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U.F.R. DE DROIT DE L’UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES-SAINT-DENIS FICHES DE METHODOLOGIE DU TRAVAIL UNIVERSITAIRE Cours d’Institutions juridictionnelles et administratives assurés par M. Laingui (Maître de conférences) LICENCE DE DROIT 1 re année 2016-2017

FICHES DE METHODOLOGIE DU TRAVAIL … · recoupe la distinction droit public / droit privé. La justice judiciaire applique les règles du Droit privé ; ... Fiches de jurisprudence

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U.F.R. DE DROIT DE

L’UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES-SAINT-DENIS

FICHES DE METHODOLOGIE DU TRAVAIL UNIVERSITAIRE

Cours d’Institutions juridictionnelles et administr atives assurés par M. Laingui

(Maître de conférences)

LICENCE DE DROIT 1re année 2016-2017

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INTRODUCTION

§ 1 - OBJET ET LIMITES DU COURS ............................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . § 2 - LA SEPARATION DES FONCTIONS JUDICIAIRES ET DES FONCTIONS

ADMINISTRATIVES ......................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . § 3 - LE TRIBUNAL DES CONFLITS : UN JUGE REPARTITEUR DES COMPETENCESERREUR !

SIGNET NON DEFINI . BIBLIOGRAPHIE GENERALE ......................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . TITRE I LA JUSTICE JUDICIAIRE : ........................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . CHAPITRE 1 LES JURIDICTIONS CIVILES ................................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI .

Section 1 Les juridictions civiles « ordinaires » .................................... Erreur ! Signet non défini. § 1 Les Tribunaux de grande instance .............................................. Erreur ! Signet non défini. § 2 Tribunaux d’instance et juges de proximité ................................ Erreur ! Signet non défini.

Section 2 Les juridictions civiles spécialisées ....................................... Erreur ! Signet non défini. § 1 Les Tribunaux de commerce ....................................................... Erreur ! Signet non défini. § 2 Les Tribunaux paritaires des baux ruraux ................................... Erreur ! Signet non défini. § 3 Les juridictions « sociales » ........................................................ Erreur ! Signet non défini.

CHAPITRE 2 LES JURIDICTIONS PENALES ............................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . Section 1 Les principes d’organisations de la justice pénale ................ Erreur ! Signet non défini.

§ 1 La séparation des fonctions d’enquête judiciaire, d’instruction et de jugementErreur ! Signet non défini.

§ 2 Juridictions pénales de droit commun et juridictions pénales spécialisées ou d’exception ........................................................................................................................ Erreur ! Signet non défini.

Section 2 Les juridictions pénales de droit commun du premier degré . Erreur ! Signet non défini. § 1 Le Tribunal de police et le juge de proximité ............................. Erreur ! Signet non défini. § 2 Le Tribunal correctionnel ........................................................... Erreur ! Signet non défini. § 3 La Cour d’assises Erreur ! Signet non défini.

CHAPITRE 3 LES JURIDICTIONS D’APPEL ET LA COUR DE CASSATION .... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . Section 1 Les juridictions du second degré ........................................... Erreur ! Signet non défini.

§ 1 Le principe du double degré de juridiction ................................. Erreur ! Signet non défini. § 2 Les Cours d’appel ....................................................................... Erreur ! Signet non défini.

Section 2 La Cour de cassation ............................................................. Erreur ! Signet non défini. § 1 Une Cour suprême judiciaire séparée du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif .. Erreur !

Signet non défini. § 2 Organisation de la Cour de cassation .......................................... Erreur ! Signet non défini. § 3 Fonctionnement de la Cour de cassation .................................... Erreur ! Signet non défini.

TITRE II LA JUSTICE ADMINISTRATIVE : ............................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . CHAPITRE 1 LES PRINCIPES D’ORGANISATION DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE. ERREUR ! SIGNET NON

DEFINI . Section 1 Les juridictions administratives de droit commun ................. Erreur ! Signet non défini.

§ 1 Les Tribunaux administratifs ...................................................... Erreur ! Signet non défini. § 2 Les Cours administratives d’appel .............................................. Erreur ! Signet non défini.

Section 2 Les juridictions administratives spécialisées ......................... Erreur ! Signet non défini. § 1 Autorités juridictionnelles administratives spécialisées et autorités administratives Erreur !

Signet non défini. § 2 Les juridictions financières ......................................................... Erreur ! Signet non défini.

CHAPITRE 2 - LE CONSEIL D’ETAT : UNE INSTITUTION ADMINISTRATIVE ET JURIDICTIONNELLEERREUR ! SIGNET NON DEFINI .

Section 1 L’organisation du Conseil d’Etat : ........................................ Erreur ! Signet non défini. § 1 Les membres du Conseil d’Etat .................................................. Erreur ! Signet non défini. § 2 Les formations administratives du Conseil d’Etat ...................... Erreur ! Signet non défini.

Section 2 Le Conseil d’Etat statuant au contentieux ............................. Erreur ! Signet non défini. § 1 Les formations contentieuses du Conseil d’Etat ......................... Erreur ! Signet non défini.

§ 2 LES COMPETENCES CONTENTIEUSES DU CONSEIL D’ETAT ............... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . .............................................................................................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . TITRE III LES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES : .................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI . CHAPITRE 1 « LA FRANCE […]REPUBLIQUE INDIVISIBLE […] DECENTRALISEE »ERREUR ! SIGNET NON

DEFINI . Section 1 D’un Etat unitaire centralisé… .............................................. Erreur ! Signet non défini.

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Section 2 - … à un Etat unitaire décentralisé ........................................ Erreur ! Signet non défini. CHAPITRE 2 - L’ ADMINISTRATION CENTRALE DE L’ETAT...................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI .

Section 1 Les services du Président de la République et du Premier ministre .. Erreur ! Signet non défini.

§1 La division de l’Exécutif et l’exercice de la fonction gouvernementale . Erreur ! Signet non défini.

§ 2 La division de l’Exécutif et l’exercice de la fonction administrativeErreur ! Signet non défini. A/ Le Président de la République et l’exercice du pouvoir règlementaire généralErreur ! Signet

non défini. B/ Le Président de la République et l’exercice du pouvoir règlementaire de police .. Erreur !

Signet non défini. C/ Les nominations aux emplois civils et militaires .................... Erreur ! Signet non défini.

§ 3 - Les services de la Présidence de la République et du Premier ministreErreur ! Signet non défini.

A/ La disparité des moyens .......................................................... Erreur ! Signet non défini. B/ Les organes de direction et de coordination de l’action gouvernementaleErreur ! Signet non

défini. 1/ Le Cabinet et le Secrétaire général de la Présidence de la République :Erreur ! Signet non défini. 2/ Le Cabinet du Premier ministre : ...................................................... Erreur ! Signet non défini. 3/ Le Secrétariat général du Gouvernement et le Conseil des MinistresErreur ! Signet non défini. Section 2 Les Ministères et Secrétariats d’Etat ..................................... Erreur ! Signet non défini.

§ 1 Les fonctions des membres du Gouvernement ........................... Erreur ! Signet non défini. § 2 L’organisation interne des Ministères ......................................... Erreur ! Signet non défini.

A/ Les organes à compétence générale : ...................................... Erreur ! Signet non défini. B/ Les organes spécialisés : les directions et service d’administration centraleErreur ! Signet

non défini. CHAPITRE 2 L’A DMINISTRATION DECONCENTREE DE L’ETAT .............. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI .

Section 1 L’institution préfectorale : instrument de la déconcentration Erreur ! Signet non défini. § 1 Les modalités de la déconcentration ........................................... Erreur ! Signet non défini. § 2 Les pouvoirs du Préfet ................................................................ Erreur ! Signet non défini.

SECTION 2 L’ ORGANISATION DES SERVICES DECONCENTRES DE L’ETATERREUR ! SIGNET NON DEFINI .

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THEME N° 1 : LE TRIBUNAL DES CONFLITS ET LA REPARTI ON DES COMPETENCES ENTRE L’ORDRE JUDICIAIRE ET L’ORDRE ADM INISTRATIF

Nous commencerons par le Tribunal des conflits chargé de répartir les cas litigieux entre l’Ordre

judiciaire et l’Ordre administratif. Il s’agit de savoir si la solution du litige réclame l’application des règles du Droit public (ou administratif) ou de celles du Droit privé. La dualité des ordres de juridiction recoupe la distinction droit public / droit privé. La justice judiciaire applique les règles du Droit privé ; la justice administrative applique les règles du Droit public ou plus précisément celles du Droit administratif. La justice judiciaire ne peut juger des litiges (actes et «agissements») à «caractère administratif», conséquence la conception française du principe de la séparation des pouvoirs : pouvoir législatif, pouvoir exécutif (ou administratif), « pouvoir » judiciaire (mais le Titre VIII – article 64 à 66-1 – de la Constitution du 4 octobre 1958 ne parle que de l’autorité judiciaire).

La justice administrative ne se confond pas avec l’autorité judiciaire : d’où l’intitulé du cours Institutions juridictionnelles et non Institutions judiciaires (plus restrictif). La coexistence de deux ordres de juridiction obligeait à créer une juridiction pour régler les inévitables conflits de compétence entre les deux Ordres. Le Tribunal des conflits est institué pour trancher ces conflits de compétence entre l’Ordre judiciaire (la justice judiciaire) et l’Ordre administratif (la justice administrative). Il faut distinguer le conflit positif et le conflit négatif d’attributions. Les deux arrêts du Tribunal des conflits illustrent ces conflits. Le premier – l’arrêt Blanco qui date de 1873 - est considéré comme un grand arrêt fondateur du Droit administratif moderne – matière que vous découvrirez l’an prochain. Les deux autres arrêts vous permettent de découvrir que l’organisation du service public judiciaire suscite un contentieux… administratif : bel exemple de complications suscitées par notre système juridictionnel.

.REDIGER UNE FICHE DE JURISPRUDENCE SUR CHAQUE DECISION

La Méthodologie du travail universitaire du Semestre 1 est liée au cours d’Institutions

juridictionnelles et administratives. La Méthodologie du travail universitaire du Semestre 2 est liée au cours de Relations internationales et ces T.D (ce sont des travaux dirigés) sont assurés par Mme Gautier Audebert. Tous les cours de Droit de Licence 1re année s’appuient ainsi sur des travaux dirigés.

En Méthodologie du travail universitaire du Semestre 1, vous étudiez l’organisation et du fonctionnement de la justice judiciaire et de la justice administrative à partir de décisions de justice. Ce qu’il faut savoir et comprendre lorsque l’on commence des études de Droit. Si un adage bien connu affirme que « Nul n’est censé ignorer la loi », le juriste débutant ne doit pas ignorer les principes d’organisation de la justice française.

Un «apprenti juriste» doit savoir prendre connaissance et comprendre les décisions de justice, repérer celles qui présentent un intérêt. Il doit donc faire un travail de mise en fiche. Les fiches mises en ligne abordent toutes un thème différent à partir de deux, trois ou quatre décisions. Il faudra rédiger des Fiches de jurisprudence sur un modèle unique - le même dans ces TD de Méthodologie du travail universitaire que dans les TD d’Introduction au Droit. Vous devez rédiger ces fiches avec votre cours sous les yeux car il s’agit d’appliquer le cours et de l’apprendre dans la perspective de l’examen certes, mais aussi pour acquérir les «bases» nécessaires pour réussir vos études de droit dans de bonnes conditions. Vous ne rédigez pas une Fiche sans lire le cours, sans vous vous appuyer sur le cours.. Les Fiches de jurisprudence sont à rédiger systématiquement quand vous travaillez chez vous. C'est la présentation organisée et précise d’une décision de justice, permettant d'en comprendre le sens et l'importance. Toute décision de la justice n’est pas «importante» en ce sens que de très nombreuses décisions ne sont que la répétition d’une solution bien connue et établie de la Cour de cassation (dans l’Ordre judiciaire) ou du Conseil d’Etat (dans l’Ordre administratif). Pour bien se préparer aux épreuves de la fin du semestre et surtout à l’examen d’Institutions juridictionnelles et administratives du Semestre 1, il faut vous obliger à rédiger systématiquement une fiche sur chaque jugement ou arrêt sur lequel le professeur insiste en cours ou qui figure dans une Fiche TD liée au cours. L’exercice permet de bien mémoriser la ou les question(s) et la solution de droit. La Fiche se construit par étapes. Chaque rubrique doit apparaître clairement : une Fiche est rédigée pour être relue rapidement.

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LA REFERENCE DE LA DECISION Vous reprenez tout simplement donner les références de l’arrêt : nom de la juridiction qui rend la décision qui vous permet de savoir si la décision émane d’une juridiction rattachée à l’ordre judiciaire ou à l’ordre de juridiction administratif ; Chambre ou formation de la juridiction qui statue ; date de la décision (le numéro de la requête n’est pas exigé par certains chargés de TD puristes, mais il très utile pour retrouver la décision sur Légifrance, «le service public (gratuit) d’accès au Droit» dont vous devez obligatoirement visiter le site). FAITS ET REQUÊTE (toujours en caractères MAJ et en gras) Il s’agit (en utilisant les caractères minuscules) de résumer les faits utiles à la compréhension du litige en écartant les détails sans intérêt et en disant l’essentiel en quelques lignes. Une personne qui n’a pas la décision de justice sous les yeux doit comprendre les tenants et aboutissants de l’affaire en vous lisant. Le résumé doit être à la fois complet et court. Evitez les détails inutiles. La Fiche étant un outil de travail, vous pouvez y faire entrer cependant toute information à caractère juridique qu’il vous semble utile de retenir. Attention : chaque enseignant a sa méthode de rédaction de la Fiche d’arrêt ou de jurisprudence (forcément meilleure que celle de ses collègues). Vous devez rédiger les Fiches en tenant compte des consignes données et lues par vous car si l’on travaille d’abord pour soi, il faut toujours ménager la susceptibilité du correcteur… Les consignes de rédaction données ici sont donc à respecter, mais vous devez savoir qu’il y a d’autres méthodes de présentation possibles et certainement excellentes. LA PROCEDURE (toujours en caractères MAJ et en gras) Il s’agit de retracer les étapes d’un procès civil ou d’un procès administratif. C’est important : la Méthodologie du travail universitaire du Semestre 1 a pour finalité de vous familiariser avec l’organisation et le fonctionnement des juridictions françaises, ne l’oubliez pas. On peut donc être soit à la première étape du procès si la décision (le «jugement») émane d’une juridiction du premier degré ; soit à la seconde étape si la décision est rendue par une juridiction d’appel (juridiction du second degré) ; soit (le plus souvent) devant la Cour «suprême» de l’ordre de juridiction concerné ou juridiction de cassation (Cour de cassation ou Conseil d’Etat statuant au contentieux). La rubrique «Procédure» doit être renseignée de la façon suivante : - Juridiction du premier degré (en gras) : La décision que vous lisez peut émaner d’une juridiction du premier degré. La décision que vous lisez vous donne ou ne vous donne pas des informations sur cette juridiction et sur la décision qu’elle a rendue. Si ça n’est pas le cas, relevez que vous ne pouvez pas savoir quelle juridiction précisément a statué «en première instance», mais que – eu égard à l’objet du litige – il doit s’agir de telle ou telle juridiction (un Tribunal de grande instance, un Tribunal de commerce, un Conseil des Prud’hommes…). Vous pouvez préciser ce qui est demandé et par qui, ce qui est obtenu du juge (N.B. : l’arrêt sur lequel vous travaillez ne vous donne pas toujours ces informations). - Juridiction du second degré (en gras): La décision que vous lisez peut émaner d’une juridiction du second degré : dans cette hypothèse, la décision vous donne des informations sur la décision ou jugement rendu en première instance. Si ça n’est pas le cas, la décision vous renseigne sur la décision rendue en appel, s’il était possible de faire appel… Vous préciserez qui est « appelant » et qui est « intimé » ou défendeur, ce qui était demandé et ce qui est obtenu du juge. - Juridiction de cassation (en gras): Les décisions que vous aurez à lire et à comprendre seront souvent des décisions rendues par les Cours suprêmes. Vous préciserez qui est demandeur à la cassation et qui est défendeur à la cassation... et c’est tout, car les informations utiles sont à donner sous les deux rubriques suivantes. LA OU LES QUESTIONS DE DROIT (toujours en caractères MAJ et en gras)

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Il faut l’identifier à partir de la demande initiale présentée par telle ou telle partie au procès. Il faut la formuler ou les formuler de la manière la plus claire et concise possible. Vous pouvez la ou les formuler de manière interrogative. LA SOLUTION (toujours en caractères MAJ et en gras) Il faut l’identifier dans la décision et vous pouvez la citer entre guillemets. Elle répond à la question de droit posée… Si la solution que vous identifiez ne répond pas à la question posée dans la rubrique précédente… Soit, vous n’avez pas trouvé la solution, soit vous n’avez pas posé la bonne question. LA PORTEE DE L’ARRÊT (toujours en caractères MAJ et en gras) Vous devez vous demander si la solution est nouvelle ou si elle n’est que la répétition de précédentes décisions concernant des cas semblables. Qu’apporte la décision à la connaissance du Droit ? LES TEXTES (toujours en caractères MAJ et en gras) Ils sont visés et leur contenu est souvent cité dans la décision. Tous les textes visés ne sont pas à consulter : vous devez faire un tri et ne retenir que ce qui est intéressant, c'est-à-dire ce qui vous apporte des connaissances immédiatement utiles. Vous devez faire rentrer sous cette rubrique toutes dispositions législatives, règlementaires récentes en lien avec les questions traitées. Souvent les textes ont subi des modifications depuis la décision objet de la Fiche, collectez les textes dans leur version en vigueur. Dans tous les cas, recherchez le texte dans un Code (si l’article d’un Code est cité) ou directement sur Legifrance s’il s’agit d’une loi, d’un décret. Tous les Codes sont sur Légifrance à jour ou sur ma B.U. en ligne qui vous permet d’avoir accès aux Codes commentés publiés par Dalloz. Si vous tapez les références d’une loi, d’un décret, sur un moteur de recherche, vous serez renvoyé sur Legifrance et vous aurez le texte en vigueur.

Document n° 1 : Tribunal des conflits, 8 février 1873, Blanco, n° 00012 M. Mercier, rapporteur, M. David, commissaire du gouvernement.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’exploit introductif d’instance, du 24 janvier 1872, par lequel Jean Blanco a fait assigner, devant le Tribunal civil de Bordeaux, l’Etat, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Z..., Henri X..., Pierre Monet et Jean A..., employés à la manufacture des tabacs, à Bordeaux, pour, attendu que, le 3 novembre 1871, sa fille Agnès Blanco, âgée de cinq ans et demi, passait sur la voie publique devant l’entrepôt des tabacs, lorsqu’un wagon poussé de l’intérieur par les employés susnommés, la renversa et lui passa sur la cuisse, dont elle a dû subir l’amputation ; que cet accident est imputable à la faute desdits employés, s’ouïr condamner, solidairement, lesdits employés comme co-auteurs de l’accident et l’Etat comme civilement responsable du fait de ses employés, à lui payer la somme de 40,000 francs à titre d’indemnité ; Vu le déclinatoire proposé par le préfet de la Gironde, le 29 avril 1872 ; Vu le jugement rendu, le 17 juillet 1872, par le Tribunal civil de Bordeaux, qui rejette le déclinatoire et retient la connaissance de la cause, tant à l’encontre de l’Etat qu’à l’encontre des employés susnommés ; Vu l’arrêté de conflit pris par le préfet de la Gironde, le 22 du même mois, revendiquant pour l’autorité administrative la connaissance de l’action en responsabilité intentée par Y... contre l’Etat, et motivé : 1° sur la nécessité d’apprécier la part de responsabilité incombant aux agents de l’Etat selon les règles variables dans chaque branche des services publics ; 2° sur l’interdiction pour les tribunaux ordinaires de connaître des demandes tendant à constituer l’Etat débiteur, ainsi qu’il résulte des lois des 22 décembre 1789, 18 juillet, 8 août 1790, du décret du 26 septembre 1793 et de l’arrêté du Directoire du 2 germinal an 5 ; Vu le jugement du Tribunal civil de Bordeaux, en date du 24 juillet 1872, qui sursoit à statuer sur la demande ; Vu les lois des 16-24

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août 1790 et du 16 fructidor an 3 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ; Considérant que l’action intentée par le sieur Y... contre le préfet du département de la Gironde, représentant l’Etat, a pour objet de faire déclarer l’Etat civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d’ouvriers employés par l’administration des tabacs ; Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ; Que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l’autorité administrative est seule compétente pour en connaître ; DECIDE : Article 1er : L’arrêté de conflit en date du 22 juillet 1872 est confirmé. Article 2 : Sont considérés comme non avenus, en ce qui concerne l’Etat, l’exploit introductif d’instance du 24 janvier 1872 et le jugement du Tribunal civil de Bordeaux du 17 juillet de la même année. Article 3 : Transmission de la décision au garde des sceaux pour l’exécution. Document n°2 : Tribunal des conflits, 27 novembre 1952, Préfet de Guyane, n° 01420, R. p. 642. M. Lemaire, président, M. Josse, rapporteur, M. Gavalda, commissaire du gouvernement

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu l’arrêté, en date du 18 décembre 1951, par lequel le préfet de la Guyane a élevé le conflit d’attribution dans une instance pendante devant la Cour d’appel de Fort-de-France chambre détachée à Cayenne entre les officiers ministériels de Cayenne et l’Etat ; Vu les lois des 16-24 août 1790, 16 fructidor an III ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828, le règlement du 26 octobre 1849 ; Considérant que l’action engagée par les officiers ministériels de Cayenne devant le tribunal civil de Cayenne et portée par eux en appel devant la Chambre d’appel, détachée à Cayenne, de la Cour d’appel de Fort-de-France, tend à obtenir la condamnation de l’Etat au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur aurait causé l’arrêt, pendant une certaine période, du fonctionnement des juridictions auprès desquelles ils exerçaient leurs fonctions en Guyane ; Considérant que les actes incriminés sont relatifs non à l’exercice de la fonction juridictionnelle mais à l’organisation même du service public de la justice ; que l’action des requérants a pour cause le défaut de constitution des tribunaux de première instance et d’appel dans le ressort de la Guyane, résultant du fait que le gouvernement n’a pas pourvu effectivement ces juridictions des magistrats qu’elles comportaient normalement ; qu’elle met en jeu la responsabilité du service public indépendamment de toute appréciation à porter sur la marche même des services judiciaires ; qu’il appartient dès lors à la juridiction administrative d’en connaître et que c’est à bon droit que le préfet a élevé le conflit dans l’instance ; DECIDE : Article 1er : L’arrêté de conflit susvisé du préfet de la Guyane est confirmé. Article 2 : L’assignation du 29 juin 1950, ensemble l’acte d’appel sont déclarés nuls et non avenus. Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à M. X..., Ministre de la Justice qui est chargé d’en assurer l’exécution. Document n°3 : Tribunal des Conflits, 12 octobre 2015, n° C4019 M. Arrighi de Casanova, président, M. Thierry Fossier, rapporteur, Mme Escaut, commissaire du gouvernement.

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 mai 2015, l’expédition de la décision en date du 11 mai 2015, par laquelle le Conseil d’Etat, (2ème et 7ème sous-sections réunies), statuant au contentieux, saisi d’une demande de réparation du préjudice qu’aurait subi M. A... B...du fait de l’exclusion de sa société du

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dispositif de mesures alternatives aux poursuites pour certaines infractions routières mis en place par les procureurs de la République de Saint-Denis de La Réunion et de Saint-Pierre, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ; Vu, enregistrées le 23 juin 2015, les observations présentées pour M.B..., qui conclut à ce que la juridiction de l’ordre administratif soit déclarée compétente pour connaître du litige né de l’action qu’il a introduite aux fins d’obtenir réparation du préjudice par lui subi du fait de l’absence de désignation de sa société parmi les organismes chargés par les procureurs de la République d’assurer la prise en charge des mesures alternatives aux poursuites en matière de sécurité routière ; Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de la justice, qui n’a pas produit de mémoire ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ;n Vu le décret du 27 février 2015 ; Vu le Code pénal, notamment ses articles 131-35-1 et R. 131-11-1 ; Vu le Code de procédure pénale, notamment son article 41-1 ; Vu le Code de la route, notamment ses articles R. 223-5 à R. 223-13 ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Thierry Fossier , membre du Tribunal, - les observations de la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, Poupot pour M.B..., - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ; Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 41-1 du code de procédure pénale : “S’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique (...) : / (...) 2° Orienter l’auteur des faits vers une structure sanitaire sociale ou professionnelle ; (...) en cas d’infraction commise à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur, cette mesure peut consister dans l’accomplissement par l’auteur des faits, à ses frais, d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière (...)” ; Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article R. 131-11-1 du code pénal, le stage de sensibilisation à la sécurité routière prévu par l’article 131-35-1 du même code est dispensé, dans les conditions fixées par les articles R. 223-5 à R. 223-13 du code de la route, par les personnes agréées selon les modalités définies par ces articles ; Considérant que, dans le département de La Réunion, le procureur de la République de Saint-Denis et le procureur de la République de Saint-Pierre ont, à partir de 2007, mis en place un dispositif de mesures alternatives aux poursuites en cas d’infraction routière ; que dans le cadre de ce dispositif, le contrevenant qui l’acceptait et qui payait l’amende n’était pas davantage poursuivi mais se voyait infliger l’obligation d’effectuer, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière, dont les caractéristiques étaient fixées par un protocole conclu entre les procureurs et deux organismes de formation ; que chaque contrevenant était invité par le procureur de la République à prendre contact, à sa convenance, avec l’un de ces organismes, désignés sur un formulaire type qui était remis après le constat de l’infraction ; que M.B..., qui exploite à La Réunion une école de conduite et qui était titulaire d’un agrément préfectoral l’habilitant à effectuer des stages de sensibilisation à la sécurité routière organisés par l’administration, demande réparation à l’Etat du préjudice qu’il estime avoir subi du fait du refus des procureurs de la République de l’agréer pour les stages de sensibilisation prévus par le protocole mentionné ci-dessus ; Considérant, d’une part, que la décision par laquelle un procureur de la République agrée ou refuse d’agréer, dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires mentionnées ci-dessus, une personne en vue de l’organisation de stages de sensibilisation à la sécurité routière, ne se rattache pas à la fonction juridictionnelle, sur l’exercice de laquelle les attributions de la personne agréée n’ont pas d’effets ; que par suite, elle constitue une mesure d’organisation du service public de la justice ; Considérant, d’autre part, que les litiges auxquels peut donner lieu cette décision du procureur de la République, n’étant pas de nature à influer sur le déroulement d’une procédure judiciaire et n’impliquant aucune appréciation sur la marche même des services judiciaires, sont de la compétence de la juridiction administrative ; DECIDE : Article 1er : La juridiction de l’ordre administratif est compétente pour examiner la requête de M. B.... Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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THEME N° 2 : UN PROCES CIVIL

Lire attentivement les trois décisions et rédiger une Fiche de jurisprudence sur le Document n° 3 : Cour de cassation, 1re Chambre civile, 3 août 1915, n° de pourvoi: 00-02378 Lire et comprendre le Document n° 4 : Conseil d’État, juge des référés, 27 mai 2015, n° 390398. 1/ Résumez les faits et reconstituez les différentes étapes de la procédure ; 2/ Qui est chargé de l’exécution des décisions rendues par l’autorité judiciaire ? 1/ Juridiction du premier degré Document n° 1 : Tribunal civil de Compiègne, 19 février 1913, Clément – Bayard c/ Coquerel. Attendu que, par exploit du 20 septembre dernier, Clément – Bayard, propriétaire à la Motte – Breuil, commune de Trosly – Breuil, d’un terrain sur lequel il a fait édifier en 1909, un hangar pour ballons dirigeables, demande en outre de dommages – intérêts à fixer par état pour réparation du préjudice déjà subi, la suppression : 1° des charpentes en bois surmontées de tiges de fer pointues que Coquerel a fait élever à 90 mètres environ et en face de l’ouverture du hangar, sur une bande de terre, d’une largeur de 10 à 12 mètres et d’une longueur de près de 170 mètres, dont il s’est rendu acquéreur en 1910 ; 2° de poteaux hérissés de pointes et reliés entre eux par des fils de fer barbelés qu’il a disposé tant sur cette bande de terre que sur d’autres parcelles appartenant à sa famille et sises également à proximité dudit hangar ; Que le demandeur prétend que ces constructions et installations n’auraient été faites par Coquerel que dans le but exclusif de lui nuire, but qu’il aurait atteint notamment le 31 août 1912, jour où, en sortant pour un dernier essai avant livraison, un ballon dirigeable vendu au Ministère de la guerre, est venu, sous l’action du vent, s’accrocher aux tiges de fer surmontant les charpentes et y a déchiré son enveloppe ; Attendu que, tout en se défendant d’avoir agi dans un but autre que celui de protéger son terrain contre le passage du personnel de Clément – Bayard pendant les manœuvres de départ et d’atterrissage et le piétinement des curieux venant assister aux sorties et aux rentrées des aérostats, Coquerel soutient qu’il est absolument libre, comme propriétaire, de faire sur son propre fonds, suivant ses besoins et même suivant sa fantaisie, toutes les constructions et installations qu’il lui plaît ; Attendu que la thèse ainsi présentée au nom du défendeur repose sur une conception inexacte du droit de propriété et de la mesure dans laquelle il peut être normalement exercé ; que si ce droit, qui permet à une personne, non pas, comme on le dit vulgairement de faire de sa chose tout ce qu’elle veut, mais de s’attribuer par préférence et exclusivement à tous autres, la totalité de l’utilité de cette chose, apparaît comme le plus complet des droits réels, il rencontre cependant des limites dans son champ d’action ; qu’en effet, n’étant, comme tout droit, qu’une faculté accordée à l’homme vivant en société, il se trouve forcément limité dans l’usage qu’en peut faire son titulaire par les devoirs sociaux de celui – ci, tenu en particulier de ne pas l’exercer en vue d’un but autre que celui pour lequel il a été reconnu par le législateur, notamment en vue de causer un préjudice à autrui ; que le propriétaire n’est donc libre de retirer de sa chose que le maximum d’utilité qu’elle peut lui donner sans dommage pour personne ; que c’est la totalité de cette utilité ainsi mesurée qui lui est conférée, selon les termes de l’article 544 du Code civil, « de la manière la plus absolue » ; Attendu qu’à la lumière de ces principes, la responsabilité de Coquerel devra être considérée comme engagée s’il est prouvé qu’en établissant sur son terrain les constructions et autres aménagements dont se plaint Clément – Bayard, il a intentionnellement fait de son droit de propriété un usage dommageable pour ce dernier ; Attendu qu’on ne saurait lui contester le droit d’empêcher l’accès à sa pièce à l’aide d’une clôture ; mais qu’il est bien difficile de reconnaître ce caractère aux piquets garnis de ronces artificielles et de pointes qu’il a disposés sur une partie du grand côté faisant face au hangar et sur l’un des petits côtés ; qu’il est en tout cas, impossible de voir, soit une clôture, soit un moyen de protection plus ou moins utile dans les deux carcasses en bois d’environ 16 mètres de hauteur et 15 mètres de longueur qu’il a fait édifier sur une même ligne, à 15 mètres d’intervalle l’une de l’autre, en regard de l’ouverture dudit hangar ; que non seulement ces hautes carcasses sont complètement inutilisables pour leur propriétaire, mais qu’elles constituent plutôt pour lui une gêne, puisqu’elles ne peuvent qu’entraver la culture de sa bande de terrain dont elles prennent presque toute la largeur ; Attendu d’ailleurs qu’il est constant et non dénié que Coquerel laisse son champ totalement inculte ; qu’il ressort à l’évidence de ce fait, joint à cette circonstance qu’il a payé 2000 francs ce lopin de terre dont la superficie n’atteint pas 18 ares, que

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lorsqu’en mars 1910, c'est-à-dire quelques mois après la construction du hangar, il s’en est rendu acquéreur, il avait eu en vue un autre but que celui d’en tirer profit en le cultivant ; qu’il se peut du reste qu’il n’ait eu alors aucune intention malveillante à l’égard du propriétaire dudit hangar, il est qu’il n’en a plus été de même quand, sans nécessité et sans aucune utilité personnelle, il a fait les aménagements qui viennent d’être analysés ; qu’il a rendu le mobile poursuivi par lui aussi manifeste que s’il l’avait proclamé lorsqu’il a prolongé les huit poteaux de ses carcasses faisant face au hangar par des tiges de fer pointues de 3 centimètres de diamètre et de 4 mètres environ de hauteur ; Attendu que la preuve étant faite, sans qu’il soit besoin de recourir à l’enquête subsidiairement proposée, qu’en ces circonstances Coquerel a agi dans l’unique dessin de nuire à Clément – Bayard, il y a lieu de le déclarer responsables conséquences préjudiciables que l’usage abusif qu’il a ainsi fait de son droit de propriété a pu avoir pour celui – ci ; Attendu qu’en l’état des documents du procès, le seul préjudice que le demandeur justifie sans pouvoir d’ailleurs en déterminer actuellement l’importance est celui qui résulte pour lui de l’accident survenu au Dupuy – de – Lôme le 31 août dernier, par le fait des tiges de fer surmontant les carcasses ; Attendu que c’est le dommage effectivement subi qui donne la mesure de la réparation ; que si la personne lésée est, en outre, autorisée à demander la suppression de l’état de chose préjudiciable, cette suppression doit être strictement limitée à l’élément qui a été la cause directe et immédiate du dommage et qui serait, par son maintien, susceptible d’en occasionner un nouveau ; Attendu que dans ces conditions, le tribunal ne peut ordonner que la suppression des tiges de fer qui surmontent les carcasses, qu’il ne saurait en l’état, dans l’éventualité d’un préjudice futur et dont la possibilité n’est pas, quant à présent, démontrer, obliger Coquerel à détruire les carcasses elles – mêmes ainsi que les piquets qu’il a disposé tant sur son fonds que sur d’autres appartenant à sa famille, encore bien qu’il soit dès maintenant constant que toutes ces installations n’ont été faites par lui que dans le bu de nuire au demandeur ; Par ces motifs, déclare Coquerel responsable des conséquences dommageables de l’accident survenu le 31 août 1912 au ballon dirigeable de Clément - Bayard ; le condamne à payer des dommages – intérêts à fixer par état ; Dit que, dans le délai de quinzaine à partir de ce jour, Coquerel sera tenu de supprimer les tiges de fer pointues qui surmontent les carcasses en bois par lui édifiées sur son terrain, à peine d’une astreinte de 25 francs par chaque jour de retard pendant un mois ; autorise une fois ledit mois passé, Clément – Bayard à faire enlever lesdites tiges de fer par des ouvriers de son choix et aux frais de Coquerel ; A plus prétendre déclare Clément – Bayard en l’état mal fondé ; Condamne Coquerel aux dépens, au besoin à titre de dommages – intérêts supplémentaires. 2/ Juridiction du second degré Document n° 2 : Cour d’appel d’Amiens, 12 novembre 1913, Coquerel. Considérant que Jules Coquerel a acquis en 1910 une pièce de terre d’une longueur de 170 mètres environ, d’une largeur de 10 à 12 mètres, située sur le territoire de Trosly – Breuil, en face et à une distance de 90 mètres environ d’un hangar pour dirigeables construit par Adolphe Clément – Bayard ; Considérant que Coquerel qui vit en mésintelligence avec Clément – Bayard, a établi sur la limite de sa propriété et en face de la porte du hangar de Clément – Bayard, deux carcasses en bois d’une longueur de 15 mètres environ, d’une hauteur de 10 à 11 mètres, surmontées de quatre piquets en fer de 2 à 3 mètres de hauteur, et séparées l’une de l’autre de quelques mètres ; Considérant que ces carcasses en bois ne sont ni closes ni couvertes ; que Coquerel n’en retire et ne peut, dans l’état où elles se trouvent, en retirer aucun profit direct ; qu’elles ne constituent même pas une clôture, puisqu’elles n’existent que sur une longueur de 25 à 30 mètres et sont séparées l’une de l’autre par un intervalle de plusieurs mètres ; Considérant qu’il est manifeste et ne saurait être méconnu qu’elles ne présentent aucun intérêt pour Coquerel et que Coquerel ne les a fait édifier que dans l’unique but de nuire à Clément – Bayard, en rendant plus difficiles, notamment en cas de vent violent, les manœuvres de ses dirigeables à leur départ et à leur retour ; qu’il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu’il y avait là, de la part de Coquerel, un abus de son droit de propriété et l’on condamné à supprimer les poteaux en fer surmontant les charpentes et dont l’un d’eux avait causé, en 1912, des avaries à l’un des dirigeables de Clément – Bayard ; Considérant que Coquerel prétend, il est vrai, pour justifier ses agissements, qu’il n’a fait en exécutant ces travaux et en augmentant ainsi l’intérêt de Clément – Bayard à se rendre acquéreur de sa pièce de terre, qu’un acte de spéculation ; Considérant que s’il est loisible au propriétaire d’un fonds

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de chercher à en tirer le meilleur parti possible, et si la spéculation est par elle – même et en elle – même un acte parfaitement licite, ce n’est qu’à la condition que les moyens employés pour la réaliser ne soient pas, comme en l’espèce, illégitimes et inspirés exclusivement par une intention malicieuse ; Adoptant, en outre, sur ces divers points les motifs du jugement non contraires aux présents ; Sur l’appel incident de Clément – Bayard ; Adoptant également les motifs du jugement ; Considérant que Clément – Bayard ne peut prétendre à la réparation d’un dommage éventuel ou incertain ; que rien ne démontre que les carcasses en bois, lorsqu’elles ne seront plus surmontées de poteaux en fer, lui causeront forcément un préjudice dont il soit fondé dès maintenant à se plaindre Par ces motifs, confirme 3/ Juridiction de cassation Document n° 3 : Cour de cassation, 1re Chambre civile, 3 août 1915, N° de pourvoi: 00-02378 Violation des articles 544 et suivants et 552 du Code civil, des règles du droit de propriété, violation par fausse application des articles 1382 et suivants du Code civil , violation de l’article 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut de motifs et de base légale, En ce que d’une part, l’arrêt attaqué a considéré comme un abus du droit de propriété le fait par un propriétaire de construire sur son terrain une clôture élevée, destinée à empêcher le propriétaire du fonds voisin de pénétrer chez lui ou de tirer de son fonds un usage quelconque destiné à rendre sa jouissance plus commode, sous le prétexte que cette construction avait été faite uniquement dans une intention malveillante, alors qu’un propriétaire a le droit absolu de construire sur son terrain tels ouvrages de défense ou de clôture qu’il lui plait pour éviter toute incursion sur son terrain, et qu’il ne peut y avoir abus de droit que si le propriétaire exécute chez lui, sans aucun profit pour lui même, un acte qui apporte un trouble au propriétaire du fonds voisin restant dans les limites de sa propriété, ce qui n’était aucunement le cas. Et en ce que d’autre part, l’arrêt n’a rien répondu à la théorie de droit ainsi formulée dans le dispositif des conclusions d’appel. PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, l’exposant conclut à ce qu’il plaise à la Cour de Cassation : Casser l’arrêt attaqué avec toutes les conséquences de droit. LA COUR : Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil, des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse application des articles 1382 et suivants du code civil, violation de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de base légale. Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues ; que le dispositif ne présentait pour l’exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et n’avait été érigée que dans l’unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d’ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l’article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette situation des faits, l’arrêt a pu apprécier qu’il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d’une part, le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d’autre part, ordonner l’enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois. Attendu que, sans contradiction, l’arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu’il n’était pas démontré que ce dispositif eût jusqu’à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans l’avenir. Attendu que l’arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n’a point, en statuant ainsi qu’il l’a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen. Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l’amende. Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre des Requêtes, en son audience publique du trois août mil neuf cent quinze. Document n°4 : Conseil d’État, juge des référés, 27 mai 2015, n° 390398

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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante : Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision du 4 mai 2015 par laquelle le préfet de police lui a enjoint de quitter les lieux et de lui remettre les clefs de l’appartement qu’elle occupe 12 bis, rue Raynouard à Paris dans le 16ème arrondissement. Par une ordonnance n° 1508141 du 21 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par une requête enregistrée le 26 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme A...demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d’annuler cette ordonnance ; 2°) de faire droit à sa demande de première instance. Vu les autres pièces du dossier Vu le code de justice administrative 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures “ ; qu’en vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée ; qu’à cet égard, il appartient au juge d’appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu’il a diligentée ; 2. Considérant qu’il incombe à l’autorité administrative d’assurer, en accordant au besoin le concours de la force publique, l’exécution des décisions de justice ; que les exigences de l’ordre public peuvent toutefois justifier légalement, tout en engageant la responsabilité de l’Etat sur le terrain de l’égalité devant les charges publiques, un refus de concours de la force publique ; 3. Considérant que, par jugement du 7 octobre 2014, le tribunal d’instance du 16ème arrondissement de Paris a ordonné l’expulsion de Mme A...du logement qu’elle occupe sans droit ni titre dans le 16ème arrondissement ; que devant le refus de l’intéressée de quitter les lieux , le préfet de police, requis par un huissier de justice, lui a enjoint de quitter les lieux volontairement et de procéder à la remise des clefs ;que, par décision du 4 mai 2015, il a accordé le concours de la force publique à l’exécution de la décision de l’autorité judiciaire à compter du 1er juin 2015; 4. Considérant qu’ainsi que l’a jugé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif de Paris, en octroyant le concours de la force publique pour exécuter la décision de l’autorité judiciaire, le préfet de police n’a en l’espèce porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; 5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il est manifeste que l’appel de Mme A... ne peut être accueilli ; qu’ainsi, sa requête doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative ; ORDONNE : Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A.... Copie en sera adressée au préfet de police.

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THEME N° 3 : DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION ET INTERDI CTION DE LA REFORMATIO «IN PEJUS»

1/ Interdiction de la «reformatio in pejus» en matière civile Document n° 1 : Cour de cassation, 3e Chambre civile, 16 janvier 1974, n° de pourvoi: 73-70046. PDT M. COSTA, président, RPR M. LEYRIS, conseiller apporteur, AV.GEN. M. TUNC, avocat général, Demandeur AV. MM. CALON, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU’IL EST FAIT GRIEF A L’ARRET ATTAQUE QUI STATUE SUR RENVOI APRES CASSATION SUR L’INDEMNITE DUE A LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LE PARADIS A LA SUITE DE L’EXPROPRIATION D’UN TERRAIN LUI APPARTENANT, DE NE PAS CONSTATER L’ANNEXION AU DOSSIER DES CONCLUSIONS DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT QUI PROPOSAIT UNE EVALUATION INFERIEURE A CELLE DE LA COMMUNE EXPROPRIANTE; MAIS ATTENDU QU’EN VISANT LES CONCLUSIONS DU COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT “DEPOSEES LE 13 JUIN 1972 ET NOTIFIEES”,LA COUR D’APPEL CONSTATE L’ANNEXION DONT LE DEFAUT EST INVOQUE; QUE LE MOYEN NE PEUT DONC ETRE ACCUEILLI; MAIS SUR LE DEUXIEME MOYEN : VU L’ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL; ATTENDU QU’UNE COUR D’APPEL, SAISIE DE L’APPEL D’UNE SEULE DES PARTIES NE PEUT EN AUCUN CAS AGGRAVER LA SITUATION DE CELLE-CI; ATTENDU QUE LA COUR D’APPEL ALLOUE A L’EXPROPRIEE UNE INDEMNITE INFERIEURE A CELLE QUE LUI AVAIT ACCORDEE LE PREMIER JUGE, AU MOTIF “QUE LA DISPOSITION DE L’ARTICLE 21-IV DE L’ORDONNANCE DU 23 OCTOBRE 1958, DONT LA COUR DOIT TENIR COMPTE PAR APPLICATION DE L’ARTICLE 37 DE CE TEXTE, EST D’ORDRE PUBLIC ET DOIT ETRE SOULEVEE MEME D’OFFICE PAR LA JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION, AUX TERMES DE L’ARTICLE 21-IV DU MEME TEXTE; QU’EN STATUANT AINSI, ALORS QU’ELLE N’ETAIT SAISIE QUE DU SEUL APPEL PRINCIPAL DE L’EXPROPRIEE ET QUE NI L’EXPROPRIATION NI LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT N’AVAIENT RELEVE APPEL INCIDENT, LA COUR D’APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE; PAR CES MOTIFS, SANS QU’IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE TROISIEME MOYEN; CASSE ET ANNULE L’ARRET RENDU LE 27 SEPTEMBRE 1972, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D’APPEL DE REIMS; REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D’APPEL D’ORLEANS (CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS)

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2/ Interdiction de la «réformatio in pejus» en matière pénale Document n° 2 : Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 1991, n° de pourvoi: 90-80442 Président : M. Le Gunehec, président, Rapporteur :M. Blin, conseiller rapporteur, Avocat général :M. Lecocq, avocat général, Avocat :M. Brouchot, avocat(s)

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CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par : - X... Anne-Marie, partie civile, contre l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, Chambre correctionnelle, du 6 novembre 1989, qui, dans la procédure suivie contre Jérôme Y... pour délit de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils. LA COUR,. Vu le mémoire produit ; Sur le moyen relevé d’office pris de la violation des articles 509, 515 et 591 du Code de procédure pénale ; Vu lesdits articles ; Attendu que, sur le seul appel de la partie civile, la cour d’appel ne peut modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci ; Attendu que, se prononçant sur les conséquences dommageables de l’accident dont Jérôme Y..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne d’Anne-Marie X..., a été déclaré responsable, le Tribunal correctionnel avait fixé à 363 332, 19 francs le préjudice soumis au recours de la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine, somme sur laquelle il a imputé la créance de l’organisme social ; Attendu que la juridiction du second degré, saisie par le seul appel de la partie civile, ramène à 338 888, 81 francs l’indemnité soumise au recours de cet organisme ; Mais attendu qu’en aggravant ainsi le sort de la partie civile, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ; D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen unique de cassation proposé par la demanderesse : CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice à caractère personnel, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Rennes, du 6 novembre 1989, et pour qu’il soit à nouveau jugé conformément à la loi : RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rennes autrement composée. 3/ Interdiction de la «réformatio in pejus» en matière administrative Document n° 3 : Conseil d’Etat, 4e et 5e Sous – sections réunies, 17 juillet 2013, M. Dioum, n° 362481, conclusions Rémi Keller, Les pouvoirs du juge en matière disciplinaire, R.F.D.A. n° 6, novembre et décembre 2013, p. 1183. M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur, M. Rémi Keller, rapporteur public, SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocat(s)

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 6 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A... demande au Conseil d’Etat : 1° d’annuler la décision n° 833 du 12 juin 2012 par laquelle le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a, d’une part, annulé la décision du 23 mai 2011 de la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université d’Orléans, d’autre part, l’a reconnu fautif et a prononcé son exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur ; 2° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de l’éducation ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur, - les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A...; 1. Considérant qu’il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu’une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d’appel saisi du seul recours de la personne frappée par la sanction ; que cette règle s’applique y compris dans le cas où le juge d’appel, après avoir annulé la décision de première instance, se prononce par voie d’évocation ; que, relative à la compétence du juge d’appel, elle relève de l’ordre public ; que sa méconnaissance peut en conséquence être invoquée à tout moment de la procédure et qu’il appartient, le cas échéant, au juge de cassation de la relever d’office ; 2. Considérant qu’il ressort des termes de la décision attaquée que, saisi en appel par M. A... de la décision de la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université d’Orléans l’excluant de tout établissement d’enseignement supérieur pour une durée de cinq ans en raison de faits de plagiat dans sa thèse de doctorat, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a, par la décision attaquée, annulé pour irrégularité cette décision ; que, statuant par voie d’évocation, après avoir reconnu M. A...fautif des mêmes griefs, il a aggravé la sanction qui lui était infligée, en prononçant l’exclusion définitive de l’intéressé de tout établissement public d’enseignement supérieur ; 3. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 1 que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a méconnu l’étendue de sa compétence en aggravant la sanction infligée en première instance à M.A..., alors qu’il n’était saisi que de l’appel de celui-ci ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du pourvoi, il y a lieu d’annuler la décision attaquée ; 4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : Article 1er : La décision du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche du 12 juin 2012 est annulée. Article 2 : L’affaire est renvoyée au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A...au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à l’université d’Orléans et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

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THEME N° 4 : LE MINISTERE PUBLIC OU PARQUET 1/ Conduite de la politique pénale du Ministère de la justice et exercice de l’action publique Document n° 1 : Cour de cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 11 juin 1992, N° de pourvoi: 91-86346 [Viol entre époux].

CASSATION PARTIELLE dans l’intérêt de la loi sans renvoi sur le pourvoi formé par : - le Procureur général près la Cour de Cassation sur ordre du ministre de la Justice, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes, en date du 7 mars 1991, qui, dans la procédure suivie contre X... du chef de viol, a confirmé l’ordonnance de refus d’informer du juge d’instruction. LA COUR, Vu la dépêche du ministre de la Justice du 28 octobre 1991 ; Vu la requête du Procureur général près la Cour de Cassation du 7 novembre 1991 ; Vu l’article 620 du Code de procédure pénale ; Sur le moyen de cassation pris de la violation de l’article 332 du Code pénal : Vu ledit article ; Attendu qu’aux termes de ce texte, tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise constitue un viol ; qu’il n’exclut pas de ses prévisions les actes de pénétration sexuelle entre conjoints lorsqu’ils sont imposés dans les conditions qu’il définit ; Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 20 février 1991, une information a été ouverte du chef de viol contre X..., à la suite de la plainte que son épouse Y... avait déposée contre lui la veille en exposant qu’à deux reprises, les 11 et 19 février 1991, son mari lui avait imposé un rapport sexuel en usant de la force pour la soumettre ; Que le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d’informer aux motifs que les époux X... vivant tous deux au domicile commun sans qu’aucune procédure judiciaire de séparation ait été engagée par l’un d’eux, les actes sexuels accomplis contre le gré de l’épouse qui n’aurait fait état d’aucune violence caractérisée autre que la pénétration sexuelle, “ entraient dans le cadre du mariage tel qu’il est traditionnellement admis “, de sorte que les éléments constitutifs du crime de viol n’étaient pas réunis et que les faits, tels que dénoncés, ne pouvaient recevoir aucune autre qualification pénale ; Attendu que, sur appel de cette ordonnance par le ministère public, la chambre d’accusation énonce “ qu’à juste titre, le juge d’instruction a estimé que le mariage a pour effet de légitimer les rapports sexuels et que l’épouse ne peut invoquer son absence de consentement ou l’agressivité qui a accompagné des actes sexuels normaux pour soutenir avoir été victime de viols “ ; Mais attendu qu’en confirmant par ces motifs l’ordonnance de refus d’informer du juge d’instruction, alors que la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu’à preuve contraire, la chambre d’accusation a méconnu le sens et la portée de l’article 332 du Code pénal ; D’où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs : CASSE ET ANNULE mais seulement dans l’intérêt de la loi, l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Rennes, en date du 7 mars 1991 ; DIT n’y avoir lieu à renvoi. 2/ Régime disciplinaire des magistrats du Parquet Document n° 2 : Conseil d’Etat, 6e et 1re Sous-sections réunies, 27 mai 2009, M. Hontang, n° 310493, R.F.D.A. n° 4 juillet et août 2009, p. 874. M. Daël, président, Mlle Aurélie Bretonneau, rapporteur, M. Guyomar Mattias, rapporteur public,

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SPINOSI, avocat(s). REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre 2007 et 8 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Pierre Hontang, domicilié ...; M. Hontang demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 septembre 2007 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant à son encontre la sanction de révocation sans suspension des droits à pension prévue par l’article 45-7° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ; 2°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 27 septembre 2007 par lequel le Président de la République l’a rayé des cadres de la magistrature à compter du 7 septembre 2007 ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; Vu la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 ; Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur, - les observations de Me Spinosi, avocat de M. Hontang, - les conclusions de M. Mattias Guyomar, Rapporteur public, La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. Hontang ; Considérant que M. Hontang, procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bayonne, demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 septembre 2007 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son encontre la sanction de révocation sans suspension des droits à pension prévue par l’article 45-7° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ainsi que de la décision du 7 septembre 2007 par laquelle le Président de la République l’a rayé des cadres de la magistrature ; Sur la légalité de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 6 septembre 2007 Considérant, en premier lieu, que lorsque le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, est appelé à connaître, en vertu de l’avant-dernier alinéa de l’article 65 de la Constitution, de l’éventualité d’infliger une sanction disciplinaire, il ne dispose d’aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l’autorité compétente sur le principe du prononcé d’une sanction disciplinaire et, s’il y a lieu, sur son quantum ; que, dès lors qu’un tel avis n’a pas le caractère d’une sanction, le moyen tiré de ce qu’il aurait été rendu en méconnaissance des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne peut être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé à son encontre ; que toutefois, sont opérants les moyens tirés de ce que le Conseil supérieur de la magistrature aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas les principes d’impartialité et des droits de la défense ; Considérant que si le Conseil supérieur ayant eu à émettre son avis sur le cas de M. Hontang était, conformément à l’article 65 de la Constitution, présidé par le procureur général près la Cour de cassation, la seule circonstance que son avis ait été rendu alors qu’était pendant devant la Cour de cassation le pourvoi de M. Hontang contre l’arrêt de la cour d’appel de Colmar rendu dans le cadre de la procédure pénale ayant trait aux mêmes faits que ceux pour lesquels l’intéressé était poursuivi disciplinairement n’est pas, par elle-même, de nature à établir que le Conseil supérieur de la magistrature aurait statué en méconnaissance du principe d’impartialité ; que si M. Hontang n’a été informé que le 10 juin 2007 du fait qu’il serait entendu par le Conseil supérieur de la magistrature lors de sa séance du 10 juillet 2007, son conseil avait reçu communication du rapport du rapporteur de la formation disciplinaire le 24 mai 2007, et lui-même en avait reçu communication le 30 mai ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’il n’aurait pas bénéficié d’un délai suffisant pour préparer sa défense ou convoquer ses témoins ne peut qu’être écarté ; que si le requérant soutient que les éléments de preuve sur lesquels s’est fondé le Conseil supérieur de la magistrature ne lui ont pas été communiqués, il n’apporte aucune précision permettant d’apprécier le bien-fondé de cette allégation ; Considérant, en deuxième lieu, que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ; que, par suite, y compris dans l’hypothèse où c’est à raison des mêmes faits que sont engagées

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parallèlement les deux procédures, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué ; Considérant, en troisième lieu, que la décision du 6 septembre 2007 comporte une motivation en droit et en fait révélant un examen complet des circonstances de l’espèce et une qualification juridique de ces faits ; que le garde des sceaux, ministre de la justice n’a pas renoncé à exercer le pouvoir d’appréciation qu’en application de la Constitution et de l’ordonnance du 22 décembre 1958 citée ci-dessus il lui appartient de mettre en oeuvre ; qu’il suit de là que M. Hontang n’est pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice aurait méconnu l’étendue de sa compétence et entaché sa décision d’erreur de droit ; Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 43 de l’ordonnance citée ci-dessus du 22 décembre 1958 : Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité constitue une faute disciplinaire ; qu’aux termes de l’article 45 de la même ordonnance : Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont : (...) 7°/ la révocation avec ou sans suspension des droits à pension et qu’aux termes de l’article 48 tel qu’il résulte de la loi organique du 18 janvier 1979 : Le pouvoir disciplinaire est exercé (...) à l’égard des magistrats du parquet (...) par le garde des sceaux, ministre de la justice ; qu’à ce titre, un magistrat se doit de respecter ses obligations professionnelles, mais aussi de s’abstenir de comportements qui, incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, peuvent jeter sur elles le discrédit ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les faits constituant le fondement de l’action disciplinaire entreprise à l’encontre de M. Hontang ont été, d’une part, que celui-ci, à l’occasion d’un déplacement professionnel pour participer à une conférence des procureurs généraux d’Europe en Allemagne, ayant trait à l’éthique, a dérobé à un fonctionnaire international présent une carte bancaire et l’a utilisée à deux reprises comme moyen de paiement dans un bar de nuit, d’autre part, au vu des résultats d’une enquête de l’Inspection générale des services judiciaires, que l’intéressé a fait preuve de nombreuses insuffisances professionnelles s’étant traduites par l’accumulation d’un retard considérable dans le traitement des affaires lui incombant, par l’abstention du traitement des plaintes relatives à des officiers ministériels, par l’absence de signalement de la disparition de sommes placées sous scellés dans le cadre d’une procédure pénale, ainsi par que de plusieurs vols commis dans les locaux du parquet, et par l’usage abusif des véhicules et du téléphone portable de service ; qu’eu égard à la gravité de ces faits, qui sont avérés, le garde des sceaux, ministre de la justice, n’a pas, en lui infligeant la révocation sans suspension des droits à pension, prononcé à son encontre une sanction disproportionnée ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Hontang n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 6 septembre 2007 ; Sur les conclusions dirigées contre le décret du Président de la République : Considérant que M. Hontang se borne à soutenir que le décret du Président de la République le rayant des cadres doit être annulé par voie de conséquence de l’annulation de la décision du garde de sceaux, ministre de la justice, prononçant à son encontre la sanction de révocation sans suspension des droits à pension ; qu’il résulte de ce qui précède que ces conclusions ne peuvent qu’être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. Hontang d’une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1er : La requête de M. Hontang est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre Hontang et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Une copie pour information en sera adressée au Premier ministre. 3/ Régime disciplinaire des magistrats du siège Document n° 3 : Conseil d’Etat, 21 octobre 2009, 6e et 1re Sous – sections réunies, M. Catalano, n° 312928, R.F.D.A. n° 6, novembre et décembre 2009, p. 1294. Vu 1°), sous le n° 312928, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et

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6 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Francis Catalano, demeurant ... ; M. Catalano demande au Conseil d’Etat 1°) d’annuler la décision du 28 novembre 2007 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d’office prévue par l’article 45-6° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu, 2°) sous le n° 314791, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Catalano, demeurant 1270 boulevard du 8 mai 1945 à La Roquette Sur Siagne (06550) ; M. Catalano demande au Conseil d’Etat d’annuler la décret du 2 février 2008 par lequel le Président de la République l’a radié des cadres de la magistrature à compter du 9 janvier 2008 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Hugues Ghenassia de Ferran, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Catalano, - les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. Catalano ; Considérant que les requêtes susvisées de M. Catalano sont relatives à une même procédure disciplinaire ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sur les conclusions de la requête nº 312928 dirigée contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 28 novembre 2007 : Considérant que par une décision du 28 novembre 2007, le Conseil supérieur de la magistrature a prononcé à l’encontre de M. Catalano, magistrat du siège, la sanction de la mise à la retraite d’office prévue par l’article 45-6° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ; que M. Catalano se pourvoit en cassation contre cette décision ; Considérant, en premier lieu, que les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne comportent pas de dispositions spécifiant les voies de recours dont les décisions des juridictions respectant ces stipulations doivent pouvoir être l’objet ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse du Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, méconnaîtrait le droit au recours et le droit à voir sa cause entendue devant un Tribunal indépendant et impartial au motif qu’une telle décision juridictionnelle n’est susceptible d’être contestée que par la voie du recours en cassation devant le Conseil d’État ne peut qu’être écarté ; que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dépourvue d’effet de droit, ne saurait être utilement invoquée Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil supérieur de la magistrature, lorsqu’il se prononce en matière disciplinaire, est légalement saisi, sous réserve que soient respectés les droits de la défense, de l’ensemble du comportement du magistrat concerné et n’est ainsi pas tenu de limiter son examen aux seuls faits qui ont été initialement portés à sa connaissance par l’acte de saisine du Garde des sceaux, ministre de la justice ; qu’il peut, par suite, examiner des éléments qui ont été portés à la connaissance du rapporteur au cours de l’enquête ; qu’ainsi le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas, en examinant ces éléments, commis d’erreur de droit que l’étendue de sa saisine ; Considérant, en troisième lieu, qu’en application de l’article 51 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le rapporteur devant le Conseil supérieur de la magistrature a été chargé de procéder à une enquête ; que la circonstance qu’il ait, en l’espèce, relevé dans son rapport, pour apprécier le mérite de certains des griefs retenus à l’encontre de M. Catalano, des faits non mentionnés dans la saisine initiale et révélés au cours de l’enquête qu’il a menée, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ne constitue pas une modification de la saisine de la juridiction ; que, par suite, la participation du rapporteur au délibéré de la séance du 28 novembre 2007 ne méconnaît pas le principe d’impartialité ; Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 65 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique du 25 juin 2001 : Si le magistrat cité, hors le cas de force majeure, ne comparaît pas, il peut être passé outre. L’audience de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature est publique. Toutefois, si la protection de l’ordre public ou de la vie privée l’exigent, ou s’il existe des circonstances

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spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l’accès de la salle d’audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l’audience, au besoin d’office, par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Considérant qu’il appartient au Conseil supérieur de la magistrature d’apprécier si le droit à la protection de la vie privée de la personne poursuivie, de ses proches ou de tiers exige que l’accès à la salle d’audience soit interdit pendant la totalité ou une partie de l’audience ; que, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de la publicité donnée aux faits, y compris par M. Catalano lui-même, la juridiction disciplinaire n’a pas en refusant le huis-clos sollicité par le requérant, entaché sa décision d’un vice de procédure Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Catalano n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ; Sur les conclusions de la requête nº 314791 dirigée contre le décret du Président de la République du 2 février 2008 : Sur la légalité externe : Considérant que l’ampliation du décret attaqué n’avait pas à comporter la signature manuscrite du Président de la République ; qu’il n’est pas soutenu que serait inexacte la mention portée par le secrétariat général du gouvernement et certifiant la conformité de cette ampliation à l’original ; que, par suite, le moyen tiré de l’illégalité externe du décret attaqué doit être écarté ; Sur la légalité interne : Considérant que les conclusions dirigées contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature ayant prononcé la sanction de la mise à la retraite d’office à l’encontre de M. Catalano ayant été rejetées par la présente décision, le moyen tiré de ce que le décret radiant M. Catalano des cadres de la magistrature devrait être annulé par voie de conséquence de l’annulation de la décision du Conseil supérieur de la magistrature ne peut qu’être écarté ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État la somme que demande M. Catalano à ce titre ; D E C I D E : Article 1er : Les requêtes n° 312928 et 314791 sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Francis Catalano et au ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

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THEME N° 5 : LES JURIDICTIONS CIVILES SPECIALISEES Elles sont peut – être trop nombreuses, mais parfaitement identifiées. On mettra de côté les 307 Tribunaux d’Instance (et de police) qui répondent à la définition de la juridiction spécialisée (exercice de compétences attribuées expressément par des textes particuliers). Les chiffres clés de la justice 2013 fournissent les éléments suivants : 134 Tribunaux de commerce, 210 Conseils de prud’hommes, 115 Tribunaux des affaires de sécurité sociale. Ce rapport annuel et officiel oublie deux juridictions peu connues du grand public : les Tribunaux du contentieux de l’incapacité (dont les jugements sont frappés d’appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail qui siège à Amiens) et les 431 (?) Tribunaux paritaires des baux ruraux. 1/ Les Tribunaux paritaires des baux ruraux Document n° 1 : Cour de cassation, 3e Chambre civile, 13 novembre 2013, n° de pourvoi: 12-21320. M. Terrier (président), président, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s).

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 17 mai 2011), que par acte authentique du 2 juin 1998, M. Armand X... a donné à bail à Mme Y... différents biens agricoles ; qu’après avoir mis en demeure à deux reprises la locataire de payer le loyer, Mmes Nicole, Emmanuelle, Dominique et Martine X... et MM. Armand et Rodolphe X... (les consorts X...) ont saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et en paiement d’un arriéré de fermage ; Sur le premier moyen, ci-après annexé : Attendu qu’ayant constaté que les deux mises en demeure des 6 juin et 21 octobre 2008 étaient fondées au moment de leur délivrance et que Mme Y... ne démontrait pas avoir effectué un paiement postérieurement, la cour d’appel, qui a tenu compte de la prescription quinquennale en condamnant celle-ci au paiement d’une certaine somme au titre des fermages échus à compter du mois de février 2004, a pu en déduire, sans dénaturation, que les bailleurs étaient en droit d’obtenir la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé : Attendu que Mme Y... n’ayant pas critiqué, dans ses conclusions d’appel la date de résiliation du bail fixée par le Tribunal à une date antérieure à sa décision, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ; Mais sur le second moyen pris en sa seconde branche : Vu l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l’article L. 411-11 du même code ; Attendu que le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ; Attendu que pour condamner Mme Y... à payer aux consorts X... une certaine somme à titre d’arriéré de fermage pour la période allant de février 2004 à juin 2010, l’arrêt retient qu’il importe peu que le Tribunal paritaire des baux ruraux ait fixé la date de résiliation au 23 janvier 2009 puisqu’à cette date, Mme Y... restait débitrice de fermages importants ; Qu’en statuant ainsi, alors que Mme Y... ne pouvait être condamnée à payer des fermages pour une période postérieure à la date de résiliation du bail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné Mme Y... à payer des fermages à compter du 23 janvier 2009, l’arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes, autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

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Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Piwnica et Molinié ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille treize. 2/ La répartition des compétences entre le Conseil de prud’hommes et le Tribunal des affaires de sécurité sociale Document n° 2 : Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2010, n° de pourvoi: 09-41451. Mme Collomp, président, M. Frouin, conseiller apporteur, M. Cavarroc, avocat général, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile : Vu l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 du code du travail ; Attendu, selon le premier de ces textes, qu’aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 22 mars 1966 par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Saint-Etienne en qualité d’auxiliaire de remplacement et devenue en janvier 1992 agent d’accueil, a été victime, le 14 novembre 2005, d’insultes au travail de la part d’un assuré social et placée en arrêt de travail pour accident du travail jusqu’au 25 avril 2006 ; que pendant qu’elle était en arrêt de travail, elle a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2006, alors qu’elle était âgée de 58 ans ; que, soutenant que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures pour la protéger des agressions dont elle a été victime au travail, elle a saisi la juridiction prud’homale pour demander, outre des rappels de salaire, le paiement d’une somme en réparation de son préjudice résultant de son départ anticipé à la retraite ; Attendu que pour déclarer la juridiction compétente pour connaître du litige et, évoquant le fond, condamner la CPAM de Saint-Etienne à verser à Mme X... une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de la diminution du montant de sa retraite, l’arrêt retient que l’article L. 1411-1 du code du travail confère compétence exclusive au conseil des prud’hommes pour trancher les différends qui peuvent s’élever, à l’occasion de tout contrat de travail, entre les employeurs et leurs salariés, que le conseil des prud’hommes reste compétent pour connaître d’un litige survenu après la rupture du contrat de travail dès lors qu’il découle de ce contrat, qu’en l’espèce, Yvonne X... n’agit nullement en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur et en indemnisation complémentaire des conséquences d’un accident du travail, qu’elle ne demande pas la réparation des préjudices définis à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, qu’elle fait valoir que la caisse primaire d’assurance maladie de Saint-Etienne n’a pas respecté ses obligations d’employeur en n’assurant pas sa sécurité pour prévenir les nombreuses agressions dont elle prétend avoir été victime et que cette défaillance l’a conduite à prendre une retraite anticipée, qu’ainsi, elle agit en responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité, que l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur est issue du contrat de travail, que dès lors, le litige trouve son fondement dans la mauvaise exécution du contrat de travail reprochée par la salariée à son employeur ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que sous couvert d’une action en responsabilité à l’encontre de l’employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l’accident du travail dont elle avait été victime, ce dont il découlait qu’une telle action ne pouvait être portée que devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale et que la juridiction prud’homale était incompétente pour en connaître, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

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Et vu l’article 627 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré la juridiction prud’homale compétente pour connaître du litige et a condamné la CPAM de Saint-Etienne à payer à Mme X... les sommes de 30 563,41 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la diminution du montant de sa retraite et celle de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 6 février 2009 par la cour d’appel de Lyon ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Dit le Tribunal des affaires de sécurité sociale compétent pour connaître de la demande ; Renvoie les parties à saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille dix. 3/ L’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles Document n° 3 : Cour de cassation, 2e Chambre civile, 12 mars 2009, n° de pourvoi: 08-13249

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 29 janvier 2008) que la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme (la caisse) a décidé de prendre en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles l’affection déclarée par M. X..., salarié de la société Aubert et Duval (la société) de 1972 à 2004 ; qu’il a saisi la juridiction de sécurité sociale d’une demande d’indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l’employeur ; qu’une Cour d’appel a accueilli cette demande ; Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe : Attendu que la société fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que la maladie de son salarié était due à sa faute inexcusable ; Mais attendu qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci à une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 468, devenu L. 452-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en l’espèce, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, les dispositions appliquées trouvant ainsi leur plein effet sans qu’il soit manqué aux impératifs invoqués d’équité du procès et de sécurité juridique ; Et attendu que les énonciations de l’arrêt caractérisent le fait que la société Aubert et Duval, compte tenu de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affectés son salarié, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, et qu’elle n’a pas pris les mesures pour l’en protéger ; que la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que cet employeur avait commis une faute inexcusable ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur les deuxième et troisième moyens réunis, tels que reproduits en annexe : Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire que la maladie de son salarié était due à sa faute inexcusable, que la décision de prise en charge par la caisse de la maladie de son salarié lui était opposable et que la caisse récupérerait auprès d’elle les sommes allouées ; Mais attendu que la teneur de l’examen tomodensitométrique mentionné au tableau n° 30 B des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n’a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, et dont l’employeur peut demander la communication, que la production de cette pièce médicale ne peut être exigée que dans le cadre d’une expertise ; Et attendu qu’ayant relevé que les conclusions du certificat médical initial et du compte rendu établi par le radiologue ayant effectué l’examen tomodensitiométrique étaient concordantes, la cour d’appel appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve produits devant elle, et soumis à la discussion contradictoire des parties, a estimé qu’une expertise judiciaire n’était pas nécessaire pour établir l’existence de la

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maladie invoquée, suffisamment démontrée par les documents médicaux produits aux débats ; Qu’elle en a exactement déduit, sans encourir aucun des griefs du moyen, que la caisse ayant respecté les obligations pesant sur elle en ce qui concerne la demande de reconnaissance de la maladie, peu important que l’avis du médecin-conseil n’ait pas été motivé, et la preuve du caractère professionnel de cette affection étant rapportée, la décision de prise en charge par la caisse était opposable à la société Aubert et Duval, et que celle-ci devait rembourser à la caisse les sommes avancées par cette dernière ; D’ou il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Aubert et Duval aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Aubert et Duval ; la condamne à payer à M. X... la somme de 800 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille neuf.

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THEME N° 6 : LES PROCEDURES EN REFERE Ce sont des procédures d’urgence qui permettent d’obtenir des décisions « d’avant dire droit », donc conservatoires et provisoires. Un jugement sur le fond peut intervenir plus tard et contredire la décision rendue en référé. La procédure en référé existe depuis longtemps devant les juridictions judiciaires, alors qu’elle n’a été véritablement introduite et généralisée dans l’ordre administratif que depuis la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. 1/ Le référé devant les juridictions judiciaires Document n° 1 : Cour de cassation, 1re Chambre civile, 16 septembre 2010, La société Encore Events c/ L’association Ensemble contre la peine de mort ; et autres, n° 09-67.456. Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir du 12 février 2009, une exposition de cadavres humains “plastinés”, ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni ; que les associations “Ensemble contre la peine de mort” et “Solidarité Chine”, alléguant un trouble manifestement illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de l’exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps et pièces anatomiques présentés, et la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur introduction sur le territoire français que leur cession par la fondation ou la société commerciale dont elle prétendait les tenir ; Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe : Attendu qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Et sur le second moyen du même pourvoi : Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009) d’avoir dit y avoir lieu à référé et de lui avoir fait interdiction de poursuivre l’exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, alors, selon le moyen : 1°/ que la formation des référés n’est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble que si celui ci est manifestement illicite, c’est à dire d’une totale évidence, consistant en un non respect caractérisé de la règle de droit ; que sa compétence doit, dès lors, être exclue en cas de doute sérieux sur le caractère illicite du trouble invoqué ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui, d’une part, a procédé à un véritable débat de fond sur le sens qu’il convenait de donner à l’article 16-1-1 du code civil et sur son éventuelle applicabilité au cas d’espèce et qui, d’autre part, a rappelé les termes des fortes divergences qui opposaient les parties sur l’origine licite ou non des corps litigieux, n’a pas tiré les conclusions qui s’évinçaient de ses propres constations en estimant qu’elle était en présence, non d’un doute sérieux sur le caractère illicite du prétendu trouble invoqué, mais d’une violation manifeste de ce même article 16-1-1, justifiant qu’il y ait lieu à référé, et a violé, de ce fait, l’article 809 du code de procédure civile ; 2°/ que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ; qu’en l’espèce, pour déterminer si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence, la cour d’appel a recherché s’ils avaient une origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur consentement de leur vivant à l’utilisation de leurs cadavres ; qu’en se fondant sur ces motifs inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d’examiner les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil ; 3°/ que, par ailleurs, la cour d’appel, a expressément relevé que « le respect du corps n’interdisait pas le regard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l’entourent dans les différentes cultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d’un musée des momies extraites de leur sépulture, voire d’exposer des reliques, sans entraîner d’indignation ni de trouble à l’ordre public » ; que

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la juridiction d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil en ne recherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l’y conduire, si, précisément, l’exposition litigieuse n’avait pas pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances, aucune différence objective ne pouvant être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ; 4°/ qu’enfin celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; qu’en l’espèce, en ayant affirmé qu’il appartenait à la société Encore Events, défenderesse à l’instance en référé, de rapporter la preuve de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé, de ce fait, l’article 1315 du code civil ; Mais attendu qu’aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence ; que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaît cette exigence ; Qu’ayant constaté, par motifs adoptés non critiqués, que l’exposition litigieuse poursuivait de telles fins, les juges du second degré n’ont fait qu’user des pouvoirs qu’ils tiennent de l’article 16-2 du code civil en interdisant la poursuite de celle ci ; que le moyen n’est pas fondé ; Et sur le moyen unique du pourvoi incident, tel qu’il figure au mémoire en défense et est reproduit en annexe : Attendu qu’en ses trois branches le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine portée par la cour d’appel sur l’opportunité d’ordonner les mesures sollicitées ; qu’il ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principal et incident

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2/ Le référé devant les juridictions administratives Document n° 2 : Conseil d’État, Juge des référés, 9 janvier 2014, M. Dieudonné M’Bala M’Bala, N° 374508, Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de l’intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle “ Le Mur “ le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain ; 2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes par la société Les Productions de la Plume et M. B...D...; il soutient que : - le préfet a pu, sans illégalité, procéder à l’interdiction du spectacle à raison de son contenu dès lors que ce dernier est connu et porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; - le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d’une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les troubles à l’ordre public susceptibles d’être provoqués par le spectacle n’étaient pas suffisants pour justifier la mesure attaquée ; Vu l’ordonnance attaquée ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment le Préambule ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu le code pénal ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ; Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Vu les décisions du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, Benjamin du 19 mai 1933, commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 et Mme C...du 16 février 2009 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le ministre de l’intérieur et, d’autre part, la société Les Productions de la Plume et M. B...D... Vu le procès-verbal de l’audience publique du 9 janvier 2014 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus : - la représentante du ministre de l’intérieur ; - Me Rousseau, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Les Productions de la Plume et M. B...D...; - Me Ricard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Les Productions de la Plume et M. B...D...: - les représentants de la société Les Productions de la Plume et M. B...D...; et à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures “ et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : “ Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (...) ; 2. Considérant que le ministre de l’intérieur relève appel de l’ordonnance du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle “ Le Mur “ le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain 3. Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient au juge

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administratif des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; que l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient de cet article est ainsi subordonné au caractère grave et manifeste de l’illégalité à l’origine d’une atteinte à une liberté fondamentale ; que le deuxième alinéa de l’article R. 522-13 du code de justice administrative prévoit que le juge des référés peut décider que son ordonnance sera exécutoire aussitôt qu’elle aura été rendue ; 4. Considérant que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ; 5. Considérant que, pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle “ Le Mur “, précédemment interprété au théâtre de la Main d’Or à Paris, le préfet de la Loire-Atlantique a relevé que ce spectacle, tel qu’il est conçu, contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ; que l’arrêté contesté du préfet rappelle que M. B...D...a fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept sont définitives, pour des propos de même nature ; qu’il indique enfin que les réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier font apparaître, dans un climat de vive tension, des risques sérieux de troubles à l’ordre public qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser ; 6. Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ; 7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à la requête présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, par la SARL Les Productions de la Plume et par M. B... D...et à demander le rejet de la requête, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentée par ce dernier devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; O R D O N N E : Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014 est annulée. Article 2 : La requête présentée par la SARL Les Productions de la Plume et par M. B...D...devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejetée. Article 3 : En application de l’article R. 522-13 du code de justice administrative, la présente ordonnance est immédiatement exécutoire. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’intérieur, à la SARL Les Productions de la Plume et à M. B...D.... 3/ Le référé prud’homal

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Document n° 3 : Conseil de prud’hommes de Grenoble, 31 décembre 2008, ct0271, n° de RG: 08/403

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CONSEIL DE PRUD’HOMMES Palais de Justice, Place Firmin Gautier,BP 140, 38019 GRENOBLE Cedex 1 ; RÉFÉRÉ, AFFAIRE Christian X... contre SOCIETE MORY TEAM GRENOBLE ORDONNANCE DU 31 Décembre 2008 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ Prononcée par mise à disposition au greffe le 31 Décembre 2008 M. Christian X... Profession : Ouvrier Assisté de Me Sophie BAUER CACHAT (Avocat au barreau de GRENOBLE) substituant Me Flavien JORQUERA (Avocat au barreau de GRENOBLE) DEMANDEUR SOCIETE MORY TEAM GRENOBLE 24 rue Arago BP 346 38000 GRENOBLE Représenté par Me Jacqueline CORTES (Avocat au barreau de PARIS) DEFENDEUR COMPOSITION DE LA FORMATION DE RÉFÉRÉ LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ M. Jean-Paul MICHEL, Président Conseiller Salarié, M. Christian REYMOND, Conseiller Employeur Assesseur Assistés lors des débats de Serge DIBIDABIAN, Greffier PROCÉDURE Enregistrement de l’affaire : 27 Novembre 2008 Récépissé au demandeur : 28 Novembre 2008 Citation du défendeur : 29 Novembre 2008 Audience de référé : 17 Décembre 2008 Décision prise : Affaire mise en délibéré pour une ordonnance être prononcée le 31 Décembre 2008 Monsieur Christian X... a saisi le Conseil de prud’hommes de Grenoble en référé à l’encontre de SOCIETE MORY TEAM GRENOBLE afin de : - constater que Monsieur X... a fait l’objet d’un licenciement nul faute d’autorisation de l’Administration du Travail - ordonner sa réintégration sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir - obtenir 1 500,00 € au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile Reconventionnellement, la SOCIETE MORY TEAM GRENOBLE sollicite la somme de 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile. FAITS ET ARGUMENTS DES PARTIES Monsieur Christian X... expose avoir été engagé par la Société MORY TEAM GRENOBLE le 16 Avril 1985 en qualité de manutentionnaire. Il indique avoir été élu au Comité d’Entreprise au sein duquel il exerçait la fonction de Trésorier jusqu’au 18 Avril 2008, date de l’élection des nouveaux membres du Comité d’Entreprise. Il mentionne que le 24 Septembre 2008, il a été brutalement mis à pied et convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 13 Octobre 2008 par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 Septembre 2008, retirée le 29 Septembre 2008. Il précise qu’il bénéficiait de la protection accordée aux représentants du personnel pendant une période de six mois suivant l’expiration de son mandat, soit jusqu’au 30 septembre 2008, et ce conformément aux dispositions de l’article L. 2411-8 du Code du Travail. Il fait observer que la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable lui ont été adressées à des dates antérieures à la fin de la protection, que la procédure spéciale de licenciement (convocation du Comité d’Entreprise et saisine de l’Inspection du Travail aux fins d’obtenir l’autorisation administrative de licenciement) n’a pas été respectée, et qu’il en découle que la rupture de son contrat de travail est nulle et de nul effet. Il souligne qu’un autre salarié protégé a fait l’objet à la même date de la même procédure, que celle-ci a donné lieu à un refus par l’Inspecteur du Travail de la mesure de licenciement. Il demande à la formation de référé qu’elle ordonne à son employeur sa réintégration dans ses fonctions,

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sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, ainsi que la condamnation de la Société MORY TEAM GRENOBLE à lui régler la somme de 1 500, 00 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. La Société MORY TEAM demande à la formation de référé de se déclarer incompétente, puisqu’elle considère qu’il existe une contestation sérieuse. En effet, le licenciement de Monsieur X... est intervenu après l’achèvement de la période de protection. En effet, la période de protection a expiré le 30 Septembre 2008, et le licenciement a été prononcé le 31 Octobre 2008, date à laquelle Monsieur X... ne bénéficiait plus du statut protecteur. Par ailleurs, elle considère la demande de Monsieur X... comme mal fondée. En effet, si le Conseil entendait retenir l’argumentation de Monsieur X... selon laquelle il a déjà été jugé par la Cour de Cassation qu’un salarié protégé ne peut être licencié au terme de la période de protection en raison de faits commis pendant celle-ci, alors la sanction d’une telle rupture ne saurait être la nullité. En conséquence, la formation de référé ne pourra que débouter Monsieur X... de sa demande. La Société MORY TEAM GRENOBLE sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 500,00 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION Attendu qu’il n’existe aucune contestation sur la fait que Monsieur X...bénéficiait du statut de salarié protégé à la date du 24 Septembre 2008 puisque la période protection expirait le 30 Septembre 2008 à minuit ; Que le caractère de cette protection est d’ordre public, absolu et impératif ; Attendu que l’Arrêt de la Cour de Cassation, Chambre Mixte du 21 Juin 1974, N° 71-91225, rappelle que le licenciement de salariés légalement investis de fonctions représentatives est soumis à la décision conforme de l’Inspecteur du Travail ; Qu’il est institué au profit de tel salarié et dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, qui interdit par suite à leurs employeurs de poursuivre par d’autres moyens la résiliation du contrat de travail ; Que toute rupture intervenue en violation du statut protecteur est frappée de nullité ; Attendu, de plus, que la situation des salariés qui bénéficiaient de la période de protection est la même puisque selon la Cour de Cassation, « le salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat pour des faits commis pendant la période de protection qui auraient du être soumis à l’Inspection du Travail » (Cass. Soc. 23. 11. 2004 N° 01-46234) Attendu que le Conseil ne se laissera pas abuser par la subtilité hasardeuse de l’employeur voulant distinguer procédure et rupture ; Attendu que la formation de référé constate qu’aucune demande d’autorisation n’a été formulée à l’Inspection du Travail ; Qu’elle en déduit que la rupture est nulle et de nul effet, et qu’il y a lieu d’ordonner la réintégration de Monsieur X... sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter du quinzième jour de la notification de la présente ordonnance, astreinte dont la formation de référé se réservera le droit de liquidation ; Attendu que Monsieur X... a dû engager des frais pour la présente procédure ; qu’il y a lieu d’ordonner à son employeur de lui régler la somme de 500,00 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile ; Attendu que de ce qui précède, la Société MORY TEAM GRENOBLE sera déboutée de sa demande reconventionnelle et condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS La formation de référé du Conseil de prud’hommes de Grenoble statuant publiquement, par décision Contradictoire et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, ORDONNE la réintégration de Monsieur Christian X..., sous astreinte de 250,00 € par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente ordonnance, SE RESERVE le droit de liquider l’astreinte, ORDONNE à la Société MORY TEAM GRENOBLE de payer à Monsieur Christian X... la somme de 500,00 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile, DEBOUTE la Société MORY TEAM GRENOBLE de sa demande reconventionnelle CONDAMNE la Société MORY TEAM GRENOBLE aux dépens.

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THEME N° 7 : LES QUATRE «BRANCHES» DU CONTENTIEUX

ADMINISTRATIF Le contentieux administratif est classiquement présenté comme divisé en quatre « branches » : contentieux de l’annulation (contentieux de l’excès de pouvoir), contentieux de pleine juridiction (dit encore « plein contentieux), le contentieux de l’interprétation et de l’appréciation de légalité, le contentieux de la répression. Les deux dernières Fiches présenteront trois de ces contentieux : on laissera de côté le contentieux de la répression qui vise à faire sanctionner les atteintes au domaine public prévues par des textes particuliers. 1/ Le contentieux de l’annulation des décrets et ordonnances Document n° 1 : Conseil d’État, Juge des référés, 14 novembre 2005, F. Rollin, n° 286835 M. Genevois, président, M. Bruno Genevois, rapporteur

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. F... B..., professeur agrégé des Facultés de droit, demeurant ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension : 1°) du décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ; 2°) du décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 relatif à l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ; il expose que le décret n° 2005-1386 qui déclare l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain est illégal ; qu’il méconnaît tout d’abord le principe de nécessité ; qu’en effet, alors que seules quelques centaines de communes ont connu des troubles qui justifient, selon le gouvernement, l’édiction de la mesure critiquée, c’est l’ensemble de la France métropolitaine qui lui est soumis ; qu’en outre, bien que la pratique constante depuis la loi de 1955 a été de limiter la mise en oeuvre de l’état d’urgence à des situations de guerre civile ou de tentative de coup d’état, à aucun moment ce régime d’exception n’a été appliqué à des situations de violence urbaine ; que le décret n°2005-1386 est encore illégal en ce qu’il méconnaît le principe de la proportionnalité des mesures de police ; qu’au cas présent, il apparaît que la raison principale de la déclaration de l’état d’urgence vise à l’institution d’un « couvre feu » ; que la jurisprudence admet la légalité de dispositions en ce sens prises par l’autorité de police sans qu’il soit besoin d’avoir recours à l’état d’urgence ; que le décret n°2005-1387 renforçant l’état d’urgence sur certaines parties du territoire est lui aussi illégal ; qu’il l’est d’abord par voie de conséquence de l’illégalité du décret précédent qui constitue sa base légale ; qu’il l’est ensuite, en raison de son défaut de proportionnalité avec la situation qu’il envisage ; qu’il permet de mettre en oeuvre un régime d’assignation à résidence plus strict que dans le régime de l’état de siège ainsi que des perquisitions sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire ; que rien ne permet d’affirmer que l’éviction de cette dernière serait nécessaire au rétablissement de l’ordre public ; que les décrets sont entachés de rétroactivité illégale car ils prévoient une entrée en vigueur le 9 novembre à zéro heure, alors qu’ils ont été publiés au Journal officiel du même jour à une heure qui n’est pas aussi matinale ; Vu les décrets dont la suspension est demandée ; Vu, enregistré le 11 novembre 2005 le mémoire en intervention commun aux requêtes n°s 286835 et 286837 présenté par M. Alain D demeurant..., qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que sa domiciliation dans le département de Seine-Saint-Denis, zone hautement concernée par les événements actuels, lui confère un intérêt à intervenir ; que les arguments de droit et de fait présentés par le requérant ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décrets contestés ; Vu, enregistré le 12 novembre 2005 le mémoire en intervention présenté par M. René Georges C, élisant

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domicile... ; M. C conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête de M. B et à ce que lui soit allouée la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu, enregistré le 12 novembre 2005 le mémoire en défense présenté par le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ; il souligne à titre liminaire qu’il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si la qualité de citoyen donne un intérêt suffisant pour contester un acte de la nature de ceux dont le requérant sollicite la suspension ; que la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas remplie ; que celle-ci doit être appréciée au regard du bilan résultant de la mise en balance de la situation du requérant et de l’intérêt public ayant pu justifier la mesure prise et s’attachant à ce que celle-ci soit immédiatement exécutée ; que le territoire métropolitain de la République est l’objet, depuis le 27 octobre 2005, de violences urbaines d’une exceptionnelle gravité qui se sont développées et propagées avec une ampleur inquiétante et ont affecté jusqu’à 300 communes ; que ces violences, qui touchent sans distinction les personnes et les biens ont également porté des atteintes particulièrement graves à l’intégrité physique des citoyens ainsi qu’à celle des fonctionnaires de la police, des militaires de la gendarmerie, des pompiers ou des médecins en mission ; que les mesures qu’autorise l’institution de l’état d’urgence sont les seules à même d’apporter aux autorités administratives les possibilités d’actions préventives qui leur faisaient défaut dans les circonstances exceptionnelles du moment et sont seules adaptées au rétablissement de l’ordre public ; que, dans ces conditions, l’urgence réside dans l’application complète et immédiate des mesures qui ont été décidées, lesquelles ont, au demeurant, un caractère provisoire ; qu’en tout état de cause, aucun des moyens invoqués n’est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décrets ; que, s’agissant du décret du Président de la République, ce dernier ne constitue pas une mesure de police dont le juge administratif contrôlerait la nécessité et la proportionnalité mais un acte qui, dans les circonstances particulières définies à l’article 1er de la loi du 3 avril 1955, organise des extensions de compétence au bénéfice des autorités publiques ; qu’en pareil cas, le contrôle juridictionnel doit porter sur la seule existence des conditions prévues par la loi pour la mise en oeuvre de ce régime juridique ; qu’en l’espèce, les atteintes gravissimes à l’ordre public qui ont été constatées ne sont ni limitées, ni concentrées sur quelques départements ; que le mode de propagation extrêmement rapide de ces actions est une caractéristique de la situation actuelle ; qu’il y a bien un péril imminent pour la paix civile justifiant la déclaration de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain ; que, compte tenu des caractéristiques des violences, il n’est guère douteux que des interdictions municipales, par nature limitées du territoire d’une commune et dépourvues d’articulation avec les communes voisines, ne constituent pas une réponse adaptée ; qu’en ce qui concerne, le décret pris par le Premier ministre, le moyen tiré de l’illégalité du décret du Président de la République dont il assure l’application, ne peut, pour les motifs précédemment énoncés être retenu ; que ce décret pas plus que le précédent ne constitue une mesure de police soumise à un contrôle de proportionnalité ; que l’application des perquisitions prévues par le 1° de l’article 11 de la loi répond à la nécessité en cas de tirs ou d’envois de projectiles contre les forces de l’ordre, de permettre de rechercher les armes ayant servi à de telles atteintes en se rendant aux domiciles dont ils proviennent ; que la contestation des deux décrets en tant qu’ils prennent effet le 9 novembre 2005 à zéro heure et non à compter de la diffusion du Journal officiel est dépourvue d’objet dans le cadre d’une demande de suspension présentée le 10 novembre ; qu’en tout cas, les dispositions régissant l’entrée en vigueur immédiate des actes administratifs ont toujours été interprétées comme signifiant que l’acte qui en fait l’objet entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment ses articles 5, 13, 21, 34, 36 et 66 ; Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention et des déclarations et réserves ; Vu la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence modifiée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 et l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 ; Vu l’article 1er du code civil ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le décret n° 55-493 du 10 mai 1955 pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, complété par le décret n° 55-923 du 7 juillet 1955 ; Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ; Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. F... B..., d’autre part, le Premier ministre et le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ; Vu le procès-verbal de l’audience publique du samedi 12 novembre 2005 à 11 heures au cours de laquelle,

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après audition de : - M. F... B... ; - des représentants du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ; - de M. René Georges C, en sa qualité alléguée d’intervenant en demande ; - de M. Alain D, en sa qualité alléguée d’intervenant en défense ; il a été décidé de poursuivre l’instruction jusqu’au lundi 14 novembre 2005 à 14 heures ; Vu, enregistré le 12 novembre 2005, le mémoire par lequel le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire produit la circulaire du 9 novembre 2005 adressée par le garde des sceaux, ministre de la justice à mesdames et messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel et mesdames et messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance ; Vu, enregistré le 14 novembre 2005, le nouveau mémoire présenté par M. C qui tend aux mêmes fins que son mémoire précédent ; il fait valoir en outre qu’il justifie d’un intérêt à intervenir et met en doute l’authenticité de la circulaire du garde des sceaux du 9 novembre 2005 ; Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ..., le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; Considérant que les décrets dont la suspension est demandée par M. B sont relatifs à la mise en oeuvre, à compter du 9 novembre 2005 à zéro heure, de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence ; Sur l’intervention présentée au soutien de la requête par M. C : Considérant que M. C, qui réside habituellement en Polynésie française, collectivité qui n’est pas incluse dans le champ d’application géographique des décrets contestés, ne justifie pas d’un intérêt pour intervenir au soutien de la requête de M. B ; qu’ainsi, son intervention ne peut être admise ; Sur l’intervention présentée en défense par M. D : Considérant que pour justifier la recevabilité de son intervention en défense, M. D fait valoir qu’il est domicilié dans le département de la Seine-Saint-Denis qui a connu des violences urbaines auxquelles les décrets contestés ont pour but de mettre un terme ; qu’au vu de l’intérêt ainsi invoqué son intervention doit être admise ; Sur la portée des textes dont la suspension est demandée : Considérant que la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence prévoit dans son article 1er que celui-ci peut être « déclaré » sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d’outre-mer, notamment « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ; que la déclaration, qui initialement était du ressort d’une loi, relève, depuis l’intervention de l’ordonnance n° 60-732 du 15 avril 1960, d’un décret en conseil des ministres lequel, aux termes du premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 55-385, « détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur » ; que, du seul fait de sa déclaration l’état d’urgence entraîne de plein droit l’application notamment de l’article 5 de la loi ; que cet article donne pouvoir au préfet : « 1°) D’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; 2°) D’instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; 3°) D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics » ; Considérant en outre que le décret portant déclaration de l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, décider la mise en oeuvre en tout ou partie de l’article 11 de la loi ; que le 1° de l’article 11 confère au ministre de l’intérieur et au préfet le pouvoir d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ; Considérant que le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi dispose que dans la limite des circonscriptions territoriales ayant fait l’objet de la déclaration, les zones où l’état d’urgence « recevra application » sont fixées par décret ; que l’intervention de ce décret a pour effet de permettre l’adoption de mesures complémentaires prévues notamment aux articles 6 et 8 de la loi ; qu’il lui appartient également de définir la zone d’application des dispositions du 1° de l’article 11 relatives aux perquisitions, au cas où la déclaration d’état d’urgence en a prévu la mise en oeuvre ; Considérant qu’indépendamment de la gradation des mesures qui peuvent être ainsi prises sous l’empire de l’état d’urgence, le législateur a entendu que l’extension des pouvoirs conférés aux autorités publiques revête un caractère essentiellement temporaire ; qu’à cet égard, le troisième alinéa de l’article 2 de la loi

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exige que la prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne puisse être autorisée que par la loi ; qu’en vertu de l’article 3, il incombe à la loi autorisant sa prorogation de fixer la durée définitive de l’état d’urgence ; que le premier alinéa de l’article 14 pose en principe que les mesures prises en application de la loi cessent de produire effet en même temps que prend fin l’état d’urgence ; Considérant que le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005, délibéré en Conseil des ministres et signé du Président de la République a, par son article 1er, déclaré l’état d’urgence sur le territoire métropolitain à compter du 9 novembre à zéro heure ; qu’il est indiqué à l’article 2 que l’état d’urgence emporte pour sa durée « application du 1° de l’article 11 de la loi » ; Considérant que le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, dont la date d’entrée en vigueur est identique à celle du décret n° 2005-1386 du même jour, dispose qu’en sus des mesures prévues à l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 applicables à l’ensemble du territoire métropolitain, peuvent être mises en oeuvre uniquement dans les zones dont la liste figure en annexe du second décret, d’une part, celles mentionnées aux articles 6, 8 et 9 de la loi, qui sont relatives respectivement à l’assignation à résidence de certaines personnes, à la police des réunions et lieux publics et au pouvoir d’ordonner la remise des armes des 1ère, 4ème et 5ème catégories, d’autre part, les dispositions du 1° de l’article 11 ; qu’il est spécifié dans le rapport de présentation au Premier ministre du décret n° 2005-1387 que les mesures qui viendraient à être prises sur son fondement « devront être adaptées et proportionnées aux nécessités locales » ; Sur l’existence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décrets : En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1386 : Considérant que la loi du 3 avril 1955 a eu pour objet de permettre aux pouvoirs publics de faire face à des situations de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui constituent une menace pour la vie organisée de la communauté nationale ; que, dans son texte initial, l’appréciation à porter sur l’opportunité de sa mise en oeuvre était réservée à la représentation nationale ; que, sous l’empire du texte présentement en vigueur, la responsabilité de ce choix incombe au chef de l’Etat, sous réserve, en cas de prorogation au-delà du délai de douze jours de ce régime, de l’intervention du Parlement ; qu’il s’ensuit que le Président de la République dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu lorsqu’il décide de déclarer l’état d’urgence et d’en définir le champ d’application territorial ; que, dans ce contexte et eu égard à l’aggravation continue depuis le 27 octobre 2005 des violences urbaines, à leur propagation sur une partie importante du territoire et à la gravité des atteintes portées à la sécurité publique, ne peuvent être regardés comme étant propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret n° 2005-1386 les moyens tirés par le requérant de ce que la déclaration de l’état d’urgence n’était pas nécessaire sur l’ensemble du territoire métropolitain, de ce que la pratique suivie depuis l’adoption de la loi de 1955 conduit à limiter la mise en oeuvre de l’état d’urgence à des situations de guerre civile ou de tentative de coup d’Etat et enfin, de la méconnaissance du principe de proportionnalité dès lors que l’autorité de police n’a pas épuisé tous les autres moyens à sa disposition ; En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1387 : Quant au moyen tiré de l’illégalité de ce décret par voie de conséquence de celle du décret n° 2005-1386 : Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que le moyen tiré de ce que le décret signé par le Premier ministre serait dépourvu de base légale en raison de l’illégalité du décret qui lui sert de fondement, ne peut davantage être pris en considération ; Quant aux autres moyens propres au décret n° 2005-1387 : Considérant que le requérant critique encore le défaut de proportionnalité des mesures autorisées par le décret avec la situation qu’il envisage dès lors que le régime d’assignation à résidence est plus strict que dans le régime de l’état de siège et qu’aucun contrôle de l’autorité judiciaire n’est prévu en cas de perquisitions ; Considérant que dans son article 7 la loi du 3 avril 1955 a institué des garanties particulières au bénéfice des personnes faisant l’objet, soit d’une interdiction de séjour dans un département sur le fondement du 3°) de l’article 5, soit d’une assignation à résidence en application de l’article 6 ; que l’examen d’un recours gracieux formé à l’encontre d’une de ces mesures doit être précédé de l’avis d’une commission départementale où siègent des représentants du conseil général ; qu’il incombe aux autorités compétentes de pourvoir à la constitution effective de cette instance aux fins d’assurer que l’application concrète des articles 5 (3°) et 6 sera assortie des garanties prescrites par la loi, lesquelles ont vocation à être mises en oeuvre sans préjudice des dispositions du même article 7 imposant en cas de recours contentieux, au juge administratif, de se prononcer à bref délai ;

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Considérant que les perquisitions autorisées par le 1° de l’article 11 de la loi devaient à l’origine être effectuées suivant les modalités définies par les dispositions alors en vigueur de l’article 10 du code d’instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire, auquel a succédé l’article 30 du code de procédure pénale ; que l’abrogation de cet article par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 n’a pas eu pour conséquence de soustraire au contrôle de l’autorité judiciaire l’exercice par le ministre de l’intérieur ou le préfet de missions relevant de la police judiciaire ; Considérant qu’eu égard tout à la fois à la circonstance que les mesures dont l’application est autorisée par le décret n° 2005-1387 ont pour fondement une loi dont il n’appartient pas à la juridiction administrative d’apprécier la constitutionnalité, à la limitation de leur application aussi bien dans le temps que dans l’espace ainsi qu’au contrôle dont leur mise en oeuvre est assortie, le moyen susanalysé, pris en ses diverses branches, n’est pas de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux ; En ce qui concerne le moyen commun aux deux décrets tiré de la date de leur prise d’effet : Considérant qu’après avoir visé l’article 1er du code civil dont le deuxième alinéa autorise le gouvernement à prévoir l’entrée en vigueur d’un décret dès sa publication au Journal officiel, le décret n° 2005-1386 a déclaré l’état d’urgence « à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure », tout en prescrivant son entrée en vigueur « immédiatement » ; que le décret n° 2005-1387 énonce qu’il entrera en vigueur dans les mêmes conditions ; Considérant que M. B demande la suspension des décrets en tant qu’ils prennent effet le 9 novembre 2005 à zéro heure et non à compter de la diffusion du Journal officiel daté du 9 novembre 2005 où ils ont été publiés ; Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par l’administration, la circonstance que la requête aux fins de suspension a été introduite postérieurement à l’entrée en vigueur des décrets ne prive pas de son objet la contestation relative à leur entrée en vigueur dès lors que la date et l’heure retenus permettent de fixer avec précision la durée du délai de douze jours au-delà duquel l’état d’urgence ne peut être maintenu sans l’assentiment du Parlement ; Considérant toutefois, que, compte tenu des dispositions de l’article 1er du code civil, le moyen invoqué ne paraît pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décrets sur ce point ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin pour le juge des référés de se prononcer sur le point de savoir si la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, que les conclusions de la requête de M. B doivent être rejetées ; ORDONNE : Article 1er : L’intervention de M. Alain D est admise. Article 2 : L’intervention de M. René Georges n’est pas admise. Article 3 : La requête de M. F... B... est rejetée. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à MM. F... B..., Alain D et René Georges C ainsi qu’au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire et au Premier ministre. Document n° 2 : Conseil d’Etat, Section du contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471. Vu 1°), sous le n° 283471, la requête, enregistrée le 4 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, (…) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler, d’une part, l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches et, d’autre part, le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu 2°), sous le n° 284421, la requête, enregistrée le 25 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, (…) ; l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE L’ISERE demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu 3°), sous le n° 284473, la requête, enregistrée le 26 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, (…), la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C., (…) et la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, (…); la CONFEDERATION

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FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL et autres demandent au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu 4°), sous le n° 284654, la requête, enregistrée le 31 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, (…) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu 5°), sous le n° 285374, la requête, enregistrée le 22 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, (…) ; l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la Constitution, notamment son Préambule ; Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;Vu la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur adoptée à Genève le 22 juin 1982, publiée par le décret n° 90-140 du 9 février 1990 ; Vu la charte sociale européenne (révisée) faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 ; Vu la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe ; Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; Vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d’urgence pour l’emploi, notamment le 1° de son article 1er, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-521 DC du 25 juillet 2005 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, de la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C. et de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, et de Me Haas, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE, - les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ; Considérant que les requêtes de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE l’ISERE, de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, de la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C. et de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE et de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES tendent à l’annulation de la même ordonnance du 2 août 2005 relative au contrat nouvelles embauches ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sur l’intervention de M. : Considérant que M. , qui se prévaut de son état de chômeur de longue durée, justifie d’une qualité lui donnant intérêt à intervenir au soutien des requêtes dirigées contre l’ordonnance attaquée ; qu’ainsi son intervention est recevable ; Sur la légalité de l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 : Considérant que le 1° de l’article 1er de la loi du 26 juillet 2005 a habilité le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d’urgence pour l’emploi afin de favoriser l’embauche dans les entreprises et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 131-2 du code du travail et n’employant aucun salarié ou n’employant qu’un petit nombre de salariés, par l’institution d’un contrat de travail sans limitation de durée comportant pendant une période déterminée des règles de rupture et un régime indemnitaire spécifiques, garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l’initiative de l’employeur supérieure à celle résultant de l’application des règles de l’article L. 122-9 du même code ;

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Considérant qu’il appartenait au gouvernement de faire usage de l’habilitation ainsi conférée par le législateur, dans le respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, des principes généraux du droit qui s’imposent à toute autorité administrative ainsi que des engagements internationaux de la France produisant des effets directs dans l’ordre juridique interne ; Considérant qu’aux termes de l’article 1er de l’ordonnance attaquée, prise en vertu de cette habilitation : Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l’article L. 131-2 du code du travail et qui emploient au plus vingt salariés peuvent conclure (…) un contrat de travail dénommé contrat nouvelles embauches ; que le premier alinéa de l’article 2 énonce que ce contrat est conclu sans détermination de durée ; que, selon le deuxième alinéa de cet article : Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l’exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 de ce code. ; que les alinéas suivants du même article 2 précisent les conditions dans lesquelles le contrat nouvelles embauches peut être rompu pendant ces deux premières années ; En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi d’habilitation : Considérant, en premier lieu, que les dispositions des articles L. 122-14-8, L. 122-14-12, L. 122-14-13, L. 212-14-14, L. 321-1-2 et L. 321-14 du code du travail dont l’application se trouve ainsi écartée par l’article 2 de l’ordonnance attaquée se rattachent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, aux conditions de rupture d’un contrat de travail ; qu’il en va de même de celles du septième alinéa du même article 2 prévoyant un délai de prescription de douze mois pour toute contestation portant sur la rupture de ce contrat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions en cause excèderaient les limites de l’habilitation consentie par le législateur doit être écarté ; Considérant, en second lieu, qu’en excluant l’application de certaines règles protectrices contre le licenciement, l’ordonnance du 2 août 2005 n’a fait que mettre en oeuvre l’habilitation conférée au gouvernement par la loi, le législateur ayant lui-même établi le lien que contestent les requérantes entre la définition de règles de rupture spécifiques et, pour les entreprises ainsi visées, l’incitation à l’embauche ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la disproportion des dispositions de l’ordonnance attaquée au regard de l’objectif assigné au gouvernement par le législateur doit être écarté ; En ce qui concerne la méconnaissance de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : Considérant qu’il ne résulte ni du principe de liberté énoncé à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle se réfère le Préambule de la Constitution, ni d’ailleurs d’aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle que la faculté pour l’employeur de mettre fin au contrat nouvelles embauches devrait être subordonnée à l’obligation d’en énoncer préalablement les motifs et d’en prévoir les modalités de réparation ; que par suite, le moyen tiré de ce que la dérogation, résultant de l’article 2 de l’ordonnance attaquée, aux dispositions de droit commun du code du travail soumettant à de telles obligations l’employeur qui entend rompre un contrat de travail à durée indéterminée méconnaîtrait l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doit être écarté ; En ce qui concerne la méconnaissance du principe d’égalité : Considérant qu’il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi du 26 juillet 2005 qu’en vue de favoriser l’embauche dans les entreprises n’employant qu’un petit nombre de salariés, le législateur a habilité le gouvernement à instituer une catégorie nouvelle de contrat de travail sans limitation de durée comportant, pendant une période déterminée, des règles de rupture spécifiques ; qu’ainsi, la soumission du contrat nouvelles embauches à un régime dérogatoire quant aux règles régissant sa rupture résulte, dans son principe, de la loi ; qu’en retenant un délai d’un an pour la prescription des actions contentieuses liées à la rupture de ce contrat, l’ordonnance attaquée a opéré, entre les salariés relevant de ce contrat et ceux relevant d’un contrat de droit de travail de droit commun, une différence de traitement qui, eu égard notamment à la circonstance que l’opposabilité au salarié de cette prescription raccourcie est subordonnée à la condition qu’il en ait été informé dans la lettre lui notifiant la rupture, n’est pas manifestement disproportionnée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce délai aurait été fixé en méconnaissance du principe d’égalité doit être écarté ; En ce qui concerne la méconnaissance du principe des droits de la défense : Considérant, d’une part, que l’article 2 de l’ordonnance attaquée exclut l’application au contrat nouvelles embauches des dispositions des articles L. 122-14 et suivants du code du travail relatives à la procédure de licenciement et définit des modalités particulières ne comportant aucune procédure contradictoire en cas de rupture de ce contrat au cours des deux premières années ; que, d’autre part, les articles L. 122-40

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et L. 122-41 du même code, qui demeurent applicables à ce contrat, prévoient les modalités d’une procédure contradictoire dans tous les cas où l’employeur prend une mesure à l’encontre de son salarié, à la suite d’un agissement de celui-ci considéré par lui comme fautif, notamment lorsque cette mesure se traduit par un licenciement ; Considérant que, si l’obligation de respecter une procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcés pour un motif disciplinaire a le caractère d’un principe général du droit du travail, il ne résulte pas de ce principe qu’une telle procédure devrait être respectée par l’employeur dans les autres cas de licenciement fondés sur des motifs inhérents à la personne du salarié ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée aurait méconnu le principe du respect des droits de la défense doit être écarté ; En ce qui concerne la méconnaissance de la convention internationale du travail n° 158 et de la charte sociale européenne : Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur : Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. ; que, selon l’article 24 de la charte sociale européenne, les parties s’engagent à reconnaître ce même droit aux travailleurs ; qu’aux termes de l’article 7 de la convention n° 158 : Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité. ; qu’enfin, les articles 8-1, 9 et 10 de la même convention reconnaissent le droit pour un travailleur licencié d’exercer un recours juridictionnel, ainsi que la possibilité pour le juge d’examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement et, le cas échéant, d’accorder une réparation au salarié ; Considérant qu’en écartant à son article 2 l’application au contrat nouvelles embauches des dispositions de droit commun régissant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, l’ordonnance attaquée a dérogé, ainsi que le permettait l’habilitation accordée par le législateur, non seulement, comme il a été dit, aux dispositions du code du travail relatives à la procédure de licenciement mais aussi à l’exigence, issue de la loi du 13 juillet 1973 et énoncée à l’article L. 122-14-3 de ce code, que le motif invoqué par l’employeur présente un caractère réel et sérieux ; que demeurent en revanche applicables au contrat nouvelles embauches, outre les dispositions des articles L. 122-40 à L. 122-44 relatives à la discipline, celles de l’article L. 122 45 du même code prohibant les mesures discriminatoires ; Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que l’ordonnance attaquée n’a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge, afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n’a pas un caractère abusif et n’est pas intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et de celles prohibant les mesures discriminatoires ; qu’ainsi, les règles de rupture du contrat nouvelles embauches pendant les deux premières années suivant la date de sa conclusion ne dérogent pas aux stipulations des articles 8-1, 9 et 10 de la convention internationale du travail n° 158 ; Considérant, en second lieu, qu’en vertu des stipulations du b) du paragraphe 2 de l’article 2 de la même convention, les Etats parties peuvent exclure certains travailleurs du champ d’application de tout ou partie des dispositions de cette convention, notamment ceux n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ; que l’annexe à la charte sociale européenne ouvre aux Etats parties la même possibilité de dérogation ; qu’en l’espèce, eu égard au but en vue duquel cette dérogation a été édictée et à la circonstance que le contrat nouvelles embauches est un contrat à durée indéterminée, la période de deux ans pendant laquelle est écartée l’application des dispositions de droit commun relatives à la procédure de licenciement et aux motifs pouvant le justifier peut être regardée comme raisonnable, au sens de ces stipulations ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’ordonnance attaquée méconnaîtrait les stipulations de la convention internationale du travail n° 158 ni, en tout état de cause, celles de l’article 24 de la charte sociale européenne ; En ce qui concerne la méconnaissance de la directive 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail : Considérant qu’en vertu de ces deux directives, lorsqu’une personne s’estimant lésée par le non-respect à

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son égard du principe de l’égalité de traitement établit devant une juridiction des faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y pas eu violation du principe de l’égalité de traitement ; que la transposition de ces dispositions est assurée par l’article L. 122 45 du code du travail qui n’est pas au nombre des dispositions dont l’ordonnance du 2 août 2005 a exclu l’application au contrat nouvelles embauches ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée aurait été prise en méconnaissance des objectifs de ces deux directives ne peut qu’être écarté ; En ce qui concerne la méconnaissance de l’article 30 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : Considérant que cette charte n’a pas été introduite dans l’ordre juridique interne ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de son article 30 est inopérant ; En ce qui concerne l’erreur manifeste d’appréciation dont seraient entachées les dispositions relatives au délai de carence : Considérant que la circonstance que l’application de dispositions réglementaires pourrait donner lieu à fraude est, par elle-même, sans incidence sur leur légalité ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la fixation à trois mois du délai de carence pendant lequel les mêmes parties ne peuvent conclure un nouveau contrat serait insuffisante et reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté ; En ce qui concerne l’application du contrat nouvelles embauches à Mayotte : Considérant que l’illégalité des dispositions prévoyant l’application du contrat nouvelles embauches à Mayotte n’est invoquée que par référence aux moyens développés à l’appui des conclusions dirigées contre la partie de l’ordonnance du 2 août 2005 applicable en France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; qu’il résulte de ce qui précède que ce moyen ne peut qu’être écarté ; Sur les conclusions de la requête n° 283471 dirigées contre le rapport présenté au Président de la République : Considérant que le rapport présenté au Président de la République en vue de l’examen d’une ordonnance en conseil des ministres, qui a pour objet de l’éclairer sur les raisons pour lesquelles le texte est proposé et sur son contenu, ne saurait être regardé, quels qu’en soient les termes, comme une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir ; que, dès lors, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas recevables ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE l’ISERE, de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, de la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C. et de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE, et de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES doivent être rejetées ; Sur les conclusions des requérants tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement aux syndicats requérants des sommes qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1er : L’intervention de M. est admise. Article 2 : Les requêtes de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE L’ISERE, de la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, de la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C. et de la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE, et de l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, à l’UNION SYNDICALE SOLIDAIRES DE L’ISERE, à la CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, à la CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT C.G.C., à la CONFEDERATION FRANCAISE DES TRAVAILLEURS CHRETIENS, à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL - FORCE OUVRIERE à l’UNION SYNDICALE

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SOLIDAIRES, au Premier ministre et au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. 2/ Le contentieux de pleine juridiction Relèvent de cette branche des contentieux importants et très divers : contentieux des contrats administratifs (délégations de service public, marchés publics, contrats de partenariat public- privé), contentieux électoral (élections municipales, départementales, régionales, élections au Parlement européen et autres : élections universitaires…), contentieux de la responsabilité administrative… Document n° 3 : Conseil d’Etat statuant au contentieux, Section, 14 février 1997, C.H.R. de Nice c/ Epoux Quarez, N° 133238, R.F.D.A. 1997, p. 374, conclusions Valérie Pécresse ; A.J.D.A. 1997, p. 430. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 janvier et 14 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le Centre hospitalier régional de Nice, sis ... ; le Centre hospitalier régional de Nice demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 21 novembre 1991 par lequel la Cour administrative d’appel de Lyon a, d’une part, annulé le jugement du 9 mai 1990 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme QUAREZ tendant à la condamnation du centre hospitalier requérant à la réparation des conséquences dommageables d’une absence de diagnostic d’une trisomie 21 à la suite d’un examen d’amniocentèse et, d’autre part, condamné ledit centre au paiement de diverses indemnités ; « Considérant que Mme QUAREZ, alors âgée de 42 ans et qui était dans la 17e semaine de sa grossesse a subi, à sa demande, au service de pathologie cellulaire et de génétique du Centre hospitalier régional de Nice, une amniocentèse afin qu’il soit procédé à un examen chromosomique des cellules du foetus qu’elle portait ; qu’alors que cet examen n’avait révélé aucune anomalie, elle a donné naissance, le 28 avril 1987, à un enfant de sexe masculin atteint d’une trisomie 21 dite « régulière et libre » ; que, condamné par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon, en date du 21 novembre 1991, à réparer les conséquences dommageables tant pour M. et Mme QUAREZ que pour leur fils Mathieu de l’infirmité dont celui-ci était atteint à sa naissance, le Centre hospitalier régional de Nice demande l’annulation de cet arrêt ; (…) « Considérant qu’en décidant qu’il existait un lien de causalité directe entre la faute commise par le Centre hospitalier régional de Nice à l’occasion de l’amniocentèse et le préjudice résultant pour le jeune Mathieu de la trisomie dont il est atteint, alors qu’il n’est pas établi par les pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’infirmité dont souffre l’enfant et qui est inhérente à son patrimoine génétique, aurait été consécutive à cette amniocentèse, la Cour administrative d’appel de Lyon a entaché sa décision d’une erreur de droit ; « Considérant que la Cour ayant, dans sa décision, fixé de façon indissociable les modalités respectives de la réparation accordée à M. et Mme QUAREZ et à leur fils, il y a lieu d’annuler l’arrêt dans sa totalité ; « Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut “régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie” ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ; « Considérant que M. et Mme QUAREZ demandent, d’une part, l’annulation du jugement du 9 mai 1990 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande, présentée tant en leur nom propre qu’en qualité d’administrateurs des biens de leur fils Mathieu, et tendant à ce que le Centre hospitalier régional de Nice soit condamné à réparer les conséquences dommageables de l’absence de diagnostic de la trisomie 21 dont est affecté leur fils Mathieu et, d’autre part, de condamner ledit centre à leur verser en réparation de leur préjudice moral, une somme de 2 000 000 F et, en réparation de leur préjudice matériel, une rente mensuelle de 7 500 F indexée sur l’indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains jusqu’au décès de l’enfant, étant précisé qu’en cas de pré - décès des parents ou du parent survivant, cette rente devra être versée au représentant légal du mineur ou du majeur protégé ; « Sur la responsabilité : « Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service de pathologie cellulaire et de génétique du Centre hospitalier régional de Nice s’est borné à annoncer à Mme QUAREZ que l’examen auquel il avait

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procédé “n’avait révélé aucune anomalie détectable par les moyens actuels” et que Mme QUAREZ n’a pas été informée du fait que les résultats de cet examen, compte tenu des conditions dans lesquelles il avait été conduit, pouvaient être affectés d’une marge d’erreur inhabituelle ; que, dès lors, M. et Mme QUAREZ sont fondés à soutenir que le service spécialisé du Centre hospitalier régional de Nice a commis une faute ; « Considérant qu’il résulte également de l’instruction qu’en demandant qu’il fût procédé à une amniocentèse, Mme QUAREZ avait clairement manifesté sa volonté d’éviter le risque d’un accident génétique chez l’enfant conçu, accident dont la probabilité était, compte tenu de son âge au moment des faits, relativement élevée ; que les époux QUAREZ avaient ainsi cherché auprès du service spécialisé du Centre hospitalier régional de Nice un diagnostic déterminant quant à l’absence du risque ; que, dans ces conditions, la faute commise par le service de pathologie cellulaire et de génétique du Centre hospitalier régional de Nice avait faussement conduit M. et Mme QUAREZ à la certitude que l’enfant conçu n’était pas porteur d’une trisomie et que la grossesse de Mme QUAREZ pouvait être normalement menée à son terme ; « Considérant que cette faute, qui rendait sans objet une nouvelle amniocentèse que Mme QUAREZ aurait pu faire pratiquer dans la perspective d’une interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique sur le fondement de l’article L. 162-12 du code de la santé publique, doit être regardée comme la cause directe des préjudices entraînés pour M. et Mme QUAREZ par l’infirmité dont est atteint leur enfant ; « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l’annulation du jugement attaqué ; « Sur la réparation due à M. et Mme QUAREZ : « Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral, des troubles dans les conditions d’existence de M. et Mme QUAREZ ainsi que de certains éléments des préjudices matériels dont ils font état en condamnant le Centre hospitalier régional de Nice à payer à chacun d’eux une indemnité de 100 000 F ; « Considérant que doivent être également prises en compte, au titre du préjudice matériel, les charges particulières, notamment en matière de soins et d’éducation spécialisée, qui découleront pour M. et Mme QUAREZ de l’infirmité de leur enfant ; qu’il y a lieu, en conséquence, de condamner le Centre hospitalier régional de Nice à leur payer une indemnité en capital représentant le versement d’une rente mensuelle de 5 000 F pendant toute la durée de vie de Mathieu QUAREZ ; (…) »

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3/ Le recours en appréciation de légalité

De nombreux arrêts émanant de Chambres «civiles» de la Cour de cassation affirment désormais

la compétence du juge civil pour contrôler – par voie d’exception et sans renvoi au juge administratif - la conformité des règlements administratifs aux Traités et accords internationaux, particulièrement les Traités européens (Cour de cassation, chambre commerciale, 6 mai 1996, France Télécom c/ Communication média services, Bulletin civil IV, n° 125, R.F.D.A. 1996, p. 1161, note Bertrand Seiller ; Cour de cassation, 1re chambre civile, 3 avril 2001, deux espèces, Bulletin civil I n° 97 ; Cour de cassation, 3e chambre civile, 2 juillet 2003, Monzerian, Bulletin civil III, n° 140 ; Cour de cassation, 3e chambre civile, 13 avril 2005, S.C.I. Les Chardons, Bulletin civil III, n°92 ; Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 décembre 2007, n° 06-20.563. ; Cour de cassation, chambre sociale, R.A.T.P. c/ Somazzi, J.C.P. 2008, II, 100023, note D. Jacotot).

Le Tribunal des conflits a confirmé cette évolution avec subtilité : en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, mais il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal. S’agissant en particulier du Droit de l’Union européenne, les tribunaux de l’ordre judiciaire, lorsqu'ils s'estiment en état de le faire, ont l’obligation de l’appliquer, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au Droit de l'Union européenne (Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, n° 3828 et 3829, Préfet de la Région Bretagne, Préfet d'Ille-et-Vilaine, Société civile d'exploitation agricole du Chéneau c. Interprofession nationale porcine, M. C et autres c. Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, R.F.D.A. n° 6, novembre et décembre 2011, p.). Document n° 4 : Conseil d’Etat, 4e et 1re Sous – sections réunies, 24 septembre 1990, Boisdet, n° 58657 Coudurier, président, M. Durand-Viel, rapporteur, Mme Laroque, commissaire du gouvernement, SCP Desaché, Gatineau, Me Copper-Royer, Avocat, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Maurice X..., représenté par la S.C.P. d’avocats au Conseil d’Etat et à la cour de cassation Desaché-Gatineau, agissant en exécution d’un jugement du tribunal d’instance de Loches en date du 22 février 1984, il demande que le Conseil d’Etat : 1°) apprécie la légalité, d’une part, de l’arrêté en date du 28 avril 1981 par lequel le ministre de l’agriculture et le ministre de l’économie et le ministre du budget ont prorogé pour une nouvelle période de 3 ans les dispositions de l’arrêté du 29 mars 1978 étendant à l’ensemble des producteurs de pommes de table des douze départements concernés certaines règles édictées par le comité économique agricole fruits et légumes du Val de Loire et, d’autre part, de la délibération de l’assemblée générale dudit comité en date du 12 mars 1982 en tant qu’elle fixe le montant des cotisations dues par les producteurs de pommes de table non adhérents au comité économique agricole ; 2°) déclare entachés d’illégalité cet arrêté et cette délibération, Vu les autres pièces du dossier ; Vu le réglement n° 1095/72 du conseil des communautés européennes ; Vu la loi n° 62-933 du 8 août 1962 modifiée par la loi n° 64-678 du 6 juillet 1964, l’ordonnance n° 67 811 du 22 septembre 1967 et la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 ; Vu le décret n° 62-1376 du 22 novembre 1962 modifié par le décret 81-226 du 10 mars 1981 ; Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu :

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- le rapport de M. Durand-Viel, Conseiller d’Etat, - les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. X... et de Me Copper-Royer, avocat du comité économique agricole fruits et légumes (C.E.A.F.L.) du Val de Loire, - les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ; Sur la légalité de l’arrêté du 28 avril 1981 : Considérant qu’aux termes dudit arrêté : “Les dispositions de l’arrêté du 29 mars 1978 sont prorogées pour une nouvelle période de trois ans” ; que par leur arrêté en date du 29 mars 1978 le ministre délégué à l’économie et au finances et le ministre de l’agriculture avaient étendu à l’ensemble des producteurs de pommes de table des douze départements concernés, certaines règles édictées par le comité économique agricole “fruits et légumes” du Val de Loire ; Sur la compétence : Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la loi susvisée du 8 août 1962 dans sa rédaction en vigueur à la date d’intervention de l’arrêté du 29 mars 1978 : “Les comités économiques agricoles justifiant d’une expérience satisfaisante de certaines disciplines peuvent demander au ministre de l’agriculture que celles des règles acceptées par leurs membres concernant l’organisation des productions, la promotion des ventes et la mise sur le marché à l’excepion de l’acte de vente, soient rendues obligatoires pour l’ensemble des producteurs de la région considérée ... l’extension de tout ou partie de ces règles à l’ensemble des producteurs de la région est prononcée par arrêté interministériel pour des périodes triennales renouvelables et après consultation de l’ensemble des producteurs intéressés de cette région, dans des conditions fixées par décret du Conseil d’Etat” ; Considérant que le règlement n° 1035/72 du conseil des communautés européennes en date du 12 mai 1972 a défini, en ce qui concerne notamment les pommes de table, une réglementation commune des marchés comportant des normes de qualité et des mécanismes d’intervention ; qu’il résulte de l’interprétation donnée dans sa décision du 25 novembre 1986 par la cour de justice des communautés européennes statuant sur renvoi préjudiciel que si cette réglementation n’interdit pas aux groupements de producteurs d’imposer à leurs adhérents différentes disciplines dans ces domaines, elle ne donne pas compétence aux autorités des Etats membres pour étendre à l’ensemble des producteurs d’une région déterminée les règles ainsi édictées ; qu’il suit de là que le ministre délégué à l’économie et aux finances et le ministre de l’agriculture n’avaient pas compétence pour étendre celles des règles édictées par le comité économique agricole “fruits et légumes” du Val de Loire qui sont mentionnées aux alinéas 5°, 6° et 7° de l’article 1er de leur arrêté du 29 mars 1978, relatives aux règles de production, de qualité, de grosseur, poids et présentation des pommes de table et aux modalités d’intervention sur les marchés et aux 8° et 9° relatives à la participation des producteurs au financement des fonds de gestion et de promotion, pour des dépenses liées aux disciplines qui ne pouvaient être étendues ; qu’en déclarant prorogée pour une nouvelle période de trois ans les dispositions illégales de cet arrêté le ministre de l’économie, le ministre du budget et le ministre de l’agriculture ont entaché d’illégalité leur arrêté du 28 avril 1981 ; que l’extension pour une nouvelle période de trois ans, des règles mentionnées aux 5° à 9° de l’arrêté du 29 mars 1978 ne saurait avoir pour base légale des dispositions de l’article 7 de la loi susvisée du 4 juillet 1980 qui a donné une nouvelle rédaction aux dispositions de l’article 16 de la loi du 8 août 1962, dès lors qu’en tant qu’elle autorise pour certaines matières l’extension de règles édictées par ses comités économiques agricoles, elle est incompatible avec les dispositions alors en vigueur du règlement du conseil des communautés européennes en date du 12 mai 1972 ; Sur la procédure : Considérant que la période triennale prévue par les dispositions législatives précitées de la loi du 8 août 1962 qui a commencé à courir le 14 avril 1978, date de publication au Journal Officiel de la République française de l’arrêté du 29 mars 1978, était expirée au moment où est intervenu l’arrêté du 28 avril 1981 ; qu’ainsi celui-ci doit être regardé, non comme une prorogation de l’arrêté précédent, mais comme un nouvel arrêté d’extension ; que l’intervention de la loi susvisée du 4 juillet 1980 qui a modifié les règles de procédure auxquelles est soumise l’extension des règles édictées par les comités économiques agricoles et n’est pas sur ce point incompatible avec le règlement du conseil des communautés européennes en date du 18 mai 1972, ainsi que le décret susvisé du 10 mars 1981 pris pour son application, ont modifié les circonstances de droit et de fait qui prévalaient lorsqu’avait été pris l’arrêté du 29 mars 1978 ; qu’ainsi les ministres ne pouvaient sans entacher leurs décisions d’une irrégularité de procédure se fonder sur les consultations qui avaient précédé cet arrêté pour prononcer une nouvelle extension sans qu’une nouvelle

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procédure, conforme aux dispositions nouvelles, ait été menée à son terme ; qu’il suit de là que sont également entachées d’illégalité les dispositions de l’arrêté attaqué relevant de la compétence des autorités nationales ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précéde, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, que M. X... est fondé à soutenir que l’arrêté du 28 avril 1981 est, dans l’ensemble de ses dispositions, entaché d’illégalité ; Sur la légalité de la délibération en date du 12 mars 1982 fixant le montant des cotisations Considérant que les conclusions de la requête de M. X... sont dirigées contre ladite délibération en tant qu’elle est opposable aux non-adhérents ; qu’elle a pour base l’arrêté du 28 avril 1981, entaché d’illégalité ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; qu’elle doit par voie de conséquence, être également déclarée illégale ; Article 1er : Il est déclaré que l’arrêté du ministre de l’économie, du ministre du budget et du ministre de l’agriculture en date du 28 avril 1981 et la délibération de l’assemblée générale du comité économique agricole “fruits et légumes” du Val de Loire en date du 12 mars 1982, en tant qu’elle fixe le montant des cotisations aux fonds de gestion et de promotion des pommes de table dues par des producteurs qui n’ont pas adhéré audit comité, sont entachés d’illégalité. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au comité économique agricole “fruits et légumes” du Val de Loire, au ministre de l’agriculture et de la forêt et au ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, chargé du budget. 4/ Le contentieux de l’interprétation Document n° 5 : Conseil d’État, 1re et 6e Sous-sections réunies, 24 février 2015, Chambre nationale des services d’ambulances, N° 372386. Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre 2013 et 14 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Chambre nationale des services d’ambulances demande au Conseil d’Etat d’interpréter la convention nationale des transporteurs sanitaires privés du 26 décembre 2002 et de déclarer que cette convention prévoit que la tarification des prestations de transporteurs sanitaires doit être revalorisée à due concurrence en cas d’augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le Code de la sécurité sociale ; - le Code de la santé publique ; - le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, conseiller d’Etat, - les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Chambre nationale des services d’ambulances et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ; 1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 322-5-2 du Code de la sécurité sociale : “ Les rapports entre les organismes d’assurance maladie et les entreprises de transports sanitaires sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales nationales les plus représentatives des ambulanciers et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie “ ; que selon l’article L. 162-14-1 de ce code, les conventions prévues à l’article L. 322-5-2 “ définissent : / 1° Les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels par les assurés sociaux (...) “ ; qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 322-5-1 du même Code : “ La participation de l’assuré versée aux prestataires de transports sanitaires est calculée sur la base des tarifs mentionnés aux articles L. 162-14-1 et L. 162-14-2 “ ; qu’en vertu de l’article L. 6312-3 du Code de la santé publique, la législation en vigueur sur les prix s’applique aux tarifs de transports sanitaires ; 2. Considérant que, sur le fondement de l’article L. 322-5-2 du Code de sécurité sociale, une convention a été conclue le 26 décembre 2002 aux fins d’organiser les rapports entre les entreprises de transports sanitaires privées et les caisses d’assurance maladie ; que la Chambre nationale des services d’ambulances demande au Conseil d’Etat d’interpréter cette convention, ses annexes et ses avenants et de déclarer que les tarifs des prestations des transporteurs sanitaires doivent, en cas d’augmentation du taux de la taxe sur

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la valeur ajoutée, être revalorisés automatiquement à due concurrence ; Sur les conclusions à fin de non-lieu : 3. Considérant qu’en raison du relèvement du taux de la TVA applicable aux transports par véhicules sanitaires légers, de 7 à 10 % à compter du 1er janvier 2014, un litige a opposé la Chambre nationale des services d’ambulances à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie sur le montant des tarifs que les transporteurs par véhicules sanitaires légers soumis à la convention du 26 décembre 2002 pouvaient appliquer à leurs prestations ; que, postérieurement à l’introduction de la requête, a été conclu le 25 mars 2014 un avenant n° 7 à la convention nationale des transporteurs sanitaires privés, dont l’approbation a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel de la République française du 4 juillet 2014, afin de réviser les tarifs applicables aux transports sanitaires, en tenant compte notamment du relèvement du taux de la TVA ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les tarifs résultant de cet avenant ne sont applicables que depuis le 1er janvier 2015 ; que des litiges sont encore susceptibles de naître s’agissant des conditions dans lesquelles la convention a été appliquée jusqu’à cette date ; que, dès lors, l’intervention de l’avenant n° 7 conclu le 25 mars 2014 ne rend pas sans objet le recours en interprétation présenté par la Chambre nationale des services d’ambulances ; qu’ainsi les conclusions à fin de non-lieu présentées par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie doivent être rejetées ; Sur les conclusions de la requête tendant à l’interprétation de la convention nationale des transporteurs sanitaires privés du 26 décembre 2002 : 4. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de cette convention : “ Les tarifs des transports sanitaires privés par ambulance remboursables que le transporteur sanitaire s’engage à respecter sont les tarifs fixés par avenant conventionnel, ils figurent à l’annexe tarifaire à la présente convention “ ; qu’en vertu de l’article 9 de la même convention, ces tarifs “ sont exclusifs, au regard du remboursement, de toute majoration ou de tout supplément autre que ceux prévus par l’annexe à la présente convention “ ; que selon l’article 19 du même texte : “ La présente convention donnera lieu à avenant en cas de modification des dispositions législatives ou réglementaires ayant une incidence sur les modalités de prise en charge, la tarification ou le remboursement des frais de transport afin d’en préciser leur application “ ; que l’ensemble de ces stipulations s’appliquent également aux transports effectués par véhicule sanitaire léger (VSL) en vertu de l’article 32 de cette même convention ; que l’annexe 2 de la convention, relative au tarif des VSL, précise que “ La présente annexe fixe les prix et les tarifs limites des transports sanitaires terrestres par VSL, effectués par des entreprises privées “ ; 5. Considérant qu’il résulte des dispositions citées au point 1 que la fixation par voie conventionnelle des tarifs applicables aux transports sanitaires a pour objet d’établir le montant des sommes prises en charge par l’assurance maladie en cas de transport sanitaire ainsi que la participation des assurés sociaux au financement de ces frais ; qu’en l’absence de disposition contraire, les stipulations de la convention du 26 décembre 2002 relatives aux tarifs des transports sanitaires doivent être interprétées en ce sens qu’elles définissent des tarifs incluant l’ensemble des charges et taxes, qui sont opposables aux professionnels, aux caisses d’assurance maladie comme aux assurés sociaux et qui ne peuvent être modifiés, en cas d’augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, que par la conclusion d’un nouvel avenant tarifaire ; Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : 6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Chambre nationale des services d’ambulances une somme de 3 000 euros à verser à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; DECIDE : Article 1er : Il est déclaré que les stipulations de la convention du 26 décembre 2002 relatives aux tarifs des transports sanitaires doivent être interprétées en ce sens qu’elles définissent des tarifs incluant l’ensemble des charges et taxes, qui sont opposables aux professionnels, aux caisses d’assurance maladie comme aux assurés sociaux et qui ne peuvent être modifiés, en cas d’augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, que par la conclusion d’un nouvel avenant tarifaire. Article 2 : La Chambre nationale des services d’ambulances versera à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Chambre nationale des services d’ambulances, à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des

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femmes et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la Fédération nationale des ambulanciers privés, à la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, à la Fédération nationale des artisans ambulanciers, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et à la Caisse nationale du régime social des indépendants.