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Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation. L'exemple de la campagne d'information du public « Les bons réflexes ». Hochart Clémentine Mémoire de Séminaire Politiques publiques et gestion des risques Sous la direction de : Gwenola Le Naour (Soutenu le : 2 septembre 2011 ) Membres du jury : - Gwenola Le Naour - Emmanuel Martinais

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Université lumière Lyon 2Institut d'Études Politiques de Lyon

Les politiques de prévention des risquesindustriels face à la rhétorique de laparticipation.L'exemple de la campagne d'information du public« Les bons réflexes ».

Hochart ClémentineMémoire de Séminaire

Politiques publiques et gestion des risquesSous la direction de : Gwenola Le Naour

(Soutenu le : 2 septembre 2011 )

Membres du jury : - Gwenola Le Naour - Emmanuel Martinais

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Table des matièresRemerciements . . 4Introduction . . 5Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ? . . 18

Chapitre 1: La prise en compte progressive d'une « norme délibérative » dans lesprocessus de décision. . . 19

Une mutation progressive de la réglementation. . . 19La délibération comme nouvelle légitimation des politiques publiques? . . 24

Chapitre 2: La campagne de 2008, un cadre propice à l'ouverture ? . . 29Les campagnes d'information, entre obligation réglementaire et volontarisme desacteurs. . . 29Organisation et fonctionnement de la campagne: un exemple de concertationréussi ? . . 34

Chapitre 3: Une rhétorique de la participation qui invite les acteurs à modifier leurshabitudes. . . 39

L'État et les industriels: des acteurs en quête d'une nouvelle légitimité. . . 39Des opportunités d'ouverture qui ne sont pas toujours saisies. . . 44

Des logiques de conquête face aux opportunités d'ouverture. . . 44Les communes et les associations: des acteurs en retrait ? . . 45

Partie II: Une ouverture qui reste partielle face à certaines résistances. . . 51Chapitre 1: Derrière la multiplication des dispositifs de concertation, des rapports de forcequi perdurent. . . 51

Le maintien d'un réseau malgré l'institutionnalisation de nouveaux espaces dediscussion. . . 51Des rapports de force qui persistent. . . 56

Chapitre 2: La place du citoyen dans la campagne: l'illustration des tensions entreouverture et résistance. . . 60

L'intégration des citoyens: nouvel enjeu des politiques publiques ? . . 60L'ambiguïté des stratégies des acteurs dominants . . 63

Conclusion . . 71Bibliographie . . 73

Ouvrages . . 73Revues spécialisées . . 74Rapports . . 75Site internet . . 76Sigles . . 76Résumé . . 76Mots-clefs . . 77

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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RemerciementsJe souhaite ici remercier l'ensemble des personnes qui m'ont aidé tout au long de ce travail.

Je remercie tout particulièrement Madame Le Naour, en tant que directrice de mémoire, pourl'aide qu'elle m'a apportée à travers ses conseils et ses recommandations bibliographiques.

Je remercie également Emmanuel Martinais pour avoir accepté de codiriger ce travail ainsique pour ses remarques et critiques.

Je remercie les personnes qui ont accepté de me rencontrer lors d'entretiens pour leur tempset leur sympathie à mon égard.

Enfin, je remercie ma famille et mes proches pour leur soutien, leurs relectures attentives etsurtout leurs encouragements.

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Introduction

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Introduction

Lyon, 8 heures du matin, le 22 juin 2011. Suite à un incident technique à la raffinerie Totalde Feyzin, une fuite de dioxyde de souffre est constatée et ressentie sur une grande partiede l'agglomération. Bien que cette émission ne soit pas toxique, elle entraîne des gênesolfactives et respiratoires et provoque un vent de panique chez certains habitants. En moinsd'une heure, les services d'incendie et de secours reçoivent près d'un millier d'appels. Enfin de matinée on observe un retour à la normale. Bien que cet incident soit bénin, il estrévélateur de la peur que peuvent provoquer des incidents industriels et des tensions quipeuvent exister dans des espaces où population et industrie sont amenées à se côtoyer.

En France plusieurs régions sont concernées par les risques industriels. En raison deson histoire, la région Rhône Alpes est la deuxième région industrielle en France1. Elle estconsidérée comme le leader français dans plusieurs domaines: la chimie, la transformationdes métaux ou encore le plastique. En effet, elle possède une longue tradition industriellemalgré une perte d'attractivité se traduisant par la suppression d'environ 90 000 emploisau cours de ces vingt dernières années. L'agglomération lyonnaise constitue égalementun pôle industriel important organisé autour du couloir de la chimie. Cette zone, située ausud de l'agglomération, accueille de nombreuses industries dont certaines ont des activitésreconnues comme potentiellement dangereuses. A cause des risques qu'elle véhicule, lacohabitation entre exploitations industrielles et espaces urbain ne laisse plus indifférent. Eneffet, la présence d'installations classées alimente une certaine peur du risque industrielchez les individus qui les côtoient.

Le risque est une notion complexe à appréhender puisqu'il n'a pas d'existence propre.C'est une probabilité, un événement qui peut arriver. C'est lorsque le risque se matérialisequ'il devient accident. Il est important de saisir les notions qui sous tendent celle du risque.Tout au long de ce travail nous utiliserons la définition proposée par Olivier Borraz qui définitle risque comme « le résultat d'un processus social qui n'a pas d'existence en soi et qui

engage plusieurs groupes d'acteurs ». 2

Cette définition pose plusieurs constats: le risque n'est pas une chose en soi. Il estdonc le résultat d'une confrontation entre différents acteurs qui peuvent avoir des positionsplus ou moins divergentes. En effet, c'est au travers des interactions entre les acteurs quele risque va être défini. Nous définirons ici les acteurs comme des individus, des groupesd'individus ou des institutions identifiables, qui participent à la politique publique.

Ainsi selon le type d'activités, le lieu où est située l'activité et les acteurs en présence,la définition du risque va différer. Dans nos sociétés, le risque n'est plus uniquementscientifique ou technique, il devient un processus social. Les termes techniques ouscientifiques gardent évidemment une certaine importance dans le débat mais ils nesont plus les seuls éléments qui peuvent être mobilisés. Il est davantage question dupositionnement des acteurs par rapport à un objet non pas réel mais perçu. Au delà desaspects pratiques et des aléas qu'il pose, le risque est appréhendé comme un enjeu social.La remise en cause d'un risque zéro entraîne de fortes crispations qui doivent être prises en

1 Après l'île de France.2 Borraz, Olivier. Les politiques du risque, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 39.

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compte par les différents protagonistes. Mais elle conduit également à un renforcement desmesures de précaution et des politiques de prévention afin d'assurer un niveau de sécuritéle plus haut possible.

Les risques industriels ont commencé à être intégrés aux politiques publiques à partirdes années 1980, suite à plusieurs accidents en France et en Europe. Toutefois, on nepeut les considérer comme des phénomènes complètement nouveaux. Ils apparaissentdès le 19ème siècle lors de l'industrialisation de la France. Le développement de certainesactivités comme l'extraction minière, ou le tissage entraîne l'apparition de nouveaux risquesd'accidents: des accidents du travail liés au transport et à la manipulation de certainessubstances mais aussi des accidents dus aux conditions des infrastructures par exemple.Dès lors certaines activités humaines sont considérées comme porteuses de risques pourles individus mais aussi pour les bâtiments publics et la société de manière plus générale.Les préoccupations liées à la gestion et au contrôle des risques dans les installationsindustrielles ne sont donc pas nouvelles.

La gestion actuelle des risques industriels repose sur un ensemble de normes et delois qui ont évolué au fil du temps afin d'apporter les réponses les plus adéquates possible.En effet, les différentes catastrophes technologiques ont souligné certaines carences quinécessitaient un encadrement plus strict.

L’explosion d’un stock de nitrate d’ammonium le 21 septembre 2001 sur le site de l’usineAZF à Toulouse provoque la mort de 30 personnes et entraine plus de 2500 blessés. Cetaccident est perçu comme particulièrement choquant par l'opinion publique, le pouvoir enplace a souhaité réagir en envoyant un signal fort de changement. En prenant en comptedes évolutions antérieures à l'accident, la France adopte le 30 juillet 2003 la loi relative àla prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite« loi Bachelot ». Dans la foulée l’Europe légifère à nouveau et modifie la directive « SevesoII » via la directive 2003/107/CE.

La loi du 30 juillet 2003 se concentre sur deux axes concernant la prévention et lagestion des risques industriels majeurs. En bref, il ne s'agit plus seulement de surveiller et deverbaliser les établissements « à risques » mais de modifier les conditions de surveillance etd'administration avec un renforcement des actions préventives et une implication plus fortedes industriels. Le but en effet est de développer un contrôle administratif plus consensuelet plus partenarial.

En parallèle de ce volet traitant de la surveillance des établissements industriels, la loide 2003 cherche à renforcer une territorialisation de ces politiques publiques déjà en coursen intégrant davantage les acteurs locaux. Il s'agit ici d'ouvrir les processus de manièreplus large aux autres acteurs des politiques publiques que sont les collectivités locales,les riverains, le monde associatif et les salariés et ce tout en maintenant le rôle d'acteursclassiques: l'État et ses services déconcentrés et les exploitants. La loi de 2003 ne faitque refléter des évolutions antérieures aux années 2000 et qui ne sont pas spécifiquesaux politiques de prévention des risques industriels: l'État cherche à inscrire ses politiquespubliques dans des logiques plus locales afin de mieux prendre en compte les particularitésdes territoires. Dans un sens, la loi de 2003 peut être considérée comme plus pragmatique,l'approche du risque se fonde davantage sur les compétences techniques des différentsacteurs ainsi que sur les retours d'expérience (en France ou ailleurs).

La loi Bachelot officialise les quatre objectifs complémentaires en matière de risquesindustriels: la production de sécurité autour des sites à risques et ce via un encadrement

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Introduction

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administratif strict, une maîtrise de l'urbanisation autour des sites à risques, la mise en place

de secours en cas d'accident ainsi que l'information préventive des citoyens. 3

Nous allons nous intéresser plus particulièrement au quatrième volet de ces politiquespubliques à travers des campagnes d'information sur les risques industriels à destinationdu public. Afin de mieux comprendre la portée de ces campagnes d'information, il convientde s'attarder un instant sur les modifications apportées depuis la loi de 2003.

La loi « Bachelot » renforce l'obligation d'une meilleure information préventive pourles citoyens résidant près d'une installation industrielle, obligation déjà présente dansla directive européenne « Seveso 2 ». De manière générale, l'État a la responsabilitéd'assurer la sécurité des tiers vis-à-vis des risques industriels. C'est de cette responsabilitégénérale que découle l'obligation d'information des citoyens. Cette obligation réglementaired'informer les citoyens en cas de risques industriels est aujourd’hui inscrite dans la versionconsolidée du code de l'environnement datant de février 2011 à l’article L.125-2:

« Les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ilssont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegardequi les concernent. Ce droit s'applique aux risques technologiques et aux risques

naturels prévisibles». 4

En ce sens, la loi « Bachelot » n'invente rien en la matière et ne fait que compléter ledispositif réglementaire déjà en place. A travers de nouveaux dispositifs, la loi de 2003officialise le rôle d'un certain nombre d'acteurs clefs des politiques de prévention desrisques. Nous retiendrons ici quatre collèges d'acteurs, à savoir l'État et ses servicesdéconcentrés, les industriels, les collectivités territoriales ainsi que les citoyens et la sociétécivile. Ce découpage peut sembler artificiel mais il nous permettra de mieux comprendrecomment se décident, se mettent en place et fonctionnent les politiques de préventiondes risques industriels. Ces différents groupes d'acteurs ne pèsent pas de façon identiquesur les politiques et n'ont pas non plus les mêmes obligations réglementaires. De plus,ces acteurs n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts en matière de prévention desrisques industriels, ce qui peut ajouter un degré de complexification dans les processus deconcertation.

Avant d'aller plus loin, il convient de présenter de manière succincte et générale leurrôle réglementaire en matière de prévention des risques industriels. Les citoyens ainsi quela société civile, ne sont soumis à aucune obligation réglementaire. Ils disposent cependantd'un droit à l'information sur lequel nous reviendrons plus longuement dans ce mémoire. Deplus, ce groupe d'acteurs bénéficie de nouvelles possibilités: le développement d'un droit àl'information s'est accompagné de nouvelles opportunités d'expression de leurs positions.

Les exploitants sont les premiers concernés puisqu'ils sont directement responsablesdes risques industriels. Ainsi chaque établissement classé « Seveso seuil haut » doitrédiger une étude de danger (ou analyse des risques), étudiée ensuite par les servicesde l'inspection des installations classées. Ce document doit permettre d'analyser la naturedes dangers présents dans l'installation et de définir les mesures à mettre en place pourréduire ces risques. Cette étude de danger est essentielle pour permettre la mise en placedu Plan d'opération interne (POI), document lui aussi à la charge de l'exploitant ainsi que

3 Martinais, Emmanuel, L'administration des risques industriels: entre renouvellement et stabilité, Regards sur l'actualité, LaDocumentation Française, n°328, 2007, p. 25-374 Article L.125-2 du Code de l’environnement tel que modifié par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010-art. 247.

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du Plan Particulier d'intervention ou PPI, mené sous l'autorité du préfet. De plus, dans lecadre du droit à l'information dont disposent les citoyens, les exploitants doivent informerles populations avoisinantes des risques auxquels ils sont soumis.

L'État est omniprésent en matière de prévention des risques industriels, en particulierau travers de ses services déconcentrés et des préfets. Depuis 2003, le préfet élabore,en collaboration avec les services déconcentrés de l'État comme la direction régionale del'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou la direction départementaledes territoires (DDT), et met en œuvre les plans de prévention des risques technologiques,désignés sous le nom de PPRT. L'État, par le biais du préfet, est également responsabled'une partie de l'information du public à travers le dossier départemental sur les risquesmajeurs (DDRM).

Enfin, les collectivités territoriales ont vu leurs prérogatives fortement augmenter depuisles années 1980. Elles disposent maintenant de plusieurs leviers d'action en matière deprévention des risques industriels. Les communes, plus particulièrement, sont devenuesdes acteurs majeurs avec lesquelles les industriels sont dans l'obligation de collaborer.

Tant en termes de taxes que d'emplois elles ont intérêt à avoir un site industrielsur leurs territoires. Et de l'autre côté il faut en subir les conséquencesenvironnementales, et pour certaines d'entre elles, pour les établissements

SEVESO, le risque industriel. 5

Les communes sont liées aux exploitants puisque, comme l'extrait ci dessus nous le montre,il existe des enjeux économiques et financiers associés à la présence d'établissementsindustriels sur leurs territoires. Il semble donc essentiel pour elles de pouvoir participer auxprocessus de décision des politiques de gestion des risques. Mais, à contrario, elles doiventaccepter les risques qui en découlent. D'acteurs spectateurs elles sont devenus acteurs co-décideurs qui cherchent à peser sur les décisions prises au niveau national. Actuellement, lemaire est responsable de l'élaboration du Plan local d'urbanisme ou PLU, ce qui lui permetd'intégrer le risque industriel dans l'aménagement du territoire de sa commune. Dans lecadre du PPI, il est également chargé d'élaborer un Plan Communal de Sauvegarde. Cedocument détermine les modalités d'alerte, de protection et d'information mises en placepar la commune par rapport aux risques identifiés sur son territoire.

Enfin le maire est chargé du DICRIM, Document d'information Communal aux RisquesMajeurs. Ce document est un instrument pédagogique dans lequel figurent les risques quiconcernent la commune, les mesures prises par cette dernière pour les prévenir ainsi queles consignes de sécurité à respecter en cas d'incident. Le DICIRM doit être consultable« sans frais ». Certaines communes font l'effort de l'envoyer aux habitants. Cependantcontrairement aux campagnes d'information, ce n'est pas obligatoire.

Compte tenu de leurs obligations légales et de leurs poids respectifs, la puissancepublique, les industriels et les collectivités territoriales seront ici entendus comme les acteurstraditionnels ou dominants en matière de prévention des risques industriels.

Les campagnes d'information à destination du publicIl s'agit ici de faire le distinguo entre deux types d'information du public: l'information

fournie soit par les préfets, les DDRM, soit par les maires c'est à dire les DICRIM, et cellefournie par les exploitants. Les campagnes d'information du public s'inscrivent dans cette

5 Annexe 2 : entretien SPIRAL/DREAL

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deuxième catégorie. Elles relèvent d'une obligation réglementaire tirée de l'article L 125-2du code de l'environnement.

La nature de ces documents est précisément déterminée dans le décret n°2005-1358du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention ainsi que dans l'arrêtédu 10 mars 2006 relatif à l'information des populations. Cette nuance est essentielle pourcomprendre ce que peuvent contenir les campagnes d’information à destination du public :

« Vous avez bien compris que l'information du public concernant les risquesindustriels majeurs incombe à l'exploitant. On est dans quelque chose dedifférent du DICRIM [Document d'information communal sur les Risquesmajeurs], l'information sur les risques majeurs d'ordre général et qui incombeau maire. Les deux ne sont pas du même niveau, à la fois en termes de précisionet de nombre d'informations à donner et également concernant la manière

d'informer. » 6

Comme souligné dans l'extrait, les informations délivrées doivent être plus précises etcomplètes que celles contenues dans les DDRM ou les DICRIM. De plus, l'informationdoit être distribuée aux citoyens même si ces derniers ne cherchent pas à l'obtenir.Contrairement aux DICRIM qui sont « consultables en mairie », l'information fournie par lesexploitants doit arriver directement chez les citoyens, donc dans leurs boites aux lettres.

Dans l'agglomération lyonnaise, les campagnes d'information du public ne sont pasune nouveauté issue de la loi « Bachelot » puisque les premières campagnes ont étémenées dans les années 1990. Nous allons nous intéresser plus particulièrement à lacampagne d'information menée en 2008 et connue par le grand public sous le nom « Lesbons réflexes ». Il s'agit d'utiliser cette campagne comme un cas pratique afin de mettre enévidence les avancées en matière de prévention des risques depuis les années 2000 et leslimites qui persistent encore.

Mais, attardons nous un instant sur le contenu de la campagne « Les bons réflexes ».Afin de mieux positionner la campagne dans son environnement, voici quelques

chiffres:- la campagne concerne 68 sites industriels de la région dont 64 établissements

industriels Seveso « Seuil haut ».-les périmètres d'information concernent 186 communes, réparties sur les huit

départements de la région soit une population d'environ 1,2 million de personnes.Concernant notre terrain d'enquête, à savoir le sud de l'agglomération lyonnaise,

seize sites, installés sur neuf communes, ont été concernés par la campagne. Cependant,plus d'une vingtaine de communes de l'agglomération lyonnaise situées à proximité d'unétablissement « Seveso seuil haut » ont été visées par la campagne.

Cette dernière recouvre tout un ensemble d'outils de communication (brochures, siteinternet, affichettes, magnets...) établis à cette occasion afin d'apporter un certain nombresde réponses aux questions que peuvent se poser les citoyens concernés par un ou plusieursrisques industriels mais aussi dans le but de diffuser les mesures à adopter afin d'assurerleur sécurité en cas d'accident. Chaque foyer concerné par un risque industriel reçoit unebrochure contenant des informations jugées primordiales: les principaux axes de la politiquede prévention des risques sur le territoire, les définitions de certains termes (accidents

6 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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industriels, établissements classés Seveso, etc.), les modalités d'alertes ainsi que les bonsréflexes à adopter en cas d'accident. En plus de cette partie commune à chaque bassinde la région, la brochure contient des informations spécifiques à chaque bassin et auxinstallations qui y sont installées.

Les relais d'opinion, à savoir les mairies et leurs élus locaux, certains servicespublics comme les établissements scolaires, les médias locaux ou encore des médecinsgénéralistes, reçoivent un dossier d'une vingtaine de pages reprenant de manière pluscomplète les informations contenues dans les brochures. De plus, des outils pédagogiquesà destination des collèges et lycées ont été réalisés. Afin de toucher un public le plus largepossible, un numéro vert ainsi qu'un site Internet sont activés.

Une fois ces outils de communication distribués aux citoyens, des réunions publiquessont organisées dans les différents bassins d'information de Rhône Alpes. A cette occasion,d'autres documents sont également proposés: un film d'une dizaine de minutes, despanneaux d'exposition... Les réunions publiques représentent l'occasion pour les citoyensde poser directement leurs questions aux différents acteurs. En effet, à chaque réunionétaient présents des représentants de l'État (des membres de la préfecture, de la DREALou de la DDT...), des industriels ainsi que des élus locaux.

Ainsi, la campagne d'information « Les bons réflexes » peut servir d'illustration pour cequi concerne les changements et les continuités qui accompagnent les politiques traitant desrisques industriels. Nous l'avons évoqué plus haut, les politiques de prévention des risquesindustriels se sont inscrites dans des logiques plus territoriales, avec une importance plusgrande donnée aux acteurs ancrés dans le territoire concerné. La campagne de 2008 s'estdavantage inscrite dans cette territorialisation que les campagnes précédentes.

En effet, l'originalité de la campagne 2008 repose sur sa « régionalité » et samutualisation. A partir des conclusions tirées des campagnes précédentes, il est apparu quel'information de la population n'était pas toujours strictement conforme à la réglementationet variait selon les départements.

Organiser une campagne mutualisée, c'est à dire regroupant plusieurs établissementsde nature similaire et se trouvant sur un même territoire, présente plusieurs avantages.Premièrement, cela permet aux citoyens de disposer d'une information de meilleure qualitéet plus uniforme, les informations et la façon dont elles sont délivrées doivent être les mêmespour tous quel que soit le lieu ou l'on se trouve. Notons que les spécificités de chaqueétablissement industriel sont néanmoins prises en compte.

Deuxièmement la mutualisation permet aux industriels de réaliser des gains financierset humains grâce à des économies d'échelle. Ils sont alors plus enclins à participer à lacampagne plutôt qu'à agir de leur côté. En effet, l'État et les partenaires des exploitants, enparticulier les collectivités territoriales participent financièrement à la campagne.

Enfin, l'information semble plus crédible puisque la campagne n'est pas directementmenée par les industriels mais elle est animée par plusieurs instances collégiales. C'est dumoins ce que devait être la campagne sur le papier. En réalité elle a été fortement encadréepar son Secrétariat permanent doté d'une forte initiative et d'un pouvoir de proposition surlequel nous reviendrons. De manière générale la mutualisation de la campagne permet demener des actions allant au delà du cadre réglementaire.

A travers la campagne de 2008, on observe également une volonté de démocratisationdes politiques de prévention des risques avec la multiplication de dispositifs dédiés à unemeilleure information, à davantage de participation et de concertation. Ce bourgeonnementde nouveaux outils censés favoriser les processus de démocratisation atteste, dans une

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certaine mesure, d'une ouverture des politiques de prévention des risques, problématiquesur laquelle nous reviendrons dans la suite de ce travail. De manière plus globale, étudierla campagne présente un intérêt en ce qu'elle constitue un observatoire des politiquespubliques menées en matière de gestion des risques et des rapports de force qui existententre les différents protagonistes.

ProblématiqueLa littérature concernant les risques industriels s'est fortement développée depuis la

fin des années 1980 et elle a eu tendance à augmenter depuis l'accident d'AZF en 2001.Nombreux sont les ouvrages ou rapports qui proposent des bilans concernant les effets dela loi de 2003 à la fois sur la façon dont sont appréhendés les risques aujourd'hui mais aussisur les relations entre les acteurs des risques industriels.

La loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparationdes dommages est souvent présentée comme ayant permis un renouveau des logiquesinhérentes à ces politiques publiques. Il est vrai que des modifications non négligeablesdans la façon dont sont menées les politiques de gestion des risques existent aujourd'hui.Cependant, ces changements puisent leurs origines bien avant la loi « Risques » de2003. De manière plus générale, les politiques de prévention des risques industriels sontconcernées par un impératif de la participation pour mieux justifier l'action publique. Onobserve le développement d'une rhétorique de la participation, qui passe le plus souventpar la multiplication des lieux de discussion publique. On peut reprendre ici les travaux deLoïc Blondiaux qui évoque « une valorisation constante et systématique de certains thèmes:discussion, débat, concertation, consultation, participation, gouvernance »7 . On observeraitune volonté de démocratisation des politiques publiques, démocratisation qui passerait parune participation plus active des acteurs locaux.

Concernant les risques industriels, on retrouve dans la volonté politique de la loiBachelot cette valorisation de la participation. La loi « Risques » cherche effectivementà établir une prévention « élargie » et concertée. Cette prévention passerait par descollectifs élargis à l'ensemble des acteurs, et non plus uniquement aux services de l'Étatou aux industriels, même si ces derniers continuent à jouer un rôle central. L'émergencede l'importance de la délibération passe par l'intégration de nouveaux acteurs dans leprocessus. On aurait donc une transgression de la frontière opposant savoirs savants etsavoirs profanes avec un « dessaisissement symbolique du monopole des experts sur lapréparation des décisions collectives »8

D’après les travaux de M-G Suraud, l’accident d’AZF aurait créé une rupture dans la

prévention des risques avec une nouvelle définition de l’accès à l’information. 9 Il n’est

plus uniquement question de diffuser les consignes de sécurité au plus grand nombre, ils’agit aussi d'intégrer des principes de démocratisation aux politiques de prévention desrisques industriels en rendant les processus plus transparents et en intégrant davantage lesriverains et le tissu associatif aux décisions.

Nous retiendrons ici une citation d'Emmanuel Martinais pour qualifier en partie leschangements depuis les années 2000 et orienter la problématique de ce mémoire:

7 Blondiaux, Loïc. La délibération, norme de l'action publique contemporaine?, Projet 268, dossier « Décider en politique »,hiver 2001-2002, p.81.

8 Callon, Michel. Lascoumes, Pierre. Barthe, Yannick. Agir dans un monde incertain. Essais sur la démocratie technique. Seuil,2001.

9 Suraud, Marie-Gabrielle. La catastrophe d’AZF : de la concertation à la contestation. Paris : La documentation française, 2007.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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« l’action publique se territorialise: de nouveaux acteurs locaux émergent et de nouvelles

configurations de négociations plus horizontales s'institutionnalisent » 10 .

D'autres auteurs s'inscrivent dans cette vision d'une ouverture qui toucherait lespolitiques publiques de prévention des risques industriels majeurs. Dans un rapport intitulé« Ouvrir la concertation sur les risques industriels, la constitution du CLIC de Feyzin

(69 ») 11 , des conclusions similaires sont proposées. La loi du 30 juillet 2003 aurait

encouragé l'élargissement des cercles de décision et la reconnaissance de nouveauxacteurs. L'emprise du milieu technico-administratif diminuerait au profit d'un accroissementd'acteurs plus ancrés localement. La campagne « Les bons réflexes » témoigne de cetteouverture car elle intègre un plus grand nombre de protagonistes dans son fonctionnement.En plus d'une présence importante des acteurs dominants, on constate, par exemple,l'inclusion d'associations dans certains groupes de travail.

Cependant, toujours à partir de l'exemple de la campagne 2008 et du rôle qu'ont joué lesdifférents acteurs, l'ouverture et la démocratisation ne peuvent être applicables à l'ensembledu processus. En effet, la plupart des décisions sont encore prises dans des cercles trèsfermés auxquels seuls les « acteurs traditionnels » ont accès.

En prenant appui sur ces pistes de réflexions, nous tacherons de répondre à laproblématique suivante: En quoi la campagne d'information du public de 2008 reflète-t- elle certaines contradictions en matière d'ouverture et de concertation qui existentdans les politiques publiques de prévention des risques industriels?

Il ne s'agira pas de présenter ce que pourraient être les politiques de prévention desrisques dans un futur proche mais de s'intéresser aux contradictions qui sont apparues ouqui ont été mises en exergue par la loi Bachelot de 2003.

Il semble aujourd'hui évident que les politiques de prévention des risques sontconcernées, comme la majorité des politiques publiques, par une plus grande ouverturedans les processus de décision et d'application, et ce à différents niveaux. Nous pouvonsici nous appuyer sur les travaux de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe afin

de souligner l'arrivée de « profanes » dans les politiques publiques 12 . Les profanes sontentendus de manière générale comme les citoyens, les individus n'ayant pas d'expertisesavante. A travers les controverses et le poids plus important des profanes, on observedes effets d'apprentissage chez les acteurs jusque là dominants: « [Il est toléré] que lesprofanes entrent dans les contenus scientifiques et techniques pour proposer des solutions[ce qui conduit] les promoteurs à redéfinir leurs projets et à explorer de nouvelles voies derecherche qui seraient susceptibles d'intégrer des revendications auxquelles ils n'avaient

pas songé ». 13

En plus d'une meilleure intégration des citoyens, les travaux à ce sujet s'accordent pourmettre en avant une ouverture des politiques de prévention des risques à un plus grand

10 Martinais, Emmanuel, L'administration des risques industriels: entre renouvellement et stabilité, Regards sur l'actualité, LaDocumentation Française, n°328, 2007, p.30.

11 Nonjon, Magali. Duchene, François. Lafaye, Françoise (coord.). Martinais, Emmanuel. Ouvrir la concertation sur les risquesindustriels: la constitution du CLIC de Feyzin. Programme Risque Décision Territoire, 2007, 107 pages.

12 Callon, Michel. Lascoumes, Pierre. Barthe, Yannick. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Paris:Edition Seuil, septembre 2001. 358 pages.

13 Ibid, p. 55

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Introduction

Hochart Clémentine - 2011 13

nombre d'acteurs locaux. Cette ouverture est renforcée par la loi du 30 juillet 2003, maiselle prend racine dans les premières lois de décentralisation, où, très vite, les collectivitésterritoriales s'emparent de sujets jusque là sous le monopole de l'État. Les processus dedécision et de mise en place de ces politiques de prévention des risques industriels se sontprogressivement ouverts aux élus locaux, entraînant une recomposition progressive desrôles des acteurs. Les années 2000 s'inscrivent dans ce prolongement et constatent unesortie progressive d'un face à face entre les services de l'État et les industriels. C'est souscet angle que l'on peut accepter de parler d'une prévention des risques plus concertée: lesacteurs sont plus nombreux et doivent s'entendre pour proposer un cadre réglementairecohérent. Par exemple, l'étude de dangers réalisée par l'exploitant sert de base pourpouvoir réaliser les POI ainsi que les PPI: les actions menées par chaque acteur doivent secompléter et non pas se contredire afin d'être les plus fonctionnelles possibles.

Les hypothèses qui ont alimenté ce travail sont les suivantes: la loi Bachelot de 2003est révélatrice d'une dynamique participative qui entraîne une valorisation des principes deconcertation et de transparence. La mise en pratique de ces principes et, plus généralementde cette rhétorique participative, passe par une multiplication des acteurs pouvant prendrepart aux processus de décision et d'application des politiques de prévention des risquesindustriels. En effet, l'implication d'un grand nombre d'acteurs dans les processus dedélibération favorise une meilleure acceptation sociale des décisions.14

Cet élargissement de la base des acteurs se traduit par une multiplication des dispositifsparticipatifs. Ces derniers permettraient de déboucher sur des politiques plus partenariales,plus concertées, cela grâce à une redéfinition du rôle des acteurs historiquement présentsdans ces politiques, à savoir l'Etat et ses services déconcentrés, les industriels et lescollectivités territoriales. L'exemple de la campagne « Les bons réflexes » de 2008 illustrecette multiplication des dispositifs participatifs et le poids que la rhétorique de la participationpeut occuper.

Lors des différents entretiens, les acteurs qui ont participé à la campagne de 2008 ontinsisté sur l'intégration d'associations ainsi que de citoyens dans les débats. Cependantun fossé apparaît assez nettement entre les acteurs particulièrement actifs concernant lesrisques industriels que sont les services de l'Etat, les exploitants et les élus locaux et desacteurs plus « secondaires », dans le sens où ils ne disposent pas d'un pouvoir de décisionmais d'un pouvoir de contestation. Ainsi, la rhétorique participative n'impacte pas l'ensembledes procédures et des acteurs de la même façon.

En nous appuyant sur la campagne « Les bons réflexes », nous montrerons que cesnouveaux dispositifs sont utilisés différemment selon les acteurs en question. Alors quel'administration et les exploitants ont tendance à les utiliser comme nouvel instrument delégitimation, ils sont davantage considérés comme des tremplins pour mieux peser sur lespolitiques de prévention des risques. Cependant la forme délibérative est aujourd'hui unimpératif que les décideurs doivent prendre en compte afin de légitimer leurs décisionset leurs prises de position. Dans une certaine mesure les notions de concertation et detransparence obligent les acteurs dominants à reconsidérer leurs pratiques et, dans certainscas, à les modifier afin d'éviter de rendre les dispositifs qu'ils mettent en place illégitimesaux yeux d'autres acteurs et de l'opinion publique.

14 Blondiaux, Loïc. La délibération, norme de l'action publique contemporaine? Projet 268, dossier « Décider en politique »,hiver 2001-2002, p. 81-90.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

14 Hochart Clémentine - 2011

A l'image de la campagne de 2008, on retrouve une certaine ambiguïté concernant ledéveloppement de ces nouveaux dispositifs. Entre ouverture et résistance, ils concentrentun certain nombre de contradictions auxquels les acteurs sont confrontés.

Présentation du terrain d'enquête: l'agglomération lyonnaisePour mieux comprendre le choix du terrain, il est important de revenir ici sur les

particularités de l'agglomération lyonnaise. Deux accidents historiques sont à noter: le 4janvier 1966 à Feyzin, commune située au sud de Lyon, deux sphères de stockage depropane explosent et provoquent la mort de 18 personnes. 84 autres personnes sontblessées.

Le 2 juin 1987 dans un dépôt de carburant situé au Port Edouard-Herriot à Lyon uneexplosion dans un réservoir d'hydrocarbure produit une « boil over »: une boule de feu dedeux cent mètres s'élève jusqu'à cent mètre de haut entraînant la mort de deux personnes.On déplore une quinzaine de blessés.

A cause de l'existence du « couloir de la chimie », l’agglomération lyonnaise estparticulièrement concernée par les risques industriels et par leurs incidences parfoisdramatiques. Le couloir de la chimie est une zone d'une dizaine de kilomètres située au sudde l'agglomération lyonnaise. Y sont implantés pas moins de douze établissements classés

« Seveso » 15 . Selon le géographe Jacques Donze, nous serions en présence d'un exemplede « complexe industriel des années 1960 et 1970, prolongement d'activités apparues dèsle XIXe siècle »16.

En raison d'une urbanisation rapide de la banlieue lyonnaise après les années 1970,certaines zones industrielles se trouvent aujourd'hui encastrées dans des zones urbaines.En effet, la plupart des établissements classés « Seveso » se sont d'abord installésà distance des centres villes. Suite aux aménagements des territoires et à l'étalementurbain des Trente Glorieuses, l'usine finit par occuper une place, sinon centrale, du moinsimportante au sein de ces zones urbaines. Au delà des préoccupations de sécurité quicommencent à émerger à la fin des années 1970, l'industrie conserve une certaine légitimitépuisqu'elle contribue au développement économique du territoire dans lequel elle s'inscrit.

Les accidents liés aux risques industriels en France et en Europe, ainsi que ledéveloppement des préoccupations environnementales ont débouché sur une prise deconscience, et dans certains cas, sur un rejet des nuisances et risques que peut représenterla présence de ces établissements industriels. La proximité entre industrie et habitations enrégion Rhône-Alpes est aujourd'hui moins bien tolérée qu'elle n'a pu l'être.

La vallée du Rhône présente donc plusieurs intérêts: l'urbanisation observée dansles années 1970 s'est accompagnée d'un développement voire d'une transformation desactivités des établissements installés. Le couloir de la chimie semble être aujourd'huiun espace trop étroit pour pouvoir marier les intérêts des différents acteurs présentslocalement. La proximité entre habitations et établissements Seveso « seuil haut » estremise en cause par certains élus et par une partie de la population qui ne souhaite plusêtre soumise aux risques que peuvent porter ces installations.

15 Nonjon, Magali. Duchene, François. Lafaye Françoise (coord.). Martinais, Emmanuel. Ouvrir la concertation sur les risquesindustriels. La constitution du CLIC de Feyzin. Programme Risque Décision Territoire, 2007, page 7.

16 Donze, Jacques. « Le risque: de la recherche à la gestion territorialisée », Géocarrefour, [En ligne], 2007, vol. 82/1-2, misen ligne le 14 mars 2008, consulté le 29 mai 2011.

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Introduction

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De manière générale, le couloir de la Chimie présente des caractéristiquessociales et géographiques qui en font un terrain d'enquête relativement homogène. Lespolitiques menées en matière de prévention et d'information sur le territoire peuvent êtreappréhendées comme un ensemble compréhensible. De plus, la vallée du Rhône estanimée par des logiques et des échelles différentes selon les acteurs concernés. Onobserve des logiques territoriales qui valorisent le local tandis que d'autres valorisent leniveau régional, parfois même européen.17

Parce le risque s'inscrit dans une histoire longue dans la région mais aussi parce quele territoire se présente comme un ensemble relativement cohérent à étudier, le couloirde la Chimie constitue un terrain favorable afin d'étudier les politiques d'information et deprévention en matière de risques industriels.

MéthodologieAfin de répondre à la problématique, nous nous sommes penchés sur l'agglomération

lyonnaise dans le cadre de la campagne d'information du public de 2008.Dans cette perspective, nous avons menés des entretiens semi directifs auprès des

acteurs clefs de cette campagne, en particulier les trois membres principaux du secrétariatpermanent: le secrétaire général du SPIRAL, la secrétaire déléguée du SPPPY , tous deuxfonctionnaires de la DREAL et la secrétaire générale d'APORA.

Mais, afin de prendre en compte les différences d'opinions qui existent entre lesacteurs ayant pris part à la campagne (ou prenant part de manière plus générale auxpolitiques de gestion et de prévention des risques), il nous a semblé pertinent de rencontrerdes personnalités représentant plus largement les acteurs principaux des politiques deprévention des risques industriels.

Nous avons cherché à respecter les différents collèges d'acteurs utilisés dans le cadrede la campagne à savoir des représentants de la société civile, l'administration ainsi quedes élus ou des personnes chargées des risques dans une commune de l'agglomérationlyonnaise. Ce découpage peu paraître théorique. Cependant, il est apparu particulièrementpertinent puisque les acteurs eux mêmes se positionnent par rapport à ces catégories.

Sur un plan pratique, les entretiens menés n'ont pas posé de véritables problèmes. Lesacteurs ayant acceptés de nous recevoir sont pour la plupart habitués à s'exprimer sur cessujets. Cependant ces entretiens semi-directifs, s'ils sont menés indépendamment, ne sontpas la méthodologie la plus efficace pour traiter notre problématique. En effet, l'entretiensociologique relève davantage d'une parole réfléchie, il ne permet pas l'observation despratiques des acteurs. Or, les acteurs qui ont participé à la campagne d'information de2008 ont pris le temps d'analyser leurs actions et la campagne de manière plus globale.Leur parole est donc « préméditée » et mûrement pesée. Nous retrouvons ici la principalelimite de cette outil méthodologique: l'enquêteur doit démêlé le vrai du faux dans la parolecollectée. Afin de tempérer cette limite, nous avons souhaité combiner plusieurs outilsméthodologiques.

En plus de ces entretiens, plusieurs observations sur le terrain sont menées afind'appréhender au mieux les relations qui existent entre les acteurs. Pour cette raison,les réunions publiques, promues par la campagne, par les services de l'État et lesreprésentants des industriels, nous sont apparues comme un passage obligatoire afin derendre compte des rapports de force qui existent. En parallèle, nous avons assisté auforum intitulé « Sécurité industrielle et villes durables », organisé à Pierre Bénite (69)

17 Ibid

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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en avril 2011. Ce forum regroupe des acteurs dont les noms reviennent régulièrementdans le domaine des risques industriels dans l'agglomération lyonnaise. Il nous était doncparticulièrement intéressant d'y assister. De plus, par l'intermédiaire de ce forum, nousavons pu rencontrer des personnalités importantes dans les politiques de prévention desrisques qui n'ont par ailleurs pas répondu à nos sollicitations. Ceci est particulièrementvrai pour les industriels. En effet, le terrain choisi ne pose pas de problèmes spécifiques,toutefois il nous a été difficile de réaliser des entretiens directement avec les exploitants.Ces derniers sont particulièrement vigilants quant aux informations qu'ils délivrent : lesexploitants ont mis en place depuis plusieurs années une communication à destination dugrand public fortement contrôlée. Nos demandes d'entretien auprès des établissementsindustriels de l'agglomération lyonnaise se sont révélées infructueuses. Nous avons doncdécidé de passer par des représentants des exploitants et ce via l'organisme APORA. Parl'intermédiaire de ce forum et des dires des autres enquêtés, nous avons taché de menerune analyse la plus pertinente possible.

Ces observations pratiques, bien que ponctuelles, a permis de donner à nos recherchesune réalité plus concrète à notre terrain.

Afin de se rapprocher le plus possible d'un idéal méthodologique nous avons combinéà ces entretiens sociologiques et à ces observations, l'utilisation de documents publiés dansle cadre de la campagne de 2008. Cette dernière est considérée comme une réussite entermes de communication et d'information à destination du public. Elle est donc fortementmise en avant par l'ensemble des participants. Sur le site internet www.lesbonsreflexes.com, de nombreux documents sont disponibles, comme par exemple les lettres d'information surles risques industriels majeurs en Rhône-Alpes, le dossier destiné au public « Campagned'information du public 2008 », le dossier « Bilan de la campagne 2008 » réalisé enseptembre 2009 et retraçant une partie de la préparation et de la mise en œuvre de lacampagne.

En plus de ces documents officiels et facilement accessibles, plusieurs acteurs nousont fournis des dossiers plus informels. Cependant, nous n'avons pu obtenir l'ensemble desrenseignements sur la campagnes, puisque nombre d'entre eux n'ont pas été conservéspar les acteurs concernés. C'est du moins ce qu'ils m'ont répondu. Il manque donc unepartie des documents retraçant les débats et le fonctionnement des groupes de travail.Il a donc fallu composer avec ces manques. Compte tenu des lacunes et de l'orientationde certains documents rattachés à la campagne de 2008, l'utilisation des sources depremière main s'est parfois révélée périlleuse puisque les acteurs qui ont rédigé la plupartdes documents de la campagne de 2008 sont parties prenantes. Leur vision n'est doncpas toujours neutre. Cependant, il nous semblait important de valoriser l'ensemble de cessources et de les utiliser pour comparer leurs contenus avec les dires des acteurs et lesobservations réalisées sur le terrain.

Globalement, la méthodologie choisie n'a pas particulièrement posé de problèmes.La plupart des acteurs sont plutôt disposés à s'exprimer sur les problématiques qu'ilsrencontrent quotidiennement dans leur travail et sur les relations qu'ils entretiennent avecles autres protagonistes. En effet, même si il existe des divergences d'opinions, les relationsentre les acteurs ne peuvent pas être considérées comme conflictuelles.

Annonce du planAfin de répondre à notre problématique générale, nous nous attacherons à observer

les modifications constatées depuis les années 2000 dans les politiques de préventiondes risques industriels. A partir de l'organisation et du fonctionnement de la campagne

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Introduction

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d'information de 2008, nous montrerons que l'apparition d'une rhétorique de la participation,qui valorise des notions comme la concertation, la délibération ou encore la gouvernance,se vérifie en partie concernant les politiques de prévention des risques industriels (Partie 1).

Dans une seconde partie, nous présenterons les limites de cette conception. En effet,les notions de « concertation » et de « participation » peuvent être utilisée dans une certainemesure pour qualifier l'évolution des procédures. Néanmoins il existe des limites qu'il estessentiel de souligner. L 'importance que peut prendre la participation pousse les acteurs àmodifier leurs façon de faire. Elle ne remet en cause que partiellement l'ubiquité des acteurstraditionnels. Ces derniers conserve une place centrale dans les politiques de préventiondes risques industriels, malgré la prise en compte progressive de nouveaux acteurs (Partie2).

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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Partie I: La campagne « Les bonsréflexes », reflet d'une ouverture à larhétorique de la participation ?

Les politiques de prévention des risques sont, à l'image de la plupart des politiquespubliques, traversées par de nouvelles exigences. On observe dans nos démocraties lavalorisation de certaines pratiques et de certaines notions. Ainsi les termes « ouverture »,« transparence », « concertation » ont été fréquemment utilisés lors des entretiens effectués.Ces notions désignent de nouvelles formes de participation qui déboucheraient sur desprocessus ouverts, incluant une multitude d'acteurs.

La transformation de la législation nationale et européenne souligne l'avènement d'unesociété à risque. Cette reconnaissance de l'existence de risques industriels s'accompagned'une plus grande suspicion vis-à-vis d'acteurs auparavant reconnus comme détenant uneexpertise infaillible.

Les politiques publiques doivent alors faire face à une double crise de légitimité. En plusde la remise en cause de la légitimité d'acteurs historiquement impliqués dans les politiquespubliques, les modes de production des politiques publiques sont elles aussi sujettes àcaution.

Il est donc important pour une politique publique de s'aligner sur de tels principesafin de gagner de la légitimité aux yeux des acteurs qui y participent mais également del'opinion publique. L'institutionnalisation de nouveaux lieux de débats et la multiplicationdes dispositifs de concertation répondent à cette recherche de légitimité. La campagned'information du public de 2008 est en ce sens révélatrice de la place que peuvent prendreces notions dans la conception et le fonctionnement d'une politique. Les acteurs, qui jusquelà dominaient ces politiques, s'efforcent d'appliquer ces principes afin de légitimer leursdécisions et leurs actions. La transformation de l'appareil juridique depuis les années 2000témoigne de cette reconnaissance institutionnelle d'une nouvelle forme de participation danslaquelle sont intégrés de nouveaux acteurs.18

Dans cette première partie nous verrons les conséquences de l'apparition d'un impératifde la discussion et du débat public dans les politiques de prévention des risques industriels.Sans réellement introduire un changement brutal, l'apparition d'une norme délibérativedans les processus de décision favorise les processus d'apprentissage et d'adaptation(Chapitre1). A travers l'exemple de la campagne 2008 « Les bons réflexes » (Chapitre2), nous nous intéresserons aux stratégies que développent les acteurs traditionnels, àsavoir l'État et ses services déconcentrés, les exploitants et les collectivités territoriales,afin de préserver au mieux leurs intérêts (Chapitre 3). Nous utiliserons la notion d'acteurstraditionnels dans le sens où historiquement ces acteurs ont développé une capacitéd'action par rapport aux décisions.

18 Weill, Agnès. « Le débat public: entre médiation et mise en scène. Retour sur le débat public "gestion des déchetsradioactifs" », Les enjeux de l'information et de la communication, 2009/Dossier 2009, p. 51.

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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Chapitre 1: La prise en compte progressive d'une« norme délibérative » dans les processus dedécision.

Les politiques de prévention des risques industriels, en tant que domaine de la sécuritépublique, ont longtemps été soumises à un contrôle absolu de l'État et de ses servicesdéconcentrés, en particulier les préfets. Mais les accidents industriels ont modifié laperception qu'avaient les citoyens de ces politiques de prévention. Ces dernières seraientalors soumises à une double crise: la remise en cause de la légitimité d'acteurshistoriquement impliqués dans ces politiques ainsi que des modes de production de cespolitiques.

Pour répondre à ces nouvelles attentes, les acteurs dominants, en particulier lapuissance publique, se sont vus dans l'obligation d'adapter leurs rôles en matière deprévention des risques industriels.

Une mutation progressive de la réglementation.

Historique réglementaire: transformation et évolution de la législation.En France, les politiques publiques de gestion et de prévention des risques ont étéencadrées successivement par quatre textes:

- le décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandentune odeur insalubre ou incommode.

- la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ouincommodes

- la loi 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection del’environnement

- la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturelset à la réparation des dommages.

A travers ce décret, l'État cherche à concilier les intérêts des différentes parties. Pour lessites industriels, il s'agit de limiter les risques et les inconvénients qu'ils dégagent sans troprestreindre les possibilités de développement. En échange de ces limitations, les habitantsdoivent néanmoins accepter un certain nombre de désagréments (odeurs, pollution) liés àla cohabitation.

Ce décret est ensuite modernisé par la loi du 19 décembre 1917 relative auxétablissements dangereux, insalubres ou incommodes afin de tenir compte des évolutionsde l'industrie et des risques qui l'entourent. La philosophie générale en matière de préventiondes risques reste quasiment identique puisque l'état conserve la mainmise sur l'ensembledu processus. Cependant, une modification profonde est apportée au cadre réglementairede l'inspection des établissements classés. Suite aux plaintes des industriels mais aussi deshabitants par rapport au service délivré, la loi cherche à répondre aux attentes des deuxparties. D'un côté, elle assouplit le système de l'inspection, en supprimant, par exemple,

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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l'autorisation administrative pour des établissements considérés comme peu dangereux.D'un autre côté, le texte renforce les sanctions en cas de non respect.19

La deuxième partie du XX° siècle est synonyme de bouleversement en termesde législation sur les risques industriels. Plusieurs catastrophes sont à l'origine de latransformation et du développement de la réglementation en matière de risques industriels.En France une première prise de conscience s'opère avec la catastrophe de Feyzin(69). Le 4 janvier 1966 l'explosion de la raffinerie Elf entraine la mort de 18 personneset en blesse 88 autres. Les dégâts matériels sont considérables. A cette occasion lesquestionnements sur la place des industries à risque dans les villes se multiplient. Alors quecette problématique est éludée jusque là, l'apparition de la question environnementale dansl'espace public, conjuguée au choc que représente la catastrophe de Feyzin, interroge laprésence d'industries porteuses de risques dans des zones fortement urbanisées.

La loi de 1917 est alors abrogée et remplacée par la loi 19 juillet 1976 relative auxinstallations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)20. Le contrôle relatifà l’ouverture ainsi qu’au fonctionnement de ces installations classées est renforcé, demême que les sanctions en cas de non respect des règles. On observe une redéfinition del'autorisation administrative: les ICPE et leurs activités s'inscrivent dans une nomenclature.Selon la dangerosité de leurs activités et les nuisances qu'elles peuvent causer, elles doiventsoit être déclarées avant leur mise en service, soit pour les plus propices aux risques, obtenirune autorisation préfectorale. Cette loi renforce en partie l'autorité de l'État en matière derisques industriels au travers d'une hausse des pouvoirs du préfet. Néanmoins la loi nerésout rien en matière d'urbanisme: l'accent est davantage mis sur la sécurité à l'intérieurdes usines plutôt que dans l'environnement immédiat. De plus, compte tenu des difficultéséconomiques, la plupart des communes cherchent à privilégier leur développement. L'heureest davantage à la densification urbaine et à « l'urbanisation des derniers espaces vides »21:la place des industries en milieu urbain n'est pas considérée comme une situation complexe.

La loi de 1976 n’est cependant pas le seul outil par lequel s’effectue la gestion desrisques en France. En 1982 l’Europe légifère via la directive 82/501/CEE ou SEVESO I du24 juin 1982 suite à l'accident du même nom. La catastrophe du 10 juillet 1976 à Sevesoen Italie où un réacteur chimique de l’usine Icmesa (filiale de Gevaudan) laisse échapperdes vapeurs toxiques de dioxine, cause 20 blessés et oblige des milliers d'italiens à êtreévacués. Cet accident a des retombées en Europe et en France et entraîne une prise deconscience quant au nécessaire renouvellement de la législation européenne.

Cette directive est ensuite retranscrite en France par la loi de juillet 1987 relative àl’organisation de la sécurité civile et de la prévention des risques majeurs. La loi prolongecelle de 1976 mais innove en cherchant à favoriser l'information préventive et la maitrisedu risque à la source. Elle clarifie et codifie un certain nombre de pratiques concernantles collectivités territoriales et l'État et ses services déconcentrés. La loi de 1987 officialisele rôle de l'État dans une certaine mesure en marquant davantage les responsabilités quilui incombent. Par exemple l'État conserve un rôle majeur concernant la définition des

19 Bonnaud, Laure. Martinais, Emmanuel. « Des usines à la campagne aux villes industrielles », Développement durable etterritoires [En ligne] , Dossier 4 : La ville et l'enjeu du Développement Durable, mis en ligne le 04 juin 2005, p.6-7.

20 La loi du 19 juillet 1976 est maintenant codifiée aux articles L511 du Code de l'environnement.21 Bonnaud, Laure. Martinais, Emmanuel. « Des usines à la campagne aux villes industrielles », Développement durable et

territoires [En ligne] , Dossier 4 : La ville et l'enjeu du Développement Durable, mis en ligne le 04 juin 2005, p. 10

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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risques.22 Face à cette affirmation du rôle de l'État et à l'octroi de nouvelles prérogativesà ses services déconcentrés, la loi de 1987 provoque des réactions de défiance de la partd' acteurs locaux.

Mais cette loi s'inscrit également dans les processus de décentralisation qui s'opèrentau début des années 1980. La loi de 1987 clarifie la répartition des compétences entreles services de l'État et l'échelon « local ». En établissant une distribution plus claire descompétences de chaque acteur, la loi offre de nouvelles opportunités aux collectivitésterritoriales. Le rôle des maires en matière de prévention et d'information concernant lesrisques industriels est valorisé. De même, on peut souligner l'importance des compétencesdes maires en matière d'urbanisme et de planification du territoire.

Les risques technologiques ne relèvent donc pas uniquement de la législation nationale.l'Europe est aussi active dans ce domaine. En 1996, la directive SEVESO 1 est complétéepar la directive SEVESO 2. On observe un changement de logique avec la reprise dansles textes de la notion française de « prévention des risques à la source », présente dansla loi de 1987. Cette prévention « à la source » passe par une information des acteursconcernés plus performante, grâce à une meilleure prévention, mais aussi par un contrôleaccru de l'urbanisation. La maitrise du développement urbain autour des sites à risque estpensée comme une solution pour éviter la multiplication du nombre de personnes vivantautour d'un établissement à risque tout en permettant des possibilités de développementpour ces industries.

La directive introduit une nuance concernant la classification des risques industriels:elle ne vise plus les produits dangereux mais elle touche les établissements utilisant dessubstances dangereuses. Seveso 2 donne naissance à une classification selon les quantitésde produits dangereux usitées par l'établissement. C'est l'apparition des seuils « Seveso »dits « seuil haut » ou « seuil bas ».

La directive SEVESO 2 insiste aussi sur les contrôles à effectuer pour lesétablissements classés « Seveso seuil haut » ainsi que les sanctions en cas de non respectde ces contrôles. Les inspecteurs des installations classées sont chargés du principe deprécaution et ont la capacité de soumettre les industriels à des contrôles et des analyses.

La logique de cette directive européenne repose donc sur trois axes principaux: laréduction des risques à la source, la maîtrise de l'urbanisation autour des établissementsconcernés et le principe d'information pour les riverains et les citoyens concernés pardes risques industriels. La directive Seveso 2 est transposée en droit français par l'arrêtéministériel du 10 mai 2000. Les critères de la directive ont entrainé une forte hausse dunombre d'établissements concernés par les seuils « hauts » et « bas ».

Au delà des changements qu'elle entraîne, ladirectivene remet pas en cause lahiérarchie et le poids des acteurs impliqués jusque là dans les politiques de préventiondes risques industriels. Les exploitants d'établissements « à risque » sont concernés etcontinuent de supporter tout ou partie des dépenses concernant la prévention des risquesdans l'enceinte mais également autour de l'établissement. En parallèle, l'État occupetoujours une place centrale via l'intermédiaire de plusieurs acteurs: le préfet de départementoccupe un poste clef et dispose de nombreuses prérogatives qui le placent au cœur dudispositif; En plus du préfet on peut souligner le rôle important des DREAL (Direction

22 Gilbert, Claude. (sous la direction de). La catastrophe, l’élu et le préfet, Actes du séminaire Catastrophe et gestion de crise,rôle de l'État et des collectivités locales. Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 1990, p. 25-40.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement). Ces dernières sont plusparticulièrement chargées de l'inspection des établissements classés. 23

La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Dans lecadre des réformes sur la modernisation des services de l'État le Conseil de modernisationdes politiques publiques à proposer la création d'un service du Ministère de l'écologie,de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) àl'échelle régionale. Depuis le 1er janvier 2009 les anciennes DIREN (Direction régionale del'environnement), DRE (Direction Régionale de l'équipement) et les services environnementindustriel, contrôle technique des véhicules et énergie des DRIRE (Direction Régionale del'industrie, de la recherche et de l'environnement) ont fusionné pour donner naissance auxDREAL, les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement.Cette fusion devait permettre de mener des politiques plus cohérentes dans les régionsainsi que de renforcer la légitimité des services déconcentrés de l'État. Afin de respecter lesengagements pris lors du Grenelle Environnement, les DREAL, sous l'autorité du préfet derégion, sont en charge des politiques de développement durable au niveau régional. Ellespilotent également les politiques de logement et de la ville. C'est dans ce cadre que s'inscritleur mission concernant les risques technologiques et naturels majeurs, mission confiée auservice « Prévention des risques » pour la DREAL Rhône-Alpes. Ce service est chargé d'uncertain nombre d'actions de prévention et de réduction des risques et ce via la productionde données techniques, la collecte et la diffusion d'information. Elles doivent aussi prendreen compte les risques majeurs dans les politiques d'aménagement du territoire qui sontmenées sur leur territoire.

Enfin, les communes jouent un rôle en matière de prévention des risques industrielspuisqu'elles disposent de compétences en matière de maitrise de l'urbanisation etd'information des populations.

La législation post-AZF: vers un changement de politique publique?L'accident d'AZF en septembre 2001 et son nombre important de victimes, entraîne unenouvelle vague de réformes et conduit à l'adoption de la loi relative à la préventiondes risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages du 30 juillet2003. Comme évoqué dans l'introduction cette loi s'articule autour de quatre objectifscomplémentaires: la production d'une meilleure sécurité autour des établissements porteursde risque, le renforcement du contrôle de l'urbanisation autour de ces sites, l'organisationdes secours en cas d'incident ainsi que l'amélioration de l'information préventive. Ces quatreobjectifs font appel à différents acteurs ayant des compétences particulières. Derrière cesobjectifs, le but est de faire coopérer ces différents acteurs afin de délivrer des actions pluscohérentes et plus pertinentes au niveau du territoire.

Cette évolution progressive qui traverse les politiques en matière de prévention desrisques industriels peut être éclairée à l'aide de l'analyse cognitive des politiques publiques.

D'après l'analyse cognitive des politiques publiques, il y a changement de politiquepublique lorsque l'on peut constater trois modifications 24:

-un changement des objectifs de la politique publique,23 Le texte de référence en la matière est la loi relative aux installations classées pour la protection de l'environnement du 19

juillet 1976 et le décret correspondant, paru le 21 septembre 1977.24 Muller, Pierre. Les politiques publique –8ème édition. Paris: presses universitaires de France, 2009, p. 69.

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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-un changement des instruments,- un changement des cadres institutionnels qui structurent l'action publique dans le

domaine concerné.L'analyse cognitive des politiques publiques, en prenant en compte à la fois les

contraintes des structures et des normes et la marge de manœuvre dont disposent lesacteurs, nous permet de comprendre d'où proviennent les changements dans les politiquespubliques. Concernant les politiques de prévention des risques industriels on ne peutréellement constater une rupture en termes d'objectifs ou d'instruments. On observe malgrétout des transformations lentes qui tendent à modifier en profondeur certains aspects deces politiques publiques.

La réglementation concernant les risques industriels, qu'elle soit nationale oueuropéenne, a été progressivement modifiée et approfondie jusqu'à aboutir aujourd'hui àdes objectifs de réduction des risques à la source et de maîtrise de l'urbanisation autourdes zones à risque. On peut néanmoins noter un changement majeur concernant la façondont sont envisagés les rapports entre ville et industries. Alors que l'idée de délocalisercertaines exploitations classées « Seveso » seuil haut en dehors des villes avait jusque làprimé, la loi de 2003 inverse la tendance. Avec les PPRT, l'idée dominante est de créerautour des sites industriels une « zone-tampon ». Il ne s'agit plus d'amener les industries à lacampagne mais de re-créer la campagne autour des industries. En limitant les possibilités deconstruction autour des sites et en développant des procédures permettant l'expropriationou la préemption des habitations proches, la loi cherche à développer des espaces non-urbanisés qui permettront à terme de résoudre le problème de la cohabitation ville-industrie.Cette nouvelle façon de faire comprend donc un changement de méthode radical.

Parallèlement à ces nouveaux objectifs, réapparaît le besoin de plus de transparenceet d'ouverture dans les processus.

Les instruments utilisés par les acteurs traditionnels ne sont pas neutres, ils sontporteurs à la fois de valeurs et d'objectifs. La mutation de certains objectifs entrainent doncdes modifications dans la forme que prennent ces instruments ainsi que dans l'usage qu'enfont les acteurs.

La rupture, dans la façon d'envisager les rapports entre la ville et l'industrie, quereprésente la loi du 22 juillet 198725, entraine l'apparition de certains instruments. Pour faireface à ces nouveaux cadres d'action, les instruments juridiques sont modifiés ou renforcés.Par exemple, la loi modifie le Code de l'environnement pour permettre aux collectivitésterritoriales d'agir sur l'urbanisation. Suite aux lois de décentralisation, les collectivitésterritoriales disposent de nouvelles prérogatives qui leur permettent de jouer un rôle accrudans la maitrise de l'urbanisme via de nouveaux outils.26

On observe un phénomène similaire pour les outils étatiques. Ils ont été transforméspour être en adéquation avec les compétences mais aussi les attentes d'autres acteurs.

Enfin les cadres institutionnels ont peu évolué, les institutions traitant des risquesindustriels restent largement stables. Au delà des modifications liées à la modernisation del'État, les services déconcentrés en charge des risques industriels restent globalement lesmêmes. Les autres acteurs ayant un rôle clef en terme de prévention des risques, à savoir

25 Loi du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la préventiondes risques majeurs.

26 Bonnaud, Laure. Martinais, Emmanuel. « Des usines à la campagne aux villes industrielles », Développement durable etterritoires [En ligne] , Dossier 4 : La ville et l'enjeu du Développement Durable , mis en ligne le 04 juin 2005, p. 11.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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les exploitants ainsi que les collectivités territoriales (en particulier les communes), sont desacteurs historiquement impliqués dans ces politiques publiques.

Les critères proposés par l'analyse cognitive des politiques publiques nous permettentde montrer que les politiques de prévention des risques industriels, même si elles ont subiun certain nombre de modifications au cours du temps et des accidents, n'ont pas faitface à un changement radical depuis l'accident d'AZF. Nous sommes davantage dans unetransformation lente des politiques publiques en matière de prévention et d'information surles risques industriels qui trouve ses origines bien avant les années 2000.

En dépit des transformations, plusieurs acteurs dominants apparaissent: l'État etses services déconcentrés, les exploitants et dans une moindre mesure les collectivitésterritoriales, en particulier les communes. Ces acteurs disposent de la capacité, plus oumoins importante, d'influer sur la décision et les processus dans lesquelles elle est prise.

La délibération comme nouvelle légitimation des politiquespubliques?

L'apparition de la norme délibérative dans les politiques publiques sur lesrisques industriels.La loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels de juillet 2003 innovedans plusieurs domaines, en particulier sur l'information et la prévention. Elle s'inscritdans un mouvement plus global d'ouverture et de transparence des politiques publiquesà des acteurs qui en étaient exclus jusque là. L'accident d'AZF est, en effet, révélateurd'une défiance des citoyens et d'associations à l'égard de l'expertise provenant du mondeindustriel mais aussi des services de l'État. La loi Bachelot est animée par la volontépolitique de réaffirmer la légitimité de la puissance publique dans les politiques de préventiondes risques industriels. C'est pourquoi elle cherche à promouvoir « l'élargissement descercles de décision et la reconnaissance de nouveaux acteurs »27. Cette tendance à laparticipation n'est cependant pas nouvelle, elle s'inscrit dans une transformation progressivede l'action publique et de la manière dont elle est conçue et mise en œuvre. L'essor de cettetendance est à replacer dans un contexte où les contestations et les mouvements sociauxse développent sur des thématiques comme l'environnement, l'urbanisme ou encore lestransports, ce qui questionne la place du citoyen dans la conception et la mise en œuvredes politiques publiques.

Plusieurs auteurs considèrent que cette suspicion du public pour des acteursauparavant considérés comme omniscients et infaillibles (savants, experts...) n'est paspropre aux politiques publiques de prévention des risques industriels.28 A partir de la findes années 1960 apparaît progressivement une remise en cause d'un système dans lequell'État, et ses services déconcentrés, est au centre des processus et contrôle la totalitéde la politique publique. D'après Cyril Lemieux et Yannick Barthe, les années 2000 voientl'émergence d'une « nouvelle donne configurationnelle dans les rapports entre État et

27 Nonjon, Magali. Duchene, François. Lafaye, Françoise (ccord.). Martinais, Emmanuel. Ouvrir la concertation sur les risquesindustriels. La constitution du CLIC de Feyzin. Programme Risque Décision Territoire, 2007, p. 13.

28 Callon, Michel. « Des différentes formes de démocratie technique » in Risque et démocratie: savoirs, pouvoir, participation,vers un nouvel arbitrage ? (dir) Institut des Hautes Etudes de le Sécurité Intérieure. Paris: Les cahiers de la sécurité intérieure, 1999,n°38, p. 37-54.

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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gestion des risques collectifs »29. La remise en cause de l'omniscience de l'État entraineune plus grande fragilité des instruments scientifiques et techniques utilisés jusque là parles services administratifs pour justifier leurs actions (ou l'absence d'action). Ce scepticismedu public mais aussi de certaines collectivités territoriales face aux instruments utilisés et àl'expertise proposée s'est accompagné d'une montée en puissance des controverses.

L'État et ses services, soumis à de nouvelles exigences d'efficacité, sont plussusceptibles d'être sujets aux critiques de la part de citoyens qui sont devenus à la foiscontribuables et clients. Ainsi, la remise en cause de l'omniscience de l'État entraine unaffaiblissement de la légitimité de ses actions: la référence à l'intérêt général n'est plus uncritère suffisant pour légitimer une action publique. Les compétences des acteurs autrefoisporteurs de cet intérêt général sont remises en cause. L'apparition de controverses dansl'espace public accentue également le changement de la perception de la place dominantede l'État dans la société. Les citoyens, à travers la multiplication de ces controverses,s'impliquent davantage dans la fabrique des politiques publiques afin de défendre leursintérêts, qu'ils soient personnels ou collectifs.

Pour revenir aux risques industriels, l'accident d'AZF est révélateur de cette défiancecitoyenne ainsi que des controverses qui peuvent apparaître dans l'espace public. Parexemple, la catastrophe a réactualisé le problème de l'information des citoyens. Pourrépondre aux critiques d'associations et d'élus sur les carences existantes, le thème estrevenu sur le devant de la scène.

Face aux expertises produites par les industriels ou par les services de l'État, sedéveloppent des mouvements de contestation. Ceci est d'autant plus vrai lorsque cesacteurs, pourtant chargés d'assurer la sécurité sur et autour des exploitations industrielles,se montrent incapables de prévoir et de maitriser certains évènements.

Cette défiance s'explique aussi par un changement de paradigme. Les politiques deprévention des risques industriels se sont longtemps inscrites dans une perspective de« risque zéro » où la maîtrise de l'État était totale. Or, les accidents industriels sur leterritoire français et à l'étranger qui ont marqué ces dernières décennies ont montré que laproximité entre équipements industriels de grande taille et tissu urbain dense, sans devoirêtre complètement remise en cause, pose question.

Afin de répondre aux contestations sur la place de l'industrie en milieu urbain et deredonner une légitimité aux actions menées par ses services, l'État a légiféré pour mettreen place des procédures qui visent à élargir le cercle des acteurs pouvant y participer. Cesprocédures, qui instaurent des espaces publics de débat, doivent contribuer à enrichir lesinterventions des pouvoirs publics.

Là encore ce mouvement d'ouverture n'est pas propre aux risques industriels. Maisl'introduction de nouvelles procédures incluant davantage d'acteurs dans des processusjusque là très fermés entraîne une lente évolution dans la conception de l'action publiqueen matière de risques industriels.

De plus, cette nouvelle façon de concevoir l'élaboration et la mise en œuvre despolitiques publiques « contribue à brouiller les frontières habituelles entre spécialistes et

29 Lemieux, Cyril. Barthe, Yannick. « Les risques collectifs sous le regard des sciences du politique. Nouveaux chantiers,vieilles questions », Politix, n°44, 1998, p. 15.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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non-spécialistes »30. On aurait donc des politiques publiques légitimées par la constructiond'espaces publics de discussion se présentant sous des formes et des structures diverses.Avec la multiplication des lieux de discussion, l'autorité publique doit donc apprendreà mettre en forme et présenter des projets qui sont lisibles. En ce sens on peutdire que l'apparition d'une rhétorique de la concertation a un effet bénéfique sur lespolitiques publiques et leur fonctionnement: en remettant en cause l'ordre hiérarchique etla domination de certains acteurs, les lieux de discussion permettent de faire émerger denouveaux savoirs ainsi que de nouvelles pratiques.

Cette vision optimiste du rôle de ces nouveaux espaces de discussion se heurtenéanmoins à quelques obstacles. En effet selon la façon dont ils sont définis, ces espacesde concertation sont plus ou moins porteurs d'ouverture ou de démocratisation.

« Délibération », « concertation », « gouvernance »: plusieurs notions pourune même réalité ?Avant d'aller plus loin, il semble nécessaire de s'accorder sur le contenu de certainesnotions. Comme nous l'avons évoqué, les thèmes « concertation », « délibération » ouencore « gouvernance » sont fréquemment utilisés, soit par les « acteurs traditionnels » pourjustifier leurs choix et leurs actions et mettre en avant la légitimité de leurs décisions, soit pardes acteurs plus nouveaux, comme des associations ou des riverains, pour s'opposer auxdécisions ou pour faire valoir leurs droits. Ces notions renvoient chacune à une réalité plusou moins bien définie. Le flou maintenu autour de ces notions témoigne de l'opportunismede certains acteurs: l'usage de ces termes peut permettre de légitimer des décisions quisont présentées comme découlant d'un processus ouvert et concerté.

Ces termes sont identifiés à de nouvelles formes de participation qui consistent en« l'association croissante d'acteurs non institutionnels (associations, groupes d'intérêts,citoyens ordinaires) à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques par lebiais de procédure plus ou moins innovantes »31.

Plus généralement on peut rattacher ces notions à la thématique de démocratiedélibérative, tirée des travaux de Jürgen Habermas. Selon le philosophe allemand, la normen'est légitime que si elle repose sur l'intérêt général et qu'elle est adoptée à la suite d'unprocessus de délibération auquel l'ensemble des citoyens peuvent participer. D'après cettedéfinition on peut en déduire que la délibération consiste en une décision collective quiest issue d'une procédure longue dans laquelle on recherche l'accord et le compromis; ladélibération exige à la fois la participation du plus grand nombre et le consensus entre lesparticipants, ce qui accroit la qualité et la légitimité de la décision32.

La concertation quant à elle, est une consultation des parties concernées qui intervientavant la décision. C'est donc davantage un moyen d'action que la délibération. Elle estappréhendée comme un moyen « pour anticiper et/ou résoudre des situations de conflits

30 Callon, Michel. « Des différentes formes de démocratie technique » in Risque et démocratie: savoirs, pouvoir, participation,vers un nouvel arbitrage ? (dir) Institut des Hautes Etudes de le Sécurité Intérieure. Paris: Les cahiers de la sécurité intérieure, 1999,n°38, p. 46.

31 Halpern, Charlotte. « Concertation, délibération, négociation ». in Dictionnaire des politiques publiques (dir) boussaguet,

Laure. Jacquot, Sophie. Ravinet, Pauline.3ème édition actualisée et augmentée. Paris : les presses de Sciences PO, 2010, p.156.32 Halpern, Charlotte. « Concertation, délibération, négociation ». in Dictionnaire des politiques publiques (dir) Boussaguet,

Laure. Jacquot, Sophie. Ravinet, Pauline.3ème édition actualisée et augmentée. Paris : les presses de Sciences PO, 2010, p.157.

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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dans l'action publique »33 entre les différentes parties prenantes. En effet, les différentsacteurs prenant part à la concertation ont la possibilité de se faire entendre et de faire valoirleurs arguments.

C’est le problème de toute concertation, à partir du moment où vous acceptezla règle du jeu c'est-à-dire j’écoute les autres, j’écoute leur idées, j’accepteque le fait que je ne vais pas pouvoir faire passer toutes mes idées, je vaisêtre obligé d’en prendre des autres et les autres devront prendre quelquesunes des miennes, c'est-à-dire on va trouver un accord. Je n’aime pas le terme« compromis » mais c’est dans cet esprit là.34

Comme l'extrait ci dessus le montre, il peut exister une certaine confusion entre lesnotions de concertation et de délibération qui sont souvent perçues comme assezsimilaires, chacune représentant pourtant une conception particulière de la participation.Les processus de « concertation » et de « délibération » cherchent tous les deux à aboutirà des solutions acceptées par le plus grand nombre: c'est à dire à atteindre une formede consensus autour de l'action publique. Cependant il existe une nuance entre les deuxnotions. La « concertation » s'éloigne de l'idée de démocratie délibérative d'Habermaspuisque les acteurs prenant part aux processus de concertation ne sont pas forcémentsur un pied d'égalité, contrairement à la délibération. La puissance publique a souvent ledernier mot, elle n'est pas dans l'obligation de suivre les recommandations ou demandesdes acteurs.

Ces notions renvoient à des réalités très différentes les unes des autres, ce quiles rend difficile à appréhender. La loi de 2003 relative à la prévention des risquestechnologiques et naturels s'inscrit donc dans cette tendance au débat et à la discussion etfixe un cadre général dans lequel doivent s'inscrire les différents processus de concertationet de délibération. La pratique montre cependant que ces processus varient selon lesobjets et les lieux, selon leur statut juridique, selon le public concerné ou encore selonl'importance du processus dans la décision finale. De plus, il convient « de ne pas confondrecommunication, diffusion d'information, organisation de débats publics [concertation parexemple] et participation aux décisions [délibération]. Il s'agit d'activités bien distinctes maisbeaucoup de flou opportuniste est entretenu entre elles, le moins laissant croire le plus ».35

La gouvernance pour sa part renvoie à une réalité plus floue et plus variable encore.Elle est décrite par Patrick Le Galès comme les différentes « formes de coordination, depilotage et de direction des secteurs, des groupes et de la société, au delà des organesclassiques du gouvernement » 36.

La gouvernance serait alors organisée autour de quatre caractéristiques principales:Un polycentrisme institutionnel, c'est à dire une grande complexité institutionnelle qui ne

permet pas aux acteurs de distinguer un lieu unique de pouvoir, de décision et d'exécution,

33 Ibid, p. 157.34 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

35 Callon, Michel. Lascoumes, Pierre. Barthe, Yannick. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Paris :Editions du Seuil, septembre 2001, p. 311.

36 Le Galès, Patrick. « Gouvernance » in Dictionnaire des politiques publiques. (sous la direction de) Boussaguet, Laurie.

Jacquot, Sophie. Ravinet, Pauline. 3ème édition actualisée et augmentée. Paris : les presses de Sciences PO, 2010, p. 299

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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Une frontière entre le secteur public et le secteur privée floue : les acteurs privés ontaccès à un certain nombre de processus de décision et détiennent un certain pouvoir ce quileur permet d'influer sur les choix finaux,

La dimension procédurale occupe une place plus importante que dans les formesclassiques de gouvernement,

Le rapport à la contrainte et à l'autorité est perçu différemment: l'autorité est conçue defaçon plus horizontale et coopérative.

La gouvernance constitue une alternative face à l'incapacité des gouvernements àfaire face aux problèmes contemporains ou à l'évolution de la société. On passe alors parune forme plus souple de pouvoir politique dans laquelle vont intervenir un grand nombred'acteurs qui ne sont pas forcément étatiques ni même publics.37 Alors que les notions de« concertation » et de « délibération » sont applicables au moins en partie aux évolutions quitraversent les politiques de prévention des risques, la gouvernance reste encore un conceptvers lequel certains acteurs souhaitent tendre.

Le recours à la concertation et à des procédures plus ouvertes a été systématisé par laloi Bachelot dans le but de donner plus de légitimité aux décisions prises. Cette concertationest vue comme un moyen de faire progresser plus rapidement les politiques en matière deprévention des risques industriels. En forçant les acteurs clefs à se réunir régulièrement laconcertation permet d'instaurer de meilleures relations entre ces mêmes acteurs:

Donc le réseau il existe et les relations honnêtement, elles sont, je trouve, plutôttrès bonnes j'ai envie de dire entre les maires, l'État, les exploitants. Ils seconnaissent depuis longtemps. Il y a aussi ce côté « histoire » qui fait que l'on secomprend mieux, on s'écoute aussi, et ce n'est pas rien (rires). Au début c’estcomme dans toutes les relations, vous arrivez avec beaucoup d'à priori, vous neconnaissez pas les gens et puis après un certain nombre d'années cela crée desliens.38

L'utilisation de procédures plus concertées, qui poussent les acteurs à coopérer davantageentre eux, contribue à faire évoluer les politiques mises en place.

Cependant, l'usage extrêmement fréquent de ces notions nous amène à nous interrogersur la réalité qu'elles désignent. Comme nous l'évoquions, les notions d'ouverture ou deconcertation par exemple sont de nouveaux outils pour l'État et ses services. En mettanten place des instances plus ouvertes et plus transparentes la puissance publique réponden partie aux attentes de l'opinion publique: l'essor des dispositifs délibératifs témoigneraitde la bonne volonté des services étatiques à mettre en œuvre cette notion théorique qu'estla démocratie délibérative. Or la concertation reste une notion difficile à mettre en œuvre.C'est pour cette raison que l'on observe de grandes disparités tant sur la forme et la portéejuridique de ces dispositifs que sur la situation ou le milieu dans lesquels ils s'inscrivent.De plus, le flou juridique qui entoure ces notions permet à chaque acteur de les interpréteret de les utiliser selon des objectifs particuliers et non dans le but de répondre à desproblématiques d'intérêt général.

La loi Bachelot est donc le produit d'une histoire complexe qui cherche à faire cohabiterdes intérêts souvent contradictoires, parfois conflictuels. En inscrivant l'information et laprévention sur les risques industriels elle s'insère dans une tendance visant l'ensemble

37 Ibid. p. 300-30138 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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de l'action publique. Il s'agit de renforcer les dispositifs de concertation déjà en place etd'amener plus de transparence dans les processus de décision et de mise en œuvre.« L'impératif délibératif » est aujourd'hui une réalité à laquelle les « acteurs traditionnels »doivent s'adapter. A travers l'exemple de la campagne d'information à destination du public« Les bons réflexes » de 2008, nous verrons dans un second chapitre comment cesnouveaux outils sont appliqués.

Chapitre 2: La campagne de 2008, un cadre propice àl'ouverture ?

La loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels présentel'information du public comme un axe majeur des politiques de prévention des risquesindustriels. Les premières campagnes d'information du public sur les risques industriels quiles entourent apparaissent cependant avant 2003. Néanmoins la loi Bachelot donne unenouvelle impulsion à ce type de démarche en replaçant l'information du public au cœurde l'action. La campagne d'information de 2008 s'inscrit dans cette dynamique d'ouvertureet de concertation présentée dans le chapitre précédent. A travers l'organisation et lepoids respectifs des différents protagonistes nous montrerons que la campagne a créé desopportunités d'ouverture sans réellement bouleverser l'ordre des choses.

Les campagnes d'information, entre obligation réglementaire etvolontarisme des acteurs.

Des campagnes d'information issues de la pratique.Les campagnes d'information du public sur les risques industriels majeurs découlent d'uneobligation réglementaire. Il est prévu à l'article L. 125-2 de la version consolidée du codede l'environnement que les citoyens disposent d'un droit à une information sur les risquesnaturels et technologiques auxquels ils sont soumis. De ce droit à une information résultentplusieurs dispositifs dont l'État, les industriels et les élus sont les principaux artisans, chacunavec ses propres obligations.

Pour une information générale sur les risques industriels qui les entourent les citoyenspeuvent se référer au DICRIM, dossier établi par le préfet ainsi qu'au DDRM, établi pour sapart par la commune. Ces documents informent les citoyens des risques technologiques etnaturels environnants ainsi que des mesures de prévention qui existent dans le départementet la commune.

En plus de ces dossiers, il existe des documents spécifiques à certains typesd'établissement. Le préfet doit faire établir des brochures d'information aux citoyensconcernés par l'application des Plans Particuliers d'Intervention (PPI). En effet ces PPI neconcernent que certains établissements industriels (dont les installations classées Seveso« seuil haut » font parties). Ils doivent permettre à l'administration d'anticiper et de mettreen œuvre les moyens nécessaires à la protection de la population et de l'environnementavoisinant en cas d'incident susceptible d'avoir un impact en dehors de l'établissementSEVESO. Les PPI concernent donc des installations industrielles qui sont particulièrement

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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soumises aux risques. En ce sens il a été jugé nécessaire de fournir des informations plusfouillées que celles contenues dans les dossiers d'information départemental ou communal.

La nature de ces documents d'information pour les citoyens résidant dans une zoneconcernée par un PPI a d'abord été établie par la loi du 22 juillet 198739 qui prévoyaitl'existence d'une brochure d'information publique publiée de manière régulière et aux fraisde l'exploitant.

Cette loi a été abrogée par la loi 2004-811du 13 août 2004 relative à la modernisationde la sécurité civile. Pour permettre l'application de l'article 15 de la loi de 2004, le décretn°2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernantcertains ouvrages ou installations fixes a été pris.

Il est stipulé à l'article 9 du décret 2005-1158 du 13 septembre 2005 les chosessuivantes:

En liaison avec l'exploitant, le préfet fait établir les documents d'informationdes populations comprises dans la zone d'application du plan. Ces documentssont composés au minimum d'une brochure et d'affiches. La brochure porteà la connaissance de la population l'existence et la nature du risque, sesconséquences prévisibles pour les personnes, les biens et l'environnement, lesmesures prévues pour alerter, protéger et secourir. Les affiches précisent lesconsignes de sécurité à adopter en cas d'urgence. 40

Contrairement au DICRIM et au DDRM, ces documents d'information sont à la charge del'exploitant tant pour l'édition que pour la distribution aux habitants. En effet, il est indiqué quedes documents d'information doivent être délivrés aux habitants sans que ceux ci n'aient àfaire la demande ni à se déplacer. Cependant, l'existence d'une campagne d'information àl'échelle de la région n'est nullement indiquée dans les textes.

L'article 9 du décret du 13 septembre 2005 prévoie que les modalités d'élaboration etde diffusion des documents ainsi que le contenu seront fixées dans un arrêté conjoint desministres chargés de la sécurité civile, de la défense, de la santé et de la prévention desrisques majeurs; c'est chose faite avec l'arrêté du 10 mars 2006 relatif à l'information despopulations.

C'est dans ce cadre réglementaire que s'inscrivent les campagnes d'information àdestination du public menée depuis les années 1990 en région Rhône-Alpes.

Jusqu'à la campagne de 2008 à l'échelle de la région, l'information délivrée étaitalors disparate selon les zones concernées et variait fortement selon l'implication et labonne volonté des acteurs. Une première tentative de mutualisation de l'information a étémenée au printemps 2003. Les préfets des départements de l'Isère et du Rhône Face ontsouhaité fédérer leur moyens et mener conjointement une campagne d'information dans lesdeux départements. Le SPIRAL, secrétariat permanent pour la prévention des pollutionsindustrielles et des risques dans l'agglomération lyonnaise, et le SPPPY, secrétariatpermanent pour la prévention des pollutions et des risques dans la région grenobloise(anciennement CIRIMI, Comité pour l'information sur les risques industriels majeurs dans ledépartement de l'Isère) ont été chargés de mettre en œuvre et de coordonner la campagne.Au total 53 établissements industriels Seveso « seuil haut » ainsi que 142 communes ontété concernées par la campagne conjointe.

39 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs40 Article 9 du décret n°2005-1158 du 13 septembre 2005 tel que modifié par le décret 2011-220 du 25 février 2011

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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Les secrétariats permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) LeSPIRAL est l’un des treize SPPPI créés en France. Ce sont des structures administrativesdont le rôle est défini à l'article D 125-36 du Code de l'environnement: ils servent de relaisde l'information de l'administration et de lieux de concertation. Les deux premiers SPPPIvoient le jour au début des années 1970 dans les Bouches du Rhône et en Basse-Seinepour gérer des situations de crise où, face à un essor industriel exponentiel, les plaintesdes riverains se multiplient. Ces derniers se mobilisent pour préserver leurs conditions devie qu'ils considèrent menacées par le développement de l'industrie. Ce n'est qu'à partirdes années 1990 que se développent les autres SPPPI, dont le SPIRAL en Région RhôneAlpes. Le SPIRAL est une structure locale d'information et de concertation qui réunit desreprésentants des acteurs locaux concernés par l’environnement industriel divisés enquatre collèges: les administrations d’État: des représentants de la préfecture du Rhôneainsi que l'ensemble des services déconcentrés départementaux et régionaux ayant descompétences en matière d'environnement comme la DREAL et la DDT, les collectivitésterritoriales: la région, le département, le Grand Lyon ainsi que des villes de l'agglomérationconcernées par les risques (Lyon, Feyzin, Saint Fons...) les industriels: le Groupement desIndustries Chimiques et Connexes Rhône-Alpes (GICCRA), l'association des entreprisesde Rhône-Alpes pour l'environnement industriel APORA, la Chambre de commerce etd'industrie du Rhône, le groupement des industriels lyonnais etc. les associations deconsommateurs ou de protection de l’environnement comme la Fédération Rhône-Alpesde Protection de la Nature et des personnalités qualifiées. Son organisation comprendnotamment une Commission Permanente présidée par le Préfet du Rhône qui pilotel’ensemble des travaux du SPIRAL et des groupes de travail de composition multipartitequi œuvrent sur des thèmes spécifiques : air, eau, déchets, risques industriels, transportsdes matières dangereuses... Le groupe de travail SPIRAL Risques industriels a été crée en1991 dans le but de promouvoir une culture du risque industriel dans l'agglomération. Il aune force de propositions pour améliorer la maitrise des risques et l'information préventivedu public, de mener des actions de sensibilisation et d'information mais aussi de favoriser leretour d'expérience et l'échange de bonnes pratiques. Compte tenu du peu de formalismeet de contrainte qui existe, le SPIRAL a très rapidement su intégrer différents acteurs, enparticulier les industriels qui se sont fortement investis dans le groupe de travail « Risquesindustriels ». Le CIRIMI, devenu SPPPY depuis le 30 avril 2010, a été crée le 29 mars1999. Cette transformation doit permettre à la structure de développer ses actions non plusuniquement sur les risques industriels mais sur les problématiques environnementales etde répondre aux critiques sur une information plus complète et une meilleure concertation.Le SPPPY répond aux mêmes missions que le SPIRAL à savoir le développementd'échanges d'information et de concertation, la production ainsi que la coordination desactions d'information des populations. A la différence du SPIRAL il se structure autourde cinq collèges: les services de l’État, les acteurs économiques, les représentants dessalariés, les élus locaux et les représentants des collectivités territoriales, et les membresd’associations pour la protection de l’environnement.

Malgré l'importance de la mobilisation, la campagne d'information de 2003 n'a pasété un franc succès. L'enquête publique menée après-coup par le SPIRAL et le SPPPY,censée témoigner de l'impact de la campagne auprès du public, et dans une certainemesure, légitimer les efforts et le rôle des acteurs ayant œuvré pour la campagne, a révéléde nombreuses lacunes concernant la connaissance des risques industriels ainsi que desconsignes à tenir en cas d'accident. Au delà des consignes la campagne de 2003 n'a pas

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trouvé son public, puisque un an après la campagne 74% des personnes interrogées n'enn'avaient pas de souvenir.41

Un volontarisme des acteurs qui passe par l'échelon régional.Face au semi-échec des campagnes précédentes, en particulier celle de 2003, plusieursconstats se sont imposés aux différents acteurs. Une des premières modifications quiest apparue comme essentielle concerne l'impact de la campagne auprès du public. Lamutualisation des moyens au niveau régional permet de donner plus de lisibilité auxactions des différents acteurs que sont l'État, les industriels et les collectivités territoriales.Cependant il est important que l'information sur les risques soit considérée comme fiableafin d'être bien reçue par les citoyens. En ce sens sa source d'émission doit être crédible.Or il existe un certain scepticisme autour de l'information délivrée par les exploitationsindustrielles. En effet ces dernières peuvent ne pas apparaître aux yeux du grand publiccomme les plus à même pour délivrer une information impartiale sur les risques qui existentau sein de leur établissement.

C'est pourquoi la campagne de 2008 s'appuie sur l'expérience du SPIRAL et duSPPPY, à l'époque CIRIMI, deux structures collégiales qui réunissent en leurs seinsdifférents acteurs clefs en matière de prévention des risques industriels. Cette collégialitédoit permettre de gagner en objectivité et en crédibilité aux yeux du grand public.

En comparaison avec les actions menées en 2003, l'organisation d'une campagned'information régionale a permis un meilleur respect des obligations réglementaires maisla mutualisation a aussi autorisé les acteurs à mener des actions allant au delà du cadreréglementaire, et ce en proposant des supports plus diversifiés.

Pour résumer nous pouvons trouver trois raisons principales qui expliquent l'idée d'unecampagne régionale.

Une campagne régionale permet de dispenser une information complète et homogènesur l'ensemble du territoire. L'idée sous-jacente est de développer un discours uniquemalgré une pluralité d'acteurs et donc d'accroître l'impact de la campagne et la lisibilité desinformations délivrées:

L’information est respectable puisqu’elle est délivrée par plusieurs acteurscomme les gens de l'État, les industriels, les maires etc. Tout le monde met sasignature en bas du document. C’est un peu la preuve que l’information estvalidée par tous, on fait passer le message « on valide ce qu’il y a là dedans ».Ça permet de donner plus de portée auprès du public, ça donne une informationplus complète, validée par différents points de vue. On a donc donné plus depuissance au message diffusé et fait plus que ce que prévoit la loi puisque on al’intégration d’autres acteurs que uniquement l'État ou les industriels.42

Deuxièmement cela permet une mutualisation des moyens humains et financiers, ce quireprésente un avantage considérable pour les industriels. En effet, mutualiser les moyenspermet de réaliser des gains d'échelles. Les industriels participent financièrement enfonction des risques qu'ils produisent produisent et du territoire qui les concernent:

41 Spiral, Cirimi. [En ligne]Enquête de perception de la campagne 2003 d'information du public sur les risques industrielsdans les départements du Rhône et de l'Isère. Juin-juillet 2004 [page consultée le 4 juillet 2011] http://www.irma-grenoble.com/PDF/actualite/articles/resume_enquete_campagne_2003.PDF42 Annexe 3 : Entretien CIRIMI/DREAL

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[…] il y a une règle de répartition en fonction du rayon, du nombre de communesconcernées, du nombre d'habitants. Un gros établissement qui touche beaucoupde population va payer plus cher qu'un petit qui ne touche qu'une partie d'unecommune de 2000 habitants. Ce qui est un peu normal.43

Ce mode de fonctionnement au prorata permet un équilibre en terme de participationfinancière entre les établissements industriels. De plus, compte tenu de la portée régionalede la campagne, d'autres acteurs (en particulier les collectivités territoriales) ont participéau financement. La campagne de 2003 a couté environ 500 000 euros tandis que lesdépenses pour celle de 2008 se sont élevées à presque 809 000 euros. La répartition desfinancements pour la campagne de 2003 était la suivante: les industriels ont participé àhauteur de 75%, l'État et les collectivités territoriales à 12,5 %. Proportionnellement, onobserve une baisse de la participation financière des industriels en 2008 (69,55%) tandisque la participation de l'État ne varie que très légèrement (11,66%). L'effort financier revientaux collectivités territoriales qui par le biais de subventions ont fortement contribué aufinancement: leur participation financière s'élève à environ 18,5 % des dépenses totales.On peut noter que les dépenses liées à la distribution des documents, normalement sous laresponsabilité des exploitants ont été prises en charge par les communes. Ces dépensesne sont pas chiffrées dans le bilan de la campagne 2008.

Enfin, la mutualisation, en augmentant le nombre d'acteurs participant financièrement àla campagne, a permis d'augmenter le budget disponible pour mener à bien les obligationsréglementaires mais aussi pour pouvoir aller parfois au delà.

L'échelon régional semble être en mesure d'offrir un cadre d'action satisfaisant pour laplupart des acteurs. En effet, les acteurs engagés dans la campagne sont, pour la plupart,déjà structurés en réseaux, qui pour la plupart opèrent au niveau régional. En s'appuyantsur les réseaux existants comme ceux du SPIRAL ou du CIRIMI, l'échelon régional estapparu comme le plus pertinent pour permettre la diffusion d'une information homogène.Les industriels sont par exemple déjà structurés au niveau régional, on peut citer ici l'Uniondes Industries Chimiques (UIC) Rhône Alpes. Il en va de même pour les associations quiparticipent à la campagne comme la FRAPNA: en plus de ses antennes départementalesl'association s'organise autour d'une fédération régionale.

La campagne d'information du public 2008 représente une réelle avancée en termed'information du public. Bien que les campagnes s'inscrivent dans un cadre réglementairestrict, rien n'oblige les acteurs à se réunir pour produire un travail collectif. L'importance etla forme qu'a revêtit la campagne de 2008 sont donc à souligner:

Normalement la loi oblige la publication de plaquettes et d’affichage public. Avecla campagne de 2008 on a fait plus que les plaquettes et les affichages publicscar on a travaillé avec des nouveaux relais: on a eu des activités avec l’éducationnationale, on a distribué des dossiers d’informations aux relais d’opinion et puisil y a eu le site Internet. C’est un outil essentiel pour plus de visibilité et plus dediffusion du message.44

Cette collégialité est souvent mise en avant pour mieux valoriser la campagne mais aussiles acteurs, en particulier leurs efforts en terme de transparence et d'ouverture. Pour pouvoirtémoigner d'une réelle ouverture et d'effort de délibération, il convient de s'attarder surl'organisation et le fonctionnement de cette campagne.

43 Annexe 4 : Entretien APORA44 Annexe 3 : Entretien CIRIMI/DREAL

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Pour pouvoir confirmer ou infirmer cette hypothèse, il nous semble nécessaire de nousattarder sur l'organisation et le fonctionnement pratique de cette campagne. Les succèsde la campagne ont été mis en avant par ses producteurs aussi bien sur le plan de lacommunication avec le grand public que sur les innovations en matière de concertation etde transparence.

Organisation et fonctionnement de la campagne: un exemple deconcertation réussi ?

L'organisation théorique de la campagne d'information 2008: entrecollégialité et concertation.L'organisation et le fonctionnement théoriques de la campagne témoignent d'une ouverturedes processus de décision à « l'impératif délibératif » évoqué dans le chapitre précédent. Eneffet la campagne régionale de 2008 est articulée autour de deux instances décisionnelles:le Comité de pilotage (« Copil ») et la Commission régionale. A travers elles, de nombreuxacteurs ont été intégrés.

Le Copil regroupait des industriels, plusieurs représentants des services de l'Etat(DREAL, Service interministériel de défense et protection civile, le SID-PC), ainsi quedu Spiral, un représentant d'AMARIS (Association nationale des communes pour lamaitrise des risques technologiques majeurs), un représentant de l'éducation nationale, unreprésentant d'association ainsi qu'un représentant de l'institut des risques majeurs (IRMA):

Au niveau du comité de pilotage c'était beaucoup plus éclectique, on a essayéde mettre les représentants de chaque département mais on a plutôt vu desindustriels et des gens de la préfecture. Au niveau du comité de pilotagec'est sûr on aurait pu faire encore mieux. C'est vrai, il y a eu peu d'associatifsmais il faut aussi comprendre que cela pose un réel problème de temps. Lesassociations n'ont pas le temps, on ne les finance pas, enfin elles n'étaient passubventionnées ou indemnisées. Ça pose des problèmes, elles ne disposent pasnon plus d'assez de permanents en tout cas pas pour ces domaines là. On n'apas pris non plus de représentants des salariés. Après on était une vingtaine.45

Lorsque l'on regarde l'organisation théorique de la campagne, le Copil peut être considérécomme la clef de voute du système. En effet, ce dernier est chargé de définir les actions,de prendre les décisions et de vérifier la faisabilité opérationnelle ainsi que financière desopérations. Le Copil doit rendre compte de l'avancée des actions et de la campagne devantla commission régionale.

Cette dernière, quant à elle, réunit six groupes d'acteurs identifiés comme tels: lesecrétariat de la campagne, les industriels, l'administration et services de secours, lesélus et collectivités, l'éducation nationale et les associations. En réaction aux présentationsdu Copil, les membres de la commission doivent valider les orientations en termed'organisation, d'actions et de budget. Les membres de la commission sont aussi chargésde relayer la démarche et les actions menées à leurs échelles pour permettre une meilleureappropriation de la campagne sur l'ensemble du territoire.

45 Annexe 1 : Entretien SPIRAL/DREAL

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Autour de ces deux instances décisionnelles gravite un Secrétariat de la campagnechargé de faciliter la coordination des actions et la diffusion d'information entre le Copil et lacommission régionale mais aussi avec les groupes de travail. Pour clore sur l'organisationde la campagne, il est nécessaire d'évoquer ces groupes, à géométrie variable et constituésselon les besoins du Comité de pilotage. Ces groupes sont chargés de travailler à partir desobjectifs définis par le Copil et de mettre en œuvre des actions concrètes: la définition duchamp de la campagne, l'élaboration des documents, l'information des communes et desindustriels... Ce sont de petites structures qui fonctionnent sur le principe du volontariat:

Q:Les groupes de travail c'était vraiment sur le principe du volontariat ?R: Oui c'est ça, le principe du volontariat. Il y avait des groupes de travail pour les

différents documents que l'on a produit. Donc il y avait un groupe sur les plaquettes, un surles affichettes, un sur les films, un sur les actions pédagogiques, et puis je ne sais plus tropmais il y en avait un certain nombre...46

Cette présentation de l'organisation de la campagne reprend celle qui a été faiteaux différents acteurs en janvier 2008, soit peu de temps après que la campagne ait étéacceptée par les différents acteurs. Elle permet de constater de réels efforts d'ouverture etde concertation, définie comme la consultation des parties concernées intervenant avantune décision.

Cependant la mise en place de la campagne et la pratique des acteurs ont quelque peubouleversé cette organisation. En croisant les différents témoignages recueillis il apparaîttrès clairement que les instances décisionnelles à savoir le Copil et la commission régionalen'ont joué qu'un rôle secondaire. Ce constat est particulièrement pertinent pour le premier.Alors qu'il devait être le moteur de l'action et la force de proposition, le comité de pilotagea vu son rôle se transformer pour devenir une Commission régionale « bis ». Il disposait àl'origine de réelles compétences en matière d'initiative et de proposition, par exemple pourla formation des groupes de travail qui devaient être constitués d'après ses besoins.

Cette transformation du Copil a profité à un organe en particulier: le Secrétariatpermanent de la campagne, composé de trois membres, un représentant pour chaqueSPPPI, le SPIRAL et le SPPPY (tous deux rattachés à la DREAL) ainsi qu'un membred'APORA, l'association des entreprises de Rhône-Alpes pour l'environnement industriel.Cet organe est donc devenu la « cheville ouvrière », c'est à dire la pièce la plus active surlaquelle repose une grande partie du bon fonctionnement de la campagne:

Enfin, la structure c'était elle qui prenait les décisions au sens noble du terme.En dessous il y avait des groupes de travail par thèmes et puis autour il y avaitle secrétariat, c'est lui qui a fait l'essentiel du boulot. Clairement c'est lui quiimpulse. Mais on fait valider par le comité de pilotage. Après il peut y avoir desidées qui émergent du comité, ça peut arriver, ou même des groupes de travailmais c'est plutôt rare. Le comité de pilotage il est là pour valider et entériner, oumodifier à la marge ou dire non. Mais tout le boulot, la petite main ce n'est pas lui.C'était le secrétariat et on n’était pas nombreux à faire ça (rires).47

Cette modification pratique sur le plan organisationnel remet quelque peu en cause lesprincipes de collégialité mis en avant dans le bilan de la campagne. Alors que la Commissionrégionale et, dans une moindre mesure, le Comité de pilotage peuvent être considérés

46 Annexe 4 : Entretien APORA47 Annexe 1 : Entretien SPIRAL/DREAL

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comme des lieux de concertation et de discussion il n'en est pas de même pour le Secrétariatpermanent.

Comme nous l'avons rappelé, les deux SPPPI fonctionnent autour de plusieurs collègesafin d'assurer une représentation la plus complète des acteurs jouant un rôle dans lespolitiques de prévention des risques industriels. Le problème de la représentativité se poseconcernant les personnes faisant partis des SPPPI: l'idéal délibératif évoqué par JürgenHabermas n'est envisageable que dans des situations où les participants ont les mêmesniveaux d'information, la même capacité à s'exprimer, la même maîtrise des dossiers traitésou de la législation. Or ces questions ne peuvent être que difficilement résolues.

Cependant il est globalement admis par les acteurs que les SPPPI, du moins le SPIRALet le SPPPY, représentent assez largement les différents acteurs impliqués. Par exemple,dans l'agglomération lyonnaise, la légitimité du SPIRAL n'est que rarement remise en causepar l'ensemble des protagonistes.

R: On a considéré que les autres étaient représentés dans les SPPPI. Le secrétariat çaa été la cheville ouvrière, on a beaucoup travaillé, je ne dis pas que les autres ne l’ont pasfait ! (Rires). On a considéré que les secrétaires des SPPPI représentent la société civile.48

Cette quasi unanimité concernant les deux SPPPI peut expliquer l'importance de leursreprésentants dans l'organisation de la campagne. Les deux membres des SPPPI, présentsdans le secrétariat permanent de la campagne sont censés représenter leurs instanceset, par conséquent, l'ensemble des acteurs participant aux groupes de travail « risquesindustriels ». Il est assez aisé de percevoir la faille dans ce raisonnement.

Selon cette logique, les deux représentants sont censés porter plusieurs casquettes:celle de Secrétaire de leur SPPPI et donc à ce titre celle de fonctionnaire de la DREALainsi que celle de représentant des différents collèges de leur SPPPI . Cette vision de lareprésentativité s'éloigne en partie des principes de concertation et de participation élargiequi pouvaient caractériser la Commission régionale ou le Comité de pilotage.

La présence d'APORA, l'association d'industriels, par le biais d'un troisième membres'explique pour des raisons plus pragmatiques. Tout d'abord, rappelons-le, la diffusion del'information incombe aux industriels. Il semble donc logique de les impliquer fortement.De plus l'association APORA fonctionne comme le maitre d'ouvrage de la campagne. Eneffet c'est par son biais que le Secrétariat permanent peut récupérer un certain nombre desubventions49. Les SPPPY étant rattachés à l'administration, n'ont ni structure juridique, nile statut d'association. Ils ne peuvent donc collecter des subventions. Au delà du budget laprésence d'APORA au sein du Secrétariat permanent a permis de faciliter l'embauche dechargés de mission, puisque les recrutements par les SPPPY s'inscrivent quant à eux dansle cadre des recrutements de la fonction publique.

APORA, l'association des entreprises de Rhône-Alpes pour l'environnement industriel Aporaest une association loi 1901 créée en 1972. Elle regroupe deux catégories de membres àsavoir des établissements industriels (environ 300) ainsi que des structures représentantces industriels. APORA fonctionne au niveau de l'échelon régional, ce qui lui permetd'offrir à ces membres un réseau important. On distingue deux missions principales :l'information et le conseil. APORA propose notamment des informations et conseils en lienavec l'arsenal réglementaire qui concerne ses membres. Cependant, et c'est ce qui nous

48 Annexe 3 : Entretien CIRIMI/DREAL49 Les subventions représentent une part importante du budget de la campagne 2008.

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intéresse ici, APORA occupe aussi un rôle d'interlocuteur de l'État, en particulier auprèsdes services de la DREAL Rhône-Alpes. Son rôle de représentant des industriels dansplusieurs structures lui permet de jouer un rôle de relais entre les industriels et les autresacteurs participant aux politiques de prévention des risques. En tant que représentant d'ungrand nombre d'établissements industriels concernés par le périmètre de la campagnede 2008, l'association fait partie du Secrétariat Permanent et assure la maîtrise d'ouvragedéléguée. A ce titre, elle a géré le financement de l'opération (provenant essentiellementdes entreprises mais aussi des subventions de collectivités territoriales). APORA estdonc un acteur structurant des politiques de prévention des risques industriels dansl'agglomération lyonnaise, notamment à travers son rôle d'interlocuteur privilégié de l'État.

En plus de ces trois membres représentant largement les deux acteurs déjà enposition dominante concernant les risques industriels, c'est-à-dire l'Etat et les industriels,des chargés de mission ont été embauchés afin d'assurer une communication de bonnequalité avec les élus locaux. Ces derniers jouaient davantage un rôle de relais entre lescommunes concernées et les décisions prises dans le cadre de la campagne.

Se pencher au plus près sur le fonctionnement de la campagne permet de corrélerthéories et pratiques. Alors que nous évoquions l'apparition d'une rhétorique de laconcertation et de la délibération de plus en plus fréquente dans le domaine qui nousintéresse, la campagne d'information du public de 2008 semble au premier abord confirmercette évolution. Néanmoins la transformation des rôles des différents organes de lacampagne nuance cette vision quelque peu idyllique.

Une mise en pratique qui pose problème.L'organisation sur le papier de la campagne nous permet d'observer des progrès en termed'ouverture avec l'intégration d'acteurs jugés plutôt « secondaires » comme les associationsde protection de l'environnement ou des représentants de l'éducation nationale dans lesinstances décisionnelles mais aussi dans les groupes de travail. Ces acteurs disposent doncnon seulement d'un droit de regard sur les actions futures, mais aussi de la possibilité defaire entendre leurs arguments.

On se rapproche de la définition de la concertation comme espace ou chacun peutécouter et se faire écouter par les autres.

Il ne faut cependant pas prendre la campagne pour ce qu'elle n'est pas: un lieude délibération. En effet, et c'est ce qui différencie la concertation de la délibération, onreste dans des situations où les acteurs ne sont pas sur un pied d'égalité: une personnetravaillant pour le service « Risques technologiques et miniers » de la DREAL disposede plus de moyens, de connaissances, qu'un représentant d'une association de protectionde l'environnement. L'idée derrière la concertation n'est cependant pas la recherche d'uneégalité pure et parfaite entre les acteurs mais l'existence de processus capables de réunirles acteurs et de produire des décisions consensuelles.

De plus, on constate que le nombre d'élus ou de représentants de collectivités estimportant, ce qui témoignerait d'une intégration réussie des collectivité territoriales auxprocessus de décision et de mise en place. La mise en place d'instances collégialesreprésenterait la fin d'une gestion technocratique des risques, avec la remise en cause desexperts en tant qu'arbitres et la multiplication des acteurs ayant la possibilité d'intervenir.

L'organisation de la campagne s'est aussi voulue plus transparente. La campagne abénéficié d'une plus grande publicité à destination du grand public, que ce soit sur son

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contenu ou sur la façon dont elle a opéré. Compte tenu de la mutualisation et des effortsdes acteurs pour délivrer un même message, elle n'a donc pas connu le même sort quecelle de 2003.

Un document intitulé « Bilan de la campagne 2008 »50 a été publié un an après lacampagne afin de permettre au grand public de mieux comprendre son fonctionnement.Certes, ce document contribue au processus de légitimation de la campagne en insistantsur ses réussites et ses avancées, il n'en reste pas moins qu'il concoure à la rendre plustransparente aux yeux des citoyens.

En interne des actions jusqu'à là menées de façon informelle ont fait l'objet d'unepublicité renforcée au travers des groupes de travaux, des dossiers d'information fournisaux communes ou des présentations du Secrétariat permanent:

Souvent le secrétariat présentait l’avancement des groupes de travail. Le COPILdécidait ce sur quoi travailler, savoir si on allait lancer telle ou telle action ou sion allait travailler sur telle ou telle problématique. Le secrétariat, lui était un peupartout, on rendait compte au COPIL de l’avancement du travail et des suitesenvisagées.51

Les membres du Comité de pilotage disposent donc d'un droit de regard sur ce qui estproduit à la fois par les groupes de travail et par le Secrétariat permanent. La campagne s'estinscrite dans un planning proposé par les préfets de département et validé par les industrielsafin de lui donner une lisibilité plus grande. Il ne s'agit plus pour chaque acteur de menerdes actions indépendantes les unes des autres mais d'apprendre à travailler ensemble afinde favoriser l'échange et le retour d'expérience. L'établissement d'un calendrier établi enamont représente aussi une nouvelle possibilité pour les acteurs n'ayant pas forcément uneemprise directe sur le dossier, de suivre l'évolution de la campagne et dans la mesure dupossible, d'y participer.

En ce sens on peut affirmer que la campagne s'inscrit dans une dynamique pluspartenariale et plus collégiale.

Le rôle prépondérant joué par le secrétariat permanent, en particulier par lesreprésentants de la DREAL, tempère le caractère collégial et concerté de la campagne sanspour autant le réduire à néant. Mais la pratique et les changements qu'elle a occasionnés, enparticulier sur le fonctionnement de la campagne, témoignent d'une difficulté à laquelle sontconfrontés les acteurs dominants: il s'agit de trouver un équilibre entre les efforts d'ouverturequ'ils consentent et leurs souhaits de conserver une certaine main mise sur ces nouveauxdispositifs.

Évoquons ici les groupes de travail. Même si le Secrétariat Permanent dispose d'unpouvoir de proposition prépondérant, d'autres acteurs doivent pourvoir intervenir par le biaisdes groupes de travail. Ces derniers ont en effet la possibilité de proposer des actions auComité de pilotage. Dans un sens, ces groupes de travail permettent à la campagne deconserver une certaine collégialité dans la production des actions. Néanmoins, on peut noterque la question de la représentativité est éludée, les groupes de travail fonctionnent sur leprincipe du volontariat. Comme nous l'avons évoqué, les collèges les plus représentés dansles instances décisionnelles ou dans les groupes de travaux restent ceux de l'administrationet des industriels. En effet, ces deux groupes disposent de ressources humaines etfinancières qui leur permettent d'assurer une présence continue.

50 Disponible sur le site internet http:///www.lesbonsreflexes.com51 Annexe 3 : Entretien CIRIMI/DREAL

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De plus, le Comité de pilotage ne jouant plus son rôle de lieu de débats, les questionscompliquées sont souvent renvoyées vers ces groupes de travail où les industriels et lesservices de l'État sont majoritaires. Ce fonctionnement neutralise les débats et verrouille leprocessus de décisions qui, in fine, revient aux « acteurs traditionnels ».

Ainsi la pratique a contribué à transformer l'organisation de la campagne. De concertéeet transparente, elle est devenue un lieu où les acteurs « traditionnels », en particulierl'État et les exploitants, continuent à être majoritaires. Malgré la perpétuation de ce systèmesouvent bicéphale, on ne peut nier que les exigences nouvelles en matière de démocratieparticipative ont impacté les acteurs et leurs comportements.

Chapitre 3: Une rhétorique de la participation quiinvite les acteurs à modifier leurs habitudes.

Ces dynamiques d'ouverture et de concertation sont aujourd'hui théoriquement bienacceptées par la plupart des acteurs « traditionnels ». Nous montrerons que la campagned'information constitue un moyen de mettre en avant les progrès effectués par cesacteurs depuis les années 2000 et de valoriser leur rôle. En effet, les acteurs traditionnelstâchent d'intégrer ces notions dans leurs actions afin de légitimer ces dernières. La normedélibérative, évoquée dans le Chapitre 1, est prise en compte à différents niveaux par lesacteurs, ce qui impacte leur manière de faire.

L'État et les industriels: des acteurs en quête d'une nouvellelégitimité.

Des acteurs face à la contrainte du changement.La norme délibérative a pointé son nez dans les politiques de prévention des risques. Cemouvement vers une plus grande participation des citoyens mais aussi des représentantsde la société civile, rappelons le, ne peut être uniquement imputé à la loi Bachelot. Il provientd'un processus qui s'ancre dans le temps. D'une situation conflictuelle entre les principauxacteurs, on serait passé à des relations non pas dénuées de toutes tensions, mais plusconsensuelles, impliquant de façon plus poussée les différents acteurs:

Voilà on peut faire le parallèle, l'attitude qu'avait l'industrie chimique il y a trenteans c'est à peu près l'attitude du nucléaire tout à fait récemment. Après deux outrois accidents dans le genre de Fukushima on va commencer à se dire qu'il fautpeut être aussi communiquer, informer et écouter les autres.52

Pour mieux comprendre comment s'effectue ce changement, il est essentiel de prendreen compte les rapports qu'entretiennent les acteurs les uns avec les autres. L'analysecognitive peut en ce sens se révéler pertinente puisqu'il s'agit de prendre en compte lesmarges de manœuvre dont ces acteurs disposent. Ces possibilités d'agir au delà de lanorme entrainent des adaptations qui varient fortement selon le territoire et les acteursconcernés. La campagne d'information de 2008 constitue une illustration pertinente des

52 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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apprentissages des acteurs. Les services administratifs ainsi que les industriels, au traversde leurs représentants au Secrétariat permanent de la campagne, tendent à modifier leurspratiques afin que celles ci correspondent davantage aux enjeux actuels. Néanmoins, onconstate que, comme dans tous processus d'apprentissage, les acteurs inventent à partirde ce qu'ils ont l'habitude de faire.

De plus, sans remettre en cause la pertinence de l'approche cognitive, il convient deconsidérer les contraintes réglementaires ou pratiques que font peser un certain nombre destructures sur les acteurs. Une approche pertinente consisterait à prendre en compte nonseulement l'influence que peuvent avoir les stratégies des autres acteurs et la « référenceà un ensemble familier de modèles moraux ou cognitifs »53 mais aussi les contraintes desstructures qui pèsent sur l'action des acteurs et donc qui diminuent leur liberté d'action.

On définira les structures comme des « systèmes d'interaction durables concernantdifférents sous-système sociaux, ne dépendant pas directement de l'action d'agentsidentifiables et s'exprimant dans des institutions et des cadres d'interprétations du mondestabilisés »54. Ce sont ces systèmes d'interaction qui caractérisent en partie les intérêts desacteurs et leurs façon d'agir.

Les acteurs des politiques de prévention des risques n'ont pas les mêmes réactionsface à cette contrainte du changement. L'adaptation à des situations nouvelles et lechangement passent donc par une combinaison entre habitudes et innovations.

Cette contrainte du changement qui pèse fortement sur les politiques des risquesindustriels s'explique en partie par l'impact des accidents industriels dans l'esprit collectif. Ilest en effet intéressant de noter que les catastrophes ont entraîné des modifications dans lalégislation. Les acteurs traditionnels, sous la pression de l'opinion publique et des nouvellesobligations en terme de législation, se sont engagés dans une réforme informelle concernantleurs pratiques.

Ça se passe comme ça parce que tout le monde est un peu sorti de la visionblanc ou noir. Ce n'est jamais comme ça. « C'est un patron c'est un salaud,c'est un maire c'est forcément le messie ». On a encore des gens commeça cependant. Mais on est majoritairement sortis de cette vision là. Avec laformation, la concertation qui est plus importante et puis la culture. Ce qui sepassait il y a trente ans, et ce comportement est reconnu par les entreprises,ce qui se passait à l'intérieur les industriels ne voulaient pas que ça se sache àl'extérieur. C'était l'écran total, en plus il y avait cette vision que de toute façonles autres n'y comprendront rien et que ce sont les industriels qui sont le plusà même pour gérer, c'est eux qui savent faire. Quelques accidents après on estrevenu sur cette position... « Oui, ils savent faire, enfin... »55

Cet extrait d'entretien valide l'hypothèse d'un changement antérieur à la campagne 2008.Cette dernière n'est que le reflet d'une dynamique déjà installée. Mais les acteurs jusque lasecondaires dans les processus de décision, ont bénéficié à travers une organisation pluscollégiale et plus transparente de la campagne, de certaines opportunités d'ouverture.

53 Hall Peter. Taylor Rosemary. « La science politique et les trois néo-institutionnalismes », Revue française de science politique,[En ligne] vol. 47, n°3-4, 1997, p. 492.

54 Muller, Pierre. « Esquisse d'une théorie du changement dans l'action publique », Revue française de science politique [enligne], vol. 55, n°1, 2005, p. 158.55 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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L'Etat et les industriels, entre ouverture et résistance.Attardons nous d'abord sur l'État. La campagne présente l'occasion rêvée pour l'Étatmais aussi pour les industriels de se présenter sous un nouveau profil. Ces deux acteursperçoivent les demandes des citoyens mais aussi des acteurs avec qui ils ont l'habitudede coopérer.

L'organisation de la campagne, nous l'avons montré, fait la part belle aux instancescollégiales. Mais cette organisation reste largement théorique puisque les différents collèges(État, industriels, collectivités territoriales et associations et personnalités qualifiées) nedisposent pas de la même représentativité ni de la même capacité à peser sur les processus.La campagne présente plusieurs avantages pour les services de l'État. Elle permet d'assurerla pérennité du contrôle de l'État sur plusieurs pans des politiques de prévention des risques.

Ainsi, et c'est en ce sens qu'elle représente une opportunité pour l'État, la campagnede 2008 et les documents qui s'y rattachent sont de bons instruments de légitimation del'action de la puissance publique. La campagne est en effet utilisée par l'État comme un outild'acceptabilité et de justification du travail réalisé par ses services. Elle est exploitée à deuxniveau: au niveau « interne » c'est à dire les cercles de décision et las acteurs pouvant yparticiper et au niveau « externe » correspondant au grand public.

La campagne est donc un instrument de communication destiné aux membres duréseau, c'est à dire aux services de l'État mais aussi aux acteurs fortement impliqués dansson fonctionnement et son organisation. En se mettant en scène dans un rôle d'arbitreentre différents intérêts (les intérêts des industriels, ceux des communes ou encore l'avisd'associations), ce dernier cherche à gagner en puissance. En effet, ce rôle de médiateurou de garant de la représentativité des différents intérêts est important pour la puissancepublique puisqu'il lui permet d'imposer certaines de ses vues dans la décision finale. Ense prêtant au jeu de l'ouverture et de la transparence vis-à-vis des autres acteurs tout enconservant la main-mise sur la plupart des décisions, la stratégie de l'administration peutillustrer l'adage « donner d'une main, retenir de l'autre ». La puissance publique offre denouvelles possibilités aux autres acteurs sans pour autant se dessaisir du sujet et renoncerà jouer un rôle clef.

La campagne de 2008 est également, comme son nom l'indique, un outil decommunication externe, c'est à dire destiné à être diffusé aux citoyens concernés par desrisques industriels.

C'est davantage à ce niveau qu'elle présente des avancées par rapport aux productionsprécédentes. Malgré des manques en terme de collégialité, elle vise à retranscrire la bonnevolonté des acteurs en matière d'ouverture et de transparence. Les documents à destinationdu public publiés une fois la campagne achevée56 retracent globalement la préparation enamont de la campagne ainsi que sa mise en œuvre concrète. Une fois la campagne clôturée,il est donc possible pour tout un chacun de consulter l'ensemble des outils de communicationconçus pour la campagne, ou plus intéressant son bilan financier. Bien que ce droit de regarddes citoyens ne soit possible qu'une fois la campagne achevée, il constitue un premier pasvers une plus grande lisibilité des actions menées par les différents acteurs.

Ces documents sont les outils adéquats pour permettre la valorisation des efforts desacteurs en terme de concertation, d'ouverture et de transparence. Il semble même que c'estlà le but premier des « documents post-campagne ». Ces derniers ne peuvent être utilisés

56 Le document « Bilan de la campagne 2008. Information du public sur les risques industriels majeurs en Rhône-Alpes » aété publié en septembre 2009.

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comme des sources fiables et objectives, permettant de rendre compte en toute impartialitédu déroulement de la campagne, de sa conception sur le papier à sa réalisation. C'estpourquoi on peut dire que ce sont des instruments de légitimation des actions menées.Réalisés par les membres du Secrétariat permanent, ces documents valorisent les effortsde concertation et la bonne volonté des services administratifs mais aussi des industriels.Ils s'inscrivent donc dans une version quelque peu aseptisée de la campagne, celle ci étantprésentée comme une procédure consensuelle et concertée, où les oppositions et conflitsentre acteurs n'existent pas.

« Au niveau de l'organisation il faut constater que la concertation soutenue entreles différents acteurs des risques industriels a été très productive pour faire émerger,partager et financer les divers supports et actions de la campagne »57. Cet extrait dubilan de la campagne, publié un an après, atteste de la valorisation de certains thèmes(ici la concertation). Ces documents cherchent à présenter la campagne comme un lieud'échanges, une possibilité pour les acteurs de participer pleinement à l'ensemble desdécisions sous l'égide de la puissance publique. Sans être mensongé, le bilan est inexact:les rapports de force qui existent entre acteurs et la sur représentation de l'intérêt de l'Étatet des industriels sont absents de cette vision.

A travers cette campagne et la place primordiale qu'il joue dans sa préparation, l'Étatdonne de bonnes leçons mais un mauvais exemple: la concertation, la transparence ainsique la collégialité pourtant présentées comme des notions clefs de la campagne sontfortement minimisées par une position parfois ambigüe de la puissance publique.

Concernant les exploitants, la campagne est l'occasion de renouveler l'image de leursindustries et des risques qu'elles véhiculent:

Beaucoup de personnes ne savent pas ce que permet la chimie et en ont uneimage négative. Mais je pense qu'il s'agit plus d'une incompréhension que d'unehostilité envers la chimie de la part de ces personnes.58

La campagne témoigne d'une certaine ambivalence dans la position des exploitants: faireune campagne de prévention sur les risques industriels revient à accepter l'existence, oudu moins, la possibilité d'un risque.

Dans des campagnes de grande ampleur comme celle ci, une partie de l'informationconcerne les risques qui existent dans les différentes installations classées Seveso. Lacampagne est l'occasion de parler de ces risques et des accidents qu'ils peuvent causer.C'est à ce niveau là que repose le paradoxe pour les exploitants: ils financent une campagnequi, en parlant d'accident, contredit leur « gestion au quotidien » des risques. En effet, lesexploitants insistent énormément sur les mesures de sécurité qui existent au sein de leursexploitations afin d'éviter tous accidents :

Il y a un aspect sur lequel les industriels sont toujours réticents. Cela concerneles accidents. On fait des campagnes sur les risques industriels et on est doncobligé de parler du risque d’accident or les industriels insistent toujours sur lesmesures prises pour éviter ces accidents : « mais on fait tout pour qu’il n’y en aipas ». En effet parler d’accident cela revient à remettre en cause leur gestion auquotidien et c’est quelque chose qu’ils ne souhaitent pas. Dans la diffusion de

57 Bilan de la campagne 2008: information du public sur les risques industriels majeurs en Rhône-Alpes. Septembre 2009, p. 20.58 Forum « Sécurité industrielle et villes durables » du 21 avril 2011. J-J Gillot, Délégué général UIC Rhône-Alpes. Notes

personnelles.

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Partie I: La campagne « Les bons réflexes », reflet d'une ouverture à la rhétorique de laparticipation ?

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l’information ils sont toujours très vigilants et tiennent à ce que soient préciserles mesures qui sont prises pour éviter les accidents.59

Au delà de cette ambivalence qu'ils doivent accepter, la campagne est, comme pour l'État,une réelle possibilité pour les industriels de changer la perception du grand public sur leursactivités ainsi que sur les relations qu'ils entretiennent avec le grand public et des acteurscomme les communes ou les associations.

Cette volonté d'être plus transparents, plus accessibles s'inscrit dans une dynamiqueantérieure à 2008. Néanmoins la campagne « Les bons réflexes » offre de nouvellesopportunités aux industriels. Par exemple, en participant activement aux groupes de travailles industriels sont amenés à coopérer plus intensément avec les communes ou l'État, cequi contribue à l'amélioration des relations et de la façon dont ils sont perçus par les autresacteurs. Les industriels se sont longtemps vus reprochés leur gestion assez secrète de leursactivités. En acceptant de communiquer avec leurs partenaires, en particulier les communessur lesquelles leurs installations sont implantées, ils apparaissent comme des partenairesplus fiables, avec lesquels de bonnes relations sont possibles:

C'est vrai que l'on a besoin l'un de l'autre pour fonctionner, en termesd'information à la population mais aussi lorsqu'il y a des incidents. Souvent avantlorsqu'il y avait des incidents en interne la raffinerie ne prévenait pas la mairie. Orlorsque les gens appelaient à la mairie parce qu'ils avaient remarqué de la fuméeou une odeur inhabituelle il y avait l'incapacité d'apporter des réponses. Depuislongtemps maintenant la raffinerie nous informe lorsqu'il y a des événementsinhabituels. On est davantage dans le partage d'information c'est sûr. Vousen avez vous même la preuve, on a une ligne directe entre mon service et laraffinerie. C'est un plus dans l'établissement de bonnes relations, sans aucundoute.60

Néanmoins ce n'est pas la seule amélioration. La campagne est un outil à double niveaupour les industriels. Au delà des acteurs appartenant à ce « réseau risques industriels », ellepermet aux exploitants de présenter une nouvelle image au grand public. Les industriels etleurs représentants ont, par exemple, été très présents tout au long des réunions publiquesorganisées au cours de l'année afin de pouvoir présenter leurs activités mais aussi afinde répondre directement aux inquiétudes ou aux questions des personnes présentes.Toutefois, on peut noter qu'ils restent en retrait et font preuve de réserve sur un certainsnombre de sujet par rapport aux représentants de l'État. Mais on sort d'une situation où lesexploitants maintenaient une certaine « opacité » autour de leurs activités:

Pour les industriels déjà c’est une bonne chose. Participer à cette campagne,leur participation donne une image d’ouverture qui cherche à aller contre l’imaged’opacité qui leur est souvent associée. Mais pour nous et pour les citoyensc’est aussi un avantage car ils sont obligés de participer beaucoup plus etd’en dire beaucoup plus que ce qu’ils n’auraient dit si ils avait fait leur proprecommunication.61

La campagne de 2008 représente donc une opportunité, pleinement saisie par lesindustriels, de s'imposer comme un partenaire clef de l'État et des communes. En effet,

59 Annexe 3 : Entretien CIRIMI/DREAL60 Annexe 6 : Entretien Ville de Feyzin61 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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il existe une forte indépendance entre les membres de ce réseau, nous reviendrons surce point par la suite. A travers la campagne les exploitants se sont aussi appliqués àmettre en avant leurs efforts notamment en terme de transparence vis-à-vis du grand public.Participer à la campagne permet aux industriels de mettre en avant les investissementsréalisés pour aboutir à davantage de transparence. Mais une forte participation dans lesdifférents organes de la campagne, en particulier le Secrétariat permanent et les groupesde travail, leur permet de garder un certain contrôle sur ce qui est dit. La régionalisationde la campagne a contribué à obtenir davantage d'information sur les établissements etles mesures de sécurité, c'est certain. Il n'empêche que les informations délivrées restentfortement sous leur contrôle, en particulier via l'intermédiaire d'APORA. De plus, lors desrencontres avec les citoyens pendant les réunions publiques, les représentants de l'Etatainsi que les exploitants tendent à monopoliser les discussions. Ce sont les deux collègesqui disposent d'une compétence scientifique (et également réglementaire pour les servicesde l'Etat) qui fait souvent défaut aux autres acteurs. Ces deux acteurs, en dominant lesgroupes de travail et les instances décisionnelles, verrouillent le processus et tendent àlimiter la participation des autres membres du réseau.

Ainsi face à la contrainte du changement, l'État et les industriels utilisent la campagnecomme un outil de légitimation. Pour la puissance publique, l'information du public et lesdifférentes formes qu'elle prend, offre la possibilité de se présenter comme garant de l'intérêtgénéral face aux diverses réclamations.

Pour les industriels, la campagne est une occasion à ne pas manquer. En participant leplus activement possible ils répondent à deux objectifs: d'abord, établir de bonnes relationsavec les acteurs de réseau, directement ou par l'intermédiaire de l'association APORA.Ensuite, améliorer l'image, souvent négative, qu'ils véhiculent dans l'opinion publique.

Des opportunités d'ouverture qui ne sont pas toujourssaisies.

La campagne de 2008 est, à l'image d'autres dispositifs d'information comme par exempleles CLIC (Comités Locaux d'information et de concertation62) sur lesquels nous reviendrons,un espace offrant de nouvelles possibilités, pour les acteurs traditionnellement ancrés dansles processus de décision mais également pour des acteurs cherchant à se faire une placedans les différentes étapes des procédures.

Des logiques de conquête face aux opportunités d'ouverture.Globalement, la prolifération de dispositifs de discussion et de concertation permet à desacteurs normalement exclus du processus de jouer un rôle. En multipliant le nombred'acteurs ayant une légitimité à s'exprimer sur le sujet on dépasse une discussion axéeautour du clivage profane/experts. Ce relativisme de l'expertise est cependant à nuancer.Dans les domaines relativement complexes, on observe encore une frontière entre lesacteurs détenant un savoir technique, les non-spécialistes et les acteurs possédant une

62 Depuis la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, les CLIC sont devenus des Commissions de suivi des sites (CSI).

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expertise interactionnelle63, c'est à dire ceux dont les compétences, les capacités d'expertisesont issues de l'expérience personnelle. Ce type d'expertise s'acquiert par apprentissagemais aussi au travers d'un ancrage local et des connaissances qui en découlent. Elle sedifférencie de l'expertise scientifique en ce qu'elle est individuelle et tirée de l'expérience:les savoirs mobilisés sont donc différents. Cependant, contrairement aux non-spécialistes,les individus détenteurs d'une expertise interactionnelle maitrise le langage du domaine (lestermes techniques par exemple). Ils peuvent donc devenir « experts » au même titre queles techniciens, seule l'origine de leur expertise peut alors les différencier.

Plutôt que de parler d'une suppression de la distinction experts/profanes, il semble pluspertinent d'envisager une extension de la notion d'expertise.

Cette extension de la notion d'expertise peut poser problème à l'heure où les modesde décision « classiques » sont fortement remis en cause. La question se pose alors: oùtrouver la meilleure expertise ? La puissance publique a tenté de répondre en ouvrant lescercles de décision, c'est à dire en légitimant de nouveaux savoirs et donc de nouvellesexpertises. C'est donc à ce titre là que de nouveaux acteurs peuvent intervenir dans lesprocessus. Néanmoins les acteurs possédant une expertise savante continue à dominerce genre de processus. On peut ici s'attarder sur les réunions publiques concernant lesrisques industriels, organisées dans le cadre des CLIC, des campagnes d'information ou del'élaboration des PPRT. Ces réunions permettent la rencontre entre une expertise formelle,provenant de l'administration et des industriels et une expertise plus informelle. Certainsmembres d'association ou certains citoyens possèdent une capacité interactionnelle. Ils sontalors à même de s'exprimer et de dialoguer avec les acteurs habituellement répertoriéscomme les « sachants ».

Ces lieux de discussion doivent permettre aux acteurs habituellement maintenus endehors des processus de décision de participer aux discussions. Les citoyens sont iciparticulièrement visés. Mais l'extension de la notion d'expertise permet aussi à des acteursdéjà inscrits dans le réseau de renforcer leur présence et d'affirmer leurs compétencescomme certaines communes ou même des associations.

Les communes et les associations: des acteurs en retrait ?Alors que des acteurs comme les services de l'État et les industriels utilisent pleinementles possibilités que les dispositifs de concertation leur proposent, certains acteurs semblentêtre plus en retrait dans l'utilisation de ces nouveaux outils. Les communes ont su saisircertaines opportunités qui sont apparues depuis la fin des années 1980, jusqu'à devenirun acteur incontournable en matière de prévention des risques. En dehors de ce trio, lesacteurs semblent avoir des difficultés à faire valoir leur rôle. C'est, par exemple, le cas dela société civile.

Les dispositifs de concertation sont investis par les communes et leurs représentants,le plus souvent par les maires. Mais cette présence reste souvent plus faible que celle desindustriels ou de l'administration. Les représentants des communes se positionnent en tantqu'administrateur d'un territoire. Leur ancrage local prend donc ici toute son importance. Cesderniers utilisent les dispositifs existants pour faire passer certaines de leurs réclamationsauprès des industriels mais aussi auprès des services de l'État. Néanmoins les dispositifsde concertation ou de discussion permettent aux communes de renforcer les liens qu'ils

63 Collins, Harry. Evans, Robert. « The Third Wave of Science Studies: Studies of Expertise andExperience », Social Studies ofScience, 2002, Vol. 32, n° 2, p. 235-296.

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entretiennent avec les industriels présents sur leur territoire. Elles sont considérées parles autres acteurs, en particulier par les services administratifs comme des acteurs àpart entière des politiques de prévention des risques industriels sur un territoire donné.L'apparition de nouveaux dispositifs de discussion représente un moyen de faire pressionsur leurs partenaires, en particulier lorsque le dispositif prend la forme d'une réunionpublique. Les discussions se déroulent alors devant un public, qui souvent est domiciliédans la commune où a lieu le dispositif, ce qui constitue un avantage.

Pour les communes, ces nouveaux lieux de débats ne servent que peu souvent àdénoncer la place de l'industrie: il n'est que très rarement question de remettre en causela présence des exploitations sur leur territoire. Les communes ont pour la plupart acceptéla présence d'exploitations classées Seveso sur une partie de leur territoire. En effet,même si ces industries sont porteuses de risques qui entraînent un certain nombre dedésagrément pour les communes, elles apportent des avantages économiques et financiersaux communes:

Q: Les mairies ne sont-elles pas dans un dilemme par rapport à la présenced'établissements SEVESO ? R: Oui c'est un peu le jeu « je te tiens, tu metiens par la barbichette » puisque d'un côté les mairies sont faces à des enjeuxéconomiques. Tant en termes de taxes que d'emplois elles ont intérêts à avoirun site industriel sur leurs territoires. Et de l'autre côté, il faut en subir lesconséquences environnementales, et pour certaines d'entre elles, pour lesétablissements SEVESO, le risque.64

Les mairies sont actuellement fortement mobilisées autour des enjeux portés par les PPRT.Les tensions qui peuvent exister entre les acteurs ne sont pas tellement entre les industrielset les communes mais davantage entre l'administration et les communes. Ces dernières sevoient imposées par les services de l'État et de la préfecture un certain nombre d'action àréaliser, plus ou moins coûteuses.

Par contre là où les relations sont plus compliquées c’est entre l’administrationde l'État et les communes. Et je peux vous dire ça pour l’avoir vécu dans les deuxsens. On a eu plusieurs fois le cas où on l’on a du imposer des outils, surtoutdans la distribution d’outils de communication. Or, c’est assez frustrant pourles communes puisque ce sont elles qui doivent assumer la distribution desenveloppes par exemple. Or, cette démarche est imposée par les services del'État et elle n’est pas forcément anticipée par les collectivités. 65

Sans être particuliers aux politiques de prévention des risques, ces rapports de force entrecollectivités territoriales, en particulier les communes, et l'État sont à prendre en comptedans l'analyse. Les dispositifs qui créent de nouveaux espaces publics de discussion sontalors un moyen pour elles de manifester leurs inquiétudes ou leurs mécontentements. Afind'avoir le plus d'impact possible, les communes concernées par les risques Seveso sesont fédérées autour d'AMARIS, l'association nationale des communes pour la maitrise desrisques technologiques majeurs. Cette association peut être comparée à l'association desindustriels en ce qu'elle se présente comme un interlocuteur de référence à la fois pour lesservices de l'État et pour les industriels. Elle joue un rôle structurant pour les communesainsi que pour les autres acteurs. En s'efforçant d'être présent lors de toutes les négociations

64 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL65 Annexe 5 : Entretien Chargée de mission (campagne 2008)

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avec les services administratifs et les exploitants, AMARIS développe une expertise propreaux communes, ce qui leur permet de gagner en indépendance et en légitimité.

L'expertise d'AMARIS s'apparente davantage à une expertise interactionnelle: lescollectivités membres de l'association connaissent des situations assez différentes lesunes des autres. En favorisant l'échange et le retour d'expérience, l'association chercheà développer une expertise fondée en partie sur l'expérience locale de ses membres.Enfin l'association est un acteur de référence pour les communes puisqu'elle dispose dedavantage de compétences techniques en matière de risques industriels. Les collectivitésmembres peuvent donc se reposer en partie sur l'action d'AMARIS dans un certain nombred'instances de concertation.

Même si les communes semblent être plus en retrait dans les nouvelles instancesde concertation et de discussion, elles restent vigilantes lorsqu'il s'agit de défendreleurs intérêts. Toutefois, elles ne sont pas forcément les acteurs les plus enthousiastesconcernant le développement de ces nouveaux lieux de débats et la multiplication d'outilsde communication à destination du public. Les communes contribuent financièrement etde façon importante au financement de ces dispositifs, participation qui tend à augmenteravec le retrait de l'État. Par exemple, les collectivités territoriales ont financé une partie dela campagne de 2008 de manière plus importante que l'État. Compte tenu des difficultéséconomiques auxquelles elles doivent faire face, la multiplication des postes de dépensesn'est pas toujours accueillie avec la plus grande sérénité. De plus, les communes sontdirectement confrontées au mécontentement des citoyens. La multiplication de dispositifsvisant à informer les riverains sur les risques qui les entourent, alors que le risque industriela tendance à être moins bien accepté qu'il ne l'était auparavant, n'est pas perçue commeextrêmement positive pour l'image de la commune:

Il y en a qui partent de principes, d'ailleurs tout à fait honorables: est ce que çavaut le coup de faire peur au public ? Il y avait des interrogations comme ça. Estce qu'il faut faire tout un foin là dessus ? Est ce que le problème il est vraimentlà ? Est ce que le problème c'est vraiment l'information du public ? Est ce que leproblème ce n'est pas plutôt l'État qui a la charge de contrôler ces entreprises etqui doit faire mieux son boulot de manière à ce qu'il n'y ait pas de risque. Ce sontdes interrogations qui ne sont pas dénuées de sens, elles sont pleines de bonsens. Il y avait aussi ça comme réactions.66

Malgré certaines précautions face à ces dispositifs, on peut globalement affirmer que lescommunes se sont plutôt bien saisies de ces nouveaux dispositifs et de leurs débouchéset ce, en se structurant afin de peser davantage dans les discussions. Les dispositifs dediscussion qu'ils soient publics ou contenus dans des cercles plus restreints ne représententque très rarement l'occasion pour les communes de mettre en cause la présence del'industrie sur leur territoire. Néanmoins elles profitent de ces nouveaux espaces dediscussion pour faire valoir leur arguments auprès des industriels mais surtout auprès del'État et de ses services.

Enfin, afin de compléter notre propos, il convient d'évoquer une dernière catégoried'acteurs, la société civile. Les acteurs traditionnels, que sont les services de l'État, lesexploitants et les collectivités territoriales ont, de manière générale, su saisir les opportunitésque le développement de nouveaux espaces de discussion leur a offert. Ces acteurssont particulièrement actifs dans les politiques de prévention des risques et participent

66 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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à l'ensemble du processus. Les dispositifs d'information qui se sont particulièrementdéveloppés après la loi de 2003 constituent un outil de plus pour ces acteurs.

Par contre, la société civile se trouve dans une situation particulière. Les associationsn'ont été que très tardivement intégrées aux procédures. Précisons qu'il n'existe que peud'associations de défense du cadre de vie des riverains. Les associations jouant un rôle enmatière de risques industriels sont surtout des associations de défense de l'environnement.Concernant la région Rhône-Alpes, la structure citée par la plupart des acteurs est laFRAPNA, Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, reconnue d'utilité publiquedepuis 1984.

La Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature La FRAPNA est une desassociations de protection de la nature présente dans l'agglomération lyonnaise. Crééeen 1971, elle est reconnue d'utilité publique en 1984. Organisée au niveau régional,l'association est composée de huit antennes dans chaque département de la région RhôneAlpes ainsi que d'un bureau de coordination au niveau régional. La Frapna fait égalementpartie d'un réseau d'associations fédérées autour de la FNE [France Nature Association]. L'antenne départementale du département du Rhône est une des associations les plusactives dans le domaine des risques industriels. Elle regroupe une vingtaine d'associationsmembres et emploie quinze salariés. En tant que représentante de la société civile, laFRAPNA Rhône est présente au SPIRAL et participe régulièrement aux groupes de travail.

A l'origine ces associations ne souhaitaient pas être intégrées aux procédures afin quele public et leurs adhérents ne pensent pas qu'elles cautionnent les risques. Mais cetteposition s'est vite montrée peu productive, les associations étaient alors dans l'incapacitéd'avoir une force de proposition ou même un droit de regard.

Et les associations, la FRAPNA en particulier, ont beaucoup évolué là dessus.Au début ils refusaient de parler de risques, d’aller voir les riverains en se disant« on ne veut pas cautionner ». Ils en étaient encore au stade de dire : « si il ya un risque nous n’avons pas à l’exploiter tel quel, c’est à l’exploitant de toutassumer ». L’idée c’était « on peut comprendre le risque mais nous n’avons pasà le cautionner ». Cette position c’était il y a longtemps, au début et puis ils ontévolué parce qu’ils ont trouvé que ce n’était pas constructif. Alors qu’en étantdedans ils font plus.67

Néanmoins les risques industriels ne constituent généralement qu'une partie des thèmestraités par les associations. La participation aux dispositifs relevant de la prévention desrisques industriels s'inscrit souvent dans le cadre d'une objectif plus général, souvent laprotection de l'environnement. Dans l'agglomération lyonnaise la FRAPNA est parmi lesassociations les plus actives concernant les risques industriels. Cependant l'associations'intéresse plus globalement à la défense de l'environnement. Sa participation aux différentsdispositifs est donc conditionnée aux thématiques abordées.

Une autre raison qui peut expliquer le retrait de la société civile sur de telles questionsest le manque de sollicitation directe de la part des acteurs traditionnels :

Q: Par rapport aux services de l'État ou même les industriels, vous êtesrégulièrement sollicités pour participer à des groupes de travail ou auxpréparations des décisions ? R: C'est nous qui faisons la demande par rapport

67 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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aux services de l'État. Mais de manière générale on n'a pas de sollicitation directede l'État.68

La campagne 2008 intègre davantage la société civile dans les différentes instances etles groupes de travail. Par exemple, la FRAPNA a eu la possibilité, par l'intermédiaire duSPIRAL, de prendre part à différents groupes de travail concernant l'information du public.Cette participation représente un progrès pour ce genre d'association qui peut désormaisparticiper de l'intérieur. D'un rôle de spectatrice la société civile passe progressivement à unrôle d'actrice. Néanmoins la main mise des services administratifs ainsi que des industrielset le verrouillage qui existe concernant certains sujets est perçu par les participants:

On a fait des recommandations mais elle ne sont pas prises en compte. Lesbénévoles sont assez frustrés. Ils n'ont pas l'impression d'être dans une instancede concertation. Ils n'ont pas accès aux documents ou à la même info que lesautres participants, surtout les services administratifs. Enfin de manière généraleon peut dire que c'est quand même pas très satisfaisant.69

Ainsi les associations qui sont impliquées dans ces lieux de débats institutionnaliséscritiquent la gestion par l'autorité administrative du déroulement des débats et discussions.En effet les dispositifs fonctionnent, en grande partie, sous l'autorité de la puissancepublique. Les procédures, les temps de parole sont maîtrisés par cette dernière. Derrièrela volonté d'ouverture, ces nouveaux dispositifs se révèlent porteurs de nombreusescontraintes, qui aux yeux des associations, ne favorisent pas l'établissement d'un débatconstructif.

Comme la campagne 2008 l'atteste, la société civile est, de manière générale,davantage représentée dans les différents dispositifs de concertation. Cependant elledoit faire face à plusieurs difficultés. Les premières concernent l'utilisation des moyenshumains et financiers: la plupart des associations sont de petites structures qui ne disposentpas nécessairement du temps et de l'argent pour pouvoir s'impliquer autant qu'ellesle souhaiteraient. Contrairement aux acteurs dominants qui disposent de nombreusesressources, les associations n'ont pas forcément les moyens de participer à toutes lesprocédures de discussion et de concertation.

De plus, les structures associatives ne disposent pas nécessairement des compétencestechniques suffisantes pour développer leur propre expertise. Sans expertise indépendante,ces structures manquent de crédibilité aux yeux des autres acteurs. Enfin, nous l'avons vu,le développement des structures de concertation se fait sous l'œil attentif de la puissancepublique. Celle ci veille à ce que les dispositifs qu'elle met en place n'échappe pas à uncertain contrôle.

La multiplication de dispositifs de concertation entraine donc des stratégies de conquêteet de résistance de la part des acteurs traditionnellement ancrés dans les politiques deprévention des risques. Ces acteurs utilisent ces nouveaux instruments afin de valoriserleurs images et leurs action vis-à-vis des autres acteurs mais aussi (et surtout ?) vis-à-visdu grand public. Face à cette omniprésence de l'État, des industriels et, dans une moindremesure, des collectivités territoriales, la société civile peine souvent à se faire une place.

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68 Annexe 7 : Entretien FRAPNA69 Annexe 7 : Entretien FRAPNA

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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A travers cette première partie nous avons pu constater une transformation de laréglementation française afin de mieux répondre aux attentes et aux besoin des différentsprotagonistes. L'exemple de la campagne d'information « Les bons réflexes » de 2008montre que les problématiques « d'ouverture », de « concertation » sont de plus en plus priseen compte par les acteurs dominants. Cependant, ces notions ne sont pas toutes entenduesde la même façon: entre possibilités de légitimation et contraintes, elles impactent lespolitiques de prévention des risques industriels et la façon de faire des acteurs. Nousavons évoqués plus particulièrement l'Etat et ses services mais aussi les industriels etles collectivités territoriales afin de montrer dans quelle mesure ils intègrent ces nouvellesexigences. Nous allons dans une seconde partie nous intéresser aux rapports de forcequi perdurent entre ces acteurs. Malgré l'importance croissante des problématiques de« concertation » et de « participation », les politiques de prévention des risques continuentd'être dominées par un trio composé de l'Etat, des industriels et des collectivités territoriales.

Face à cette situation, quelles sont les possibilités d'évolution à la fois pour ces acteursdominants mais également pour les citoyens? En d'autres d'autres termes comment, faceà des logiques de résistance et de conquête, les politiques de prévention des risquesévoluent-elles ?

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Partie II: Une ouverture qui reste partielle face à certaines résistances.

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Partie II: Une ouverture qui restepartielle face à certaines résistances.

L'apparition d'un impératif participatif amène les acteurs traditionnels à se repositionneret à transformer leurs habitudes. Ces modifications s'accompagnent néanmoins demouvements de résistance. Des rapports de force, entre les acteurs traditionnels maisaussi entre ces derniers et les citoyens, continuent d'exister malgré une remise en causepartielle de l'ubiquité des acteurs dominants, en particulier de la puissance publique.Cette dernière a réussi à intégrer, au moins en partie, les problématiques actuelles quitraversent les politiques de prévention des risques industriels sans pour autant renoncer àses prérogatives. On observe un phénomène similaire pour les industriels et les communes,pour qui il est important de conserver une place centrale.

Ce maintien de rapports de force malgré les dynamiques participatives est rendupossible grâce à l'existence d'un réseau, historiquement constitué. Après avoir caractériséce réseau, nous montrerons comment il structure les relations entre les différents acteurs(Chapitre 1). Nous nous intéresserons ensuite à la place des citoyens dans la campagne. Eneffet, le rôle que sont amenés à jouer ces derniers suscite de nouvelles interrogations chezles acteurs mais il alimente également les travaux de nombreux chercheurs. Entre possibilitéde démocratisation ou dispositifs vitrines, nous chercherons à savoir quels impacts laplace des citoyens, et de manière plus générale, l'intégration plus poussée de l'impératifparticipatif, peuvent avoir sur une transformation des politiques de prévention des risquesindustriels (Chapitre 2).

Chapitre 1: Derrière la multiplication des dispositifs deconcertation, des rapports de force qui perdurent.

Les communes, la DREAL, les industriels... Compte tenu de leur histoire commune, cesacteurs ont pris l'habitude de fonctionner ensemble. C'est donc progressivement qu'unréseau centré autour de ces trois catégories s'est formé. Après avoir défini ce que nousentendons par « réseau », nous verrons comment il structure les relations et les rapports deforce entre les acteurs. Loin de nuire à la stabilité du réseau, la multiplication des espacesde débat public est en partie utilisée par les acteurs dominants pour le renforcer.

Le maintien d'un réseau malgré l'institutionnalisation de nouveauxespaces de discussion.

L'approche par les réseaux d'action publique: éléments de définition.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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Malgré un affaiblissement relatif de l'État et de ses outils d'intervention, l'administrationcontinue à être prépondérante dans les politiques publiques. Son action a été fortementremise en cause depuis les lois de décentralisation, qui ont permis aux collectivitésterritoriales de développer de nouvelles compétences sur leur territoire. En effet, les années1980 sont synonymes de territorialisation de l'action publique. L'État central doit recomposerles missions de ses services déconcentrés, non plus par le haut mais par le bas, entenant compte des territoires sur lesquels s'inscrivent les services. Pour faire face à cesmodifications, l'État a taché de mettre en place « une institutionnalisation de l'actioncollective »70: l'ajustement des acteurs à l'action publique ne se fait plus en aval maisen amont de la décision. La définition du contenu de la politique publique, la priorisationdes enjeux ou encore la répartition des rôles entre les acteurs sont autant de choses surlesquelles ces derniers doivent s'entendre.

Si l'on peut considérer que la décentralisation et l'institutionnalisation de l'actionpublique ont entraîné un recul de l'État, elles ne traduisent pas non plus une disparition decelui-ci. Face aux modifications entraînées par la décentralisation et la transformation del'action publique, la puissance publique a joué un rôle pivot en apportant un cadre d'actiondurable, et donc une certaine stabilité.

Cette présence permanente des services de l'État dans les politiques de préventiondes risques s'explique par le rôle structurant que joue l'administration dans le maintien deréseaux. La société est traversée par une pluralité de groupes qui représentent chacundes intérêts particuliers. Pour mieux comprendre les politiques publiques, il est essentiel deprendre en compte ces différents intérêts et groupes qui pèsent sur la politique publique.

Afin de permettre aux politiques publiques de retrouver une légitimité et de répondreaux demandes de la société civile ainsi que des citoyens, on observe la création d'espacede discussion plus ou moins poreux. L'organisation de ces espaces de discussion comportecertains avantages pour l'État. En essayant d'intégrer les représentants des différentsintérêts dans ces espaces, l'administration limite les risques de contestation autour de cesdécisions. La pluralité des groupes d'intérêt participant aux discussions permet d'assurerune pérennité aux politiques mises en place.

De plus, par ce biais les services administratifs et le préfet continuent à jouer unrôle essentiel et à être dans une position de domination. Ils structurent les débats et lesdiscussions, en particulier si les groupes autour sont en concurrence ou en désaccord. Ainsi,à travers son rôle d'arbitre, la puissance publique continue d'être prépondérante.

La notion de réseau s'est développée en réaction aux analyses qui présentent l'Étatcomme un tout, une entité. A travers les réseaux, les politiques publiques sont analyséescomme le résultat de coopération, d'échanges et de discussion entre des services de l'Étatet d'autres groupes de pression ou organisations mais aussi entre les différents niveaux depouvoir (local, régional, national voire européen).

D'après l'approche par les réseaux de politique publique, un réseau « résulte de lacoopération plus ou moins stable […] entre des organisations qui se connaissent et sereconnaissent, négocient, échangent des ressources et peuvent partager des normes et

70 Duran, Patrice. Thoenig, Jean-Claude. « L'Etat et la gestion publique territoriale », Revue Française de science politique, 1996,n°4, p.580-623.

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des intérêts »71. Les réseaux jouent donc un rôle clef dans les décisions et la mise en placedes politiques publiques. Ils présentent plusieurs caractéristiques :

Les membres des réseaux sont interdépendants: ils vont s'échanger des ressources,qu'elles soient financières, humaines ou informationnelles, afin de mener à bien des actionset des projets. Ces échanges créent une interdépendance, parfois contraignante, mais ilspermettent aussi de porter des projets qui ne seraient pas viables s'ils émanaient d'un seulacteur.

Les réseaux sont généralement stables dans le temps. Compte tenu du temps qu'il fautparfois pour que les acteurs apprennent à se connaître et à échanger, ils ont tout intérêt àle maintenir le plus longtemps possible. De plus, comme ils finissent par partager du senspour des intérêts communs, le réseau est amené à durer.

Les réseaux, sont souvent des espaces plus ou moins clos, accessibles aux acteursorganisés en groupe de pression. Pour pouvoir accéder à un réseau il est souventnécessaire de s'organiser en groupe de pression. Mais tous les groupes de pression nesont pas forcément pris en compte par l'État.

La distinction public/privé n'est pas toujours nette. L'interdépendance des acteurscontribue à flouter cette distinction. Nous avons montré que les acteurs finissent par partagerun certain nombre d'intérêts. Ainsi les acteurs publics et privés peuvent défendre les mêmescauses : l'industriel n'a pas intérêt à ce que son exploitation connaisse des défaillances, pasplus que la commune sur laquelle elle est installée.

Les politiques publiques concernant les risques industriels sont, elles aussi, concernéespar ces réseaux. On retrouve la plupart de ces caractéristiques dans le fonctionnement desacteurs et les relations qu'ils entretiennent:

Concernant votre question sur les relations, si vous avez commencé à bossersur les risques majeurs et en particulier sur les risques industriels, très vitevous allez vous apercevoir que le réseau il existe déjà depuis longtemps. Ala limite vous faîtes plusieurs colloques ou forums et vous allez revoir lesmêmes personnes. C'est compréhensible. On a un réseau qui est beaucoup plusrestreint. Et puis il est déjà organisé.72

Les acteurs dominants ont progressivement appris à fonctionner ensemble et se sontconstitués en un réseau plutôt hermétique, pour mieux défendre leurs intérêts. En effet,le fonctionnement en réseau comporte des avantages pour les services de l'État maisaussi pour les autres acteurs. Le réseau va apporter des gages de stabilité en poussantles différents membres à s'accorder et à coopérer sur un certain nombre de points. Lescaractéristiques évoqués ci dessus aident à mieux comprendre pourquoi l'administration,les industriels et les communes ont intérêts à s'entendre.

On peut, à titre d'exemple, citer le budget de la campagne de 2008. Les campagnes sontnormalement à la charge de l'exploitant. Or les industriels ont proportionnellement moinsparticipé à la campagne 2008 qu'ils ne l'avaient par exemple fait en 2003. La participationdes collectivités territoriales et de l'État leur a permis de ne pas financer l'intégral de lacampagne. En revanche, ils ont du fournir davantage de données aux communes ou encoreparticiper à des réunions publiques au côté de l'administration ou des élus locaux, ce que

71 Le Galès, Partick « Les réseaux d'action publique entre outil passe-partout et théorie de moyenne portée » in Le Galès,Partick. Thatcher, Mark.(dir.) Les réseaux de politiques publiques, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 14.72 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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beaucoup n'avaient pas fait en 2003. L'interdépendance qui découle d'un fonctionnement enréseau oblige ces acteurs à fonctionner ensemble, ce qui les pousse parfois à se rapprocheret à partager un certain nombre d'intérêts. Il n'est pas rare que des acteurs auparavantopposés sur un grand nombre de sujet finissent par partager des bénéfices communs.

Ainsi, l'action en réseau permettrait aux acteurs de gagner en flexibilité. Néanmoins ilnous semble important de nous attarder sur un des critères présentés plus haut: les réseauxsont caractérisés par un hermétisme, plus ou moins prononcé, aux autres acteurs. Cettefermeture relativement importante permet d'expliquer pourquoi le contrôle des acteurs surles espaces de discussion continue d'être aussi important.

Une multiplication des espaces de discussion qui ne rend pas le réseau plusaccessible.Le réseau qui existe dans le monde des risques industriels est considéré comme fortementhiérarchisé autour de trois groupes d'acteurs principaux, la puissance publique, lesexploitants et les communes. Ce sont ces trois groupes d'acteurs qui structurent lespolitiques de prévention des risques. Sur un territoire donné, l'interconnaissance entre lesacteurs est donc importante.

Cette fermeture relativement importante s'explique en partie par des barrières à l'entrée.La constitution d'un réseau et de groupes de pression au sein de ce réseau est en effet lié àla nature des risques industriels. Premièrement, ces risques relèvent de la responsabilité deplusieurs acteurs: des exploitants, tout d'abord, qui sont chargés de la sécurité à l'intérieurde leurs exploitations, des services de l'État, ensuite, qui doivent assurer le contrôle de cesétablissements, et des communes, enfin, qui sont chargées de la direction des opérationsde secours. Il semble donc logique que ces acteurs disposent de certaines prérogatives parrapport aux autres acteurs qui n'engagent par leurs responsabilités lorsqu'ils s'exprimentou agissent.

De plus, les risques industriels sont souvent considérés comme un domainerelativement technique. La plupart des acteurs qui traitent des risques industriels ont uneformation d'ingénieur ou gèrent au quotidien les problématiques liées à ce type de risques.Ils maîtrisent donc le vocabulaire technique propre aux risques industriels. Malgré uneremise en cause de la distinction entre « sachant » et « profane », certaines compétencestechniques sont nécessaires pour pouvoir comprendre les risques des installations classéesmais aussi les solutions qui sont réalisables d'un point de vue pratique. Cette technicité forceles nouveaux entrants à combler leurs lacunes mais elle incite aussi les membres du réseauà se regrouper pour mieux comprendre, pour mieux agir mais aussi pour mieux revendiquer:

Q: Sur votre site internet j'ai vu que la ville s'était entourée d'experts en 2002.C'était pour avoir vos propres connaissances concernant les risques industriels?R: C'était effectivement pour que la ville ne soit pas trop dépendante des autresacteurs. Avant les informations nous venaient soit de l'État soit des industriels,la commune n'avait pas les moyens de présenter sa propre version ou même decontester ce qui était proposé par l'un ou l'autre des acteurs. Avec cette expertisecommunale on peut maintenant participer et coopérer avec les services de l'Étatet la raffinerie. Ça permet aussi à la ville de pouvoir conseiller ses habitantsen matière de risques, de zonages mais aussi sur des aspects plus techniquescomme la résistance des bâtiments par exemple.73

73 Annexe 6 : Entretien Ville de Feyzin

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En plus de connaissances techniques, les acteurs membres du réseaudoivent doncposséder leur propre expertise pour pouvoir être en capacité de discuter et de peser surles décisions. Or, se doter de telles compétences représente un coût financier mais aussien terme de temps. Alors qu'il est possible pour certaines communes de faire appel à desservices extérieurs pour former ses agents, cette expertise peut constituer un obstacle pourcertains acteurs qui ne disposent pas de ces capacités financières. De plus, pour des petitesstructures associatives il est parfois difficile de trouver le temps nécessaire pour former sesmembres, salariés ou bénévoles.

La stabilité du réseau et la forte hiérarchisation qui existe autour des servicesadministratifs, des exploitants et des communes, est alimentée par ces obstacles qui limitentl'entrée et l'intégration de nouveaux membres.

La portée de la multiplication des lieux de discussion ouverts à tous, est donc relativiséepar l'importance que peut avoir le réseau dans les relations entre les acteurs et le poidsque représentent ces barrières à l'entrée pour des citoyens ou certaines associations.L'influence du réseau est également alimentée par les acteurs eux mêmes, plus ou moinsvolontairement. En effet, les membres du réseau sont conscients de leur appartenanceà un espace fermé à certains groupes. Pour mieux préserver leurs intérêts, les différentsacteurs ont plutôt tendance à limiter, ou au moins encadrer, l'arrivée de nouveaux entrants.L'organisation des lieux de débats est souvent révélatrice de ces pratiques.

Prenons l'exemple des réunions publiques organisées dans le cadre de la campagned'information du public de 2008.

Les acteurs qui mettent en place les débats, que ce soit la préfecture, la DREALou la DDT, les communes ou encore le SPIRAL, sont particulièrement vigilants quant àla forme que peuvent revêtir ces réunions publiques. Plus que des lieux de concertationoù il existe une égalité de temps de parole, elles sont des relais d'opinion à traverslesquels les acteurs, plus particulièrement l'État et les exploitants, sont amenés à mieuxcomprendre les citoyens. Toujours dans un souci de légitimation, il est important que laréunion publique s'organise selon un mode pacifié. Les acteurs vont chercher à prévenirla contestation afin que la réunion publique garde un esprit « bon enfant ». Ainsi desparticipants considèrent que certaines imperfections relatives à la forme du débat, au tempsde parole, à la possibilité d'intervention sont pensées comme telles par les organisateurspour prévenir tous débordements. On aurait alors des débats fortement policés pour que lesréunions publiques se déroulent de manière à mettre en avant les acteurs « traditionnels ».Les réunions publiques, en tant que dispositifs participatifs sont alors davantage perçuescomme des « alibis grâce [auxquels l'État, les communes et les industriels] se refont unelégitimité sans compromettre leur monopole décisionnel »74.

On peut comprendre cette position: les acteurs qui dominent une situation ont souventintérêt à maintenir un statut quo afin de ne pas perdre certains de leurs avantages. Dansle domaine des risques industriels, ouvrir le réseau à d'autres groupes de pression ou auxriverains reviendrait à remettre en cause une situation qui apporte de nombreux bénéficesaux participants actuels. Il n'est pas rare que plusieurs acteurs trouvent un terrain d'ententeafin de porter conjointement des réclamations auprès d'un autre acteur. Dans le cadre despolitiques de prévention des risques industriels, cette collusion entre les protagonistes existele plus souvent entre les collectivités territoriales et les industriels qui opèrent parfois deséchanges d'information afin de mieux faire pression sur les services de l'État.

74 Rui, Sandrine. Villechaise-Dupont, Agnès. « Les associations face à la participation institutionnalisée: les ressorts d'uneadhésion distanciées », Espaces et sociétés, 2006/1, n°123, p.25.

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C'est pour cette raison que la multiplication des dispositifs participatifs se fait de manièreplus ou moins contrôlée afin que les acteurs dominants ne se retrouvent pas « débordés ».L'exemple des exploitants illustre relativement bien la position des acteurs dominants. Nousl'avons vu, ils participent, plutôt activement d'ailleurs, à ces espaces de discussion afin deprésenter une image positive de l'industrie et de leurs activités. En effet, ils disposent d'untemps de parole relativement important par rapport à la durée de la réunion publique, tempsde parole qui est souvent utilisé pour présenter l'exploitation et les actions « responsables »menées par l'exploitant. Leur participation permet aussi de contrôler ce qui est dit durantles réunions publiques. Il est important pour eux que les discours les plus virulents soientcontenus autant que possible afin d'éviter que l'ensemble des participants ne repartent avecune vision négative.

L'existence d'un réseau historiquement constitué est un frein au développement desdispositifs de concertation et à l'intégration de nouveaux acteurs. La longévité du réseauincite les acteurs membres à rester dans une situation de statu quo. En effet, les acteursont appris à fonctionner les uns avec les autres, les dispositifs participatifs servent d'abordà renforcer ces relations qui existent entre les « acteurs traditionnels ». La multiplication denouveaux espaces de discussion est davantage utilisée pour présenter un front commun etpromouvoir les bonnes relations qui existent au sein du réseau. Elle ne remet en cause quetrès partiellement les rapports de force qui existent entre les membres de ce réseau.

Des rapports de force qui persistent.

Le binôme préfecture /mairie, un couple indémodable ?Parmi les acteurs phares des politiques de prévention des risques, notre propos seraitincomplet si nous n'évoquions pas le rôle de deux institutions: la mairie et la préfecture.Dès les premières lois sur la prévention et l'information des risques industriels, ces deuxacteurs sont apparus sur le devant de la scène. Les nombreuses modifications apportéesdepuis ne remettent pas en cause leur place prépondérante. Cependant, on observe depuisla loi Bachelot de 2003 certaines transformations: l'apparition d'une norme délibérative etla place importante qu'elle tend à occuper amènent ces institutions à des adaptations tantdans l'utilisation de leurs prérogatives que dans les rapports qu'elles entretiennent l'uneavec l'autre.

Le préfet, en tant que représentant de l'État sur un territoire intervient, directementou par l'intermédiaire des services déconcentrés comme la DREAL et la DDE, dans lesquatre domaines des politiques de prévention des risques évoqués dans l'introduction: laproduction de sécurité autour des sites à risques, la maîtrise de l'urbanisation autour dessites à risques, la mise en place des secours en cas d'accident ainsi que l'informationpréventive des citoyens75. Le préfet est chargé de veiller à l'application de la législation surson territoire dans chacun de ces domaines. La loi Bachelot, en consolidant la productionde sécurité autour des installations, a en partie renforcé les prérogatives de la préfecture.En effet, depuis la loi de 1976 relative aux installations classées pour la protection del'environnement, le contrôle des exploitations classées Seveso est sous la houlette dupréfet. La loi de 2003 est souvent citée comme un outil permettant le retour de l'État enla personne du préfet. En renforçant les contrôles administratifs, elle contribue à valoriser

75 Martinais, Emmanuel, L'administration des risques industriels: entre renouvellement et stabilité, Regards sur l'actualité, LaDocumentation Française, n°328, 2007, p. 25-37.

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certaines des prérogatives de la préfecture en matière d'aménagement du territoire. Parexemple, les PPRT, au cœur de la loi « Risques » de 2003, donnent un rôle central au préfet.

Chaque préfet de département dispose également d'un SID-PC76, composéexclusivement de fonctionnaires de l'État. Ce service est compétent dans les domainesde défense et de sécurité civile. Au sein du cabinet préfectoral, le SID-PC assiste lepréfet dans les domaines de prévention et de gestion des risques mais également en casde crise. Il possède un rôle d'animateur et effectue son travail en coordination avec lesservices administratifs en charge des risques industriels et les collectivités territoriales.Avec ce service, la préfecture renforce ces capacités techniques et son expertise, qualitésindispensables pour être reconnue comme un acteur pertinent et fiable.

Enfin concernant l'information du public, rappelons que la préfecture est en chargedu DDRM. Ce document contient une liste des communes concernées par des risquestechnologiques ou naturels, le type de risques auxquels les citoyens sont soumis dans cescommunes ainsi que les mesures prises pour y faire face. Les acteurs locaux observentégalement un retour de l'Etat, toujours à travers la préfecture également dans ce domaine:les CLIC, qui sont eux aussi une innovation de la loi Bachelot, placent également le préfetau cœur du processus.

L'apparition des dispositifs de concertation et la création de nouveaux lieux de débatsse sont accompagnées d'un renforcement des prérogatives de la préfecture. Cependant, dumoins dans l'agglomération lyonnaise, on ne peut pas dire qu'il se soit fait au détriment deson partenaire, la mairie. En effet, la préfecture cherche à garder le contrôle sur l'ensemblede la procédure. Mais son but n'est pas de faire table rase du passé. Il s'agit davantage des'adapter au mieux aux attentes de ses partenaires, la mairie mais aussi les industriels. Lapréfecture, et plus généralement la puissance publique, ne souhaite pas nécessairementretrouver l'hégémonie qu'elle avait dans les années 1960. Au contraire, forte de son rôled'arbitre entre différents acteurs et intérêts, la puissance publique cherche à perpétuercette organisation en réseau afin de satisfaire au moins en partie ses partenaires maiségalement afin de faire valoir ses intérêts. Alors que la préfecture est souvent en chargede l'organisation des réunions publiques, elle est régulièrement critiquée. Comme l'extraitsuivant le montre, on lui reproche régulièrement d'utiliser ces réunions publiques comme« des vitrines » permettant aux acteurs traditionnels de valoriser leurs rôles, sans laisserde place aux échanges:

C'était une réunion, une caricature de ce qu'il ne faut pas faire. Elle étaitorganisée par une préfecture avec des groupes de travail qui devaient présenterce qu'ils avaient fait dans une optique de « concertation ». Et puis quand vientle temps des questions... il n'y avait qu'un micro posé dans l'allée centrale. Ilfallait donc se lever, se déplacer jusque dans l'allée et enjambant les personnesassises. Le micro lui était posé sur un trépied qui ne se relevait pas il fallaitdonc se pencher pour parler face aux acteurs présents sur la scène. C'était justescandaleux. On aurait du prendre des photos de la scène. Au final il n'y a eu quepeu de questions.77

Quant à la mairie, compte tenu de ses prérogatives étendues en terme de prévention etd'information des risques, elle forme un binôme avec la préfecture. Elle a vu son rôle sedévelopper depuis les lois de décentralisation: ses pouvoirs de police, dans lesquels s'inscrit

76 Les SID-PC ont été crées par l'article 8 du décret du 20 avril 1983.77 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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la sécurité publique, ont été élargis. De plus, la mairie joue un rôle important en matièred'urbanisme puisqu'elle est responsable de l'octroi des permis de construire. Concernantl'information du public, la mairie joue un rôle en complémentarité avec la préfecture puisqueelle est chargée de la publication du DICRIM. Ce dernier représente en quelque sortel'équivalent du DDRM à l'échelle de la commune.

La loi de 2003 n'apporte pas de bouleversements concernant les compétences de lamairie en matière de prévention et d'information sur les risques industriels. En revanche,elle entraine une redéfinition des relations mairie-préfecture. Néanmoins, il faut là encorerevenir à la notion de réseau. Même si ces deux institutions ne portent pas les mêmesvaleurs ou les mêmes projets, on ne peut pas qualifier les relations qu'elles entretiennent de« conflictuelles ». Elles sont plus ou moins bonnes selon les personnalités mais les maires etles différents préfets ont compris qu'elles étaient nécessaires. En d'autres termes, le couplepréfecture/mairie en raison de son histoire et sa capacité d'adaptation, est encore amenéà durer. En effet, les acteurs ont su s'adapter aux modifications apportées par l'apparitionde la « norme délibérative » dans les politiques publiques de prévention des risques. Laplupart du temps, la répartition des rôles entre mairie et préfecture s'effectue, non pas demanière conflictuelle, mais de façon pragmatique. Le préfet ne représente pas forcément lafigure politique la plus légitime pour s'occuper de certains sujets, en particulier auprès dela population. Ce pragmatisme l'invite donc à ne pas trop empiéter sur les prérogatives descommunes afin de maintenir un équilibre qui est positif pour les deux institutions. Néanmoinsil ne faut pas perdre de vue les tensions qui peuvent exister entre les communes et lereprésentant de l'État sur le territoire:

Même si les relations sont plutôt bonnes avec la préfecture, il existe des tensionsentre l'administration et les communes. On est parfois soumis à des fortespressions de la part des services de l'État qui nous demandent des documentsou qui en imposent certains à la dernière minute. Les dépenses, surtout en cemoment, sont importantes pour les communes. Or avec ce genre de démarche,un peu à la dernière minute, c'est difficile d'anticiper.78

Compte tenu des difficultés économiques actuelles et de restrictions budgétaires, lescommunes se trouvent dans des situations financières moins favorables que par le passé.Il est important pour elles de contrôler l'état de leurs finances. Comme nous l'avonsévoqué dans la première partie, des tensions peuvent apparaître entre communes etpréfecture: cette dernière est souvent critiquée pour imposer certaines actions coûteusesaux collectivités territoriales sans leur laisser de marge de manœuvre. Toutefois cesrelations, parfois chaotiques, dépendent largement des personnalités en jeu.

L'industrie, entre acteur économique et éco-citoyenneté.La stabilité du binôme préfecture/mairie peut laisser croire à un retrait des industriels.Cette position est inexacte. L'industrie s'est pendant longtemps présentée comme un acteuréconomique dont le but était la recherche de rentabilité et de profit. Les préoccupationsenvironnementales ainsi que les interrogations sur la place de l'entreprise dans la sociétéont transformé cette vision. L'industrie n'est plus perçue comme une entreprise fonctionnanten dehors de la société mais comme un membre du territoire sur lequel elle se situe. Lesindustriels seraient devenus des éco-citoyens. Le préfixe « éco » rajoute une dimension àla notion de citoyen. En plus des responsabilités incombant aux citoyens, les entreprisesauraient des responsabilités par rapport à leur milieu. Les rendements économiques ne sont

78 Annexe 6 : Entretien Ville de Feyzin

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plus la seule finalité, même si ils demeurent essentiels. L'entreprise doit prendre en compteles situations environnementales et sociales de son cadre de vie.

Cette transformation induit de nouveaux devoirs pour l'industrie. Ainsi, les exploitationsindustrielles doivent faire preuve de davantage de responsabilité vis-à-vis de leurenvironnement dans leurs activités et dans leurs relations avec leurs partenaires. C'est cequi peut expliquer le changement d'attitude de l'industrie, en particulier celui de la chimiedans l'agglomération lyonnaise. Être responsable implique davantage de transparence vis-à-vis de l'extérieur. Avec l'apparition de la notion d'éco-citoyenneté dans le monde del'industrie, les exploitants sont entrés dans l'ère de la communication. Après avoir longtempsrefusé de parler du risque, ils cherchent maintenant à valoriser les efforts qui sont fait enmatière de sécurité mais aussi les avantages que peuvent apporter leurs industrie:

« La chimie est une activité d'accompagnement. Elle aura d'ailleurs un rôle clefdans la mise en œuvre des actions de développement durable avec les énergiesrenouvelables par exemple. Le paradoxe de l'industrie, c'est qu'elle est à la foissource de problème et source de solutions »79

Par rapport aux collectivités territoriales et à l'État, les industriels vont être tentés de saisirtoutes les opportunités pour faire valoir une nouvelle image. Mais, contrairement à ces deuxacteurs, ils ont encore besoin de se vendre auprès du public. En effet, même si les industrielspèsent de manière importante sur les politiques et sont largement représentés dans lesdifférentes instances de concertation, ils ne disposent pas de la même légitimité auprès del'opinion qu'un élu local par exemple. Mais l'ouverture dont font preuve les industriels a desconséquences positives. Les industriels sont dans un rapport de force avec les collectivitésterritoriales et les services de l'État qui leur est globalement favorable:

Quand vous êtes dans un système en tant que presque expert, finalement vousconnaissez, vous faites partis des « sachants ». C'est le cas même pour lesélus finalement qui finissent par rentrer dans ce jeu là. Les élus sont presquesystématiquement plus du côté des exploitants que du coté de la population.L'administration c'est aussi pareil. Même si elle contrôle les exploitants et, detemps en temps elle met des PVs, elle est plutôt du coté de l'exploitant. Ce n'estpas bien de dire ça, « du côté de l'exploitant » mais on se retrouve comme vousdites dans la même mouvance.80

Ce fonctionnaire de l'État témoigne de cette connivence entre les trois catégories d'acteurs,qui est à l'avantage des industriels. En tant que membre du réseau il est important pour euxde maintenir un cet équilibre afin de continuer à faire valoir leurs intérêts. En un sens, onpeut dire que la loi Bachelot, en introduisant de la concertation entre les acteurs, pousseégalement les industriels à « se vendre » davantage auprès de leurs partenaires. Il apparaîtque les relations entre collectivités territoriales et industriels posent étrangement moins deproblème que celles entre collectivités et puissance publique. Se présenter comme uneentreprise responsable et soucieuse de l'environnement dans lequel elle évolue, contribue àl'amélioration des relations. Ainsi communes et industries peuvent tendre vers des objectifsenvironnementaux ou sociaux communs. L'attitude des industriels joue énormément surles rapports de force qu'ils entretiennent avec leurs partenaires. En effet, ces derniers

79 Forum « Sécurité industrielle et villes durables » du 21 avril 2011à Pierre Bénite. Daniel Marini, directeur des affaires

économiques de l'UIC. Notes personnelles.80 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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reconnaissent les efforts fournis et sont plus à même de présenter un front commun faceaux autres acteurs, les riverains en particulier.

Face au développement de la délibération et de la concertation, les acteurs traditionnelsoscillent entre ouverture et résistance. Parce qu'ils sont constitués en un réseaurelativement hermétique, les acteurs dominants continuent de jouer un rôle structurant. Maisla place du citoyen est désormais une problématique sur laquelle ils doivent se pencher.Entre inclusion et exclusion, nous allons maintenant, à travers l'exemple de la campagne de2008, nous intéresser aux rôles des citoyens dans les politiques de prévention des risques.

Chapitre 2: La place du citoyen dans la campagne:l'illustration des tensions entre ouverture etrésistance.

Les efforts d'ouverture et de transparence sont une conséquence de la perte de légitimité àlaquelle doivent faire face la puissance publique et ses partenaires. Le choc des affaires dusang contaminé dans les années 1980 et de l'amiante dans les années 1990 ont remis encause la gestion technocratique des risques. Concernant les politiques de prévention desrisques, l'accident d'AZF a particulièrement marqué l'opinion public. La loi qui découle dela catastrophe cristallise ces dynamiques d'ouverture. A travers l'exemple de la campagnede 2008, plus particulièrement de certains dispositifs participatifs, nous verrons commel'intégration des citoyens est devenu un double enjeu pour la puissance publique. Entrecitoyen actif et citoyen passif, son intégration représente un nouvel enjeu pour les acteurstraditionnels puisqu'elle permet une meilleure acceptabilité sociale du risque.

L'intégration des citoyens: nouvel enjeu des politiques publiques ?

Acceptabilité sociale du risque et citoyens.Les activités porteuses de risques susceptibles d'impacter la vie des citoyens se trouvantà proximité sont sujettes à cette notion d'acceptabilité du risque. L'acceptabilité du risquen'est pas uniquement liée au niveau de connaissances et aux compétences dont disposentles individus. Elle varie selon des facteurs professionnels, sociaux et culturels mais aussiselon la perception qu'on les citoyens de la maîtrise du risque. Si les mesures de sécuritédans et en dehors de l'établissement sont importantes, le risque est potentiellement plusacceptable pour les citoyens. Paradoxalement, si l'exploitation investie fortement en matièrede sécurité afin de faire des progrès, le risque sera souvent mieux accepté même si le niveaude protection n'est pas aussi élevé que dans une entreprise qui fera moins de dépenses.

L'activité productrice du risque est aussi un facteur à prendre en compte. Selon le typed'activité et les bienfaits qu'elle peut apporter à la société ou aux riverains en terme de bienêtre ou d'emplois par exemple, elle sera plus ou moins bien acceptée. De plus, l'acceptabilitéd'un risque dépend aussi du rapport entre la probabilité, l'intensité et la gravité de l'accident.L'acceptation d'un risque est donc définie par le niveau de tolérance que la société et lesindividus vont avoir par rapport aux possibilités d'occurrence du risque.

Pour résumer on peut trouver trois critères qui l'explique:

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Partie II: Une ouverture qui reste partielle face à certaines résistances.

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les caractéristiques personnelles comme la situation socio-économique d'unepersonne, le vécu, le capital culturel...

les connaissances que l'on a à disposition sur le risque c'est-à-dire l'expertisedisponible, les informations distribuées par les pouvoirs publics ou par les exploitants,l'avancée de la recherche...

les actions de protection et les mesures de sécurité prises par la puissance publiqueet les exploitants pour prévenir le risque.

La place du citoyen est au cœur de notre propos puisqu'elle favorise l'acceptabilitésociale du risque. Cette notion est encore très discutée; nous l'entendrons ici comme« le produit de délibération dans lesquels des acteurs entreprennent de se rapprocherde produire des connaissances partagées de prendre des engagements et d'apprendre àse faire confiance »81. L'acceptabilité sociale des risques industriels repose à la fois surla valorisation de l'utilité sociale de l'industrie dans l'agglomération et sur la constitutiond'espace de délibération entre les divers acteurs. Il est effectivement essentiel de présenterles bénéfices que peuvent apporter la présence et l'activité des entreprises productricesde risques. Démontrer l'utilité sociale des exploitations permet d'introduire une logique pluspragmatique dans la gestion des risques. En bref, il s'agit de dépassionner les relationsqu'entretiennent les acteurs avec les risques.

Nous l'avons montré, les acteurs traditionnels, en tant que membres d'un même réseau,s'entendent le plus souvent. La plupart des communes ne remettent plus en cause laprésence de l'industrie sur leur territoire. L'acceptabilité sociale du risque pose davantageproblème au niveau de la population. En effet, les citoyens sont ici dans une positionplus complexe que ne peuvent l'être les exploitants ou les salaries. Pour ces derniers,les avantages que procure l'exploitation sont relativement faciles à comprendre. L'industrieoffre un statut professionnel à ces individus, elle est donc source de revenus. Les citoyens,plus particulièrement les riverains sont les acteurs qui subissent souvent les inconvénientssans percevoir les avantages que peut leur apporter l'exploitation. Démontrer l'utilité socialede l'industrie revient alors à faciliter sa présence. Prenons l'exemple de la chimie dansl'agglomération lyonnaise. Les industries de la chimie, en particulier à travers l'action del'union des industries chimiques (UIC) Rhône-Alpes, valorisent le rôle qu'elles jouent dans lapromotion du territoire de l'agglomération, dans son dynamisme économique... Cette visionn'est pas uniquement portée par les industriels mais également par des élus locaux:

[…] l'industrie contribue au développement national et international, c'estun véritable facteur de développement. Le tertiaire progresse dans nos paysdéveloppés mais l'industrie ça reste crucial82

Cet extrait montre que si l'utilité sociale de l'industrie est reconnue par ses partenaires, il estimportant de rappeler aux individus son importance dans la production de biens quotidiens(plastique, produits pharmaceutiques ou cosmétiques).

On veut pas du risque près de chez soi, c'est pas que l'on en veut pas du tout. Lematin il y a eu une présentation sur l'utilité des produits. On a besoin de certainsproduits, sans certains produits on serait tout nu, on vivrait à l'age de pierre.

81 Borraz, Olivier. Salomon, Danielle. « Reconfiguration des systèmes d'acteurs et construction de l'acceptabilité sociale: lecas des épandages des boues d'épuration urbaines » in Claude Gilbert (dir.), Risques collectifs et situations de crise. Apport de larecherche en sciences humaines et sociales, Paris, L'harmattan, 2002, p. 145.82 Forum « Sécurité industrielle et villes durables » du 21 avril 2011.Christiane Demontès, sénatrice du Rhône, Maire de

Saint-Fons. Notes personnelles.

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Donc il faut accepter, si on veut un produit qu'il soit fabriqué. Le matin c'était unpeu pareil de la part des chimistes qui montraient l'utilité de leurs produits. Ona pas des usines pour avoir des usines. Si il y a des usines c'est pour fabriquerdes produits. La difficulté avec la chimie c'est que l'on ne voit pas forcément leproduit final. Avec une entreprise de confiture on va avoir des fruits et puis hop!des confitures. Les entreprises de chimie sont complémentaires. Il y en a une quiva faire le plastique, l'autre qui va faire l'encre. Le stylo ne sort pas tout fait !83

APORA, en tant que représentante des industriels, se positionne de façon identique:l'industrie produit un certain nombre de biens utilisés par les citoyens, si on utilise ces biensil est alors nécessaire d'accepter les risques que leurs productions engendrent. Présenterl'utilité de l'industrie chimique pour tout un chacun et montrer qu'elle est utilisée dans la viede tous les jours permet de prévenir les critiques des citoyens.

Faire accepter le risque par les citoyens est plus évident lorsque ces derniers disposentd'un droit de regard ou d'un droit de parole. C'est en partie ce qui explique la constitutiond'espace de débat. Intégrer les citoyens aux politiques publiques de manière généralepermet en règle général de désamorcer une partie des conflits et de répondre à certainesréclamations. La multiplication des dispositifs auxquels les citoyens peuvent participerrépond à cette logique. C'est un moyen pour rendre les décisions plus légitimes. De manièreplus générale, la participation des citoyens permet de rendre le risque plus acceptable. C'estdonc une manière de limiter les contestations.

De plus, l'ouverture de nouveaux espaces de discussion permet aux pouvoirs publics dereconnaître l'existence de points de vue et de préoccupations différentes selon les individuset la fonction qu'ils occupent. L'objectif final de ces dispositifs reste celui de faire adhérerl'ensemble de la population aux politiques décidées. Cependant ce n'est pas forcémentl'effet le plus attendu. L'organisation de réunions publiques, de lieux de discussions permetaux citoyens de mieux connaître les acteurs, de mieux comprendre. En instaurant desprocédés compréhensibles par les citoyens, les pouvoirs publics permettent de restaurer laconfiance que ces derniers leur portent. On revient ici à l'idée de légitimité évoqué dans lapartie précédente. L'intérêt de ces dispositifs est donc double: faire accepter socialement lerisque et faire accepter les mesures qui l'entourent.

Une intégration limitée et encadrée.Pour que ces deux objectifs soient réalisables il est important que les dispositifs fonctionnentcorrectement. Les processus de discussion et de débats doivent permettre d'atteindre unnouveau compromis entre l'ensemble des protagonistes afin de maintenir cette acceptabilitédu risque. Toutefois ces dispositifs ne remplacent pas les procédés officiels. Ils sont conçuscomme des processus visant à compléter et renforcer ce qui existe déjà. La multiplication deces nouveaux espaces de débat pose la participation comme un nouveau principe dans lafabrique et la mise en œuvre des politiques publiques. Cependant il faut bien distinguer deuxniveaux: la délibération et la concertation qui peuvent exister entre les membres du réseauet la participation avec les citoyens. Si ces outils participatifs sont largement acceptés parles acteurs traditionnels, l'opposition entre participation et décision demeure. En effet, laplus grande intégration des citoyens par l'intermédiaire de ces nouveaux espaces publicsne coïncide pas nécessairement avec une plus grande participation aux prises de décision.

83 Annexe 4 : Entretien APORA

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C'est pour cette raison que l'on peut dire que l'intégration des citoyens aux politiquesde prévention des risques, si elle existe, reste très largement limitée. La « concertation »,la « délibération » ne concernent pas l'ensemble de la fabrique d'une politique publique.Ces espaces de discussion ouverts aux public, même lorsqu'ils sont institutionnalisés, necoïncide pas avec les lieux où sont pris la décision politique.

Ici encore nous allons utiliser l'exemple de la campagne 2008 pour illustrer notrepropos. La campagne « Les bons réflexes » a été lancée par les préfets début octobre2008. C'est uniquement à partir de cette date que les réunions publiques, c'est à dire larencontre avec le grand public, étaient prévues. Si l'on regarde l'organisation générale de lacampagne, cette participation tardive du public peut s'expliquer. Le planning général prévoitl'information régulière des CLIC de Rhône-Alpes concernant les démarches entrepriseset l'avancée des actions, dès le début de l'année 2008 (soit près de neuf mois avant lelancement de la campagne). Ces derniers, par l'intermédiaire des différents collèges, sontconsidérés comme représentatifs de la société civile ainsi que des citoyens. Cependant, iln'est nullement question d'intégrer les CLIC aux processus de décision. De plus, d'aprèsles dires d'un membre du Secrétariat permanent de la campagne, les CLIC n'ont pas étéassociés à la campagne par manque de temps, mais aussi par manque de moyens humainset financiers:

Il y a un truc que l'on n'a pas fait mais ce n’est pas évident puisqu'il fautdu temps. Ça concerne les CLIC, les Comités Locaux d'information et deconcertation, qui sont des instances faîtes pour écouter surtout les riverains. Ouiil faut être clair ce n'est pas fait pour l'État, ni pour les industriels et pas non pluspour les élus locaux c'est surtout pour les riverains. Les salariés on ne les voitpas. Les CLIC peuvent faire des observations. Dans leurs rôles et leurs missionson les informe de ce qui ce fait en matière d'information et ils peuvent faire desremarques et des observations. Et ça nous ne l'avons pas utilisé. Ça nécessitedu temps et des moyens: du temps humains et puis des « pépettes ». […] Il fautréunir le CLIC et c'est hyper « procédurié » et ça demande un certain temps. Oren période de préparation de campagne on n'a pas vraiment le temps. On ne peutpas tout faire dans la vie où alors il faut embaucher. « Allo mon directeur est cequ'on pourrait embaucher quelques nouvelles personnes? ».(Rires) Ce n’est pastout à fait possible en ce moment.84

Réunir les CLIC nécessite d'engager une procédure qui, compte tenu du rythme de lacampagne, peut sembler en décalage. Cependant on peut également poser la questiondu manque de volonté des acteurs. Toutefois l'absence de représentants de citoyens oude riverains dans la conception et la mise en œuvre de la campagne témoigne de cetteséparation entre les lieux où sont pris les décisions et les lieux où peuvent participer lescitoyens.

L'ambiguïté des stratégies des acteurs dominantsCette séparation entre espaces de discussion accessibles aux public et espaces de décisionouverts à un nombre réduit d'acteurs pose question. Les notions de délibération et deconcertation, valorisées par les pouvoirs publics ne s'appliquent finalement qu'aux acteursdéjà parties intégrantes du réseau.

84 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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Les discours sur l'ouverture de nouveaux espaces de débats sont soumis à unecontradiction. Ces dispositifs participatifs sont censés favoriser la concertation. Mais, siconcertation il y a, concerne t-elle réellement tous les protagonistes ? La réponse sembleévidente.

Une intégration qui pose problème: quelle place donner aux citoyens ?Une des avancées de la loi Bachelot concerne l'impulsion qu'elle a donnée aux phénomènesde concertation. Les riverains disposent actuellement d'opportunités pour rencontrerdirectement les exploitants, leurs élus locaux et les représentants de l'État en charge dela prévention des risques industriels. Que ce soit pendant les campagnes d'information,par l'intermédiaire des CLIC ou dans le cadre de la procédure d'élaboration d'un PPRT, lescitoyens sont amenés à participer et à poser leurs questions. Car c'est bien de cela qu'ils'agit. Les acteurs traditionnels ne sont pas hostiles à l'idée de rencontrer ces derniers, dediscuter et de débattre sur différents thèmes. Il n'est cependant pas question de les associeraux prises de décision.

Or, la portée des réunions publiques n'est pas toujours claire pour ceux qui y participent.Les 17 réunions organisées dans la région Rhône-Alpes dans le cadre de la campagnen'ont eu lieu qu'une fois celle-ci mise en place. Les citoyens/riverains disposent alors d'unlieu où poser leurs questions et non d'un espace de proposition par rapport à la campagne.La portée de ces réunions publiques est limitée à un espace où les citoyens peuvent obtenirdes réponses à leurs interrogations.

Les dispositifs de concertation et de débats mis en place avec les CLIC ou les PPRTsont des lieux qui mobilisent davantage. Néanmoins les pouvoirs publics laissent souventplaner un flou autour de l'impact réel de ces derniers:

C'est vrai que l'on doit faire mieux, c'est trop descendant je l'admet. Mais aprèsil faut réfléchir à comment mieux organiser, comment organiser différemmentet qu'est ce que ça va apporter surtout. Parce qu'il ne faut pas non plus, et çac'est la pratique de réunions publiques, laisser croire aux gens qu'ils ont toutle pouvoir alors qu'en réalité ils n’en ont aucun. Pratiquement aucun dans cesdomaines. Moi j'ai horreur de ça, c'est de la démagogie pure. C'est le parfaitdémagogue qui dit « je vous écoute » alors que [la personne] sait qu'elle ne

bougera pas une virgule à son papier. 85

On peut reprendre l'expression utilisée par Callon, Lascoumes et Barthe dans leurouvrage « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique »: « beaucoupde flou opportuniste est entretenu […], le moins laissant croire le plus »86. A cet égard onpeut parler d'instrumentalisation de la participation.

Les réunions publiques, en tant que dispositifs participatifs sont utilisées par l'État et lesélus locaux afin de servir au mieux leurs intérêts. On observe un cadre fortement verrouillédans lequel les acteurs traditionnels conservent le premier rôle. Lors de la campagne de2008, les réunions publiques étaient organisées par les services de la préfecture, souventpar l'intermédiaire des représentants de la DREAL qui animent le Secrétariat permanent.

85 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL86 Callon, Michel. Lascoumes, Pierre. Barthe, Yannick. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Paris :

Editions du Seuil, septembre 2001, p. 311.

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Dans la plupart des cas, la mairie de la commune qui accueille la réunion est associée àl'organisation.

Les intervenants sont particulièrement nombreux. Les services de l'État restent, commedans la plupart des dispositifs mis en place, très largement représentés. Les préfets ou leursreprésentants, en tant que dépositaire de l'autorité de l'État dans le département, présententla campagne et les intervenants. La DREAL, la DDE mais aussi le SID-PC de la préfectureainsi que le Service départemental d'incendie et de secours87 sont présents et interviennentplus ou moins longuement. Les responsables des exploitations industrielles, accompagnésdes personnes qu'ils jugent compétentes, sont également présentes. Compte tenu del'importance donnée aux actions éducatives, un représentant de l'éducation nationale estsouvent convié. Enfin l'un des membres du secrétariat permanent de la campagne, le plussouvent un fonctionnaire de la DREAL anime la réunion publique.

L'organisation et le déroulement de la plupart des réunions publiques sont révélatricesde cette mise en scène dont nous parlions. La plupart des réunions se sont déroulées surle modèle suivant:

Accueil des élus locaux avec une intervention du maire.Une introduction générale sur les risques industriels dans la région et dans le périmètre

concerné par un représentant de la préfecture.Une présentation de la campagne ( le cadre réglementaire, les supports, les bassins

concernés...) avec une diffusion du film de la campagne.Une présentation de la part de chaque exploitant de son établissement industriel: les

caractéristiques, les risques occasionés par le production, les mesures de sécurité au seinde l'établissement...)

Enfin une partie « Questions/réponses » avec le reste de la salle.L'État et les élus locaux maitrisent donc l'ordre du jour ainsi que les acteurs invités. Ces

réunions publiques participent à une reproduction du pouvoir en place et à une légitimationdu rôle de chaque acteur. La partie réservée au débat et à la discussion n'arrive qu'en toutefin de réunion. L'organisation même de la réunion publique, comme expliqué ci-dessous,ne favorise pas l'échange entre les intervenants et les personnes qui assistent à la réunionpublique:

Il y a des sujets qui s'y prêtent et d'autres pour lesquels cela semble beaucoupplus difficile puisqu'il faut avoir le même socle minimal de culture ou au moins deconnaissance. Donc on est obligé dès le départ de faire des « mises à niveaux ».ça paraît normal à une réunion publique sur les risques d'une entreprise X, quecette entreprise explique ce qu'elle fait. Ça paraît normal que le service en chargedu contrôle de l'entreprise X, ici la DREAL, dise aussi ce qu'il fait. Alors aprèson peut discuter. Nous on est allé un peu au delà puisque nous avions déjà toutformaté, la campagne elle même ainsi que les outils et les relais d'information.Une fois qu'on avait exposé ça on leur demandait « bon posez vos questions. »88

La main-mise de la préfecture et des fonctionnaires de l'administration sur les réunionspubliques nous ramène à l'hypothèse d'une recherche de légitimité de la part de ces acteurs.

87 Le SDIS est un établissement public chargé de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Il participeégalement à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques (et naturels) ainsi qu'aux secours d'urgence.88 Annexe 1 : Entretien SPIRAL/DREAL

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Il s'agit aussi de convaincre les gens que leur participation est utile et précieuse alors qu'ellene l'est pas réellement.

Cependant, les réunions publiques organisées en 2008 sont des semi-échecs tantsur la forme qu'elle revêtent que sur le nombre de personnes qu'elles ont mobilisées. Autotal environ 1400 personnes ont assisté à au moins une réunion, une donnée qui paraîtrelativement faible sur les 1,2 millions de personnes concernées. Cette faible mobilisationamène les acteurs à se remettre en question quant au fond et à la forme que peuvent prendreces réunions. L'association des citoyens reste donc un enjeu pour les acteurs traditionnels.

Les réunions publiques illustrent parfaitement le fossé qui existe encore entreles acteurs particulièrement actifs concernant les risques industriels et les acteurs« secondaires ». Les dispositifs de concertation permettent aux citoyens de faire valoir unpouvoir de contestation et non un pouvoir de co-décision. Or cette distinction n'est pastoujours clairement signifiée à l'ensemble des participants.

Des dispositifs qui n'ont pas vocation à se substituer aux acteurscompétents.Les réunions publiques organisées dans le cadre de la campagne de 2008, comme unemajorité de dispositifs de concertation et d'information mis en place depuis 2003, n'ont pasvocation à devenir de nouveaux lieux de décision. Ces dispositifs représentent davantagel'occasion pour les acteurs dominants d'apprendre à mieux travailler ensemble et à mieuxappréhender les rapports de force qui caractérisent les politiques de prévention des risquesplutôt qu'une réelle possibilité d'ouverture pour des acteurs jusqu'à la secondaires dans lesprises de décisions. Ce sont également des moments où les acteurs dominants prennentconscience des positions d'une partie de la population. Et c'est là l'un des intérêts principauxde ce genre de dispositifs puisque la rencontre entre citoyens et l'administration permet àcette dernière de mieux comprendre comment les politiques décidées sont reçues par lespopulations.

La multiplication des espaces publics de débat répond aux attentes des citoyens etcertains élus locaux et non à un souhait de la puissance publique. Toutefois ces nouveauxinstruments peuvent apporter de nombreux avantages aux acteurs dominants. Ce sont desoutils de légitimation des politiques mises en œuvre, de l'action et de la répartition des rôlesdes différents services administratifs et aussi du rôle de la puissance publique. En apprenantà mieux fonctionner mais aussi à mieux comprendre les citoyens, l'action publique peut êtreplus efficace et légitime.

Mais de manière plus générale, l'intégration des citoyens dans les politiques publiquespose la question de leur rôle. Longtemps confisquées par les services administratifs,les politiques de prévention des risques ont du intégrer un nombre croissant d'acteurs.L'intégration des citoyens représente une nouvelle difficulté pour les acteurs dominantspuisque ceux-ci sont porteurs d'intérêts plus nombreux et plus localisés. Ils ne défendent pasnécessairement l'intérêt général. Il est donc plus difficile de prendre en compte l'ensembledes opinions véhiculées par les citoyens.

Leur place reste un enjeu particulièrement important puisqu'ils sont à la foiscontribuables et utilisateurs. Les revendications qui existent actuellement paraissentd'autant plus justifiées que les citoyens financent en grande partie la politique en question.En tant qu'utilisateurs, ils sont aussi à même de donner leurs avis sur les actions misesen place. Or, ces derniers dénoncent souvent le peu d'information dont ils disposent, lesdifficultés pour obtenir ces informations mais aussi la fiabilité de celles ci. Le fonctionnement

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concret de ces procédures montre que de les dispositifs participatifs ont encore du mal àatteindre leurs objectifs.

On peut à cet égard évoquer les comités locaux d'information et de concertation (lesCLIC). Mis en place avec la loi de 2003 dans le but de participer au développement de laconcertation et de la délibération dans les politiques de prévention des risques industrielset de permettre le développement d'une culture du risque chez les citoyens, ces comitésillustrent parfaitement les ambiguïtés qui existent dans de tels dispositifs.

Créées par le préfet, ces instances ont pour but d'améliorer l'information et laconcertation entre les différents protagonistes sur les risques technologiques. D'aprèsl'article D125-31 du Code de l'environnement, le CLIC devait avoir pour mission la création« d'un cadre d'échange et d'informations entre les différents représentants des collègesénoncés à l'article D125-30 sur les actions menées par les exploitants des installationsclassées, sous le contrôle des pouvoirs publics, en vue de prévenir les risques d'accidentsmajeurs que peuvent présenter les installations ». Selon la plupart des acteurs interrogés,les CLIC sont des outils crées spécialement pour les citoyens. L'enjeu des CLIC est d'offrirà ces derniers un lieu où s'exprimer et obtenir informations.

Cinq collèges d'acteurs « aussi équilibrés que possible » ont été mis en place: uncollège administration (préfecture, DREAL, DDE, SID-PC, SDIS), un collège exploitants,un collège collectivités territoriales, un collège riverain (associations locales, particuliers,établissements publics, entreprises c'est à dire les personnes concernées par les risquesdans leur environnement immédiat et personnalités qualifiées) et un collège salarié.Pourtant censés être des lieux de débats et de concertation, les CLIC sont devenus descommissions de suivi des sites (CSS).

Or le changement de sémantique auquel doivent faire face ces comités révèle leur« vraie nature »: ce nouveau nom pose question sur la concertation qui existe au sein desCLIC. La transformation des CLIC en CSS à la fin de l'année 2010 témoigne d'une certaineremise en cause du rôle de ces dispositifs. En effet, comme l'affirme ce fonctionnaire de laDREAL, le fonctionnement des CLIC ne s'inscrivait pas dans une optique de concertationet de débat:

Maintenant c’est le pôle gouvernance du SPIRAL qui s’occupe des CLIC, ce sontles Comités Locaux d’information et de concertation, qui eux d’ailleurs ne sontpas très concertation mais plutôt consultation. D’ailleurs la loi Grenelle les atransformés en commission ou comité, je ne sais jamais, Commission de suivi desite. En effet on a cherché à ce qu’au niveau de la sémantique cela se rapprocheplus de la réalité. Il n’y avait pas de concertation dans les CLIC. Avec la nouvelleappellation on se rapproche de ce qu’ils sont vraiment.89

Les CLIC sont à l'image des dispositifs de discussion qui sont apparus depuis une dizained'année. Leur rôle et leur portée restent équivoques et dépendent souvent de l'utilisationque des protagonistes. Ils sont en grande partie soumis à la bonne volonté des « acteurstraditionnels ». La participation et l'implication de ces derniers sont en effet nécessaires aubon fonctionnement de ce genre de dispositifs. L'implication des citoyens est aujourd'huiressentie comme une pression nécessaire. Cependant les modalités pratiques restent sonttrès variables selon les dispositifs.

Intégrer les citoyens dans les processus de décision pose problème puisque celarevient à remettre en cause, au moins partiellement, certains principes de démocratie

89 Annexe 2 : Entretien SPIRAL/DREAL

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représentative. De plus, cela pose le problème de la représentativité des citoyens euxmêmes. Or l'intégration des citoyens, pour qu'elle soit suffisamment importante, n'estpossible que si ces derniers sont constitués en groupe de pression. Contrairement auxassociations d'industriels ou de défense de l'environnement, les associations de riverainssont rares et souvent très localisées. Le terme « association » est entendue ici comme unregroupement et non comme l'entité juridique. Elles s'inscrivent donc davantage dans ladéfense d'intérêts très localisés, parfois même personnels. Cette localité est alors utiliséepar un certain nombre d'acteurs pour délégitimer les demandes qui émanent de ces« associations » de riverains comme l'exprime cette représentante des industriels:

Après les associations, il y en a qui confondent les intérêts individuels et lesintérêts collectifs. Surtout lorsque ce sont des petites associations, les discourssont plutôt: « je ne veux pas de bruit, je ne veux pas de fumée près de chez moi ».Alors que souvent c'est le riverain qui est venu habiter près de l'usine qui, elle,est là depuis 100 ans. On l'oublie trop souvent.90

La place des citoyens dans les politiques de prévention de risques industriels, même sielle est reconnue comme nécessaire et, souvent légitime, n'est pas encore inscrite dans laréalité. L'État et les élus locaux sont souvent favorables à la mise en place de dispositifsparticipatifs si ces derniers restent sous une tutelle relativement importante. Enfin, lorsqueles riverains font valoir certaines revendications, le caractère souvent localisés de cesdemandes est parfois utilisé par les acteurs pour ne pas donner suite.

De manière plus générale, la multiplication des espaces de discussion publique estun phénomène largement pris en compte dans les sciences sociales. Mais leurs impactssur les politiques publiques restent encore largement discutés. L'exemple de la campagned'information de 2008 illustre les désaccords que ces nouveaux outils suscitent. En effet,la multiplication de ces dispositifs relève d'une certaine ambiguïté puisque leurs rôlesrestent encore incertains. D'une part, ces dispositifs participatifs contribuent à l'améliorationdes relations entres les acteurs puisqu'ils les forcent à se rassembler autour d'une tableet à discuter et décider ensemble. En ce sens, on peut considérer qu'ils contribuent àrenforcer l'existence d'un réseau déjà solidement ancré. D'autre part, ils offrent de nouvellespossibilités à l'ensemble des acteurs.

L'étude des différents dispositifs participatifs et de la campagne d'information de2008 permet de constater que, même si la concertation n'entraîne pas une remise encause profonde du rôle des acteurs dominants, elle contribue à introduire davantage dedémocratie. Le nombre important de ces dispositifs témoignent d'un certain engouement dela part des acteurs dominants mais également de la part de la société civile et des citoyens.Les notions de concertation et de participation sont aujourd'hui acceptées par la plupart desacteurs, ce qui, en soi, constitue déjà une avancée importante.

Toutefois, il est important de faire la distinction entre espaces où peuvent intervenirtous les protagonistes et les processus de décisions. Confondre les deux amènerait à croireque davantage de concertation entre les acteurs dominants signifie davantage d'ouverturepour des acteurs souvent secondaires comme les associations ou les riverains. En effet,les notions de concertation et de transparence affectent l'ensemble de la politique, de saconception à sa mise en œuvre. Elles concernent donc l'ensemble des acteurs étudiés.Or, nous l'avons vu, elles ne revêtent pas la même signification selon les instancesobservées. On observe toujours une séparation assez nette entre les espaces où sedécident politiquement les actions à mener et les espaces dits « de discussion ».

90 Annexe 4 : Entretien APORA

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Partie II: Une ouverture qui reste partielle face à certaines résistances.

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Par exemple, la campagne de 2008 valorise ces notions: son organisation, saconception auraient été plus « concertées », plus « transparentes ». Il est ici question desprocédures mises en place en amont du lancement de la campagne. Les acteurs concernéssont donc les acteurs disposant déjà d'une certaine influence par rapport aux décisions.

A l'inverse, les espaces de participation où peuvent intervenir un grand nombre deprotagonistes comme les CLIC ou les réunions publiques n'ont finalement que peu d'impactsur les décisions finales. Ici, la multiplication des dispositifs participatifs relèvent d'abordet avant tout d'une nécessité de légitimer les actions menées, légitimation d'autant plusefficace que la participation est acceptée par tous. Rares sont les acteurs qui dénoncentl'apparition de davantage de discussion et de transparence.

Cette recherche de légitimité porte préjudice à la portée de ces dispositifs. Lesexemples des CLIC devenus CSS ou du peu de passion que déclenchent les réunionspubliques en témoignent. En effet, des critiques trop virulentes des actions menées par lesacteurs dominants ne sont pas compatibles avec le besoin de légitimation qui pousse lespouvoirs publics à valoriser la participation. Cette recherche de légitimité l'emporte souventface à la demande de participation. Le caractère participatif et la possibilité d'établir desréunions réellement concertées sont donc limités par le souci d'efficacité qui sous-tendl'action des services administratifs.

Les dispositifs participatifs n'ont que partiellement remis en cause la gestiontechnocratique qui existe dans les politiques de prévention des risques. L'action étatiquecontinue d'être prépondérante par le biais des services administratifs dans la région et ledépartement ainsi que par l'action du préfet.

Ainsi pour un certain nombre de chercheurs, la multiplication d'espaces de discussions'inscrit davantage dans une légitimation des rapport de pouvoirs qui existent. Laparticipation et la concertation ne seraient pas uniquement une modalité de l'action publiqueparmi d'autres. Elles seraient des instruments de légitimation des actions menées maisaussi des acteurs prépondérants.91

Pour d'autres, les dispositifs participatifs peuvent être considérés comme denouvelles possibilités pour des acteurs largement dominés dans la fabrique de politiquespubliques. Les dispositifs de participation sont perçus comme potentiellement porteurs dedémocratisation pour différentes raisons. D'abord, parce qu'ils permettent la prise en comptede nouveaux acteurs jusque là ignorés. Ensuite, parce qu'ils entrainent une modificationdes rapports qui existent entre les acteurs dominants. Ces modifications, même si ellessont parfois à la marge, permettent d'introduire de nouvelles idées et actions, auxquellesles acteurs dominants n'avaient auparavant pas songé.

De manière générale, les acteurs dominants ont tendance à présenter leurs effortscomme des éléments révolutionnant leurs habitudes et leurs façons de faire. Or l'étude plusapprofondie de différents dispositifs participatifs permet de nuancer ces dires. Bien souvent,les notions de « concertation » ou de « participation » sont utilisées de façon excessive oude manière floue afin de laisser espérer les acteurs secondaires. Mais cet excès de zèledans l'utilisation de la sémantique ne signifie pas pour autant que ces notions ne recouvrentpas une certaine réalité. Elles contribuent à un lent renouvellement des politiques publiquesde prévention des risques en poussant les acteurs dans des processus d'adaptation etd'apprentissage. En forçant les acteurs dominants à se mettre en scène, à se plier au jeu de

91 Fassin, Didier. « L'essentiel c'est de participer. Démocratie locale et santé communautaire dans les villes du tiers-monde »,Annales de la Recherche Urbaine, 1996, n°73, p. 4-13.

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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la participation, l'utilisation de ces notions permet de déboucher sur des procédures moinstechnocratiques et, finalement, plus concertées.

****Comme tout discours idéologique, la rhétorique de la participation doit être soumise à un

examen critique afin de mettre à jour les logiques qui l'animent. L'étudier permet égalementde comprendre les pratiques et les actions qui s'en réclament. Bien qu'elle reste parfoismarginale dans les faits, cette nécessité participative est à l'origine d'un certain nombresde changement dans les pratiques des acteurs. Elle ne remet pas en cause le rôle centraldes acteurs traditionnels mais elle les invite à adapter leurs comportements aux nouvellesattentes. En ce sens, on ne peut la considérer uniquement comme une chimère. Elle estdavantage le reflet d'une dynamique d'ouverture qui tend à prendre de l'importance.

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Conclusion

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Conclusion

Ce travail s'inscrit pleinement dans les problématiques qui traversent actuellement lespolitiques publiques. Éloignée de la gestion technocratique des années 1960, l'actionpublique s'inscrit désormais dans une rhétorique de la participation. Celle-ci semble êtreun thème inévitable pour remédier à la défiance des citoyens à l'égard des institutions, desreprésentants de l'autorité ou encore des experts. L'ouverture des politiques publiques àun ensemble plus large d'acteurs est perçu comme une réponse à la crise de légitimité àlaquelle doivent faire face les acteurs traditionnels des politiques de prévention des risquesindustriels, en particulier l'Etat et les élus locaux.

Cette rhétorique participative entraîne de nouvelles exigences qui obligent l'ensembledes protagonistes à repenser leurs façon de faire. A travers l'exemple de la campagned'information du public « Les bons réflexes », nous avons vu comment les acteursdominants, tous porteurs d'enjeux en termes politiques, se saisissent de ces nouveauximpératifs afin de mieux faire valoir leurs intérêts. Cette nouvelle conception de l'actionpublique, en obligeant ces différents acteurs à discuter et à travailler ensemble, entraîneune remise en cause des procédures de décisions. Celles ci prendraient progressivementcorps dans des processus de négociations et de concertations entre les différentes partiesprenantes. La question du degré de participation et d'intégration des différents acteursse pose néanmoins. On peut ici distinguer une participation passive, où les acteurs sontsimplement informés des actions qui vont être menées, d'une participation active où lesacteurs vont participer au projet.

Par ce travail, nous avons tenté de démontrer que les acteurs dominants s'emparentde ces notions afin de légitimer leurs actions. Mais les pouvoirs publics doivent alors faireface à un dilemme. D'une part, intégrer un plus grand nombre d'acteurs et, in fine, lescitoyens dans les processus de décision permet de créer un soutien aux actions menées.D'autre part, cette extension du nombre de protagonistes revient à mettre en cause un modede fonctionnement historiquement établi, donc à repenser la distribution des prérogativesactuelles. Or les acteurs traditionnels ne semblent pas avoir l'intention d'y renoncer. Étudierla campagne d'information du public « Les bons réflexes » permet de mettre à jour lesstratégies et les jeux d'acteurs. De manière plus générale, la campagne de 2008 peut êtreutilisée comme un miroir des rapports de force qui existent entre les acteurs.

Ces rapport de pouvoirs entre les acteurs sont relativement importants puisqu'ils sous-tendent l'action de ces derniers. La prise en compte progressive de cet impératif délibératifévoqué par Blondiaux transforme les politiques de prévention des risques industriels: elleentraîne de nombreuses indécisions pour les acteurs tout en leur offrant de nouvellesopportunités qui leur permettent de maintenir leur légitimité en tant qu'acteur dominant.

Dans de nombreux cas, la rhétorique de la participation est utilisée uniquement dans lebut d'asseoir cette légitimité. Les dispositifs alors mis en place sont à l'image de l'ordre déjàétablis. La participation d'un plus grand nombre d'acteurs, et du public plus particulièrement,ne sert qu'à gagner un appui. Cependant, une vision plus optimiste est possible, et c'est celleci que nous avons choisi de défendre. En introduisant des notions comme la concertation oula participation, on observe une lente transformation des politiques publiques de préventiondes risques industriels. Les acteurs traditionnels, même s'ils ne sont pas ses supporters

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Les politiques de prévention des risques industriels face à la rhétorique de la participation.

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les plus acharnés, ont intégré cet impératif. C'est de manière progressive que ce derniercontribue à faire évoluer les intérêts des acteurs dominants, mais également la perceptionqu'ils ont du « public ».

Cette vision optimiste d'une intégration progressive d'un plus grand nombre d'acteursne doit pas éluder le maintien d'un réseau organisé autour de l'administration, des industrielset des communes. C'est en son sein que continuent à se décider et à s'organiser lespolitiques de prévention des risques. Ces dernières sont alors tiraillées entre l'intégration « àtout prix » de la rhétorique participative, qui débouche souvent sur une forme de démagogie,et la conservation d'un mode de fonctionnement qui apporte de nombreux avantages auxparties prenantes mais qui repose sur l'exclusion d'autres acteurs. Cette contradiction

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département de l'Isère∙ CLIC: Comité locaux d'information et de concertation∙ CSS: Commission de suivi de site∙ DDRM: Dossier départemental sur les risques majeurs∙ DDT: Direction départementale des territoires∙ DICRIM: Document d'information communal sur les risques majeurs∙ DREAL: Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement∙ FRAPNA: Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature∙ PCS: Plan communal de sauvegarde∙ PLU: Plan local d'urbanisme∙ POI: Plan d'opération interne∙ PPI: Plan particulier d'intervention∙ PPRT: Plan de prévention des risques technologiques∙ SDIS: Service départemental d'incendie et de secours∙ SID-PC: Service interministériel de défense et de protection civile∙ SPIRAL Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles et des

risques dans l'agglomération lyonnaise∙ SPPPI: Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques

industriels.∙ SPPPY: Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques dans

la région grenobloise

Résumé

Résumé

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Bibliographie

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Les politiques de prévention des risques industriels sont traversées par de nouvellesexigences. La loi « Bachelot » du 30 juillet 2003 vise à prévenir de nouveaux accidentsindustriels après la catastrophe d'AZF à Toulouse. Elle introduit de nouveaux principes pourrenforcer la prévention autour des établissements classés Seveso. En parallèle on assisteau développement d'une rhétorique de la participation qui concerne la plupart des politiquespubliques et qui conduit à une ouverture, plus ou moins étendue, de ces politiques.

A partir de l'exemple de la campagne d'information du public « Les bons réflexes »,lancée en 2008, nous montrerons comment ces dynamiques impactent les acteursdominants des politiques de prévention des risques: l'Etat et ses services déconcentrés, lesindustriels et les collectivités territoriales. A partir d'entretiens semi-directifs, d'observationssur le terrain et de documents de la campagne, ce travail démontre comment ces acteurs sesaisissent de ces nouvelles problématiques en modifiant leurs habitudes afin de conserverleur autorité en tant qu'acteur incontournable des politiques de prévention des risques.

Mots-clefsCampagne d'information du public « Les bons réflexes »; risque industriel; prévention;concertation; participation; réseau d'action public; agglomération lyonnaise; SPIRAL.

AbstractAbstractIn France, the management of industrial risk is going through new exigences that deeply

modify it. The « Loi Bachelot » voted on July 30, 2003 aims to prevent industrial accidentsafter the disaster of AZF in Toulouse, which claimed thirty lives. The law introduces newprinciples so as to strengthen prevention around « Seveso high threshold » installations. Inaddition, the policies are affected by the development of a rhetoric of participation.

Based on the exemple of the public information campaign from 2008 intituled « Lesbons réflexes » (the right reactions ), this paper will demonstrate the impacts of thesetransformations upon the main actors of this policies i.e. the administration, the industrialistsand local authorities. Using semi-directive interviews and documents from the awarenesscampaign in addition with field-based observations, we will show how these actors catch thenew problematics so as to maintain their leadersip.

Key-wordsPublic information campaign « Les bons réflexes »; industrial hazard; prevention;

dialogue; participation; network; Lyon and its suburbs, SPIRAL.