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Genre

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Genre et handicap

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Genre

Les femmes en situation de handicap sont doublement

discriminées, du fait d’être femme et du fait d’être handicapée.

Cette double discrimination s’accentue encore dans les pays

du Sud, si bien que les femmes handicapées des pays du Sud

comptent parmi les plus pauvres de la planète. En effet, 70%

des personnes pauvres sont des femmes1. Et parmi les 300

millions de femmes handicapées, seulement 1% sont

alphabétisées. Elles sont aussi deux fois moins nombreuses

que les hommes à trouver un emploi2.

1P. RESTOUX, Le handicap et la solidarité internationale, Milan, Toulouse, 2008, p. 16

2Le forum européen des personnes handicapées (FEPH), le manifeste des élections européennes 2009 axe sur la prise en compte du

genre: Rien pour les femmes et les hommes handicapés sans les femmes et les hommes handicapés

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UNE DOUBLE DISCRIMINATION, INTERDITE DANS DE NOMBREUSES CONVENTIONS ET TRAITES INTERNATIONAUX ET NATIONAUX

I l est important d’abord de redéfinir la notion de « genre » qui a fait son apparition

progressive dans les années 80 et qui a été soutenue par différents mouvements de

femmes. L’approche par le « genre » met en évidence le fait que les rôles féminins et

masculins ne sont pas définis par le sexe (caractères biologiques), mais évoluent de

façon différente suivant les situations sociales, culturelles et économiques. Les relations

liées au sexe sont hiérarchisées, ce qui explique que certaines inégalités entre hommes

et femmes sont considérées comme normales.

La thématique « handicap et genre » est d’une importance considérable parce qu’elle

cumule deux problématiques se renforçant l’une et l’autre quand il s’y ajoute la ques-

tion de la pauvreté.

Premièrement, il est important de rappeler les engagements des principaux pays du

Nord lors de la conférence mondiale des Nations-unies sur les femmes à Pékin en 1995.

« Nous, gouvernements participant à la

quatrième Conférence mondiale sur les

femmes, [...] sommes convaincus que [...]

les droits des femmes sont des droits

fondamentaux de la personne ; nous

sommes résolus à [...] assurer l’égalité

d’accès à l’éducation et aux soins de santé,

ainsi qu’un traitement égal des femmes et

des hommes, et améliorer la santé en

matière de sexualité et de procréation

ainsi que l’éducation des femmes »3.

En ce qui concerne le handicap au travers de

la dimension « genre », la récente Conven-

tion internationale relative aux Droits des

Personnes Handicapées reconnaît que « les

femmes et les filles handicapées sont

exposées à de multiples discriminations »4.

Les Etats parties ratifiant cette Conven-

tion s’engagent à prendre les mesures

nécessaires afin d’assurer « le plein épanouissement, la promotion et l’autonomisation

des femmes, afin de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’Homme et des

libertés fondamentales »5.

Les droits fondamentaux garantis dans ces Conventions sont loin d’être une réalité pour

la plupart des femmes et des filles handicapées dans le monde. En effet, quel que soit

leur âge, les jeunes femmes et les filles handicapées sont parmi les plus vulnérables et

marginalisées de la planète.

LES DROITS DES FEMMES ET DES FILLES HANDICAPEES, BAFOUES AU NORD COMME AU SUD

Bien que violés au Nord comme au Sud, les droits des femmes handicapées font encore

plus défaut dans les pays du Sud, où règne la pauvreté économique.

L’accès à l’éducation6

« Le taux d’alphabétisation mondial des adultes handicapés est de moins de 3%. Il

atteint 1% dans le cas des femmes handicapées selon une étude du PNUD de 1998 »7.

En ce qui concerne les enfants et adolescents souffrant d’un handicap « moins de 5%

d’entre eux ont accès à l’éducation et à la formation. Les jeunes filles et les femmes se

trouvent face à d’importantes barrières lorsqu’il s’agit de participer à la vie sociale et au

développement »8.

Différents types d’obstacles peuvent être identifiés dans l’accès à l’éducation pour les

femmes handicapées :

Les difficultés d’accès aux transports et aux bâtiments concernent toutes les

personnes handicapées. Cependant, les obstacles structurels semblent plus

difficiles à surmonter pour les filles, généralement surprotégées.

Une étude menée en Ouganda, et présentée à l’occasion du sommet mondial de

l’OMS en 2004, démontre que lorsque les ressources financières sont maigres, la

priorité, notamment dans l’accès à l’éducation, est donnée aux enfants non handi-

capés, puis aux garçons handicapés.

Dans certaines cultures, les compétences des filles handicapées sont sous-

estimées, ce qui les cantonne à la sphère familiale. Comme les familles pensent que

la fille sera difficile à marier, il est prévu qu’elle reste au sein de sa famille tout au

long de sa vie, sans qu’il soit besoin de procéder à son éducation9.

Au niveau de la formation scolaire, les parents ont tendance à garder davantage les

filles ayant une déficience intellectuelle ou auditive à la maison par crainte qu’elles

ne soient victimes d’abus sexuels10.

6 Voir fiche thématique « 12. Education »

7Nations-Unies, Faits et chiffres sur les femmes handicapées, extrait, le 21 octobre 2009, http://www.un.org/french/disabilities

8Ibidem

9P. RESTOUX, Le handicap et la solidarité internationale, Milan, Toulouse, 2008, p. 17

10Voir fiche thématique « 22. Violence »

France, Priscil le Vincens, peintre indépendante. Elle a été

amputée de plusieurs membres suite à un grave accident.

© Jérôme Deya

3 Organisation Internationale de la Francophonie, Question du genre… , publié le 21 octobre 2004, consulté le 21 octobre 2009,

http://www.fidh.org/question-du-genre

4 Nations-Unies, Convention internationale sur les droits des personnes handicapées, disponible sur internet :

http://www.un.org/french/disabilities/convention

5 Ibidem

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La plupart des études montrent qu’au Nord

comme au Sud, le pourcentage de femmes

handicapées ayant accès à une formation

professionnelle est très peu élevé. Au

niveau de l’éducation, 15% des femmes

handicapées ont effectué des études

supérieures au sein de l’Union Européenne

contre 23% de la population féminine

vivant sans handicap11.

Hors, la formation professionnelle et

l’accès à l’éducation permettent davan-

tage d’autonomie notamment au travers

de l’apprentissage d’un métier. En con-

séquence, les personnes handicapées

restent fortement dépendantes de leur

entourage familial.

L’accès à l’emploi12

Si l’on se réfère à la parité des sexes, les femmes handicapées ont deux fois moins de

chances de trouver un travail que leurs homologues masculins. Le taux de chômage des

femmes handicapées est donc plus élevé. Ici aussi, l’image des rôles sexuels permet de

rendre compte de la difficulté d’accès à l’emploi pour une femme handicapée. Au sein

de l’Union Européenne, certaines statistiques démontrent que le taux d’emploi des

femmes handicapées est de 25%13.

Lorsqu’elles travaillent, ces femmes sont victimes de discriminations notamment au

niveau du recrutement. Par ailleurs, on observe une différence de salaire, pour un travail

égal, entre les femmes handicapées et les hommes handicapés : un écart de revenus de

39,4% existe entre une femme handicapée et un homme handicapé14. Les pays du Sud,

quant à eux, connaissent un taux de chômage et de pauvreté bien plus conséquent

encore que celui présent dans les pays du Nord, obligeant ainsi les femmes handicapées

à vivre dans une situation de grande précarité.

Pour toutes les femmes handicapées qui ne travaillent pas, on observe une dépendance

très forte de leur entourage pour survivre. De plus, parce que les femmes handicapées

courent beaucoup de risques en vivant seules (surtout après le décès de leurs parents

et en milieu urbain), elles vivent souvent sous le seuil de pauvreté et ne savent pas faire

face aux dépenses médicales occasionnées par leur handicap, ce qui peut l’aggraver15.

L’accès aux soins de santé16

Les difficultés d’accès aux soins de santé peuvent être un facteur à la fois causant et

aggravant le handicap. Rappelons aussi que, pour des raisons parfois culturelles, les

femmes ne peuvent se faire examiner ou

soigner par un homme, un étranger, etc.

« Les femmes handicapées, quelque soit

leur âge, ont souvent des difficultés à

accéder physiquement aux services de

santé. Les femmes souffrant d’un handicap

mental sont particulièrement vulnérables

alors qu’il existe, en général, une com-

préhension limitée de la grande variété

des dangers existants pour la santé men-

tale des femmes, dangers auxquels elles

sont exposées de façon disproportionnée.

Ils sont le résultat de la discrimination

homme-femme, de la violence, de la

pauvreté, des conflits armés, des déplace-

ments et d’autres formes de privation

sociale17».

La sexualité18

Si le droit à la sexualité est souvent reconnu pour les hommes handicapés, il est rare

qu’il soit reconnu pour les femmes handicapées, souvent considérées comme asexuées.

De nombreux préjugés portent sur l’idée que les filles handicapées n’ont pas de sexe et

n’ont pas le droit de trouver un partenaire. Comme elles ne correspondent pas toujours

aux critères traditionnels de séduction, elles se voient dépouillées de leur qualité de

femme et sont relayées au rang de non-personne19.

A titre d’exemple, en Afrique ou en Asie, une jeune fille aveugle est très dévalorisée et aura peu

de chance de se marier. Elle se retrouve ainsi exclue du rôle traditionnel d’épouse et de mère.

En effet, dans la plupart des régions du monde, le droit de fonder une famille et d’avoir des

enfants pour les personnes handicapées et plus encore s’il s’agit d’une femme, leur est nié.

Eduquées avec cette représentation et découragées par le corps médical d’avoir des

rapports sexuels, les femmes handicapées ne peuvent souvent accéder à leur sexualité et

leur statut de femme. Certains cas de stérilisations et d’avortements sans consentement

de la personne témoignent de ce fait.

De plus, il apparaît que les jeunes filles handicapées consultent rarement des gynéco-

logues, et sont peu informées à propos de la sexualité, ce qui les vulnérabilisent. 11Ibidem, p.36

12Voir fiche thématique « 9. Stéréotypes & préjugés, discrimination »

13P. RESTOUX, Le handicap et la solidarité internationale, Milan, Toulouse, 2008, p. 17

14Le forum européen des personnes handicapées (FEPH), le manifeste des élections européennes 2009 axe sur la prise en compte du genre:

Rien pour les femmes et les hommes handicapés sans les femmes et les hommes handicapés.

15P. RESTOUX, Le handicap et la solidarité internationale, Milan, Toulouse, 2008, p. 17

16Voir fiche thématique « 11. Santé »

17Organisation des Nations Unies, Faits et chiffres sur les femmes handicapées, extrait le 23 octobre 2009, http://www.un.org.

18Voir fiche thématique « 16. Famille, sexualité, parentalité »

19P. RESTOUX, Le handicap et la solidarité internationale, Milan, Toulouse, 2008, p. 16

Bénin, Lokossa, Centre de rééducation de Béthesda

© Jérôme Deya

Laos, fillettes à l ’école

© Koen Baetens - Handicap International

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VOIR FICHES THEMATIQUES- 10. Pauvreté

- 11. Santé

- 12. Education

- 13. Travail

- 16. Famille, sexualité, parentalité

VOIR ACTIVITES- 2. Un pas en avant !

- 7. Photo-langage

DATE-CLE8 mars : Journée internationale de la femme

Le droit à la sécurité

Les femmes et les filles handicapées sont

particulièrement exposées à la maltraitance. Au

Canada, des études ont montré que le taux de

violence physique et sexuelle sur les femmes

handicapées équivaut plus ou moins au double

par rapport aux autres femmes, alors que

celles-ci sont déjà plus sujettes à la violence

que les hommes20. Le risque de violence semble

s’accroître en fonction du degré de l’incapacité

et de la dépendance qui en résulte. Une petite

étude réalisée en Inde en 2004 montre que

presque toutes les femmes et filles handicapées

interrogées sont battues à domicile, 25% de

femmes déficientes intellectuellessont violées

et 6% des femmes handicapées stérilisées de

force21.

L’accès au logement

Les femmes handicapées sont davantage

discriminées dans la recherche d’un logement

que les hommes handicapés. Comme on a

pu le voir précédemment, le pourcentage de femmes handicapées, ayant l’opportunité

de faire des études ou des formations, est très faible. Il en découle un accès à l’emploi

réduit, et dès lors, de plus faibles rentrées financières. Le coût d’un logement étant con-

séquent, les femmes handicapées se retrouvent exclues de la course aux logements

décents. Si on ajoute à cela l’impossibilité pour elles d’obtenir un crédit et la montée de

certaines pratiques traditionnelles discriminatoires, les femmes handicapées se retrou-

vent contraintes à être placées en institutions22.

VERS UNE EGALITE DES GENRES

I l est essentiel de se soucier de l’amélioration des conditions de vie des femmes handi-

capées si l’on veut réduire le taux de pauvreté mondiale, comme le préconise un des

Objectifs du Millénaire.

De façon générale, nous pouvons remarquer que les femmes et filles handicapées

rencontrent les mêmes problèmes que le reste des populations pauvres des pays du

Sud ; mais de façon exacerbée. Si l’on veut que les programmes de développement

aient un impact sur les femmes et les filles handicapées, il faut prendre en considération

deux éléments lors de l’élaboration de ces programmes : d’une part l’intégration trans-

versale du handicap et d’autre part celle du « genre ».

20C. BLASCO, Handicap, femmes et mondialisation, consulté le 20 novembre 2009, <http://www.afmeg.info/spip.php?article129>

21Voir fiche thématique « 20. Violence »

22Organisation des Nations Unies, Faits et chiffres sur les femmes handicapées, extrait le 23 octobre 2009, http://www.un.org

Cambodge, handi-sport

© Phil ippe Revell i - pour Handicap International

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