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Depuis 1971 www.amisdelaterre.org Hiver 2011-2012 / 3,20 N°168 Surconsommation et eau : la cote d’alerte Surconsommation et eau : la cote d’alerte

La Baleine 168

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Surconsommation et eau, la cote d'alerte

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Hiver 2011-2012 / 3,20 ! N°168

Surconsommation et eau :la cote d’alerte

Surconsommation et eau :la cote d’alerte

Page 2: La Baleine 168

Au retour d’Afrique du Sud, les violonsn’ont pas tardé à se faire entendre dansles médias. Tandis que l’Union européennesaluait l’accord comme “une percée histo-rique dans la lutte contre le changementclimatique”, Connie Hedegaard, la com-missaire européenne pour le climat, com-mentait!: “Nous pensons que nous avonsadopté la bonne stratégie et cela a mar-ché”. Et la ministre française de l’Ecologiede féliciter la délégation européenne d’avoirjoué un “rôle moteur”…

Le grand renoncementPourtant, les résultats obtenus sont trèsloin des ambitions affichées au départ.L’Union européenne est arrivée à Durbanavec une feuille de route visant à ce quetous les pays s’engagent sur un accordqui succède au Protocole de Kyoto. C’estsur un coin de table, au terme d’une der-nière nuit électrique, que des représen-tants de l’Europe, de l’Inde, de la Chine etdes États-Unis se sont mis d’accord surtrois formules juridiques (“protocole”, “ins-trument légal” ou “solution concertée ayantforce légale”). Autrement dit, tout reste ou-vert dans les futures négociations puisquerien ne garantit que les pays seront légale-ment contraints. Comment l’Union euro-péenne peut-elle s’en satisfaire ?

Plus grave, ce nouvel instrument neverra pas le jour avant 2015 et ne sera misen œuvre, dans le meilleur des cas, qu’en2020. Selon Nnimmo Bassey, présidentdes Amis de la Terre International, “retar-der toute action réelle après 2020 est uncrime aux proportions mondiales. Une aug-mentation de 4 °C de la température mon-diale, permise par ce plan, est une condam-nation à mort pour l’Afrique, les petits Étatsinsulaires, les pauvres et les personnesvulnérables de l’ensemble de la planète”.Attac ajoute!: “Au moment où les rapportsscientifiques convergent pour dire l’ur-gence des changements à mettre enœuvre, ce sommet des Nations unies res-tera celui du grand renoncement.” Lors de

ces vingt dernières années, les émissionsglobales ont augmenté de 50 % – plus6 % pour la seule année 2010. Attendre2015 n’est donc pas seulement irrespon-sable, mais bien criminel.

A bon compte…Autre fait marquant! : le principe de res-ponsabilité historique commune mais dif-férenciée, qui avait introduit des dimen-sions de justice dans les négociations,disparaît du nouveau mandat issu de Dur-ban. La nouvelle feuille de route met ainsiau même niveau de responsabilité vic-times et acteurs du réchauffement clima-tique. Comme si l’Inde, avec 1,4 tonne deCO2 par personne, ou même la Chine(5,2 tonnes par personne), et, surtout, leurspopulations, devaient satisfaire aux mêmesexigences que les États-Unis (17,5 tonnes)ou, plus généralement, les pays de l’OCDE

(10 tonnes en moyenne). Pour Martine La-plante, présidente des Amis de la TerreFrance, “ce nouveau traité est une rusepour détourner l’attention du monde del’échec des pays développés à respecterles engagements existants de réductiondes émissions”.

Procrastination forcenéeQuid du devenir du Protocole de Kyoto ?Ce traité, entré en vigueur en 2005, recon-naît la responsabilité historique des paysindustrialisés et assigne des objectifs obli-gatoires de réduction des émissionsjusqu’en 2012. La conférence de Durban aseulement “pris note” de la nécessité d’exa-miner une nouvelle période d’engagementsà la prochaine conférence – qui aura lieu àla fin de l’année à Doha, au Qatar. Toutesles décisions importantes (durée des en-gagements, règles de fonctionnement,etc.) ont été repoussées, sans certituded’aboutir. Et on sait déjà que la confé-rence se tiendra sans le Canada, la Rus-sie ni le Japon. Dès lors, se satisfaire durésultat de Durban, comme le font l’Unioneuropéenne et le gouvernement français,est assez déconcertant.

Face à une diplomatie climatique sou-mise plus que jamais aux intérêts géopoli-tiques et aux lobbies économiques et fi-nanciers, les populations doivent imposerd’autres choix.

> SOPHIE CHAPELLE ET MAXIME COMBESDans le cadre du projet Alter-Echos

www.alter-echos.org

ClimatDurban : l’Union européenne signe un accord criminelSous les concerts d’autosatisfaction joués par l’Union européenne au lendemain de la 17e Conférencede l’ONU sur le climat se cachent des renoncements et de graves compromis.

3INTERNATIONAL

Édito

Le clientélisme, ça commence à bien faire !

Le dossier de cette Baleine est consacré àl’eau. Partant du fait qu’elle est indispensa-ble à la vie et qu’elle constitue un bien com-mun, nous aurions pu choisir bien des an-gles d’attaque. Ainsi, le rapport des Amis dela Terre Europe Surconsommation, une me-nace sur l’eau explique, au niveau mondial,comment l’eau est surexploitée par lesmodes de production actuels. Et le rapportque nous publierons bientôt sur les grandsbarrages montre les impacts délétères deces géants. C’est sur ces deux points quenous avons mis l’accent.Mais la ressource est inégalement répartie.Certaines régions du monde sont largement

pourvues, d’autres en sont presque privées. Et, si des points restent scien-tifiquement en débat, on sait que le changement climatique modifiera for-tement sa distribution. Or, à ce jour, les instances internationales ne se sontpas saisies de la question à la hauteur des véritables enjeux, et il est àcraindre que le XXIe siècle ne soit celui de la guerre de l’eau.

En France, la gestion de l’eau est accaparée par trois grands groupes,à l’origine de plusieurs scandales de corruption. Nombre de communes etde syndicats des eaux s’interrogent sur un retour en régie publique. De plusen plus font ce choix. Car déléguer la gestion ne conduit pas à l’optimisa-tion de la ressource, pendant que les factures des particuliers rémunèrent…les actionnaires! ! Les usagers sont aussi les seuls à assumer les coûts dedépollution largement imputables à l’agriculture chimique, devant ceux desrejets domestiques et des industries de production, mais aussi d’extraction– les gaz et huiles de schiste menaçant d’en rajouter, et beaucoup, si lescitoyens relâchaient leur vigilance.

Plus fondamentalement encore, l’état des océans est plus que préoc-cupant. Outre les pollutions, leur acidification s’accélère à tel point que lesscientifiques envisagent à présent la disparition prochaine des coquillageset crustacés! : coquilles et carapaces risquent d’être dissoutes. Toute lachaîne alimentaire marine – et au delà – est donc menacée.

Mais les affaires continuent… Ces questions, et tant d’autres que lesofficiels refusent de considérer, seront débattues lors du Forum alternatifmondial sur l’eau qui se réunira du 14 au 17 mars 2012, à Marseille.

C’est en raison de ce déni que les Amis de la Terre s’insurgentquand le président de la République déclare, lors de ses vœux au mondeagricole, souhaiter remédier aux “réglementations tatillonnes” sur l’environ-nement et sur l’eau. En écho au fameux “l’environnement, ça commenceà bien faire”, nous lui répondons que, pour les citoyens,!le clientélisme, çacommence à bien faire. > MARTINE LAPLANTE

Présidente des Amis de la Terre France

Bienvenue Les Amis de la Terre France informent les lecteurs qu’ils ont eu le plaisir d’accueillir en février Valérie Colin, nouvelle déléguée générale de la fédération.

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendantede tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premierréseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaientles campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.Nos sites internet • www.amisdelaterre.org • www.renovation-ecologique.org • www.ecolo-bois.org • www.produitspourlavie.org • www.prix-pinocchio.org • www.financeresponsable.orgContactez-nous Les Amis de la Terre - France • 2B, rue Jules-Ferry, 93100 Montreuil • 01 48 51 32 22 • [email protected]

3 > 5 INTERNATIONAL> Climat Durban : l’Union européenne

signe un accord criminel> Energie Laisser le pétrole sous terre,

une idée à creuser > Forum social mondial 2012 De Porto

Alegre à Rio, contre l’“économie verte”Taxe carbone pour le survol de l’EuropeUne arme à double tranchant

6 > 9 FRANCE> Biodiversité cultivée Attaque législative

brutale des semenciers contre les paysans Pour la liberté d’usage des semences

> Maïs OGM Mon 810 Course contre la montre pour maintenir l’interdiction

> Gaz et huiles de schiste Mobilisationtenace face aux industrielsRéforme du code minierAu bon vouloir des lobbies de l’extraction!?

> Prix Pinocchio du développementdurable 2011 Les "rmes françaisestoujours à la pointe… du mensonge

10 > 11 RÉGIONS> Obsolescence programmée

La planète bradée pour la high-tech> Compensation Biodiversité

Un nouvel alibi pour les bétonneursHommage Roger Belbéoch

12 >18 DOSSIER Surconsommation et eau :la cote d’alerte> Empreinte eau

De l’eau plein nos placardsIndicateurs Des outils pour une meilleuregestion internationale de l’eau

> France Eau et agriculture : une politiquepublique incohérente et régressive

> Extraction Lithium, gaz de schiste, sablesbitumineux… que d’eau, que d’eau !

> Barrages géants, climat et énergie Un choix délétère

> Alternatives L’eau, source de vie, pas de pro"tRéférendum L’Italie a dit oui à la défense du bien commun

19 LE COIN DES LIVRES> L’appel de Gaïa, de Jean-Claude Pierre > L’espoir citoyen, d’Alain Zolty > De vrais indices pour juger l’action

des banques Trois nouveaux rapportsnous éclairent sur la responsabilité socialeet environnementale des banques

20 PRATIQUES> Les toilettes de l’archiduchesse

Le Fonds vert pour le climat a été missur pied à Durban. Mais c’est une co-quille vide puisqu’aucun financement n’aété prévu. Les seuls moyens de finance-ment concrètement envisagés sont desfonds privés attirés par les marchés ducarbone. Quant à la gestion de ce fonds,elle sera confiée pour l’essentiel à laBanque mondiale. Un groupe de travail vapar ailleurs préparer l’éventuelle entrée

de l’agriculture dans les mécanismes demarché, en la considérant comme unpuits de carbone et non comme un moyend’assurer la souveraineté alimentaire. Laséquestration et le stockage du carboneont également été reconnus à Durbancomme “mécanismes de développementpropre” : les entreprises pourront ainsigagner des crédits d’émission en conti-nuant à extraire les énergies fossiles.

L’accord qui touche le fonds

3 décembre 2011, Bruxelles. Des militants de Young Friends of the Earth Europe(Jeunes Amis de la Terre Europe) se mobilisent pour défendre la justice climatique au Sommet de Durban.

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Sommaire n° 168

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

Page 3: La Baleine 168

D’abord au large de la Guyane. Puis enLorraine. Maintenant, au large de Marseille.A quoi il faut ajouter le pétrole de schistedu bassin parisien. Les annonces de dé-couverte de pétrole en “territoire français”se multiplient. Pour un pays qui n’avait“pas de pétrole, mais des idées”, c’est àse demander si la seule idée qui reste n’estpas celle se voir riche en pétrole. Les su-per latifs ne manquent pas. “Historiques”pour la Guyane, “nouvel eldorado” pour laLorraine, “Marseille nouvelle terre de pé-trole” ou encore un “nouveau Qatar” pourle Bassin parisien.

A y regarder de plus près, ces décou-vertes sont pourtant loin de changer ladonne. Ecartons d’abord le pétrole deschiste parisien ou lorrain dont l’exploitationrequiert la fracturation hydraulique – tech-nique aujourd’hui interdite en France –, ainsique la perspective marseillaise, qui a dé-clenché un mistral de réactions négatives.

Au large de la Guyane, les estimationsvarient de 0,7 milliard à 5 milliards de barils,soit entre 0,05 % et 0,4 % des réservesmondiales prouvées actuelles. Mêmes eauxen Lorraine : l’entreprise australienne pariesur 2milliards de barils. La France consommeenviron 2 millions de barils par jour. Celareprésente donc tout au plus quelquesannées de consommation française – pasde quoi frémir. A l’échelle planétaire, oùl’équivalent de deux Arabie Saoudite devraitêtre mis en exploitation d’ici 2020 pourmaintenir un niveau de production stable,c’est négligeable, voire dérisoire.

Un trop-plein de réservesFaisons un pas de côté. Ils prospectenttous azimuts : offshore profond, sables bi-tumineux, schiste, Arctique, etc. Comme sicreuser toujours plus profond, toujours plusloin, en prenant toujours plus de risques,allait de soit. Au mépris des récentes ma-rées noires dans le Golfe du Mexique, au

large des côtes brésiliennes ou nigérianes.Et au mépris des exigences climatiques.

Sur la base d’une étude du PostdamInstitute for Climate Impact Research,l’ONG Carbon Tracker calcule qu’il ne fautpas consommer plus du cinquième ou duquart des toutes les réserves prouvées depétrole, charbon et gaz de la planète d’ici2050, si l’on ne veut pas dépasser les 2 °Cd’augmentation de la température globaleau delà desquels les dérèglements clima-tiques ne se raient plus maîtrisables. Aéchéance d’un demi-siècle, nous nesommes donc pas confrontés à une pé-nurie de pétrole, mais à un trop-plein.

Laisser le pétrole dans le sol et stop-per les explorations en cours. Telle est lasolution, sauf à verser dans le climato-

scepticisme ou assumer les conséquencesprévisibles de cette fuite en avant pour laplanète et nos sociétés. Problème : lesentreprises pétrolières et gazières sont desentités privées qui ne se soucient guèrede l’intérêt général. Plus décisif, leurs va-leurs boursières et leur triple A sont baséssur le maintien et l’accroissement de cesréserves. Décider d’en laisser 75 ou 80 %dans le sol déclencherait un tsunami bour-sier exigeant le démantèlement et la misesous contrôle public des activités de cesmultinationales. Chiche !

> MAXIME COMBESmembre d’Attac France et de l’Aitec (Asssociation

internationale des techniciens experts et chercheurs), engagé dans le projet Echo

des Alternatives www.alter-echos.org

Energie Laisser le pétrole sous terre, une idée à creuser Il n’y a pas assez de pétrole pour maintenir notre train actuel de production et de consommation. Quant aux réserves identifiées, les exigences pour la limitation des changements climatiques nous interdisent d’en consommer plus d’un quart…

5INTERNATIONAL

Cette année, le Forum social mondial (FSM)avait été convoqué dans l’objectif particulierde préparer le prochain Sommet des peu-ples qui se déroulera en parallèle de la confé-rence onusienne de juin prochain dite Rio +20 [le sommet de la Terre de Rio aura vingtans au mois de juin]. La société civile seprépare dès maintenant à faire entendre savoix sur la justice sociale et environnemen-tale – thème central de ce FSM. L’enjeu aréuni à Porto Alegre plus de cent cinquanteorganisations et mouvements sociaux, venuspour la plupart d’Amérique latine.

Ce grand rendez-vous a constitué uneétape importante dans la poursuite de lamobilisation face au nouveau projet mon-dial d’exploitation capitaliste désormaisplus connu sous le nom rassurant d’“éco-nomie verte” et portépar les préparateurs deRio + 20. Il a permis defaire avancer la conver-gence entre les mou-vements présents de lamouvance altermon-dialiste, des indignés,des organisations indi-gènes et des mouve-ments antisystème detous ordres. On regret-tera une sous-repré-sentation des mouve-ments écologistes tantau niveau brésilien qu’in- ternational, ce qui estd’autant plus paradoxalque, pour la première

fois depuis sa création, le FSM a placé laquestion environnementale au centre deses travaux. Ceci peut s’expliquer par uneanalyse divergente de ces mouvements surl’intérêt de ce Forum – et plus générale-ment des FSM – et la stratégie à dévelop-per aujourd’hui.

Se mobiliser en France et en EuropeA l’issue du sommet, le lancement d’unecampagne internationale contre cette pré-tendue économie verte a été acté. Elle a étépromue principalement par le bolivien PabloSolon, un des créateurs du sommet de Co-chabamba, et plusieurs réseaux dont AttacFrance. La participation des Amis de la Terreà cette campagne demeurait en discussionà l’issue de ce FSM.

En Europe, une campagne réellementécologiste devra pointer que sous couvertd’”économie verte”, il ne s’agit plus uni-quement pour les puissances capitalistesde poursuivre la logique qui justifie la pour-suite de la marchandisation des ressourcesdes pays du Sud.

Au nom de l’écologie, les promoteursde l’”économie verte” ambitionnent désor-mais l’appropriation d’absolument toutesles ressources mondiales restant disponi-bles – comme le montre l’exemple du pro-jet d’extraction des gaz et huiles de schiste,en France comme ailleurs. Cette campagnedevra aussi intégrer le soutien aux luttes lo-cales contre les projets destructeurs, touten réaffirmant que le mode et le modèle devie de la majorité de la population des pays

riches sont l’argumentet l’alibi qui permettentaux multinationales età leurs sous-traitantsd’amplifier la préda-tion. Elle sera enfin l’oc-casion décisive pourfaire connaître et par-tager le plus largementl’alternative globaleproposée par les Amisde la Terre sur la basede l’espace écologiqueet la transition vers dessociétés soutenables.Affaire à suivre, donc.

> ALAIN DORDÉ Envoyé spécial à Porto Alegre

Forum social mondial 2012De Porto Alegre à Rio, contre l’“économie verte”Justice sociale et environnementale!: c’est sur ce thème que le Forum social mondial s’est réuni du 24 au 29 janvier 2012 à Porto Alegre, au Brésil. Plus de cent cinquante organisations s’y sont retrouvées pour préparer le Sommet des Peuples.

4 INTERNATIONAL

Depuis le 1er janvier 2012, les compagniesaériennes, européennes ou non, doivent rem- bourser 15 % de leurs émissions annuellesde carbone pour le survol du territoire euro-péen. La Cour européenne de justice a con -firmé le 21 décembre 2011 l’intégration desactivités aériennes dans le système com-munautaire d’échanges de quotas d’émis-sions de gaz à effet de serre (Emissions Tra-ding Schemes). Depuis son adoption en2008, cette législation s’est heurtée à l’hos-tilité de nombreux pays – Russie, Chine etEtats-Unis en particulier. Les compagniesaméricaines ont tenté de la dénoncer commediscriminatoire, mais la Cour de justice les adéboutées en confirmant que son applica-tion “ne viole ni les principes de droit inter-national coutumier en cause ni l’accord cielouvert”. Mais, tandis que le monde de l’avia-tion civile fait toujours front contre la mesureet que plusieurs pays évoquent des rétor-

sions commerciales, le marché, aujourd’huiouvert, a de quoi faire des jaloux. A 8 " latonne pour 32 millions de tonnes de CO2annuelles, la cuvée CO2 2012 devrait rap-porter au moins 250 millions d’euros sur lemarché du carbone européen, le plus im-portant du monde. L’initiative pourrait fairedes émules… La Russie va augmenter lestaxes pour le survol de son territoire. LaChine, qui envisage une taxe et un marchécarbone dès 2015, jouera un rôle mondialdéterminant sur les prix du CO2. Si l’on peutse réjouir de l’extension du principe pol-lueur-payeur au secteur aérien, la croissancedu trafic risque de faire flamber des produitsspéculatifs de type subprime sur un marchédes crédits carbone très volatil – avec unegrosse bulle et de nombreux effets perverssur l’environnement. De sérieux leviers derégulation économique sont donc indispen-sables, et pour l’instant inexistants. > C. F.

Taxe carbone pour le survol de l’EuropeUne arme à double tranchant

DR

En brefForçons le Japon à renoncer à la chasse à la baleineLe Japon a repris la chasse à la baleine en Antarctique, faisant fi du moratoire voté par la Commissionbaleinière internationale, en vigueurdepuis 1986. Cette chasse est prétendument justifiée par des recherches scientifiques– lesquelles viseraient à démontrer que le nombre des baleines dans le monde est suffisammentconséquent pour pouvoir supporter… une relance de la chasse!commerciale ! Il est donc essentiel de rester mobilisés pour que la flotte baleinièrejaponaise rentre au port et renonce, comme en 2011, à traquer les cétacés. Définitivement, cette fois.

En janvier 2011, les Amis de la TerreFrance révélaient que l’entreprise malai-sienne Sime Darby, l’un des plus grosproducteurs d’huile de palme au monde,était en négociation avec la région Lan-guedoc-Roussillon pour construire uneplateforme de stockage et de transfor-mation d’huile de palme sur le site dePort-la-Nouvelle (Aude). Mais le produc-teur malaisien a annoncé le 22 décembresuivant qu’il gelait son projet français pen-dant un an. D’après le collectif No Palme(Nouvelles orientations pour des alterna-tives locales et méditerranéennes), “Sime

Darby renonce à s’installer à Port-la-Nou-velle avant tout pour des raisons écono-miques”. Dans le contexte actuel, on éva-luerait une baisse de 50 % des com-mandes à venir, tandis que le coût del’implantation de l’usine de Port-la-Nou-velle aurait, lui, grimpé de 50 %.

No Palme assure vouloir poursuivre salutte contre la consommation d’huile depalme en Europe, en vue de “protéger lapopulation et la nature contre les méfaits del’industrialisation irraisonnée de sites fra-giles, et pour que les deniers publics soientréorientés vers les besoins réels des habi-

tants”. Le collectif devrait faire entendre savoix à l’occasion du débat public qui débuteen octobre prochain à Port-la-Nouvelle ausujet de l’agrandissement du port. “Le vraiproblème avec l’huile de palme, c’est quenous en consommons trop et que cette dé-pendance est à l’origine de tensions fon-cières croissantes dans les pays du Sud”,estime Sylvain Angerand, des Amis de laTerre. “Nous sommes donc opposés à toutesnouvelles infrastructures conduisant à unehausse de la capacité d’importation euro-péenne et défendons le principe d’une agri-culture relocalisée.” > SOPHIE CHAPELLE

Surconsommation Huile de palme : ni à Port-la-Nouvelle, ni ailleurs

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La plupart des participants au FSM venaient d’Amérique latine. Des voisins motivés…

“Pépite” de schiste bitumineux, au Congo.

Page 4: La Baleine 168

Passés à la trappe…. Les arrêtés établis-sant depuis 2008 un moratoire français surla culture du seul maïs OGM autorisé en Eu-rope – le Mon 810 de Monsanto – ont étéinvalidés en septembre 2011 par la Coureuropéenne de justice et annulés en no-vembre par le Conseil d’Etat (CE). Depuiscette décision, le gouvernement a répétéplusieurs fois son intention de rétablir l’in-terdiction française. Le 23 janvier 2012, laministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a promis qu’une mesure d’urgence(ou clause de sauvegarde) serait prise finfévrier, “avant la période des semailles – maispas trop tôt avant, pour que la Commis-sion européenne n’ait pas le temps de laremettre en cause”. Il est également certainque les requérants (Monsanto, Limagrain,etc.) ayant obtenu l’annulation des précé-dents arrêtés saisiront le CE en référé. Alorsque certains agriculteurs ont affirmé qu’ilssèmeraient précocement le Mon 810 pourmettre l’Etat devant le fait accompli, unecourse contre la montre est engagée. Legouvernement doit trouver des argumentspour établir un nouvel arrêté solide.

Le recours à la mesure d’urgence pré-vue par l’Europe, sur laquelle reposaientnotamment les arrêtés annulés, semble êtreune voie pour l’instant sans issue. Elle sup-pose d’établir l’existence de risques avéréspour la santé ou l’environnement. Mais lecomité scientifique (CS) du Haut conseildes biotechnologies (HCB) a simplementfait état de doutes sérieux. Cette instanceconsultative a pointé que la méthodologiede l’étude d’évaluation des risques pour lasanté présentée sur le Mon 810 par Mon-santo en 1998 ne permettait de tirer au-cune conclusion. Sur l’aspect environne-mental, le CS considère que les impactsdu maïs Mon 810 sur les insectes non ci-blés ne sont pas pires que ceux des cul-tures traitées aux insecticides de façon“classique”, et que les résistances ou tolé-rances développées par la pyrale du maïsne constituent pas un risque environne-mental, mais économique.

Le miel pris en étauMais le gouvernement pourrait recourir àd’autres arguments. En septembre 2011,une décision de la Cour européenne dejustice a considéré que, en l’absence d’au-torisation spécifique des pollens issus duMon 810, les miels qui en contiennent sontinterdits à la consommation humaine. Sice maïs OGM est cultivé en 2012, de trèsnombreux apiculteurs français ne pourrontplus vendre leur miel et retireront leursruches des zones de grande culture. Or,selon Guy Kastler, de la Confédération pay-sanne, “la disparition de ces ruches aurait

un impact environnemental non négligea-ble : l’abeille domestique joue un rôle éco-logique majeur puisque, en raison des pes-ticides massivement utilisés en zone ru-rale, la faune pollinisatrice sauvage y esttrès faible. Le gouvernement pourrait enarguer pour motiver son décret.”

Par ailleurs, le droit européen autoriseles Etats à prendre les mesures nécessairespour empêcher la présence accidentelled’OGM dans les productions non-OGM (pourautant que ces mesures soient proportion-nelles au risque) et la loi française de 2008impose le respect des systèmes agraires etdes filières de production sans OGM, no-tamment biologiques. Or Monsanto n’a pascorrectement évalué le risque de coexis-tence des cultures et n’a pas demandé lesautorisations nécessaires aux autorités res-ponsables de la commercialisation.

L’impossible coexistenceL’interdiction du Mon 810 serait bien unemesure proportionnelle, puisqu’elle n’inter-dirait pas aux maïsiculteurs de cultiver lesautres variétés disponibles, alors que sonautorisation, à l’inverse, interdirait aux api-culteurs d’exercer leur activité. Juridique-ment, l’argument de l’impossible coexis-tence semble donc le plus consistant, mal-gré le refus du ministère de l’Agriculture del’utiliser et malgré l’affirmation de Jean-François Dhainaut, président du HCB, quipropose une concertation entre partiesprenantes pour convenir des mesures decoexistence. Mais qui peut croire que cetteconcertation permettrait par magie aux api-culteurs de survivre en étant contraintsd’éloigner leurs ruches à plus de 10 kilo-

mètres de tout champ de maïs OGM, et,même si cela était possible, qu’elle puisseêtre menée à bien avant les semailles dumaïs, qui débutent en mars ?

Guy Kastler pointe que, “en réalité, lacoexistence s’est partout montrée irréalisa-ble. Les agriculteurs du Sud-Ouest de laFrance l’ont expérimentée en 2006 et en2007 et ont constaté des contaminationsdes pollens de plus de 30 % à plus d’un ki-lomètre des maïs oGM. Pourtant, aucuneétude scientifique officielle n’a jamais été fi-nancée. Le seul organisme français de re-cherche publique ayant ouvert une expéri-mentation avec des semences paysannesde maïs l’a abandonnée après deux ré-coltes et a refusé de publier ses premiersrésultats, car ils démontraient la contamina-tion. Ce même organisme vient de refuserun financement du ministère de l’Ecologiepour étudier cette coexistence avec desapiculteurs, des producteurs biologiques etde semences paysannes. Mais faut-il desétudes scientifiques pour démontrer auConseil d’Etat que l’eau mouille!?”

Le risque de mise en culture est cetteannée d’autant plus grand que, contraire-ment à ce qui s’est passé en 2008, le gou-vernement n’a adopté aucun arrêté inter-disant la distribution des semences OGM.Les Amis de la Terre jugent inacceptableque l’interdiction des OGM en France restesuspendue à une perpétuelle guérilla ré-glementaire alors que la population les re-fuse. Dans la situation actuelle, ils récla-ment un arrêté solide. Mais seule une dé-cision politique et une modification nonéquivoque de la loi permettraient de stabi-liser le droit. > LAURENT HUTINET

Maïs OGM Mon 810Course contre la montre pour maintenirl’interdictionAprès l’annulation des arrêtés interdisant la culture du maïs Mon 810, le gouvernement doit très vitetrouver des arguments de poids pour rédiger son nouvel arrêté... avant les semailles.

7FRANCE

C’est à la majorité des trente député(e)sprésent(e)s à 23 heures ce soir-là, et mal-gré la forte mobilisation de la société civileet d’une partie du monde agricole, quel’Assemblée nationale a voté le 28 novem-bre 2011 une loi sur les certificats d’obten-tion végétale (COV) – certificats détenusprincipalement par les grandes entreprisessemencières. En interdisant aux agricul-teurs la possibilité de ressemer une partiede leur récolte d’une année sur l’autre,c’est-à-dire d’utiliser des semences defermes – et ce pour la majorité des espècescultivées –, cette loi aura de forts impacts.

Taxes ou royalties obligatoiresLa nouvelle loi vise en effet à interdire lessemences de fermes si elles sont issues devariétés protégées par un COV français.Concrètement, les légumes, les arbres frui-tiers, les vignes, les fleurs, le soja, le maïs,le sainfoin, le sarrasin, le chanvre, etc., pro-tégés – mais aussi leurs hybrides – ne peu-vent plus être reproduits. Une exception aété adoptée pour 21 espèces (blé, avoine,orge, pois, colza...) pour lesquelles l’utilisa-tion des semences de fermes est autori-sée, mais en échange du paiement de royal-ties versées à l’obtenteur de la variété.

Ce texte aura aussi des répercussionssur les semences paysannes, variétés an-ciennes ou modernes, reproductibles et sé-lectionnées par les paysans à partir de mé-thodes de sélection non transgressives duvivant, et libres de droits de propriété indus-trielle, donc non protégées. Pour ne paspayer de royalties, les paysans qui les utili-sent devront fournir la preuve qu’ils ne re-

produisent pas de variétés protégées. A dé-faut, une taxe pourra leur être prélevée aumoment de la livraison de leur récolte, commec’est le déjà le cas pour le blé tendre.

D’autres dispositions portant sur la com-mercialisation, la sélection, la conservationet le contrôle des semences invitent le gou-vernement à réglementer par décret!: ellespeuvent être lourdes de conséquences pourles agriculteurs, mais aussi pour les jardi-niers amateurs qui pourraient être soumisà des obligations (déclaration, contrôle...).

Mainmise sur les ressourcesL’Etat pourra réglementer par décret lesmodalités de conservation et les condi-tions d’enregistrement des ressourcesphytogénétiques appartenant à la “collec-tion nationale” – comme définie par leTraité international sur les ressources phy-togénétiques (Tirpaa).

Si les objectifs énoncés par la loi sem-blaient a priori louables – intérêt général,utilisation durable et préservation des res-sources – seules seront éligibles pour êtreintégrées à cette collection les ressourcesphytogénétiques dites patrimoniales oucelles qui présentent un intérêt actuel oupotentiel pour la recherche scientifique,l’innovation ou la sélection. Les autres se-ront vouées à disparaître.

Le pré carré des labos et semenciers Mais qui sera chargé de déterminer les“ressources phytogénétiques” dont l’inté-rêt, inconnu à ce jour, pourrait se révélervital demain ? Pourra-t-on encore conser-ver, cultiver et créer des ressources ne ré-pondant pas à ces critères d’éligibilité etne faisant pas partie de cette collectionnationale ? La recherche scientifique, l’in-novation et la sélection sont-elles réser-vées aux laboratoires de recherche et auxentreprises semencières ?

Cette loi est une attaque sans précé-dent contre le travail des paysans et desjardiniers qui ont, eux, préservé, innové etsélectionné des centaines de variétés de-puis plusieurs millénaires. Ce rôle doit per-durer et être pleinement reconnu. En prin-cipe, le Tirpaa reconnaît leur contributionet les droits qui en découlent. Mais laFrance, qui l’a approuvé en 2005, ne l’ap-plique pas. Il faut donc rester mobilisésdurant la période de négociation des dé-crets, qui seront eux aussi déterminants.

> ANNE-CHARLOTTE MOŸChargée de la veille juridique

du Réseau Semences Paysannes

Biodiversité cultivéeAttaque législative brutale des semenciers contre les paysansLa nouvelle loi sur les certificats d’obtention végétale remet radicalement en cause la liberté d’utilisation des semences par les agriculteurs et les jardiniers.

6 FRANCE

En France,le collectif“Semons laBiodiversité”regroupe

18 associations, dont les Amisde la Terre, et travaille pour l’élaboration d’une loi de reconnaissance des droitsdes agriculteurs. Pour établir un réel rapport de force et s’approprier les enjeux du débat, il est possible de :

! S’informer*, en parler avec vos voisin(e)s, vos ami(e)s

! Organiser un événement local ou une projection, ou y participer, pour amener sur la place publique le débat sur les enjeux ayant trait auxsemences, échanger des semencesafin de diffuser la biodiversité, se réapproprier nos savoir-faire et nos droits collectifs…

! Interpeller les élu(e)s et les candidatsaux élections pour les informer des enjeux et de la problématique des semences et leur demander de s’engager pour abroger cette loi.

! Proposer une motion aux Conseilsmunicipaux, généraux et régionaux.Les Conseils municipaux de Grigny

(Rhône) et la Chambre d’agriculturedes Hautes-Pyrénées en ont déjàadoptées. (Voir modèle sur le site*)

! Signer et faire signer la pétition lancéepar l’association des Croqueurs de carottes pour entrer en résistance et exiger l’abrogation de cette loi

! Rencontrer les paysan(ne)s et retrouverdes liens avec eux, le sol, les pratiquespaysannes, puisque c’est là qu’est la base de notre alimentation

! Semer la biodiversité sur votre balcon,dans les parcs, les jardins, les champs…

* Plus d’informations surwww.semonslabiodiversite.com

Agir pour la liberté d’usage des semences

Fini les échanges de plants et desemences ? Cette loi est une offensivesans précédent contre le travail des paysans et des jardiniers.

Mobilisation

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Salle de l’Assemblée pleinière du Conseil d’Etat. En attendant une loi solide, gageons que les semeurs du peintre Henri Martin aideront les membres à valider le futur arrêté interdisant le maïs Mon 810.

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Le 17 novembre dernier se tenait la trèsfestive cérémonie de remise des Prix Pi-nocchio du développement durable, orga-nisés par les Amis de la Terre en partena-riat avec le Centre de recherche et d’infor-mation pour le développement. Pour cettequatrième édition, les Prix Pinocchio ontfait peau neuve!: trois nouvelles catégories– retranscrivant au mieux nos activités, noscombats et nos valeurs – ont ainsi rem-placé les trois catégories originelles.

Trois lauréats de poidsLa catégorie “Une pour tous, tout pourmoi!!” récompense l’entreprise ayant menéla politique la plus agressive en terme d’ap-propriation et de surexploitation des res-sources naturelles. Tereos, groupe agro-industriel français, a été plébiscité par lepublic pour son activité de productiond’agrocarburants au Mozambique. Tereosdétient en effet près de 100!000 hectaresde terres cultivables qu’elle compte trans-former en monocultures énergétiques,confisquant ainsi des terres agricoles auxpopulations locales.

Vinci, à la campagne de communica-tion abusive et trompeuse au regard deses activités réelles, s’est quant à lui dis-tingué dans la catégorie “Plus vert quevert”, pour sa tentative de verdissementdu projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Prétendant com-penser la destruction massive de terresagricoles liée au projet, Vinci se contenteen effet de créer un observatoire agricole,une ferme de démonstration en face desparkings et une Amap afin “d’encouragerl’agriculture durable”.

Enfin, la Société Générale est récom-pensée dans la catégorie! “Mains sales,

poches pleines” pour son rôle de premierordre dans le financement de la construc-tion du réacteur nucléaire Angra 3, au Bré-sil, mené par Areva dans des conditionsde sécurité très inférieures aux normesusuelles respectées dans ce secteur.

Les groupes locaux très actifsPrès de 13 000 internautes se sont expri-més cette année pour désigner les lau-réats et dénoncer ainsi les impacts néga-tifs de ces entreprises françaises, en totalecontradiction avec le concept de dévelop-pement durable qu’elles utilisent abon-damment. Cette augmentation importantede la participation – deux fois plus de vo-tants qu’en 2010 – ainsi que les nom-breuses actions de rue menées par les

groupes locaux pour populariser l’événe-ment (Loire-Atlantique, Paris, Landes, Isère,Limousin, Savoie, Haute-Savoie, etc.) ontcontribué à faire de cette édition un vérita-ble succès.

Les récents débats relatifs à la respon-sabilité sociale et environnementale des en-treprises démontrent cependant l’obstina-tion des décideurs à ignorer les demandesde la société civile. Le succès de cette édi-tion 2011 sonne donc comme un rappelà l’ordre cinglant pour ces derniers! : il estaujourd’hui indispensable d’encadrer stric-tement ces multinationales pour parvenirenfin à des sociétés soutenables au Nordcomme au Sud. > ROMAIN PORCHERON

Chargé de mission Responsabilité sociale et environnementale des entreprises

Prix Pinocchio 2011Les firmes françaises toujours à la pointe… du mensongeEn novembre 2011, les Prix Pinocchio du développement durable ont à nouveau dénoncé les bonimentsdes dirigeants des plus grandes entreprises françaises. Avec une forte hausse des votants.

9FRANCE

Le 17 janvier 2012, un colloque sur le “bou-quet énergétique” français réunissait indus-triels et représentants de l’État à la Maisonde la chimie, à Paris. Bruno Courme, di-recteur de Total Gaz Shale Europe, y expli-quait que, puisque la loi d’interdiction de lafracturation hydraulique votée en juillet der-nier empêche cette filiale de Total d’exploi-ter le gaz de schiste en France, elle allaitexplorer et exploiter ailleurs : en Pologne,en Argentine, et même aux Etats-Unis. MaisTotal, ne renonçant à rien, a déposé en jan-vier un recours administratif contre l’abro-gation de son permis d’exploration dans leSud de la France. Et Bruno Courme d’affir-mer!: “Total respecte la loi. Notre position,c’est que la loi ne justifiait pas l’abrogationde ce permis…” Tout est dit : Total et, dansson sillage, les Toreador, Schuepbach etautres Vermilion ne comptent pas reculer.Ils doivent cependant savoir que les mili-tants anti-gaz de schiste ne sont pas prèsde leur dégager la voie.

61 permis restent en vigueurMalgré un reflux apparent ressenti aprèsl’abrogation, en octobre 2011, des troispermis de Nant, Villeneuve-de-Berg et Mon-télimar, la mobilisation ne faiblit pas. Lesnombreux collectifs locaux, dont les mili-tants des Amis de la Terre sont largementpartie prenante, exigent l’abrogation des61 permis d’exploitation restant applica-bles, et l’abandon des presque cent de-mandes en cours d’instruction.

Pas plus que la mise en exploitation despermis, les collectifs ne toléreront des ex-périmentations de stimulation de la roche,aussi destructrices et dangereuses que l’ex-

ploitation elle-même.Au delà de la ques-tion de ces hydro-carbures dits “nonconventionnels”,l’opposition d’ungrand nombre decollectifs s’étend àla poursuite de l’ex-ploitation des fossiles“conventionnels” (pétrole,charbon, gaz), ainsi qu’auxfausses solutions que sont lesagrocarburants et l’énergie nu-cléaire. Ils mettent l’accent sur lesénergies renouvelables et surtout surl’efficacité et la sobriété énergétiques,seuls gisements énergétiques d’un avenirsoutenable.

Coordinations internationalesLes collectifs français sont partie prenantede la mobilisation qui se développe à tra-vers le monde, de la Pologne à l’Irlande,du Canada à l’Australie, de l’Afrique duSud à l’Argentine. Et des liens de solida-rité internationale se tissent (jumelages,échanges d’informations, etc.), formant labase de futures mobilisations. Dans l’im-médiat, c’est la construction d’une coordi-nation européenne qui est à l’ordre du jour.

Le 17 janvier dernier, jour du colloqueà la Maison de la chimie, se sont rassem-blés à Paris des militants venus de toute laFrance et des représentants de plusieurspays touchés par les projets des foreurs, àl’occasion d’un contre-colloque organisépar le collectif Île-de-France. Ils se sontdonné rendez-vous au Forum alternatif

mondial de l’eau, le gaspillage insensé decette ressource étant l’une des raisonsprincipales de l’opposition à l’exploitationdes gaz de schiste (voir dossier pp.12-18). Ni ici, ni ailleurs ; ni maintenant, ni de-main! : c’est le programme ambitieux ques’est fixé le mouvement anti-gaz de schiste,dans la perspective de l’indispensable tran-sition énergétique sans laquelle aucunealternative pour un monde vivable et justene sera possible.

> ALAIN DORDÉ

Gaz et huiles de schiste Mobilisation tenace face aux industrielsLes acteurs de l’industrie pétrolière et gazière martèlent leur détermination à exploiter le gaz de schiste et contestent les limitations légales qui leur sont opposées sur le sol français. Face à cette pression organisée, la mobilisation ne faiblit pas, et s’internationalise.

8 FRANCE

BrèvesTémoignages pour Une seule planète Du 12 au 20 novembre 2011, les Amis de la Terre, au sein du réseau Une Seule Planète, ont participé à la Semaine de la Solidarité Internationale consacrée aux inégalités de consommation et de répartition des richesses. Quatre intervenants – Bruna Engel, du Brésil, José-Miguel Torrico, du Chili, Diderot Nguepjouo, du Cameroun, et Mensah Todzro, du Togo – ont témoigné devant des groupes locaux des Amis de la Terre!(Isère, Drôme, Savoie,Seine-Saint-Denis et Bouches-du-Rhône) des impacts sur la ressource en eau de leurs pays des consommations des paysindustrialisés. Ils ont multiplié les exemples, comme les conséquences dramatiques de la fabrication de canettes en aluminium enraison de l’extraction de la bauxite au Brésil. Les intervenants se sont rendus à Marseille dans le cadre de la préparation du Forumalternatif mondial de l’eau qui cristallisera en mars 2012 les luttes contre l’accaparement de l’eau et sa privatisation (voir dossierpages 12 à 18). José-Miguel a évoqué le désastre du lithium dans le désert d’Atacama (Chili), et en particulier la baisse du niveaudes nappes phréatiques due à l’extraction de ce métal indispensable aux batteries des voitures électriques (voir pages 16-17).

Nucléaire!: Socatri condamné Le 30 septembre 2011, la cour d’appel de Nîmes a condamné la société Socatri, filiale d’Areva, pour la pollution radioactive de plusieurs cours d’eau en juillet 2008, après débordement d’un stockeur de la station de traitement des effluents uranifères de l’usine de Bollène (Vaucluse). La Commission de recherche et d’informationindépendantes sur la radioactivité (Criirad) avait mesuré alors une pollution 27 fois supérieure à la limite annuelle des rejetsautorisés, impliquant de graves conséquences sur l’environnement. Areva devra verser plus de 500 000 euros d’amende et de dommages et intérêts, dont 160 000 euros aux parties civiles – parmi lesquelles les Amis de la Terre. La cour a condamnéégalement le retard de déclaration de l’incident.

17 novembre 2011. Sur la scène de “Mains d’œuvre”, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), on annonce les lauréats des Prix Pinocchio de l’année.

Attribution de permis d’exploration de gaz et huiles de schiste et de permisoffshore, mobilisations citoyennes!:l’année 2011 s’est conclue sur l’évidentenécessité de réformer en profondeur un code minier tout à fait obsolète. Ses fondements remontent au XIXe siècle,et le code en vigueur fut, lui, rédigé en 1956, à une époque où lespréoccupations environnementales et sociales n’occupaient que peu de place dans le débat public. Ignorant ces réalités, le gouvernements’est permis de réformer ce code

en janvier 2011, sans débatparlementaire, et en donnant la part belleaux demandes que les professionnels du secteur lui avaient adressées en 2008. Ainsi, alors que l’éventualitéd’une enquête publique préalable était jusqu’ici laissée à l’appréciation des autorités locales, le nouveau codeprécise que “l’instruction de la demandene comporte pas d’enquête publique”,pour les permis exclusifs de recherche.Cependant, la validation de cette réformeattend toujours, puisque le projet de loipermettant de ratifier l’ordonnance

relative à la partie législative du coden’est toujours pas à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il paraîtraitmême que le texte soit en arbitrage entre les ministères de l’Énergie et del’Écologie. Ceci devrait bien évidemmentdéterminer la teneur finale du texte, et l’intégration ou non des remarques de la société civile, notamment sur le respect des dispositions de laconvention d’Aarhus sur l’information et la participation du public. Ellesintroduiraient un soupçon de démocratiedans le droit minier. > R. PORCHERON

Réforme du code minierAu bon vouloir des lobbies de l’extraction!?

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Niché dans la Crau, ancien lit de la Du-rance situé en bordure de la Camargue, lecoussoul est un écosystème de plaineunique au monde. Il abrite de nombreusesespèces menacées, comme l’Outarde ca-nepetière, le Faucon crécerellette ou leGanga cata, et des insectes endémiquescomme le Criquet et le Bupreste de Crau.Pourtant, sous la pression de l’urbanisa-tion galopante et de l’agriculture, cet éco-système se réduit comme peau de cha-grin! : les trois-quarts de sa superficie ini-tiale ont été détruits au XXe siècle.

C’est ici cependant que la Caisse desdépôts et consignations (CDC) teste, gran-deur nature, son laboratoire de la “com-pensation biodiversité”. Elle propose auxbétonneurs du coin de se racheter unebonne conscience en finançant la restau-ration d’un bout de coussoul. Ceci, alorsmême que les terrains en question sontdes steppes et non du coussoul, un éco-système qu’il est impossible de reconsti-tuer – mais les acteurs en cause jouent decette ambiguïté.

La loi de 1976 pervertieLe danger du projet ne tient pas tant dansla création de mesures compensatoires,prévue en dernier recours par la loi sur laNature de 1976, que dans la volonté destructurer peu à peu offres et demandes etdonc de créer un marché – avec toutes lesdérives que cela implique… Alors qu’undébat public devrait s’ouvrir pour consta-ter l’échec à enrayer l’urbanisation et l’éro-sion de la biodiversité, la compensationBiodiversité l’étouffe à l’avance. Le minis-

tère de l’Ecologie l’admet d’ailleurs à motsà peine couverts. “C’est un mode de ges-tion stratégique du besoin de continuer àavoir accès à des nouveaux territoires, no-tamment pour les industries extractives” et“cela permet de raccourcir notablement lalongueur des procédures d’acceptation duprojet par les communautés locales”.

La fuite en avant continue, con firméepar la liste des premières entreprises ayantsigné un con trat de compensation Biodi-versité. On y trouve notamment la SCI LaChapelette qui achève la construction d’une(énième) plateforme logistique sur la com-mune de Saint-Martin-de-Crau, dans leVaucluse. Nacicca, une courageuse asso-ciation locale, a pourtant dénoncé la des-truction d’espèces protégées qu’engen-drait ce projet mais le préfet est passéoutre... et la CDC a tendu le contrat pourfaire taire définitivement la contestation.Circulez, il n’y a rien à voir. Et pour la criseécologique, ne vous inquiétez pas, on lacompense. > SYLVAIN ANGERANDEn savoir plus : www.nacicca.org

11RÉGIONS

Obsolescence programméeLa planète bradée pour la high-techAlors que l’impact écologique et social de la high-tech est passé sous silence, les Amis de la Terre se sont mobilisés dans plusieurs villes de France pour dénoncer l’obsolescence programmée des produits et la stratégie du gaspillage menant à l’épuisement des ressources naturelles.

10 RÉGIONS

Nous avons appris avec tristesse le décès du physicien nucléaire Roger Belbéoch, co-fondateur du comité Stop Nogent-sur-Seine et auteur, avec son épouse Bella, de nombreux textes sur les conséquences radiologiques et politiques de Tchernobyl.

Depuis 1986, arguant de l’irréversibilité mortifèredes effets de disséminations massives de radioac-tivité, Roger prônait un arrêt immédiat du nucléaireen France, ce qui techniquement pouvait alors seconcevoir par la simple remise en service transitoire– en attendant mieux – des centrales thermiquesclassiques existantes. Roger a appris à nombred’entre nous à décrypter la littérature officielle,pourfendant, avec cet humour qui est la politessedu désespoir, la novlangue de l’establishment nu-

cléaire (“excursion nucléaire” pour perte de contrôlede la réaction en chaîne, par exemple), nous aler-tant sur des colloques aussi cyniques que celui tenuen 1995 sous le titre Optimisation de la radiopro-tection et valeur monétaire de l’homme-sievert, maisfustigeant aussi les hypocrisies politiciennes de ceuxqu’il appelait les écologistes officiels.

Profondément humaniste, Roger considéraitqu’en matière de santé et de risque “seule l’évalua-tion qualitative que les non-experts font a un sens”.Mais, prévenait-il, “à tout prix, les promoteurs dunucléaire ramèneront le débat sur le terrain tranquil-lisant des nombres”.

Ses articles pour la Lettre de Stop Nogent sontdisponibles en ligne*. Après Fukushima et les énièmesreniements des écologistes de gouvernement enmatière de fermetures de réacteurs, il devient vita-lement urgent de les relire. > M.-C. G* http://www.dissident-media.org/infonucleaire

Hommage

Un nouvel alibi pour les bétonneursDans la plaine de Crau, aux franges de la Camargue, la Caisse des dépôts et consignations teste sonlaboratoire de la “compensation biodiversité”. Elle propose aux bétonneurs locaux de financer larestauration – impossible – d’un bout de coussoul, un écosystème endémique aussi fragile que menacé.

Fukushimablues… “C’est avant lacatastrophe qu’il fautagir, après il n’y a plusqu’à subir.”

BrèvesQualité de l’air : le juge parisien exempte l’État En décembre 2010, le tribunal administratif a rejeté le recours des Amis de la Terre Paris contre l’État pour non-respect des seuils européens de qualité de l’air. Bien qu’il ait reconnuque les niveaux de concentration en particules et en dioxyde d’azote ont très souvent dépassé les valeurs limites et admis que des mesures “auraient pu permettre d’atteindre l’objectif fixé par le plan dans le délai imparti”, le juge a reproché aux plaignants de ne pas avoir précisé quelles mesures du Plan de protection de l’atmosphère francilien seraient fautives. Alors que se profile une sévère condamnation de la France, puisque la Commission européenne attaque celle-ci pour les mêmesraisons, les Amis de la Terre Paris ont l’intention de faire appel.

A65!: avènement d’un échec annoncé Inaugurée en décembre 2010, l’autoroute A65, longue de 150 km et reliant Langon (Gironde) à Pau (Pyrénées-Atlantiques) confirme toutes les critiques avancées depuis la formulation du projet. Seuls 4 000 véhicules l’empruntent quotidiennement, alors que certains élus obsédés de “développement” en annonçaient 20 000.L’échec n’affectera pas beaucoup A’lienor SAS, puisque le contrat de concession lui assure le paiement par la collectivitéd’une!indemnité de plusieurs millions d’euros par an. En attendant, 20 000 hectares de terres ont été artificialisés par l’autorouteinterurbaine la plus chère de France.

Pourquoi vouloir toujours un nouveau modèle ? Pourquoi tant de gadgets inutiles… et polluants ?

L’outarde canepetière, star du coussoul.©

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Après un Noël faste pour les produits high-tech (1,7 million de smartphones et plus de400 000 tablettes vendus pour des millionsd’euros de chiffre d’affaires), l’engouementpour ces produits se poursuit avec lessoldes. Apparus il y a peu mais présentés àgrand renfort de publicité comme indispen-sables, l’iPad et les tablettes (dont l’utilitéest discutable) sont parvenus à s’imposersur le marché, s’ajoutant à d’autres équipe-ments – téléviseurs à écrans plats, cadrespour photos numériques ou autres télé-phones portables… Plus fins, plus légers,ces nouveaux objets de convoitise ont néan-moins un impact environnemental très lourd.

Plus petits : plus d’impactsPour accroître la durée de vie de leurs bat-teries, augmenter leur rapidité ou pousserleur miniaturisation à l’extrême, la fabricationde ces biens requiert un nombre croissantde métaux. Les composants de nos pro-duits high-tech en intègrent des dizaines,comme les terres rares, le lithium, le coltan…Et, pour chacun d’eux, la demande mon-

diale ne cesse de croître. Les marchés sontsous pression et la course à l’exploration età l’appropriation de nouvelles mines est re-lancée. Or, l’extraction minière, particulière-ment polluante et consommatrice de res-sources naturelles, est également con nuepour les conditions souvent excécrables quecette industrie réserve à ses travailleurs.

Au vu de l’explosion de ces gadgetsnouvelle génération, l’ère de la rareté sedessine pour un nombre croissant de maté-riaux. Dirigeants économiques et politiquestentent de sécuriser les circuits d’approvi-sionnement, et s’intéressent peu à la notionde sobriété qui serait pourtant une réponsesimple, de bon sens et de moindre coût.

Réparation et réemploi, priorité n°1En outre, ces produits sont conçus pourêtre rapidement obsolètes. Leur répara-tion, trop rarement envisagée par lesconsommateurs, est encore plus rarementsuggérée en magasin (ou alors pour uncoût dissuasif) et l’achat d’un nouveau pro-duit, supposé plus “performant”, est privi-

légié. Les téléviseurs, smartphones ou ta-blettes peuvent cependant être rapportéschez les vendeurs, ce qui est préférable àla mise en décharge ou à l’incinération– même si le recyclage de ces produits estloin d’être au point. Par exemple, il n’existe pas de procédépour recycler les terres rares. Quand latechnique de recyclage est disponible, lecritère économique prévaut toujours sur laréduction de l’usage des ressources nonrenouvelables.

Pour les Amis de la Terre, des alterna-tives existent pour réduire le poids envi-ronnemental lié à la fabrication des pro-duits high-tech et aux déchets qu’ils gé-nèrent!: la sobriété dans la consommationde ces produits, l’allongement de leur duréede vie, la réparation ou le don à des asso-ciations qui vont les réutiliser en sontquelques-unes... > CAMILLE LECOMTE

Chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables

En savoir plus :www.amisdelaterre.org/obsolescence

Page 7: La Baleine 168

13

en eau, l’extractivisme forcené des hydrocarbures non conven-tionnels pousse encore dans ce sens. Au Brésil, l’extractioncroissante de minerais conduit à la multiplication de grands bar-rages pour alimenter les usines de transformation (voir pp. 16-17). Tout cela contribue à augmenter la pression sur les res-sources en eau.

Urgence pour préserver le droit à l’eauDes changements fondamentaux des modes de production et deconsommation de notre société sont essentiels et urgents. D’ici à2025, les prélèvements d’eau devraient encore augmenter de 50 %dans les pays en développement et de 18 % dans les pays déve-loppés. A cette date, environ 1,8 milliard de personnes dans lemonde devraient vivre dans des pays ou des régions connaissantdes pénuries d’eau tandis que les deux tiers de la population mon-diale seront sous conditions de stress hydrique2. Le Forum alter-natif mondial sur l’eau, qui se tiendra en mars 2012 à Marseille, rap-pelle que l’eau doit être source de vie et non de profit (voir p. 18).

La demande de plus en plus importante en eau douce nepeut infiniment être satisfaite, et le droit humain à l’eau et à l’as-sainissement doit être défendu. “Ceux qui consomment plus que

leur part – si celles-ci étaient réparties entre tous les êtres hu-mains de façon équitable – devront réduire leur consommationde façon significative pour permettre aux générations présenteset futures d’atteindre un niveau de vie correct”, rappellent lesAmis de la Terre Europe. Cela passe par exemple par la diminu-tion de la consommation de viande et l’interdiction de program-mer l’obsolescence des biens. Cela revient surtout à nous inter-roger sur le lien entre utilisation des ressources naturelles, crois-sance économique et prospérité de nos sociétés.

> SOPHIE CHAPELLE ET CAROLINE HOCQUARD

1 Ce rapport a été réalisé dans le cadre du projet européen RedUse qui vise à mettre en évidence les niveaux de ressources naturelles

consommées en Europe et les conséquences de la surconsommation sur l’environnement et dans les pays du Sud. Des pays du Nord et du Sud y participent!: Angleterre, pays de Galles et Irlande du Nord, Républiquetchèque, France, Italie, Hongrie, Brésil, Cameroun, Chili et Togo). Les principaux porteurs du projet sont Friends of the Earth Europe, Global 2000 (Autriche) et le Sustainable Europe Research Institute (SERI).Pour lire le rapport!: http://www.amisdelaterre.org/Surconsommation-une-menace-sur-l.html 2 Alternatives Économiques, hors-série “L’économie durable”, 4e trimestre 2009.

12

Nos écosystèmes n’ont jamais autant été sollicités. Au cours destrois dernières décennies, l’exploitation mondiale des ressourcesa augmenté d’environ 60 %. Les quantités de ressources ex-traites sont ainsi passées de moins de 40 milliards de tonnes en1980, à plus de 60 milliards de tonnes en 2007. Soit 25 kg parjour et par habitant ! “Nous vivons une époque caractérisée pardes habitudes de consommation élevées qui dépassent les ca-pacités des écosystèmes mondiaux à faire face et à se régéné-rer”. Ce constat sans appel est dressé dans le nouveau rapportdes Amis de la terre Europe, intitulé Surconsommation, une me-nace sur l’eau1. L’extraction et le traitement des matières pre-mières exigent souvent d’autres ressources, au premier rang des-quels on trouve l’eau. Aujourd’hui, une minorité de la populationmondiale exploite l’eau de manière excessive tandis que des mil-liards d’habitants manquent toujours des services en eau les plusélémentaires. 1,1 milliard de personnes n’ont toujours pas accèsà l’eau potable dans le monde, 2,6 milliards ne bénéficient pas desystème d’assainissement de base.

Ce déséquilibre est à l’origine de conflits, de plus en plus nom-breux, dans les régions du monde où cette ressource est rare.

Disparités extrêmesEn moyenne, un habitant de l’Amérique du Nord consomme laplus grande quantité au monde en eau et en matières premières(respectivement 7 700 litres/jour et 100 kg/jour).

L’Européen, quatrième plus gros consommateur d’eau par ha-bitant au niveau mondial, utilise en moyenne cinq à huit fois plusd’eau par jour qu’un Africain (qui en consomme 3 400 litres/jour).L’utilisation de l’eau par secteurs de production est par ailleurs trèsdisparate selon les régions du monde. Au niveau mondial, l’agri-culture est de loin la plus grande consommatrice d’eau (92 %). Cecalcul prend en compte non seulement l’eau extraite pour l’irriga-tion, mais aussi les eaux des pluies utilisées de fait par les plantes.Ainsi, la production – et l’importation – de denrées agricoles dansdes pays où le climat favorise l’évaporation pèse beaucoup sur lerenouvellement des ressources hydriques.

Au niveau européen, cependant, c’est l’industrie quiconsomme le plus d’eau (67,4 % de la consommation totale),suivie par le secteur domestique (18,9 %) et l’agriculture (13,7 %).En termes d’extraction, toujours en Europe, l’énergie draine les

plus grandes quantités d’eau pour le refroidissement (45 %), suivipar l’agriculture (22 %), l’approvisionnement en eau potable(21 %) et l’industrie (12 %). Les courbes régionales ou nationalespeuvent dévier de façon significative de ces moyennes. En Eu-rope du Sud, l’agriculture nécessite plus de 50 % de l’extractionde l’eau (plus de 80 % pour certains pays), alors qu’en Europeoccidentale ce chiffre est réduit à quelques pourcents. Cesgrands écarts sectoriels montrent bien que la façon dont est uti-lisée l’eau est liée à la structure économique et aux habitudes deconsommations d’un pays. De plus, les fortes consommationsd’eau reposent bien souvent sur des importations…

Bouleversement des écosystèmes locauxL’eau est bel et bien devenue un enjeu géopolitique, en mêmetemps qu’une ressource soumise aux lois de la mondialisation.Une étude internationale allant de 1997 à 2001 a montré que16 % de l’utilisation mondiale de l’eau est destinée à la produc-tion de marchandises vouées à l’exportation, et non à la consom-mation domestique. Ainsi, bien que ce soit d’une façon plussous-jacente, l’eau circule avec les flux commerciaux, comme lesautres ressources. Les concepts d’eau “virtuelle” – ou “incorpo-rée” – dans les produits et d’“empreinte eau” visent justement àrendre cette réalité tangible pour les citoyens et les décideurs(voir “Des outils…”, p. 14). Cette analyse est fondamentale, carles importantes quantités d’eau nécessaires aux processus deproduction affectent les écosystèmes aquatiques qui, quand ilssont trop dégradés, ne sont plus aptes à fournir de l’eau doucepotable aux populations locales.

La pollution est aussi une cause grave et majeure de cettedégradation. En France, malgré sa faible part relative dans l’ex-traction d’eau totale du pays, l’exemple de l’agriculture montrebien cependant que, pratiquée de façon intensive, elle reste unequestion centrale à règlementer pour assurer la préservation dela qualité des ressources en eau (voir p. 15). L’épandage exces-sif de lisier et, partout dans le monde, la surconsommation defertilisants chimiques provoquent des problèmes majeurs : modi-fication des cycles de l’azote et du phosphore, pollution des eaux– fleuves, lacs, océans – et de l’atmosphère…

L’énergie, dont dépend le modèle consumériste, est aussitrès gourmande en eau. Usant de méthodes très dispendieuses

DOSSIER

Surconsommation et eauLa cote d’alerte

L’eau est une devenue une ressource mondialisée. D’immenses flux d’eau “virtuelle” (“incorporée” dans les produits que nous consommons) peuvent être mis à jour. Les Européens,les Nord-Américains et les habitants de l’Océanie sont ceux qui importent les plus grandes quantités de ressources

naturelles des autres régions du monde pour maintenir leur niveau et leur mode de consommation. De grandsimportateurs peuvent aussi être de très gros exportateurs. La structure économique et la spécialisation commerciale de chaque pays expliquent ces flux.

© Sébastien Legoyet. Source : rapport “Virtual water trade” de Hoekstra, A. Y. et Hung P.Q.

Dans la plupart des régions du monde où il n’y a pas de système d’adduction d’eau à domicile, ce sont les femmes qui assurentl’approvisionnement en eau du foyer (ici, en Inde). Parfois très éloignées de l’habitat, les sources d’eau peuvent cependant être polluées par des industries locales qui exportent des biens de consommation vers les pays occidentaux.

Quantités d’eau virtuelle importées et exportées dans le monde(par personne par an)

L’extraction, le traitement et la transformation des matières premièresexigent souvent d’autres ressources, au premier rang desquels on trouvel’eau. Aujourd’hui, une minorité de la population mondiale exploite l’eau de manière excessive tandis que des milliards d’habitants manquenttoujours des services en eau les plus élémentaires.

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En décembre 2001, le gouvernement français a discrètementchoisi de consulter le public sur des projets d’arrêté et de décretvisant à supprimer l’interdiction d’augmentation des cheptelsdans les zones d’excédents structurels de lisier. Ce projet, quiajoutera incohérence et opacité à la politique publique de luttecontre les pollutions des eaux, n’est que le point d’orgue d’unesérie de décisions à contre-courant des défis écologiques. L’ar-rêté du 19 décembre 2011 autorise ainsi l’épandage de lisier surles couverts végétaux – quand ceux-ci sont justement destinés àretenir les excès d’azote dans les sols durant l’hiver. Le texte pré-voit également le relèvement des normes de production d’azotepour les vaches laitières. Le 11 octobre dernier, un décret relevaitpurement et simplement les plafonds d’épandage. La distance li-mite d’épandage par rapport aux cours d’eau avait déjà été ré-duite à 10 mètres – pour 35 auparavant.

Pesticides-azote, cocktail indémodableLes pollutions de la ressource en eau sont très majoritairementcausées par l’activité agricole intensive – azote (issu principale-ment des lisiers) et pesticides. Rien qu’en Bretagne, la région laplus touchée par le phénomène, les animaux d’élevage produi-sent 227 000 tonnes d’azote par an. D’après l’association Eauxet Rivières de Bretagne, la pollution des eaux aux pesticides estmaintenant permanente et de plus en plus de molécules diffé-rentes sont détectées dans les échantillons. Lutter contre la pol-lution aux nitrates est d’abord apparue comme un enjeu de santépublique. La réglementation appliquée en France est issue desnormes européennes. Ainsi la teneur en nitrates de l’eau alimen-taire (du robinet) ne doit jamais excéder 50 mg/l. Celle de l’eau“brute” (prélevée dans les milieux naturels et destinée à l’alimen-tation après captage et distribution) ne peut dépasser 100 mg/l.

Dès lors, comment concilier des normes sanitaires et un sys-tème agricole intensif grand producteur d’azote et de rejets depesticides ? Loin d’orienter les politiques publiques vers des ac-tions préventives, la stratégie française consiste uniquement à dé-velopper de coûteuses politiques de dépollution et de potabilisa-tion de l’eau, tout en encourageant l’agriculture productiviste.

Non content d’être écologiquement le plus désastreux, cechoix est aussi le plus onéreux. La Cour des comptes estimait en2010 que les traitements a posteriori de l’eau destinée à laconsommation coûtent 2,5 fois plus cher au mètre-cube traitéque les politiques de prévention des pollutions.

Dans un rapport sur le coût des principales pollutions agri-coles, paru en septembre 2011, le Commissariat général au

développement durable (CGDD) précise que les dépenses sup-plémentaires supportées par les ménages, liées aux excédentsd’azote et de pesticides d’origine agricole, se situeraient entre1 000 et 1 500 millions d’euros, soit 7 à 12 % de la facture del’eau en moyenne. À ces dépenses, il faut ajouter celles des col-lectivités locales littorales dues à l’eutrophisation – phénomènedes marées vertes – estimées entre 100 et 150 millions d’euros.Enfin, pour dépolluer le stock des eaux souterraines, ce sont, auminimum, 522 milliards d’euros qu’il faudrait débourser. Et l’Étatpaie les amendes liées aux contentieux communautaires pournon-respect des directives européennes.

La Bavière montre l’exempleLe CGDD cite la Cour des comptes pour qui ces résultats édifiantssont dus à “l’insuffisante volonté de l’État de remettre en causedes pratiques agricoles durablement marquées par l’encourage-ment au productivisme et le choix d’une agriculture intensive”. Lessurcoûts liés à cette stratégie curative sont donc essentiellementsupportés par les ménages, d’après les économistes du CGDD. Àces chiffres peuvent s’ajouter d’autres pertes potentielles : ostréi-culture, tourisme, pêche, mais aussi chute de la biodiversité, dé-gradation durable ou irréversible des écosystèmes, etc.

Des exemples connus montrent pourtant la voie. En Bavière,la municipalité de Munich s’est associée à l’État pour accompa-gner financièrement et techniquement les agriculteurs des terressituées à proximité des captages d’eau potable (6 000 ha) à seconvertir à l’agriculture biologique. 83 % de ces terres sont main-tenant cultivées sans intrants chimiques, avec une bonne gestionde l’azote! : les teneurs en nitrates de l’eau potable ont diminuéde 43 % en 14 ans, et celle des pesticides, de 54 %.

> LUCIE LEBRUN

En savoir plusEau et Rivières de Bretagne http://www.eau-et-rivieres.asso.frRapport du Commissariat général au développement durablehttp://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED52.pdf

France Eau et agriculture : une politique publiqueincohérente et régressiveL’année 2011 en France a été marquée par des décisions déréglementant l’agriculture conventionnelle.Les conséquences sur une ressource en eau seront lourdes, écologiquement et financièrement.

14 DOSSIER SURCONSOMMATION ET EAU : LA COTE D’ALERTE

L’eau est nécessaire pratiquement à chaqueétape du cycle de vie des produits, depuisl’extraction des matières premières à leurtransformation, leur distribution, leur recy-clage, jusqu’à la fin de leur vie. Chaque pro-duit contient donc une certaine quantitéd’eau dite “incorporée”, ou “virtuelle”. Cesquantités sont considérables, et nousconsommons ainsi davantage d’eau defaçon indirecte que de façon directe (pourboire ou se laver).

Concours de tee-shirts mouillés140 litres d’eau pour la tasse de café dumatin, 9 litres pour 1 litre d’eau embouteil-lée!: ces chiffres interpellent sur la nécessitéde réduire nos consommations.

Nos habitudes carnivores sont notam-ment très coûteuses en eau. Le poulet est leplus économe, avec tout de même 432 litrespour 100 grammes, la palme revenant à laviande bovine, avec 15 415 litres d’eau par kilogramme. Quand onsait qu’un Français consomme 25,4 kg de viande bovine par an(sur un total de consommation de viande de 87,8 kg par personneet par an – chiffres France AgriMer 2009), le calcul est ravageur.

Mais les immenses quantités de produits d’importation quenous consommons détournent de l’eau des écosystèmes un peupartout sur la planète. L’empreinte eau totale de la France (c’est-à-dire le volume total d’eau douce utilisée pour produire les bienset services consommés par les habitants), pèse pour près de lamoitié (47,3 %) sur d’autres pays.

Par exemple, parmi les produits les plus caractéristiques de lamondialisation de la production, et donc de la délocalisation denotre empreinte eau, un simple tee-shirt en coton équivaut à uneconsommation de 2 700 litres d’eau. Environ 45 % de cette eauincorporée dans le textile cotonnier provient de l’irrigation consom-mée par les plantes de coton. La pluie évaporée durant la crois-sance du cotonnier représente 41 %, et l’eau nécessaire pour di-luer les eaux usées provenant de l’utilisation de fertilisants dansles champs et des produits chimiques dans l’industrie textile,14 %. Sans compter les processus de transformation (nettoyage,tissage, teinture…) et le long voyage à travers le monde que faitnotre tee-shirt avant d’arriver dans nos magasins.

“Paradoxalement, notre système économique mondialisé et lacourse aux produits toujours moins chers ont conduit beaucoupde pays riches en eau à être dépendants des importations d’eau

virtuelle provenant de pays pauvres en eau”, note le rapport desAmis de la Terre Europe intitulé Surconsommation, une menacesur l’eau (voir pp. 12-13 et ci-dessous). Plus de 80 % de l’em-preinte eau de la consommation cotonnière européenne se situeen dehors de l’Europe. L’Afrique de l’Ouest s’est spécialisée dansl’exportation de coton. Mais, dans ces régions arides, cette cul-ture, qui nécessite d’importantes quantités d’eau, affecte profon-dément les écosystèmes et la vie des populations locales.

Réduire notre empreinte Le niveau élevé d’utilisation de l’eau dans les pays industrialisés,et en Europe en particulier, est caractéristique du niveau alarmantd’utilisation des ressources par une minorité de la populationmondiale. L’empreinte eau, d’un pays à l’autre, varie considéra-blement! : ainsi la Chine, usine du monde, ne consomme pourses propres besoins que 1 070 m3 par personne et par an, tan-dis qu’aux États-Unis le mode de vie repose sur une consom-mation de 2 480 m3.

Ce déséquilibre est à l’origine de conflits, de plus en plus nom-breux, dans les régions du monde où cette ressource est rare. Pourun partage équitable des ressources entre tous les êtres humains,les Européens doivent réduire significativement leur empreinte, ettravailler à construire une société soutenable.> CAMILLE LECOMTENote!: La méthodologie de l’empreinte eau provient du Waterfootprint Network,Pays-Bas. http://www.waterfootprint.org

Empreinte eau De l’eau plein nos placardsDerrière le commerce mondialisé de produits alimentaires et manufacturés se cachent d’énormes flux de ressources naturelles, et notamment d’eau. Il est urgent de comprendre les impactsde notre niveau de consommation sur la ressource en eau de notre planète.

Des outils pour une meilleure gestioninternationale de l’eauLe rapport des Amis de la Terre Europe Surconsommation!: unemenace sur l’eau, destiné notamment aux décideurs, veut aider àconstruire une vision globale et plaide pour “un cadre politique quiintègre les liens entre les ressources naturelles”. Il s’agit de pren-dre en compte l’empreinte eau de chaque pays en fonction deses habitudes de consommation et les flux d’eau exportés et im-portés. Dans l’idéal, “les pays dont les ressources en eau sont li-mitées devraient se concentrer à produire ce qui utilise peu d’eau,et importer ce qui en nécessite beaucoup. Les pays riches en eaudevraient, eux, se spécialiser dans l’exportation de produits coû-teux en eau.”

Cela est d’autant plus important que certaines régions en fortecroissance démographique disposent de ressources qui, compa-rativement, sont très restreintes. La situation est particulièrement

tendue en Asie, qui abrite 58 % de la population mondiale, avecseulement un tiers des ressources en eau de la planète*.

Stephan Lutter, chercheur au Sustainable Europe ResearchInstitute, qui a travaillé sur le rapport, insiste aussi sur l’importancede connaître plus précisément les zones en stress hydrique. “L’in-dicateur majeur utilisé est l’indice d’exploitation des ressources eneau – pourcentage de l’eau extraite par rapport aux réservesd’eau renouvelables d’une zone. Malheureusement, les donnéesconcernent souvent des zones trop grandes – en général l’échelled’un pays, ce qui ne révèle pas les fortes disparités de la réparti-tion de l’eau. Améliorer la qualité des données qui servent debase aux politiques de l’eau est indispensable.”

> CAROLINE HOCQUARD* Alternatives Économiques, Hors-série “L’économie durable”, 4e trimestre 2009.

L’Afrique de l’Ouest, spécialisée dans l’exportation du coton, est affectée par cette culture qui nécessite beaucoup d’eau.

Les marées vertes en Bretagne, conséquence avérée des lisiers.

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Si le Brésil a provisoirement gelé son programme nucléaire, il ac-célère par ailleurs la construction de grands barrages en Amazo-nie. Le gouvernement vient de lancer la construction du troisièmeplus grand barrage du monde sur l’un des principaux affluents del’Amazone, le Rio Xingu, dont 80 % du débit sera détourné. Laconstruction de ce barrage de 6 km de large nécessitera de creu-ser deux énormes canaux de 500 m de large et de 75 km de long,soit l’équivalent du canal de Panama au milieu de la forêt! ! Lesdeux réservoirs de Belo Monte inonderont 600 km2 de forêts tro-picales, entraînant la destruction de la biodiversité le long du Xingu.

Une énergie propre, vraiment ?De nombreuses études prouvent que la décomposition des forêtsimmergées dans les réservoirs libère de grandes quantités de gazà effet de serre, tels le méthane et le protoxyde d’azote – respec-tivement 25 et 300 fois plus puissants que le CO2. Officiellement,il a été promis de couper les arbres avant la mise en service dubarrage, mais tout le monde est sceptique quant à la façon dontle consortium compte s’y prendre pour couper une telle surfaceforestière en si peu de temps…

Le barrage provoquera le déplacement de plus de 20 000 per-sonnes, et mettra en péril la survie des populations indigènes.Pour les paysans pauvres vivant aux abords du Rio Xingu, les em-plois temporaires créés par le barrage ne remplaceront pas dura-blement la perte de leurs terres agricoles et la diminution des ré-serves de poissons. Belo Monte pourrait attirer jusqu’à 100 000 mi-grants dans la région alors qu’au plus fort de la construction,seulement 40 000 emplois seront créés et 2 000 sur le long terme.L’arrivée massive de migrants dans une zone où rien n’est prévupour un tel afflux de population ne manquera pas d’alimenter lestensions sociales.

Avec un coût estimé à 17 milliards de dollars et une capacitéde production de 11 233 MW (l’équivalent d’environ 11 tranchesélectronucléaires), le barrage ne produirait que 1 000 MWpendant les trois ou quatre mois de saison sèche. Une récenteétude a révélé la forte probabilité que les coûts du barrage de

Belo Monte soient supérieursaux bénéfices. 80 % du finan-cement de ce projet est as-suré par la Banque nationalede développement brésilienne(BNDES) qui réalise là le plusgrand prêt de l’histoire.Seulement deux tiers de l’élec-tricité seront destinés aux ci-toyens brésiliens, le tiers res-tant à l’industrie minière, doncà l’extraction et à la transfor-mation des minéraux. Desconcessions ont déjà été attri-buées pour l’installation de cetype d’usines près du site deconstruction du barrage. Legouvernement a égalementprévu d’investir 40 milliards dedollars dans l’exploitation dufer, du cuivre, de la bauxite etdu nickel en 2014. Autant d’ac-tivités connues pour leurs ca-ractères néfastes pour l’hommeet l’environnement.

Une tendance mondialeL’exemple de Belo Monte s’ins-

crit dans une tendance mondiale. Les investisseurs publics et pri-vés – institutions financières internationales en tête (Banque mon-diale et Banque européenne d’investissement, ou BEI) – fontpreuve d’un intérêt renouvelé pour les grands barrages, en jouantla carte de la lutte contre le changement climatique et la pauvreté.

Ces constructions titanesques présentent pourtant des im-pacts socio-environnementaux désastreux, sans jamais répondreaux besoins des populations. Ainsi, 90 % de l’électricité produitepar le barrage de Nam Theun 2, au Laos, est exportée vers la Thaï-lande. Au Cameroun, où plus de la moitié de la population n’a pasaccès à l’électricité, la BEI s’apprête à financer la construction dubarrage de Lom Pangar, qui permettra l’expansion d’une usine defonte d’aluminium utilisant déjà à elle seule la moitié de l’énergiedu pays. En République Démocratique du Congo, les barrages deInga 1 et 2 ont reçu le soutien de la BEI mais leur production estessentiellement destinée aux mines du Katanga… tant et si bienque seulement 11 % de la population a accès à l’électricité.

Pour répondre aux besoins en électricité des populations etassurer le respect de notre espace écologique, d’autres solu-tions sont envisageables, comme par exemple l’investissementdans l’efficacité énergétique. D’après une étude de 2007, le Bré-sil pourrait réduire la demande attendue pour l’électricité de40 % d’ici à 2020 s’il investissait dans l’efficacité énergétique.L’énergie ainsi économisée – jusqu’à 19 millions de dollars – se-rait équivalente à 14 centrales hydroélectriques comme celle deBelo Monte.

Des alternatives décentralisées réellement renouvelables exis-tent, comme la petite hydroélectricité – moins de 10 MW, selon ladéfinition de l’Agence internationale de l’énergie. Elle présente ledouble avantage d’avoir peu d’impacts et de répondre aux be-soins des communautés locales dispersées. Au Népal, la petitehydroélectricité a permis de fournir de l’électricité à environ40 000 ménages, tout en dynamisant un développement ruralsoutenable à travers la protection de l’environnement et la créa-tion d’emplois. > RONACK MONABAY

Chargé de campagne Institutions financières internationales

Barrages géants, climat et énergieUn choix délétèreÀ l’heure des dérèglements climatiques, les partisans des grands barrages les présentent comme étant une “énergie propre, compétitive et 100 % renouvelable”, à même de répondre aux besoins des 2 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. C’est pourtant loin d’être le cas.

16 DOSSIER SURCONSOMMATION ET EAU : LA COTE D’ALERTE

C’est le métal le plus léger au monde. Surnommé “or blanc”, le li-thium est partout autour de nous : dans les batteries des voituresélectriques, des appareils photo, des ordinateurs ou des télé-phones portables. Chili, Bolivie et Argentine sont les pays qui com-posent “le triangle du lithium”. D’après l’institut américain de veillegéologique, la Bolivie renfermerait dans son sous-sol près de 40!%des réserves mondiales. L’extraction a d’ores et déjà commencéau Chili, à l’extrême nord du pays, dans le salar (désert de sel)d’Atacama. Dans cette zone, parmi les plus sèches de la planète– 1 mm de pluie tous les cinq à vingt ans à certains endroits –,deux compagnies, la Sociedad quimica minera de Chile (dirigéedepuis sa privatisation par l’ancien gendre du général Pinochet) etla Canada lithium corporation, produisent 58 % du lithium mondial.

10 000 à 15 000 m3 d’eau par fracturation hydrauliqueLa production de lithium nécessite d’importantes quantitésd’eau. Car la saumure (solution aqueuse saturée en sel conte-nue dans les nappes phréatiques) est pompée en surface etétendue dans les bassins d’évaporation. Le problème est qu’au-cune mesure n’est mise en œuvre pour récupérer l’eau évapo-rée des bassins et la réinjecter dans la nappe phréatique. Lesdommages causés par l’extraction du lithium sont déjà visibles.Semblable à un immense champ labouré, le plateau d’Atacama,d’où s’élèvent d’énormes montagnes de sel blanc brillant, nemontre plus aucun signe de vie animale. Seuls des canauxénormes et des pistes parcourant le désert charrient de l’eau,gravement polluée.

L’exploitation à grande échelle de la nature et de ses res-sources empiète sans cesse sur de nouveaux espaces – aupara-vant considérés comme “improductifs” –, mettant de plus en plusen péril la disponibilité et la qualité de l’eau. Si ce type d’exploi-tation s’accélère comme jamais dans les pays du Sud, il n’épargnepas non plus les pays du Nord. En Alberta, une province du Ca-nada, les compagnies pétrolières pompent l’eau sans ménage-ment en vue d’exploiter les sables bitumineux (tar sands). Pour lesextraire, il faut en effet une quantité phénoménale de vapeur

d’eau : pour produire un seul baril de pétrole, le volume d’eau uti-lisé équivaut au moins à deux barils, proportion qui peut varierjusqu’à cinq… La production de ce pétrole non conventionnelconsomme ainsi dix fois plus d’eau que celle du pétrole classique.

L’exemple des gaz de schiste est à ce titre emblématique.Pour extraire ce gaz naturel non conventionnel, les compagniesont développé la fracturation hydraulique (fracking). Cette tech-nique consiste à injecter à haute pression, à plusieurs kilomètresde fond, de l’eau mélangée à du sable et des produits chimiquesafin de libérer le gaz. Mais le fracking nécessite énormémentd’eau, entre 10 000 et 15 000 m3 par fracturation, et plusieursfracturations peuvent être menées sur un même puits. Les imageschoc du documentaire “Gasland” – de l’“eau” du robinet prenantfeu – ont révélé la contamination en méthane des puits d’eau po-table situés à moins d’un kilomètre des sites d’hydrofracturation.Alors que les actions contre l’exploitation du gaz de schiste semultiplient dans le monde pour obtenir des moratoires ou de nou-velles régulations, une guerre autour de l’or bleu se profile.

Le profit l’emporte trop souvent sur le droit à la vieDans de nombreux pays, la pression industrielle sur les nappesphréatiques menace de plus en plus les réserves d’eau doucedisponibles, qui déjà ne représentent que 3 % des ressources hy-driques de la planète. Selon le dernier rapport de l’ONG Solidari-tés International, en 2011, 884 millions de personnes n’avaienttoujours pas accès à l’eau potable. Face à ce problème, les prin-cipaux bailleurs de fonds des pays pauvres – comme la Banquemondiale ou le FMI – préconisent aux gouvernements de privati-ser leurs réseaux de distribution d’eau. Mais, sans surveillanceexigeante des autorités, la logique du profit l’emporte sur le droità la vie. Dans les villes boliviennes de Cochabamba et El Alto, detelles mesures s’étaient soldées en avril 2000 par quatre-vingt-dixjours d’émeutes, frisant la guerre civile. Dans un contexte exa-cerbé de crise énergétique, humanitaire et climatique, l’intérêt desinvestisseurs de se placer sur le marché de l’eau apparaît de plusen plus limpide. > SOPHIE CHAPELLE ET CYRIL FLOUARD

Extraction Lithium, gaz de schiste, sables bitumineux… que d’eau, que d’eau !Des quantités astronomiques d’eau sont utilisées pour forer toujours plus profond, au mépris des besoins des communautés locales. Du Brésil à la Chine, en passant par la Bolivie et l’Alberta, la guerre silencieuse de l’eau est à l’œuvre.

Dans le désert d’Atacama, au Chili, où l’on extrait du lithium, il n’y a aujourd’hui plus aucun signe de vie animale.Construction du barrage de Nam Theun 2, au Laos, en 2008. Aujourd’hui, 90 % de sa production électrique est exportée vers la Thaïlande.

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18 DOSSIER SURCONSOMMATION ET EAU : LA COTE D’ALERTE

Alternatives L’eau, source de vie, pas de profitDu 14 au 17 mars 2012, à Marseille, se tiendra le Forum alternatif mondial de l’eau. Membre du comité d’organisation et président de la Coordination Eau Île-de-France, Jean-Claude Olivarevient sur les enjeux de cet événement dont les Amis de la Terre sont partie prenante.

L’eau, c’est la vie, mais c’est souventaussi la mort. La moitié des lits d’hô-pitaux dans le monde sont occupéspar des malades victimes d’eaux pol-luées, contaminées. C’est le quotidiendes pays les plus pauvres. En France,les nappes souterraines comme lesfleuves recèlent des cocktails de pes-ticides, des nitrates à l’origine de laprolifération des algues vertes, et de-main, si l’on n’y prend garde, on y re-trouvera le cortège des substances chi-miques utilisées pour l’extraction desgaz et huiles de schiste. Cela ne peutêtre sans conséquences. Qualité del’eau et santé de la population sontpartout étroitement liées.

À cet enjeu social et humain seconjugue le désastre environnemen-tal de masses d’eau dénaturées, defleuves morts qui n’arrivent plusjusqu’à la mer. Préserver la ressource,c’est garantir l’accès à l’eau potablepour tous les êtres vivants. Les pou-voirs publics se sont le plus souvent avérés incapables de ré-pondre à ces défis. L’alpha et l’oméga de leur pensée et de leuraction a été de transformer l’eau en marchandise. Ce sera en-core une fois le message sans surprise qui sortira du Forummondial de l’eau, organisé par le Conseil mondial de l’eau – unorganisme présidé par le P.-D.G. de la Société des eaux de Mar-seille, une filiale de Veolia. On n’est décidément jamais mieuxservi que par soi-même!!

“Ça s’écrit EAU, ça se lit démocratie!!”Le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME), dont la manifestationprincipale se tiendra du 14 au 17 mars 2012 au Dock des Sudsà Marseille, mettra en évidence les alternatives à cette impassedramatique. Des alternatives en termes de modes de gestion,comme la remunicipalisation de l’eau à Paris ou des gestions pu-bliques d’un autre type – communautaires et citoyennes – commecelle que soutient Emmaüs-International au lac Nokoué au Bénin.Des alternatives écologiques, également, qui sont autant d’alter-natives au modèle industriel au “tout réseau” que nous connais-sons dans les pays développés. Sans oublier des alternatives ci-toyennes, à l’instar du référendum contre les lois de privatisation

remporté par le mouvement italien en juin 2011 (voir ci-dessous).Bref, le FAME ne sera pas seulement un forum anti-privatisation ouun contre-forum, il a aussi pour ambition de relever le défi de lacrise mondiale de l’eau dans toutes ses dimensions.

Le combat pour le droit humain à l’eau et à l’assainissement,mené par les associations, les élus et les populations depuis vingtans dans le monde entier, a connu une consécration historiqueavec la reconnaissance de ce droit fondamental par l’Assembléegénérale des Nations unies, le 28 juillet 2010, à l’initiative de laBolivie. Le FAME célébrera cet événement et lancera la nouvelleétape, qui consiste à rendre effectif le droit à l’eau et à l’assainis-sement. Ce droit reconnu à chaque être humain exige des enga-gements collectifs forts des pouvoirs publics.

Mais comment peut-on reconnaître le droit humain à l’eau,d’un côté, et, de l’autre, tolérer l’exploitation des gaz de schistequi va dégrader cette même ressource à une échelle inédite!? Ledroit humain à l’eau ne pourra pas se réaliser sans respect del’environnement ni sans un développement réel de l’information etde la participation du public. Ce sont toutes ces dimensions quiseront mises en avant au FAME. > JEAN-CLAUDE OLIVAPlus d’informations sur http://www.fame2012.org

Le 13 juin 2011 a marqué un succèshistorique pour les militants de l’eau du monde entier. À l’occasion d’un référendum d’initiative populaire en Italie, 95 % des votants se sontexprimés en faveur de l’eau publique, et contre les profits sur ce biencommun. Ce référendum populaire est né de l’initiative des comitéscitoyens pour l’eau publique de toutel’Italie, coordonnés depuis 2006 par le Forum italien des mouvements

pour l’eau publique. La Constitutionitalienne prévoit que, pour proposer un référendum abrogatif, il est nécessaire de recueillir500 000 signatures. En moins de troismois, les comités citoyens en ontrassemblé plus de 1,4 million. Jusqu’au référendum, fixé aux 12 et 13 juin, l’information a été dérisoire. “Le plus dur n’était pas de convaincreles gens de voter OUI pour l’eaupublique, mais de les informer qu’il y

avait un référendum et de faire en sortequ’ils aillent voter”, rappelle RaphaëlPepe, membre du comité référendairepour l’eau bien commun. C’est doncdans les rues, les écoles, les universités, en participant à tous les événementspublics, en organisant des conférences,des débats, des forums, des fêtes queles comités citoyens ont fait campagne.Et si, en France, nous suivions lechemin de cette dynamique citoyenne ?

> SOPHIE CHAPELLE

RéférendumL’Italie a dit oui à la défense du bien commun

Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu le droit humain à l’eau et à l’assainissement.

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L’appel de Gaïa Quand la Terreapostrophe les humainsJean-Claude Pierre (Liv’Éditions, 15!, 141 pages)Cofondateur du réseau Cohérence, Jean-Claude Pierre est un militant bretoninfatigable, et un fin pédagogue qui saitdistiller ses messages et convaincre par l’exemple. Ce livre est le reflet de son parcours et de sa réflexion. Il s’ouvre sur le texte d’une mise en scène– dans laquelle Gaïa, notre bonne vieilleTerre, se réveille au milieu d’un salonécologiste à Lorient pour interpeller les visiteurs – et se poursuit par uneréflexion sur la crise écologique actuelle.S’appuyant sur de nombreuses citations,parfois inattendues, Jean-Claude Pierreconstruit un plaidoyer autour de la nécessité de lier la crise écologiqueactuelle au problème des inégalitéscroissantes!: la solidarité ou le chaos!?

L’espoir citoyen Manifeste pour unenouvelle gouvernanceAlain Zolty (L’Harmattan, 24!, 238 pages)Ce manifeste propose un regard critiquesur l’état du mouvement écologiste en France et analyse l’évolution du rapport de force entre les associationset les politiques autour de thèmes comme la prise en compte des limitesfinies de notre planète. Une réflexion de plus pour alimenter le débat sur une évolution démocratique de notre société. Alain Zolty a étéconseiller national des Amis de la TerreFrance dans les années 1980!; il chercheà relancer la dynamique de création d’un groupe local autour de Montpellier.

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> Les banques sous pression citoyenne": l’heure des comptesRéalisée par les Amis de la Terre et Attac dans le cadre de leur campagne commune“À nous les banques!!”, cette grande évaluation citoyenne a été menée sur la base de questionnaires détaillés envoyés aux dix plus grands groupes bancaires opéranten France. Elles sont ici jugées sur leur politique de spéculation et de prise de risque,leur comportement envers les clients et les salariés, leur prise en compte de l’environnement et des populations locales, la démocratie. Verdict ? Nombre d’entre elles sont dans le rouge... > Consulter le rapport final et le classement!: www.amisdelaterre.org/Nouveau-rapport-Les-banques-sous.html

> Qui finance le changement climatique ?Un an après le nucléaire, on connaît désormais la liste des banques privées quifinancent le plus l’industrie du charbon – la plus climaticide – à travers le monde.C’est le rapport “Bankrolling Climate Change”, publié par les associations Urgewald,Earthlife, GroundWork (les Amis de la Terre Afrique du Sud) et le réseau BankTrack,qui nous l’apprend. On retrouve, une fois encore, les banques françaises BNP-Paribas,Société Générale et Crédit Agricole dans le top 20 mondial. > Consulter le rapport en anglais!: www.amisdelaterre.org/Qui-finance-le-changement.html

> Récolter l’argent": comment les banques européennes et la finance privée profitent de la spéculation alimentaire et de l’accaparement des terres Tout est dit dans le titre de ce rapport publié par les Amis de la Terre Europe et qui analyse les activités de 29 banques, compagnies d’assurance et fonds de pension européens – parmi lesquels les français BNP-Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et AXA. Les Amis de la Terre dénoncent ces comportements qui mènent tout droit à une instabilité catastrophique des prix des denréesalimentaires, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté et la faim.> Consulter le rapport en anglais : www.amisdelaterre.org/Nouveau-rapport-les-banques.html

PublicationsDe vrais indices pour jugerl’action des banquesPubliés entre fin 2011 et début 2012, trois nouveaux rapportsapportent des éléments d’analyse solides quant à la responsabilité sociale et environnementale des banques.

Parce qu’il y a nécessité et urgence à produire une information plus juste surla réalité du monde, ALTERMONDES ouvre ses colonnes aux acteurs des socié-tés civiles, au Nord comme au Sud, pour faire connaître les analyses, projets etalternatives portées par les mouvements citoyens dans le monde.Revue trimestrielle destinée à toutes celles et à tous ceux qui s’intéressent auxquestions de solidarité internationale, de développement durable et de droitshumains, Altermondes cherche à favoriser la compréhension des questions etenjeux internationaux et à promouvoir les pratiques et les comportements res-ponsables.Les Amis de la Terre et ALTERMONDES partagent une conviction qui les conduit àcollaborer régulièrement : chacun a le droit de vivre dans un environnementsain et le devoir de le préserver. En mars pro-chain, à l’occasion du Forum mondial de l’eau etdu Forum alternatif, la revue publiera ainsi unnuméro spécial : Quelles solutions pour préser-ver la ressource et permettre l’accès pour touteset pour tous à une eau de qualité ? Le dossierfera entendre la voix des sociétés civiles de Pa-lestine, Inde, Moldavie, Afrique du Sud, Maroc,Djibouti, Brésil, Burkina Faso, Philippines, Niger,Sénégal, Ouzbékistan, Madagascar, Tchad, Cam-bodge… Et, dans la perspective du Sommet Rio+ 20, la revue consacrera en juin un dossier auxquestions de transitions écologiques .Pour s’informer, acheter un exemplaire déjà paru ou s’abonner (30 !/an)

www.altermondes.org

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En septembre 2009, le cadre régle-mentaire de l’assainissement non col-lectif évoluait pour faire une – petite –place aux toilettes sèches en France.Ce texte permettait ainsi de régulari-ser la situation de nombreuses instal-lations et, tout en laissant des ques-tions en suspens, ouvrait la voie àdes toilettes intelligentes.

Les toilettes sèches, comme leurnom l’indique, sont des installationssanitaires n’utilisant pas d’eau. Ellesse divisent en deux grandes catégo-ries!: le système – encore assez com-plexe – des toilettes dites à sépara-tion d’urine, et celui, plus connu enFrance, des toilettes à compost ou àlitière. Ces dernières, dont l’installa-tion est assez simple, nécessitent desvidanges régulières.

Que des avantages !D’apparence rustique, cette secondecatégorie se démarque néanmoinsde la cabane au fond du jardin denos aïeux, à laquelle elle est trop sou-vent comparée, par une innovationde taille. L’apport régulier de cellu-lose – le plus souvent, de la sciure –stoppe le processus de décomposi-tion et permet le début du compostage,tout en évitant les mauvaises odeurs.

Si l’on a vu fleurir les toilettes sècheslors de festivals et d’événements, il est en-core rare d’en croiser chez les particuliers.D’après une étude réalisée par Toilettes duMonde, en 2010, 3 000 à 6 000 ménagesen étaient équipés en France ; la mêmeannée, 500 000 nouvelles toilettes sèchesont été installées en Finlande (pays dix foismoins peuplé…). Les toilettes sèches sontquasiment absentes des entreprises, desadministrations et des lieux publics.

Gaspillage d’eau – la consommationmoyenne d’une chasse d’eau est estimée

à 40 litres par personne et par jour –, pol-lution de l’eau par les matières fécales,non valorisation du compost de nos dé-jections… nos toilettes classique sont unnon-sens écologique.

De plus, le système habituel d’assai-nissement français, qui mélange les eauxgrises (douche, lavage, cuisine) et les eauxvannes (excréments), impose un traitementimportant et des volumes considérables.Si des stations d’épuration traitent les eauxusées avant de les reconduire vers lesrivières, leur qualité se dégrade cependant.Et le devenir des boues d’épuration esttoujours problématique. Opter pour les

toilettes sèches nécessite certaine- ment de changer de regard sur nosexcréments. De déchets à évacuerle plus rapidement possible, quelqu’en soit le coût financier ou envi-ronnemental, ils deviennent des res-sources à gérer. Cette étape franchie, une information– voire une formation – sur le com-postage et les précautions concer-nant les agents pathogènes est re-commandée. Enfin, reste à faire lechoix de l’équipement et de l’instal- lation!: autoconstruction ou achat. Si le marché de fabricants locauxde toilettes sèches est encore émer-gent, la France a cependant la parti-cularité de regorger de très nom-breuses structures – associations ouentreprises – qui proposent services,conseils ou locations.

Des collectivités pionnièresCertains lieux naturels peu accessi-bles (comme les refuges) sont déjàpourvus de toilettes sèches – sou-vent à séparation. Des collectivitésengagent également une réflexion surleurs toilettes publiques. A Pluneret, dans le Morbihan, des

toilettes chimiques installées près d’unechapelle et d’un chemin de randonnée ontété remplacées par des toilettes sèches àcompost. Les agents communaux se char-gent de l’entretien et de la gestion du com-post qui est ensuite valorisé dans les es-paces verts de la commune. Des collecti-vités qui donnent l’exemple!?

> LUCIE LEBRUNEn savoir plus De très nombreux sites etouvrages dispensent des conseils pour comprendre,autoconstruire et composter. Parmi ceux-ci, citons le Réseau de l’assainissement écologique qui rassemble un grand nombre de ces acteurs et produit des guides de bonnes pratiques.www.rae-intestinale.org

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

Un p’tit coin d’paradis…

“Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord.”

Direction de la publicationMartine Laplante

Rédaction en chef Caroline Hocquard Adjoints Sophie Chapelle et Laurent Hutinet Correction et secrétariat

de rédaction Gwenn-MorganRambaud et Caroline Hocquard

Iconographie Caroline Prak et Alain Dordé Comité de rédaction Sophie Chapelle,

Philippe Collet, Alain Dordé, Cyril Flouard,Caroline Hocquard, Laurent Hutinet, LucilePescadère, Caroline Prack

Ont collaboré à ce numéro Sylvain Angerand, Maxime Combes,Marie-Christine Gamberini, Camille Lecomte, Lucie Lebrun, Ronack Monabay, Jean-Claude Oliva,Anne-Charlotte Moÿ, Romain Porcheron

Mise en pages Edwige Benoit Relations presse Caroline Prak

(01 48 51 18 96) Impression sur papier recyclé

Offset Cyclus 90 g avec encres végétalesStipa (01 48 18 20 50)

PratiquesLes toilettes de l’archiduchesseEvidence écologique, cadre réglementaire évoluant peu à peu dans le bon sens… Les toilettes sèchesont tout pour plaire. Mais, si les installations sont de plus en plus nombreuses, elles restent encore troprares en France. Des associations, des collectivités et des particuliers tentent d’inverser la tendance.

Le Courrier de la Baleine n° 168 Trimestriel Hiver 2011-2012 CCPAP n° 0312 G 86222 • ISSN 1969 - 9212

Ce numéro comporte un encart jeté (bulletin d’abonnement et coordonnées du réseau des Amis de la Terre).