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  • 7/24/2019 HermanFPM2009

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    Actes du colloque Le franais parl dans les mdias : les mdias et le politique (Lausanne / 2009)Marcel Burger, Jrme Jacquin, Raphal Micheli (ds)

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    Le discours politique est-il soluble dans le discours

    mdiatique ? Les communiqus de presse des partis

    gouvernementaux helvtiques

    Thierry HERMANUniversit de Neuchtel et de [email protected]

    Rsum

    Il existe une forme de doxa dans les travaux comparant les communiqusde presse et les articles journalistiques : linfluence des premires est

    considrable, rduisant leffort journalistique de rcriture et de vrification portion congrue. Aprs lexamen des conditions danalyse de ce trajet

    textuel particulier, larticle vise analyser cette doxa au regard dun cas

    helvtique (dmission exige du Chef de larme voire de son ministre detutelle) en tudiant les communiqus de presse de partis politiques. Leur

    nature rhtorique, polmique, est analyse. On rend ainsi compte du faibleeffet perlocutoire du communiqu de presse helvtique dans un systme

    politique privilgiant le consensus. Mais on rend aussi compte de leur faiblecho dans la presse, ce qui nuance les travaux faits dans dautres rgions.

    Mots-cls : communiqu de presse, rhtorique polmique, rcriture

    journalistique, discours politique, affaire Nef

    Tout journaliste est assailli quotidiennement de diffrents messages qui sont autant

    dappels la publication1. Sans mme compter la perspective, trs diffrente, de la

    communication dentreprise, les institutions tatiques, mais aussi les partis et autres

    organisations plus ou moins gouvernementales, proposent diverses formes de communication

    la presse, dont le traditionnel communiqu. Ce discours-source est donc souvent repris par

    les mdias directement ou indirectement, cest--dire par le biais dune agence de presse.

    Cette circulation entre un texte-source et une information mdiatique donne des enjeux de

    recherche cruciaux, mais encore assez peu tudis en particulier pour la communicationpolitique. Les relations entre les mdias et les sources dinformation, estimait Schlesinger en

    1992, nont pas assez t prises en compte dans une sociologie des mdias qui tait,

    lpoque, par trop mdia-centrique . Cet article vise explorer les conditions danalyse de

    ce trajet textuel trange et alatoire, dans le cas particulier des communiqus de presse

    politiques.

    1Cette recherche a pu tre faite grce au soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

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    1. Dfinir le cadre de recherche

    La recherche lorigine de cette publication avait pour but de rendre compte de la

    relation entre lagenda politique ou institutionnel et lagenda mdiatique sous langle

    discursif la plupart des tudes sociologiques se concentrant sur la question de limpact ou delinfluence en ngligeant la question de la circulation des discours. linverse, plusieurs

    travaux dobdience linguistique sur les communiqus de presse nont peut-tre pas assez pris

    en compte des dimensions sociales : la distinction entre communiqus politiques et

    commerciaux est assez peu assume dans les travaux sur la linguistique des communiqus de

    presse de Jacobs (1999), Sleurs (2003) ou Pander Maat (2007). Depuis le constat de

    Schlesinger, la donne a un peu chang et plusieurs enqutes aboutissent une doxa qui

    ressemble celle exprime dans une tude rcente (Lewis, Williams, Franklin 2008) : les

    journalistes en loccurrence britanniques sappuient de plus en plus sur les communiqus

    de professionnels en relations publiques. Pander Maat rappelle dans un article paratre queles communiqus de presse ont un succs certain : cela influence lcriture journalistique en

    pargnant aux journalistes du travail que des contraintes situationnelles rendent impossible

    effectuer. Le genre est mpris, mais considrablement utilis.

    Par ailleurs, aujourdhui, la professionnalisation des sources, avec lmergence et le

    succs des relations presse ou relations publiques , est bien documente. Aeron Davis

    montre dans le cas britannique lextraordinaire explosion du nombre de personnes engages

    dans les relations publiques en 20 ans dans diffrents dpartements du gouvernement, une

    progression parfaitement similaire dans nombre dinstitutions, organisations ou entreprises

    (Davis 2003). Dautres tudes soulignent le mme phnomne (Franklin 1994 ; Jones 1995,

    1999 ; Scammell 1995 ; Rosenbaum 1997 ; Schlesinger et al. 2001). Erik Neveu rappelle en

    outre quil y a en France plus dattachs de presse que de journalistes (2004 : 56) et montre

    que les pratiques se sont diversifies : au-del des vieux communiqus qui perdurent,

    sorganisent dsormais diffrentes formes de happeningset autres stratgies de persuasion. Ce

    recours aux sources formates par des professionnels de la communication est si massif quil

    pose des questions cruciales sur le rle et lindpendance des journalistes, rendant sensible

    lactuelle re du journalisme de communication (Charron, de Bonville 1996) sinon dun

    journalisme de march (McManus 1994). Accepter de publier tel quel un communiqu de

    presse conduit un brouillage sur lidentit du locuteur : on a affaire un texte prformul

    selon Geert Jacobs (1999), autrement dit un simulacre journalistique qui impose par exemple

    lusage de la 3e personne et une forme dobjectivation du contenu. Dans un contexte de

    professionnalisation de plus en plus marqu des relations presse, la qualit du simulacre

    propos est telle que cela conduit des consquences doublement inquitantes pour le rle du

    journaliste : dune part, la reprise dun communiqu de presse pargne tout le long, coteux et

    difficile travail de vrification et de recoupement des sources, mais, dautre part, la reprise

    pure et simple pargne tout le travail de rcriture journalistique.

    De fait, tous les travaux en sociologie des mdias mettent en vidence un rapport troubledinterdpendance entre sources et mdias, o les textes prts tre publis sont la norme

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    plutt que lexception (Paletz, Entman 1981). La question de linfluence des sources

    autorises sur la production journalistique na cess de hanter les travaux dans le domaine.

    Tous les chercheurs ont montr, de manire empirique et quantitative, que linfluence tait

    plus grande que ce que les chercheurs pensaient, que ce que les journalistes admettaient et que

    ce que les consommateurs de mdias imaginaient (Davies 2003 : 27 [ma traduction]). Unetude suisse de Ren Grossenbacher (1986) confirme cette thse et montre quil y a peu de

    variations entre les sources et les articles journalistiques (dans les journaux suisses-

    allemands), sauf la multiplication des citations et la neutralisation de la langue.

    Les travaux dans le domaine de la sociologie des sources mdiatiques engrangent

    dimportantes donnes quantitatives. Le projet de recherche la source de cet article visait

    analyser la circulation des textes de faon plus comparative et qualitative sur le cas suisse

    romand. Pour cela, elle se posait trois questions. La premire posait la nature de lobjet

    Quelle est la rhtorique du communiqu de presse ? Quelle peut tre la stratgie de persuasion

    alors que le rcipiendaire du discours est au moins double : le journaliste pour lequel on doitpersuader de lintrt publier et, dans le meilleur des cas, le public pour lequel la vise

    argumentative est diffrente ? Quelles sont les caractristiques discursives de ce genre qui

    reste assez confidentiel si on songe que limmense majorit des communiqus de presse

    produits par les partis politiques romands nest jamais communique au grand public ?

    La deuxime question tait celle de la citation ou de la reprise de formules. Comment

    fonctionne le filtre mdiatique ? Quest-ce qui est retenu ou rejet dans les communications-

    sources ? On peut par exemple se demander si cest largumentation des partis ou les formules

    rhtoriques qui sont retenues et, si une communication est retenue, voir les formes

    linguistiques du discours reprsent et les effets de ces diffrents choix.

    La troisime question tait lie la mise en scne mdiatique, travers dune part

    limpact donn aux communications-sources (espace donn, hirarchie de linformation, texte

    dorigine complet ou parcellaire, etc.), ce qui devait permettre dobserver le degr de

    rvrence ou dindpendance des journaux par rapport ses sources, et, dautre part, le travail

    de ladaptation de la cible premire des communiqus (les mdias) la cible seconde (le

    public). Dans cette opration, y a-t-il simplification ou spectacularisation des informations,

    gommage des lments partisans (ou neutralisation), mise en perspective, amplification ?

    Pour creuser ces dimensions de la recherche, il faut distinguer quelques lieux danalysepour dessiner le champ de lespace discursif concern par les communiqus de presse.

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    Lepremier lieuest le communiqu politique originel par la Confdration et par chaque

    parti gouvernemental2. Le deuxime lieu rgle la question de lintertextualit entre les

    diffrents partis et lEtat. Il permet de comparer si tous les partis ont dcid de sexprimer sur

    le mme sujet, au mme moment, mais aussi dexaminer la richesse ou la pauvret de cette

    intertextualit (allusion un autre parti, ignorance rciproque, reformulation des thsesadverses, etc.). Le troisime lieu est celui du trajet textuel entre le discours-source et sa

    rcriture mdiatique. Ce trajet peut avoir une station intermdiaire qui est lagence de

    presse. Le quatrime lieupermet danalyser, en rapport avec le troisime, le poids du discours

    dagence dans les mdias contemporains. Enfin, le cinquime lieuest le pendant du deuxime,

    savoir les relations intertextuelles entre les mdias. Il sera moins question ici de dialogue ou

    de dbat entre mdias que du traitement diffrenci que chaque mdia a accord au texte-

    source.

    2. Rhtorique du communiqu de presse

    Nous nous concentrerons ici sur les lieux 1 et 3 du schma prsentsupra. Pour ce faire,

    nous ferons ltude dun cas fond sur deux corpus : le premier est lensemble des

    communiqus de presse des partis gouvernementaux sur quatre mois dans lequel on a retenu

    tous ceux qui ont un rapport direct avec laffaire Nef. Cette affaire a surgi lors de la rvlation

    2

    Nous liminons les partis non-reprsents au gouvernement, car le processus de slection de slection oprdans le gatekeeping peut conduire une htrognit dans les critres manque de visibilit du parti parexemple.

    Relations pressedu Parti

    Socialiste

    Relationspresse du PDC

    Relationspresse du

    PRD

    Relationspresse de

    lUDC

    !"#$%$$&'()

    Agence Tlgraphique Suisse

    Gatekeeping

    Mdias Mdias

    2

    3

    3

    45

    1

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    par les mdias, en juillet 2008, que la nomination de Roland Nef la tte de larme suisse

    avait t propose quand bien mme lintress tait sous le coup dune plainte de son ex-

    compagne pour harclement moral. Le ministre de larme a dabord dit ne pas avoir t au

    courant avant davouer avoir oubli cette plainte. Les deux hommes ont depuis dmissionn.

    Le second corpus, beaucoup plus important quantitativement, groupe tous les articles depresse romande ayant paru propos de laffaire Nef entre juillet et septembre 2009, ce qui

    reprsente plus de 220 articles. Il sagit dabord de voir comment les partis ont communiqu,

    quelle a t leur stratgie rhtorique. Ensuite, il sagit danalyser lcho que les journaux

    romands ont donn ces communiqus : sont-ils repris, transforms ? Quelle slection a t

    opre ?

    Le but de cette tude de cas est dexaminer si le rapport entre communiqus-source et

    articles de presse reste identique aux conclusions de la recherche actuelle. Il sagit en

    particulier de se demander si on peut les nuancer, surtout par rapport lancienne tude de

    Ren Grossenbacher (1986). En effet, entre 1986 et 2008, la politique helvtique aprofondment chang et le rapport avec les mdias nest plus tout fait le mme lheure de

    la trs grande personnification pour ne pas direpeoplisationdu monde politique.

    Le premier lment vrifier est de savoir si les partis gouvernementaux ont

    communiqu propos de laffaire Nef. Vu limportance prise par cette actualit dans le cours

    de lt 2008, on pourrait le supposer. Pourtant, ils nont pas tous communiqu et pas

    rgulirement. Observons ce premier tableau.

    Partis Nombre de communiqus sur lAffaire Nef

    PS 5PDC 1PRD 2UDC 7

    Le parti populiste de droite qui avait, avant le clash, un reprsentant en tant que ministre

    de lArme, est celui qui communique le plus. Cela peut sexpliquer de trois manires : le

    parti a dplac le dbat de la tte du chef de larme la tte du Conseiller fdral ; ensuite,

    cest aussi le parti qui dlivre, de manire gnrale, le plus de communiqus de presse ; enfin,

    le parti a plus de moyens pour entretenir une quipe de communication, ce qui peut expliquer

    sa production. Reste que le nombre de communiqus est faible, en particulier pour le partidmocrate-chrtien (PDC). Et pourtant, le corpus mdiatique montre que le PDC sest aussi

    exprim, et plusieurs fois sur le sujet. Cela pourrait bien indiquer que limportance accorde

    au communiqu de presse politique est au fond assez relative.

    De quelle manire se dveloppe la stratgie rhtorique ces communiqus de presse ?

    Nous ne prendrons ici, faute de place, que le paragraphe initial de trois communiqus, lieu

    crucial dcriture journalistique condensant en fait toutes les informations importantes. Ces

    trois communiqus datent du 21 au 23 juillet 2009, moment de pointe de la crise avec la

    suspension de la nomination de Roland Nef. Le moment est intressant puisque cest sous la

    pression mdiatique et cause delle que cette dcision est prise.

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    Dans le communiqu du parti radical, on trouve, un paradoxe entre la rhtorique,

    vhmente, et le pouvoir rel du parti. Dans le communiqu du 21 juillet intitul : La vrit

    doit clater : il en va de la crdibilit de larme , on trouve ceci :

    Si le Chef de larme sest rellement comport de la manire dcrite dans les

    mdias, sa crdibilit sera dtruite. Pour le PRD, un tel comportement ne seraitpas compatible avec le poste de Chef de lArme. Il appartient maintenant auConseiller fdral Schmid dclaircir les faits et ensuite au Conseil fdral incorporede prendre les mesures appropries (PRD, 21 juillet 2008).

    On voit bien le paradoxe. Dun ct, une dclaration de non-compatibilit entre le

    comportement suppos du Chef de lArme et sa fonction illustre le caractre revendicateur

    de laction propose. Dans limpersonnel il appartient , surtout combin avec le dictique

    maintenant qui marque moins une temporalit quun changement dtat en loccurrence, la

    connotation de lexigence est assez clairement perceptible, la demande sincarne dans des

    noncs qui sont assez proches de la surassertion. Et pourtant, dun autre ct, le pouvoirnappartient pas au parti mais au Conseiller fdral Schmid puis lensemble de

    lexcutif . La revendication que le collectif ( pour le PRD ) exprime de manire latente

    semble ainsi sannihiler par le respect d aux institutions et par la confiance sur les mesures

    que prendra sans doute le Conseil fdral. D'ailleurs, tout le texte est encore soumis

    vrification des faits comme lindique le si linitiale et le conditionnel.

    Le communiqu du PS intitul la seule issue possible contient le mme si que le

    PRD :

    En annonant cet aprs-midi la suspension du chef de larme, Samuel Schmid aenfin pris la dcision qui simposait. Le PS, ainsi quil la indiqu ds le dbut dela crise, considre cette mise pied comme le pralable indispensable sonrglement souligne le conseiller national et vice-prsident du parti StphaneRossini. Si, devant les commissions parlementaires, Roland Nef ne devait pas treen mesure de prouver que les lments retenus contre lui ne tiennent pas, sacrdibilit dj chancelante serait alors irrmdiablement compromise et sondpart invitable .

    Le parti profite de linformation pour citer un de ses membres qui ne manque pas de

    rappeler la position prise ds le dbut de la crise. Cet effet dauto-citation a t bien tudi par

    Jacobs (1999). On a typiquement affaire un moment de lgitimation du combat et de

    crdibilit dun parti qui donne ainsi limpression davoir gagn Samuel Schmid ses vues.

    Pour le reste, prudence et circonspection sont de mises : part le mme si , on accorde un

    reste de crdibilit au Chef de larme. Dire que le dpart est invitable cre un simulacrede

    pouvoir dcisionnel qui dissimule quen fait, seules deux personnes peuvent exiger le dpart :

    le principal intress par dmission ou son ministre de tutelle par licenciement. Lobligation

    latente dans lexpression du caractre invitable du dpart de Chef de larme est une

    obligation thorique, une injonction morale espre par le parti socialiste qui na toutefois

    aucun moyen de directement raliser lacte dcrit.

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    Le surlendemain, le communiqu du parti populiste de droite, lUDC, affiche un ton

    nettement plus agressif, mais avec les mmes obligations thoriques. On lit dans le

    communiqu du 23 juillet intitul le Conseiller fdral Schmid nest plus tolrable :

    Le conseiller fdral Samuel Schmid est responsable de la crise dclenche par

    laffaire Roland Nef, chef de larme. Une fois de plus, des graves lacunes se sontmanifestes au niveau de la direction du dpartement de la dfense. Lesdysfonctionnements au sein du DDPS commencent la tte de celui-ci. Pourrtablir la confiance dans ce dpartement, Samuel Schmid doit dmissionner dansles plus brefs dlais (23 juillet 2008).

    Lattaque ad hominem lencontre de Samuel Schmid est renforce par des signaux

    dvidence ( manifester ), ditration ( une fois de plus ), durgence ( les plus brefs

    dlais ) et damplification par la smantique des mots ( graves lacunes ,

    dysfonctionnements ) . Le dontique de doit dmissionner manifeste clairement

    lobligation thorique, dnomination qui rvle la demande daction, mais non de laction

    proprement dite. Plus encore, le respect des institutions est maintenu puisquil ne sagit pas de

    bouter le Conseiller fdral hors de lexcutif, mais dattendre quil agisse en prenant ses

    supposes responsabilits quand bien mme il serait expuls de la Cit par le titre nest plus

    tolrable . Pas de putsch donc, mais une forte pression en faveur dune dmission et un

    discours de combat plus net et plus marqu quailleurs.

    Si lon retrouve le paradoxe entre le combat mener et lincapacit de le mener sans

    mettre mal les institutions, le communiqu ne manifeste pas le mme genre rhtorique que

    les prcdents. Alors que, dans les deux premiers, on avait affaire au genre rhtorique

    judiciaire, avec une forte prsomption dinnocence et une demande dclaircissement voire depreuve le but est de se mettre daccord sur les faits , le communiqu du parti populiste de

    droite veut la tte non du Chef de larme, mais du ministre, et se lance dans un virulent

    blme et un appel restaurer la confiance. Le genre judiciaire manifeste donc un respect des

    rgles, un examen des faits et donne la premire place au logos. LUDC en revanche tend plus

    lpidictique, et plus particulirement au blme, et sa stratgie est un martlement de

    lvidence qui rend incomprhensibles les tergiversations : il suffit de mettre le ministre et le

    chef de larme hors de la cit, de les rendre atopos selon la rhtorique grecque pour que

    laffaire soit rgle le but est de se mettre au diapason des valeurs.

    Dun autre ct, lappui sur les valeurs se fonde dans les deux premiers cas sur lacrdibilit et dans le dernier cas sur la confiance : on penche donc, en parlant de crdibilit,

    vers la restauration de lethos du Conseil fdral, alors quen voquant la confiance, on

    penche vers la restauration du pathos. Autrement dit, de manire assez logique, les partis de

    gauche et de droite se proccupent de lautorit de ltat tandis que le parti populiste se

    proccupe des sentiments de la population vis--vis de ltat.

    videmment, il faudrait tendre ces observations plus dexemples pour les lgitimer ou

    les valider. Quelle que soit la stratgie rhtorique employe, respectueuse des institutions,

    circonspecte ou non par rapport au gouvernement, leur puissance, leur efficacit, leur porterhtorique sont faibles. Pour reprendre une mtaphore bourdieusienne, aucun de ces partis na

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    le skeptronqui serait ncessaire pour obtenir la rponse attendue aux exigences formules.

    Crieraient-ils dans le dsert ? Pour rpondre, il serait intressant de voir ce que les mdias

    font de ces trois communiqus.

    3. Un dsintrt mdiatique ?

    linverse de la doxaissue de la plupart des travaux cits sur les relations troubles entre

    le monde des relations presse et celui des journalistes, lanalyse de ce cas particulier, mais qui

    semble pouvoir tre gnralis dautres exemples selon nos constats de recherche et notre

    exprience de journaliste, montre que le communiqu des partis politiques joue un rle

    marginal en tant que source premire. La preuve en est que les articles de raction au

    lendemain de la nouvelle ne mentionnent pratiquement pas les communiqus. linverse, on

    ne trouve une raction du PDC que dans les mdias, mais pas dans leurs propres

    communiqus. Si lon tudie bien larticle consacr aux ractions des partis, sign de la

    dpche dagence, on ne dcouvre quune seule mergence assez nette dune allusion au

    communiqu. Il sagit de ce passage relatif la position du parti radical :

    La suspension de Roland Nef jusqu'au 20 aot est une dcision raisonnable ,estime le PRD. Si les informations relayes par certains mdias concernantRoland Nef sont vraies, le chef de l'arme aura perdu toute crdibilit , estime le

    porte-parole du parti.

    On peut comparer cela au premier paragraphe du communiqu prcdemment cit :

    Si le Chef de l'arme s'est rellement comport de la manire dcrite dans lesmdias, sa crdibilit sera dtruite.

    Conformment la pratique journalistique, les guillemets de citation nont pas la rigueur

    de ce que lon peut trouver dans un genre acadmique : le discours rapport est assez

    approximatif, faisant passer las la notion de comportement pour se concentrer sur la

    question de la vracit des informations et corrigeant la gnralisation les mdias en la

    limitant certains mdias . De manire gnrale, la dpche tient un discours qui, en

    franais, semble plus soutenu. Curieusement, mais la dpche du parti a fait lerreur de ne pas

    le mettre en tte, lide de la ncessit dune dmission du chef de lArme exprime par le

    PRD est occulte par la dpche dagence. On notera enfin et surtout que la source dsignenest pas un texte, mais un nonciateur : la dpche renvoie au porte-parole de parti et non au

    communiqu. Peut-tre le porte-parole a-t-il lu ou reformul le communiqu au journaliste de

    lagence ?

    Toujours est-il que le recours aux communiqus, alors mme que lcrin est naturel dans

    un encadr consacr la raction des partis, est rare et trs lacunaire.

    Si on largit maintenant le propos lensemble du corpus mdiatique, de plus de 220

    articles, le mot communiqu napparat dailleurs que 17 fois 17 occurrences parmi

    lesquelles les communiqus de parti proprement dits comptent pour moins dun tiers.Comment expliquer cette faible prsence ? Il peut dabord y avoir un effet technique de

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    gommage de la source. Il est en effet facile dcrire LUDC exprime X sans mentionner la

    source prcise. Mais, sous rserve dun examen plus systmatique, cela semble rare, en tout

    cas par rapport au nombre de fois que lon mentionne un nom propre dont on rapporte les

    propos.

    La seule rfrence prcise et tendue un communiqu est celle du 26 juillet par lats,repris dans les journaux LExpressetLImpartial. On trouve ainsi dans un article qui suit la

    dmission effective du Chef de larme, une mention claire dune rfrence un communiqu

    de lUDC. La comparaison entre les deux textes est tout fait intressante.

    Comparaison intertextuelleEn gras la reprise mot mot du communiqu de lUDC

    En italique, la reprise lgrement reformule des mots de lUDCEn soulign, rcriture journalistique

    L'UDC regrettele refus des commissions de politique de scurit de demander la dmission de Samuel Schmid.Le Parlement a ainsi rat une occasion de mettre enfin de l'ordre au Dpartement de la dfense, quisouffre de graves dysfonctionnements , crit le parti dans un communiqu. Rien d'tonnant cela, poursuitl'UDC. Le PS, parti antimilitariste traditionnel, a tout intrt laisser Samuel Schmid dtruire tout seul sonarme. Quant au PDC et au PRD, leur seul souciest que l'UDC reste excluede cet actuel gouvernementdecentre gauche[] sans forcenicourage , dont ils ne veulent pas mettre en pril la belle harmonie .

    Cest le seul document de tout le corpus qui entre pleinement dans le projet de recherche

    visant analyser la reprise-reformulation des communiqus de presse. On remarquera en

    particulier un usage extrmement intressant du discours rapport sous langle de la littralit

    du propos rapport. Au final, part les verbes attributifs, on ne trouve aucun ajout du locuteurjournaliste, mais une vaste entreprise de reformulation dans ce que Wilmet (2003) appelle

    juste titre un discours absorb du point de vue syntaxique. Les guillemets qui pourraient

    authentifier la littralit des propos tenus, exhiber le discours autre, ont plutt une fonction

    nonciative de double nonciation avec laquelle le journaliste se dsolidarise du propos tenu,

    le tient expressment distance : on le voit parfaitement avec la dernire occurrence. Sur le

    plan de la fidlit au discours source, les guillemets auraient pu figurer ds mettre en pril ,

    mais en dplaant les guillemets vers belle harmonie , on voit que les guillemets ne

    prennent en charge que les opinions forte charge valuative : enfin , graves

    dysfonctionnements , sans force ni courage , belle , sont des adverbes ou des adjectifsaxiologiquement marqus. Plus subtil est lapparent factuel gouvernement de centre

    gauche : on comprend en fait tout de suite les guillemets en sachant que le gouvernement est

    compos de cinq membres de divers partis de droite contre deux socialistes. Dire que le

    gouvernement est de gauche constitue ds lors une opinion qui ne peut tre prise en charge

    par le journaliste. En revanche, le discours indirect dans rien dtonnant cela, poursuit

    lUDC nimplique pas une prise en charge de valeurs propres lUDC et introduit juste une

    attente de justification, rendant donc inutiles les guillemets. Pour le reste, on voit que le texte

    de lagence de presse est une rcriture complexe assez loin du copier-coller. Le jeu des

    guillemets permet la neutralisation du discours analyse par Pander Maat (2007) sans pourautant quil y ait coupe franche ou perte de substance. On notera aussi, propos du passage

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    Actes du colloque Le franais parl dans les mdias : les mdias et le politique (Lausanne / 2009)Marcel Burger, Jrme Jacquin, Raphal Micheli (ds)

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    consacr au PS, une complte rcriture rendant plus lisible le paragraphe originel de lUDC.

    Lisibilit accrue et neutralisation sont deux stratgies de rcriture qui permettent de rsoudre

    le conflit gnrique entre le communiqu de presse et larticle journalistique.

    4. Conclusion : un cri sans cho

    Que retenir de cette petite enqute ? Premier point, le communiqu de presse des partis

    politiques est une parole de combat sans grand effet. Une forme de rhtorique trs assertive et

    valuative qui se dcline selon des degrs de polmicit divers selon les sensibilits

    partisanes, mais dont lcho attendu est pratiquement inexistant si on en juge par le taux de

    reprise des communiqus pour cette affaire Nef. La voix officielle du parti manque donc de

    porte ce qui sexplique dune part, par labsence de pouvoir rel du parti, mais aussi, dautre

    part, par une nonciation collective impliquant sans doute un manque dincarnation dans la

    parole. Il semble assez vident que, dans le cadre de la communication politique helvtique, le

    communiqu des partis compte nettement moins que le contact direct avec les tnors des

    mmes partis : on trouve dans lunique dpche des ractions de partis mentionne plus haut

    plus de vice-prsidents que de porte-parole ou de communiqus. On peut y voir une

    dimension daccessibilit des hommes et des femmes politiques qui ne trouve pas

    dquivalent dans des pays voisins. La plupart des communiqus finissent en effet par des

    numros de tlphone portable permettant de prendre directement contact avec des prsidents

    de partis.

    Leffet de cette disponibilit permet du coup de porter un coup la doxaquon trouvesous la plume agace de Nick Davies (2008), parlant nom dejournalismmais de churnalism

    aux intonations mprisantes ou mprisables pour dsigner cette pratique de copier-coller des

    textes prmchs par des professionnels de la communication. En matire politique et dans

    lespace restreint de la Suisse romande, cela nest pas encore le cas, parce que ceux que lon

    dsire interroger ne sont pas inaccessibles. Nous avons recens pour deux journaux romands

    le nombre de fois quun communiqu de presse dun des quatre partis a t repris au cours du

    mois de juillet 2008. Affaire Nef mise part, on ne trouve aucune occurrence alors que les

    partis ont publi une petite vingtaine de communiqus sur le mois. Dun autre ct, le poids

    des acteurs politiques semble tre de plus en plus considrable : un rapide parcours sur lesarticles de presse sans compter radio et tlvision , montre que les propos des tnors ou des

    conseillers nationaux constituent une manne importante pour les mdias et sont trs

    rgulirement interrogs. Pour quelle raison ? Une enqute auprs des rdactions serait

    ncessaire, mais on peut sans doute avancer lhypothse que lanonymat des communiqus de

    presse et son caractre convenu de pure manation sans surprise du parti rebutent les

    journalistes qui prfrent dcrocher des propos exclusifs, incarner des propos plutt que de

    livrer la ligne du parti, guetter les ventuels drapages ou autres polmiques que la parole

    orale peut plus facilement dclencher que le communiqu crit. Sociologiquement aussi, le

    champ politique est de plus en plus marqu par des personnes que par des lignes partisanes etdes programmes.

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    Troisime point, il reste interroger le poids de lagence de presse dont le texte est repris

    tel quel par plusieurs journaux. En effet, il faut se demander si les journaux ne reprennent des

    communiqus que parce que lats a crit une dpche en proposant une mouture des

    communiqus dans une rcriture dont on a vu la subtilit et la complexit. Autrement dit,

    est-ce que les journaux se fient exclusivement lats ? Nous laissons cette question ensuspens, car elle nest pas vrifie ce jour, mais le filtre quexerce lats sur les sources et le

    travail de rcriture mdiatique des communiqus offrent un tel gain de temps et de travail au

    journaliste que lhypothse semble plausible.

    Quatrime point, pour les trs rares cas de reprise des communiqus, on voit des reprises

    courtes : dire la position gnrale du parti ou des reprises qui entrent dans le dtail de

    largumentation. Dans ce dernier cas, rarissime au vu du corpus analys, les efforts de

    neutralisation et damlioration de la lisibilit vus ailleurs semblent aussi se produire. Mais

    moins quune neutralisation pure, cest le jeu du discours rapport et des possibilits de

    double nonciation qui permet au journaliste de rapporter sans simpliquer dans la paroleautre.

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