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Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez une malade ayant une hyperparathyroïdie primaire Severe hypercalcemia after substitution of prolonged deficiency of vitamin D in a patient with primary hyperparathyroidism L’hypercalcémie sévère, définie par une calcémie (Ca) > 3,5 mmol/L, est une urgence thérapeutique. L’hyperparathyroïdie primaire (HPT) représente un peu plus de la moitié des causes d’hypercalcémies contre 30 % pour celles liées à un cancer (hypercalcémie humorale maligne, métastases osseuses et myélome). Le diagnostic biologique de l’HPT est aisé devant l’association d’une hypercalcémie et d’une hypophosphatémie à un taux de PTH inadapté et une hypercalciurie [1]. Une calciurie basse en présence d’une hypercalcémie à PTH conservée doit faire évoquer une éventuelle hypercalcémie familiale bénigne liée à une mutation inactivatrice du gène codant pour le senseur à calcium (CaSR) [2]. Le diagnostic biologique positif de l’HPT est source de difficultés, notamment chez l’insuffisant rénal et dans les situations d’insuffisance en vitamine D qui, en réduisant parfois de façon très importante l’excrétion urinaire du calcium, supprime un des éléments du trépied biologique de l’HPT. En outre, le déficit en vitamine D est plus fréquent chez les patients atteints d’HPT par rapport à la population générale, ce qui complique le diagnostic [3]. Le déficit en vitamine D majore le risque osseux [4] et le risque d’hypocalcémie postopératoire en cas d’HPT, d’où les recom- mandations actuelles qui préconisent de le corriger en cas d’HPT asymptomatique [5]. Une observation récente incite à réfléchir sur les risques éven- tuellement encourus dans une telle circonstance. Observation Une femme de 73 ans était hospitalisée en urgence pour une hypercalcémie sévère à 3,95 mmol/L. Elle avait depuis 4 ans une HPT non opérée. À cette période, en 2007, une hypercalcémie transitoire à 2,8 mmol/L avec une PTH à 150 pg/mL sous thia- zidique avait été mise en évidence. Après arrêt du thiazidique, la calcémie avait atteint 2,60 mmol/L, la PTH 143 pg/mL, la Ca ionisée 1,23 mmol/L, la 25OH vitamine D (25OHD) 10 ng/mL, la calciurie 1,15 mg/kg/jour. La fonction rénale et la densité osseuse étaient normales. Le tableau I montre l’évolution des paramètres biologiques et densitométriques durant tout le suivi. L’échographie rénale ne montrait ni lithiase ni néphrocalcinose mais la vacuité de la loge rénale droite après néphrectomie réalisée 15 ans auparavant en raison d’une pyélonéphrite compliquée sur lithiase. L’hypocalciurie persistante avait été rattachée à la carence en vitamine D et le diagnostic d’HPT retenu. Malgré les antécédents lithiasiques, la malade n’avait pas souhaité se faire opérer et une substitution par 25OH vitamine D3 (calcifédiol 50 mg/j) avait été prescrite. Durant 4 ans, la malade était restée asymptomatique, la Ca variant entre 2,57 et 2,7 mmol/L, la PTH entre 93 et 143 pg/mL. À aucun moment, la calciurie n’a dépassé 1,5 mg/kg/j mais le déficit en vitamine D n’a semble t-il jamais été correctement corrigé, les seules mesures de concentration plasmatique de 25OHD trou- vées dans le dossier antérieur étant de 14 et 17 ng/mL. En septembre 2011, la malade était hospitalisée pour lombalgies mécaniques, sans syndrome inflammatoire ni anomalie à l’élec- trophorèse des protéines sériques, avec une discarthrose étagée au scanner. La Ca était à 2,6 mmol/L, la PTH à 128 pg/mL. La carence en 25OHD à 10,6 ng/mL conduisait à prescrire une ampoule unique de cholécalciférol (100 000 UI). Un mois plus tard, la Ca atteignait 3,95 mmol/L puis 4,15 mmol/L, la Ca ionisée était à 1,98 mmol/L, la PTH à 556 pg/mL. La calciurie atteignait 4,4 mg/kg/jour soit 375 mg/j. La 25OHD s’était normalisée à 35,3 ng/mL, le débit de filtration glomérulaire (DFG) était de 41 mL/min. La malade était alors hospitalisée : on notait une déshydratation extracellulaire modérée et un raccourcissement minime du QT corrigé sur l’ECG. Une réhydratation intraveineuse et per os était débutée. Après 90 mg de pamidronate en IV, la Ca totale baissait à 2,84 mmol/L autorisant la sortie de l’hôpital en attendant la parathyroïdectomie. Quinze jours plus tard, la Ca était à 3,23 mmol/L, la Ca ionisée à 2,12 mmol/L. La 25OHD restait normale à 38 ng/mL. La patiente était de nou- veau hospitalisée et réhydratée ; l’inefficacité d’une nouvelle perfusion de 90 mg de pamidronate (Ca à 3,34 mmol/L) conduisait à introduire la calcitonine à 3 Â 100 UI/jour et la prednisone à 80 mg/jour dans l’hypothèse d’une éventuelle intoxication à la vitamine D secondairement écartée par la mesure répétée de la 25OHD. Devant l’absence d’amélioration Presse Med. 2014; //: /// en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 1 Lettre à la rédaction tome // >n8/ > / LPM-2565 Pour citer cet article : Duquenne M et al., Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez une malade ayant une hyperparathyroïdie primaire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025.

Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez une malade ayant une hyperparathyroïdie primaire

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Page 1: Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez une malade ayant une hyperparathyroïdie primaire

Presse Med. 2014; //: /// en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Pour citer cet article : Duquenne M et al., Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez unemalade ayant une hyperparathyroïdie primaire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025.

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Hypercalcémie sévèreaprès substitution d’unecarence prolongée envitamine D chez unemalade ayant unehyperparathyroïdieprimaire

Severe hypercalcemia after substitution ofprolonged deficiency of vitamin D in a patientwith primary hyperparathyroidism

L’hypercalcémie sévère, définie par une calcémie (Ca) > 3,5mmol/L, est une urgence thérapeutique. L’hyperparathyroïdieprimaire (HPT) représente un peu plus de la moitié des causesd’hypercalcémies contre 30 % pour celles liées à un cancer(hypercalcémie humorale maligne, métastases osseuses etmyélome). Le diagnostic biologique de l’HPT est aisé devantl’association d’une hypercalcémie et d’une hypophosphatémieà un taux de PTH inadapté et une hypercalciurie [1]. Unecalciurie basse en présence d’une hypercalcémie à PTHconservée doit faire évoquer une éventuelle hypercalcémiefamiliale bénigne liée à une mutation inactivatrice du gènecodant pour le senseur à calcium (CaSR) [2]. Le diagnosticbiologique positif de l’HPT est source de difficultés, notammentchez l’insuffisant rénal et dans les situations d’insuffisance envitamine D qui, en réduisant parfois de façon très importantel’excrétion urinaire du calcium, supprime un des éléments dutrépied biologique de l’HPT. En outre, le déficit en vitamine D estplus fréquent chez les patients atteints d’HPT par rapport à lapopulation générale, ce qui complique le diagnostic [3]. Ledéficit en vitamine D majore le risque osseux [4] et le risqued’hypocalcémie postopératoire en cas d’HPT, d’où les recom-mandations actuelles qui préconisent de le corriger en cas d’HPTasymptomatique [5].Une observation récente incite à réfléchir sur les risques éven-tuellement encourus dans une telle circonstance.

Observation

Une femme de 73 ans était hospitalisée en urgence pour unehypercalcémie sévère à 3,95 mmol/L. Elle avait depuis 4 ans uneHPT non opérée. À cette période, en 2007, une hypercalcémie

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transitoire à 2,8 mmol/L avec une PTH à 150 pg/mL sous thia-zidique avait été mise en évidence. Après arrêt du thiazidique, lacalcémie avait atteint 2,60 mmol/L, la PTH 143 pg/mL, la Caionisée 1,23 mmol/L, la 25OH vitamine D (25OHD) 10 ng/mL, lacalciurie 1,15 mg/kg/jour. La fonction rénale et la densitéosseuse étaient normales. Le tableau I montre l’évolution desparamètres biologiques et densitométriques durant tout le suivi.L’échographie rénale ne montrait ni lithiase ni néphrocalcinosemais la vacuité de la loge rénale droite après néphrectomieréalisée 15 ans auparavant en raison d’une pyélonéphritecompliquée sur lithiase. L’hypocalciurie persistante avait étérattachée à la carence en vitamine D et le diagnostic d’HPTretenu. Malgré les antécédents lithiasiques, la malade n’avaitpas souhaité se faire opérer et une substitution par 25OHvitamine D3 (calcifédiol 50 mg/j) avait été prescrite. Durant4 ans, la malade était restée asymptomatique, la Ca variantentre 2,57 et 2,7 mmol/L, la PTH entre 93 et 143 pg/mL. À aucunmoment, la calciurie n’a dépassé 1,5 mg/kg/j mais le déficit envitamine D n’a semble t-il jamais été correctement corrigé, lesseules mesures de concentration plasmatique de 25OHD trou-vées dans le dossier antérieur étant de 14 et 17 ng/mL. Enseptembre 2011, la malade était hospitalisée pour lombalgiesmécaniques, sans syndrome inflammatoire ni anomalie à l’élec-trophorèse des protéines sériques, avec une discarthrose étagéeau scanner. La Ca était à 2,6 mmol/L, la PTH à 128 pg/mL. Lacarence en 25OHD à 10,6 ng/mL conduisait à prescrire uneampoule unique de cholécalciférol (100 000 UI).Un mois plus tard, la Ca atteignait 3,95 mmol/L puis4,15 mmol/L, la Ca ionisée était à 1,98 mmol/L, la PTH à556 pg/mL. La calciurie atteignait 4,4 mg/kg/jour soit375 mg/j. La 25OHD s’était normalisée à 35,3 ng/mL, ledébit de filtration glomérulaire (DFG) était de 41 mL/min. Lamalade était alors hospitalisée : on notait une déshydratationextracellulaire modérée et un raccourcissement minime du QTcorrigé sur l’ECG. Une réhydratation intraveineuse et per os étaitdébutée. Après 90 mg de pamidronate en IV, la Ca totalebaissait à 2,84 mmol/L autorisant la sortie de l’hôpital enattendant la parathyroïdectomie. Quinze jours plus tard, laCa était à 3,23 mmol/L, la Ca ionisée à 2,12 mmol/L. La25OHD restait normale à 38 ng/mL. La patiente était de nou-veau hospitalisée et réhydratée ; l’inefficacité d’une nouvelleperfusion de 90 mg de pamidronate (Ca à 3,34 mmol/L)conduisait à introduire la calcitonine à 3 � 100 UI/jour et laprednisone à 80 mg/jour dans l’hypothèse d’une éventuelleintoxication à la vitamine D secondairement écartée par lamesure répétée de la 25OHD. Devant l’absence d’amélioration

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Tableau I

Évolution des paramètres biologiques et de la densité osseuse mesurée par absorptiométrie biphotonique à rayons X (Hologic QDR 2000)

2007 20071 Juin2011

Septembre2011

Octobre2011

Novembre2011

Ca (mmol/L)VN : 2,–2,6

2,8 2,60 2,65 2,60 3,95 3,23

Ca ionisé (mmol/L)VN : 1,15–1,38

1,23 1,98 2,12

PTH (pg/mL)VN : 14–72

150 143 90 128 556

25OHD (ng/ml)VN : 30–100

10 10 10,6 35,3 38

Phosphorémie (mmol/L)VN : 0,8–1,40

1,08 1,06 0,81

DFG (mL/min)VN : > 60

72 74 41

Calciurie (mg/kg/j)VN : 2–4

1,15 1,5 4,4

T score lombaireVN : > �1

�0,4 �0,7

T score fémoralVN : > �1

�0,9 �1,1

Traitement HCT 25OH vitamine D3 : 50 mg/jobservance ?

100 000 UI vitamine D3

HCT : hydrochlorothiazide ; 25OH vitamine D3 : calcifédiol ; VN : valeur normale.1 1 mois après arrêt de l’hydrochlorothiazide.

Pour citer cet article : Duquenne M et al., Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez unemalade ayant une hyperparathyroïdie primaire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025.

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biologique, le cinacalcet était débuté à 60 mg 2 fois/jour, la Cabaissait à 2,79 mmol/L permettant un geste opératoire. L’écho-graphie et la scintigraphie parathyroïdienne au MIBI préopéra-toires évoquaient la localisation inférieure droite d’une tumeurparathyroïdienne isolée, confirmée à la cervicotomie transver-sale classique. L’examen anatomo-pathologique répété affir-mait la nature adénomateuse de la tumeur parathyroïdienne.Deux jours plus tard, Ca et PTH étaient normalisées. Malgré lacarence antérieure chronique en vitamine D, la malade n’apas eu, en post-opératoire, de hungry bone syndrome. Deuxans après le traitement chirurgical, Ca, PTH, 25OHD restaientstrictement normales. Le DFG était à 50 mL/min. Une supplé-mentation en cholécalciférol était prescrite suivant les recom-mandations d’usage [6].

Discussion

Il s’agit de la seconde observation rapportant la survenue d’unehypercalcémie sévère après correction d’un déficit en vitamineD en cas d’HPT pour laquelle le traitement chirurgical n’est pasindiqué ou est refusé par le malade [7].

Une étude déjà ancienne montre, en cas d’HPT, que la masse del’adénome parathyroïdien et le taux postopératoire de PTH sontplus importants en cas de déficit en vitamine D par rapport àdes malades sans carence vitaminique [8]. En cas d’HPT chezdes patients carencés en vitamine D, les différentes étudesprospectives n’ont pas rapporté d’aggravation de l’hypercalcé-mie [4,9–11]. Une méta-analyse, portant sur 340 maladescarencés ayant une HPT modérée, confirme que le traitementsubstitutif par vitamine D dans cette population n’entraîne pasd’augmentation de la calcémie ni de la calciurie alors que la PTHbaisse et ce quels que soient la molécule (vitamine D2 ou D3,25OHD) et le protocole de substitution vitaminique utilisés [12].Une étude prospective, randomisée en double aveugle deRolighed et al. (supplémentation par 2800 UI/j de cholécalciférolversus placebo durant 6 mois avant parathyroïdectomie), montrel’absence de modification de la Ca ionisée et de la calciurie soustraitement vitaminique D, alors que le calcitriol augmente signi-ficativement tandis que la PTH baisse dans le groupe traité [13].Les marqueurs de résorption osseuse sont diminués sous vita-mine D alors qu’on observe une augmentation de la densité

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Pour citer cet article : Duquenne M et al., Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez unemalade ayant une hyperparathyroïdie primaire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025.

osseuse. Même la prise accidentelle de doses excessives decholécalciférol chez deux malades atteints d’HPT associée à unedéficience en vitamine D (2 400 000 UI chez l’un et 4 500 000 UIchez le second) n’a entraîné qu’une élévation modérée de laCa ionisée (de 1,35 à 1,41 mmol/L et 1,43 à 1,62 mmol/L), la25OHD ne dépassant pas 160 ng/mL [14].Pour notre patiente, une intoxication à la vitamine D a étéécartée par l’élévation préopératoire de la PTH, par l’absencerépétée d’élévation de la 25OHD, et enfin par la normalisationdurable de la calcémie et de la PTH observée dès le second jouraprès la parathyroïdectomie. L’augmentation brutale de la PTHobservée ici est indépendante de la technique : les dosagesjusqu’en 2011 ont été réalisés avec la trousse Architect Abbottqui donne des valeurs environ 30 % supérieures à celles d’ECLIACobas Roche utilisée lors des dernières hospitalisations [15]. Enoutre, l’élévation de la Ca concorde avec celle des taux de PTH. Ilsemble bien que c’est l’augmentation de la sécrétion de PTH quisoit responsable de l’augmentation de la Ca. Les autres causesd’hypercalcémies, telles une immobilisation prolongée ou unexcès de production de calcitriol, auraient entraîné une réduc-tion du taux de PTH et ont donc été écartées.L’hypothèse d’une aggravation spontanée (sans apport envitamine D) d’une HPT asymptomatique est bien documentéemais il s’agit d’une augmentation progressive de la Ca et dutaux de PTH [16], ce qui ne correspond pas à ce que nous avonsobservé. La petite taille de la tumeur, l’ancienneté de l’HPTavant son aggravation brutale, le caractère banal et considérétypique de l’adénome parathyroïdien tant par le chirurgien quelors de l’examen anatomo-pathologique et la persistance d’uneCa et d’un taux de PTH normaux à distance de l’interventionsont peu en faveur d’un carcinome parathyroïdien, mais onconnaît la difficulté de ce diagnostic et l’apparition parfoistardive d’une récidive. Il n’y a pas eu de recherche de mutationdu gène HRPT2 (CDC73) qui est souvent retrouvée en cas decarcinome parathyroïdien mais dont l’absence n’aurait paspermis d’écarter ce diagnostic.L’insuffisance chronique en vitamine D est extrêmementfréquente et d’origine multifactorielle. Elle est souvent respon-sable d’une HPT secondaire pouvant, à la longue, s’autonomiseret conduire au développement d’une hyperplasie ou d’unadénome parathyroïdien. Dans les cellules parathyroïdiennesnormales, l’augmentation de la Ca entraîne une inhibition dela sécrétion de PTH via l’activation du récepteur sensible aucalcium (CaSR). En cas d’adénome ou d’hyperplasie parathyroï-diens, l’expression du CaSR est réduite. La vitamine D agit auniveau des cellules parathyroïdiennes par l’intermédiaire d’unrécepteur spécifique dont l’expression est réduite en cas d’HPT. Enréponse à ces phénomènes, on observerait une prolifération descellules parathyroïdiennes aggravant l’HPT secondaire. Il reste àdéterminer le mécanisme par lequel une ou des parathyroïdeshyperplasiques développent une prolifération monoclonale pou-vant aboutir à l’apparition d’un adénome parathyroïdien.

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En cas d’HPT, une augmentation de l’activité de la 1-alphahydroxylase rénale induit une augmentation des taux plasma-tiques de calcitriol, alors que les taux de 25OHD sont habituel-lement réduits [4,17]. Plusieurs hypothèses peuvent expliquerla baisse observée de la 25OHD : transformation accrue encomposés inactifs hydroxylés en 24 induite par l’augmentationde la calcitriolémie [18], ou raccourcissement de la demi-vie dela 25OHD [19] ou bien encore séquestration plus importante dela 25OHD dans le tissu adipeux chez les malades atteints d’HPTpar rapport à des témoins [20].Le traitement de l’HPT est avant tout chirurgical. Selon leconsensus de la Société française d’endocrinologie, pour lesmalades n’ayant pas un des critères d’intervention chirurgicaleou qui la refusent, il convient de vérifier la calcémie tous les 6mois, la créatininémie tous les ans tandis que la densitométrieosseuse doit être effectuée tous les 2 ou 3 ans [21]. Il estnécessaire d’apporter au patient entre 600 et 1000 mg/j de Caet 800 à 2000 UI/j de vitamine D2 ou D3 et de l’informer desrisques encourus en cas de déshydratation. L’administration de100 000 UI de vitamine D3 peut aussi être réalisée tous les un àdeux mois en surveillant de façon rapprochée calcémie, calciu-rie et taux de PTH. Dans notre observation, le choix du calcifé-diol correspondait à notre pratique antérieure, désormais c’estla vitamine D3 qui est régulièrement utilisée, même si lecalcifédiol permet, pour un même nombre de mg, d’éleverplus rapidement et plus intensément la concentration de25OHD [22]. La surveillance lors de la substitution des carencesen vitamine D en cas d’HPT reste nécessaire mais les travaux deRolighed et al. [13] et la méta-analyse de Shah et al. [12] vontpeut-être en modifier les modalités.

Conclusion

L’aggravation brutale, sévère, de l’HPT ancienne de cettemalade, un mois après l’administration d’une dose uniquede 100 000 UI de vitamine D3 reste inexpliquée. Une hyper-sensibilité à la vitamine D est écartée par l’élévation considé-rable de la PTH mais on ne peut écarter une mutation du gènedu CaSR puisqu’on connaît des associations hyperparathyroïdieprimitive et mutation inactivatrice du CaSR [23], même si on nedécrit pas de telles situations aggravées par la vitamine D.Cette observation exceptionnelle ne doit en aucuncas remettre encause le bien fondé de la supplémentation en vitamine D chez lesmalades carencés en vitamine D et ayant une HPT. Cette supplé-mentation a été testée dans de nombreuses études et s’esttoujours révélée sans danger et bien tolérée, sans augmentationde la calcémie alors que la PTH diminue. La surveillance du patienthyperparathyroïdien non opéré reste de mise comprenant lesmesures de la calcémie, de la PTH et de la 25OHD. L’objectif est dedétecterune éventuelle augmentationsignificative de la calcémieet/ou de la PTH et de maintenir un taux de 25OHD « correct ». Aucours de ce suivi, on détectera ces élévations majeures (maisrarissimes) de la calcémie après prise de vitamine D.

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Pour citer cet article : Duquenne M et al., Hypercalcémie sévère après substitution d’une carence prolongée en vitamine D chez unemalade ayant une hyperparathyroïdie primaire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025.

Lettre a la redaction

Déclaration d’intérêts : pas de conflit d’intérêt pour les auteurs sauf pourJean Claude Souberbielle : publication d’un livre sur la vitamine D commandépar la société DiaSorin (fabricant de réactifs pour dosages de métabolites dela vitamine D) et prestations ponctuelles (EPU, conférences, conseil) pour leslaboratoires Roche Diagnostics, DiaSorin, Abbott, Novartis santé famille,Rottapharm, Effik, Shire, Amgen, Lilly, MSD. Aucune promotion des produitscommercialisés par ces différents sponsors n’est apparue, ni dans ce livre, nidans aucune des prestations ponctuelles déclarées.

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Marc Duquenne1, Carole Duquenne2,Jean-Claude Souberbielle3, Antoine Hamy4, Vincent Rohmer5

1Centre hospitalier du Mans, service de diabétologie,endocrinologie, 72037 Le Mans cedex 9, France

2Centre hospitalier universitaire de Brest,service de rhumatologie, 29609 Brest cedex, France

3Hôpital Necker-enfants malades, service d’explorationsfonctionnelles, 75015 Paris, France

4Centre hospitalier universitaire d’Angers, service de chirurgieviscérale, 49033 Angers cedex, France

5Centre hospitalier universitaire d’Angers, serviceendocrinologie, diabétologie, nutrition, 49033 Angers cedex,

France

Correspondance : Marc Duquenne, Centre hospitalier du Mans,service de diabétologie, endocrinologie, 194, avenue Rubillard,

72037 Le Mans cedex 9, [email protected], [email protected]

Reçu le 28 octobre 2013Accepté le 23 avril 2014

http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.025� 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

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