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II Soignants-patients : la bientraitance confrontée à la violence

Être un soignant heureux : le défi || II. Soignants-patients : la bientraitance confrontée à la violence

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IISoignants-patients :

la bientraitance confrontée à la

violence

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Les exemples de violence physique sont de plus en plus fréquents à l’hôpital.

Le journal Ouest France titrait le 19 novembre 2008 : « Le personnel hos-pitalier souffre en silence ». En effet, le rapport paru en décembre 2008 de l’Observatoire national de la délinquance montre que les injures, les menaces et surtout les violences physiques envers le personnel hospitalier étaient en hausse de 16,5 % en 2007 par rapport à l’année 2006. « Le secteur de la psychiatrie concentre plus de la moitié de ces agressions. Les deux autres structures les plus touchées : les services des urgences et la médecine générale. Dans 90 % des cas, le personnel ne porte pas plainte pour « ne pas altérer le lien de confiance construit avec le patient ou parce qu’il estime que la maladie explique l’acte »1.

Ce même rapport indique aussi que les incidents signalés par les méde-cins ont augmenté de 61 % entre 2006 et 2007 : « Les agressions verbales, qui représentent près de la moitié de ces incidents, ont augmenté de 80 %. Les agressions physiques sont en hausse de 50 % (108 faits en 2007). Causes principales des incidents ? Temps d’attente jugé excessif par le patient, refus de prescription, refus de délivrer un médicament... »

Une étude sur les agressions verbales et physiques déclarées comme acci-dent du travail durant cinq années au sein du CHU de Clermont-Ferrand, a été publiée en 2005. Elle montre que 4,3 % des arrêts de travail déclarés sont dus à des agressions. Les services les plus concernés sont les urgences, la psychiatrie et la gériatrie. Les principales situations d’agression sont : le contact avec un patient agité, un refus de soins, le contact avec un patient psychiatrique et avec un patient alcoolique ou toxicomaniaque2.

Des situations qui semblaient anodines peuvent très rapidement dégé-nérer. Au risque de nous répéter, les soignants doivent faire vite, toujours plus vite. Le travail se fait souvent dans l’urgence, dans le bruit, en étant constamment interrompu dans ses actions. La peur de l’erreur augmente le stress avec la menace de la plainte. Les patients sont de plus en plus exi-geants, informés ou en demande d’information (tant mieux, ils veulent être acteurs de leurs soins).

Une infirmière témoigne : « Je travaille dans un service d’urgence d’un CHU dans le nord de la France. La salle d’attente est en permanence pleine de monde jour et nuit. Nous recevons fréquemment des personnes en grande détresse physi-que, sociale et psychologique : des SDF, des patients alcooliques ou dépendants de la drogue. Des malades psychiatriques arrivent en situation de crise. Ils sont hospitalisés quelques jours puis les médecins les font ressortir, souvent à cause du manque de lits. Ils reviennent quelques semaines plus tard. Nous voyons toujours

1 La criminalité en France, rapport de l’Observatoire national de la délinquance paru en décembre 2008, éditions du CNRS, 2008.

2 Étude des agressions du personnel du Centre hospitalier universitaire de Clermont, Revue, Masson, Paris, 2005.

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les mêmes. Nous sommes quotidiennement soumis à l’agressivité, aux cris, aux injures. Tout soignant du service a connu la violence verbale et physique : menace, coups, gifles, crachats. Nous accueillons aussi aux urgences, des patients très âgés atteints de démence de type Alzheimer. Ils sont très agités, complètement déso-rientés, apeurés. Ils crient, ils tapent, ils s’agrippent ou ils se recroquevillent sur eux-mêmes. Quoi que nous fassions, nous avons le sentiment désagréable de les maltraiter, par manque de temps, de moyens, de formation. »

Dans ces conditions, il est humainement difficile d’agir efficacement, d’être intérieurement disponible, calme, attentif aux demandes explicites et implicites des patients. Comment maintenir une démarche de soins de qualité respectueuse des besoins essentiels des patients ? Comment déve-lopper la bientraitance et prévenir la maltraitance ?

Cette infirmière nous parle d’un service où l’agressivité et la violence sont particulièrement présentes. Bien heureusement, ce n’est pas le cas de tous les services dans les établissements de santé. Mais ce témoignage, qui n’est pas unique et exceptionnel, montre qu’il y a un risque de banalisation de la violence subie par les soignants.

Dans ce chapitre, nous n’aborderons pas la gestion de la violence dans des cas extrêmes mais des situations couramment rencontrées dans les ser-vices.

Nous allons apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

• Comment réaliser des soins de qualité auprès d’une patiente atteinte d’une démence sénile de type Alzheimer ?• Comment repérer les risques de violence physique et les prévenir ?• Comment se prémunir de l’agressivité et de la violence ?• Comment éviter d’être maltraitant quand nous sommes confrontés à la violence physique d’un patient désorienté ?