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Ilse Köhler-Rollefson Gestion à base communautaire de la diversité zoogénétique Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH

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Ilse Köhler-Rollefson

Gestion à base communautairede la diversité zoogénétique

Deutsche Gesellschaft fürTechnische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH

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Ilse Köhler-Rollefson

Gestion à base communautairede la diversité zoogénétique

Eschborn, janvier 2001

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Publié par :

Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbHProjet : Gestion de biodiversité agricole dans les zones tropicalesSection 4556B.P. 518065726 Eschborn, AllemagneAnnette von LossauEmail : [email protected] WeiskopfEmail : [email protected] d’accueil : http ://www.gtz.de/agrobiodiv

Auteur : Dr. I. Köhler-Rollefson, Ober-Ramstadt, Allemagneemail : [email protected]

Traduction : Catherine Isner-Kaeuffer(Service linguistique de la GTZ)

Photo de la pagede couverture : Dr. I. Köhler-Rollefson

Dessin de la page de couverture : Wiebke Enwaldtfigur1, Berlin, Allemagne

Email : [email protected]

Conception graphique : Gerlinde Quiter, GTZ, Section 4556email : [email protected](TZ/I/0101/0,5)

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TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES.........................................................................................................i

RÉSUMÉ..................................................................................................................................1

INTRODUCTION......................................................................................................................2

1 CONTEXTE ......................................................................................................................4

1.1 Gestion traditionnelle à base communautaire de la diversité génétique desressources animales ...............................................................................................4

1.1.1 Objectifs de la sélection...............................................................................41.1.2 Pratiques d’élevage et de reproduction.......................................................51.1.3 Concepts locaux relatifs aux races .............................................................7

1.2 Processus compromettant la gestion à base communautaire de ladiversité zoogénétique ............................................................................................8

2 APPROCHES À BASE COMMUNAUTAIRE DE PRÉSERVATIONDE LA DIVERSITÉ ZOOGÉNÉTIQUE ............................................................................10

2.1 Sélection conservatrice à base communautaire de races de bétail.......................10

2.2 Pré-requis de la sélection conservatrice à base communautaire ..........................11

2.3 Développement à base communautaire de races locales .....................................13

2.4 La préservation des races en tant que composante du développementrégional et de la protection des habitats.................................................................16

2.5 Le concept de la « prise en charge communautaire » ...........................................16

2.6 Le rôle des femmes dans la gestion des ressources génétiquesdes animaux d’élevage ...........................................................................................17

2.7 Partage des bénéfices : reconnaissance des droits des éleveurs etsélectionneurs .........................................................................................................18

3 DISCUSSION ET CONCLUSIONS..................................................................................18

3.1 Contraintes de la coopération au développement..................................................18

3.2 Potentiel pour la coopération au développement ...................................................19

3.2.1 Au niveau local ............................................................................................203.2.2 Au niveau national .......................................................................................203.2.3 Au niveau international ................................................................................21

3.3 Conclusions.............................................................................................................21

4 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................23

5 REMERCIEMENTS..........................................................................................................27

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Gestion à base communautaire de la diversité zoogénétique

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RÉSUMÉ

Dans les pays en développement, la diversité des animaux domestiques se maintient grâceaux communautés agricoles et pastorales traditionnelles, qui gèrent leur cheptel en accordavec leurs connaissances traditionnelles et avec les contraintes écologiques locales. Dansles milieux à aptitude marginale surtout, les races locales jouent un rôle décisif pour lemaintien durable des systèmes de production ruraux dans la mesure où elles fournissent unlarge éventail de produits tout en étant relativement peu exigeantes en intrants, et notammenten fourrage, en mesures de gestion et en soins de santé. Leur entretien est donc davantagecompatible avec les impératifs écologiques et la charge de travail qu’elles impliquent pour lesfemmes est plus faible par comparaison avec les races améliorées. Cependant les forceséconomiques de la mondialisation et l’encouragement politique des métissages avec desraces exotiques ont, entre autres facteurs, largement contribué à faire disparaître un grandnombre de ces races locales et à menacer de disparition un plus grand nombre d’entre ellesencore.

La conservation de la diversité génétique des races d’élevage restantes, telle que stipuléedans la Convention sur la diversité biologique (CDB), nécessite donc une vaste réorientationdes stratégies générales ainsi que des initiatives plus spécifiques. Les activités pouvant êtremises en œuvre dans le cadre de la Coopération technique incluent, au niveau desorganisations de la base, l’appui aux recherches sur les connaissances locales et lerenforcement des capacités des ONG et, au niveau national, l’abandon des stratégiespréconisant le métissage avec des races exotiques en faveur de la sélection et dudéveloppement de races locales, la formation du personnel des agences aux techniquesparticipatives, la prise en compte de l’élevage traditionnel dans la planification de l’utilisationdes terres et l’aménagement régional de même que la création d’un environnement favorableà la commercialisation des produits. Au niveau international, il convient de vérifier le bien-fondé des subventions et du soutien fourni à la sélection par croisement ainsi que d’étendrela protection de la propriété intellectuelle aux communautés agricoles et pastorales ayantcréé des races uniques.

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INTRODUCTION

La Convention sur la diversité biologique (CBD) préconise de préserver la biodiversité dans« l’environnement » dans lequel elle s’est développée. Dans le cas du bétail d’élevage, cet« environnement » fait référence à la multitude de communautés agricoles et pastorales quiont veillé à la diversité existante des animaux domestiques et qui, à partir d’un petit nombred’espèces domestiquées, ont créé les quelque 4 000 races de bétail et de volaillesreconnues.

La gestion à base communautaire des ressources zoogénétiques constitue une forme deconservation in situ distincte qui, à maints égards, présente de nets avantages par rapport àla conservation in situ « à la ferme », dans des zoos ou dans des réserves. D’une part, lesraces locales sont les produits d’environnements écologiques et culturels spécifiques, et onmodifierait leur constitution et leur intégrité génétiques si on les retirait de leurs milieuxd’origine. Le transfert de populations d’animaux domestiques dans le milieu contrôlé defermes étatiques constitue un danger dans la mesure où leur faculté d’adaptation risque des’éroder graduellement. D’autre part, les races animales ne sont pas statiques mais sont enpermanence soumises à des processus de formation et d’adaptation les mettant à même deréagir à des conditions écologiques et économiques changeantes. Il est unanimementreconnu que, contrairement aux ressources phytogénétiques, la diversité génétique desressources animales ne peut être préservée que grâce à l’utilisation et l’exploitation. C’estpourquoi la « préservation » de ces ressources requiert nécessairement le soutien actif desexploitants qui possèdent et utilisent ces animaux. Dans la perspective globale du maintiende la diversité génétique des animaux d’élevage en vue de conserver certaines

« S’il est vrai que la diversité biologique agricole ne peut être préservée sans le concours descommunautés agricoles, il est vrai également que la communauté agricole ne peut survivresans la diversité biologique agricole. » (RAFI )

ENCADRÉ 1 :

La diversité des animaux domestiques est constituée par la diversité au niveau desespèces et la diversité au niveau des races.

Au niveau des espèces, on constate qu’un peu plus de 40 espèces seulement sontutilisées à des fins agricoles et que 14 d’entre elles réalisent 90% de la production totale.

Ces espèces domestiquées ont été diversifiées par l’action de l’homme en races, dont lenombre estimé s’élève à 4 000 environ. Le terme « race » est difficile à définir mais estcompris le plus souvent comme « un groupe d’animaux domestiques présentant descaractéristiques externes définissables et identifiables, qui le distinguent d’autresgroupes au sein de la même espèce ».

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caractéristiques génétiques, on trouve donc de solides arguments pour justifier lapréservation « à base communautaire » par opposition à la conservation « à la ferme » desraces d’élevage.

Dans le contexte de la coopération au développement, la préservation « à basecommunautaire » se justifie plus impérieusement encore par ce qui a été qualifié deperspective « centrée sur les personnes ». Cette dernière s’appuie sur le constat selon lequelles types d’animaux d’élevage (les races aussi bien que les espèces) continuent de former labase des systèmes ruraux de subsistance de même que l’identité culturelle de nombreuxgroupes d’agriculteurs et d’éleveurs.

On connaît de nombreux cas dans lesquels la substitution aux races traditionnelles de racesexotiques très exigeantes en intrants ou l’affaiblissement des premières à la suite decroisements ont rendu les communautés locales tributaires de fournitures et de subventionsextérieures et les ont rendues vulnérables aux catastrophes écologiques. Dès lors que lesapports d’intrants cessent, l’élevage des animaux de race améliorée n’est plus faisable sur leplan technique et n’est plus rentable sur le plan économique. En cas d’extinction du chepteltraditionnel, les populations se trouvent en position encore plus critique qu’auparavant.

Alors que la nécessité de préserver la diversité des ressources zoogénétiques au niveaucommunautaire est incontestée, il est rare que des projets voués à cette cause aient étéentrepris dans le contexte de la coopération au développement. Les approches mises enœuvre dans le but de développer l’élevage mettaient souvent l’accent sur l’accroissement dela productivité et, en promouvant l’introduction de races exotiques (par substitution oucroisement), sapaient à la base la capacité des communautés à gérer leurs ressourcesgénétiques animales. L’adoption, dans les années 90, d’une politique de développementcentrée sur les populations a donné naissance à des projets qui, s’ils ne visaient pasexplicitement à préserver la diversité des animaux domestiques, présentaient au moinsl’avantage de ne pas compromettre toutes les chances d’atteindre cet objectif. Certainsd’entre eux avaient pour mission de soutenir les systèmes pastoraux et peuvent même ainsiavoir contribué au maintien ou à la préservation des races.

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1 CONTEXTE

1.1 Gestion traditionnelle à base communautaire de la diversitégénétique des ressources animales

La diversité des ressources zoogénétiques des pays en développement est le produit desconditions environnementales locales combinées aux stratégies d’élevage des communautéstraditionnelles. La biodiversité intraspecies (la différenciation des espèces en un grandnombre de « races » différentes) est l’aboutissement de l’effort de nombreusescommunautés1 différentes gérant leur cheptel dans des habitats et niches écologiques aussinombreux que variés, et manipulant la composition génétique de ce dernier en fonction desbesoins spécifiques de leur environnement, de leurs systèmes de production et de leurspropres préférences ou objectifs d’élevage. La conviction selon laquelle le cheptel dans lespays en développement a uniquement évolué sous l’influence de l’environnement et n’a pasété modifié par l’intervention de l’homme est largement répandue dans les milieuxspécialisés. Cependant, des compilations récentes des connaissances traditionnelles sur lasélection animale (« indigenous animal genetic resource management ») réfutent cetteanalyse. Certains aspects des méthodes utilisées par les communautés pastorales et lescommunautés agricoles mixtes pour gérer leurs ressources zoogénétiques sont décrites ci-dessous :

1.1.1 Objectifs de la sélection

Les objectifs de sélection sont considérablement plus variés dans les communautéstraditionnelles que dans les systèmes de production intensifs et intègrent de nombreuxaspects autres que le rendement élevé des produits commerciaux (viande, lait). Ils peuventinclure des préférences esthétiques (couleur de la robe et répartition des couleurs), desimpératifs religieux et des aspects comportementaux, tels que caractère facile, bon instinctmaternel, aptitude à vivre en troupeau, aptitude à franchir de longues distances et loyautévis-à-vis du propriétaire de l’animal. La prévention des risques, et notamment l’aptitude dubétail à supporter des conditions climatiques extrêmes (sécheresse, etc.), est un autre aspectrevêtant davantage d’importance qu’une productivité élevée.

1 S’agissant de l’élevage, il est préférable de définir le terme de ”communauté” par référence à un

groupe social ou ethnique plutôt que par référence à un village.

« Ce n’est pas l’élevage des animaux en soi mais la combinaison des connaissances que lespopulations rurales ont de leur environnement et de la manière dont elles gèrent leurscheptels qui permet de maintenir la diversité des animaux domestiques. » (ITDG, 1996).

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1.1.2 Pratiques d’élevage et de reproduction

Les éleveurs traditionnels ont mis au point une multitude d’institutions et de mécanismes leurpermettant d’optimaliser la qualité génétique de leurs animaux en fonction des contraintesque leur impose l’environnement dans lequel ils vivent.

Restrictions sociales à l’encontre de la vente d’animaux de reproduction femelles en dehorsde la communauté

De nombreuses sociétés pastorales ont institué des restrictions, voire même des tabous,interdisant la vente d’animaux de reproduction femelles à des tiers n’appartenant pas à lacommunauté (c’est-à-dire la tribu ou la caste) parce qu’elles considèrent que ces animauxfont partie de leur « capital ». Cette attitude peut être observée parmi la quasi-totalité detoutes les communautés pastorales élevant des camélidés mais aussi parmi les éleveursd’autres races animales. Ainsi, la communauté pastorale des Raika, au Rajasthan, apromulgué un règlement de caste voulant qu’aucune brebis ne soit cédée à quiconquen’appartient pas à la communauté.

Échange d’animaux

En revanche, l’échange d’animaux entre membres d’une même communauté, sous forme deprêts et d’alliances, est généralement encouragé, et cette mesure peut contribuer à introduiredu sang frais ou à améliorer le cheptel. Au Lesotho et en Zambie occidentale, la pratique dumafisa prévoit le placement de la vache familiale dans un troupeau ayant un taureau de racesupérieure. Au bout de plusieurs années, la vache retourne chez elle avec sa descendance« améliorée ». Dans l’intervalle, la famille d’accueil peut utiliser le lait supplémentaire produitpar la vache. Dans de nombreuses sociétés pastorales, la communauté peut également avoiraccès à des animaux appartenant à des particuliers.

Sélection

La sélection concentre la majeure partie de ses efforts sur les animaux mâles, qui sontgénéralement choisis sur la base de leurs performances vis-à-vis des femelles, de leurpuissance et de leur vitalité ainsi que de leur phénotype. Certaines communautés pastoralestelles que les Baggara, au Soudan, rejettent les vaches qui n’acceptent pas leurs veaux.

Contrôle de la descendance

Les éleveurs de camélidés, y compris les Somali et, en Inde, les Raika, commencent paraccoupler leurs mâles avec un nombre restreint de femelles. Ce n’est que si les premiers nésde la descendance ont les qualités voulues quant à la vigueur et l’apparence que le père estutilisé plus largement pour la reproduction.

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Propriété collective des animaux de reproduction mâles

Les animaux mâles utilisés à des fins de reproduction sont souvent considérés davantagecomme un bien commun que comme propriété privée. Au Rajasthan, le taureau du village esttraditionnellement sélectionné et entretenu par l’ensemble de la communauté. Les villageoismettent leurs ressources en commun pour acheter un taureau à un sélectionneur réputé, separtagent l’entretien de l’animal en apportant une quantité déterminée de graines et defourrage vert par ménage, emploient un gardien et décident en commun de la date à laquelleils se sépareront de l’animal pour éviter les problèmes de consanguinité (généralement aprèstrois ou quatre ans) et de la manière dont ils le feront.

Parmi les éleveurs de camélidés appartenant à l’ethnie des Raika, le propriétaire d’unreproducteur mâle de bonne qualité a l’obligation de partager les services de ce dernier avecles propriétaires d’autres camélidés femelles. Il est pratiquement impossible de rejeter lesdemandes émanant d’autres membres de la communauté même au risque que le mâle soitsurmené.

Prévention de la consanguinité

Certains groupes évitent scrupuleusement la consanguinité alors que d’autres n’y voientaucun inconvénient. L’attitude adoptée reflète souvent les pratiques matrimoniales. Parexemple, les bédouins arabes constituent une société endogame qui ne défend pas laconsanguinité alors que les pasteurs du Rajasthan, où l’exogamie est pratiquée, ne lapermettent jamais.

ENCADRE 2 : Rôle des communautés pastorales dans la préservation de ladiversité des animaux domestiques

Compte tenu de leur plus forte dépendance vis-à-vis des animaux, les communautéspastorales se sont particulièrement employées à développer des pratiques desélection et d’élevage contribuant à protéger et à accroître leur base de ressources.Les agriculteurs considèrent souvent que les races créées par les pastoralistes sont dequalité supérieure. Les communautés pastorales gardent leurs animaux dans desconditions proches de celles rencontrées dans la nature ; c’est pourquoi les racesqu’elles élèvent sont davantage susceptibles de conserver les caractères revêtant leplus grand intérêt du point de vue de la « ressource génétique ».Parce qu’elles se sentent souvent responsables du sort réservé à leurs animaux et dubien-être de ces derniers, les communautés pastorales semblent être prédisposées àjouer un rôle déterminant dans la préservation de la diversité génétique des animauxdomestiques.

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Castration

La castration des animaux mâles jugés non aptes à la reproduction est un mécanismeimportant pour conserver ou améliorer les qualités recherchées. La qualité supérieure ducheptel dans la région de Marwar, au Rajasthan, a été attribuée au fait que tous les animauxmâles non souhaités pour la reproduction ont été castrés. Cependant, la pratique de lacastration s’est trouvée compromise par le manque de personnes disposées à accomplircette tâche socialement dégradante. Les membres de la caste des Satya, quitraditionnellement s’acquittaient de cette besogne, ne sont plus disposés aujourd’hui à fairece travail, ce qui a des conséquences graves pour la qualité du cheptel. Cependant, il existeaussi certains exemples de cultures (par exemple à Madagascar) dans lesquelles lesanimaux les plus vigoureux et les plus forts sont castrés à des fins d’engraissement, ce quise traduit par une sélection négative.

Élevage généalogique

De nombreuses communautés pastorales et agropastorales gardent en mémoire tous lesdétails caractérisant l’ascendance de leurs animaux, et ce parfois jusqu’à sept générationsprécédentes. Les animaux sont souvent considérés comme les descendants de lignéesfemelles.

Conservation de la faculté d’adaptation

Quand des Fulani émigrent dans de nouvelles régions, ils s’efforcent d’acheter des taureauxet des béliers locaux afin d’assurer que leurs troupeaux conservent leur faculté d’adaptationaux maladies locales

1.1.3 Concepts locaux relatifs aux races

Les systèmes scientifiques de classification des races ne tiennent pas compte desperceptions indigènes et ne correspondent pas aux terminologies locales. En Inde, parexemple, ils se fondent sur des données collectées à l’époque coloniale, et c’est seulement

ENCADRE 3 : Institutions traditionnelles : Gaushala

Un exemple de mécanisme traditionnel de maintien de la diversité génétique nous est livrépar les Gaushalas (littéralement : gardiens de vache) que l’on trouve dans de grandesparties de l’Inde. Même si, dans l’Ouest, ils sont souvent tournés en dérision à cause deleurs motivations religieuses, ils remplissent généralement une fonction tampon importanteen accueillant et en nourrissant les animaux dans les périodes de stress/sécheresse et enles rendant à la communauté par la suite. Les Gaushalas sont considérés par le ministèrede la Production animale du Rajasthan, en Inde, comme des partenaires sérieux qu’ilimporte d’unir aux efforts de préservation des races animales locales.

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maintenant que ces systèmes de classification font l’objet d’une certaine révision. Bien queles communautés agricoles et pastorales ne soient généralement pas conscientes desconcepts scientifiques de races, elles font souvent des distinctions très élaboréesdébouchant sur un système de classification locale souvent plus affiné que le systèmeofficiel. Ainsi par exemple, il n’y aurait de l’avis des scientifiques qu’une seule race asine enInde alors que les populations locales distinguent au moins trois types différents présentantdes phénotypes distincts et originaires de régions différentes. Selon toute probabilité, cestypes distincts représenteraient également des races différentes selon les normesscientifiques. De manière analogue, les scientifiques avaient ignoré une race locale dechameaux, en Inde, alors que cette race était connue de longue date pour ses bonsrendements de lait et était même utilisée par les éleveurs locaux pour améliorer d’autresraces. Il est très probable que l’intégration du patrimoine de connaissances traditionnellesdans la documentation scientifique allongera considérablement la liste des races ou souchesreconnues.

La valeur généalogique, voire même l’identité, de nombreuses races locales reste confuse.Par exemple, les bovins Tharparkar, une race présentant un bon potentiel laitier dans desconditions arides, est souvent dite menacée d’extinction mais les estimations de la taille de lapopulation actuelle varient considérablement. Certains experts considèrent commeTharparkar l’ensemble de la population bovine des deux districts dans lesquels on larencontre, ce qui porterait cette dernière à plusieurs dizaines de milliers de têtes de bétail.D’autres prétendent que seuls quelque 200 bovins élevés dans les ranches d’État peuventêtre recensés comme Tharparkar. Par ailleurs, pour la population locale, le terme Tharparkarest insignifiant – elle parle des Sindhan. L’absence d’une terminologie et de conceptscommuns constitue un sérieux obstacle à la formalisation de la diversité des animauxdomestiques.

Les travaux de typologie des races ont toujours mis l’accent sur les phénotypes et lescaractéristiques de production des différentes races. Or, il serait important, en plus desaspects physiologiques et comportementaux, de documenter le(s) nom(s) et les conceptslocaux qui s’y attachent de même que leurs dimensions sociales, c’est-à-dire la connaissancedes institutions et des objectifs de sélection qui les ont façonnées.

1.2 Processus compromettant la gestion de la diversitézoogénétique à base communautaire

On a identifié de nombreux processus exerçant une influence néfaste sur la capacité descommunautés à préserver leurs races locales traditionnelles et contribuant ainsi à l’érosionde la diversité des animaux domestiques. Il s’agit notamment des processus suivants :

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Promotion de races exotiques et croisements

On connaît de nombreux cas dans lesquels la promotion de races exotiques a pratiquemententraîné l’extinction des races locales. Deux exemples rapportés récemment concernent larace bovine Nguni en Afrique du sud et la race porcine Criollo au Mexique. Dans ces deuxcas, les éleveurs ont été encouragés à abandonner leurs races traditionnelles pour des races« améliorées », plus productives. Cependant, suite aux changements intervenus au niveaude l’économie nationale et à la suspension des aides externes, il s’est avéré que cesdernières n’étaient pas viables sur le plan économique. Dans l’intervalle, les racestraditionnelles avaient presque disparu et des efforts sont mis en œuvre actuellement afin deréapprovisionner les éleveurs en animaux de la race locale. La pratique populaire consistantà améliorer les races locales en les croisant avec des races exotiques a elle aussi souventconduit à la disparition presque totale des premières.

Perte de la base de ressources

Cette situation concerne principalement les races et espèces élevées par des éleveursnomades. Quand l’aliénation des parcours collectifs force les éleveurs à renoncer à leuractivité économique, les races ayant co-évolué avec eux disparaissent également.

Absence de demande émanant du marché

Par suite de déplacements de la demande économique, les animaux peuvent perdre leurvaleur marchande. Cela a été le cas, par exemple, de plusieurs races bovines utilisées pourla traction animale en Inde, tels que les Nagauri et les Tharparkar.

Perte des connaissances et institutions traditionnelles

Quand une race perd de son intérêt économique, que ce soit par suite de la disparition de sabase de ressources ou parce que ses produits ne sont plus demandés, ce processuss’accompagne souvent de la désintégration des institutions traditionnelles qui y étaientassociées. Au Rajasthan, par exemple, la pratique consistant à élever un taureau à l’échelonde la communauté villageoise a disparu dans les régions où l’élevage bovin n’est plus lucratifet n’est plus pratiqué que pour des motifs religieux.

Conflits politiques

La guerre peut être directement et indirectement à l’origine de la disparition de races parsuite d’extermination dans la zone des conflits ou par suite de déplacements dans d’autresrégions où il se produit un métissage avec d’autres races.

Catastrophes naturelles

La sécheresse, les cyclones et les inondations comme récemment à Orissa, en Inde, peuvententraîner l’extinction de populations et races animales.

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2 APPROCHES À BASE COMMUNAUTAIRE DEPRÉSERVATION DE LA DIVERSITÉ ZOOGÉNÉTIQUE

2.1 Sélection conservatrice à base communautaire de races debétail

Il n’existe pratiquement pas de projets de coopération au développement dans lesquels lescommunautés locales ont été activement associées aux efforts déployés pour préserver desraces animales considérées comme étant menacées d’extinction. L’un des rares exemplesdans lequel la participation des populations locales a été recherchée concerne la chèvre dela race Jamnapuri, en Inde, où les efforts de documentation de l’Institut central de recherchesur les caprins ont été favorablement accueillis par les agriculteurs. Un autre exemple portesur les efforts de conservation entrepris par un groupe religieux en faveur de bovidés desraces Haryana et Sahiwal, en Inde, et le troisième cas concerne ces éleveurs de bovins duBotswana qui ont tenu à conserver leurs races locales traditionnelles plutôt que d’adopter destypes améliorés.

ENCADRÉ 4 : Facteurs à l’origine de la disparition de la race Tharparkar

Une séance de diagnostic rural rapide avec des agriculteurs a permis de dégager plusieursfacteurs expliquant la disparition de la race bovine Tharparkar, à savoir :

• Après la partition du pays, la plupart des animaux de race pure se sont retrouvés ducôté pakistanais de la frontière. Auparavant, les éleveurs de bovins conduisaient leurstroupeaux en transhumance saisonnière, mais cette pratique est devenue impossibleaujourd’hui.

• Quelque temps plus tard, les laitiers du Jodhpur ont acheté une grande partie du cheptelrestant d’animaux de haute qualité.

• La zone d’élevage de bovins de la race Tharparkar a été infiltrée de bovins appartenantà d’autres races (Kankrej dans le sud et Rathi dans le nord) en quête de fourrage. Il s’enest suivi des croisements et une dilution non intentionnels.

• La base fourragère, qui était abondante autrefois, s’est dégradée en partie par suite del’arrivée massive d’animaux venus d’autres régions.

• Depuis que la demande d’animaux mâles comme bœufs de trait a chuté et que cesanimaux ne peuvent pas être légalement vendus comme animaux de boucherie, lesagriculteurs ont perdu tout intérêt à élever ces animaux.

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Un exemple de participation communautaire initiée par les pouvoirs publics nous est livré parles efforts de conservation de la race caprine Hu, déployés par le gouvernement chinois. Lapopulation de chèvres pur sang Hu restante a été placée auprès d’agriculteurs qui ne sontpas autorisés à vendre, à abattre ou à échanger un seul de ces animaux sans permissionofficielle et qui sont dédommagés par l’attribution d’une subvention. L’élevage de toute autrerace de chèvres dans la zone centrale du projet est interdite. Un livre généalogique est tenuet les sujets dont les performances sont les moins bonnes sont éliminés. Malheureusement,la demande de produits de cette race reste faible de sorte que les perspectives de réussitede cette sélection conservatrice ne sont pas jugées bonnes.

Le terme « conservation à base communautaire » a été employé pour la première foisdans une proposition concernant un projet de recherche sur le porc de la race « i ». Étantdonné que l’élevage porcin revêt une importance économique considérable au Viêt-Nam, desefforts ont été entrepris en vue d’améliorer la productivité des races locales en les croisantavec des races porcines exotiques. Ayant pris conscience du danger que ces croisementsfaisaient courir aux races porcines autochtones, qui présentent de nombreux avantages,l’Institut national de zootechnie s’efforce aujourd’hui de sauver la race « i », extrêmementmenacée, en distribuant des porcs de pure race aux agriculteurs. L’objectif du projet consisteà évaluer les perceptions des agriculteurs, leur degré d’adhésion au programme et lesavantages économiques comparatifs de l’élevage de races porcines traditionnelles. Le projetexaminera également la possibilité d’étendre l’approche adoptée à d’autres races telles queles races Mong Cai et Meo.

2.2 Pré-requis de la sélection conservatrice à basecommunautaire

Compte tenu des contraintes rencontrées dans les pays en développement, les principalesconditions nécessaires pour préserver une race ou une espèce dans un contextecommunautaire sont, d’une part, l’existence d’un créneau économique, c’est-à-dire d’unedemande de produits issus d’animaux de la race concernée et, d’autre part, des pâturageset/ou une base fourragère suffisante. Pour garantir que ces conditions soient réunies, il estindispensable de disposer d’un soutien politique approprié. Ce n’est que si ces critères sontsatisfaits que les apports techniques et organisationnels d’organismes extérieurs sontsusceptibles d’accroître les chances de survie d’une race.

Ø Stimulation de la demande

Plusieurs exemples, dont certains proviennent de pays en développement, montrent que lastimulation de la demande de produits spéciaux peut contribuer à la survie d’une race.

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Fibres spéciales destinées à l’artisanat

Au Brésil, le mouton lainier de la race Criollo produit naturellement une laine de couleur quel’industrie achète à très bas prix. Après que les paysans ont été formés à filer et à tisser cetype de laine, la demande de laine a rapidement progressé et, par conséquent, le nombredes troupeaux également.

Dans le sud-ouest des États-Unis, le mouton Navajo-Churro était en voie d’extinction dansles années 70 et les tisserands américains de la région avaient commencé à utiliser de lalaine importée provenant de moutons de la race Karakul. Les quelques moutons Navajo-Churro restants ont été sauvés dans le cadre d’une action concertée. Leur reproduction parsélection des caractères traditionnels de la race a permis d’augmenter leur cheptel. Il existe àprésent une organisation active de sélectionneurs ; le mouton Navajo-Churro fournit ànouveau des toisons utilisées dans la confection des tissages américains et fait partie de laculture indigène.

Produits alimentaires spéciaux

Les produits de races locales possèdent souvent des qualités qui les distinguent positivementdes produits génériques.

La population de bovins Reggiano dans le nord de l’Italie, dont le lait était utilisé pourfabriquer le parmesan, avait fortement diminué et seules quelques centaines de têtes debétail subsistaient encore. Les sélectionneurs se sont formés en groupement et ont décrétéque la dénomination Parmesan devait être exclusivement réservée au fromage fabriqué àpartir de lait de vaches de la race Reggiano. Par suite de cette mesure, leur situationéconomique s’est considérablement améliorée et le cheptel a fortement augmenté.

De manière similaire, au Rajasthan, le lait des vaches de la race locale a une teneur enmatière grasse plus élevée et est considéré par les populations locales comme bien plussavoureux et nutritif que le lait des vaches issues de croisements. La commercialisation dece lait sous une marque distincte permettrait certainement de stimuler la demande de ceproduit.

Écotourisme

Les Gujjars, dans l’État indien Uttar Pradesh, pratiquent un système de transhumance etélèvent un type spécial de buffles qu’ils conduisent sur les sommets de l’Himalaya en été.Quand leurs parcours naturels ont été déclarés réserve nationale, les Gujjars et leurs bufflesont d’abord été évincés de la région. Cette décision ayant été attaquée en justice, un planmixte de gestion des forêts a été élaboré ; aujourd’hui, les buffles fournissent du lait à desmilliers de touristes et pèlerins. Sans cette possibilité d’acheter le lait directement auproducteur, les quantités de déchets et d’ordures provenant des paquets et boîtes deconserve seraient probablement considérablement plus importantes.

Au Népal, la survie du mouton de la race Baruwal et des chèvres Sinhal dépend du maintien

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du système de production transhumant traditionnel. Il a été suggéré de combiner le systèmed’élevage migratoire des ovins et caprins avec des activités de tourisme écologique dans lesrégions de haute montagne. Une telle approche pourrait connaître un avenir prometteur danscette région du Népal, où les chèvres sont traditionnellement utilisées comme animaux debât.

Ø Base de ressources et disponibilités fourragères

Même une forte demande de produits issus d’une certaine race ou espèce ne peut suffire àpréserver cette dernière si les disponibilités fourragères ne sont pas suffisantes et si leproblème de l’alimentation des animaux n’est pas résolu.

Ø Soutien politique et institutionnel

La préservation et le développement des races locales doivent bénéficier d’un appui politiquegarantissant l’accès des animaux à des pâturages et d’un appui institutionnel pour letraitement et la transformation des produits ainsi que pour la création d’un environnementcommercial adéquat.

2.3 Développement à base communautaire de races locales

Les zootechniciens ont longtemps soutenu que l’amélioration génétique de populationsanimales par voie de sélection intraspecies était un processus très lent qui ne valait pas

ENCADRE 6 : Le maintien de la base fourragère requiert des changementspolitiques

Le chameau est un élément important de la biodiversité agricole et de l’héritage culturel duRajasthan. La population de chameaux a considérablement régressé bien qu’elle reste unesource de puissance de traction essentielle pour les couches plus pauvres de lacommunauté rurale. L’ONG « Lokhit Pashu-Palak Sansthan » a conduit des travaux derecherche-action afin de dégager les causes susceptibles d’expliquer le phénomène. Elle aconstaté que les éleveurs de chameaux renonçaient de plus en plus à cette spéculation, etce malgré des prix élevés, qui de plus augmentaient dès lors que les prix du dieselenregistraient une hausse. L’origine du problème doit être recherchée dans l’aliénation desparcours traditionnels, qui rend l’élevage de chameaux impossible en dépit d’une fortedemande. Le mauvais état nutritionnel des animaux a accru l’incidence des maladies et lestaux d’avortement, ce qui a diminué encore davantage le taux de reproduction déjà faibledes chameaux. Bien que la fourniture de soins de santé et l’accès à des chameaux dereproduction mâles de bonne qualité aient permis de stabiliser le cheptel dans les environsimmédiats du projet, des changements politiques, tels que la mise en réserve de zones deparcours, sont indispensables pour sauver la population de chameaux.

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véritablement l’effort investi. Cependant, il est devenu de plus en plus évident aujourd’hui quela productivité des races traditionnelles pouvait elle aussi être améliorée dans un horizontemporel acceptable. L’exemple le plus fameux concerne les différentes races de zébus(y compris les Ongole, Gir, Kankrej) qui, le siècle dernier, ont été exportées d’Inde vers leBrésil, l’Australie et d’autres pays. Dans leurs nouveaux habitats, elles ont fait l’objet d’unesélection amélioratrice, ce qui a permis de les utiliser comme bœufs de choix ou producteursmixtes, alors que les populations indiennes de zébus ont diminué en nombre, se sontaffaiblies sous l’effet de croisements et, dans certains cas, sont considérées comme étantmenacées. Certaines initiatives privées lancées en Inde, telle que celle menée au ranchd’élevage bovin Gir du Shri Bhuvaneshwari Pith à Gujarat, montrent qu’il est égalementpossible d’obtenir des améliorations substantielles de la production laitière.

Les expériences recueillies en aidant les communautés à « développer », c’est-à-dire àaméliorer génétiquement des populations animales autochtones, sont encore limitées à cejour bien qu’il semble que certaines tentatives entreprises avec des animaux se reproduisanttrès rapidement, comme les cochons d’Inde et les canards, aient été couronnées de succès.Les apports de l’extérieur incluent un appui technique et organisationnel.

Programme de sélection à l’échelon communautaire ou villageois

Il s’agit là d’un concept nouveau venant d’Amérique latine, où il est mis en œuvre par descommunautés de petits exploitants. L’objectif premier est d’accroître la rentabilitééconomique de races animales traditionnelles grâce à une combinaison de diversesmesures, dont notamment l’amélioration génétique par le biais de la sélection, l’organisationdes éleveurs et sélectionneurs et l’amélioration des réseaux commerciaux. En Amérique duSud, l’État encourage des programmes en faveur de petits ruminants aborigènes (alpagas,lamas) et importés (caprins, ovins) mais ces programmes en sont encore à leurs débuts. Uneautre tentative allant dans ce sens est mise en œuvre par l’ONG « APESS », au BurkinaFaso. Cette initiative vise à accroître la rentabilité économique des vaches Fulani par le biaisde mesures telles que l’enregistrement, la sélection, l’approvisionnement amélioré enfourrage et le développement du commerce du lait.

Associations d’éleveurs

L’organisation des éleveurs en coopératives ou associations est considérée comme uneétape importante dans le développement à base communautaire de races d’élevage. AuPérou et en Bolivie, les producteurs d’alpagas ont formé des associations. Ces associationsse sont avérées être très efficaces dans les pays industrialisés ainsi que dans certains paysen développement, tels que le Brésil. Le soutien apporté aux associations d’éleveurs (tenuede registres, etc.) s’est avéré être l’un des meilleurs moyens d’accroître l’intérêt porté auxraces locales au Brésil.

Programmes de sélection

Les programmes de sélection ont, après certains problèmes de démarrage, été couronnés desuccès pour les cochons d’Inde. En ce qui concerne les alpagas, l’adoption de plans de

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sélection a permis d’éliminer les sujets de couleur dont les fibres n’étaient pas demandées.Le principal enseignement tiré de ces expériences semble avoir été le fait que les objectifs dela sélection devaient être définis en étroite coopération avec les agriculteurs.

Les plans de sélection en noyau ouvert semblent constituer une option viable pour ledéveloppement de races locales mais ils risquent de ne pas être facilement acceptés. Si lapopulation utilisée pour la sélection est très petite, une aide extérieure peut s’avérernécessaire afin d’éviter les problèmes de consanguinité.

Tenue de registres

La tenue de livres et l’enregistrement des performances ont été un élément important del’amélioration des races dans les pays occidentaux. Cependant, il peut être difficile demotiver les éleveurs à enregistrer les performances individuelles des animaux, et lesapproches allant dans ce sens ne sont viables que dans les milieux d’éleveurs secaractérisant par un certain niveau d’alphabétisation. Or, dans la plupart des pays endéveloppement, et en particulier dans les milieux pastoraux, les éleveurs sont analphabètes,ce qui exige des stratégies de communication spécialisées et le développement detechniques d’enregistrement appropriées. L’adoption à large échelle de techniquesparticipatives parmi les vétérinaires et d’autres professionnels travaillant avec les éleveursconstituerait un pré-requis essentiel.

Concours d’animaux

L’organisation de concours d’animaux et l’attribution de distinctions aux éleveurs méritants àl’occasion de fora nationaux constituent d’autres mesures proposées comme moyens destimuler l’intérêt pour l’élevage local. Il importe dans ce contexte de veiller à ce que lesanimaux soient jugés sur la base de critères locaux et non pas en fonction de caractèresextérieurs. Sur le marché de chameaux de Pushkar, au Rajasthan, des concours d’animauxsont régulièrement organisés par le ministère de la Production animale. Cependant, cesconcours sont plutôt mal accueillis et les décisions prises sont souvent contestées étantdonné que les idées des éleveurs sur ce qui constitue un bon animal divergent de celles ques’en font les fonctionnaires administratifs.

On notera que la stratégie de la sélection phytogénétique participative n’a pas encored’équivalent dans le domaine de la sélection amélioratrice des animaux. La seuleexception concerne les travaux menés par l’université de Chiapas sur le mouton de la raceChiapas. Des recherches de base sur la manière dont les communautés traditionnellesgèrent la diversité génétique de leurs ressources animales ont ici débouché sur la mise enplace d’un programme de sélection amélioratrice. Dans ce projet, les connaissancestraditionnelles des bergères Tzotzil sur les qualités de leurs moutons ont été activementsollicitées et ont servi de fondement à l’élaboration d’un programme d’amélioration génétique.

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2.4 La préservation des races en tant que composante dudéveloppement régional et de la protection des habitats

En Europe, de nombreux exemples illustrent le fait que les races animales locales font partieintégrante des efforts déployés en vue de protéger certains écosystèmes comme laCamargue, en France, et le Parc national Hortobagy, en Hongrie. Il semble qu’il existe unchamp d’action similaire dans les pays en développement où la protection de la faunesauvage et l’exploitation du bétail continuent d’avoir la priorité et où les animaux domestiquessont évincés des réserves naturelles et réserves de faune. Cependant, on tend de plus enplus à penser que la « co-conservation » est possible. Les races traditionnelles ont souventdes antécédents communs avec la faune sauvage, et les habitats ont évolué sous la pressionde pâturage à la fois de la faune sauvage et du bétail. C’est pourquoi les races et espèceslocales peuvent même être nécessaires au maintien d’un équilibre écologique et à lapréservation de certains écosystèmes.

• Dans la réserve d’oiseaux de Bharatpur, au Rajasthan, on a commencé par évincer lesbuffles du Parc. Toutefois, certains types de végétation, qui n’étaient dorénavant pluspâturés par les buffles, ont fini par envahir les sites de nidification des oiseaux. Lesbuffles ont, sur ce, été réadmis dans la réserve.

• S’agissant de la réserve de Kumbalgarh (Rajasthan), les éleveurs transhumantssoutiennent que le broutage des chameaux a pour effet d’améliorer le croît des arbres.Une ONG (LPPS) s’efforce d’étayer ce constat par des preuves scientifiques afin dedisposer ainsi d’éléments pour négocier un compromis entre les pasteurs et le ministèredes Forêts.

2.5 Le concept de la « prise en charge communautaire »

Il convient de noter que de nombreuses races et espèces rares sont associées à descommunautés marginalisées dont l’identité se fonde sur les relations qu’elles entretiennentavec leurs animaux (voir encadré 7 ).

Dans la mesure où leurs relations avec des animaux spécifiques font partie de leur identité,de nombreux groupes de pastoralistes finissent par se sentir quelque peu responsables deces races ou espèces. Certains d’entre eux, tels que les Raika et les Fulani, pensent mêmeque Dieu les a créés pour prendre soin des animaux et cet instinct protecteur constitue unélément fondamental de leur culture. Il semble que l’on soit là en présence de conditionsidéales pour une sélection conservatrice « à base communautaire ». En effet, en ce quiconcerne la célèbre race bovine Sahiwal, qui est considérée comme étant l’une desmeilleures races laitières de zébus, il est fait état de l’engagement extraordinaire deséleveurs traditionnels à conserver cette race à l’état pur et à résister aux efforts déployés envue de la croiser avec d’autres races.

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L’importance que revêtent les communautés pastorales et les ONG intermédiaires pour lapréservation de la diversité zoogénétique est confortée par l’expérience des paysindustrialisés montrant que les succès remportés dans l’endiguement de l’érosion de ladiversité génétique animale sont presque entièrement imputables à l’enthousiasmed’éleveurs et d’ONG. En outre, ces succès ont pratiquement été obtenus sans aucun soutiende l’État. Depuis que la société de préservation des races domestiques menacées(Gesellschaft zur Erhaltung bedrohter Haustierrassen, GEH) est entrée en activité, plusaucune race ne s’est trouvée menacée d’extinction en Allemagne bien que la GEH n’aitbénéficié d’aucune aide financière publique.

2.6 Le rôle des femmes dans la gestion des ressourcesgénétiques des animaux d’élevage

Étant donné que ce sont les femmes qui prennent généralement soin des animaux d’élevage,un rôle essentiel leur revient dans la conservation des races locales et il importe d’en tenircompte dans les projets de Coopération technique. Ce sont également les femmes qui tirentle plus grand profit des projets axés sur la conservation des races locales puisque, parcomparaison avec les « races améliorées », les races traditionnelles nécessitent moinsd’intrants et contribuent ainsi à alléger considérablement la charge de travail des femmes.

ENCADRÉ 7 : Exemples de groupes pastoraux faisant office de « gardiens »de races/espèces spécifiques

- En Inde, les fameuses races bovines Gir et Kankrej du Gujarat ont été développées pardifférents sous-groupes de la communauté pastorale Rebari. (Alors que ces races ont étéexportées avec succès au Brésil et dans le sud des États-Unis, leurs créateurs originauxperdent du terrain dans la lutte pour des surfaces de pâturage).

- En Inde également, le dromadaire est culturellement associé aux Raika qui sontconsidérés comme la caste traditionnelle des éleveurs de chameaux. Bien que l’élevagede chameaux soit pour une large part devenu peu rentable, certains Raika continuent detenir à ce type d’élevage « parce que les chameaux font partie de notre héritage ».

- Les bovins de la race Rathi originaire du nord-ouest du Rajasthan, appartiennent pour laplupart à des musulmans Rath, alors que les bovins de la race réputée Sahiwal se trouveentre les mains d’un autre groupe musulman.

- Les Gujjars, qui vivent sur les contre forts de l’Himalaya, et la tribu Toda des collinesNilgiri, dans le sud de l’Inde, élèvent des buffles appartenant à des types spécifiques.

- En Amérique du sud, la communauté andine des Aymaras vit en forte symbiose avec lesalpagas et pense que « le jour où les alpagas ne seront plus, le monde disparaîtra enmême temps. Si les Aymaras n’entretiennent pas les alpagas, ils devront partir là d’où ilssont venus et la fin du monde sera proche. »

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2.7 Partage des bénéfices : reconnaissance des droits deséleveurs et sélectionneurs

Pour autant que les ressources génétiques animales soient concernées, force est deconstater qu’il n’existe pas de mouvement de défense des droits des éleveurs et que laprotection de la propriété intellectuelle a toujours été considérée comme une question moinsurgente en ce qui concerne les animaux que les plantes. Une telle complaisance ne sejustifie pas car il existe suffisamment d’exemples montrant que des gènes obtenus sur desraces locales ont été introduits dans des souches commercialisées. Selon certains rapports,le gène déposé booroola, responsable d’une incidence élevée de naissances multiples chezle mérinos australien, aurait à l’origine été obtenu sur le mouton de la race Garole, élevé parla communauté Haidar en Inde. Il semble également que des gènes de la vache indienneVechur, une race naine connue pour sa résistance aux maladies et à la chaleur, aient étébrevetés au Royaume-Uni. Par contre, dans son État d’origine, le Kerala, la race est en voied’extinction totale sous l’effet d’un programme public de sélection interdisant l’utilisation detaureaux Vechur à des fins de reproduction.

Des sociétés industrielles de sélection animale ont déjà commencé à prospecter les racesindigènes, et en particulier les races porcines, avicoles et bovines, pour y déceler les gènesdésirés. Dans la mesure où ces industries préservent scrupuleusement et brevètent leurmatériel génétique, nous avons l’obligation morale d’étendre cette protection aux éleveurstraditionnels, même si cette exigence doit s’avérer difficile à imposer dans la pratique. Parailleurs, certains types d’avantages (tels que l’accès à des soins vétérinaires) pourraientfortement inciter les éleveurs/pastoralistes à continuer d’élever certaines races.

3 DISCUSSION ET CONCLUSIONS

3.1 Contraintes de la coopération au développement

• Les décideurs politiques sont aujourd’hui encore prisonniers de la philosophie du« transfert technologique ». La conviction selon laquelle les races exotiques importéessont supérieures aux races locales est encore fermement ancrée dans l’esprit desdécideurs politiques (et ce, aussi bien au sein des organisations gouvernementales quedes organisations non gouvernementales). Ils sont encore très peu conscients duproblème de l’érosion des ressources génétiques animales ainsi que de la valeur et desavantages relatifs des races traditionnelles.

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• Les représentants des agences et organisations gouvernementales ne possèdent pas lescapacités de planification et les techniques de participation nécessaires. Même quand lapréservation des races locales est reconnue comme étant souhaitable et est partieintégrante de la politique officielle, l’expertise et la compétence nécessaires à laconception de programmes appropriés font défaut et les mesures allant dans ce sensn’atteignent pas le niveau opérationnel. Il n’existe pratiquement pas de lien entre le niveauopérationnel (éleveurs et pastoralistes) et les représentants du système officiel.

• Les systèmes officiels n’attachent souvent aucune valeur aux espèces d’importanceéconomique mineure et défavorisent leurs produits. Les activités des services ministérielsse concentrent souvent exclusivement sur un très petit nombre d’espèces (généralementbovins et volailles) alors que d’autres espèces, qui revêtent une importance cruciale pourles pauvres, sont totalement ignorées. Au Rajasthan, le lait de chamelle a récemment étédéclaré dangereux pour la santé humaine pour la simple raison qu’il n’est pas mentionnédans la loi régissant la production laitière, laquelle remonte aux années 60 !

• Les efforts déployés dans le domaine de la conservation de la diversité génétique desressources animales ont, à ce jour, été extrêmement centralisés. Le principal acteur a étéla FAO. Bien qu’elle reconnaisse la nécessité d’intégrer le « patrimoine local deconnaissances en matière de conservation », les instruments nécessaires à cet effet n’ontpas encore été créés. Pour accroître leur force d’impulsion, les activités doivent êtredécentralisées, ce qui nécessite un effort concerté afin d’établir le dialogue avec à la foisles ONG et les éleveurs et de les associer activement aux activités.

• Les institutions traditionnelles de préservation de la diversité génétique des animauxdomestiques sont restées invisibles compte tenu de l’absence d’une approcheparticipative dans la reproduction animale.

3.2 Potentiel pour la coopération au développement

La réorientation des priorités de la coopération au développement dans le secteur de laproduction animale implique que l’on renonce à promouvoir la productivité en faveur de ladiversité génétique, ce qui oblige nécessairement à opter pour des approches dedéveloppement endogènes. La diversité génétique des animaux est un phénomènegénéralement lié aux communautés pauvres et/ou traditionnelles, et les efforts déployés envue de conserver les races locales en améliorant leur productivité et leur rentabilitééconomique pourrait contribuer à réduire la pauvreté parmi ces communautés.

Dans le domaine de la conservation de la diversité zoogénétique, la Coopération techniquepourrait, voire devrait adopter les approches suivantes :

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3.2.1 Au niveau local

• Soutien de travaux de recherche sur le rôle des connaissances traditionnelles dans lasélection génétique conservatrice et amélioratrice.

• Développement des capacités des ONG à soutenir les communautés à entretenir etdévelopper leur cheptel.

• Promotion de manifestations et concours à l’échelon local et régional.

• Développement de techniques d’enregistrement et de matériels de formation/vulgarisationà l’intention des personnes analphabètes.

• Appui à l’évaluation des avantages économiques des races locales dans le contexte desystèmes ruraux de subsistance.

• Soutien à l’expérimentation de processus de transformation des produits issus de raceslocales en produits spécialisés.

3.2.2 Au niveau national

• Formation aux approches participatives du personnel des agences et organisationstravaillant avec des personnes intervenant dans le domaine de l’élevage (p. ex. servicesvétérinaires, services de zootechnie; services de vulgarisation).

• Réorientation des activités de ces agences et organisations, et incitation de ces dernièresà renoncer au métissage au profit du développement de races locales dans le contextedes contraintes écologiques.

• Intégration des races d’élevage existantes dans les plans d’aménagement régional etd’utilisation des terres.

• Sécurisation des droits fonciers et droits d’accès pour les communautés pastorales.

• Suppression des subventions et crédits destinés à soutenir une agriculture à hauteintensité d’intrants dans les zones marginales.

• Suppression des aides et incitations économiques destinées à soutenir la reproduction parcroisement avec des races exotiques.

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3.2.3 Au niveau international

• Suppression des aides à l’exportation de systèmes de production animale intensifs et deraces à performances élevées.

• Extension de la protection de la propriété intellectuelle aux communautés d’éleveurstraditionnelles.

3.3 Conclusions

- Un changement de paradigme dans la production animale, dont les priorités doiventévoluer de la productivité à la conservation de la diversité zoogénétique et mettrel’accent sur le développement des ressources animales locales, permettrait de mieuxrépartir les bénéfices en faveur des petits exploitants et producteurs marginaux de parle monde entier.

- Les projets et programmes de conservation et de développement des ressourceszoogénétiques locales doivent prendre appui sur les systèmes et connaissancestraditionnels. La mobilisation et le renforcement des systèmes et connaissanceszootechniques traditionnels doivent servir de point de départ à toutes les interventionsmises en œuvre dans ce domaine. Les éleveurs et sélectionneurs peuvent à cetégard beaucoup apprendre des méthodes participatives de sélection des végétaux.

- Un effort décentralisé de ce type implique obligatoirement la participation d’ONG etd’autres organisations à base communautaire. Les ONG intervenant dans les pays endéveloppement n’ont pas, à ce jour, intégré ce thème à leur portefeuille d’activités, etnombre d’entre elles, en Inde au moins, continuent de promouvoir le métissage.L’option consistant à donner aux ONG les aptitudes et l’expertise nécessaires à laconduite de projets de préservation et de développement des ressources génétiquesen coopération avec des institutions scientifiques semble être prometteuse. Lessuccès enregistrés dans les pays industrialisés en matière de préservation des racesanimales ont, pour la plupart, été dus à des alliances formées par des ONG qui, d’unepart coopéraient avec des éleveurs et les soutenaient, d’autre part s’étaient mises enréseau avec des universités.

- Contrairement à la situation dans les pays industrialisés, les possibilités de confier lesactivités de préservation à des agriculteurs amateurs, qui élèvent certaines racesmême en l’absence de rentabilité économique, sont très limitées dans les pays endéveloppement. C’est pourquoi les efforts de préservation de la diversitézoogénétique ne peuvent pas être limités à des projets se concentrant exclusivementsur la conservation (approche conservatoire des musées) mais doivent être soutenuspar un environnement favorable garantissant notamment, par voie de décisionpolitique, l’existence d’une base fourragère suffisante pour les animaux et d’unedemande du marché pour leurs produits.

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- Un nombre démesuré de races peuvent être associées à des environnementsmarginaux ainsi qu’à des communautés marginalisées telles que celles despastoralistes et, en Inde, les communautés dites tribales (Adivasi). Cela offre lapossibilité de combiner les programmes de préservation avec un soutien socio-économique et des programmes de réduction de la pauvreté. La conservation desressources zoogénétiques constitue en fait une raison supplémentaire de promouvoirles programmes de développement du pastoralisme dans la mesure où il est vrai que,dans de nombreux cas, les races locales ne peuvent pas être préservées enl’absence des sociétés pastorales traditionnelles qui les ont élevées.

- À en juger par les expériences recueillies dans des projets de gestion et depréservation des ressources génétiques animales mis en œuvre dans les paysindustrialisés, le principal défi devant être relevé par la coopération au développementconsiste à établir des liens de partenariat entre des éleveurs/communautéspastorales, des ONG et des institutions scientifiques et à instaurer des mécanismesfacilitant leur coopération. L’approche axée sur la « mise en réseau », qui a étéadoptée dans les activités de préservation de la biodiversité végétale, peut, pour cetteraison, s’avérer être un modèle approprié susceptible d’être transposé au secteur del’élevage.

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5 REMERCIEMENTS

J’aimerais remercier Simon Anderson, Roger Blench, Beate Scherf et Brigitte Kaufmann pourm’avoir procuré des informations et/ou des documents non publiés, Evelyn Mathias pour sonfeedback, et Conny Almekinders pour sa bonne collaboration et ses précieusescomparaisons avec le PGR.