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Le syndrome général d’adaptation Paul Dontigny jr., Président, PDJ Avez-vous déjà lancé la serviette? Hans Selye, célèbre chercheur médical dans le domaine du stress, a développé le concept du « syndrome général d’adaptation », qui explique savamment, en quelque sorte, ce qui nous amène à lancer la serviette. Bien que les recherches de Selye soient faites dans un contexte biologique plutôt que psychologique, je propose que ses découvertes démontrent bien certaines facettes importantes de la psychologie des investisseurs. Mes observations personnelles me portent à croire que beaucoup d’investisseurs, tant institutionnels qu’individuels, lanceront bientôt la serviette sur les placements boursiers. Je n’aime pas émettre ce genre d’opinions spécifiques qui est en fait une prévision. Je crois qu’il est toujours préférable d’analyser les probabilités plutôt que de tenter de prédire un scénario unique. Mais l’accumulation de pertes et d’émotions négatives face au marché depuis deux ans, combiné à une économie faible et un endettement monstre à tous les niveaux, laissent croire que la seule raison pour laquelle le marché n’a pas encore flanché solidement est la capacité des investisseurs à ne pas lancer la serviette. Or depuis la fin janvier, j’ai ressenti pour la première fois en 3 ans que certains commencent à flancher. Des études ont démontré que les investisseurs ne lançaient la serviette qu’après une baisse supérieure à 20 %. Comme la hausse qui a culminé en janvier 2000 a été très forte, on peut croire que cette fois, cela prendrait passablement plus de 20 % de baisse avant de créer un mouvement de liquidation massif dans les fonds communs de placement et les caisses de retraite. Analysons donc un peu plus profondément comment les limites de notre corps sont déterminées, et plus spécifiquement, comment notre capacité d’adaptation ou notre « énergie d’adaptation » est limitée. Le syndrome général d’adaptation (SGA) de Selye décrit les 3 phases de réaction du corps à des stimuli externes comme le froid, la faim, des brûlures et des pertes à la bourse. Le SGA comporte 3 phases que je décrirai d’un point de vue biologique et simultanément d’un point de vue financier. La première phase: la réaction d’alarme Biologique: La faim crée des douleurs au ventre et peut-être à la tête. Des brûlures graves provoquent l’évanouissement. La résistance du corps diminue. Financier : Votre portefeuille perd 10 %. Votre courtier suggère d’en profiter pour faire des moyennes à la baisse. Votre propension à discuter bourse aux cocktails diminue naturellement pour protéger votre capacité à contrôler les émotions. La deuxième phase: la résistance Biologique : Vous n’avez toujours pas mangé mais les douleurs sont disparues. En fait, la résistance du corps augmente au dessus de la normale malgré l’exposition continue à l’agent de stress. Financier : La perte est maintenant de 17 % sur l’ensemble du portefeuille. Vous commencez à refaire les calculs concernant vos plans de retraite et peut-être à modérer le budget et possiblement changer de conseiller. Partout on vous dit de ne pas paniquer et de profiter de la baisse pour acheter des aubaines. La plupart des gens sont maintenant insatisfaits de la bourse. La troisième phase: l’épuisement Biologique : Vous n’avez toujours rien mangé. « Par suite d’une exposition longue et continue au même agent de stress, auquel le corps s’était adapté, l’énergie d’adaptation est éventuellement épuisée. Les signes de la réaction d’alarme réapparaissent, mais ils sont maintenant irréversibles, et l’individu meurt. » Financier : La baisse est de 25 % ou plus de votre patrimoine familial si durement gagné, et ce malgré tout le réconfort de vos conseillers. Si vous avez emprunté ou joué sur marge, vos courtiers et banquiers s’occupent de liquider pour vous vos actions. Autrement, peut-être que vous n’avez plus les moyens financiers de perdre davantage et vous devez liquider. Ou bien ces pertes procurent tellement de stress à vous et à votre famille que vous liquidez uniquement pour éliminer le stress épuisant … et vous ne voulez plus jamais en entendre parler. Vous avez alors lancé la serviette. Page 1 of 2 Imprimer un article, LesAffaires.Com 5/10/2002 http://www.lesaffaires.com/fr/Aujourdhui/Imprimer_Article2.asp?id=80867

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Le syndrome général d’adaptation Paul Dontigny jr., Président, PDJ Avez-vous déjà lancé la serviette? Hans Selye, célèbre chercheur médical dans le domaine du stress, a développé le concept du « syndrome général d’adaptation », qui explique savamment, en quelque sorte, ce qui nous amène à lancer la serviette. Bien que les recherches de Selye soient faites dans un contexte biologique plutôt que psychologique, je propose que ses découvertes démontrent bien certaines facettes importantes de la psychologie des investisseurs. Mes observations personnelles me portent à croire que beaucoup d’investisseurs, tant institutionnels qu’individuels, lanceront bientôt la serviette sur les placements boursiers. Je n’aime pas émettre ce genre d’opinions spécifiques qui est en fait une prévision. Je crois qu’il est toujours préférable d’analyser les probabilités plutôt que de tenter de prédire un scénario unique. Mais l’accumulation de pertes et d’émotions négatives face au marché depuis deux ans, combiné à une économie faible et un endettement monstre à tous les niveaux, laissent croire que la seule raison pour laquelle le marché n’a pas encore flanché solidement est la capacité des investisseurs à ne pas lancer la serviette. Or depuis la fin janvier, j’ai ressenti pour la première fois en 3 ans que certains commencent à flancher. Des études ont démontré que les investisseurs ne lançaient la serviette qu’après une baisse supérieure à 20 %. Comme la hausse qui a culminé en janvier 2000 a été très forte, on peut croire que cette fois, cela prendrait passablement plus de 20 % de baisse avant de créer un mouvement de liquidation massif dans les fonds communs de placement et les caisses de retraite. Analysons donc un peu plus profondément comment les limites de notre corps sont déterminées, et plus spécifiquement, comment notre capacité d’adaptation ou notre « énergie d’adaptation » est limitée. Le syndrome général d’adaptation (SGA) de Selye décrit les 3 phases de réaction du corps à des stimuli externes comme le froid, la faim, des brûlures et des pertes à la bourse. Le SGA comporte 3 phases que je décrirai d’un point de vue biologique et simultanément d’un point de vue financier. La première phase: la réaction d’alarme Biologique: La faim crée des douleurs au ventre et peut-être à la tête. Des brûlures graves provoquent l’évanouissement. La résistance du corps diminue. Financier : Votre portefeuille perd 10 %. Votre courtier suggère d’en profiter pour faire des moyennes à la baisse. Votre propension à discuter bourse aux cocktails diminue naturellement pour protéger votre capacité à contrôler les émotions. La deuxième phase: la résistance Biologique : Vous n’avez toujours pas mangé mais les douleurs sont disparues. En fait, la résistance du corps augmente au dessus de la normale malgré l’exposition continue à l’agent de stress. Financier : La perte est maintenant de 17 % sur l’ensemble du portefeuille. Vous commencez à refaire les calculs concernant vos plans de retraite et peut-être à modérer le budget et possiblement changer de conseiller. Partout on vous dit de ne pas paniquer et de profiter de la baisse pour acheter des aubaines. La plupart des gens sont maintenant insatisfaits de la bourse. La troisième phase: l’épuisement Biologique : Vous n’avez toujours rien mangé. « Par suite d’une exposition longue et continue au même agent de stress, auquel le corps s’était adapté, l’énergie d’adaptation est éventuellement épuisée. Les signes de la réaction d’alarme réapparaissent, mais ils sont maintenant irréversibles, et l’individu meurt. » Financier : La baisse est de 25 % ou plus de votre patrimoine familial si durement gagné, et ce malgré tout le réconfort de vos conseillers. Si vous avez emprunté ou joué sur marge, vos courtiers et banquiers s’occupent de liquider pour vous vos actions. Autrement, peut-être que vous n’avez plus les moyens financiers de perdre davantage et vous devez liquider. Ou bien ces pertes procurent tellement de stress à vous et à votre famille que vous liquidez uniquement pour éliminer le stress épuisant … et vous ne voulez plus jamais en entendre parler. Vous avez alors lancé la serviette.

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La situation actuelle Il y a énormément d’investisseurs qui n’ont pas les moyens de perdre davantage. On commence à entendre parler de compagnies qui doivent renflouer les caisses de retraite de leurs employés à cause de la baisse des marchés, créant par le fait même des pertes d’opérations imprévues pour les actionnaires. La proportion d’actions dans les caisses de retraite est actuellement près des niveaux records et plusieurs commencent à penser qu’ils n’ont plus les moyens de perdre encore eux non plus. Malgré une véritable propagande optimiste des milieux financiers, et politiques, il y a donc beaucoup de vendeurs potentiels. Et tous ces investisseurs sont de plus en plus sceptiques, voire cyniques, face aux excès et à l’opulence de Wall Street, de ses courtiers, ses grands financiers et ses «CEO» multimillionnaires alors que leurs clients perdent. Doit-on ajouter les analystes qui sont sous investigation de la SEC (Merrill Lynch entre autres), les grandes corporations américaines qui révisent leurs méthodes comptables (la liste est très longue) et leurs vérificateurs comptables … ? Tous les professionnels et institutions et qui ont choisi d’ignorer l’inévitable depuis deux ans, ont été sérieusement mis en doute récemment. L’étendue de la bulle, dans ce contexte, commence à être évidente. La Fed américaine, les économistes prestigieux, les dirigeants d’entreprise et les dirigeants politiques n’ont fait, pour la plupart, que nous rassurer. Tout allait bien: après la pluie, le beau temps revient. Mais, à mon avis, cause de l’agent de stress que sont les pertes, nous sommes donc près de la fin de la phase de résistance…. Le truc maintenant est de lancer la serviette avant de se faire complètement démolir. Il faudra surtout la lancer avant les autres. Avant la masse. Les principaux indices américains, Dow, S&P 500 et NASDAQ sont excessivement chers d’un point de vue absolu et fondamental (prix payé pour les profits futurs) et d’un point de vue historique (tous les ratios comme cours-bénéfice, cours-flux monétaires et cours-valeurs aux livres). Il est probable qu’un événement indirectement relié ou non relié à la bourse, comme l’annonce que le gouvernement américain ne peut pas effectuer une dépense quelconque sans dépasser son plafond de dette exigé par la loi, ou une autre attaque terroriste, ou encore une faillite inattendue d’une autre grande corporation américaine, déclenche une nouvelle phase de baisses des indices de l’ordre de 30 % à 60 % sur un an ou deux.

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