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Mec. Ind. (2000) 1, 77–103 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)00130-5/FLA Endommagement des pistes de roulement Luc Chevalier a *, Hugues Chollet b a LMT Cachan, 61 avenue du Président Wilson, 94235 Cachan cedex, France b Inrets-LTN, 2 avenue Malleret-Joinville, 94114 Arcueil, France (Reçu le 6 octobre 1999, accepté le 17 novembre 1999) Résumé — L’étude présentée dans cet article concerne le problème industriel de l’endommagement d’un contact roulant sous charge. Les méthodes présentées ici, peuvent être appliquées au dimensionnement des roulements et engrenages par exemple, et plus généralement à tout mécanisme dans lequel il y roulement faiblement lubrifié entre deux solides (voir par exemple [1]). Sur le cas particulier du roulement de galets sur des cames « ouverture fermeture moules », deux approches complémentaires sont abordées pour qualifier l’influence des paramètres du contact (rayon du galet, rigidité des matériaux, effort de contact, mise en position relative du galet par rapport à la came) sur la détérioration : endommagement en sous-couche et usure superficielle. Plutôt que de s’orienter vers des approches complètes et complexes, comme on peut en trouver l’illustration dans [2–4], on se tourne délibérément vers une analyse semi-analytique rendue possible par quelques hypothèses simplificatrices toujours justifiées. On retient un modèle d’endommagement isotrope pour rendre compte de la détérioration en sous-couche et on quantifie cet endommagement par des mesures de microdureté. L’usure superficielle des pistes de roulement, mise en évidence sur banc d’essai, est simulée par l’approche simplifiée de Kalker et une extension au cas non-Hertzien permet de rendre compte de l’évolution de l’usure du profil de la piste. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS contact roulant / usure superficielle / endommagement / microdureté Abstract Damage evolution of loaded rolling path. The study presented in this article deals with the industrial problem of rolling contact under load and the damage evolution of the rolling path. Methods presented here can be applied to bearings and gears dimensioning, for example, and, more generally, to any mechanism in which stands slightly lubricated bearing between two solids (see, for example, [1]). We focus here, on the special case of rollers bearing on cams ‘opening closing molds’. Two complementary approaches are used to qualify the influence of the contact parameters (ray of the roller, rigidity of materials, effort of contact, put in relative position of the roller compared to the cam) on deterioration: damage in underlayer and surface wear. Rather than to direct towards complete but complex approaches, as one can find illustrations of them in [2–4], we turn deliberately to a semi-analytical analysis that is possible under simplifying assumptions. We retain an isotropic damage model to evaluate deterioration in underlayer. We quantify this damage by microhardness measurements. The surface wear of the tracks of bearing, highlighted on test bench, is simulated by the simplified approach of Kalker. An extension to the non-Hertzian case makes it possible to evaluate for the evolution of the path profile wear. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS rolling contact / surface wear / damage / micro-hardness 1. INTRODUCTION 1.1. Détérioration des pistes de came La détérioration des pistes de came des souffleuses de bouteilles en plastique alimentaire SBO Sidel, et notam- ment les cames d’ouverture–fermeture moule, est un su- jet d’étude sensible si l’on considère l’augmentation de la cadence de production de bouteilles recherchée par les clients de Sidel. Une augmentation des cadences conduit * Correspondance et tirés à part. [email protected] à faire tourner plus vite les carrousels sur lesquels sont montés les moules et les efforts de contact came–galet engendrent dans les pièces des contraintes élevées. Une étude complète de la souffleuse Sidel SBO16 est pré- senté dans [5]. Ces contraintes peuvent conduire à l’en- dommagement par fatigue en sous couche au bout d’un nombre de cycles d’autant plus faible que les contraintes sont importantes. Pour limiter cette détérioration on peut chercher à limiter la pression de contact (et donc l’ef- fort de contact). Cette solution consiste à augmenter les rayons de courbure des pièces en contact (rayon et bombé de galet le plus grand possible). L’étude de rondins en 42CrMo 4 ayant été soumis à des sollicitations de ce type sous des niveaux de charge identiques a permis de mettre 77

Endommagement des pistes de roulement

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Mec. Ind. (2000) 1, 77–103 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)00130-5/FLA

Endommagement des pistes de roulement

Luc Chevalier a*, Hugues Chollet b

a LMT Cachan, 61 avenue du Président Wilson, 94235 Cachan cedex, Franceb Inrets-LTN, 2 avenue Malleret-Joinville, 94114 Arcueil, France

(Reçu le 6 octobre 1999, accepté le 17 novembre 1999)

Résumé —L’étude présentée dans cet article concerne le problème industriel de l’endommagement d’un contact roulant sous charge.Les méthodes présentées ici, peuvent être appliquées au dimensionnement des roulements et engrenages par exemple, et plusgénéralement à tout mécanisme dans lequel il y roulement faiblement lubrifié entre deux solides (voir par exemple [1]). Sur le casparticulier du roulement de galets sur des cames «ouverture fermeture moules», deux approches complémentaires sont abordéespour qualifier l’influence des paramètres du contact (rayon du galet, rigidité des matériaux, effort de contact, mise en positionrelative du galet par rapport à la came) sur la détérioration : endommagement en sous-couche et usure superficielle. Plutôt que des’orienter vers des approches complètes et complexes, comme on peut en trouver l’illustration dans [2–4], on se tourne délibérémentvers une analyse semi-analytique rendue possible par quelques hypothèses simplificatrices toujours justifiées. On retient un modèled’endommagement isotrope pour rendre compte de la détérioration en sous-couche et on quantifie cet endommagement par desmesures de microdureté. L’usure superficielle des pistes de roulement, mise en évidence sur banc d’essai, est simulée par l’approchesimplifiée de Kalker et une extension au cas non-Hertzien permet de rendre compte de l’évolution de l’usure du profil de la piste. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

contact roulant / usure superficielle / endommagement / microdureté

Abstract —Damage evolution of loaded rolling path. The study presented in this article deals with the industrial problem of rollingcontact under load and the damage evolution of the rolling path. Methods presented here can be applied to bearings and gearsdimensioning, for example, and, more generally, to any mechanism in which stands slightly lubricated bearing between two solids(see, for example, [1]). We focus here, on the special case of rollers bearing on cams ‘opening closing molds’. Two complementaryapproaches are used to qualify the influence of the contact parameters (ray of the roller, rigidity of materials, effort of contact, put inrelative position of the roller compared to the cam) on deterioration: damage in underlayer and surface wear. Rather than to directtowards complete but complex approaches, as one can find illustrations of them in [2–4], we turn deliberately to a semi-analyticalanalysis that is possible under simplifying assumptions. We retain an isotropic damage model to evaluate deterioration in underlayer.We quantify this damage by microhardness measurements. The surface wear of the tracks of bearing, highlighted on test bench, issimulated by the simplified approach of Kalker. An extension to the non-Hertzian case makes it possible to evaluate for the evolutionof the path profile wear. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

rolling contact / surface wear / damage / micro-hardness

1. INTRODUCTION

1.1. Détérioration des pistes de came

La détérioration des pistes de came des souffleuses debouteilles en plastique alimentaire SBO Sidel, et notam-ment les cames d’ouverture–fermeture moule, est un su-jet d’étude sensible si l’on considère l’augmentation dela cadence de production de bouteilles recherchée par lesclients de Sidel. Une augmentation des cadences conduit

* Correspondance et tirés à [email protected]

à faire tourner plus vite les carrousels sur lesquels sontmontés les moules et les efforts de contact came–galetengendrent dans les pièces des contraintes élevées. Uneétude complète de la souffleuse Sidel SBO16 est pré-senté dans [5]. Ces contraintes peuvent conduire à l’en-dommagement par fatigue en sous couche au bout d’unnombre de cycles d’autant plus faible que les contraintessont importantes. Pour limiter cette détérioration on peutchercher à limiter la pression de contact (et donc l’ef-fort de contact). Cette solution consiste à augmenter lesrayons de courbure des pièces en contact (rayon et bombéde galet le plus grand possible). L’étude de rondins en42CrMo4 ayant été soumis à des sollicitations de ce typesous des niveaux de charge identiques a permis de mettre

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 1. Passage des préformes dans le four de réchauffageavant soufflage.

en évidence qu’en cherchant à diminuer la détériorationpar fatigue, on fait apparaître un autre mode de dété-rioration : l’usure superficielle. Une meilleure connais-sance de chacun des deux mécanismes d’endommage-ment permettra de choisir les conditions optimales (géo-métrie de galet, traitement thermique etc.) en fonctiondes conditions technologiques (vitesse de rotation du car-rousel et donc effort de contact, courbure de la cameetc.).

Dans cette introduction, nous présentons le procédéde soufflage, la machine SBO16 et la cinématique de lafonction « ouverture et fermeture moules ». Par la suiteon se focalise sur le contact came-galet dont on étudieles sollicitations. Le parti pris retenu pour cette étudeconsiste à retenir des méthodes d’analyse et de calculssimples et rapides. Pour cette raison, il est volontaire-ment fait quelques approximations (justifiées) qui per-mettent de disposer de solutions analytiques ou d’al-gorithmes rapides. Cette solution nous permet d’abor-der des problèmes de contact lors de fonctionnement enrégime transitoire qui seraient tout à fait hors de por-tée dans un environnement de type bureau d’étude sion tentait de résoudre numériquement le problème glo-bal. Cette approche est un prolongement de développe-ments déjà réalisés à l’Inrets dans [6], et plus récemmentdans [7].

Figure 2. Moule portefeuille ouvert : on distingue le système deverrouillage : le nez de soufflage et la partie rapportée « fondde bouteille ».

1.2. Soufflage par bi-orientation

Sidel conçoit et réalise des machines de soufflage parbi-orientation (gamme SBO). Ces machines fabriquentdes bouteilles plastiques à partir de préformes injectées.Ces préformes sont chauffées (figure 1) pour être ramol-lies et soufflées. La SBO16 est une machine de grandeproduction qui permet d’obtenir 19 200 bouteilles parheure (un tour de carrousel produit 16 bouteilles toutesles 3 s). Elle est composée : d’une alimentation en pré-formes ; d’un four linéaire de réchauffage ; d’un transfertdes préformes ; d’un carrousel de soufflage ; d’une éva-cuation des bouteilles soufflées.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 3. Schématisation de la cinématique «overture–fermeture» d’un moule de souffleuse SBO16.

Les préformes réchauffées sont saisies par le col àl’aide d’une pince puis positionnées dans le moule. Lemoule portefeuille (figure 2), installé sur un carrousels’ouvre et se ferme à l’aide de bras actionnés parune came. Ce moule est placé dans une unité portemoule enveloppante à verrouillage intégré. Le nez desoufflage est introduit dans le col de la préforme et permetle guidage de la tige d’élongation (cane) qui assurel’orientation axiale. La mise en forme de la bouteilles’effectue en deux étapes. Première opération : étiragepar une cane dans l’axe de l’objet par un piston et unsoufflage léger (8 bars) pour éviter l’adhérence de lapréforme sur la cane. Seconde opération : étirage radialpar soufflage (pression 30< p < 40 bars). Le nez desoufflage est muni d’un dispositif qui assure l’étanchéitéet évite les déformations au niveau du col quelle quesoit la pression de soufflage. Le moule est refroidi parune circulation interne d’eau réfrigérée. La bouteille est

ensuite transférée par un arbre de transfert muni d’unepince sur le convoyeur de sortie.

1.3. Mécanisme d’ouverture–fermeture

Sur lafigure 3, le système de commande de l’ouvertureet de la fermeture est schématisé en vue de dessus.La fonction principale du système ouverture–fermeturemoules est de permettre l’accès et l’évacuation despréformes et des bouteilles soufflées. Pour assurer cetteévacuation, il est nécessaire d’ouvrir les deux moulesde 50.

La SBO16 est une machine qui possède 16 moulesmontés sur un carrousel tournant (1). Les moules sontconstitués de deux parties (5) et (6) articulées en E sur lecarrousel. L’opération de soufflage et de refroidissementde la bouteille est réalisée alors que le moule est fermé et

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L. Chevalier, H. Chollet

verrouillé. Cette opération est effectuée pendant un peuplus de trois quarts de tour du carrousel. Le quart restantest consacré à l’évacuation de la bouteille et l’apportd’une nouvelle préforme. L’ouverture et la fermeturesont assurées par un levier de commande (2) articuléen A sur (1). Une came détermine le mouvement ducentre G du galet et ce mouvement est récupéré en B.Deux biellettes (3) et (4) fixées en B tirent ou poussent lesdeux demi moules (5) et (6). La cadence de productionde cette machine est de 19 200 bouteilles·h−1, ce quicorrespond à une vitesse de rotation du carrousel de20 tr·min−1. En fonction de la forme de la came,l’ouverture et le fermeture suivront une loi horaire fixéepar la cinématique de ce système.

Quels impératifs fixent le choix du profil de camelors de l’ouverture et de la fermeture? Les deux moulesétant fermés et verrouillés, lorsque le galet pénètredans la came le déverrouillage a lieu et les moulescommencent à s’ouvrir à partir d’une vitesse nulle parrapport au carrousel. Les moules sont accélérés jusqu’àune vitesse angulaire maximale. Pour éviter les chocsen fin d’ouverture, les moules sont ensuite ralentis pourarriver à vitesse nulle en fin d’ouverture. Le moule estmaintenu ouvert durant un court laps de temps puisdémarre la phase de fermeture. Les deux demi moulespartent de la position ouverte à vitesse nulle par rapportau carrousel, accélèrent dans une première phase dumouvement puis décélèrent dans une seconde phasepour arriver en position fermée à vitesse et accélérationnulles. La came est représentée par l’équation de sa lignemoyenne sous la forme :

OG=R(ϕ)

Les différentes conditions explicitées plus haut, indui-sent la forme cycloïdale de la came qui correspond auxrelations (1) et (2) :

R(ϕ)=Rf + (Ro−Rf)

ϕ

ϕco− 1

2πsin

(2π

ϕ

ϕco

)lors de l’ouverture des moules (1)

R(ϕ)=Ro+ (Rf −Ro)

ϕ

ϕcf− 1

2πsin

(2π

ϕ

ϕcf

)lors de la fermeture des moules (2)

Sur le dessin (figure 4) de la came on distingue : laportion relative à l’ouverture ; la portion circulaire dumaintien en position ouverte ; la portion relative à lafermeture.

2. SOLLICITATIONS AU NIVEAUDU CONTACT CAME–GALET

2.1. Efforts de contact came–galetet pression de contact

Les différentes pièces mobiles par rapport au bâti (0)sont numérotées(i) de (1) à (6). De manière générale,on noteθi0 l’angle que fait la pièce(i) avec le bâti (0).Trois fermetures géométriques permettent de déterminerla loi de mouvement des différentes pièces du système.Les graphes de lafigure 5représentent les évolutions desanglesθ51 et θ61, ainsi que les vitesses de rotationsω51et ω61 des deux demi-moules dans leur mouvement parrapport au carrousel (1). On constate que le choix de lacame cycloïdale limite les problèmes liés aux chocs enfin d’ouverture ou de fermeture.

L’effort de contact de la came sur le galet, notéF ,est calculé au prix de quelques hypothèses. On faitl’approximation classique que toutes les liaisons sontparfaites et que seule l’inertie des demi-moules estsignificative. Les deux graphes supérieurs de lafigure 6illustrent l’équation du profil de la came ainsi quel’évolution de l’effort dans la phase de fermeture. On peutobserver :

– un changement de signe deF qui implique un change-ment de direction de l’effort ; le contact entre la came etle galet change de flanc de came ;

– une valeur moyenne de l’effort non nulle qui provientdes efforts centrifuges. De ce fait l’évolution est nonsymétrique et l’intensité maximale sur un flanc de cameest bien plus grande que sur l’autre ;

– une valeur maximale d’effort assez importante quiengendre dans la came des contraintes élevées. Le choixd’un profil de came non symétrique permet d’atténuerlégèrement de dernier point.

En supposant que le matériau reste élastique au niveaudu contact came–galet, la théorie du contact ponctuel deHertz permet le calcul de la pression de contact et parsuite des contraintes en sous-couche. On détermine lerayon de courbureρ de la came à partir de l’équationR(ϕ), par la relation (3) :

ρ =

R′2(ϕ)+R2(ϕ)

R′′(ϕ)R(ϕ)− 2R′2(ϕ)

3/2

(3)

Les rayons de courbure restent grands devant le rayondu galet(Rg= 26 mm). Ce dernier présente un bombagecorrespondant à un rayon deBg= 500 mm au niveau ducontact, ce qui est grand aussi devantRg. Le rayon de

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 4. Came et support de came : on notera la forme évasée en entrée de came et le système élastique en sortie de came.

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 5. Évolution des angles et vitesses angulaires des demi-moules (5) et (6).

Figure 6. Came cycloïdale à l’ouverture angle ϕco= 29, ω10= 20 tr·min−1. Les graphiques donnent l’évolution de l’effort de contactdes dimensions de l’ellipse de Hertz et le pression de Hertz Po.

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Endommagement des pistes de roulement

courbure équivalent au sens de la pression de Hertz estdonné par la relation (4) :

ρéq= 1

1/Rg+ 1/Bg+ 1/ρ + 1/∞ (4)

Après calcul, on constate que le rayon de courbureéquivalent évolue dans une plage de 2 mm au voisinagede 24 mm. Tout se passe comme si le galet (de dimensionplus faible, comprise entre 23 et 25 mm) roulait surun plan. Les graphes inférieurs de lafigure 6 donnentl’évolution des longueursa et b et de la pressionPopour le cas de la came cycloïdale à l’ouverture. Onpourra noter l’élancement important(≈7) de la surfaced’écrasement et les pressions de contactPo élevées(≈700 MPa).

2.2. Contraintes en sous-couche

Compte tenu de la forme de la surface de contact(ellipse très allongée), on peut raisonnablement fairel’hypothèse que l’état des déformations est plan. On

Figure 7. Définition de la géométrie du contact.

étudie ce qui se passe dans ce plan de symétrie. Comptetenu de la valeur des rayons de courbure de la came,l’analyse se fera en supposant que cette dernière estquasi-rectiligne au voisinage du contact. Il est ainsipossible de calculer explicitement les contraintes dans lacame. La théorie de l’élasticité plane permet le calcul descontraintes à partir de la répartition de pressionp(s)—relation (5)—oùa est la largeur du contact :

p(s)= Po

(1− s

2

a2

)(5)

Les composantes de la matrice des contraintes s’écriventformellement :

σxx =− 2

π

∫ +a−a

z(x − s)2((x − s)2+ z2)2

p(s)ds

σzz =− 2

π

∫ +a−a

z3

((x − s)2+ z2)2p(s)ds

σxz =− 2

π

∫ +a−a

z2(x − s)((x − s)2+ z2)2

p(s)ds

Après intégration on obtient :

σxx =− 2Po

πa2

−3az+ a

2− x2+ 3z2

2

(arctan

(a − xz

)+ arctan

(a + xz

))+ xzLog

((a − x)2+ z2

(a + x)2+ z2

)σzz =− 2Po

πa2

az+ a

2− x2− z2

2

(arctan

(a − xz

)+ arctan

(a + xz

))

Figure 8. Calcul des contraintes en sous-couche par superposition de charges élémentaires p(s)ds.

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L. Chevalier, H. Chollet

σxz =− 2Po

πa2

xz

(arctan

(a − xz

)+ arctan

(a + xz

))+ z

2

2Log

((a − x)2+ z2

(a + x)2+ z2

)Pour un état de déformation plane, la contrainteσyy estdonnée par (6) :

σyy = υ(σxx + σzz) (6)

C’est au droit du point de contact que l’état decontrainte va être le plus critique. On poseζ = z/a pourrendre le problème adimensionnel et on se focalise surl’axe x = 0. L’expression des contraintes est réduite à :

σxx

Po=− 2

π

−3ζ + (1+ 3ζ 2)arctan

(1

ζ

)σzz

Po=− 2

π

ζ + (1− ζ 2)arctan

(1

ζ

)σxz

Po= 0

La matrice des contraintes est donc diagonale. Lescourbes de contrainte réduite ne dépendent plus dela pression ni de la largeur du contact. À ce niveau,pour valider un choix de matériau, il est nécessairede comparer les caractéristiques(Re, Rm) à une sortede norme de la matrice des contraintes : la contrainteéquivalente de von Misès définie par la relation (7) :

σéq=√(σxx − σyy)2+ (σyy − σzz)2+ (σzz − σxx)2+ 3σ 2

xz

2(7)

Cette dernière est maximale enζ ≈ 0,5 et atteint en cepoint une valeur de 0,57Po. Dans le cas du contact came–galet, la sollicitation est répétée cycliquement et la dé-térioration apparaîtra, par fatigue, pour des contraintesplus faibles queRe. Dans le cas où il y a glissementdu galet sur la came, on peut calculer la superposi-tion de contraintes due à la force tangentielle. Mal-gré un déplacement de la zone la plus sollicitée versla surface de contact, ce phénomène ne génère pas desurcharge importante de contrainte et on peut se satis-faire du champ déterminé plus haut. Néanmoins dansune approche plus fine, on pourrait s’interroger sur l’in-fluence de ce décalage sur l’amorçage de fissures en sur-face.

2.3. Banc d’usure par roulement Sidel

Un banc d’essai reproduisant les contraintes subiespar la came a été réalisé par Sidel (figure 9). Les essaissont effectués sur des rondins de 50 mm de diamètre surlesquels des galets viennent exercer des contraintes. Cesgalets sont identiques à ceux utilisés sur la SBO16. Lebanc est conçu de façon à ce qu’il y ait à la fois troisgalets appliquant un effort équivalent sur une même pistede roulage (figure 10). L’effort du galet sur le rondinest variable, il peut être réglé grâce à un système derondelles élastiques. Il est aussi possible de faire varierla lubrification de la piste mais celle ci reste faible (detype goutte à goutte). Nous effectuons ainsi un essaid’endommagement dans des conditions assez voisines duchargement effectif de la came.

Figure 9. Banc d’essai d’usure : vue générale.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 10. Banc d’essai : gros plan sur les galets et leurs supports.

Figure 11. Éprouvettes extraites des zones traitées ou nonsuperficiellement.

Deux séries de rondins ont été testées chez Sidel auHavre et analysés au LMT-Cachan. Une première sérieoù le matériau employé est du 42CrMo4 traité dans lamasse. Pour la seconde série, le même matériau subitun traitement superficiel supplémentaire analogue à celuiqui est effectué sur les pistes de came des souffleusesSidel (trempe par induction sur une profondeur de 7 mmenviron). La première série n’est pas représentative dutype de matériau utilisable pour les pistes de came, ellea permis la mise en place de procédures expérimentales(notamment les tests de microdureté).

2.3.1. Performances du matériauet du traitement retenus

Les caractéristiques mécaniques du matériau de lacame ont été déterminées en effectuant des essais detraction sur des éprouvettes taillées dans un rondin de42CrMo4 trempé dans la masse puis traitées superficiel-

lement. Une éprouvette de traction est usinée en surfaceet une autre en profondeur (figure 11). Les déformationssont mesurées avec un extensomètre sur une longueur deréférence de 10 mm. La charge est déterminée par un cap-teur d’effort d’une capacité de 10 t. Compte tenu de laforme des éprouvettes, la rupture a eu lieu au voisinagedes mors de serrage. On calcule la contrainte de trac-tion σ à partir de l’effort mesuré et on trace les courbesreprésentatives du comportement du matériau, avant etaprès traitement superficiel (figure 12). On peut remar-quer une grande différence de limite élastique :

– matériau non traité superficiellement :

σe= 650 MPa, Re0,2 = 900 MPa

– matériau traité superficiellement :

σe= 1 150 MPa, Re0,2 = 1 550 MPa

Dans le contact came–galet, pour une pression de contactde l’ordre de 700 MPa (figure 6), la contrainte de vonMisès atteint une valeur maximale de

(σéq)maxi= 0,57× 700= 400 MPa

Soit un facteur de surcharge admissible de 3,8. Comptetenu des sollicitations cycliques qui engendrent de la fa-tigue, le coefficient de surcharge admissible n’est pasaussi important mais assure néanmoins la fonction rou-lement sans détérioration de la came en sous couche.

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 12. Courbes de traction du 42CD4 traité superficiellement (droite) et non traité superficiellement (gauche).

Eprouvette Temps Charge Usure Pression (Hertz) LubrificationN moteur(h) (N) superficielle (MPa) (tr·min−1)

(mm)2A 25 2600 0,025 1271 ? 7252B 1400 1780 0,04 1120 2 s/10 min 725

+2040 1780 0,0270 1120 2 s/10 h 7252C 286 2200 0,0028 1202 2 s/1 h 725

+85 4500 0,122 1526 0,5 s/12 h 950

Figure 13. Tableau récapitulatif de la série d’essais 1.

2.3.2. Observationdes pistes de roulement

2.3.2.1. Matériau non traité superficiellement.Lesrondins de la première série sont numérotés 2A, 2B et2C. Les conditions de chargement, ainsi que la durée desessais sont données dans le tableau de lafigure 13. Lorsde la réception des rondins au LMT-Cachan, on remarqueque la zone de roulement est assez nettement détériorée(figure 14). L’état de surface des pistes présente desdégradations très différentes. La profondeur de la tracelaissée par les galets varie elle aussi beaucoup, allant de0,027 mm sur l’éprouvette 2B après 3 440 h d’essais à0,122 mm sur le rondin 2C après seulement 370 h.

– La piste 2A présente la formation d’un petit bourreletsur l’un de ses bords. Elle présente aussi des longuestraces longitudinales près de l’autre bord et entre lesdeux il y a des petites cavités faisant penser à dupitting (écaillage dû à la propagation de fissures en sous-couche).

– La piste 2B est fortement endommagée. Elle est par-courue par de nombreuses traces longitudinales et pré-sente des cavités sur ses bords. D’un côté les cavités sontd’une très grande taille alors que de l’autre côté, les cavi-tés sont à peine perceptible à l’œil nu.

– La piste 2C présente une forte facétisation complétéepar des traces longitudinales. Sur l’un de ses bords elleprésente un bourrelet.

En comparant la pression de Hertz calculée (>1 100 MPa)avec la limite élastique relevée sur l’éprouvette de42CrMo4 traitée dans la masse (σe = 650 MPa) il estclair que les rondins 2A et 2C ont certainement plasti-fié. La présence des bourrelets est un bon indicateur. Parailleurs pour 2C la forte charge a certainement marquéla piste générant un processus cyclique qui a conduit àla facétisation. Sur certaines éprouvettes faisant partie dela zone de roulement il y a des fissures qui correspondentaux cavités observées visuellement. Elles se propagent ensous-couche à 0,1–0,2 mm en profondeur (figure 15). Lematériau est donc fortement endommagé en sous-couche.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 14. Pistes de roulement usées sur 42CD4 non traité superficiellement.

Figure 15. Détérioration en sous-couche : arrachement de particules macroscopiques.

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Page 12: Endommagement des pistes de roulement

L. Chevalier, H. Chollet

Éprouvette Temps Charge Usure Pression (Hertz) Échantillon(h) (N) superficielle (MPa)

(mm)6A 47 1400 0,198 913 P16A 94 1400 0,085 913 P26C 18 2400 0,82 1150 P36C 12 2100 0,279 1045 P4

Figure 16. Tableau récapitulatif de la série d’essais 2.

Figure 17. Usure des pistes de roulement traitées superficiellement.

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Endommagement des pistes de roulement

2.3.2.2. Matériau traité superficiellement.Pour cedeuxième lot, les charges et les durées sont récapituléesdans le tableau de lafigure 16. La lubrification a été lamême pour tous les échantillons 2 s/2 h ainsi que lavitesse de rotation 950 tr·min−1. Les pistes (figure 17)ont été photographiées à la loupe binoculaire. Leur aspectest nettement différent de celui des pistes du premier lot.Les traces laissées par le roulement des galets sont bienmarquées et de profondeurs plus importantes que pour lepremier lot. En revanche, les cavités sont nettement pluspetites et il n’y a pas non plus de bourrelet sur le bord cequi semble indiquer qu’il n’y a pas de plastification dumatériau.

Cette fois, compte tenu de la trempe superficielle, lapression de Hertz est bien inférieure à la limite élastiquedu matériau traité. Il est donc probable que le matériausoit sain en sous-couche. Néanmoins on observe en sur-face des détériorations surprenantes. L’échantillon P2 quia subi la même charge que l’échantillon P1 (1 400 N)mais pendant deux fois plus longtemps est bizarrementmoins usé. De plus, les galets laissent des traces d’uneprofondeur assez importante et d’une largeur pratique-ment égale à la largeur du galet et bien supérieure auxlargeurs des ellipses calculées par la théorie de Hertz.

2.3.3. Conclusions

Nous avons présenté, sur l’exemple industriel d’unesouffleuse par bi-orientation, la méthodologie et qui per-met de quantifier les efforts de contact entre le galet etla came de commande du système d’ouverture–fermeturemoules. Par comparaison avec les caractéristiques du ma-tériau utilisé, le dimensionnement semble correct. Néan-moins il apparaît une détérioration superficielle qui pro-vient du roulement du galet. Ce roulement s’accompagnede microglissements plus ou moins importants en fonc-tion de la mise en position du galet par rapport à la pistede roulement. Dans la seconde partie nous analyseronsles modes de détérioration en sous couche et en surfacequi peuvent conduire à la ruine de la came. Nous présen-terons des résultats de mesures et de calculs qui quanti-fient et permettent de faire des prédictions de ces détério-rations.

3. ENDOMMAGEMENTEN SOUS-COUCHEET USURE SUPERFICIELLE

Dans cette partie, nous présentons des éléments demodélisation permettant de quantifier les effets de la dété-rioration en sous-couche : un modèle d’endommagement

isotrope développé par J. Lemaitre (LMT-Cachan). Demême, pour analyser la détérioration superficielle, nousavons retenu le modèle de microglissement de J.J. Kal-ker (université de Delft) ainsi que l’algorithme associé :FASTSIM. Ces analyses permettront de justifier les ré-sultats présentés précédemment.

3.1. Endommagement en sous-couche

3.1.1. Modèle d’endommagementisotrope

En mécanique des milieux continus, l’évolution de ladégradation d’un matériau soumis à des sollicitations quiévoluent dans le temps peut-être représenté par une va-riable continue appelée endommagement. Cette variabled’endommagement est notéd . C’est une variable quitraduit les pertes de propriétés élastiques provenant del’augmentation du pourcentage de cavités et de microfis-sures dans un élément surfacique quelconque. Cette va-riable évolue entred = 0 (matériau sain) etd = 1 (maté-riau entièrement rompu).

En élasticité, un matériau non endommagé présenteune rigidité caractérisée par le module d’YoungE, aufur et à mesure de l’évolution de l’endommagementle module d’Young semble chuter. En fait, la présencede microcavités modifie la section droite et le moduled’élasticité apparentE est affecté de la même manière.Ce dernier est donné par la relation (8) :

E = (1− d)E (8)

Par un essai de fatigue sur une éprouvette de matériaudonnée, on peut identifier une loi d’évolution deden fonction du nombre de cycles. Un essai de fatigueest caractérisé par un état de contrainte alterné dontl’amplitude est contrôlée entre une valeur minimaleσm etune valeur maximaleσM. On noteσ la valeur moyennede l’amplitude des contraintes au cours du temps, qui estdonnée par la relation (9) :

σ = σM + σm

2(9)

L’évolution du module d’élasticité au cours du temps,permet d’identifier une loi d’évolution de l’endommage-ment fonction du nombre de cyclesN . Dans [8] on pro-pose une relation de la forme :

δd

δN= σM − σ1(σ )

σu− σM

(σM − σB(σ )

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Coefficients 42CrMo4 traité dans la 42CrMo4 traité dans lamatériau masse sans traitement masse avec trempe

superficiel superficielle par inductionσu (Mpa) 1000 2100σ1o (MPa) 350 700b (MPa−1) 0,0039 0,0019Bo 16950 35166β 5 5

Figure 18. Coefficients estimés de la loi d’endommagement.

Figure 19. Courbes de Wöhler approximatives des échantillonstraités et non traités superficiellement.

avec :

σ1(σ )= σ + σ1o(1− bσ)

B(σ)=Bo

(1− bσ)

Lorsqu’on intègre cette loi entre,d = 0 pour N = 0et d = 1 pour N = NR on obtient une relation quidonne le nombre de cycles à rupture en fonction descaractéristiques du cycle de fatigue. C’est une formeanalogue aux traditionnelles courbes de Wöhler :

NR= σu− σM

σM − σ1(σ )

(B(σ )

σM − σ)β

Les caractéristiques mécaniques des matériaux ont étédéterminées en effectuant des essais de traction sur deséprouvettes taillées dans un rondin de 42CrMo4 trempédans la masse, une éprouvette dans la zone traitée etune dans la zone non traitée. Ces résultats permettentd’estimer les coefficients de la loi d’endommagementà partir d’approximations raisonnables justifiées par lesnombreux résultats présentés dans [9], par exemple. Pourles deux nuances, les courbes de Wöhler ainsi obtenuessont représentées sur lafigure 19. On constate que sile niveau de contrainte appliqué sur les rondins traités

superficiellement ne dépasse pas 700 MPa, le nombre decycles à rupture est extrêmement grand (nous sommes endessous de la limite d’endurance).

Des considérations thermodynamiques présentéesdans [10] permettent d’introduire une contrainte équi-valente au sens de l’endommagement notéeσ ∗. Cettecontrainte joue le même rôle que la contrainte de trac-tion dans un essai uniaxial et peut être utilisée dans lediagramme de Wöhler. C’est l’analogue de la contrainteéquivalente de von Misès que l’on compare avec la limiteélastique. Cette contrainte est définie par la relation (10) :

σ ∗ =√

2

3(1+ υ)σ 2

éq+ 3(1− 2υ)〈σH〉2 (10)

oùσH est la contrainte hydrostatique, etσeq la contrainteéquivalente de von Misès. La contrainte hydrostatique decompression referme les microcavités et ralentit l’évolu-tion de la coalescence des défauts. La notation〈σH〉 in-dique que l’on ne considère que la partie positive deσH,c’est-à-dire :

〈σH〉 =σH si σH ≥ 00 siσH ≤ 0

On peut faire apparaître la dépendance du coefficient dePoisson et de la triaxialité des contraintes en introduisantle coefficientRυ défini par la relation (11) :

Rυ = 2

3(1+ υ)+ 3(1− 2υ)

(〈σH〉σéq

)2

(11)

On constate que la contrainte équivalente au sens de l’en-dommagement suit la même évolution que la contraintede von Misès à un facteur prèsRυ . Lorsque la contraintehydrostatique est négative, ce qui est le cas du contactcame–galet, le coefficientRυ est assez voisin de 1.

σ ∗ = σéq√Rυ

La figure 20montre l’évolution de la contrainteσ *, pourles rondins 2B (non traité superficiellement) et 6A (traitésuperficiellement), en fonction de la profondeurz au droitdu centre du contact. Dans le cas du rondin 2B, il fauts’attendre à observer une couche assez fortement endom-magée jusqu’à 1 mm de profondeur. En revanche, comptetenu de la limite d’endurance beaucoup plus élevée durondin 6A il est probable qu’il n’y ait pas d’endomma-gement observable en sous couche. Par ailleurs, comptetenu de la faible limite élastique du rondin 2B et du hautniveau de contrainte appliquée, il est fort probable que lematériau plastifie en sous-couche. Il faut s’attendre à undurcissement du matériau sur la profondeur plastifiée dueà l’écrouissage.

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 20. Contraintes en sous-couche dans les rondins 2B et6A.

3.1.2. Mesures de microduretéen sous-couche

Des études réalisées au LMT-Cachan [11, 12] ont éta-bli que la microdureté permet de caractériser l’endom-magement local du matériau. En effet, la microporositéévolue au sein d’un matériau endommagé et on observealors une chute de la dureté. Cette diminution de duretéest liée à la variable d’endommagement par la relation(12) :

d = 1− Hv

Hv0

(12)

Hv : dureté après endommagement

Hv0 : dureté de référence

Il faut noter que suivant la manière dont le matériaus’endommage, la dureté de référenceHv0 prend des va-leurs assez différentes. Dans le cas de la fatigue à grandnombre de cycles, si on est assuré que le matériau ne plas-tifie jamais, alors la dureté de référence est la dureté dumatériau vierge (rondin 6A, par exemple). En revanche, sile matériau plastifie (rondin 2B), l’écrouissage induit uneaugmentation de la dureté jusqu’au seuil d’endommage-

ment. Alors seulement la dureté décroît, la plus grandevaleur de dureté atteinte sert de référenceHv0.

Pour avoir une information locale de l’endommage-ment, on effectue une mesure locale de la dureté. C’est lamicrodureté : elle se mesure classiquement en imposantune indentation concentrée à l’aide d’un poinçon, puisen mesurant l’empreinte laissée par ce dernier. Plus lepoinçon s’enfonce dans le matériau, plus ce dernier est« mou » : plus sa limite d’élasticité est basse. Si le maté-riau est localement écroui alors sa limite élastique aug-mente ainsi que sa dureté. La dureté VickersHv est défi-nie comme le rapport deF par la surface totale de l’em-preinte. AvecF en gramme force etD enµm, on calculela dureté Vickers par la relation (13) :

Hv = 1 854,4F

D2 (13)

Le micro duromètre est constitué d’un microscope,équipé d’un système permettant de mesurer la tailledes objets que l’on observe au plus fort grossissement,couplé à un mécanisme effectuant des indentations. Ilest possible de faire varier la masse appliquée ainsi quele temps d’indentation. Ce système permet de mesurerla dureté d’une manière très locale, une indentation faitentre 20 et 80µm de coté. On peut donc effectuer desmesures à moins de 100µm les unes des autres. Cesystème présente certains inconvénients. La petitesse dela taille de l’indentation génère des dispersions assezimportantes si la taille de l’empreinte est proche de lataille de la microstructure du matériau. Selon le lieu oùest effectuée la mesure, sur le joint de grain ou sur uneimpureté, le résultat peut être différent.

3.1.2.1. Mesures de microdureté sur piste non traitée

Nous présentons les résultats relatifs à la piste 2B.Elle est découpée comme indiqué sur lafigure 21. Sur lesphotos de lafigure 22, on observe l’allure des empreinteset les tailles caractéristiques de ces empreintes. Lesmesures présentées ont été effectuées dans une zone sesituant sur l’axe de symétrie de la piste de roulement. Lesrésultats de mesures sont récapitulés sur le graphe de lafigure 23. Le roulage du galet sur la piste a modifié ladureté du matériau en profondeur. Sur ce graphique ondistingue deux zones.

(1) Une zone située entrez = 0 et z = 2 mm oùHv évolue suivant une forme que l’on peut comparerà l’évolution de la contrainteσéq. En effet, le pic decontrainte vaut 600 MPa (très proche deRe) ce quipermet de penser qu’au cours des cycles il y a euécrouissage du matériau. Entre 0 et 1 mm, la contrainte

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Figure 21. Découpage des échantillons avant la réalisation des essais de microdureté.

Figure 22. Empreintes des essais de microdureté : espacement des mesures.

Figure 23. Relevés de microdureté en profondeur au droit ducontact : échantillon non traité.

est forte et le matériau s’endommage. Au-delà il y aseulement écrouissage ; la contrainte est trop faible pourendommager notablement le matériau.

(2) Une zone non affectée au-delà dez= 2 mm. Danscette zone le matériau est sain.

Ces mesures sont à comparer aux répartitions decontraintes en sous-couche. Les commentaires relatifs autype de détérioration en fonction des caractéristiques dumatériau se trouvent ainsi justifiés.

3.1.2.2. Mesures de microdureté sur les pistes traitées

Nous présentons sur lafigure 25, des mesures effec-tuées sur les rondins 6A et 6C. La face de mesure estchoisie dans un plan diamétral du rondin de manière àvisualiser les variations de dureté suivantx et z pour lemême échantillon (figure 24).

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 24. Découpage avant réalisation de microdureté :échantillon traité superficiellement.

La figure 25a illustre certaines mesures effectuéessur l’échantillon P1 (rondin 6A). La photo a été priseà la loupe binoculaire après les mesures. On peut yvoir en bas de l’image, la trace laissée par le roulementdu galet. Cette trace indique clairement que le galet acreusé sa piste de roulement. On voit aussi très nettementles positions des différents relevés de micro dureté parrapport à la piste. Seul le relevé correspondant à l’axe desymétrie de la piste est reproduit dans le graphe.

Notons que la dureté reste parfaitement stable jusqu’àune profondeur de 5 mm au-delà de laquelle la trempesuperficielle n’a pas eu d’effet. À une telle profondeur lescontraintes sont extrêmement faibles et n’endommagentplus le matériau.

Figure 25. Relevés de microdureté : l’échantillon traité superficiellement n’est pas affecté en sous-couche.

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Figure 26. Répartition surfacique des efforts tangentiels q(x) dans le cas d’un problème plan : (a) cas statique : on observe du micro-glissement de part et d’autre du contact ; (b) mouvement relatif de roulement en régime stationnaire ; le contact est collant à l’avantdu contact du glissement sur l’arrière.

Sur lafigure 25b, nous présentons aussi les résultatsdes mesures effectuées sur l’échantillon P3 (rondin 6C).Notons que la piste de roulement se trouve cette fois surle haut de l’image. La zone creusée est encore plus netteque sur l’échantillon P1. La profondeur du traitementest identique (5 mm environ). Ces mesures montrent queglobalement la dureté du matériau en sous-couches despistes P1 et P3 n’a pas été modifiée par les contraintesexercées par les galets. La dureté moyenne mesuréesur la piste P1 (Hv = 722 MPa) est supérieure à cellede la piste P3 (Hv = 650 MPa). Ces différences entreles deux pistes semblent dues à des caractéristiques dedépart différentes (traitement thermique) plutôt qu’à unemodification provoquée par le chargement des galets.

Les profils de microdureté montrent que les rondinstraités superficiellement ne sont pas affectés en sous-couche par le roulage des galets. Cependant les profilssont usés sur une largeur bien supérieure à ce quepeut prédire un calcul de Hertz. Il est donc certainque l’usure en surface modifie les courbures de la pisteet/ou du galet ; c’est la modélisation de ce processus dedétérioration que nous allons détailler par la suite.

3.2. Usure superficiellepar micro-glissements au contact

Lors du contact statique entre deux solides, si l’efforttransmis est normal au plan de contact, les formulesde Hertz donnent la répartition d’efforts surfaciquesnormaux. Dans ce cas, il n’y a aucune composante

d’effort pour générer un éventuel glissement. Lorsqu’ily a des efforts tangentiels transmis d’un solide à l’autrealors le problème devient plus complexe.

3.2.1. Microglissement avec ou sansmouvement relatif entre solides

Considérons un coefficient de frottementµ si élevéqu’il ne se produit pas de glissement macroscopique :le contact est dit collant. Dans le cas d’une chargetangentielleQ entre les deux solides en contact, lamécanique des milieux continus [13] permet de calculerla distribution de forces tangentielles surfaciquesq(x).Celle-ci admet une singularité sur les bords extrêmes dela bande de contacts (distribution analogue à ce qui sepasse en pointe de fissure). Cette distribution d’efforttangentielq(x), illustrée sur lafigure 26a, est donnée parla relation (14) :

q(x)= Q

π(a2− x2)1/2(14)

Ceci est en contradiction avec les lois de frottement deCoulomb. En effet,q(x) ne peut dépasser la valeurµp(x)où µ est le coefficient de frottement etp(x) la pressionde contact. Il existe inévitablement un microglissementau bord de la bande de contact sur deux zones centréesde largeur (a–c). Puisqu’il y a du glissement, il en résulteune répartition de chargeq(x)= µp sur les bords. Dansla zone centrale où le contact reste collantq(x) restedéfinie par la relation (14).

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Endommagement des pistes de roulement

Si les deux solides passent progressivement du reposau roulement relatif stationnaire, on montre dans [14] quela répartition d’efforts tangentielsq(x) passe de l’allureprésentée sur lafigure 26a à celle de lafigure 26b.Le roulement d’une surface sur l’autre conduit à undéplacement de la zone de contact collant vers l’avantdu contact (x > 0 sur la figure). Le microglissement seproduit vers l’arrière du contact et la répartitionq(x) danscette zone est égale àµp(x).

3.2.2. Calcul du microglissementpar l’algorithme FASTSIM

FASTSIM est un algorithme de calcul simplifié conçupar Kalker [15] et exploité encore récemment par sonauteur dans [16, 17]. Cet algorithme permet de calculerles forces au contact came-galet à partir des paramètresdu contact (géométrie, cinématique et matériau) et despseudo-glissements et que nous allons définir. Dansla suite de cette partie on présente le principe et lespossibilités de ce logiciel pour résoudre les problèmesde contact came–galet. Il s’agit d’une méthode simplifiéequi suppose l’existence d’une zone de contact collantà l’avant du contact. La zone de contact est considéréecomme un « tapis de ressorts ».

Dans le cadre de cette application, on considère tou-jours que la répartition de pression de contact est, au dé-part, du même type que celle proposée par Hertz. D’unemanière plus générale, les défauts de mise en position re-lative des deux solides peuvent faire apparaître plusieursmouvements relatifs parasites : on les appelle les pseudo-glissements. Lorsque ces pseudoglissements existent, lapuissance dissipée peut être considérable. Elle est moinsimportante lorsque le positionnement du galet est correctet qu’il y a globalement roulement sans glissement surla piste de came. On peut distinguer l’influence de troistypes de pseudoglissement (figure 27) :

Cas 1. Pseudoglissement longitudinal (ou de traînée) : ilapparaît dans le cas du contact came–galet lorsqu’il n’ya pas exactement roulement sans glissement au centre del’ellipse de contact. Ceci peut être dû à la lubrificationqui diminue l’adhérence et/ou à un effort tangentielimportant provenant de la traînée du galet. Même dansle cas où cette traînée n’est pas suffisante pour provoquerun glissement global il peut y avoir microglissement etdonc dissipation à l’interface.

Cas 2. Pseudoglissement de spin : ici encore c’est undéfaut de mise en position de l’axe du galet qui està l’origine du pseudoglissement. Ce dernier, caractérisé

Figure 27. Influence des défauts de mise en position et de traînée du galet sur les pseudoglissements.

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par l’angleϕx , induit une rotation relative autour de lanormale à l’ellipse de contact (ici l’axeZ) que l’onappelle le pivotement ou le spin. Ce spin est à l’originede fortes usures sur les zones de bord de l’ellipse où lapression est faible.

Cas 3. Pseudoglissement transversal (de dérive) : le dé-faut de perpendicularité entre l’axe de rotation du galetet la vitesse du centre du galet est à l’origine du pseudo-glissement de dérive. Si le défaut est suffisamment faible,la déformation au contact assure le maintien de l’adhé-rence. Par contre, une forte valeur du défaut angulaire està l’origine de forts glissements.

Dans l’hypothèse où les corps en contact sont suppo-sés rigides, on peut calculer la vitesse de glissement géo-métrique entre la came et le galet en tous points de l’el-lipse de Hertz par la relation (15) :

Evg(M ∈ galet/rondin)= EΩg∧CgM − EΩr ∧CrM (15)

Cg et Cr sont des points des axes de rotation du galetet du rondin. LesΩi sont les taux de rotation de cesdeux solides. L’axeY est l’axe de rotation du rondin etl’axeX est la direction de la vitesse du centre de l’ellipsede contact appartenant au rondin. Dans cette base, lesdifférents vecteurs de la relation ci-dessus s’écrivent :

EΩr =∣∣∣∣∣ 0ωr0

CrM =∣∣∣∣∣ xyRr

EΩg=

∣∣∣∣∣∣∣−nxωg−nyωg−nzωg

∣∣∣∣∣∣∣−ϕzωg

−ωg

−ϕxωg

CgM =

∣∣∣∣∣∣∣x

y

−Rg

On en déduit les composantesX et Y de la vitesse deglissement en tous points de l’ellipse de contact par lesrelations (16) :

Vgx =Rgωg−Rrωr + yϕxωg(16)

Vgy =−Rgϕzωg− xϕxωg

S’il n’y a pas de glissement au centre de l’ellipse laquantitéRgωg−Rrωr est nulle, sinon on suppose qu’elleest faible. On la noteδVx c’est le pseudoglissementlongitudinal. De la même façon−Rgϕzωg est faible eton le noteδVy : c’est le pseudoglissement transversal. Leterme restant provient du défaut angulaire autour deZ etengendre du spin.

Pour travailler avec des grandeurs adimensionelles, ondivise les deux relations précédentes par la vitesse dupoint de contactV (Rgωg ouRrωr). Ce qui donne :

Vgx

V= υx + yφ, Vgy

V= υy − xφ

avec :

υx = δVxV, υy = δVy

V=−ϕz, φ = ϕx

Rg

Ces quantités serviront d’entrée au logiciel FASTSIM. Enpratique, les solides ne sont pas rigides mais déformables,il faut prendre en compte les déformations au niveaude la zone de contact. Soientux et uy les composantesdes déplacements relatifs entre les solides provenant desdéformations. Ces déplacements contribuent aussi à lavitesse de glissement locale et aux composantesVgx etVgy il convient d’ajoutervx et vy qui valent :

vx = V ∂ux∂x

, vy = V ∂uy∂x

en régime stationnaire. Ces déplacements proviennent dela déformation, l’hypothèse du « tapis de ressorts » per-met de considérer que ces déplacements sont propor-tionnels aux contraintes tangentiellesτx et τy . Soit Lla raideur tangentielle du contact qui dépend du moduled’élasticitéG et des courbures au niveau du contact ; leséquations cinématiques deviennent :

wgx = υx + yφ +L∂τx∂x

(17)

wgy = υy − xφ +L∂τy∂x

L’algorithme FASTSIM propose de résoudre le système(17) pour des valeurs devx, vy et φ connues en suivantdes bandes longitudinales indépendantes(y = const) eten supposant que le contact est collant sur le bord avantdu contact. Dès lors, leswgi sont supposés nuls et ondétermine une approximation desτi en résolvant :

∂τx

∂x=−υx + yφ

L∂τy

∂x=−υy − xφ

L

⇒τx =−υx + yφ

Lx + const

τy =−2xυy − x2φ

2L+ const

Les constantes sont déterminées par les conditions limitessur le bord de l’ellipse :

τx = τy = 0 en x = a√

1− y2

b2

On calcule le module du vecteur tangentiel :

q(x, y)=√τ2x + τ2

y

On sait que le glissement apparaît dès que ce modulevautµp(x, y). Dès que le glissement apparaît on sature

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Endommagement des pistes de roulement

(a) (b)

(c) (d)

Figure 28. Cas de υx de 0,001 pour une charge N de 1 600 N et un coefficient µ de 0,3. (a) Dimensions réelles de l’ellipse de contact :les éléments marqués d’un «s» saturent en effort tangentiel, il y a microglissement dans ces éléments. (b) Répartition des contraintestangentielles sur l’ellipse de Hertz adimentionnée : on notera que la valeur maximale est assez forte (170 MPa) néanmoins il y atrès peu de glissement. L’effort tangentiel global vaut 204 N ce qui est très inférieur à 0,3·1 600= 580 N qui correspond au débutdu glissement global. (c) Vue 3D du module de l’effort tangentiel (en Pa) : dans chaque bande parallèle à l’axe des X on retrouve ladistribution présentée précédemment. (d) Puissance par bande : sur chaque bande parallèle à X on somme la puissance locale ; dansun processus stationnaire cette répartition donne une idée de la manière dont va s’user la piste de roulement.

les vecteurs tangentiels qui deviennent alors connus et lesystème (17) permet le calcul des vitesses de glissementréduiteswgi .

3.2.3. Résultats obtenus par l’algorithmeFASTSIM pour la géométrie galetsur rondin du banc d’essai

À partir de simulations effectuées avec FASTSIMnous présentons quelques résultats sur l’influence des

pseudo-glissements sur l’usure. Les quatre rayons decourbure valent :

Rg= 20 mm; Bg= 500 mm

Rr = 25 mm; Br→∞L’effort normal est de 1 600 N ce qui correspond à la

charge maximale dans les souffleuses actuelles (figure 6).La vitesse de rotation du rondin est de 750 tr·min−1 soitune vitesse linéaire du point de contact de pratiquement2 m·s−1 du même ordre que celle des souffleuses.

97

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(a) (b)

(c)

Figure 29. Cas d’un φ de 2,5 pour une charge N de 1 600 N et un coefficient µ de 0,3. (a) Répartition des contraintes tangentiellessur l’ellipse de Hertz adimensionalisée : on notera la répartition très différente du cas précédent. Ici les vecteurs semblent tournerautour de la zone centrale, les éléments saturés sont plutôt sur l’extériur du contact. (b) Puissance par bande (en W·m−1) : sur chaquebande parallèle à X on somme la puissance locale, pour valider la méthode on montre que la finesse du découpage influe très peusur la puissance globale dissipée. Entre les deux découpages on passe de 14,85 W à 14,83 W soit une erreur de deux pour 1 000 surla puissance dissipée.

Le cas illustré sur lafigure 28 correspond à unpseudo-glissement longitudinal de 1/1 000. Les quatrefigures 28a, 28b, 28cet 28dmontrent le type de résultataccessible par FASTSIM.

Sur lafigure 29, on étudie le cas où le paramètreυxest égal à 0 avec un spinφ qui correspond à un défautϕz de 5 % (soitφ = 2,5). La répartition des contraintestangentielles est très différente et la puissance par bandeprésente deux bosses qui permettent de supposer quel’usure sera plus élevée sur les extrémités du contact etmoindre au centre.

Les paramètresυx etυy ont une influence assez sem-blable sur la puissance dissipée. Bien que le pseudo-glissement transversalυy conduise à du glissement sui-vant la directionY , on observe que la zone saturée estidentique à celle d’un coefficientυx de même valeur. Lesvecteurs tangentiels sont dirigés versY , néanmoins lapuissance par bande a la même allure qu’avec du pseudo-glissement longitudinal. Les deux paramètresυx et υyont un effet similaire sur l’usure.

Notons qu’un défaut de parallélismeϕz conduit à unepuissance dissipée plus importante que la même valeur

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Endommagement des pistes de roulement

(a)

(b)

Figure 30. Influence de υy sur la puissance dissipée N =1 600 N et µ = 0,3. (a) La répartition des contraintes tangen-tielles sur l’ellipse de Hertz adimensionalisée cas υy = 1/1 000:on notera la répartition très différente du cas υx de même va-leur. Ici les vecteurs sont tous orientés dans la direction Y .(b) Puissance par bande : on notera la similitude de répartitionpar bande avec υx = 1/1 000.

de défautϕx . D’un point de vue technologique, il estdonc nécessaire d’éviter le spin qui provoque beaucoupplus d’usure que la dérive. Cette remarque permet dejustifier les différences observées sur les pistes P1 et P2qui ne sont pas usées de la même manière alors queles conditions de chargement et de lubrification sont lesmêmes.

Sur lafigure 31aon a tracé l’évolution de la puissancedissipée pour une valeur deυx fixée (1/1 000) en fonc-tion de la charge normaleN . On remarque que cette puis-sance croît en fonction de la charge ce qui paraît naturel.

(a)

(b)

Figure 31. Influence de la charge sur la puissance dissipée.(a) Cas υx = 1/1 000. (b) Cas υx = 1/4 000.

Néanmoins, sur lafigure 31b, on observe que cette évolu-tion tend à inverser lorsque la charge devient plus impor-tante. Pour des traînées faibles, on peut diminuer la puis-sance dissipée et donc l’usure en chargeant un peu plusle contact. La charge normale devenant plus importante,la zone de microglissement diminue jusqu’à disparaître :on ne dissipe plus rien.

3.3. Évolution de l’usure superficielle

Lorsque les conditions ne sont pas parfaites, les effortstangents conduisent à des glissements en surface qui setraduisent, quand la lubrification est insuffisante, par uneusure par abrasion. Cette usure va à son tour modifier lagéométrie des pièces en présence, jusqu’à ce qu’une des

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L. Chevalier, H. Chollet

Figure 32. Bande centrale de l’ellipse virtuelle.

courbures principales soit suffisamment irrégulière dansla zone de l’ellipse potentielle pour que les hypothèses deHertz soient mises en défaut.

En dehors des accostages, pour lesquels une dissipa-tion longitudinale irrégulière peut intervenir, c’est surtouten transversal que l’on s’attend à une courbure perturbéesur la pièce la plus fragile : la came des machines réellesou le rondin des expériences sur banc.

3.3.1. Une méthode semi-Hertzienne 2D

Si toutes les hypothèses de Hertz ne sont plus valables,on les conserve cependant dans la direction longitudinale,où la répartition de pression est supposée toujours ellip-tique, d’où le qualificatif de semi-Hertzien. En revanche,pour déterminer la répartition de pression transversale, ondoit repartir de la forme réelle relevée sur les éprouvettes,et proposer une nouvelle méthode respectueuse des résul-tats de Hertz dans un cas Hertzien.

Dans l’hypothèse générale de surfaces quelconques, ilserait nécessaire de simuler l’indentation de deux corpsen 3D, donc d’effectuer des mesures et des calculs fasti-dieux. Mais en conservant l’hypothèse d’une répartitionelliptique en longitudinal, on se limite à interpénétrer parle calcul les deux profils transversaux non déformés. Ils’agit là encore d’exploiter l’idée du « tapis de ressort »,en section transversale 2D, avec cette fois une raideurnormale des ressorts non linéaire de type Hertzienne, enn

2/3i et un écrasement des ressorts de la hauteurhi (fi-

gure 32).

3.3.2. Déterminationde la raideur normale Hertzienne

D’un point de vue pratique, la raideur de chaqueressort est celle d’une bande de longueur2a et de

Figure 33. Différence entre l’ellipse de Hertz et celle déduitede l’interpénétration.

largeur dy. Cette raideur normale est déduite de laraideur d’un contact Hertzien virtuel centré sur la bande,de courbures principales correspondant aux courbureslocales en coïncidence.

En effectuant l’interpénétration des surfaces non dé-formées, on détermine par ailleurs une intersection dontle contour dans le plan de contact doit être l’ellipse cal-culée par Hertz. C’est sensiblement le cas si on interpé-nètre les deux demi-espaces d’une hauteur très prochede δ/2, δ étant le rapprochement entre les deux corpsélastiques dont Hertz a proposé une expression au mêmetitre que les demi-axesa et b (figure 33). Ce n’est pasle rapprochement des deux zones près du contact, carles deux demi-massifs se déforment également dans lamasse.

Pour retrouver plus précisément l’élancement de l’el-lipse b/a par cette méthode d’indentation, on observequ’il est cependant nécessaire d’amplifier les différencesde courbures longitudinale–transversale. Cette correctionsera appliquée également en semi-Hertzien.

3.3.3. Applicationà la méthode des bandes

Dans le cas semi-Hertzien, une fois déterminée laraideur de contact de chaque bande, on effectue assezfacilement une convergence vers l’indentationH . H estle rapprochement des deux surfaces rigides pour lequelon obtient l’équilibre entre la somme des chargesni parbande et la charge normale globaleN . Cet équilibre esttraduit par la relation (21) :∑

ni =∑

(kihi)3/2=N (18)

Cette convergence se fera sur les vecteurs pour tenircompte de l’orientation des facettes des surfaces en pré-

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Endommagement des pistes de roulement

Figure 34. Ellipse réelle, ellipse virtuelle.

sence. On obtient alors une répartition de pression sur deslongueurs de bandeai formant une surface de contact sy-métrique avant–arrière, qui n’est plus forcément symé-trique transversalement (figure 34).

3.3.4. Intégration dans FASTSIM,calculs de puissance

Il reste à appliquer à cette surface l’algorithme FAST-SIM tel qu’il avait été écrit en Hertzien, les pseudoglis-sements étant définis pour chaque bande. Par exemple, lepseudoglissementυx sera déduit de la valeur1R/R0 telqueR0 est le rayon de roulement moyen et1R la dif-férence d’altitude entre le centre de la bande et le plandu rayon moyen. À ce stade, il peut être utile de déter-miner le rayon de roulementR0 tel que l’équilibre descontraintes obtenues corresponde à la force de traînéedes roulements internes du galet, ce qu’on réalise unenouvelle fois par convergence, le problème étant non li-néaire.

Une des difficultés est de choisir des raideurs tangen-tiellesLi pour chaque bande, qui ne soient pas trop va-riables d’une bande à l’autre, de façon à représenter uneffet progressif des variations de courbures représenta-tif du cisaillement entre bandes, qui n’est pas pris encompte par ailleurs. Une alternative souvent employéeest de choisir un coefficientL moyen pour toute la sur-face [18].

Le calcul de puissance dissipée s’effectue de la mêmemanière qu’en Hertzien, l’énergie est attribuée linéaire-ment à l’usure volumique des surfaces — ou de la sur-face la plus tendre. On en déduit une nouvelle forme del’éprouvette, dont les courbures vont conduire à une nou-velle répartition de pression, un nouveau calcul de puis-sance dissipée. . .

La progression de l’usure, nonobstant le fait que lescalculs de convergence doivent être stables, est ainsisimulée en régime stationnaire. En guise d’illustration,

(a)

(b)

Figure 35. (a) Usure du profil à la centième itération dans lecas d’un pseudo-glissement de traînée seul. (b) Répartition depression et zone de contact comparée avec l’ellipse de Hertzinitiale.

on présente sur lafigure 35a, l’évolution du profil usé aubout de 100 passages de galet dans le cas d’une traînéede galet sans défaut de mise en position(υx = 2/1 000,φ = 0). Les conditions de chargement sont assez sévères :N = 2 600 N, µ = 0,1. Dans ce cas, on observe uneévolution de la largeur usée (figure 35b) qui augmente

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(a)

(b)

Figure 36. (a) Usure du profil à la centième itération dans le casd’un pseudo-glissement de traîné et du spin. (b) Répartition depression et zone de contact comparée avec l’ellipse de Hertzinitiale.

au cours des passages successifs et qui conduit, à terme,à une usure sur toute la largeur du galet.

Sur la figure 36, on illustre l’influence d’un dé-faut de mise en position conduisant à du spin(υx =2/1 000, ϕz = 5/1 000⇒ φ = 0,2). On obtient dans cedernier cas, une usure plus grande sur l’un des bords de

la piste et une valeur moyenne légèrement plus élevée quedans le cas précédent.

4. CONCLUSIONS

Sur les rondins non traités superficiellement, d’im-portantes variations de dureté en sous-couche montrentque différents mécanismes se superposent : plastifica-tion, écrouissage, endommagement. Une zone directe-ment sous le contact est fortement endommagée alorsqu’entre 1 et 2 mm de profondeur l’écrouissage a durcile matériau initial. De manière plus générale nous avonsmontré, dans cette étude, l’importance de l’usure superfi-cielle dès lors que le traitement thermique était suffisanten sous-couche. De plus, dans les simulations présentées,apparaît clairement le rôle majeur des défauts de mise enpositionϕx etϕz dans la puissance dissipée au contact etdonc dans l’évolution de l’usure superficielle.

À partir d’une hypothèse de linéarité entre le tauxd’usure et la puissance dissipée par bande on peutmodifier de manière incrémentale la courbure de la pisteet du galet. Ainsi l’évolution du creux laissé par legalet sur la piste évolue au cours du temps et peut êtrecomparée avec les mesures effectuées sur le banc d’essai.Des travaux sont en cours actuellement au LMT Cachansur ce point et une collaboration avec l’Inrets, devraitpermettre la mise au point d’un logiciel simulant l’usuredes pistes de roulement non seulement sur banc d’essaimais aussi pour le processus non-stationnaire du systèmed’ouverture fermeture moule présenté dans la premièrepartie de l’article.

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Endommagement des pistes de roulement

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