 %. La croissance outre-Rhin ne repose pour l’instant quesur cette machine exportatrice.Cette année, l’Allemagne va tirerde ses exportations plus des qua-tre cinquièmes de sa croissance(une hausse de 1,8 % du PIB estattendue), selon le rapportd’automne des six principaux insti-tuts de conjoncture allemand(RWI, HWWA, IFW, IFO, DIW etIWH).

Priorité politique, l’exportationn’en fait pas moins quelquesvagues au sein du gouvernementallemand, où les responsables éco-

logistes tentent de limiter lesexportations nucléaires ou militai-res. La presse s’est fait l’écho à lafin du mois d’octobre de nouvellesdiscussions au sein de la coalitionau pouvoir sur les exportationsliées au nucléaire, les ministresVerts souhaitant mettre fin à unaccord de coopération scientifiqueavec le Brésil, soupçonné de nepas limiter ses ambitions aunucléaire civil. Une polémique quipourrait mettre en danger la vented’une nouvelle centrale électriquenucléaire, s’inquiètent les milieuxindustriels alors que Siemens etFramatome ont déjà construitdans le pays les centrales nucléai-res Angra I et Angra II. Déjà, unprojet d’exportation de technolo-gie nucléaire vers la Chine sembleavoir été mis en sommeil en avril,sous l’effet de la protestation dedéputés de la majorité et de discus-sions tendues au sein du gouverne-ment. Le groupe Siemens projetaitde revendre une usine allemandede transformation du plutoniumen combustible nucléaire (Mox) deHanau, restée désaffectée depuis1991 à la suite de l’intervention deM. Fischer, qui était alors ministrede l’environnement du Landconcerné, la Hesse.

Dépourvu de colonies, et doncde débouchés commerciaux cap-

tifs, l’Allemagne considère depuisl’après-guerre ses exportationscomme une priorité économiqueet politique. Ses PME ont contri-bué au développement des foireset des salons à vocation internatio-nale, une activité florissante àFrancfort, Hanovre, Munich, Colo-gne ou Düsseldorf. L’Etat proposede son côté, parmi de nombreuxautres dispositifs, une aide logisti-que pour la participation des PMEà des foires et des Salons à l’étran-ger. Certains Länder, notammentla Bavière ou la Hesse, ont aussimis en place des programmes d’ac-

compagnement pour les PME. Labanque publique KfW propose desfinancements à l’export ou desprêts à taux préférentiel pour créerdes implantations à l’étranger.Une Agence fédérale pour le com-merce extérieur (BFAI) fournit parailleurs des informations et des

études de marché. Côté entrepri-ses, l’aide à l’export repose sur leschambres de commerce extérieurbilatérales : il en existe environquatre-vingts, chargées d’organi-ser des flux d’échanges.

Selon le président de l’institut deconjoncture munichois IFO, Hans-Werner Sinn, l’économie alleman-de ne serait plus, cependant, lamachine à exporter de naguère.Au contraire, elle serait en train dedevenir une « économie debazar ». Pour garder leur compéti-tivité, les entreprises auraient dimi-nué la part de la production alle-

mande dans leur production totaleet procéderaient à davantage d’as-semblage, de transformation et denégoce. Selon des projections réali-sées par les analystes de la Deuts-che Bank, les exportations alleman-des étaient composées à 40,5 % decontenus importés en 2003, contre

26,7 % en 1991. Cette thèse restecontestée par d’autres institutscomme le DIW. « La thèse avancéepar l’IFO ne diminue pas la contribu-tion nette du commerce extérieur àla croissance allemande. En revan-che, elle contribuerait à expliquerpourquoi l’économie allemande res-te destructrice d’emplois salariés en2004 », explique Sylvain Broyer,économiste de Ixis CIB à Franc-fort.

Pour regagner des parts de mar-ché et réussir son come-back à l’ex-portation, l’économie allemandene cesse d’ailleurs de se restructu-rer et d’imposer la modérationsalariale depuis le milieu desannées 1990 sur les sites de produc-tion situés en Allemagne. La haus-se des exportations, expliquent cer-tains économistes, est donc lecorollaire de la déprime de lademande intérieure. Si elle conti-nuait, la hausse de l’euro face audollar de ces dernières semainespourrait d’ailleurs relancer les res-tructurations et les plans d’écono-mies outre-Rhin. Les prévisionsdes experts de la Deutsche Bank,pour qui la monnaie unique pour-rait coter 1,40 dollar d’ici quelquesmois, correspondent à ce scénariopessimiste.

Adrien de Tricornot

CHRONIQUE

La facture de Bush IIf Depuis 1990 Président-directeur

général de l’entreprise Moria.f 1986-1990 Directeur de la zone

Europe de l’Ouest, puis membre

du comité de direction

(marketing-technologie) de Ciba Vision

(Groupe Novartis).f 1981-1986 Directeur général d’Alcon

(groupe Nestlé), leader mondial

de l’ophtalmologie.

avec 4,4 % du pibmondial, le paysa assuré 10 %des exportationsde la planèteen 2003

ALAIN DUPRAT

Alain Duprat, PDG de l’entreprise Moria

« Un patron de PME doit s’engagerdans une démarche d’exportation »

D O S S I E R

« Il faut s’imprégner de la culturedes différents marchés… J’ai découvert

ce principe de base en Espagne, au début dema carrière : si je voulais vendre à Barcelone,

je ne pouvais être installé à Madrid ! »

Pour l’Allemagne, une priorité économique et politique

Les PME ont contribué au développementdes foires et des salons à vocation

internationale, une activité florissanteà Francfort, Hanovre, Munich, Cologne

ou Düsseldorf

« G, G G » Avecce slogan électoral simpliste,conforté par une continue pres-sion sécuritaire, Karl Rove, le stra-tège hors pair de George W. Bush,a réussi à faire (ré)élire le prési-dent sortant. La victoire du2 novembre est indiscutable pourle Parti républicain et les messa-ges efficaces sur les « valeurs » etla lutte contre le terrorisme vontêtre progressivement remisés auprofit d’une démarche politiquequi, à présent, devra regagner leterrain économique, volontaire-ment délaissé pendant la campa-gne. Sur les orientations de cettenouvelle révolution conservatriceque la future administrationBush II entend bien mener à ter-me, le président a été très clair aucours de sa première conférencede presse, le 4 novembre.

Fort d’un « capital politique »qu’il estime conforté, GeorgeW. Bush a réitéré quelques-unes deses promesses d’avant scrutin : lapérennité de la poursuite de la bais-se des impôts à hauteur de1 850 milliards de dollars sur dixans, la division par deux du déficitbudgétaire fédéral (413 milliards àfin septembre) d’ici à 2009 et l’ex-tension de l’assurance-maladiesous forme d’une privatisation par-tielle du système par le biais d’inci-tations fiscales représentant pourl’Etat un coût estimé à 2 000 mil-liards de dollars sur dix ans.

Ces quelques chiffres donnentune idée de la facture qui devracommencer à être réglée alors que,selon certains calculs, le program-me du président reconduit auraitpour effet d’aggraver, au lieu d’allé-ger, le déficit budgétaire à hauteurd’environ 1 300 milliards de dollarsau cours des dix prochainesannées. La croissance économique,actuellement ralentie aux Etats-Unis, ne pourra, à elle seule, per-mettre d’éponger l’ardoise. Deplus, il faudra compter avec unlourd et très délicat dossier, celuide l’Irak, qui, outre les perteshumaines, a déjà coûté environ

140 milliards de dollars depuis ledéclenchement de la guerre, suiviede l’occupation du pays.

Embourbée au Proche et Moyen-Orient, la future administrationaméricaine sera-t-elle tentée denouer des relations plus apaiséesavec la « vieille Europe » ? Rien n’estmoins sûr. Les Etats-Unis semblentconsidérer que, dans la mesure oùelles ne peuvent être que conflic-tuelles – témoin le nouveau brasde fer engagé entre Boeing et Air-bus à propos des subventions –,mieux vaut se tourner vers d’autreshorizons. L’Asie et tout particulière-ment la Chine figurent en tête deliste. Cette région contribue actuel-lement au tiers, voire davantage,de la croissance mondiale et c’estde là que devrait venir l’effet d’en-traînement d’un monde occidentalmoins vivace. Qui plus est, la Chineest devenue le troisième partenairecommercial des Etats-Unis, derrièrele Canada et le Mexique.

En sens contraire, l’Amérique de

George W. Bush figure désormaisau premier rang des pays vers les-quels la Chine dirige ses exporta-tions. Près du quart d’entre ellesinonde le sol américain, alimen-tant la controverse sur les délocali-sations et les pertes d’emplois. Lapolémique commerciale n’est pasdéplacée si l’on en croit une étudede la banque UBS, qui estime qued’ici vingt-cinq ans la Chine etl’Inde réunies auront dépassé lesEtats-Unis comme premiers mar-chés mondiaux de consommation.Pour Washington, Pékin est un par-tenaire incontournable autantqu’inconfortable. Grâce à desréserves de change qui ne fontque gonfler, la Chine talonne leJapon pour ce qui est des achatsde bons du Trésor américains,finançant ainsi le déficit fédéral.Un secours autant qu’un danger.En tout cas une priorité pour lelocataire du bureau Ovale, qui,pour l’instant, se contente de tirerdes traites sur un avenir incertain.

par Serge Marti

LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004/III

Compte tenu de ce quel’on sait maintenantdes possibles effetsdévastateurs d’unerente pétrolière ougazière, il est particu-

lièrement intéressant d’étudier lamanière dont trois pays jeunes– l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, etle Turkménistan – sont en train dese « construire », depuis la fin del’ex-URSS. La première priorité aété logiquement de maximiser cesressources en hydrocarbures.L’Azerbaïdjan et le Kazakhstan ontainsi réussi à attirer l’investisse-ment étranger pour développerl’exploitation de leurs ressourcespétrolières alors que le Turkménis-tan est encore en retard dans cedomaine. Par ailleurs, il a fallu lut-ter contre l’enclavement et déve-lopper des voies d’exportation deshydrocarbures moins dépendantesdes voies russes.

Deux grandes options sont tou-jours débattues. L’option iranien-ne, la plus sûre et la moins coû-teuse, qui consiste à utiliser les

réseaux existant en Iran pour trans-porter le pétrole jusqu’au golfe Per-sique mais qui se heurte à l’opposi-tion des Etats-Unis. L’autre grandeoption est le gigantesque projetBakou – Tbilissi – Ceyhan (portturc en Méditerranée) qui doit êtreachevé début 2005. Il est à noterque le Kazakhstan, en dépit despressions américaines, étudie tou-jours les voies iraniennes, alorsque le Turkménistan exporte dugaz en Iran. Enfin, accroître lesrevenus pétroliers impliquerait derégler la question du partage desressources énergétiques de la merCaspienne. Or ce dossier est tou-jours bloqué, notamment à causedes différends entre ceux favori-sant un partage en parts égales(dont l’Iran) et ceux favorisant unpartage selon les eaux territoriales(dont l’Azerbaïdjan).

La deuxième grande question estla gestion même de la rente pétro-lière. Le poids des recettes pétroliè-res ou gazières dans les exporta-tions et les recettes budgétaires deces trois pays fait que l’environne-

ment macroéconomique y estactuellement très favorable. Selonle Fonds monétaire international(FMI), la croissance devrait attein-dre, en 2004, près de 9 % en Azer-baïdjan et au Kazakhstan et 7,5 %au Turkménistan. Par ailleurs, dufait de la bonne tenue des recettespétrolières, l’Azerbaïdjan et leKazakhstan devraient enregistrerdes excédents budgétaires respecti-

vement de 1,1 % et de 2,3 % du pro-duit intérieur brut (PIB) en 2004.Toutefois, parallèlement, ces troispays doivent aussi faire face auxdifficultés spécifiques des écono-mies pétrolières et gazières. Le pre-mier problème est évidemment latrès forte dépendance de la situa-tion macroéconomique par rap-port à l’évolution du prix du pétro-le. La solution consiste à diversifierl’économie mais cela prend dutemps pour des économies quisont aussi en transition.

Pour atteindre cet objectif, lesbanques centrales d’Azerbaïdjanet du Kazakhstan interviennentsur le marché des changes afind’éviter une appréciation trop for-te de la monnaie nationale (du faitde l’afflux de devises) qui pèseraitsur la compétitivité du secteur nonpétrolier. Toutefois, cette politi-que a conduit au Kazakhstan à unecréation monétaire non stériliséedu fait des achats de devisesen 2003 et 2004. Par ailleurs, leKazakhstan semble favoriser cer-tains secteurs par des exemptions

fiscales et des financementsaccordés par des institutions spé-cialisées alors que l’Azerbaïdjan aplutôt opté pour une réductiongénéralisée de l’impôt sur les socié-tés. Une autre stratégie est d’utili-ser les revenus pétroliers pour réa-liser les investissements dans lesinfrastructures de base (énergie,eau, transport, communication,éducation, santé) afin de favoriser

également la croissance du secteurnon pétrolier.

On notera ici l’importance desprocédures permettant unemeilleure efficacité de la dépensebudgétaire, ce qui est générale-ment l’une des grandes difficultésdes économies pétrolières. Parailleurs, les dépenses sociales ontun caractère quasi obligatoire sil’on veut éviter des tensions géné-rées par une grande précarité (prèsd’un cinquième de la populationen Azerbaïdjan ne disposait pas duminimum nécessaire sur le plan ali-mentaire en 2001) et des revenuspétroliers en pleine expansion. Unautre problème est d’isoler la politi-que budgétaire des variations duprix du pétrole. Les solutions adop-tées ici consistent pour ces deuxpays à effectuer une programma-tion budgétaire et à se fixer desobjectifs de solde hors recettespétrolières. Par ailleurs, l’Azerbaïd-

jan et le Kazakhstan ont mis en pla-ce des fonds de stabilisation finan-cés par les excédents des revenuspétroliers et investi à l’étrangerpour se protéger contre des évolu-tions défavorables du prix dupétrole.

Toutefois, compte tenu du man-que de transparence de la politiquebudgétaire, on ne peut que restersceptique face à de telles solutions.En fait, la grande difficulté en pré-sence de revenus pétroliers impor-tants est de mettre en place unepolitique budgétaire transparenteoù le pouvoir législatif ou la sociétécivile ait son mot à dire. AuKazakhstan, les contrats relatifs àla production de pétrole ne sont nipublics ni approuvés par le Parle-ment. En Azerbaïdjan, le contrôlepar le Parlement du fonds pétrolierchargé d’effectuer des dépensesdans les infrastructures de base aété loin d’être parfait. Ne parlonspas du Turkménistan où le budgetofficiel ne représente qu’un sixiè-me des opérations financières del’Etat, le reste des ressources étantréparti dans des fonds extra-budgé-taires alimentés par des devisesrésultant des exportations d’éner-gie. Enfin, un dernier problème estque la rente pétrolière ou gazièrene crée pas d’emplois par elle-même. Or le taux de chômage étaitproche de 11 % en Azerbaïdjan etde 9 % au Kazakhstan. La solutionlà encore est de diversifier l’écono-mie en favorisant l’essor de sec-teurs intensifs en main-d’œuvre.Au total, la bonne situation macro-économique actuelle ne doit pasfaire oublier ces défis capitauxpour l’avenir de cette région.

Thierry Coville,chercheur associé au CNRS

Le Fonds monétaire internatio-nal (FMI) a légèrement revu à labaisse ses prévisions de croissan-ce pour la France, sur fond deflambée des prix du pétrole, touten appelant Paris à profiter de lareprise solide pour avancer dans lesréformes structurelles.

Pour 2004, le FMI table désor-mais sur une croissance de 2,5 % duproduit intérieur brut (PIB) et sur2,2 % en 2005, selon son rapportannuel sur la situation économiquede la France, publié le 3 novembre.En septembre, le FMI avait annon-cé une croissance de 2,6 % en 2004et de 2,3 % en 2005.

Dans ce contexte de reprise plu-tôt solide, le FMI a lancé « unappel urgent pour renforcer les réfor-mes structurelles et accélérer laconsolidation budgétaire afin d’assu-rer une croissance plus élevée à longterme ».

L’un des principaux soucis duFMI reste les coûts liés au marchédu travail, notamment ceux décou-lant de la loi sur la semaine de35 heures. Selon le rapport, « l’undes défis majeurs sera d’améliorerles institutions du marché du travailafin d’augmenter le potentiel d’utili-sation de ses capacités, tout en rédui-sant le financement des politiquesd’emploi par des ressources budgétai-res ». – AFP –

l’azerbaïdjan,le kazakhstan etle turkménistandoivent sortirleurs économiesde la dépendanceaux revenus deshydrocarbures

L’Asie centrale face aux défis de la rente pétrolièreUN CHIFFRE

– 1,1 %c’est le recul

du prix del’immobilier en

grande-bretagne

Selon les chiffres publiés jeu-di 4 novembre par la banqueHalifax, qui tiennent lieu debaromètre du marché, les prixde l’immobilier en Grande-Bre-tagne ont reculé au mois d’oc-tobre de 1,1 % par rapport aumois précédent. Ils avaient aug-menté en septembre aprèsavoir enregistré en août leurpremière baisse mensuelledepuis décembre 2002.

Sur une base trimestrielle,les prix ont reculé de 0,4 %.C’est la première fois depuis ledernier trimestre de l’année2000 que les prix reculent surcette base de comparaison. Surles douze derniers mois, lesprix ont augmenté de 18,5 %,un rythme de croissance infé-rieur à 20 % pour la premièrefois depuis six mois. « Lesautres indicateurs du marchéimmobilier confirment un ralen-tissement de l’activité », acommenté la banque dans uncommuniqué. Selon les analys-tes, il s’agirait là de la consé-quence de la politique dehausse des taux d’intérêt miseen œuvre par la Banque d’An-gleterre depuis un an.

De nombreux spécialistesestiment qu’une bulle spéculati-ve s’est formée au cours desdernières années sur le marchéimmobilier britannique.

pays émergentL'URUGUAY VEUT SE «DÉDOLLARISER »

Source : Fonds monétaire international

Dette publique dont dette extérieure, en milliards de dollars

Dette publique

dont dette extérieure

2000 2001 2002 2003 2004

45,5

30,3

31,4

53,8

93,8

68,9

108,2

85,3

102,7

82,2

innovation

B O U S S O L E

Les dépenses sociales ont un caractère quasiobligatoire si l’on veut éviter des tensions

générées par une grande précarité

Part des recettes en hydrocarbures...,en%

LE POIDS DE L'OR NOIR

Source : Energy Information Administration,FMI et Banque asiatique de développement

* 80 % avec la pétrochimie

... dans les exportations

... dans les recettes budgétaires

Azerbaïdjan

Kazakhstan

Turkménistan

non communiqué

50

55

70

56

60*

a EN ÉLISANT LE SOCIALISTE TABARE VASQUEZ à la présidence, les Uruguayensattendent un infléchissement de la politique libérale menée jusqu’alors.Le nouveau chef de l’Etat a notamment promis un plan d’urgence pourl’emploi et les salaires.

a UNE NÉGOCIATION AVEC LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL devrait êtrerapidement engagée afin d’obtenir un assouplissement des performancesexigées par l’institution en échange de son soutien financier. Une autre prio-rité sera de « dédollariser » l’économie et renforcer les liens avec les pays duMercosur (Brésil, Argentine, Paraguay) dont l’Uruguay est membre.

a SI LA PART DES PUBLICATIONS des chercheurs chinois dans le nombre desarticles scientifiques parus dans le monde en 2001 est encore modeste(3,5 % du total), elle est en spectaculaire progression depuis 1996, témoi-gnant du dynamisme de la recherche chinoise. La Chine est devenue en2001 le septième producteur mondial de publications scientifiques : sapart a augmenté de 84 % entre 1996 et 2001.

a LES DOMAINES dans lesquels la recherche chinoise est la plus présentesont la chimie (8,3 % des publications mondiales), les mathématiques etla physique (6,1 % chacun), les sciences pour l’ingénieur (4,9 %).

Evolution de la part de la Chine dans les publications scientifiquesmondiales entre 1996 et 2001, en pourcentage

LA CHINE, NOUVELLE PUISSANCE SCIENTIFIQUE

Source : Observatoire des sciences et des techniques

Sciences

del'Univers

Biologie

appliquée-écologie

Chimie

Biologie

fondamentale

Sciences pour l'ingénieur

TOTAL

Mathématiques

Physique

Recherche

médicale

+149

+132

+110

+107

+90

+84

+61

+60

+53

Allemagne Autriche Belgique Danemark Espagne Finlande France Grèce Italie Irlande Luxemb.

2,1* 2,1 1,1 3,3 0,2 2,6* 3,1 2,2 2,5 3,8

– 0,3* – 1,0 – 0,3 – 0,7 – 0,3 – 0,2* – 1,9 – 0,2 – 0,4 – 0,8

0,5 2,8 2,50,2

2,6 2,8 3,0 3,9 1,1 n. c.0,2 0,8 0,5 1,0 0,8 0,6 0,3 n. c.

6,00,6

65,0 100,7 45,9 50,7 45,6 63,7 109,9 106,2 32,1 5,4

0,6 – 0,3 0,0 – 2,3 0,6 2,3 – 1,0 1,3 1,6 – 0,1

2,0

0,4

1,50,5

64,2

6,6

(mai 04)(juin 04)

Chypre Estonie Hongrie Lettonie Lituanie Malte Pologne Rép. tch. Slovaquie Slovénie UE 15

4,0 7,2 6,7 1,8 3,1* 4,7 3,1 8,3 3,7 2,3*

– 0,3 0,0 0,2 0,0 0,4* – 0,1 0,3 0,1 0,5 – 0,2*

7,0 4,1 8,8n. c.

6,9 2,3 6,9 3,1 5,5 2,01,2 1,1 1,4 n. c. n. c. 0,7 n. c. 0,5

3,7

0,5

5,3 59,1 14,4 21,6 71,1 45,4 37,8 42,6 29,5 70,7

– 0,1 – 0,3 0,0 – 0,1 0,0 – 0,2 – 0,1 – 0,1 0,2 12,6

2,9

– 1,3

3,20,2

70,9

– 0,1

Pays-Bas

1,2*

– 0,3*

1,1– 0,2

54,1

– 4,7

UE 25

2,3*

– 0,2*

2,30,6

63,3

0,7

Portugal

2,9

– 0,9

0,10,6

60,3

– 0,3

Etats-Unis

3,0

– 0,2

4,70,7

63,1

n.c.

Roy.-Uni

1,4

– 0,3

3,70,9

39,8

– 4,2

(T1/04)

Japon

0,2

0,0

4,50,4

154,7

n.c.

(juin 04)

(juin 04)(août 04)

Suède

1,2

– 0,2

3,30,9

52

1,4

Evolution du PIB en volume(2e trimestre 2004, en%) :

Prix à la consommation(juillet 2004, en%) : sur un an

sur unmois

sur un an

sur troismois

Dette publique/PIB (en%)

2003

Solde commercialextracommunautaire

(juillet 2004, en milliards d'euros)

*estimations

Evolution du PIB en volume(2e trimestre 2004, en%) :

Prix à la consommation(juillet 2004, en%) : sur un an

sur unmois

sur un an

sur troismois

Dette publique/PIB (en%)

2003

Solde commercialextracommunautaire

(juillet 2004, en milliards d'euros)

LES INDICATEURS ÉCONOMIQUES INTERNATIONAUX « LE MONDE »/EUROSTAT

(T1/04) (T1/04) (T1/04) (T1/04)

(T1/04)

(T1/04) (T1/04) (T1/04) (T1/04)

(T4/03) (T4/03)

(T1/04)

(T1/04) (T1/04)

Derniermoisconnu

LES INDICATEURS FRANÇAIS

Source : Insee, Douanes

* Solde de réponses, CVS, en % ** en glissement

Consommation desménages

Taux d'épargne

Pouvoir d'achat desménages

(en millions d'euros)

Créations d'entreprises

Variationsur un an

3 149(avril 04)

+ 13,8%**26 724(août 04)

+ 1,0 %**

– 437(juillet 04)

– 2,5%

0,2%(T1/04)

+ 0,1%(T1/04 - T2/03)

Enquête mensuelle sur le moraldesménages *

– 23(juillet 04)

+ 4

Enquête mensuelle dans l'industrie *Opinion des chefs d'entreprise

sur les perspectives générales de production

3(juillet 04)

– 2 %(entre mars 04et juillet 04)

Défaillances d'entreprisespar date de publication

Commerce extérieur

15,2 %(T1/04)

+ 0,5%(août 04)

+ 5,4%

– 0,7 %(T1/04 - T2/03)

IV/LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004

ECONOMIE DU DÉVELOPPEMENT

Allier publicet privé

SYDNEYde notre correspondant

La « grande lessive »va-t-elle pouvoir enfinêtre lancée ? Les députésde Nauru ont réélu, mar-di 26 octobre, LudwigScotty au poste de prési-

dent de la plus petite républiqueindépendante du monde. Le26 février, les parlementaires de cecaillou de 21 km2 perdu en pleincœur du Pacifique et peuplé de12 500 habitants avaient voté unenouvelle loi bancaire censée empê-cher le blanchiment d’argent surson territoire.

Le pays, qui a gagné son indépen-dance en 1968, était devenu durantles années 1990 une des plaquestournantes de l’argent sale. La mafiarusse aurait, selon une enquête de labanque centrale russe publiée il y adeux ans, blanchi des milliards dedollars dans plusieurs des 400 ban-ques enregistrées à Nauru (la quasi-totalité de ces établissements sontdes coquilles vides disposant seule-ment d’une boîte aux lettres). Mais« les Russes ne sont pas les seuls à fai-re transiter leur argent sale dans cepays, prévient Eric Wilson, maître deconférences spécialisé en droit inter-national de l’université Monash àMelbourne. Les triades chinoises, lesyakusas japonais et certaines organi-sations liées au terrorisme internatio-

nal qui blanchiraient les liquidités pro-venant de la vente de l’opium cultivéen Afghanistan feraient passer cha-que année des milliards de dollarsvers Nauru ».

Le vote des parlementaires de cet-te République s’inscrit dans un pro-cessus engagé l’an dernier. Enjuin 2003, la décision du gouverne-ment national de retirer la licenced’exploitation à 139 banques offsho-re a été chaudement saluée par l’Or-ganisation pour la coopération et ledéveloppement économiques.L’OCDE, qui s’est « félicitée de l’en-gagement pris par Nauru d’améliorerla transparence de son système fiscalet d’établir un échange effectif de ren-seignements à des fins fiscales avec lespays de l’organisation d’ici le31 décembre 2005 », a choisi le12 décembre 2003 de retirer ce paysde sa liste des paradis fiscaux jugésnon coopératifs publiée enavril 2002 (Andorre, le Liberia,Monaco, les îles Marshall et le Liech-tenstein sont les cinq derniers Etatsà être encore montrées du doigt parl’organisation).

Mais le Groupe d’action financiè-re sur le blanchiment de capitaux(GAFI), qui est pourtant une émana-tion de l’OCDE, a toutefois décidélors de sa réunion du 27 février delaisser Nauru sur sa liste noire despays aux pratiques fiscales jugéesnuisibles. Les textes votés par le gou-

vernement et les parlementairesocéaniens étaient en effet plutôt desprofessions de foi que de véritablespolitiques suivies de mesures concrè-tes. « Des organisations comme leGAFI attendent de voir l’efficacité desdispositions qui sont prises avant dedécider si un pays a vraiment changéses pratiques », souligne David Shan-non, un expert de la division Asie-Pacifique du Secrétariat sur le blan-chiment d’argent (APG). Selon cer-tains experts, les politiciens de Nau-ru ne seraient pas franchement favo-rables à voir toutes les banques offs-hore quitter leur territoire. « Lors-qu’un gouvernement découvre dansson pays une activité très lucrative, il atendance à vouloir la contrôler afind’en toucher les retombées financiè-res, juge Eric Wilson. Pour moi, tou-tes les lois qui ont été récemmentvotées à Nauru sont purement cosmé-tiques. Il ne s’agit que d’un simplerideau de fumée. »

La situation financière actuelle decette toute petite république, qui futdans les années 1970 une desnations les plus riches au monde enraison de ses énormes réserves dephosphate aujourd’hui pratique-ment épuisées, permet en effet diffi-cilement au gouvernement de se pri-ver d’une source de devises. Nauruest actuellement dans une situationde quasi-faillite. Le groupe financieraméricain General Electric CapitalCorporation, une filiale du géantGeneral Electric, à qui Nauru Phos-

phate Royalties Trust, l’organisationen charge des investissementspublics à l’étranger, doit 140 mil-lions d’euros, a fait appel aux huis-siers pour saisir les biens que Naurupossède en Australie. General Elec-tric souhaite ainsi vendre aux plusoffrants plusieurs propriétés dontles murs de l’hôtel Mercure à Syd-ney et Nauru House, un immeublede Melbourne.

L’ancien président de la républi-que océanienne, René Harris, avaitbien cherché à faire monnayer sadécision de mettre fin au blanchi-ment d’argent. « Ces engagementscomportent des coûts adverses signifi-catifs et des implications sur le plandes revenus de notre pays, a expliquéce politicien à la réputation sulfureu-se. Nous espérons que les pays mem-bres de l’OCDE et les organisationsinternationales en prendront compteen déterminant l’aide qu’ils voudrontbien nous apporter. » L’Australie,

par la voix de son ministre des affai-res étrangères, Alexander Downer,a fait un premier pas en envoyant àNauru une équipe d’experts du Tré-sor afin d’aider cette république àmettre de l’ordre dans sa comptabili-té. Mais la mesure risque de ne passuffire à résoudre les problèmes decette nation qui ne produit rien etqui ne possède même pas de sour-ces d’eau douce suffisantes pourabreuver sa population.

Frédéric Therin

le nouveauprésident vadevoir faire faceà une situationde quasi-faillitepour son pays

’ a été placédans l’essor des partenariatspublic-privé (PPP) dans les paysen développement. Ces monta-ges associent au financement età la gestion de projets d’intérêtpublic des opérateurs privés,étrangers et locaux, des bailleursde fonds, les autorités locales et,de plus en plus, les usagers. Lebilan des PPP, cependant, estmitigé. A côté de vrais succès,par exemple dans le secteur del’eau à Dakar ou à Casablanca,certains revers ont refroidi l’en-thousiasme des investisseurs,comme à Manille, Antalya ouRabat.

La crise argentine a aussi tem-péré leur intérêt pour les pays endéveloppement. L’investisse-ment étranger, déjà très sélectif,l’est devenu davantage, sur fondde méfiance boursière à l’égarddes entreprises engagées dansles pays émergents. Le finance-ment privé d’infrastructurespubliques s’est effondré dans lespays du Sud, passant de 127 à41 milliards de dollars entre 1997et 2003. L’Aide publique au déve-loppement (APD) peut-elle contri-buer à rétablir l’intérêt des entre-prises pour les marchés que peutreprésenter l’atteinte des « Objec-tifs du Millénaire » dans les payspauvres et contribuer à rendreces marchés solvables ?

Les risques-pays ont souventété sous-estimés. Problèmes degouvernance, clientélisme, jeuxde dépendance et de soupçons,logiques politiques se sont révé-lés incompatibles avec la viabili-té économique des servicespublics. L’insuffisance et l’incohé-rence des politiques sectoriellesont jeté des doutes sur la crédibi-lité de l’engagement des gouver-nements.

Par ailleurs, la négociationd’un PPP privilégie souvent uncomportement opportuniste,dans le souci d’aboutir à unaccord, tandis que le PPP engageles partenaires parfois sur plu-sieurs décennies. Or, dans despays pauvres qui construisentleur système démocratique etleurs institutions, le contrat unefois signé est vulnérable à desremises en cause au titre del’exercice de la souveraineténationale.

C’est un risque que les opéra-teurs privés ne veulent pas pren-dre. Il justifie la mise en placed’instruments de garanties pardes bailleurs de fonds qui peu-vent s’appuyer sur des partena-riats de long terme déjà établisavec les gouvernements locaux.Parallèlement, les opérateurs pri-vés omettent parfois de procéderaux investissements annoncés,ou sont tentés de mettre enœuvre des hausses tarifaireséventuellement incompatiblesavec la capacité de payer d’unepartie des usagers.

Il est donc nécessaire de repen-ser les contrats de délégation deservices publics, les éventuellesclauses de sauvegarde ainsi que

les mécanismes destinés à sur-veiller les performances et lamise en œuvre de ces contrats.Les instances de régulation doi-vent être suffisamment autono-mes et fortes, tant vis-à-vis despays que de leurs partenaires pri-vés. En Afrique subsaharienne,par exemple, il peut être utile depenser cette régulation auniveau régional. Les bailleurs defonds ont ici un rôle à jouer pourrenforcer les capacités institu-tionnelles des pays.

Dans nombre de secteurs à ren-tabilité différée (comme la distri-bution de l’eau ou son assainisse-ment), les PPP ont péché par

excès d’ambition, chargeant tropla barque des responsabilités pri-vées en matière de création, d’ex-ploitation, de maintenance et derenouvellement des équipe-ments. L’expérience suggère queles investissements lourds, parti-culièrement, continueront large-ment de relever du secteurpublic – et de l’APD dans les payspauvres.

En revanche, l’exploitation desinfrastructures demeure un pointd’application important pour lesPPP. Quand elles sont performan-tes, les entités publiques localespeuvent s’en charger. Mais, lors-que tel n’est pas le cas, on espèredes acteurs privés qu’ils pourrontapporter leur savoir-faire techni-que et managérial, leur souci dela clientèle, leur capacité derecouvrement, etc. Pour concréti-ser ces attentes, les PPP doiventinstaurer un partage équilibrédes coûts et des risques sur toutela chaîne de production des servi-ces publics : infrastructures,maintenance, distribution, factu-ration, recouvrement, serviceclient…

Enfin, dans les pays en dévelop-pement, la « culture » des PPP res-te à consolider. Nombre d’opéra-tions imposées de l’extérieur n’yont pas contribué. Les partenai-res locaux doivent comprendreque les entreprises, nationalesou étrangères, ne sont pas phi-lanthropes. La qualité et la dura-bilité de leurs opérations dépen-dent de leur profitabilité. La poli-tique de tarification doit à la foispermettre aux opérateurs,publics ou privés, de recouvrerles coûts, tout en rendant les ser-vices abordables pour les popula-tions défavorisées. Ces dernièressont souvent dépendantes, parexemple pour l’eau, de monopo-les informels dont les prix sontplus élevés que ceux auxquelspeut aboutir un PPP équilibré.

Malgré cela, le marché appa-raît rarement solvable pour lesentreprises privées. Il y a là enco-re un rôle pour les agences d’aidequi pourraient par exemple envi-sager de prendre en charge, parl’APD, une partie de la facturedes populations les plus pauvres.

Pierre Jacquet est économiste enchef à l’Agence française de déve-loppement et enseigne à l’Ecolenationale des ponts et chaussées.

Le discours sécuritaire deGeorge W. Bush n’estpas le seul argument quilui ait permis de rester àla Maison Blanche grâceà sa victoire à l’élection

du 2 novembre. La mise en avantdes « valeurs » que doit promou-voir, selon lui, l’Amérique a aussicontribué au succès du présidentsortant. Le monde de l’entreprise,surtout lorsqu’il figure parmi lesprincipaux contributeurs financiersà la campagne du Parti républicain,s’est voulu lui aussi le propagateurde ces vertus. A commencer par lesgrandes entreprises, emblèmes ducapitalisme américain.

Numéro un mondial de la grandedistribution, de surcroît la plus gran-de entreprise du monde en chiffred’affaires, Wal-Mart a su, en un peuplus d’une quarantaine d’années,s’intégrer totalement au paysagequotidien des consommateurs amé-ricains (80 % d’entre eux poussentau moins une fois dans l’année laporte d’un magasin Wal-Mart). L’en-seigne a longtemps été, aux Etats-Unis, un double symbole : une réus-site commerciale et financière indé-niable bâtie sur une politique deprix « toujours les plus bas » ; lereflet d’un mode de vie constitutifde l’identité d’une société. Mais cesdeux images sont à présent ternies.

Au plus fort de la campagne élec-torale, le vice-président Dick Che-ney n’avait pas hésité à se servir de

ce porte-drapeau entrepreneurialpour illustrer « l’esprit de l’Améri-que ». L’histoire de Wal-Mart « meten valeur les qualités de notre pays :ardeur au travail, esprit d’entreprise,loyauté, intégrité. Wal-Mart est deve-nue l’une des plus grandes et des plusgénéreuses entreprises américai-nes », déclarait-il à l’occasion d’unevisite éclair à Bentonville (Arkan-sas), au siège, spartiate comme lesont ses 3 600 magasins, de cetteénorme firme qui emploie 1,4 mil-lion de salariés et dont les ventesont atteint près de 270 milliards dedollars en 2003.

« Généreuse » ? Voire. A en croirele sénateur John Kerry, le modèleserait écorné. « La manière dontWal-Mart traite ses salariés n’est pasjuste, et ses pratiques en matière decouverture sociale ne sont pas raison-nables. Nous devons exiger que Wal-Mart se comporte en entreprise rai-sonnable », lançait-il à l’adresse deRob Walton, le fils du fondateur del’empire de la distribution, lors d’unmeeting électoral.

Pourquoi cette passe d’armes àpropos d’une entreprise, en princi-pe éloignée des joutes électorales ?C’est que le vent a tourné, ces der-niers mois, pour Wal-Mart. Long-temps louée pour avoir su marier lerecto du capitalisme avec le versodu paternalisme hérité d’unefamille qui détient encore près dela moitié du capital, la plus grandeentreprise du monde est confron-tée à présent à un triple front durefus organisé, en ordre dispersé,autour de ses fournisseurs – quidénoncent ses pratiques commer-ciales de ses salariés – qui mettent

en cause son comportement antiso-cial, et des défenseurs du « made inAmerica » – ulcérés par les pro-duits chinois qui encombrent lesrayons de Wal-Mart.

Sur fond de délocalisations et depaupérisation des salariés situés aubas de l’échelle sociale, le dangerde « Wal-Martisation » de l’écono-mie américaine est devenu un sujetde débat national relayé par lesmédias et débattu par les cher-cheurs intéressés par ce cas d’éco-le. Longtemps, les 20 millionsd’Américains qui, chaque jour, pas-sent à la caisse d’un de ces maga-sins ne pouvaient que se dire satis-faits de voir des prix inférieurs d’aumoins 10 % à ceux de la concurren-ce. Jusqu’à ce qu’ils réalisent quecette politique s’accompagne de ladisparition de tous les fournisseursincapables de résister au rouleaucompresseur permis par des achatsen masse.

De même, l’argument de la créa-tion d’emplois, martelé à chaqueouverture d’un nouveau Wal-Mart,

est en train de faire un flop, endépit d’une intense campagnepublicitaire sur le sujet. Dans lemeilleur des cas, le rapport entreles emplois créés grâce à l’ouvertu-re d’un magasin et les jobs détruitsdu côté des autres commerces estnul, quand il n’est pas négatif. For-tes de ces calculs, certaines munici-palités de Californie ont refusérécemment l’installation de nou-veaux magasins. A cela s’ajoutentles salaires les plus bas de la profes-sion, contribuant à étoffer les rangsdes « working poor », ces pauvresqui exercent une activité mal payée

et ne bénéficient que d’une couver-ture sociale misérable.

Jusqu’à présent, la direction deBentonville avait réussi à bloquertoute tentative d’organisation de lapart des syndicats. Mais ceux-ci onttrouvé au mois d’août une parade…« délocalisée », lorsque les 180 sala-riés du Wal-Mart de Saguenay, unepetite localité située à proximité deQuébec, au Canada, ont obtenul’autorisation de se constituer ensyndicat. Une première qui pourraitfaire tache d’huile de l’autre côté dela frontière. C’est ce qu’espèrent lamajeure partie des « associés », ain-si qu’on baptise les salariés chezWal-Mart, qui ont entamé, en nompersonnel, quantité d’actions en jus-tice pour pratiques sociales illégalesmais aussi pour des pratiques racis-tes et sexistes.

Les ennuis judiciaires de Rob Wal-ton s’accompagnent de vives criti-ques que lui vaut sa politiqued’achat « made in China », toujoursau nom des « prix bas tous lesjours », synonyme, pour beaucoup,de pertes d’emplois sur le sol natio-nal. La moitié des produits en rayonproviennent à présent de l’étranger,et notamment de l’Asie. A lui seul,le géant de la distribution figure par-mi les dix premiers importateursmondiaux de produits chinois, et ilreprésente 12 % du total des impor-tations des Etats-Unis en provenan-ce de Chine. Cela au moment où ledéficit commercial américain secreuse de mois en mois. Chez Wal-Mart, la bannière étoilée figure tou-jours en bonne place au plafonddes magasins. Mais il en faudradavantage pour convaincre les Amé-ricains du nationalisme commercialdu roi du discount et du bien fondéde sa politique de l’emploi auregard d’un marché du travail qui aperdu en solde net 821 000 jobs aucours du premier mandat du prési-dent reconduit. La plus forte hémor-ragie depuis soixante et onze ans.

Serge Marti

par Pierre Jacquet

« Les partenaires locaux doivent

comprendre que les entreprises,

nationales ou étrangères,

ne sont pas philanthropes.

La qualité et la durabilité

de leurs opérations dépendent

de leur profitabilité »

Nauru peine à sortird’une économie de l’« argent sale »

F O C U S

le numéro unmondialde la distributionest attaqué surson comportementantisocial

Dans le meilleur des cas, le rapport entreemplois créés grâce à l’ouverture d’un magasinet jobs détruits du côté des autres commerces

est nul, quand il n’est pas négatif

« Lorsqu’un gouvernement découvredans son pays une activité très lucrative,

il a tendance à vouloir la contrôlerafin d’en toucher les retombées financières »

, ()

ILESSALOMONVANUATU

AUSTRALIE

INDONÉSIEPAPOUASIE-

NOUVELLE-GUINÉE

Nouvelle-Calédonie

1 000 km

NAURU

CANBERRA

Melbourne

Wal-Mart, le shoppingà la sauce électorale

LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004/V

LIVRES

Péché capital> LES MENSONGES DE L’ÉCONOMIE,de John Kenneth Galbraith (éd. Grasset, coll. « Essai », 96 p., 9 ¤)

Le symbolisme attaché àla signature récente del’Accord de libre-échan-ge entre les Etats-Uniset l’Amérique centrale(Aleac) est très promet-

teur quand on considère que lesguerres civiles et les interventionsmilitaires américaines appartien-nent maintenant au passé. Pour-tant, les détails de cet accord offrentpeu d’autres occasions de se réjouirpour une région qui doit encore seremettre des dévastations économi-ques dues à ces guerres.

Au cœur de l’Aleac, on retrouveune inquiétude liée à la capacité despays d’Amérique latine à libéraliserleurs économies. Mais la questionessentielle reste de savoir si cetaccord assainira les économies. Bienqu’il représente une occasion impor-tante dans la quête d’expansion decette région pour accéder au mar-ché américain, ses nouvelles règlesn’indiquent pas clairement si les pro-ducteurs latino-américains en ressor-tiront renforcés ou affaiblis.

Avec l’Aleac, 80 % des exporta-tions américaines se feront libres detout droit de douane dès la ratifica-tion du traité, et la totalité des bar-rières douanières disparaîtra dansquinze ans. Jusqu’à récemment, larégion bénéficiait d’une balancecommerciale positive avec les Etats-Unis, mais, avec cette libéralisation,la région va augmenter les importa-tions de biens de consommationbon marché, transformant ainsi sonexcédent en déficit.

De plus, les échanges de produitsagricoles se feront en faveur desexportateurs américains plutôt

qu’en faveur des fermiers d’Améri-que centrale. Les Etats-Unis, parexemple, ont accepté d’importer1 % du marché du sucre américain,et ce chiffre ne pourra monter qu’àhauteur de 1,4 % dans les quinzeannées à venir. Au même moment,l’accord élimine la plupart des taxesd’importation pour des produitstels que le riz, le maïs ou les pro-duits laitiers. Cela obligera les petitset moyens producteurs à devenirplus compétitifs, mais sur un terraintrès accidenté.

Contrairement à leurs homolo-gues américains, les producteurs

latino-américains n’ont pas accèsaux capitaux et à la technologienécessaires à leur expansion et à l’in-novation. Ainsi, au lieu d’améliorerleur compétitivité, l’Aleac devraitaccroître le nombre de travailleurset de producteurs déplacés.

L’industrie textile d’Amérique cen-trale se retrouve aussi prise au piègede l’Aleac. Le lobby textile améri-cain a insisté pour que les produitstissés exportés vers le Nord vien-nent d’Amérique centrale. Or larégion s’appuie sur des pays tierspour ces produits tissés. Enfin,l’Aleac n’a pas réussi à traiter des

questions de main-d’œuvre demanière significative. L’accordaccentue uniquement la nécessitéde respecter les droits des tra-vailleurs. La protection est restrein-te aux normes en vigueur sur le mar-ché du travail, ce qui équivaut à uneprotection quasi inexistante.

Alors pourquoi les dirigeantsd’Amérique centrale ont-ils signécet accord ? Les économies de larégion n’ont pas connu de crois-sance significative lors des cinq der-nières années (pas plus qu’ellesn’ont dépassé les 5 % de croissanceannuelle durant les deux dernières

décennies). Au lieu de se lancerdans des programmes imaginatifs,ils se sont inspirés des panacées dela vague néolibérale qui les ontaveuglés et empêchés de chercherd’autres solutions. Il existe pourtantcertaines alternatives.

Les sommes que les travailleursimmigrés renvoient chez eux repré-sentent l’alternative la plus riche.Près de 7 milliards de dollars sontreversés à la région de cette façon,et pourtant aucune politique écono-mique n’essaie de mettre à profit lepotentiel de développement de cet-te manne. Les versements augmen-

tent généralement de plus de 15 %par an et ne montrent aucun signed’affaiblissement. Même lors desbonnes années, les échanges com-merciaux avec les Etats-Unis ne croî-tront probablement jamais autant.Les dirigeants d’Amérique centralepourraient mettre en place desréformes bancaires pour offrir desprimes pour que les travailleursimmigrés épargnent ces sommesd’argent et les investissent dans leurpays d’origine. Au lieu de cela, leurattention est uniquement tournéevers les promesses incertaines del’Aleac.

L’avenir est incertain, la Commis-sion économique Amérique latineet Caraïbes met en avant le fait quel’application de l’Aleac apportera0,5 % au taux de croissance annueldu produit intérieur brut (PIB) dansla région. C’est une bonne nouvelle.Mais reste à savoir si une telle crois-sance se poursuivra sur dix ans outournera court rapidement, solu-tion rapide mais temporaire.

Quelles que soient ses perspecti-ves, l’Aleac est loin d’être un accorddéfinitif, et il ouvre au moins la voieà la discussion et au débat. Il sepourrait bien que la bonne nouvelleen matière d’Aleac reste que leCongrès américain se montre peupressé de l’entériner au cours d’uneannée électorale.

Manuel Orozco est directeurde recherches à l’Institute for theStudy of International Migrationde l’université de Georgetown.© Project Syndicate. Traduitde l’anglais par Catherine Merlen.

L’idée d’une relationétroite entre la scienceéconomique et la psy-chologie n’est pas nou-velle. On la trouve déjàchez les marginalistes

anglais de la fin du XIXe siècle. Letitre de l’ouvrage de l’économistebritannique Francis Y. EdgeworthMathematical Psychics » (1881) esttout un programme. Les fonde-ments des hypothèses sur lesquellesrepose le calcul marginal devraientselon lui être recherchés dans les tra-vaux des physio-psychologues alle-mands Fechner et Wundt. AlfredMarshall, dans ses écrits de jeu-nesse, était plus ambitieux encore. Ilestimait que la clé des règles quirégissent l’organisation de nos socié-tés se trouvait dans une meilleureconnaissance du cerveau humain.

Les liens entre les deux disciplinesse sont relâchés au fil du temps, l’Ho-mo economicus ayant peu d’affinitéavec l’inconscient de la psychologiedes profondeurs. S’ils retrouventvigueur et actualité, c’est en raisonde la convergence de deux évolu-tions. La méthode expérimentale apénétré l’économie, mettant en évi-dence la persistance de biais cogni-tifs dans les choix des agents. Despsychologues expérimentalistes ontétudié les processus mentaux quiconduisent aux décisions réfléchies,si ce n’est rationnelles. Leur recoursà l’expérimentation facilitait leurjonction. Restait à trouver une réfé-rence partagée. La recherche desprocessus cognitifs sous-jacents àces expériences fournit cette référen-ce. L’Autrichien Friedrich Hayek,dès les années 1950, soulignait lerôle de la connaissance dans l’intelli-gence des phénomènes économi-ques. C’est dans ce cadre renouveléque se développent les fertilisationscroisées des deux disciplines.

En quoi transforment-elles, par-fois radicalement, quelques-unes denos représentations traditionnellesde l’économie ? Trois domainessont principalement concernés : letraitement des informations, la per-ception du risque et les mécanismesde prise de décision.

La distinction entre informationet connaissance introduit l’idée queles informations, pour devenir intel-ligibles, sont encodées dans desschémas (« framing ») construitspar les agents. Ces schémas pren-nent en compte, non seulement lecontenu de l’information, mais, éga-lement, sa forme et son contexte.Une même situation présentée demanière différente donne lieu à desreprésentations distinctes. Ces der-nières peuvent conduire l’agent àdes réactions opposées sans qu’ilfaille y déceler, pour autant, unecontradiction. Cette approche géné-rale a été développée par DanielKhaneman, Prix Nobel 2002 (avecVernon Smith), Amos Tversky,Robin Hogarth et quelques autres.Elle permet, en particulier, d’expli-quer le phénomène de renverse-ment des préférences (« preferencereversal »), observé très souvent lors-que, après avoir fait choisir à unagent entre deux options incertai-nes, on lui demande quel prix il estprêt à payer pour les acquérir.

L’analyse de la perception du ris-que constitue une autre avancéemajeure. Ici encore, les probabilitésdont dispose un agent sur l’éventuali-té d’une situation, fussent-ellesobjectives, ne sont pas considéréespar lui comme de simples données.Elles sont interprétées en fonctionde la crédibilité qu’il leur accorde.Cette interprétation se trouve, enoutre, dans son esprit, inséparabledes conséquences subjectives quisont associées à l’occurrence decette situation. On comprend mieux,dans ces conditions, l’asymétriegénéralement constatée entre l’éva-luation par les agents des espérancesde gains et celle des risques de per-tes. Dans le premier cas, ils manifes-tent une aversion au risque, dans lesecond, ils préfèrent l’incertitude. Ladistinction introduite entre l’incerti-tude et l’ambiguïté prolonge et affi-ne cette perspective, exploréed’abord par MM. Khaneman etTversky. L’ambiguïté caractérise, parexemple, une situation dans laquelleplusieurs experts émettent des avisopposés. L’aversion au risque traduit

alors une aversion au conflit, assimi-lable à une ignorance comparative,comme l’ont montré, notamment,des travaux de Shanteau.

La prise de décision est le troisiè-me domaine. L’apport des psycholo-gues consiste à expliquer les proces-sus mentaux au terme desquelsl’agent arrête sa décision. Ainsi ont-ils montré que l’évaluation qu’il faitde sa compétence pèse souvent plusque la délibération sur les issues pos-sibles. Des résultats plus inattendusont été obtenus en explorant demanière systématique la voie ouver-te par Herbert Simon, Prix Nobeld’économie 1978, sous l’appellationun peu vague de « rationalité limi-tée ». Des procédés de décisionssimples sont apparus, à l’expérien-ce, beaucoup plus performants,

selon les critères économiques clas-siques, que des processus plus élabo-rés. Ainsi, la règle élémentaire quiconsiste, dans un choix binaire, à uti-liser successivement une petite sériede critères classés par ordre hiérar-chique (« take the best »), a conduit,dans une majorité des cas, à desrésultats supérieurs à ceux obtenusau moyen de modèles statistiques àrégressions multiples, comme l’ontmis en évidence le psychologueG. Gigerenzer et ses collègues. Demême a-t-on montré que des choixfondés sur des études de cas par ana-logie s’avéraient, dans diverses cir-constances, plus judicieux que ceuxqui suivraient des protocoles géné-raux plus compliqués et mieuxéprouvés. Non seulement, parconséquent, ces procédés heuristi-ques peuvent être rattachés à desprocessus cognitifs repérables, maisils se révèlent souvent également« rationnels » en termes de résul-tats économiques.

Ces travaux donnent lieu, d’oreset déjà, à d’innombrables applica-tions concernant, en particulier, lesactivités financières, l’assurance, leschoix des particuliers et des investis-seurs. Mais l’essentiel de leur contri-bution réside plus encore dans lesperspectives offertes par leursfuturs développements. Deux exten-sions se dessinent et commencent às’imposer. La majorité des étudesqui ont été rapportées concernentles comportements individuels. Levaste champ des relations interindi-viduelles commence seulement àêtre exploré. La théorie des jeux setrouve depuis quelques annéesreformulée dans le langage des logi-ques épistémiques. Elle fournit uncadre approprié pour étudier l’inte-raction cognitive des représenta-

tions mutuelles des agents économi-ques et leurs attentes respectives.Des résultats concernant le rôle dumimétisme et du conformisme,ainsi que l’émergence de comporte-ments altruistes, ont déjà été mis enévidence dans ce cadre. Un autreprolongement consiste à explorerles relations entre les processusmentaux qui ont été décrits et lefonctionnement du cerveau. Ainsiserait reconstituée la chaîne com-plexe qui relie l’acte économique autravail cérébral. Certains auteurscomme l’économiste Colin Came-rer ou le neurophysiologiste PaulGlimcher n’hésitent pas à parlerdéjà de neuro-économie. Restonsprudents et contentons-nous, pourle moment, d’approfondir le pro-gramme de recherche, déjà fortambitieux, d’une économie cogniti-ve.

Christian Schmidt est professeur àl’université Paris-Dauphine.

par Serge Marti

96 bien portés,John Kenneth Galbraithest resté un galopin. Etun économiste réputédont l’impertinence esttoujours rafraîchissan-te, ainsi qu’en témoignesa dernière contributionà la critique constructi-ve des postulats écono-miques et aux « pieuxmensonges » qu’ils recè-lent. Ce brillant professeur à Har-vard a été conseiller du prince,notamment auprès du présidentJohn F. Kennedy, auquel il s’efforçade « vendre » ses thèses néo-keyné-siennes sur l’économie politique. Ils’est attaqué très tôt à la « versionde la vérité » telle que la reproduit lathéorie économique et aux planssur la comète tirés par ceux qui s’eninspirent. « Non seulement la pros-pective économique est très imparfai-te, ce qu’admettent ceux qui s’ylivrent, sauf lorsqu’ils en changent,mais la prévision officielle est inéluc-tablement fausse », écrivait-il en1975 dans L’Argent (Folio Gallimard).

Trente ans après, cet ancien prési-dent de l’American Economic Asso-ciation nous offre une féroce satired’un système de pensée libéralequ’il n’a cessé d’exécrer. Les Menson-ges de l’économie sont un essai danslequel il « se propose de montrercomment, en fonction des pressionsfinancières et politiques ou desmodes du moment, les systèmes éco-nomiques et politiques cultivent leurpropre version de la vérité. Une véritéqui n’entretient aucune relationnécessaire avec le réel ».

A l’appui de ce procès instruit enmoins de cent pages – ce qui nuitparfois au bien-fondé de l’accusa-tion – et auquel n’échappe pas jus-qu’au mode de formulation du capi-talisme, John K. Galbraith verse plu-sieurs pièces à conviction. Il en estainsi de la distinction entre secteurpublic et privé, « convenue » à sesyeux. A preuve, les dépenses d’arme-ment, qui ne sont pas décidéesaprès analyse impartiale par le sec-teur public, comme on pourrait le

penser, mais « à l’initiati-ve et grâce à l’industriede l’armement – et deses porte-parole – du sec-teur privé ». Idem de laréputation « aussi favo-rable que fausse » de laRéserve fédérale améri-caine, dont l’auteur récu-se les saints principes depolitique monétaire.« Les entreprises emprun-

tent quand elles peuvent gagner del’argent et non parce que les tauxd’intérêt sont bas », assure-t-il.

Le management – « l’un de nos

mensonges les plus raffinés » – enprend pour son grade, de mêmeque l’ode au travail, souvent érigéen gage de compétitivité pour tous,tandis que « l’oisiveté est bonnepour une classe de loisirs aux Etats-Unis et dans tous les pays avancésalors qu’elle est en général condam-née pour les défavorisés ». A ce juge-ment proche de la lutte de classes,diront certains, s’ajoute une criti-que en règle de la notion de produitintérieur brut (PIB), devenue « lamesure du progrès économique et,plus largement, social ». Quand lavente des biens et services est pas-sée des consommateurs aux pro-ducteurs, « on a fait de la somme deleurs productions le critère premierde la réussite d’une société », regret-te-t-il. Sur ce chapitre, l’auteur a rai-son de fustiger une mesure étalonlongtemps restée restrictive. Il atort, cependant, de ne pas prendreen compte les amendements inter-venus ces dernières années, notam-ment sous forme d’indicateurs dedéveloppement humain, qui offrentune vision plus équilibrée de la pros-périté mais aussi du bien-vivred’une société.

Il reste que l’écart entre les idéescommunément admises – ce queM. Galbraith appelle « la sagesseconventionnelle » – et la réalité estbien réel. Il s’agit là de la zone griseoù les « pieux mensonges » sontencore à l’abri.

Economie et psychologie :la nouvelle alliancepar Christian Schmidt

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T R I B U N E S

Le libre-échange entre Etats-Uniset Amérique centrale est-il bénéfique ?par Manuel Orozco

« L’Aleac accentue uniquement la nécessitéde respecter les droits des travailleurs.

La protection est restreinte aux normesen vigueur sur le marché du travail, ce qui

équivaut à une protection quasi inexistante »

« Des résultats concernantle rôle du mimétisme et du conformisme, ainsique l’émergence de comportements altruistes,

ont déjà été mis en évidence »

VI/LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004

Le gouvernement à l’écoutedes centres d’appels

Salaires payés « 450 eurospar mois charges compri-ses, pas de risque de grè-ve, pas de syndicat,44 heures de travail heb-domadaires, coûts infé-

rieurs de 50 % par rapport à laFrance », avec des opérateurs par-lant « un excellent français » et« diplômés des meilleures écoles etuniversités françaises ». C’est ainsique, sur son site Internet, leBureau de liaison des call centersmarocains vante sans complexeles « atouts » du Royaume, en pro-posant aux centres d’appels fran-çais de « faciliter [leur] délocalisa-tion gratuitement ». Argumentclé : « Accueil 24 heures sur 24, 7jours sur 7. »

La menace de délocalisation nefaiblit pas, comme l’ont montréles décisions prises cet été. C’estface à ces épisodes que le minis-tre de l’économie, Nicolas Sarko-zy, avait proposé d’imposer auxtéléopérateurs d’indiquer leur

localisation à leurs clients au boutdu fil. Le projet d’arrêté est prêtmais rien n’est encore décidé, indi-que-t-on à Bercy, où « un groupede travail a été mis en place ».Quant aux professionnels, ils sontpartagés sur le sujet.

Le phénomène des délocalisa-tions des centres d’appels est, enréalité, mondial. C’est pourquoiune campagne internationale desyndicalisation dans ce secteur aété organisée en octobre parl’Union network international(Fédération internationale des ser-vices) autour de cette question.

En France, si de grandes socié-

tés, opérateurs téléphoniques etsociétés de vente par correspon-dance en tête, ont fait le choix duMaghreb en particulier, les postesdélocalisés ne représentent enco-re qu’une part marginale : envi-ron 9 000 emplois, selon l’Associa-tion française des centres de rela-tions clientèle (AFRC), à compa-

rer avec les quelque 205 000situés en France. Mais le mouve-ment devrait se poursuivre. Selonune étude du cabinet Cesmoconsulting menée auprès de milleresponsables de centres en 2004,9 % indiquent avoir un projet dedélocalisation dit « offshore » (àl’étranger), représentant12 000 emplois. Cependant, cettesolution n’est pas la seule pourréduire les coûts, puisque 11 %ont un projet de délocalisationdans une région française plusattractive.

Hors de France, Maroc(4 500 emplois) et Tunisie (1 000),selon l’AFRC, sont les destina-tions privilégiées des sociétésfrançaises, ainsi que l’île Mauriceet le Sénégal avec 1 000 posteschacun. La Roumanie attire aussi,où une grande partie de la popula-tion maîtrise très bien le français.Selon Cesmo, « les pays de l’Euro-pe de l’Est constituent certaine-ment le prochain gisement dedéveloppement pour l’offshore ».

Mais il s’agit parfois d’allers-retours, comme le montre l’exem-ple de la société Taxis bleus qui aquitté Casablanca. « Souvent,tout ce qui permet d’ atteindre larentabilité, comme la formationcontinue, est mis de côté, ce quipeut poser des problèmes de quali-té sur la durée », observe Anne-Elizabeth Colaert, consultantechez Cesmo. Un changement destratégie ?

F. A.

Elle est tirée à quatreépingles mais pas tropstressée, Sabine Dema-get, pour les épreuvesfinales conduisant audiplôme de « conseiller

service client à distance ». Derrièreelle, le proverbe persan « celui quiparle sème, celui qui écoute récolte »collé sur la vitre qui la sépare du« plateau » où l’attendent un box etun casque téléphonique pour ydémontrer ce qu’elle a appris en dixmois de formation conduisant à cetitre de niveau IV délivré par le cen-tre de formation professionnelledes adultes de Créteil (Val-de-Mar-ne).

« Ayant un niveau bac, j’avais sur-tout acquis une expérience dans lavente en face à face, en boutiquecomme au porte-à-porte, racon-te-t-elle. Licenciée pour raisons éco-nomiques, j’ai eu envie, à 33 ans,d’apprendre de nouveau. J’ai sautésur la proposition de l’Agence natio-nale pour l’emploi (ANPE) de suivrece parcours qui m’a fait travailler enalternance au centre de l’Associationpour la formation professionnelle desadultes (AFPA) et chez Bayard où j’aivendu, par téléphone, depuis Pom-me d’Api jusqu’au Pèlerin. Nos séan-ces d’information avec les rédacteursen chef de ces publications m’ont faitprendre conscience de la qualité destitres que j’avais à promouvoir. »

A quoi lui a servi ce cursus ? « Ilme manquait des mots et des compor-tements, répond-elle, par exemple,j’avais du mal à plaindre les person-nes âgées qui ont tendance à s’épan-cher au téléphone sur leur quotidien :j’ai donc appris à complimenter etpas seulement à commercialiser. »Avant même d’avoir son diplômeen poche, elle a eu le bonheur d’ap-prendre que Bayard la recrutait encontrat à durée indéterminée. Unbon exemple de ce que devient lemétier si décrié du télémarketing.

« C’est vrai qu’en quinze ans lepanorama a changé », analyse Lau-rence Hénin, formatrice à l’AFPA etprofessionnelle de la « distance ».« Aujourd’hui, il y a une conventioncollective, des syndicats et un titre duministère du travail qui reconnaît lemétier. Les candidats ne sont plusceux d’hier où l’on trouvait surtoutdes jeunes vivant chez leurs parentset en quête d’un petit boulot. Désor-mais, ce sont des bac + 2 qui viennentcompléter une expérience acquisesur le terrain et qui en font un vraiprojet de vie. »

Les différents parcours mis en pla-ce par l’AFPA comportent desmises en situation et des méthodesactives, afin d’apprendre aux candi-dats au diplôme, mais aussi aux sala-riés en formation continue, com-ment résister au stress vécu pen-dant sept heures par jour sous lecasque et pourquoi n’utiliser aucunterme négatif, articuler les mots etreformuler la demande du clientafin de s’assurer qu’il n’y a pas euincompréhension.

Les entreprises utilisatrices de cesnouveaux diplômés, elles aussi, ontchangé d’attitude. « On n’en est plusaux années 1990 où elles n’enavaient que pour le client, explique

Robert Pailloncy, formateur. Ellesont compris qu’il convenait de gérerces conseillers devenus leur véritablevitrine. Désormais, les entreprises quiintègrent le conseil à distance met-tent le paquet sur la formation. »

La preuve ? « En trois ans, nousavons formé, à Créteil, deux centspersonnes environ. La moitié onttrouvé un emploi avant même la finde leur formation et toutes celles qui

n’ont pas abandonné en route sonten poste. »

Les entreprises ne se sont pas lais-sé convaincre du jour au lende-main. « Elles voulaient des profilsbeaucoup trop élevés par rapport àleurs besoins, des bac +++ ! se sou-vient Olga Alvarez, chargée de pro-mouvoir les prestations de l’AFPA.Nous avons dû leur démontrer qu’illeur fallait plutôt des personnes capa-bles de gérer les conflits avec le clientet les pannes du système informati-que, des gens qui sachent travailleren équipe et qui puissent évoluerdans l’entreprise grâce à un savoir-fai-re transférable. » Si les sociétés quicommercent grâce à des servicesd’appel intégrés semblent avoircompris, il reste à persuader les« outsourcers », les call centers, quiaccueillent la fonction externalisée.

Que le conseiller services clients àdistance soit un métier d’avenir, lejury d’examen de l’AFPA de Créteilen est persuadé et pas seulementparce que 10 000 emplois de ce typeauront été créés en France, cetteannée. Audrey Even et Magali DeFaria, de Cegetel, Karine Hubert,responsable de formation pourTranscom, et Vincent Martin, char-gé de recrutement pour les Web ser-vices chez ADIA, tombent d’ac-cord : « Ce métier est en mutationrapide, parce que le client souhaitedisposer d’un interlocuteur unique.Les candidats doivent donc faire preu-ve de capacités énormes d’assimila-tion pour répondre aux questionstechniques sur l’UMTS comme sur lesqualités diététiques d’un produit ali-mentaire… tout en faisant preuve definesse psychologique, expliquent-ils.Certaines entreprises n’ont plus quece service comme contact direct avecle client ; d’autres s’en servent commepépinière pour détecter de nouveauxtalents commerciaux. Cette multi-compétence tire vers le haut, et lesentreprises ont intégré cette réalité,elles qui leur réservent désormais deslocaux et du matériel impeccables. »

Les femmes n’y sont-elles pasmajoritaires ? « Oui, parce qu’ellescommuniquent mieux. Cela dit, lescompétences très pointues en matièrede multimédia attirent de plus enplus de garçons, qui semblent mieuxen maîtriser les subtilités. »

Alain Faujas

Développer l’emploidans les centresd’appels et faire dumétier de télé-opéra-teur « un vrai ascen-seur social », c’est le

pari de Jean-Louis Borloo, ministredu travail. Vaste chantier pour cesecteur grignoté par les délocalisa-tions et qui n’a pas une bonne ima-ge. Trois groupes de travail ont étéformés : le premier autour dePatrick Devedjian, ministre déléguéà l’industrie ; un autre interministé-riel ; et un troisième, composé deprofessionnels, a rendu ses conclu-sions le 4 novembre à M. Borloo.Des mesures sont attendues pourfin novembre ou début décembre.« Enfin, on nous reconnaît, se féliciteEric Dadian, PDG de la société IntraCall, et président de l’Associationfrançaise des centres de relationsclientèle (AFRC), qui participe autroisième groupe de travail, auxcôtés du Syndicat du marketing télé-phonique (SMT) et d’une dizained’employeurs. On était le secteur des“nouveaux forçats”. Aujourd’hui,nous sommes des services… »

Avec ses 3 300 centres – dont80 % sont internes aux entreprises –

et ses 205 000 emplois, selon le cabi-net Cesmo consulting, l’activité aconnu, ces dernières années, des res-tructurations et des délocalisations.Son dynamisme s’essouffle, avecune croissance de « 5 % en 2003,sans doute autant en 2004, alors qu’el-le atteignait 18 % à 20 % par anentre 1998 et 2002 », précise EricDadian, estimant possible uneremontée à 10 % en 2005. En outre,la qualité de service « des hot liness’est dégradée », constate ManuelJacquinet, coordonnateur de cemême groupe de travail et directeurassocié du cabinet conseil en forma-tion Colorado. Les centres d’appelspeinent à « recruter et surtout àconserver leur personnel », soulignel’Agence nationale pour l’emploi(ANPE). Et la précarité s’accentue :en 2004, selon Cesmo, 57 % descontrats de travail étaient à duréeindéterminée, contre 75 % en 2003.Sombre tableau, mais « le potentielde développement est important, esti-me M. Borloo, en comparant laFrance à la Grande-Bretagne,même si cette dernière est à sontour largement touchée par les délo-calisations. Ce phénomène existeratoujours mais il est contenable. Il y a

des marchés publics de services auxusagers à venir. Nous n’allons pas lais-ser passer cette occasion de récupérernotre retard. »

Trois dossiers ont été ouverts parle groupe de travail des profession-nels. L’un porte sur la création d’unlabel social basé sur des critères telsque l’implantation dans une zoneen difficulté, la création d’emplois,l’engagement de formation des sala-riés. Pour la formation, le terrainn’est pas vierge. L’Association pourla formation des adultes (AFPA) a

ouvert, fin 2002, un cursus quali-fiant de « conseiller services clientsà distance », de niveau IV (bac). Enmai, plus de 500 personnes avaientété formées en France, dont 350 ontété diplômées. « Nous avons énormé-ment de demandes venant dechômeurs et d’entreprises pour leurs

salariés », explique JocelyneBécand, ingénieur recherche etdéveloppement à l’AFPA.

A l’inverse, la formation initialemanque cruellement de candidats,alors qu’une filière existe : le bacpro commerce ou services ouvre, enun an, sur une mention complémen-taire Assistance, conseil, vente à dis-tance. Une licence (bac + 3) desuperviseur a été créée, ainsi qu’unmaster (bac + 5) relations client,incluant l’aspect centres d’appels.« Le bac pro forme 150 jeunes par an

alors qu’on en a besoin de 10 000 »,se lamente Eric Dadian. « Ces forma-tions ne sont pas assez connues », esti-me Manuel Jacquinet, et le métiernon plus : « Il est difficile mais forma-teur et il permet d’évoluer. »

Le ministère réfléchit égalementà un « aménagement » de la conven-

tion collective des prestataires deservices, dont dépendent les cen-tres d’appels externes : travail denuit et du dimanche, annualisa-tion… Des points au cœur des dis-cours des employeurs. Eric Dadianvoudrait aussi, « comme en Grande-Bretagne ou dans le bâtiment, avoirla possibilité de conclure des contratsà la tâche, renouvelables autant quenécessaire »…

Pour René Ollier, secrétaire fédé-ral à Sud-PTT, « la réponse auxmenaces de délocalisations, ce n’estpas le travail de nuit ou du diman-che, qui aggrave les conditions de tra-vail, et par conséquent dégrade laqualité ». Martine Zuber, secrétairenationale de la fédération CFDTcommunication et culture, souhai-te, elle, « négocier » sur la forma-tion professionnelle. Elle soulèveaussi les problèmes de santé au tra-vail, liés « surtout au stress, à l’angois-se, à l’organisation… ». « C’est vrai,dans ce travail, on enchaîne lesappels, mais c’est un métier intellec-tuel, propre », plaide Eric Dadian,tout en reconnaissant qu’il y a enco-re « beaucoup à construire ».

Francine Aizicovici

l’afpa assureune formationde « conseillerservices clients »

maroc, tunisieet maurice sontles destinationsprivilégiéesdes entreprisesfrançaises

à contre-courant desdélocalisations,jean-louisborloo souhaitevaloriserle métierde télé-opérateur.le ministredu travaildevraitannoncerd’ici à décembreune sériede mesurespour développerl’emploidans ce secteuroù la précaritécontinueà s’accentuer

« Désormais, les entreprisesmettent le paquet sur la formation »

Les délocalisations en marche

Une licence (bac + 3) de superviseura été créée, ainsi qu’un master (bac + 5)

relations client, incluant l’aspectcentres d’appels

Evolution du nombre de salariésdu secteur en France, en milliers

Type de contrats de travail utilisés dans les centres de contact en 2004,en%

LE NOMBRE D'EMPLOIS S'ACCROÎT... MAIS LA PRÉCARITÉ RESTE IMPORTANTE

Source : Cesmo

Salariés en CDD

Intérimaires

Contrats de qualification

Vacataires

Autres

Salariés en CDI

2002 2003 2004

250

200

150

100

50

0

191

195 205

57 21

12

6

2

2

« Aujourd’hui, il y aune conventioncollective, des

syndicats et un titredu ministère du

travail qui reconnaîtle métier »

,

«… Pas de risquede grève,

pas de syndicat,44 heuresde travail

hebdomadaires… »

EMPLOI

Comment ne pas tom-ber dans le « miroiraux alouettes » ?Toujours performan-tes, épanouissantes,responsables sur le

papier, les entreprises peuvent serévéler de terribles lieux de désil-lusion au quotidien. Que ce soitpar le biais de livres comme Bon-jour paresse (Ed. Michalon, 2004)de Corinne Maier ou, en 2000, LaSociété de consolation, de JérémieLefebvre, qui dépeignait l’enversdu décor d’une jeune pousse, cet-te amertume se déverse souventbrutalement.

En pleine époque de la bulleInternet, le succès – certes éphé-mère –, du site aujourd’hui dispa-ru tchooze.com avait lui aussirévélé ce besoin d’en savoir plusau-delà des discours officiels.C’est sur ce pari que s’appuieaujourd’hui la démarche des édi-tions Vie & Cie, qui lancent unecollection d’ouvrages pour« démystifier l’univers de l’entrepri-se, sans complaisance ni a priori ».Les premiers guides disponiblesdepuis fin octobre concernent lagrande distribution et l’audit etconseil.

A 33 ans, Moïse Kissous, fonda-teur de Vie & Cie, n’en est pas àson coup d’essai. Les nouveaux gui-des « Vu de l’intérieur » sont, enfait, une version enrichie del’« Ouvre-Boîtes », lancé en 2002.La collection avait été un échec, del’avis même de Moïse Kissous. « Apeine un milliers d’ouvrages venduspour chacun des trois tomes parus,Distribution et grande consomma-tion, Industrie et BTP et Servicesen conseil », reconnaît-il. Cerevers ne semble pas l’avoir décou-ragé, puisqu’il réitère l’expérienceaujourd’hui.

Moïse Kissous est pourtant loind’être un pourfendeur d’entrepri-ses. Ancien responsable du dévelop-pement et directeur internationalde Mediasystem, une filiale spéciali-sée en conseil ressources humainesdu groupe Publicis, il a longtempsfait partie du « système ».

« A mes débuts professionnels,j’avais la conviction que je pouvaisà travers mon métier de conseil enressources humaines améliorer lesrelations entre les salariés et leurs

entreprises, j’ai très vite été déçu.Les entreprises ne jouent pas la sin-cérité. De peur de ne pas être assezattractives, elles se parent d’atoutstrop beaux, elles prétendent être cequ’elles ne sont pas. Une source dedéception qui conduit souvent audésengagement. »

’Pas question donc dans ces gui-

des de « casser de l’entreprise » ouau contraire de l’encenser. Pourréussir ce difficile pari d’impartiali-té, l’éditeur assure avoir pris tou-tes les précautions. Rédigés pardes journalistes indépendants,chaque ouvrage est issu d’un tra-vail d’enquête réalisé à partir durecueil de témoignages des diversacteurs de l’entreprise (employés,cadres, syndicats et dirigeants), derapports annuels, bilans sociaux,sites Internet et articles de presse.Au total, l’élaboration de chaqueouvrage prend de sept à neufmois. Chaque fiche d’entreprisepasse ainsi au crible cinq critères :mode de recrutement et d’intégra-

tion, perspectives d’évolution etde formation, rémunération etavantages, conditions de travail,et enfin, responsabilité sociale del’entreprise. En fin d’ouvrage, leguide dresse un classement desentreprises sous forme d’étoilesde 0 à 4 sur les cinq critères rete-nus.

Vendu 15 euros, le tirage prévude 1 500 exemplaires ne pourrapas permettre dans un premiertemps d’équilibrer les comptes.« Pour l’instant, c’est presque dumécénat », plaisante M. Kissous.

De fait, l’éditeur dit pouvoirfinancer ce projet grâce aux reve-nus apportés par « Jungle », labelde bandes dessinées et de livresd’humour créé en commun avec lamaison d’édition Casterman.

Reste à savoir si la collectionréussira cette fois-ci à trouver unpublic. « Nous visons les jeunesdiplômés et les cadres avec quel-ques années d’expérience. Au-delà,beaucoup de personnes ont souventacquis un réseau suffisant pouravoir des informations fiables surl’entreprise qui les intéresse. »

Trois autres guides sont d’oreset déjà prévus pour le printemps2005. Ils devraient explorer les sec-teurs de l’industrie, des banqueset assurances et enfin du loisir ettourisme. « Il est étonnant deconstater le peu de temps que lessalariés mettent à trouver des infor-mations sur l’entreprise dans laquel-le ils vont passer pourtant une gran-de partie de leur temps, comparé àcelui qu’il vont prendre pour choisirun téléphone portable », conclutMoïse Kissous.

Catherine Rollot

LE SOCIAL DANS L’UNION

L’immigrationen ordre dispersé

Surfant sur la vague dessoins du corps, avec ledéveloppement des spaset autres instituts, les chè-ques bien-être viennentd’être lancés, destinés

aux salariés. Offerts par lesemployeurs pour récompenser deséquipes, ou bien cofinancés par lescomités d’entreprise (CE) à l’instard’autres bons d’achat, ils sontacceptés dans un réseau nationald’un millier de prestataires, telsque les coiffeurs, les instituts debeauté, les centres de thalassothé-rapie, etc. Cette nouvelle formule

est lancée par la société Terra Bien-Etre, créée en 2003 par VéroniqueMaus et Delphine Henriet. « Cessoins de bien-être sont relativementonéreux, explique cette dernière. Lechèque vise à faciliter leur accès auxsalariés. »

Chaque titre, non nominatif, aune valeur de 15 euros, « soit le prixd’un brushing, d’un shampoing-cou-pe pour homme. Les CE les subven-tionnent le plus souvent à hauteurd’un tiers ». Les premiers apparaî-tront pour Noël. « Et nous avonsdéjà bouclé notre programme Fêtedes mères avec les CE. »

Cette initiative s’inscrit au seindu très fort développement du mar-ché des chèques distribués par lesCE. Comitedentreprise.com, unportail Internet spécialisé dans l’in-formation et l’actualité des CE, l’es-time à « plus de 2 milliards d’eurosen France » (chèques-vacances,chèques-restaurant et autres titresemploi-services inclus) sur un bud-get de 12 milliards d’euros que lesCE consacrent aux activités socia-les et culturelles. « Ce mouvements’est accentué depuis quatre ou cinqans, et aujourd’hui, chaque enseigneou presque sort son bon d’achat »,constate Philippe Muller, responsa-ble informatique de ce site Inter-net. Selon Lionel Derradi, son

concepteur, « il existe une quaran-taine de grandes enseignes, et unemyriade d’indépendants ». Carre-four, Auchan, Accor, Ikea, la Fnac,Décathlon, etc. s’y sont mis, « etmême une société de déménage-ment ».

Parmi les leaders figurent TirGroupé et Cadhoc, du groupe Chè-que-Déjeuner. Ce dernier a déve-loppé toute une panoplie de titresdepuis le lancement du chèque-déjeuner en 1964. D’abord le chè-que-lire, filiale du groupe, puis Cad-hoc (chèque-cadeau), le chèque-disque et le chèque-culture (ciné-

mas, théâtres, musées, etc.). Unproduit « sur mesure » est égale-ment disponible. « On n’a pas delimites », précise le groupe. Le plusprisé est Cadhoc, « qui laisse unegrande liberté de choix au salarié »,selon le groupe. Utilisable dans200 000 magasins, il représente149 millions d’euros de volumed’affaires émis à fin 2003.

Un vaste supermarché, en perpé-tuel renouvellement. Mais, pourqu’un petit nouveau perce au seinde cet univers très concurrentiel,l’idée aussi novatrice soit-elle ne suf-fit pas. « C’est une question de mar-keting, de force de frappe des com-merciaux », souligne M. Derradi.

Ce succès tient au fait que pourle CE comme pour le commerçant,le chèque est « plus léger à gérerqu’un stock : ce n’est que dupapier », constate Philippe Muller.Le salarié s’y retrouve, puisqu’ilchoisit le produit qui lui plaît, dansla limite, toutefois, du réseau d’en-seignes acceptant son chèque.

La législation facilite aussi ledéveloppement des bons d’achat.

« Considéré comme un complémentde salaire par l’Urssaf, et donc sou-mis aux cotisations sociales, le bond’achat bénéficie cependant de tolé-rances », sous certaines condi-tions, indique Fabrice Signoretto,directeur de Forma CE (groupeAlpha), qui forme et conseille lescomités d’entreprise. Il doit êtreoffert à l’occasion d’événementsprécis - mariage, naissance, ren-trée scolaire (pour les enfants demoins de 20 ans scolarisés), etc. –et son montant ne doit pas dépas-ser 5 % du plafond de la Sécuritésociale par bénéficiaire et par évé-

nement, soit 123,8 euros. Le chè-que-lire, en revanche, considérédepuis 2002 comme une prise encharge par le CE d’une activitéculturelle, échappe à toutecontrainte.

« Globalement, les activités collec-tives du CE, qui créent du lien entreles salariés, deviennent moins nom-breuses, au profit de ces bonsd’achat, estime Fabrice Signoretto.Et les salariés, devenus plus indivi-dualistes, et ayant souvent des diffi-cultés financières, sont demandeurs.Cela se comprend, mais c’est unedérive car le rôle du CE n’est pas sesubstituer aux caisses d’allocationsfamiliales. » « L’esprit collectif duCE s’estompe un peu, reconnaît Jean-Marc Icard, secrétaire national dela CFE-CGC. C’est dommage, maisnous avons trop de missions à rem-plir. Le rôle économique du CE, deplus en plus important dans le contex-te actuel, rétrécit son rôle social. Ilfaudrait soit séparer les deux, soitaccroître le nombre des élus. »

Francine Aizicovici

une collectionde livresveut révélerla vraie naturedes entreprises

par Francis Kessler

« Les salariés, devenus plus individualistes,et ayant souvent des difficultés financières,

sont demandeurs. Cela se comprend, mais c’estune dérive, car le rôle du CE n’est pas de se

substituer aux caisses d’allocations familiales » ,

que lors de l’adhé-sion de l’Espagne et du Portugalau début des années 1980, l’élar-gissement de l’Union européenne(UE) a fait naître la peur d’unevague massive d’immigration detravailleurs en provenance de l’an-cien bloc soviétique. Il est vraique les nouveaux Etats membresconnaissent un niveau de rémuné-ration bien inférieur aux Quinzeet disposent d’une main-d’œuvrequalifiée. De plus, certains d’en-tre eux affichent un importanttaux de chômage. Tous les ingré-dients d’une importante migra-tion des travailleurs d’est enouest semblent donc réunis.

Malgré tout, l’entrée envigueur du traité d’Athènesconcernant l’adhésion des nou-veaux Etats et l’application desrègles communautaires vis-à-visd’un marché unique du travailprésentent un caractère plus sym-bolique que réel.

A cela deux raisons. D’abord leshuit pays d’Europe centrale etorientale (PECO) avaient concluavec l’UE des accords d’associa-tion : leurs ressortissants pou-vaient, avant même le 1er mai,invoquer l’égalité de traitementavec les travailleurs nationauxune fois admis sur le marché dutravail, l’un des Etats membres.

Ensuite, parce que le principefondamental de la libre circula-tion des travailleurs, un despiliers de l’ordre juridique et éco-nomique de l’UE, ne s’appliquepas d’entrée pleinement et entiè-rement aux nouveaux adhérents.Mis à part Malte et Chypre, lesEtats accédants se sont vu impo-ser une période transitoire pen-dant laquelle leurs nationauxdevront requérir un permis ouune autorisation de travail com-me condition d’accès au marchéde l’emploi du reste de l’Union. Lesas est d’abord de deux ans, avecune prolongation possible detrois ans, puis, au cas où apparaî-trait un impact négatif sur lesmarchés du travail, de deux ansencore.

La porte de l’immigration pro-fessionnelle semble donc toutautant fermée qu’avant l’élargis-sement. Mais, en dehors du soupi-rail du travail clandestin, de nom-breuses autres fenêtres sont res-tées entrouvertes. Tout d’abord,le Royaume-Uni, la Suède, leDanemark, les Pays-Bas et l’Irlan-de ont ouvert leur marché du tra-vail aux salariés des dix nouveauxEtats dès la date de leur adhé-sion. Les périodes transitoires n’ytrouvent pas application, pénuriede main-d’œuvre qualifiée oblige.

Les citoyens des dix nouveauxadhérents peuvent, par ailleurs,depuis le 1er mai, s’installer dansn’importe quel autre Etat mem-bre en invoquant les règles com-munautaires de la liberté d’éta-blissement, pour y exercer demanière permanente une activitéindépendante libérale, commer-

ciale, artisanale, industrielle ouagricole. De plus, le principe fon-damental de la libre prestation deservices veut qu’une entrepriseétablie « à l’Est » et qui a obtenuun marché dans un autre pays del’UE pourra y affecter ses propressalariés. Les conditions de travaildu pays d’embauche sont alorsapplicables, sous réserve toute-fois de l’application de la directi-ve 96/71. Celle-ci permet auxEtats membres d’imposer leurlégislation nationale aux tra-vailleurs détachés sur leur territoi-re pour un « noyau dur » de pro-tection du salarié : périodes maxi-males de travail, périodes minima-

les de repos et de congés payésannuels, conditions de santé, desécurité et d’hygiène au travail, etsurtout taux de salaire minimal.

Comme la Cour de justice descommunautés européennes consi-dère – et exige – que l’applicationde ces règles soit « nécessaire etproportionnée », on ne connaîtpas vraiment le contour précis dela réalité. Résultat : à défautd’une administration nationale decontrôle suffisamment informée,polyglotte et volontaire, sur-veillant rapidement et efficace-ment les conditions de travail deces salariés détachés, ceux-ci« exporteront » leurs conditionsde travail locales d’autant plusfacilement que la prestation deservices sera de courte durée. Laconcurrence par le faible coût dutravail au sein d’un même Etat estainsi possible. A deux exceptionsprès. D’après les annexes du trai-té d’Athènes, des restrictions à lalibre prestation de services pourcertains secteurs, notamment letravail temporaire transfrontalier,s’appliquent en Allemagne et enAutriche. Ainsi que pour les trans-ports routiers dits « de cabota-ge », c’est-à-dire au sein d’un Etatmembre sans franchissement defrontière. L’UE y a imposé unepériode transitoire de cinq ans àl’Estonie, la Hongrie, la Lettonie,la Lituanie, la Pologne, la Républi-que tchèque et la Slovaquie.

Dérogations, dérogations auxdérogations, application variabledes règles Etat par Etat, l’adhé-sion de nouveaux Etats membresdébouche ainsi sur une véritablecacophonie législative. Cette miseà mal des principes fondateurs del’UE est d’autant plus paradoxaleque la migration d’Europe de l’Estest peu importante. La Pologne, laRépublique tchèque, la Slovaquieet la Hongrie deviennent mêmepays d’immigration massive enprovenance des Etats de la Com-munauté des Etats indépendants(CEI). L’élargissement de l’UE révè-le donc les faiblesses de laconstruction sociale européennedans laquelle chaque Etat gèreseul son marché du travail.

Francis Kessler est maître deconférences à l’universitéParis-I-Panthéon-Sorbonne.

restaurant,vacances, livres,culture...la panopliedes titres misà la dispositiondes personnels necesse d’augmenter

LE TITRE EMPLOI-SERVICE PEINE À S’INSTALLER

De nouvelles lunettes pour regarderde l’intérieur la vie au travail

AUX ÉTATS-UNIS, LE DROIT À L’INFORMATION

M A N A G E M E N T

Le boom des bons d’achat distribuéspar les comités d’entreprise

Instauré en 1996, le titre emploi-service (TES), subventionné par les comi-tés d’entreprise (CE) ou, à défaut, par les employeurs, n’a pas atteint l’objec-tif fixé initialement.

Malgré une forte progression en 2002, avec 1,3 million de titres utiliséspour un montant de 15,7 millions d’euros, le TES ne représente que 5 % des20 000 emplois familiaux (en équivalent temps-plein) attendus, selon uneétude menée fin 2002/début 2003 par Lasaire-Scop et publiée par la Dares(ministère du travail).

Son but était, au départ, de toucher les foyers non imposables qui nebénéficient pas des avantages fiscaux liés aux emplois familiaux. Or, « cettedemande ne s’est pas développée », indique l’étude. En effet, les prestationsles plus couramment disponibles sont le ménage et le repassage, « rare-ment prioritaires dans l’affectation du budget de ces ménages ».

Le manque de diversité de l’offre ainsi que la difficulté à trouver un pres-tataire local figurent parmi les principales causes du mauvais score du TES.De même que la « faible qualité de services et le manque de fiabilité de cer-tains intervenants », des défauts liés sans doute aux difficultés de recrute-ment que rencontrent les associations prestataires. Quant aux plates-for-mes de services, censées faire le lien entre la demande et l’offre, « ellesjouent un rôle mineur ». En revanche, le budget consacré par les CE au TESn’apparaît pas comme un frein, puisqu’il a souvent été « sous-consommé ».

En France, le modèle n’a pas marché. Aux Etats-Unis, la donne est toutautre. Question de mentalité. Si le français tchooze.com a résisté le tempsd’une bulle Internet, l’américain vault.com creuse son sillon depuis presquedix ans.

Pourtant, au départ, le pari n’était pas facile. Comment concilier à la foistémoignages positifs ou négatifs de salariés sur les entreprises, et annoncesd’emploi, le tout sans s’aliéner les revenus publicitaires ? Site d’informationsur les entreprises, mais aussi éditeur de livres, vault.com arrive à faire legrand écart. Le site met ainsi à la disposition des personnes en recherched’emploi des fiches sur plus de 3 000 entreprises et 70 secteurs industriels.Les abonnés peuvent aussi accéder à une base de témoignages de salariéssur les entreprises, mais aussi d’étudiants sur les écoles et universités. Unforum de discussion très actif, plus de 10 000 visites par jour, sert de lieuxd’échanges entre employés, employeurs, et modérateurs du site Internet.

« A défaut d’une administration

nationale de contrôle informée,

polyglotte et volontaire,

surveillant rapidement

et efficacement les conditions de

travail de ces travailleurs détachés,

ceux-ci “exporteront” leurs

conditions de travail locales »

VIII/LE MONDE/MARDI 9 NOVEMBRE 2004